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CCXLVIII.

Aux propres les mâles excluent les femelles.

En succession de propre, tant qu’il y a mâles ou décendans des mâles, les femelles ou décendans des femelles ne peuvent succeder, soit en ligne directe ou collaterale.

On peut rapporter la premiere origine de cette Coûtume à la loy Salique de terrâ vero Salicâ nulla portio veniat mulieri, sed ad sexum virilem tota terra hereditas perveniat. Cette loy parût dure et rigoureuse aux Gaulois et aux Romains qui demeurerent dans les Gaules, qui observoient l’une jurisprudence contraire, à sçavoir le droit Romain. Nous apprenons cela par une Formule deMarculphe , l. 2. c. 12. où un pere parle en ces termes de cette loy Salique. Diuturna sed impia consuetudo inter nos tenetur, ut de terrâ paternâ, sorores cum fratribus portionem non habeant, sed ego perpendens hanc impietatem sicut mihi à Domino aequaliter donati ectis, ita & sitis à me aqualiter diligendi, et de rebus meis post meum decessum aqualiter eratulemini ; idebque per hanc Epictolam meam, dulcissima filia, contra germanos tuos, filios meos illos, in omni hereditate meâ aequalem & legitimam effe heredem meam, ut tam de alode paterno quam comparato, vel mancipiis, vel presidie noctro, vel quodcunque morientes reliquerimus, aequâ lance cum filiis meis dividere queas, &c Mr Cujas a rapporté cette même Formule dans le Livre S. de ses Observations, c. 14.

On peut juger par ce discours que cette loy Salique ne plût pas aux Gaulois, et c’est sans doute deà que procede ce changement de la loy Salique dans la Coûtume de Paris, et en plusieurs autres de la France

Mais cette loy établie par les François dans les Gaules ne leur êtoit pas particulière, elle croit observée par les autres peuples du Nort, car nous trouvons la même disposition dans les loix Ripuaires. Sed dum viriaeis sexus extiterit, femina in hereditatem aviaticam non succedat. Dans les loix des Saxons, c. 39. pater aut mater defuncti filiis, non filiae hereditatem relinquant ; et in legibus Anelicorum Tit. 7. hereditatem defuncti filius, non filia fuscipiat, si filium non habeat qui defunctus est ad filiam pecunia & mancipia, terra vero ad proximum paterna generationis consanguineum pertineat Quand les Normans s’établirent en cette Province, ils trouverent sans doute les François partagez sur lobservation de cette loy Salique, les uns voulans la maintenir exactement, les autres y apportans un temperamment, en se donnant la liberté de rappeler ou de reserver leurs filles à partage ; sur cela les Normans embrasserent le party de la loy Salique, comme plus conforme à leurs moeurs et à leur genie, ils en firent le droit general et commun de leur Province, et neanmoins ils conserverent cette liberté aux peres et meres de pouvoir, si bon leur-senibluit, reserver leurs filles à partage sous les conditions et dans les termes qui sont expliquez par les Articles qui traitent des reservations à partage.Dadin , de Alta-Serra, de Duc. et Comit.

Provinc. l. 3. c. 16. a écrit que cette loy Salique, qui déplût aux Gaulois, et peut e être aussi aux François, pour les successions des particuliers, commença de renaître aprés l’usurpation que les Ducs et les Comtes firent de leurs Gouvernemens, afin de les conserver dans sieurs familles, car pour la succession du Royaume la loy Salique est toûjours demeurée inviolable.

Les Anglois et les Ecossois observent une Coûtume pareille à la nôtre.Skenaeus , de legi Scor. l. 2. c. 30. generaliter verum est quod mulier nunquam cum masculo partem capit in hereditate aliquâ, et ita filius, sive primâ, sive mediâ, sive ultimâ uxore natus, succedit patri in totum pra omnibus sororibus.

Pour soûtenir cette Coûtume si défavorable à tout le sexe des femmes on allégue l’autorité la plus venerable de toutes, à sçavoir la loy Mosaique, c. 27. du Livre des Nombres, apud Hebraeos, cries hereditariae successionis hujusmodi est, siquis moriatur filio non superstite, transferetis hereditatem ad siliam ejus, filius anteponendus filiae, & universa proles è femore ejus egressa, est anteponenda filiai filia est anteponenda fratribus. C’est la doctrine des Rabins, qu’ils ont fondée sur le y. 8. du 27. c. des Nombres.

Cet usage d’exclure les filles des successions est tres-ancien ; je n’estime pas néeanmoins que ce partage que Jacob fit entre ses enfans en puisse fournir un exemple, en ce qu’il ne parle point de Dina sa fille, et qu’il ne luy laissa aucune part, car on peut douter si son pere lavoit menée en Egypre ; et bien qu’il soit dit qu’il amena avec soy ses enfans, et les enfans de ses enfans, ses filles, et les filles de ses fils, neanmoins dans le dénombrement particulier qui en est fait, Dina n’est point nommée, et d’ailleurs elle pouvoit être morte lorsque Jacob fit son restament ; mais on en trouve une autorité expresse au 31. de la Genese, où les femmes de Jacob reconnoissent qu’elles n’ont plus rien à espeter en la succession de Laban leur pere.

Cette exclusion des filles n’est prononcée qu’en faveur des fils, ainsi les filles de Tselophead n’ayans point de freres furent admises à la succession et à la part de leurs peres, nombre 27. et cette Coûtume n’est pas singulière à cette Province, extant in libris nostris, dit M d’aergentté, viginti amplius versuum millia de statuto excludente fominas à successione paternâ vel avitâ : favor hic perpetuandae familiae & pecuniae et bereditatis gentilium, ut opes ad masculos potius decurrerent, et feminis satis factum videri debet, si maritis locarentur ex dignitate. C’est-là la veri-à table loy Salique. Et ce qui montre que cette exclusion des filles n’est ordonnée qu’en faveur des mâles, c’est que la pluspart des Coûtumes ajoûtent comme la nôtre, que ce n’est que tant qu’il y a des mâles qu’elles ne peuvent succeder. Bourgogne, Tit. 7. 8. 12. Nivernois, Tit. des Gens Mariez, Article 24.

Cet Article recoit beaucoup d’exceptions pour les successions directes, les filles succedent à eurs peres, s’ils les reservent à leur succession, Article 258. comme aussi à celle de leur mere 259. si les freres les veulent admettre 258. si les freres sont refusans de les marier, Article 274. si les tteres sont confisquez ou decretez, Article 263. c’est pourquoy il ne faut pas dire que les filles sont incapables de succeder, mais qu’elles n’y sont pas admifes.

Ces paroles Cou décendans des femelles ) ont terminé cette question, an sub appellatione liberorum vel descendentium masculorum, comprehendatur minsculus descendens ex seminâ : Du Moulin avoit fort bien remarqué que quand il s’agit de l’explication de Loix, de Coûtumes, et de Contrats sous ce terme de femelle sont compris les mâles décendans des femelles, qui sont également exclus, quia illud statutum videtur esse agnationis conservandae causâ quod est favorabile, l. 1. 8. enult. de ventre inspiciend. Il en est de même pour les testamens, nam quando liberi vel descendentes l. masculi ponuntur in diffiositione, intalligitur masculis ex masculis.Molin . de feud. si S. 16. n. 3. et sequentibus. Sur le sujet de l’exclusion des filles voyez Bodin en sa Republique, l. 5. c. 2.

Justinien Quoy que Justinien ait appelé les filles aux successions, il avoué neanmoins qu’elles en avoient été excluses pour cette raison, que commodius videbatur ita jura constitui, ut plerumque heroditates ad masculos consluerent, Institut. l. 3. Tit. 2. de legitim. adgnat. Success. &Baro , en cet endroit, ajoûte multis certè de causis, id ita constitutum est, quiae familiam conservant mosculi, publica munena obeunt, rempubl. domi & militiae administrant : feminae vero de familiâ exeunt.

Generaliter verum est, ditGlanville , quod mulier nunquam cum masculo partem capit in hereditate, nisi aliud speciale fiat in aliquâ civitate, & hoc per longam consuetudinem ejusdem civitatis.

Mais au defaut des freres les soeurs sont appelées à la succession, et l’ordre de succeder est décrit par cet Auteur, 1. 7. c. 4. conforme à celuy que nous observonsGodefroy , sur les paroles de cet Article, ( ne peuvent succeder ) apporte cette exception, à l’héritage n’est assis en bourgeoisie, auquel cas, dit-il, les seurs partagent également avec les frères, suivant l’Article 270. Cet Auteur, comme plusieurs autres, est tombé dans cette erreur, que les filles, quoy qu’elles ne soient pas reservées ou reçûës à partage, partagent également les biens en bourgage, se fondant sur cet Article 270. mais il faut prendre garde que se cet Article n’a lieu que quand les seurs sont reservées à partage, et quand elles ne le sont point elles n’ont point une part plus grande aux biens de bourgage que dans les autres biens. Il est arrété de la sorte par l’Article 51. du Reglement de 1666.

Ces paroles ( tant qu’il y a des mâles ) s’entendent de mâles habiles à succeder, autrement paria sunt, non esse masculos et non esse habiles ad succedendum.