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CCL.
Que peut donner le pere mariant sa fille.
Le pere et la mere peuvent marier leur fille de meuble sans héritage, ou d’heritage sans meuble, et si rien ne luy fut promis lors de son mariage, rien n’aura.
Le mariage des filles est un sujet digne du soin et de la prudence des Legislareurs ; il est de finterest public et particulier qu’elles foient mariées. Les Romains n’ont pas ignoré cette vérité, et quand un pere négligeoit ce devoir, le Magistrat le pouvoit obliger à s’en acquitter. Pater non mod8 dotem dat, sed etiam si atas et pudor puellae flagitat, dare per Magistratum cogitur : Ils en faisoient ee mênre un crime en la personne des peres, capite legis Juliae, qui liberos mjuriâ prohibuerint uxores ducere, vel qui dotem dare non volunt, coguntur in matrimonium collocare vel dotare : Et ils estimoient que c’êtoit empescher le mariage de leurs enfans, que de ne leur chercher pas un party, prohibere videtur qui conditionem non querit. l. capite 19. de ritu nupt. et c’est pourquoy la loy dernière. 5. utramque C. de dot. promiss. dit que paternum est officium dotare filias. Ce matiage des filles étoit si favorable, que si le fils avoit emprunté de fargent pour donner en dot à sa soeur ; le pere en étoit responsable, tanquam de in rem verso. l. filiusfamilias 17. Ad Senat. Consult. Macedon. Si le pere êtoit furieux ou prodigue le curateur pouvoit donner la dot, que s’il étoit captif chez les ennemis en attendant son retour, le Magistrat regloit ce qu’il faloir pour doter la fille, l. 5. 8. 1. de jure dori ce qui ne se pratiquoit pas seulement pour les filles legitimes mais aussi pour les naturelles ; ex aequo & bono, boni viri arbitratus dotem constituere cogebatur. Et Tacite remarqué, Annal. l. 3 s que Lepidus s’excusa de passer en Aftique en qualité de Proconsul, parce qu’il avoit une fille prête à marier ; tanta erat majorum cura de collocandis filiabus.
On n’usoit pas de cette rigueur contre la mere, elle n’étoit point forcée de doter sa fille, le pere même ne luy pouvoit assigner de dot aux dépens des biens maternels, l. neque mater c. et de jure dot. voyezHottoman , de Dotibus ; mais toute cette jurisprudence est abolie par nos Coût tumes, qui laissent en la liberté du pêre et de la mère de donner ou de ne donner pas.
C’est la décision de cet Article qui permet aux peres et meres deux choses, de marier leur fille de meuble sans héritage on d’héritage sans meuble, ou de ne luy donner rien, étant privée de rien demander, si son pere en la mariant ne luy a rien promis, car la Coûtume le tend le maître absolu de la fortune de ses filles ; il peut ne leur donner que ce qui luy plaist et de telle nature de bien qu’il le juge à propos ; et quoy qu’il ne luy donnât rien, pourvû qu’il fait mariée, elle n’a point d’action pour s’en plaindre et pour demander une legitime, et c’est pourquoy il est inutile en cette Province de traiter ces questions, si les renonciations faites par la fille à la succession de son pere lorsqu’il la mariée sont valables, car il n’est point permis d’examiner si le pere ou la mere functi sunt pietatis officio, il suffit qu’ils l’ayent voulu. Il est vray neanmoins que cela n’a lieu que pour les successions à échoir, et non point pour celles qui sont échuës, en ce cas le pere ne peut ôter à sa fille le droit qui luy êtoit acquis.
Toutes les loix anciennes et modernes sont fort differentes pour la legitime des filless parmy plusieurs Nations les filles ne portoient point de dot à leurs maris, et au contraire elles étoient dotées par eux, ce qui se pratiquoit parmy la pluspart des Orientaux, et c’étoit aussi Drusius la coûtume parmy les Juifs. Drusius, en ses Notes, sur S. Matthien, Cap. 1. P. 20. rapporte Je passage de Rabbi Moses si, qui despondet mulierem adducit testes et desponsat coram eis, pecuniâ aut re aliquâ aequivalente, etiam obolo, quem dat et coram illis, & dicit, esto mihi desponfata hac re, fecundùm legem Mosis et Israel, &c. Parmy les autres c’étoit une coûtume de ne à leur donner que des meubles, et de les exclure de prendre part aux héritages : Enfin en quelques lieux on a réglé la somme que l’on pouvoit leur donner, et Charles I7. en fit une loy ex presse. Nôtre Coûtume l’a remis à la prudence et à l’affection du père de donner ce qu’il luy plaira, et s’il a estimé à propos de ne rien donner la loy impose silence à la fille, parce que la loy présume que pietas paterna consilium capit pro liberis : Il suffit à la fille que son peré fait pourvde par un mariage. Mr d’Argentré en rend cette raison sur l’Article 225. de la Coûtume, gl. 4. n. quod femina ex matrimonio communionem bonorum mobilium et conquae : stuum consequuntur tum doarium tertiae partis bonorum mariti, & sic satisfactum est humanitati & officio paterno, si ista tanta filia à patris curâ esset consequuta. La Coûtume n’a point mis de distinction entre les personnes, la fille noble n’a point de prerogative plus que la rotutiere, en quoy elle paroit plus judicieuse que ces autres Coûtumes qui ont fait de la difference entre les personnes, ce qui ne sert qu’à produire des procez :
Mais on engage le pere qui a promis et qui n’a pas acquitté sa promesse en mariant sa fille à prendre garde que ce qu’il paye depuis au mary et qu’il destine pour la dot de sa fille soit assuré et qu’elle puisse en être payée sur les biens du mary, autrement il en demeure garand ; les freres sont pareillement obligez à user de cette précaution, et comme cette garantie de dot est singulière en Normandie, et qu’elle y fait naître tous les jours plusieurs contestations, il est important de remarquer quelle est la jurisprudence établie sur cette matière par les Arrests, et en quel cas et contre quelles personnes cette garantie peut échoir.
On peut trouver étrange que le pere soit obligé de garantir et de faire valoir la dot qu’il a promise à sa fille aprés l’avoir payée au mary ; cette donation qu’il fait à sa fille étant une pure siberalité, la loy ne le forcant point à donner cette garantie semble n’avoir aucun pretexte raisonnable, nam ex liberalitate nemo tenetur. l. Aristo. D. de Donat. Aussi la Cour n’a pas approuvé que le pere fût generalement et absolument responsable de ce qu’il promettoit à sa fille, et qu’ilf payoit à son gendre ; elle a restreint et limité cette action en garantie à certains cas, comme je l’expliqueray particulièrement. Ce que le pere promet par le contrat de mariage, et qu’il paye comptant, n’est point sujet à garantie. Atrest du 27 de Septembre 1639. par lequel on 5 confirma les Sentences qui en avoient déchargé le pere.
Il n’est pas même nécessaire que largent soit payé avant les épousailles ; quand il promet de fargent, quoy qu’il soit payable aprés le mariage dans certains termes, il n’y échet point aussi de garantie, encore même que le payement n’ait été fait qu’aprés les termes échûs : Ainsi jugé par Arrest, au Rapport de Mr Buquet, le 9 de Juillet 1659. aprés en avoir consulté toute la Grand-Chambre, entre les nommez le Forestier. Le pere avoit promis de payer dans un certain temps, et encore qu’il n’eûr payé qu’aprés le terme échâ, il fut déchargé de la garantie, par la raison qu’il ne s’étoit point constitué en rente ; cet Arrest est considérable, on ne doutoit point que le pere ne fût à couvert de la garantie lorsqu’il avoit promis dans un temps et payé dans le terme, et on n’obligeoit point le pere à la garantie ; par cet Arrest on a même jugé que le pere ou ses heritiers ne pouvoient être inquietez, quand on ne promettoit que de l’argent exigible aprés un temps préfix, nonobstant que le pere n’eût point payé précisément dans le temps. La même chose fut jugée en la Chambre des Enquêtes le premier de Mars 1660. au Rapport de Mr Clement ; le sieur de Pigousse, qui avoit donné vingr : cind mille livres à sa fille en la mariant au sieur de Gourfaleur, et qu’il promettoit de payer en uatre termes, fut aussi déchargé de la garantie. Autre Arrest sur ce fait, Roland de Malfilfastre promit à sa fille en la mariant deux mille livres, il en paya mille livres comptant, et pour les autres mille livres il s’obligea de les payer en quatre termes, ce qu’il executas de cette somme le mary en avoit consigné sept cens livres en dot, et ses biens ayant été aisis et vendus sa femme ne pût y être colloquée utilement, et neanmoins elle ne demanda aucune recompense contre son pere ; vingt : cinq ans aprés sa fille nommée Renaut poursuivit Guerout qui avoit épousé la petite, fille de Malfillastre pour luy payer cette sommes elle fut deboutée de son action par le Vicomte et par le Bailly de Caen ; sur son appel Thetroulde, son Avocat, s’aidoit des Arrests par lesquels le pere avoit été condamné à la garantie, et prétendoit qu’il faloit faire distinction entre l’argent que le pere avoit payé comptant avant les épousailles et celuy qu’il avoit payé depuis le mariage, qu’au premier cas il n’y avoit pas de farantie, mais que quand le pere s’étoit une fois constitué debiteur il êtoit en obligation de chercher son assurance sur les biens du mary. Je répondois pour Guerout intimé, qu’il ne faloir point faire de distinction entre l’argent payé avant ou depuis les épousailles, que le pere n’étoit garand que quand il s’étoit constitué en rente, car alors ayant fait paroître qu’il ne s’assuroit pas ur la solvabilité du mary, puisqu’il avoit retenu l’argent, et qu’il s’étoit constitué en rente, il n’avoit pû payer par aprés sans stipuler un remploy ; j’ajoûtois que la poursuite de l’appelante étoit tres-défavorable, que pour condamner les peres à cette garantie il faloit renverser cette maxime, qu’on n’est point garand de sa liberalité, car puisque le pere pouvoit ne rien donner à sa fille il étoit injuste de le faire répondre d’une somme mobiliaire qu’il avoit payée volontairement : Par Arrest en la Grand-Chambre du 31 de Juillet 1663. on mit fut l’appel hors de Cour.
Le seul cas donc où le pere peut être poursuivi pour la garantie de la dot promise à sa fille, lorsque le mary qui la reçûë est insolvable., est lorsqu’il s’est constitué en rente ; cela n’est oint problématique au Palais. Du Val en mariant sa fille à Germain Assout luy donna six cens livres, sçavoir cent-cinquante livres en don mobil qui furent payez avant les épousailles, et les quatre cent-cinquante livres furent constituez en trente-cinq livres de rente dotale. Du Val fils en à presence de son pere en fit le rachapt entre les mains d’Assout : aprés sa mort sa femme demanda les quatre cent-cinquante livres à son pere, elle fut deboutée de son action par le Vicomte et par le Bailly, et les Sentences furent confirmées par Arrest ; mais cet Arrest étant contraire à la jurisprudence du Palais, on fe pourvût par Requête. civil, et quoy qu’on n’alseguât pour moyens de Requête civil que la contrarieté d’Arrests, les parties futent remises en tel état qu’elles étoient avant l’Arrest, et en infirmant les Sentences on dit à bonne cause l’action de la fille, par Arrest du 20 de Novembre 1642. plaidans Eustache et Pilastre. Autre pareil Arrest en la Chambre de l’Edit, au Rapport de M’d’Amiens, du 26s d’Aoust 1634. pour une femme nommée Robert.
Cette matière de la garantie de la dot contre le pere n’étoit pas fort connuë du temps de nos deux Commentateurs : Bérault avoit cité un Arrest par lequel un pere avoit été déchargé de la garantie pour une somme de six cens livres qu’il avoit payée comptant à son gendre Godefroy écrivit que cet Arrest ne pouvoit servir de Reglement pour condamner indistinctement les peres à la garantie, parce qu’en l’espèce de cet Arrest le pere avoit payé comptant, et que c’étoit un meuble dont il étoit quitte en payant, mais qu’il ne croyoit pas que si le pere avoit promis de la renteà sa fille pour sa dot iline fût tenu à la garantie en cas d’insolvabilité du mary : Berault dans la seconde Edition de son Livre n’approuva point cette distinction deGodefroy . Il luy reprocha qu’il donnoit un mauvais sens à l’Arrest, et qu’il l’entendoit mieux que luy pour en avoir conféré avac les Jugest Cela me persuade que Berault étoit dans ce sentiment, que suivant cet. Arrest les peres n’étoient point obligez à la garantie de la dot promise à leurs filles : et toutefois l’opinion de Godefroy a prévalu, et les Arrests ont approuvé : sa distinction. Un pere en mariant sa fille avoit stipulé qu’il pourroit bailler des héritages pour le payement de la dot par luy promise, ce qu’il executa depuis, ayant baille quelques quartiers de vigne au mary qui les laissa deperir ; aprés sa mort sa veuve demandoit sa dot à son pere, prérendant que le fonds qu’il avoit baillé éroit de nulle valeur il fut soûtenu par le pere qu’il avoit pû se libeter en vertu de la stipulation du contrat de mariage, voulant verifier que le fonds qu’il avoit baillé valoit la fomme promise, ainsi qu’il n’étoit tenu de la diminution, puisqu’il n’avoit promis que sous cette condition : Par Arrest du 3 de Février 1671. en la Grand-Chambre, il fut reçû à cette preuve, plaidans Theroulde et de l’Epiney.
On s’abusoit si fort sur cette garantie de la dot, que même une bâtarde inquieta les heritiers de son pere naturel, pour luy faire valoir ce qui luy avoit été donné pour être sa dot.
Perrette Diomais êroit fille naturelle de Mr Jean Bucaille, Notaire en la Cour des Aydes. Il luy avoit legué par son testament deux cens livres, qui luy furent payées lors de son mariage. par Marie le Guay, veuve du défunt ; mais elle vouloit rendre les heritiers de son pere naturel responsables de quatre-vingr livres qui avoient été constituez en dot, vù l’insolvabilité de son mary : sur le Mandement que cette bâtarde avoit obtenu, on mit les parties hors de Cour par Arrest de la Grand-Chambre du 24 de May 1656. On avoit jugé le contraire en l’Audience de la Grand Chambre le 19 de Novembre 1652. pour la veuve du Prevost, Procureur en la Cour, frèré d’un nommé le Bailly, mais on se fonda sur une clause particulière du contrat de mariage qui portoit garantie.
Voicy une espèce singulière de garantie : une fille avant que d’être mariée avoit été condamnée personnellement à quelques dettes ; son pere l’ayant mariée on demanda cette dette au mary, qui conclud que le pere len devoit liberer, car luy ayant promis une somme il en devoit joüir pleinement et librement, autrement il auroit été trompé à la bonne foy, si n’ayant pas sçû cette dette, et le pere ne la luy ayant pas déclarée, il étoit contraint de la payer, par ce moyen il n’auroit rien en dot. Le pere s’aidoit de cette regle, qui épouse la femme épouse les dettes, que ce qu’il avoit donné à sa fille procedoit de sa liberalité, et qu’il ne pouvoit être obligé à luy en donner davantage : Par Arrest en l’Audience de la Tournelle du 8 d’Aoust 1609. le pere fut condamné à payer la dette.
Parmy les Romains dos à patre dabatur, aut dicebatur, aut promittebatur. Dabatur, cûm pra. sens erat dos, non quod ea statim traderetur viro, quamvis & hoc fieri posse constet, sed pridie nuptiurum, aut circiter apud Aruspices deponebatur, ut in crastinum nuptiarum viro solveretur : quod si dos prasens non effet, aut dicebatur, aut promittebatur : dicere est aliquid ultro polliceri : promittere dorem omnes possunt. Nupt. c. 4. et 5. Nous pratiquons la même chose : en promet de payer argent comptant avant ou aprés les épousailles, ou lon se constituë en rente, quoy que le pere ne paye pas ce qu’il a promis dans le terme qu’il a préfix, on ne doit pas agir dans la derniere rigueur, suivant la pensée des Jurisconsultes, l. Avus neptis ff. de jure dot. pater filii nomine promisit centum cûm commodissimum erit, intelligitur cûm primùm sine turpitudine et infamiâ dari posset
Dans les cas où le pere est responsable de la dot de sa fille, quand il la paye à un mart insolvable, on a fait naître ces deux difficultez en consequence de cette garantie, si la fille avant que de pouvoir agir contre son pere est tenue de discuter les biens de son mary quand elle n’a point signé au contrat de rachapt, ou si au moins elle n’est pas tenuë de dénoncer à son pere la vente et ajudication qui se fait des biens de son mary : Mais parce que ces quetions arrivent plus souvent contre les frères, je remets à les traiter sur l’Article suivant, avec celle de la garantie contre les freres.
Outre cette rigueur de la garantie à laquelle on a soûmis les peres et les freres, il n’est pas même en leur puissance d’obliger les maris à leur donner caution pour leur assurance, lors qu’ils veulent se liberer de ce qu’ils doivent à leurs filles ou seurs, ce qui a été décidé plusieurs fois. Pierre du Hamel voulant acquiter la dot de Marie du Hamel sa seur, laquelle êtoit separée de biens d’avec son mary, il la fit condamner à luy donner caution : Sur l’appe Eustache, son Avocat, disoit qu’elle n’y êtoit point obligée ; car si elle ne pouvoit recevoir sa dot qu’en donnant caution, elle en seroit frustrée, qu’il ne pouvoit pas même la consigner, parce que cette consignation feroit cesser les interests, qui sont destinez pour leur nourriture, la Coûtume ayant exclus les filles des droits de succeder, et n’ayant d’autres biens que leur dot, il leur seroit impossible de trouver des cautions : Par Arrest du 1s de Juillet 1644. il fut dit que le frere mettroit les deniers entre les mains de sa seur, si mieux il n’aimoit en continuer l’interest. La même chose fut jugée en plus forts termes pour Capieres Procureur en la Cour, contre les Osmont frères de sa femme ; le pere même ne peut demander caution. De la Roque voulant racheter la dot qu’il avoit promise à sa fille offiit de la consigner faute de remploy : Je soûtenois le contraire pour le mary, et le pere se voyant mal fondé en sa prétention, demanda qu’il luy fût permis de bailler da fonds, ce qu’on luy accorda : Par Arrest, au Rapport de M’Baudry, du mois d’Avril 1660. Un pere néanmoins n’est pas recevable à cette offre quand il a promis de l’argent, et le gendre ne doit pas être forcé à changer les stipulations de son contrat en prenant un fonds qui souvent luy seroit inutile et incommode, au lieu de l’argent qu’il avoit stipulé pour l’accommodement de ses affaires.
Un acquereur des héritages du frere prétendoit être plus favorable, n’ayant point acquis à cette condition, il vouloit obliger le mary à fournir caution : Par Arrest du mois de May 1660. le mary en fut déchargé, il se nommoit Rabey
Il n’est pas neanmoins toûjours en la liberté du pere ou du frère de retenir la dot qu’ils ont promise, car quand ils se sont obligez de payer, sans stipuler de caution ni de remploy, ils ne peuvent éluder l’execution de leurs promesses ni demander de nouvelles assurances aprés s’être arrêtez à la solvabilité du mary. Arrest du 4 de Juin 1662. entre Fortin et des Moutes, plaidans Lyout et Theroulde : Le pere avoit promis de payer six cens livres la veille des épousailles, laquelle êtoit remplacée par l’intimée sur tous ses biens, le mariage avoit été célèbré, bien que l’argent n’eut point été payé, depuis le pere étant poursuivi il demanda caution, le mary soûtenoit que le contrat ne l’y obligeoit point, et qu’il n’avoit pas voulu traiter sous cette condition, ce qui fut jugé de la sorte ; sur l’appel on confirma la Sentence. Autre Arrest du 8 d’Aoust 1662. sentre Hunel et Pierre-Jean, plaidans le Perit et de l’Epiney.
On le jugea encore plus favorablement en cette espèce : Un oncle avoit donné à sa nièce en faveur de mariage trente livres de rente à prendre sur tous ses biens, et il luy avoit delégué des fermiers pour le payement des arrerages ; depuis en vendant ses héritages il avoit chargéu l’acquereur de le liberer de cette rente ; cet acquereur en voulant faire le rachapr demanda caution au mary ou un remplacement, dont il fut debouté par le Vicomte et par le Bailly ; ce qui fut confirmé par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre le 7 de Mars 1670. plaidans Greard e et Mannoury, parce que le donateur avoit donné une rente sur tous ses biens, sans se reserveré la faculté de la racheter, et l’ayant donnée dans la vûë de faire subsister les mariez, êtans dans g l’impuissance de fournir une caution, il les eut privez de leurs alimens Dans la deuxième partie de cet Article la Coûtume dispofe que si le pere n’a rien promis a sa fille en la mariant, elle ne peut rien demander sur son bien. Son motif a été sans doute que la pieté paternelle a porté le pere à faire tout ce qui étoit raisonnable et necessaire pour la subsistance de sa fille.
Cette presomption ne se rencontrant pas quand la fille s’est mariée sans le consentement de son pere, on a douté si aprés la mort de son pere on luy devoit permettre de demander quelque chose à ses freres : On peut dire en faveur de la fille que le pere n’est dispensé de l’obligation de la doter que quand il la marie, en ce cas il luy suffit que son pere luy ait trouvé un party ; on présume qu’il ne l’a donnée qu’à un mary qui a dequoy la faire subsister, mais quand le pere ne luy a point trouvé de mary, bien qu’elle se soit mariée sans son consentement, elle n’est pas déchûë de la legitime qui luy est quë, et la peine que sa faute merite ne doit point s’étendre plus loin que de la priver de toute action durant la vie de son pere, et ses freres contre lesquels elle n’a point manqué n’en doivent point profiter. On expliqua neanmoins rigoureusement cet Article contre une fille qui s’étoit mariée sans le consentement de son pere, et on la debouta du mariage avenant qu’elle demandoit à ses reres, par Arrest rendu en la Grand. Chambre le ; de Juillet 1636. plaidans Potier et le Marchandi. quoy qu’on alléguât que le pere avoit depuis ratifié le mariage par les visites de sa fille et de son mary qu’il avoit reçûës et agreées : Mais on remontroit au contraire, que la rebellion et le mépris de la fille ne luy devoit point être avantageux, que si même quand elle s’étoit tenuë dans un état de respect et d’obeissance, elle ne pouvoit rien demander aprés avoir êté mariée par son pere, il étoit bien plus juste et plus conforme à lhonnêteté publique de luy dénier toute action lorsqu’elle s’étoit mariée sans son agréement. Autre Arrest sur ce fait : Susanne de Grimouville étant chez la Dame de lArchant, sa tante, fut débauchée par le sieur de Postis, fils de cette Dame d’un premier mariage ; un fils sorti de cette conjonction fut declaré legitime par Arrest de l’année 1630. sur la poursuite de Susanne de Grimouville et de la Dame Pigousse de Draqueville sa mere. En l’année 1640. la Dame de Draqueville étant veuve déclara par son testament qu’elle ne vouloit point que Postis sorti de sa fille eut part en sa succession ; il demanda néanmoins mariage avenant au droit de sa mere. Giruë disoit pour luy que véritablement la fille ne pouvoit demander que ce qui luy fut promis, mais qu’il faloit peser ces paroles ( lors de leur mariage. arce qu’on présumoit qu’alors le pere et la mere avoient fait tout ce que l’affection paternelle leur avoit suggeré, mais qu’on ne pouvoit pas avoir cette pensée quand la mere ne l’avoit point pourvûë. Coquerel soûtenoit que ne s’étant pas mariée, a mais abandonnée, sa condition ne pouvoit être devenuë meilleure, que d’ailleurs sa mere avoit marqué son intention et sa volonté de l’exclure de sa succession, et que cette volonté êtoit fondée sur ce que les grands frais qu’elle avoit faits pour la reparation de son honneur luy tenoient lieu de legitime : Par Arrest en la GrandChambre du 16 de Mars 1645. de Postis fut debbuté de sa demande ; contre cet Arrest il se pourvût par Requête civil, qui fut appointée au Conseil ; mais depuis cette question a été décidée en termes plus forts. Judith de Cingal demeurant chez Mr le Maréchal de S. Géran fut mariée au sieur de la Rochelle, n’étant âgée que de treize ou quatorze ans, le pere rendit plainte en rapt, et aprés plusieurs procedutes, sur les prétentions de la fille pour le bien de la mère, il se passa une transaction, par laquelle le pere consentit de luy rendre deux mille divres, qui seroient payez par ses heritiers autres que Judith de Cingal : Depuis la mort du pere elle se fit ajuger mariage avenant sur sa succession : Sut l’appel, par ses frères, Caruë s’aidoit de cet Article et des Arrests cu-dessus, remontroit que la transaction ne pouvoit équipoler à une reservation à partage. Je difois pour elle que la véritable explication de cet Article étoit que quand la fille avoit été mariée on présumoit conjectura pietatis, que son pere avoit satisfait à ton devoir, que cette presomption cessoit quand le mariage avoit été contracté en son absence, qu’on ne luy pouvoit imputer de desobeissance, ayant été mariée par l’autorité d’un Maréchal de France, lorsqu’elle n’étoit âgée que de treize ou quatorze ans : C’est pourquoy Mr d’Argentré dit fort à propos sur l’Article 225. de la Coûtume, que ex actu maritationis procedit exclusio filiae, ce ne peut donc être que dans le seul cas du mariage par le pere qu’elle doit être privée de demander sa legitime, que si l’on avoit jugé que la batarde mariée par son pere et depuis legitimée pouvoit demander uné legitime, parce qu’on estimoit que le pere ne l’avoit pas alors considérée comme sa fille legitime, à plus forte raison il faloit croire que cette fille ayant été mariée par force et par autorité, le pere ne luy avoit pas rendu la justice qu’il luy devoit : Par Arrest en la Grand. Chambre du 3 de Février 1650. on cassa la Sentence, et sur l’action on mit les parties hors de CourOn n’usa pas de cette rigueur en la cause d’une fille nommée Beguin, âgée de vingt-neuf ans quatre mois ; elle signa un contrat de mariage avec Hervieu sans le consentement de son pere : Hervieu pour contraindre cette fille à Iaccomplissement de leur mariage la fit appeler devant l’Official, et l’Exploit fut fait en parlant à la personne du pere : ce mariage êtant achevé il n’en témoigna point de ressentiment, au contraire il donna le nom à un de leurs enfans ; aprés sa mort Hervieu et sa femme demanderent mariage à un de leurs freres qui accepta de le donneri mais l’autre s’en défendit en vertu de cet Article, et ayant été condamné, sur son appel de Cahaignes soûtenoit qu’ayant été mariée durant la vie du pere elle n’avoit point d’action, puisqu’on ne luy avoit rien promis : Durand, pour Hervieu, répondoit que cette cause se décidoit par les circonstances particulières, par l’âge de cette fille, par le consentement tacite du pere, par la reconciliation qui s’en êtoit ensuivie, et par l’acquiescement de l’un des freres. On repliquoit qu’il n’êtoit pas juste qu’une fille qui s’étoit mariée sans le consentement de son pere eut plus d’avantage que celle qui étoit demeurée dans son devoir, que le mary n’avoit pû ignorer qu’en se mariant de cette sorte sa femme êtoit excluse de demander aucune chose ; néanmoins par Arrest en la Grand. Chambre du 3 de Decembre 1671. en cassant la Sentence qui accordolt mariage avenant, on luy donna quatre cens livres, qui étoit autant que le pere avoit donné à une autre fille qu’il avoit mariée.
Il est bon d’avertir les peres de prévenir une broüillerie qui souvent leur est faite par leurs filles et par leurs gendres, lorsque quelque parent a fait quelque donation particulière à leurs filles : Les peres en les mariant se contentent ordinairement de leur donner, sans declater qu’ils comprennent en la somme qu’ils promettent, les dons qui peuvent avoir été faits à leurs filles ; cependant, nonobstant la liberalité des peres, elles redemandent encore les choses données, prétendant que le pere ne s’en étant point expliqué, et n’ayant donné que de son chef, elles n’étoient pas excluses de leur demander encore ce qui leur appartient par un titre singulier, et il semble que les filles soient favorables à se vanger contre la Coûtume, qui les a fort maltraitées, lorsqu’elles en rencontrent quelque pretexte apparent. Alexandre le Tellier, beau-pere de Fremont, avoit donné à ses trois petites-filles quinze cens livres à chacune, à condition. que ces sommes couroient en interest : Fremont en mariant lainée luy donna trois mille livres pour demeurer quitre, tant de la donation que de la legitime : En mariant la seconde à Helie il luy donna la même somme, mais il ne stipula point la même liberation : Le mariage de la troisième ne se monta, suivant l’arbitration des parens, qu’à deux mille cinq cens livres, tant pour la donation de son ayeul que pour sa legitime : Helie poursuivit Fremont pour luy payer la donation ; Fremont dit que la somme qu’on luy avoit payée étoit pour la donation et pour la legitime, bien que cela ne fût pas exprimé par le contrat ; Le Vicomte de Roüen avoit condamné de frere, il fut absous par le Bailly : Sur l’appel de la soeur le Févre et Lyout, pour la seur et le tuteur de l’enfant, disoient que le pere n’ayant point stipulé sa liberation pour la donation elle êtoit encore dûë, que sans doute l’intention du pere n’avoit pas été d’en demeurer quitte, parce qu’il n’auroit pas manqué d’en faire mention, comme il avoit fait dans le contrat de sa fille ainées que c’étoit la disposition de la l. si pater C. de dotis promissione : liberalitas remanet vera et irrevocabilis, ut puro nomine et liberalitas & debitum suam sequantur naturam. Heroüet, pour Fremont, disoit que le payement devoit être appliqué in durius debitum, que farbitration du mariage de la derniere seur faisoit voir que ce que le pere avoit donné étoit tant pour la donation que pour la legitime, que par la l. 16. de dote praleg. non videtur dari quod nocesse est reddi. La cause fut appointée, et depuis jugée le r6 de May 1658. au profit de Fremont qui fut déchargé. La Sentence du Bailly. yant été confirmée, au Rapport de Mr de Boniffant, entre Susanne Fremont et Germain Fremont, les circonstances particulieres rendoient la cause de Fremont tres-favorable.
Si le pere donne seulement pour la part que sa fille peut prétendre en sa succession, et que la mere soit morte, la fille peut demander son maringe avenant sur la succession de sa mère.
La Coûtume de Bretagne, Article 403. de la Vieille Coûtume, et Article 422. de la Nouvelles dispose que le pere peut faire assiette du mariage de ses filles sur ses conquests, sans le consentement de sa femme, et sans qu’elle puisse en demander de recompense. Cette disposition n’est pas nécessaire parmy nous, où le mary est le maître absolu des meubles et des conquests, et dont il peut disposer à sa volonté, et même contre le gré de sa femme jusqu’au dernier soûpir de sa vie.
Ce n’est pas en faire un mauvais usage que de les employer au mariage de ses filles, et la femme n’a pas sujet de s’en plaindre, et neanmoins Mr d’Argentré dit que l’Article de sa Coûtume a quelque chose d’inique, nam pater assignando dotem filiarum in conquestibus, obligat uxorem repugnantem & invitam ad idem patiendum in parte suâ conquestuum. Ita fiet ut mater viva vidensque, omni fortunâ Spolietur à filiâ : Mais ce n’est pas dépoüiller une mère de son bien, puisque ces acquests procedent ordinairement de l’industrie et du bon ménage du mary, et que la femme n’y a point de droit qu’aprés sa mort.
Comme on ne fait point d’injustice à la femme de paver le mariage de ses filles aux dépens des meubles et acquests, il ne seroit pas raisonnable aussi que le pere imputât à ses fils, sur le bien de leur mère aprés sa mort, ce qu’il auroit payé à sa fille pour la part aux successions de ses pere et mère. Varin, sieur de la Rozière, Maître des Ports à Roüen, durant son premier mariage. avoit marié une de ses filles, et luy paya dix mille livres pour la part qu’elle pouvoit esperet aux successions de ses pere et mere : Depuis ayant passé en un second mariage, et rendant compte a son fils du premier lit du bien de sa mere, il y employa la moitié de ce qu’il avoit payé à sa fille, il soûtenoit que la dot de cette fille devoit être prise sur la succession de ses pere et mere, à proportion de leur valeur, que par l’Article 262. le mariage avenant doit être arbitré eu égard ux biens du pere et de la mere, ainsi ayant donné la dot à sa fille sur l’une et l’autre succession, et ayant fait renoncer la fille au profit des frères, chaque succession y devoit contribuer, qu’il l’avoit fait compensandi animo, et pour se décharger, dautant qu’il devoit à la succession de la mere, utrement il n’auroit pas tant donné, et qu’enfin cette fille étant morte sans enfans, et ses freres ayant succedé à sa dot, ils ne pouvoient contrédire cette recompense.
Le fils du premier lit soûtenoit que le pere êtoit tenu de doter sa fille, paternum est officium, I. neque mater. C. de jure dot. que le mary n’avoit pas obligé le bien de sa femme, et qu’il avoit payé a dot argent comptant durant son premier mariage, du bon ménage et de la collaboration de sa emme et de luy, et d’une rente qu’ils avoient acquise constant leur mariage, où la femme auroit u la moitié, si elle n’avoit été employée au payement de cette dot, que par ce moyen l’une et l’autre succession avoit été liberée d’une charge, et cette liberation étant acquise au fils le pere ne la pouvoit faire renaître ni l’employer en son compte comme une dépense, et que l’ailleurs ayant été payée durant la vie de sa mere, et non durant sa tutelle, cette demande êtoit extra causam tutelae. Le Bailly de Roüen avoit condamné le fils à tenir compte d’une partie du mariage de la fille : Sur l’appel on cassa la Sentence, et le fils du premier lit fut déchargé de la demande du pere par Atrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 28 de Mars 1637. Autre pareil Arrest du 17 de Juillet 1658. un pere en mariant sa fille luy paya une somme pour la part qu’elle pouvoit prétendre aux successions de pere et de mere, cette fille devenuë héritière de sa mere semanda à ses frères de pere la dot de sa mère ; les freres vouloient en déduire une portion, â raison de ce qui luy avoit été donné en la matiant, il fut jugé qu’ils ne le pouvoient, parce que ce mariage avoit été payé du vivant de la mere, ex communi collaboratione C’est une question qui s’offre souvent comment se doit acquitter la dot promise à la fille en la mariant pour la part qu’elle pouvoit esperer aux successions de ses pere et mere, lorsque la mère a signé au contrat de mariage ; car on demande si cette promesse ayant été faite conjointe. ment par le pere et la mère ils la doivent acquitter par moitié, ou à proportion des biens qu’ils possedent ; Si l’on décidoit cette question par la disposition du droit, quoy que la promesse ait été faite par le pere et la mere solidairement, le pere seul en seroit redevable, et voicy comme aisonne Faber en sa Définition 9. du Tit. 6. l. 5. il faut, dit-il, considerer cette promesse comme si elle avoir été faite par le pere seul, et que la personne de la mere y a été ajoûtée, ut accessionis potius et fidejussionis vice fungeretur, quam ut correa debendi constitueretur : receptum est enim, ut. quoties duo correi debendi fiunt, pro negotio quod ad alterum dumtaxat pertinet, pro fidejussore habeatur Justinien s ad qaeem res non pertinet : dotandi autem onus patri incumbit, et par la Constitution de Justinien si pater dotem C. de dotis promiss. si pater dotem filiae constituit, hoc addito tam de paternis quâm de maternis rebus ; de paternis tantùm, si sufficiant dotasse, videatur. Et bien que l’Empereur Leon Justinien eut aboli cette Constitution de Justinien, elle a neanmoins prévalu sur celle deLeon .
Cambolas Mr de Cambblas, l. 4. c. 29. rapporte un Arrest par lequel on a jugé le contraire, et qu’autrement
ce seroit une tromperie, et les filles pourroient en ce cas demander les biens de leur meres comme n’ayant rien reçû d’elles, si tout êtoit censé donné par le pere, et que cette l. si pater dotem, ne s’entendoit pas quand le pere et la mere avoient constitué la dot conjointement ; mais quand le pere seul favoit constituée de ses biens et des maternels, il restoit encore la difficulté, esi la dot devoit être payée également, le pere et la mere étant mtervenus au contiat ; il fut jugé qu’ils payeroient également.
En païs Coûtumier, où la communauté a lieu, dos filia est commune onus utriusque parentis, c’est un devoir maternel aussi-bien que paternel ; la proximité du sang et la pieté naturelle n’engageant pas moins la mere à s’en acquitter que le pere, sur tout quand la pauvreté du pere le reduit dans l’impuissance de satisfaire à cette obligation, et c’est pourquoy la fille mariée par le pere tou la mère du bien de la communauté doit rapporter à l’une et l’autre succession par moitié, la moitié de ce qui a été payé se faisant paternel, et l’autre moitié matemel. EtChopin , sur B Coûtume de Paris, Tit. 1. n. 34.Loüet , l. R. n. 54. citent un Arrest par lequel, encore que la mere se fut obligée solidairement, elle ne fut condamnée qu’à payer la moitié de la dot, il fut dit que l’autre moitié seroit prise sur les biens du pere.
Nôtre usage est contraire au droit et aux Coûtumes qui admettent la communauté ; nous avons cela de conforme avec le droit Romain, que tout ce qui est donné par le pere doit être ac quitté par luy seul, encore que la dot soit promise et constituée, tant pour les biens paternels que Justinien naternels ; mais nous differons en ce point que par la Constitution de Justinien, bien que mère se soit obligée solidairement avec son mary, elle n’en doit aucune chose, et parmy nous si la nere est intervenuë elle contribué au payement de la dot ; ce qui fait encore une différence avec la jurisprudence du Parlement de Tolose, où la mere, lorsqu’elle a constitué la dot avec son mary, est obligée d’y contribuer par moitié. Dans le païs Coûtumier la communauté fait qu’il est juste que la mere porte la moitié de la dot, et c’est pourquoy, bien qu’il n’y ait point de communauté en Normandie, nous observons que si le pere a payé comptant le mariage promis à sa fille, I ne peut en demander de repetition sur les biens de la mere, parce qu’il a été payé des meubles ou des acquests qui proviennent ex communi collaboratione, mais quand les promesses n’ont point été acquittées ; elles se payent à proportion des biens de l’un et de l’autre Cette question fut fort agitée en la cause du sieur Comte-de-Creance, contre la Dame de TEpiney ; elle avoit promis la dor à la Demoiselle sa fille conjointement avec le sieur de lEpiney, son mary, aprés la mort duquel elle fut poursuivie par le sieur Comte-de-Creance, son endre, prétendant que sa presence et sa signature au contrat de mariage ne l’obligeoient point ; on soûtenoit au contraire qu’elle en devoit une moitié, parce que son bien êtoit de pareille valeur que celuy de son mary, et pour l’autre moitié on prétendoit même qu’elle devoit être payée avant son doüaire et ses remplacemens : Par Arrest elle fut condamnée d’y contribuer pour une moitié.
Cette même question a été jugée en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr de Fermanel, le 18 de Mars 1662. entre Demoiselle Marie le Clat, femme civilement separée d’avec le sieur de la Chapelle-la-Barre, son mary, appelante d’une Sentence donnée aux Requêtes qu la condamnoit provisoirement à payer la moitié de sert cens quatorze livres de rente prises pour le mariage de sa fille. Elle n’avoit pas signé au contrat de la constitution de la rentes par l’Arrest on cassa la Sentence. Le fait êtoit que le Sieur et la Dame de la Chapelle en mariant leur fille au sieur de Benecourt, par le contrat du 3 de Mars 1646. luy promirent dix mille livres, et s’y obligerent solidairement. Le 24 de Janvier précedent le pere s’étoit constitué en sept cens quatorze livres de rente, et déclara que c’étoit pour employer au mariage de sa lle, et s’obligea d’en fournir les contrats et les quittances. Il n’en paya point les arrerages, et son bien ayant été saisi réellement, le sieur de Beauregard, tuteur des enfans du sieur de RumareBailleul, creancier de la rente, fit executer les biens de la Dame de la Chapelle, qui dit n’être point obligée par le contrat de constitution, et que quand les deniers auroient été employez au mariage de sa fille, la promesse qu’elle avoit faite n’étoit payable qu’aprés sa mort, et non pas pour se dépoüiller de son bien dés à present ; que si elle étoit forcée de payer, le principal et les arrérages absorberoient tout son bien, ce qu’elle n’avoit pû faire ni donner à sa fille plus que la part qui luy appartenoit, ainsi quand elle pourroit être obligée à cette rente ce ne pourroit être que jusqu’à la concurrence de la legitime de sa fille, et pour les arrerages elle n’en devoit sa part que du jour de sa separation : Le tuteur répondoit qu’encore qu’elle n’eut pas signé au contrat. de constitution, les deniers ayant été employez au payement de la dot, à laquelle elle étoit obligée solidairement, elle êtoit tenuë de payer la rente, et quand elle vouloit reduire sa promesse à la legitime de ses filles, cela seroit bon en la bouche de ses enfans, mais elle ne pouvoit pas disputer contre son fait. Par la Sentence des Requêtes elle fut condamnée de payer la moitié des arrerages, et par l’Arrest, en infirmant la Sentence, elle fut condamnée à contribuer à proportion de ce qui pouvoit appartenir à sa fille pour sa legitime, et aux arrerages sur le même pied, depuis sa separaà tion seulement, et en attendant la liquidation qu’elle paveroit cent-cinquante livres de rente.
C’est une jurisprudence certaine que quand la mère a signé au contrat de mariage elle y conn tribué à proportion de son bien, ce qui se pratique aussi en Bretagne, suivant l’Article 405.
de lancienne Coûtume. On a fait deux difficultez ; la première, si dans cette contribution on doit faire entrer le daeüaire qu’elle prend sur les biens de son mary. : Le sentiment de Mr d’Argentré est pour l’affirmative, necdubito probabiliter disseri, quae dotes date sunt filiabus ex matrimonio communi doaria diminuère, si quidem mulier matrimonio consensit, Art. 453. gl. 2. n. 4.. Mais là liquidation de la dot promise à la fille par le pere et la mere ne doit être faite que sur les biens que chacun possede en proprieté. Il est vray que le tiers des biens du pere, dont la mere joüit pour son doüaire, ne laisse pas d’entrer dans la liquidation, mais il demeure en souffrance jusqu’aprés l’extinction du doüaire
La seconde difficulté consiste à sçavoir si le pere et la mere ayant promis conjointement la dot ils sont tenus solidairement, ou si la mere s’étant obligée solidairement, elle ou ses heritiers peuvent être executez solidairement ; Il est sans doute que la simple promesse n’emporte point a solidité, et cette obligation faite conjointement n’a d’autre effet que de les astreindre au payement, chacun pour leur part. Le sieur de Clamorgan en mariant sa seur luy avoit promis une somme conjointement avec sa mère, sans employer neanmoins la clause de solidité ; le gendre prétendoit la solidité contre la mère, sauf sa recompense contre son fils : Par Arrest du et 7 de Mars 1665. la mere fut condamnée seulement à payer sa part.
Si neanmoins la femme aprés la mort de son mary se rendoit heritière, en ce cas elle seroit obligée solidairement, par la raison que tous les heritiers le sont en Normandie. Vivien, sieur des Chommes, Lieutenant General à Avranches, et la Dame sa femme, en mariant leur fille à Robert de la Piganniere, Ecuyer, Vicomte d’Avranches, luy promirent une somme, la mere aprés la mort de son mary se rendit son heritière, et étant poursuivie pour le payement du mariage de sa fille, elle offrit d’en payer la moitié, parce qu’elle avoir autant de bien que son mary, mais elle se défendoit de la solidité où elle avoit êté condamnée par la Sentence dont elle êtoit appelante : Maurry, son Avocat, representoit qu’elle n’étoit point obligée de doter sa fille, que sa promesse êtoit une pure liberalité, et qu’il seroit facheux qu’une mere pour avoir promis mariage à sa fille fut forcée de renoncer à la succession de son mary, ou à s’engager solidairement au payement de la dot promise à la fille conjointement avec le mary : Greard, pour le sieur de la Piganniere, répondoit que si elle avoit renoncé à la succession de son mary, il ne luy poutroit demander que sa part, suivant l’Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 27 de Mars 1665. mais ayant accepté la succession de son mary elle avoit pris tous les meubles et pris part aux acquests, sur lesquels il auroit pû se faire payer, que les heritiers étant obligez solidairement, elle ne pouvoit s’exempter de cette condamnation ; ce qui fut jugé de la sorte en la GrandChambre le s de Juin 1671.
Gautier en mariant sa fille à Morant luy promit trois mille livres, pour toute et telle part qu’elle pouvoit esperer aux successions de ses pere et mere, et outre le pere et la mere promirent encore quelques meubles : Gautier acquitta sa promesse, à la réserve de quatre cens livres ; son gendre l’ayant fait condamner par provision à payer cette somme, sur l’appel, Pichot, son Avocat, remontroit que cette somme êtoit beaucoup au dessous de la part que la mere devoit contribuer, que. la mere étant morte et cette fille devenuë son heritière, s’il avoit payé les quatre cens livres il en auroit recompense sur la succession maternelle, c’est à dire sur le gendre même, qu’il y avoit lieù de compenser et d’ajuger recompense du surplus, vû que par une autre arbitration le bien de la mere avoit été estimé à quatre mille livres.
Theroulde, pour Morant, disoit que le pere avoit promis feul, que la mere, quoy que presente au contrat, n’avoit promis que quelques meubles : Par Arrest en la Grand. Chambre du 6 de Juillet 1656. on condamna le pere au payement, sauf sa recompense sur le bien de la mere pour la legitime de la fille, pour l’arbitration de laquelle les parties furent renvoyées devant les parens.
C’est un usage general en France que les renonciations faites par les filles, par leur contrat de mariage, à toutes successions futures, directes et collaterales, aliquo dato, sont bonnes et valables, tant en païs de Droit écrit que païs Coûtumier, et que les filles n’en peuvent être restiguées pour quelque cause que ce soit, de minorité, crainte, ou lesion énorme, et cet usage est ondé sur le douteux éuenement de la bonne ou mauvaise fortune des peres et mères, multis namque casibus post renunciationem parentes, aut ditiores aut pauperiores fieri possunt ; ce qui fait que la lesion n’est point présumée proceder de Iimprudence de la fille, mais du hazard, et sur la prefomption naturelle que les peres et meres ont fait leur devoir. M.Loüet , l. R. n. 17. etBrodeau .
C’est encore une doctrine constante, suivant les mêmes Auteurs, que les filles dotées et mariées, qui ont renoncé, ne peuvent demander de supplément de legitime, bien que la fille n’eut que louze ans ; le pere ayant marié et doté sa fille il a satisfait à tous les devoirs de pere, quoy que les sentimens des anciens Docteurs soient fort. partagez sur ce sujet. Mi d’Argentré , Article 224. Chassanée gl. 4. n. 1. Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne, Tit. des Successions, Rubr. 2. in verbo trépassez ) n. 14. Dans le second Tome. du Journal des Audiences, l. 8. c. 3. il se trouve un Arrest par lequel on a jugé qu’en païs de Droit écrit on peut agir pour supplément de legitime, et que c’est la jurisprudence des Parlemens de Bordeaux et de Tolose ; mais en Normandie cette renonciation n’est pas nécessaire, il suffit qu’en la mariant on ne luy ait rien promis, et la renonciation expresse n’est point requise : La raison est que par la Coûtume elles ne peuvent succeder, elles n’ont que ce qui plaist à leurs pere et mère de leur donner, et ils sont quittes envers elles orsqu’il les a mariées, de sorte qu’il ne peut y avoir d’action, non pas même pour un supplément de legitime ; c’est aussi la disposition de l’Article 557. de la Coûtume de Bretagne, et le sentiment de M d’Argentré , sur l’Article 224. et 225. de l’ancienne Coûtume. Il faut neanmoins sçavoir que cela n’a lieu que pour les successions à échoir, et non pour celles qui font échuës, car le droit étant acquis à la fille sur les biens de sa mère morte, le pere ne la peut point priver de la legitime qui luy est dûë, et quelquefois même on ne peut pas la faire renoncer à sa legitime sur les biens de la mere vivante, lorsque cette mère a passé en un second mariage, étant en le uissance d’un second mary ; cette presomption de la loy, que la mère a fatisfait à son devoir en la mariant, cesse entièrement, et l’on repute au contraire qu’elle a suivi les sentimens d’un second mary, et qu’elle n’a pas écouté la voix de la nature, et c’est pourquoy l’on a jugé que nonobstant cette renonciation la fille pouvoit encore demander son mariage avenant, quia mater functa non est pietatis officio, & filia hujus consuetudinis pratextu, exheredata magis quam honesté dotata fuit.Loüet , ilnid.
Il est bien vray que la renonciation n’est point necessaire pour les biens situez en Normandie ; mais lorsque le pere et la mere ont d’autres biens, sous des Coûtumes qui appellent les illes aux successions, on demande si pour les exclure du droit de partage en ces biens, la renonciation expresse est requise : Dame Gabrielle de Romain, veuve de Sebastien le Cene sieur de Menilles, en mariant Demoiselle Anne le Cene sa fille, à Charles Labbé, Ecuyer, sieur des Mottes, luy donna vingt-huit mille livres pour la part et portion qu’elle pouvoit esperer en la succession de ses pere et mere, et pour lors elle n’avoit que seize ans : aprés la mort de la Dame de Menilles, sa mere, elle poursuivit devant le Juge de Passy les sieurs de Menilles, ses freres, pour avoir son mariage avenant sur les biens de son pere, et pour avoir partage sur les biens de sa mere qui étoient situez sous la Coûtume de France : Pour la sucression du pere, il n’y eut pas de difficulté ; lors de l’Arrest les freres ayant justifié que la somme de quatorze mille livres qu’elle avoit euë excedoit sa legitime : Pour le partage aux biens de la mere êtans en France elle en fut deboutée ; sur l’appel elle convenoit qu’ayant êté mariée par sa mere, elle ne prétendoit rien aux biens situez en Normandie, que ce qui luy fut promis en la mariant, mais qu’elle devoit être réçûë à partager avec ses freres les piens êtans sous la Coûtume de Paris, nonobstant la clause de son contrat de mariage, par equel elle s’étoit contentée à une somme pour la part qui luy appartenoit en la succession de ses pere et mere. Elle sçavoit bien que par la jurisprudence du Parlement de Paris, les renon gations faites aux successions à échoir par les filles mariées et dotées par leurs peres et meres, étoient valables, nonobstant la lesion et la minorité, mais qu’elle n’étoit pas en cette espece puisque son contrat de mariage ne contenoit aucune renonciation : on luy promettoit seulement une somme pour sa part en la succession de sa mére ; mais cette clause ne peut valoir pour une renonciation, pour exclure une fille du droit qui luy est acquis par la loy. La renonciation doit être précise et formelle ; elle s’est bien contentée à une somme, mais elle n’a pas renoncé à demander rien davantage ; ainsi cette clause n’a d’autre effet que d’obliger la fille à rapporter ce qui luy a été donné. Les sieurs de Menilles répondoient que suivant l’usage de Normandie cette renonciation êtoit suffisante, que la mere luy ayant donné pour toute la part et portion qu’elle pouvoit esperer en sa succession, tous ses biens y étoient cempris : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Palme, du 3 d’Avril 1672. on confirma la Sentence. J’avois écrit pour la Dame des Mottes.
Si les filles n’ont pas été payées du mariage qui leur a été promis par leurs peres et meres lorsqu’elles en demandent le payement sur leurs biens, celles qui ont été mariées les premieres sont-elles preferables, ou si elles doivent concurrer E Il est sans doute que si elles deman-doient seulement leurs legitimes sur le tiers Coûtumier, non seulement elles concurreroient, nais aussi lune ne pourroit avoir plus que l’autre, si elles poursuivent l’execution de leur contrats de mariage, celle qui a été mariée la premiere peut dire qu’elle n’agit qu’en qualité de creancière de ses pere et mere, et consequemment qu’il faut garder entr’elles lordre des aypotheques. Cette question s’offrit au Rapport de Mr Saler le 2a de Février 1676. entre Thomas et Bouder. Un pere qui avoit un fils et trois filles, maria sa fille ainée, et luy promit une fomme qu’il constitua en rente sur ses biens. Aprés la mort du pere le frère maria ses deux autres soeurs, et se constitua pareillement en rente pour leur dot. Depuis ses biens yant été saisis et ajugez, la seur ainée se presenta pour être colloquée en ordre du jour de son contrat de mariage, comme creancière de son père ; les autres soeeurs s’opposerent aussi pour emporter en concurrence les deniers aprés les dettes du pere acquittées, qui étoient toutes anterieures du mariage de la fille ainée : ainsi toute la question tomboit sur la concurrence entre les seurs : par Sentence du Juge de Gournay les soeurs mariées par le frere avoient été refusées de la concurrence : Par l’Arrest en reformant la Sentence, elles y furent reçûës. J’ay appris de Mr le Rapporteur qu’en jugeant ce procez on proposa cette difficulté, s’il se fût trouvé des créanciers posterieurs au mariage de l’ainée, elle eût été mise en ordre pour la portion qui auroit excedé la legitime avant les autres soeurs, entant aussi que la portion qui juroit excedé leur legitime, et si la concurrence ne devoit avoir lieu que pour la legitime qui leur pouvoit appartenir sur le bien du pere, ou si lorsque le pere avoit promis plus qu’il ne leur appartenoit, cet excedant devoit être considéré comme une dette qui devoit être acquittée selon l’ordre des hypotheques ; en quoy les seurs puisnées n’auroient pas sujet de se plaindre, puisqu’elles concurreroient pour leur legitime : cela fut approuvé de quelques uns ; les autres étoient d’avis contraire, se fondans sur l’Article 255. qui reduit ce qui est dû aprés la mort du pere au tiers du meuble et de l’immeuble, et qu’il ne seroit pas juste que la dot des autres seurs fût diminuée, parce que le pere avoit trop promis à son ainée. Cette difficulté ne fut point décidée
C’est un usage en cette Province de donner au mary une portion de la dot pour supporter les frais du mariage. On a long-temps douté si lorsque par le contrat de mariage on n’a point garlé de don mobil, et qu’aussi l’on n’a point stipulé que toute la somme promise demeureroit en dot, le mary pouvoit demander un don mobil, et quelle portion il peut avoir ; Bérault traite cette question. On trouve un Arrest dans MrLoüet , l. M. n. 10. par lequel il a été jugé, suivant la l. 1. si adversus donationem, que le mineur, dont le bien consiste entièrement en meubles, se mariant avec l’autorité de son curateur, sans stipuler qu’une partie de son bien seroit employée en héritage pour être son propre, il n’en faloit prendre qu’une portion modérée en la communauté ; et en la l. 8. n. 39. il cite un autre Arrest, par lequel on a jugé qu’au païs où la communauté a lieu, si la fille mariée par ses pere et mère n’a point stipulé, que ses deniers dotaux seront employez à son profit, elle ne les peut repeter, quoy qu’elle renonce à la communauté : si stipulatio de dote repetendâ interposita non sit, maritus dotem lucratur. Tronçon Mulier 73. de jure dot. Troncon, Article 233. de la Coûtume de Paris ; et par cette raison plusieurs tenoient en cette Province que quand le pere n’avoit point stipulé que les deniers demeureroient pour la dot, ils devoient appartenir entierement au mary, parce que le contrat étant fait en la presence et du consentement du pere, on ne peut croire qu’il ait rien fait au desavantage de sa fille, oraevaricator et proditor pater es, nisi filiis tuis fideliter consulas, nisi conservandis religiosâ et verâ pietate profpicias, Copr. de Eleemosona : et d’ailleurs il pouvoit ne rien donner, de sorte que n’ayant rien stipulé ni reservé pour la dot, il est censé avoir tout donné au mary, que si la fille avoit été mariée par son tuteur ou par son frere, on ne devoit pas avoir le même sentiment ; etTronçon , ibid. rapporte un Arrest par lequel une fille mariée par son tuteur fut restituée contre fomission de l’employ de ses deniers dotaux, et il fut dit qu’il en entreroit seulement un tiers en la communauté.
Cette question fut décidée en la Chambre de lEdit le s de Février 1653. plaidans Pilastre et Greard, entre Séguoin et le Marchand : Par le contrat de mariage le pere, nommé Racine, avoit donn é cinq cens livres pour don pecuniaire et quelques meubles, à Herout son gendre ; on disoit pour la femme qu’encore qu’il n’y eût pas une stipulation expresse de dot, il y en avoit une tacite, et on s’aidoit de lArticle 511. L’heritier du mary soûtenoit que le pere avoit pû mettre tout en don mobil, et que son intention avoit été telle, puisqu’il n’avoit stipulé aucune constitution de dot : Par lArrest on covertit les deux tiers en dot, et lautre tiers fut ajugé au mary pour le don mobils l’Arrest fondé sur ce que c’est la coûtume d’en user de la sorte. On allégue un Arrest contraire, au Rapport de MrBrice, du premier de Février 1657. mais qui ne se trouve point sur le Registre, par lequel on a jugé que quand le contrat de mariage ne contient point de don mobil tout est reputé pour la dotl’estime néanmoins le premier Arrest plus juste, parce que c’est un usage en cette Province de donner le tiers au mary, communis forma contrahendi, et comme il y a de la negligence des deux côtez, de la part des peres ou des freres, de n’avoir point stipulé de dot, et de la part du mary, de n’avoir point fait regler le don mobil, il est à propos de reparer la chose en le reduisant dans le droit commun, et aussi suivant ce premier Arrest il s’en est donné un autre, au Rapport de Mr de Fermanel, le 31 de May 1671. entre Blanchard et la Demoiselle de Thury : le frère en mariant sa seur luy avoit promis deux mille trois cens livres, dont il feroit l’interest de quatorze cens livres pendant six ans, et il avoit promis de payer les neuf cens livres dans l’an ; et davantage. une tante avoit donné des meubles estimez par le contrat à cinq cens livres : Aprés la mort de la seur sans enfans on demanda quelle somme seroit pour la dot, et quelle somme pour le don mobil, il fut dit que les deux tiers de l’argent donné par le frère seroit pour la dot, l’autre tiers pour le don mobil avec les meubles.
Il faut encore remarquer que ce qui reste à payer des promesses demariage s’applique sur la dot, et tout ce qui a été payé s’impute sur le don mobil ; ainsi jugé, au Rapport de Mr Salet, le p de Janvier 1659. entre Fremont et Cauvigny. Voicy une espèce singulière : Le sieur de la Briere promit à sa fille, en la mariant au sieur de Morchéne, vingt mille livres, dont l’on en constituoit dix mille pour la dot ; le sieur de la Briere mourut insolvable, et on ne pût recevoir sur ses biens gue dix mille livres. Le sieur de Morchéne étant mort, sa veuve et le sieur de Perigny, son mary, demandoient cette somme entiere pour sa dot, puisqu’elle avoit été stipulée et convenuë par son contrat de mariage, et qu’il n’y avoit aucune portion expressément destinée pour le don mobils que le surplus ne revenoit pas au mary en vertu d’un don qui luy eût été fait, mais en vertu du droit commun, qui ajugeoit au mary les meubles de sa femme, et par cette raison s’il n’y avoit point de meubles il ne devoit rien avoir ; qu’aprés tout cette somme que l’on payoit provenoit du bien de la mere. Le sieur de Morchéne Martigny, heritier de son frère, demandoit la moitié des dix mille livres ; car puisqu’on luy avoit donné la moitié des vingt mille livres, s’il n’y avoit pas dequoy les payer il devoit en toucher à proportion, que l’on ne pouvoitpas douter que la moitié ne luy fût reservée en don mobil, la portion qui devoit tenir nature de dot ayant été fixée et limi-tée à la moitié : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 9 de Mars 1668. on ajugea pour don mobil le tiers de la somme qui devoit être reçûë, plaidans Maurry, Greard, et Freville.
Quand par le contrat de mariage on a réglé ce qui doit être en don mobil ou tenit nature de dot, on ne peut durant le cours du mariage déroger à ces conventions. Courant en mariant sa fille à Jacques Maunoury luy donna trois mille livres pour être employées en toile à son profit, et il reserva sa fille à sa succession ; depuis Courant en payant les trois mille livres à Maunouty et à on pere, le mary se sûmit de les remplacer, pour tenir le nom, côté et ligne de sa femme étant mort sans enfans cette fomme fut demandée par les heritiers de la femme et du mary les premiers la demandoient comme deniers dotaux, les autres comme don mobil : Le Vicomte de Bernay l’avoit reputée dot ; le Bailly en cassant sa Sentence l’avoit ajugée aux heritiers du mary. jur l’appel la Sentence fut confirmée en la Grand. Chambre le 3 de Février 1656. plaidans Lyout, le Perit, et Maurry ; l’Arrest fondé sur ce que le pere lors du payement n’avoit pû changer la nature de la promesse faite au mary, son intention étant suffisamment prouvée par les termes du contrat de mariage pour le don mobil, ayant donné cette somme pour mettre en toile à son profit, et d’ailleurs sa fille étant son unique heritiere, ainsi il n’avoit pû stipuler cette somme on dot lors du payement