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CCLI.

Que peuvent donner les freres marians leurs soeurs.

Les freres peuvent comme leur pere et mère marier leurs soeurs de meubles dans héritage, ou d’héritage sans meubles, pourvû qu’elles ne soient déparagées, et ce leur doit suffire

Les freres par cet Article ont la faculté de marier leurs seurs de meubles ou d’héritages, mais il ne leur est pas permis de ne leur donner rien, quoy que d’ailleurs elles fussent mariées à des ersonnes d’une égale condition, ce qui se prouve par les paroles de cet Article ; car il ne contient pas comme le precedent, que si on ne leur a rien promis elles n’auront rien, ce qui est tres-raisonnable ; l’experience confirme assez que l’on ne doit pas se promettre de leur part tant d’affection envers leurs seurs.

De tous les contrats qui se passent dans la société civil, il n’en est point en cette Province où les précautions soient plus necessaires que quand il s’agit de payer le mariage et la legitime des filles ; je tacheray d’expliquer quelques difficultez qui s’offrent tous les jours sur ce sujet.

La première, s’ils sont tenus de garantir la dot de leur seur qu’ils ont mal payée à son mary La seconde, si la soeur est obligée de discuter les biens du mary quand elle n’a point signé au contrat de rachapt :

La troisiéme, si au moins en cas de vente et d’ajudication des biens du mary, elle n’est pas obligée de le dénoncer à ses freres

La quatriéme, si la soeur mariée par son frere, étant déparagée, peut demander un mariage. plus grand que celuy qui luy a été donné

La cinquième, si les freres sont obligez solidairement au mariage de leurs seurs ; et enfin si les freres peuvent bailler du fonds en payement du mariage avenant qui leur est demandé par leurs seurs La dot que les freres promettent à leur seur n’est pas une liberalité de leur part, mais le payement d’une legitime, et c’est pourquoy ils répondent toûjours de la mauvaise collocation qu’ils en font entre les mains du mary : Cette garantie ne se termine pas seulement à ce qu’euxmêmes ont promis et payé, si le pere n’avoit pas fourni l’argent qu’il a promis à sa fille, quoy que le pere eûtt pû payer sans être recherché, les freres n’ont pas ce même avantage, ils sont tenus d’assurer les promesses du pere, quand il ne les a pas acquittées. Robert Bulet en mariant Catherine Bulet, sa fille, à Ferdinand le Barbier, luy promit dix Chuit cens livres payables avant les épousailles, dont on en constitua douze cens livres en dot ; le pere en paya quinze cens livres, et les trois cens livres restans furent payées par Hervé Bulet son fils. Barbier ayant été decreté, et sa femme n’ayant pû toucher ses deniers dotaux, demanda à son frère les trois cens livres qu’il avoit payées. Le frere luy objecta qu’elle avoit été mariée par on pere, qui n’avoit point stipulé de remploy ni demandé de caution pour la sûreté de sa dot, de sorte qu’il n’avoit point d’action pour exiger de son mary d’autres assurances, et même il ne pouvoit pas se défendre d’executer les promesses de leur pere : C’étoit une dette de la succession, qu’il avoit été forcé d’acquitter, si le pere avoit payé il n’auroit pas été garand, parce que c’étoit une liberalité de sa part, ce qui l’avoit dispensé de chercher sa sûreté, mais ayant seulement executé la volonté du pere, on n’avoit point d’action en garantie contre luy.

La seur faisoit valoir cette maxime qu’en Normandie les femmes êtans en la puissance de leurs maris elles pourroient dissiper leur bien, si la loy n’y avoit pourvû, en obligeant ceux qui veulent ra-cheter leur dot à la remplacer sûrement : La condition du frere êtoit bien différente de celle du perer le pere êtoit exempt de faire valoir ce qu’il payoit comptant ou qu’il promettoit sans le constituer en rente, parce qu’il êtoit en sa puissance de ne donner rien ; au contraire le frere devoit le egitime à sa soeur, et la promesse du pere n’ayant point été executée, elle devenoit alors la dette du frere, et il luy tomboit en charge de chercher son assurance : Le pere est exempt de ette garantie, quand il paye comptant, parce que la loy se repose sur le soin et sur la pieté des lêtes ; elle ne présume pas si avantageusement des freres qui songent plus à leurs interests qu’à ceux de leurs seurs : Par Arrest en la Grand : Chambre du s de May 1668. au Rapport de Mr de Fermanel, Bulet fut condamné de payer à sa seur les trois cens livres, avec les interests.

Autre Arrest au Rapport du même Mr Fermanel de l’an 1672. entre Mrt Robert de Razaie, Marquis de Monime, pour lequel j’avois écrit, et Mre Jacques et Jean de Vassi, sieurs de la Forest, et du Gast. Autre Arrest sur ce fait, le 26 de Novembre 1669. Isaac Petit en accordant sa fille à Noel Cossard luy promit neuf mille livres, dont la moitié fut destinée pour la dot et constituée en deux cens cinquante livres de rente, et le surplus pour le don mobil ; les neuf mille livres étoient payables, sçavoir cinq mille trois cens livres la veille des épousailles, dix : sept cens livres en hardes, et pour les autres deux mille livres restans le pere stipula qu’elles seroient payées aprés sa mort, et que lors du payement le futur époux ne seroit tenu de bailler caution ni de faire aucun remplacement : le pere mourut avant la celebration de ce mariage. Isaac Perit frere avoit signé au contrat et luy : même avoit assisté aux nopces. Il est considerable que six mois avant le mariage le pere avoit prété à Noel Cossard et à Abraham Cossard. son frère, la somme de dix mille livres, avec stipulation d’interests : Depuis le mariage ls en avoient payé deux mille livres, et il n’en restoit plus que hust. Noel Cossard forma action sontre Petit, son beau-frere, pour faire juger la compensation de ces huit mille livres, contre pareille somme qu’il prétendoit luy être dûé pour la dot de sa femme : cette compensation fut jugée par Sentence du Vicomte de Roüen, confirmée par le Bailly. Sur lappel de Petlt je disois que le Vicomte et le Bailly s’étoient arrêtez aux clauses du contrat de mariage, sans penetrer dans la véritable question, qui consistoit à sçavoir si le frere payant les sommes promises par le pere à sa fille pourroit être garand de l’insolvabilité du mary ; car s’il êtoit tenu à cette garantie, il avoit eu raison de demander une caution ou un remplacement, sans avoit égard à la compenfation offerte par Cossard ; Or on ne pouvoit douter aprés les Arrests de Bulet et du sieur Marquis de Monime que le frere ne fût garand de l’insolvabilité du mary, et par consequent qu’il n’eûr un juste sujet de pourvoir à sa sûreté. Greard, pour Cofsard, opposoit trois choses ; premierement il convenoit des maximes que l’on avoit avancées, mais en même temps il posoit cet autre principe, que quand un frère marie sa soeur, sans stipuler une caution ou un remplacement, Il ne peut plus aprés le mariage parfait exiger de nouvelles assurances ; qu’en cette rencontre on pouvoit dire que le pere n’avoit point marié sa fille, c’étoit le frère même, ainsi il avoit dû s’opposer au mariage et demander ses assurances auparavant, et au lieu de le faire il avoit assisté aux nopces ce qui le rendoit non recevable à contrédire les clauses du contrat de mariage les choses n’étans plus entieres, non aliâs contracturus. Secondement, que ce frère n’avoit rien à craindre, qu’il ne pouvoit être garand, le pere ayant voulu expressément qu’il ne fût point demandé de caution pour les deux mille livres, et n’en ayant point aussi demandé pour le surplus, que cette disposition du pere mettoit entièrement le frère à couvert ; enfin que la chose êtoit consommée, et qu’il étoit payé par une compensation naturelle de ce qu’il devoit contre ce qui luy êétoit dû, que c’étoit l’intention du pere et du frere, puisqu’il n’avoit songé à demander les huit mille livres que dépuis l’action en compensation. Je repliquois qu’on ne pouvoit dire que la seur eût été marlée par fon frere, puisque les conventions du mariage étoient arrêtées par le vere, qu’il n’auroit pas été en la puissance du frère d’empescher la perfection du mariage, qu’il devoit s’imputer de n’avoir demandé l’execution des promesses qu’on luy avoit faites ; et d’y avoir dérogé ; car s’il avoit demandé les cinq mille livres qui étoient payables avant les épousailles, alors lappelant luy eût proposé la même difficulté qu’il fait maintenant. Sur le second point que c’éroit une illusion de vouloir persuader que le frere n’étoit point garand, parce que le pere avoit défendu de demander une caution ou un remplacement, le pere ne pouvoit pas empescher que les loix n’eussent lieu : si le pere n’étoit jamais garand de ce qu’il donne, peut-être que cette plause pourroit servir au frère, mais n’ayant point payé, ce qui pouvoit être une liberalité devenoit une legitime en la personne du frere, qui êtoit tenu de la faire valoir, parce qu’elle tenoit lieu d’alimens à la seur, qui n’auroit pû même y renoncer, l. cum his de rransact. Pour la compensation. on alléguoit mal à propos qu’elle êtoit demandée conformément à lintention des parties, vû que le pere s’étoit obligé de payer cinq mille livres avant les épousailles, et pour marquer à linimé que l’appelant ne cherchoit que son assurance, il offroit de luy payer l’interest au denier dix-huit, et de luy en bailler bonne caution, ou s’il ne vouloit pas il luy offroit des effens de la succession, tels qu’il voudroit choisir : Par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 1é d’Aoust 1672. on cassa les Sentences, et Cossard fut condamné à bailler caution, si mieux il ne vouloit accepter les offres.

Quoyique la seur soit separée de biens, le frère ne s’acquitte pas valablement, lorsqu’il luy paye sa dot, si elle en fait mauvais ménage : la separation n’est qu’à l’effet de conserver et non pas de dissiper, la femme donc separée n’a point une qualité suffisante pour recevoir le principal de sa dot, et le frere en demeure garand ; il fut ainsi jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 18 de Mars 1650. plaidans Caruë et Lyout.

Cette question s’offrit en la Chambre des Enquêtes le mois d’Aoust 1628. un oncle Prestre avoit donné vingt livres de renteâ sa nièce en la mariant, il en avoit fait le rachapt entre les mains du mary qui étoit insolvable, on le poursuivit pour en répondre, parce que ce rachapt étoit une alienation du bien de la femme, qui ne pouvoit valoir sans remploy ; l’oncle alléguoit pour sa défense que c’étoit une pure liberalité de sa part, et qu’il n’étoit point tenu de doter ni de chercher des précautions : la question fut jugée sur la clause du contrat de mariage, qui portoit garantie. de la part de l’oncle. Dans la question generale il ne seroit pas juste, à mon avis, d’obliger de donner une garantie pour un bien-fait, car il n’y a nulle obligation de la part de l’oncle de doter sa nièce.

Les freres pour se défendre de la garantie opposent ordinairement deux fins de non recevoir : : La premiere, que le rachapt ayant êté fait au mary la femme est obligée de diseuter ses biens, farce que le frere peut toûjours payer à ses risques la legitime de sa soeur, et par l’Article 366. e si le mary recoit le rachapt des rentes qui luy sont baillées pour la dôt, la consignation en est reputée faite sur ses biens, d’où l’on conclud que l’on peut racheter les rentes dûës à la femme entre les mains du mary, parce qu’elles sont consignées de plein droit sur ses biens : ce qui doit avoir été jugé de la sorte par un Arrest donné entre Toussaint Mayet ; mary de Guillemette de S. Germain, et les nommez de S. Germain ses freres.

Autre Arrest du 2 de Decembre 1656. entre Gilles de Ravalet, sieur du Mezerey, representant Jeanne, Catherine et Jaqueline Bellaut ; appelant, et Guillaume Meurdrac intimé ; lesdits Bellaut luy avoient transporté six livres de rente dotale avec les arrerages : par la Sentence il avoit été dit à tort l’execution ; et à ce moyen les six livres de rente déclarées valablement rachetées, ledit Bellaut condamné d’en faire le remplacement, dont Richard et Robert Lucas, he-ritiers de leur pere, sont subsidiairement responsables : Par Arrest, au Rapport de Mr Clement, la Sentence fut confirmée. Richard Lucas avoit donné les six livres de rente à Heléne sa fille, et Meurdrac possedoit les héritages appartenans ausdits Lucas.

Il n’est pas juste neanmoins d’obliger la femme à discuter les biens de son mary, quand elle n’a point agreé le rachapt de sa dot, et qu’elle n’a point signé au contrat : c’est une alienation volontaire de son bien qu’elle n’est point tenuë d’approuver, quand elle n’y a point donné son consentement, comme il fut jugé en la Chambre de l’Edit contre les sieurs Baron de la Haye du Puits, qui furent condamnez de payer à leur seur la dot qu’ils avoient rachetée entre les mains du sieur de Piane son premier mary.

L’autre exception que les freres opposent à leurs seurs est quand elles ne les ont point interbellez de se presenter à la vente et ajudication des biens du mary, pour les encherir et les faire payer En l’année 1599. Pichard Carré avoit marié sa seur à Geufin de la Haye, et luy donna sept cens livres pour don mobil, et huit cens livres pour dot, dont il fit le rachapt au mary en l’année 1603. sans prendre caution. En l’année 1635. de la Haye fut saisi réellement ; son fils se rendit ajudicataire d’une partie des héritages, et le sieur de Fermanel d’une maison située à Roüen, par quinze cens soixante livres, au profit commun, et cinq cens livres au profit particulier, sur une dette des de la Haye, pere et fils, de l’année 1626. Nicolas de la Haye fit retirer à droit de sang la maison, et remboursa le sieur de Fermanel de ses encheres au profit commun et particulier et s’étant opposé à l’ordre des deniers pour être payé des huit cens livres pour la dot de sa mere, il ne fut colloqué que de deux cens quatre-vingt deux livres, et alors il protesta de se pourvoir pour le surplus contre les heritiers de Carré, contre lesquels ayant poursuivi sa recompense il concluoit à la garantie, dont ils ne pouvoient se défendre, pour n’avoir pas été appelez au decret, parce qu’il faloit distinguer entre celuy qui transporte une dette et qui se dessaisit des titres, en vertu desquels Il pourroit opposer, et les freres qui demeurent saisis du contrat de mariage de leur seur, et qui sont oûjours ses véritables obligez, nonobstant le rachapt fait au mary : Les nommez Carré soûtenoient qu’ils n’étoient que simples garans, qu’ils ne pouvoient être convenus qu’aprés discussion, qu’ils auçoient encheri à leur profit particulier, et n’auroient point souffert que le sieur Fermanel, qui n’étoit creancier que de l’année 1624. eût encheri à leur préjudice, que comme il étoit obligé avec son pere à la dette du sieur Fermanel, c’étoit la cause pour laquelle il ne les avoit point appelez, qu’encore que la mere eût été separée de biens dés l’année 1620. elle ne leur avoit rien demandé, ce qui leur persuadoit que sa dot êtoit assurée ; le Vicomte, vù la qualité d’encherisseur de de la Haye, avoit déchargé Carré de son action, le Bailly ayant cassé cette Sentence : Par Arrest de l’rr d’Avril 1639. au Rapport de Mr Toufreville, la Sentence du Bailly fut cassée, et celle du Vicomte confirmée. mptor fundi nisi auctori vel heredi denuntiaverit predio enicto, neque ex stipulatu, neque ex duplo, neque ex empto actionem habet, contra venditorem vel fidejussorem ejus l. emptor ff. de evict.

On a jugé depuis le contraire. Marie de Croisille fut mariée par son frère à Foucher, à qui il paya son mariage ; Foucher étant decreté elle s’opposa pour sa dot, qui êtoit de mille livres, mais prévoyant qu’elle ne seroit point payée, elle appela son frere lors de l’ordre et distribution des deniers seulement, n’ayant pû être colloquée, elle concluds à sa recompense contre son frère, qui s’en défendit pour n’avoir point été appelé au decret, n pù il auroit encheri à si haut prix, qu’elle auroit été payée : Par Arrest en la Grand,. Chambre, au Rapport de Mr Buquet, de IIt d’Aoust 1672. le frere fut condamné de faire valoir à sa seur fa rente dotale. Cet Arrest futsonné aprés avoir examiné fort. exactement la question. Dans celuy de de la Haye plusieurs circonstances rendoient la cause des freres fort favotable ; le fils étoit encherisseur, il avoit souffert une enchere au profit particulier, pour une dette à laquelle il étoit obligé, que pour priver la seur de sa recompense, à faute d’avoir appelé ses freres ou leurs heritiers au decret, il audroit qu’elle eût signé au contrat de rachapt, et qu’elle eût consenti le remploy sur les biens de son mary, alors les freres n’étant plus garands que de la solvabilité du mary, il est raisonnable e gue la seur fasse la diligence de les appeler, mais si le pere ou le frere ont payé volontairement ou racheté la rente, la soeur les considérant toûjours comme ses véritables debiteurs, elle n’a point besoin de les interpeller pour faire valoir la dot

Un Docteur en droit civil trouvera cette jurisprudence fort étrange, que les freres soient tenus de payer la dot une seconde fois, lorsque le mary est insolvable ; car les Loix ne permettent pas de prendre aucune assurance, ne fidejuss. dot. dentur. c. Et sans doute le raisonnement Justinien de Justinien en la loy seconde est fort beau, sienim credendam mulier. se se suamque dotem existimavir quare fidejussor vel alius intercessor exigitur ut causa persidiae connubio eorum generetur, et on le sugea de la sorte au profit d’un frère au Parlement de Tolose ;Cambolas , l. 6. c. 5. Car encore que les Docteurs estiment que le frere est tenu de doter sa soeur, issuc d’un autre. pere, Argum. l. cum plures S. cûm tutor ff. de admin. tut. et que Benedicti soit aussi d’avis que etiam stante statuto, quod filia stantibus liberis masculis succedat, onus dotandi filiam quod viventi patri incumbebat, transit in filium masculum velut in patris haredem :Benedict . in verbo ( dotem quam et dederat. ) n. 71. Toutefois cet Auteur et les autres qu’il cite, tiennent que le frere n’est point tenu de la doter une seconde fois, mais pour le pere qu’il y est obligé, si filia dotem amisit sine culpâ suâ. l. ult. C. de dot. promiss. et Authent. quia pater dotandi necessitatem habet, Faber l. 5. 1. 6. defens. 13. Mais nous tenons que le frere est encore plus obligé de doter sa seur que le pere, et que le mariage avenant est au lieu des alimens, et on condamne également le frere et le pere à répondre de la dot qu’ils ont mal placée.

On a souvent revoqué en doute si la seur mariée par son frère sans la déparager, peut lemander un mariage plus grand que celuy qui luy a été donné : La Coûtume d’Anjou s’est expliquée là-dessus en l’Article 244. en ces termes : Si homme noble marie sa seur et ne luy lonne mariage avenant, c’est à sçavoir jusqu’à la valeur de sa loyale et legitime portion de la terre et succession de ses pere et mère ; aprés le trépassement de son mary elle sera bien reçûé à demanler son partage, en rapportant ce qui luy aura êté donné, si elle n’avoit expressément accepté icelux l’où pour sa legitime on presume qu’elle y eût expressémont renoncé : que si elle eût fait expresse accetation ou renonciation, toutefois tant que le mariage dure elle ne peut autre chose demander, ni son mary à cause d’elle, que ce qui luy a été promis, et en ce cas il ne court point de prescription contre elle son mariage durant.

OuDu Pineau , sur cet Article, dit que le sommaire d’iceluy est que contre telles renonciations faites par la seur noble, au profit de lon frèreainé, mediante dote, aux successions échûës de ses pere et mere, elle est restituable si elle fe pourvoit contre l’acceptation ou renonciation par elle expressément faite dans les dix ans, à compter du jour du contrat de mariage, au cas oû l’acceptation ou renonciation ne soit pas expressément par elle faite.

La Coûtume ayant reduit à si peu de chose la portion des filles, ne paroit-il pas raisonnaple que le frere ne puisse diminuer la legitime de sa seur, et qu’il soit tenu de luy donner tout ce qui luy appartient ; L’acceptation ou la renonciation qu’il exige d’elle nerdoit pas luy aire d’obstacle pour demander un supplément, parce que ces actes ne sont pas toûjours : voontaires : le desir de sortir de dessous l’esclavage d’un frere ou d’une helle-seur, la passion de se marier luy fait consentir tout ce qu’on luy propose ; un mary même souvent y donne les mains, par, la crainte de ne trouver pas ailleurs un si bon party.

Cependant la Coûtume impose silence à toutes les soeurs, elle leur ordonne de se contenter, pourvû qu’elles soient mariées sans les déparager. La Loy présume que le doüaire et les autres avantages dont elle profite par le mariage supplée à ce qui luy défaut ; et l’on a eu principalement égard à prévenir les broüilleries, car il n’y a gueres de maris, ni même de soeurs, qui ne s’imaginassent qu’ils auroient eu beaucoup moins qu’il ne leur appartenoit ; de sorte qu’il en faudroit venir tous les jours à des estimations.

Cela fut jugé de cette manière en la Chambre des Enquêtes le premier d’Aoust 1628. entre Thomas Langeard et Jaqueline Vantigny et Georges de Vantigny ; cette seur prétendoit que son frère en la mariant ne luy avoit pas donné sa part, et elle disoit que son mariage luy êtoit acquis par le decez de son pere, qu’il n’avoit pû luy diminuer, que le mariage des filles doit être avenant ; c’est à dire proportionné à la qualité et aux facultez du pere ; que la legitime est duë aux enfans jure naturae, Novell. 1. in procmio S. 2. de hered. et falcid. et elle ne peut être affoiblie ni diminuée par quelque acte que ce mit, jus consequendi legitimam ut naturale, mutari non potest, dit un Docteur François, sieut enim per pactum non tollitur jus agnationis, nec etiam jus legitima auferri aut minui potest, quia legitima non est beneficium parentis, sed legis ;Molin . Consil. 29. n. 5. sur quoy l’on peut voir le Journal des Audiences, Tome 2. l. 8. c. 49. Le frere répondoit qu’il avoit pleinement satisfait à la Loy et à son devoir l’ayant mariée et dotée sans la déparager : Par l’Arrest la seur fut deboutée de son action. Par Arrest du 23 de Decembre 1551. entre Brunette, Hamelin et Thomas Lasnier, il fut dit qu’une fille ayant été mariée durant la minorité de son frère ne peut pas aprés revenir à partage, bien qu’elle n’ait eu mariage suffisant, s’il n’y a eu reservation.

Si neanmoins il se remarquoit une inégalité extraordinaire entre le mariage qui auroit appartenu à la seur et la somme, donnée par le frère, et que d’ailleurs elle fût déparagée en quelque façon, il seroit jusse d’écouter sa plainte, car aprés tout la legitime est tres-favorable ; mais il faudroit que cette lesion fût apparente et considérable, et sur tout que la con-dition ne fût pas égale, parce qu’en ce cas il ne suffit pas au frère de l’avoir mariée, s’il la déparage ; ce seroit déparager une fille que de la marier à un roturier, et le frère seroit ihexcusable s’il l’avoit si mal pourvûé pour en avoir bon marché ; mais quand la seur transige de sa legitime avec son frère avant son mariage, il n’est pas necessaire que la lesion soit grande pour donner ouverture à la seur de demander ce qui luy appartient, car la Coûtume d’impose silence à la seur que lorsqu’elle a étéamariée, parce qu’en ce cas elle est enquelque sorte recompensée par les avantages qu’elle acquiert par son mariage. Marguerite Vallée poursuivant son frere pour faire regler sa pension, elle transigea avec Charles Vallée pour son mariage. avenant ; depuis ayant été mariée avec Vincent Linant, elle obtint des lettres de récision fondées sur la déception ; et par Arrest du 14 d’Avril 1606. les lettres furent enterinées, et ordonné qu’il seroit fait assemblée de parens pour liquider son mariage avenant.

Argent Le pere ayant reglé la dot de sa fille le frere ne peut la diminuer en la mariant, pourvs que l’arbitration du pere ne soit point excessive, parce qu’en ce cas le droit est acquis à sa fille. Mr d’Argen-ré, sur l’Art. 224. gl. 2. n. 5. Art. 225. gl. 4. n. 8. a remarqué qu’autrefois en Bretagne les filles ne pouvoient rien demander à leurs freres, quand ils les avoient mariées, sed jus immutatumi et tous les Docteurs tiennent fratrem donatione aut maritatione sororem excludere non posse ab hereditate paternâ semel delatâ, et restitutiones dantur si modo non leve est quod fefellit. Un pere par son testament avoit reglé le mariage de sa fille puisnée à huit cens livres, ayant donné pareille somme à son ainée ; aprés la mort du pere ses freres en la matiant à un homme de sa condition ne luy donnerent que cinq cens livres, étant devenuë veuve elle demanda les trois cens livres ; les freres se défendoient en vertu de cet Article et de l’Article 357. Par Arrest de l’1r de Juilet 1662. ils y furent condamnez : on se fonda sur le testament du pere qui avoit reglé le mariage, et que le fils n’avoit contredit, et sur la pauvreté de la femme et le mauvais ménage du mary, plaidans Theroulde et de l’Epiney. Que s’il ne paroissoit point que le frere eût donné quelque chose, soit parce qu’il n’y avoit point de contrat de mariage par écrit ou autrement, la soeur pourroit demander sa legitime, suivant l’Arrest remarqué parBérault . sur cet Article.

La cinquième question a été décidée par plusieurs Arrests ; chacun convenoit que quand les seurs avoient été mariées par leurs peres, tous les freres étoient obligez solidairement, parce que c’étoit une dette de la succession. Il y avoit plus de difficulté lorsqu’elles avoient tté mariées par les freres, car ne s’étant pas obligez solidairement il sembloit raisonnable. qu’ils ne fussent tenus que chacun pour leur part, et leur promesse ne devoit pas être étenduë au de-là de ses termes pour rendre leur condition plus dure que s’ils avoient contracté vec un étranger ; la soeur à l’égard des frères ne doit être considérée que comme un simple creancier ; le beau-frere n’ayant point stipulé de solidité il étoit reputé les avoir acceptez chacun pour leur part : on objectoit au contraire que les soeurs ne sont que simples creancieres sur la succession de leurs peres et meres, que leur condition ne doit point être plus defavantageuse que celle de tous les creanciers qui ont une obligation solidaire contre tous les heri-tiers, que ce n’est point la dette des frères, mais celle du pere, et par consequent les freres la doivent acquitter de la même maniere que toutes les autres, et qu’il, ne seroit pas juste d’engager une pauvre fille qui n’a qu’un mariage avenant à entreprendre autant de procez qu’elle auroit de freres, et à les discuter les uns aprés les autres. Par Arrest en la Cham-re de l’Edit, au Rapport de Mr de Brinon, du 2gede Juin 1654. entre Dartenay et le Roy, sieur de la Barrière, la question étant tonte pure il fut jugé que les freres, quoy qu’en mariant leurs soeurs ils ne se fussent pas obligez folidairement, pouvoient être poursuivis pour le tout.

On avoit jugé la même chose entre les nommez Cabeüil, le S d’Aoust 1621. l’ainé avoir les deux tiers en Caux, et neanmoins les puisnez furent condamnez solidairement. Autre Arrest du 18 d’Aoust 1656. au Rapport de Mr de la Vache. Voyez cet Arrest sur l’Article 364. Autre Arrest du 1é de Juillet 1626. entre le Comte et du Moucel. Autre Arrest du 12 d’Avril 1646 entre François du Bose, sieur de Jourdemare, et Demoiselle Barbe du Bosc. Aurre du 18 d’Aoust 1666. entre Richard Tillais, ayant épousé Elizabeth Etherel et autres. Une mère avec son fils en mariant sa fille luy avoient promis conjointement la somme de quatre mille livres pour sa part aux successions de pere et de mère à par Sentence le frere avoit été condamné par provision solidairement et subsidiairement à toute la somme : Greard, son Avocat, soûtenoit que la mere et le frère ayant promis conjointement chacun ne pouvoit être obligé que poursa part, c’est à dire à proportion de ce que les biens de chacun devoit porter de la legitime, mais qu’il n’y avoit point d’obligation solidaire. Theroulde pour la seur répondoit que les promesses de mariage étant favorables elles devoient être executées solidairement contre tous ceux qui avoient promis : Par Arrest du 27 de Mars 1655. le frere fut déchargé de la condamnation subsidiaire, et par consequent de la solidaire, parce que l’obligation solidaire pro-duit la subsidiaire ; aprés tant d’Arrests on n’en doute plus.

La sixième question n’est pas aussi problematique. Toûtain, Ecuyer, sieur de Limesi, vouloit obliger Jean de Villy, son beau-frere, à luy bailler caution pour la dot qu’il luy vouloit acquitter, et à faute de bailler caution il avoit fait juger que les deniers seroient proclamez.

Sur lappel de Villy, le Févre fon Avocat, disoit qu’il n’étoit point tenu de bailler caution.

Maurry, pour le sieur de Limesi, soûtenoit qu’il avoit cette faculté de se liberer toutefois et quantes, que si un frere ne pouvoit payer la dot à sa seur qu’en demeurant chargé de la garantie, ce seroit un moyen de rendre une rente foncière : Par Arrest du 27 de Novembre 1653. on cassa la Sentence, et il fut dit que le frere continueroit la rente, si mieux il n’aimoit bailler des héritages de la succession au denier vingt, à telle estimation qui seroit faite par les parens, dont les parties conviendroient : Et depuis la même chose a été jugée par plusieurs Arrests, et c’est la disposition du 47 Article du Reglement de 1666. Si toutefois aprés la liquidation du mariage avenant le frere au lieu de bailler des héritages se constituoit en rente, qu’il eût payée durant plusieurs années, il ne seroit pas juste de luy permettre de changer de volonté et de bailler des héritages, cela fut jugé en la Grand-Chambre le 20 de May 1659. plaidans Morlet et Theroulde ; il y avoit cela de particulier que la dot n’étoit que de quatre cens livres, et que les frais d’une estimation eussent été trop grands. La même raison d’équité se rencontreroit si la soeur avoit transporté sa rente, car on l’exposeroit à des interests d’éviction.

On a jugé que si le frère a baillé quelque rente à sa seur pour le payement de sa legitime non seulement il en est garand, mais aussi que si le redevable n’a point de meubles la seur n’est point obligée à la discution de ses immeubles, et que le frere êtoit tenu de reprendre la rente : ainsi jugé par Arrest en la Chambre de l’Edit l’ir d’Avril ré4 et entre les nommez de la Place. La condition des filles est si desavantageuse, qu’il faut toûjours leur faciliter la joüissance et la possession de ce peu qui leur est donné.