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CCLII.

Action des filles pour leurs promesses de mariage.

La fille mariée par son pere ou mere ne peut rien demander à ses freres pour son mariage outre ce qui leur fut par eux promis quand ils la marierent ; et si d’ailleurs aucune chole luy a été promise en mariage, ceux qui l’ont promis ou leurs hoirs sont tenus le payer ; encore qu’ils né fussent tenus la doter.

Cet Article semble superslu. L’Article 250. avoit décidé que s’il n’avoit êté rien promis à la fille, elle ne pouvoit rien demander : Il s’ensuivoit assez évidemment qu’elle ne pouvoit avoir d’action contre ses frères ; cependant l’explication de quatre paroles de cet Article a partagé les esprits treslong-temps ; et jamais il ne s’est donné tant d’Arrests contraires sur un même sujet.

De ces paroles donc ( quand ils la marierent ) on a fait naître cette question, si le pere ou la mere pouvoient donner quelque chose à leur fille aprés l’avoir mariée : Bérault a traité cette uestion, et en suite il rapporte ce fameux Arrest de Falla, par lequel aprés un partage en la Chambre de l’Edit, qui fut jugé en la Grand. Chambre, on cassa une donation faite par une mère à sa fille

Ceux qui reprouvoient ces donations s’attachoient à ces termes, lorsqu’ils la marierent, et prétendoient que les peres et meres ne pouvoient donner à leurs filles que in solo actu maritationis, comme les Docteurs estiment que la renonciation faite par la fille à la succession ne vaut que in contractu matrimonii ; la Coûtume de Bretagne ancienne en l’Article 224. portoit que le pere en mariant sa fille luy pouvoit donner : Et suivant l’opinion de M’d’Argentré , le sens de cet Article êtoit que la fille n’étoit pas excluse de la succession en consequence de la donation, mais en consequence du mariage, non excludit filiam abhereditate paternâ à casu donationis, sed â maritatione, ergo maritata excludetur non dotata, consuetudo solam maritationem excludit : si maritaverit excludit etiam si nihii dederit, gl. 4. et la Coûtume de Bourgogne, Rubr. 7. 8. 12. comme aussi plusieurs autres, disposent que fille mariée ne peut retourner à la succession, c’est à dire que le pere a épuisé tout son pouvoir lorsqu’il a marié sa fille, et il ne luy reste plus aucune liberté de luy bien faire : En effet la fille n’est-elle pas assez bien pourvûë, et le pere n’a-t’il pas pleinement saitisfait à son devoir, quand par le moyen du mariage la fille acquiert un doüaire : elle prend part aux meubles et aux acquests de son mary : M d’Argentré , Article 225. gl. 4. n. 11. et enfin l’exclusion des filles ayant pour fondement la conservation des familles, le pere ne peut plus les rappeler par des donations ou reservations à partage ; l’intention de la Coûtume paroit encore en l’Article 268. que le pere peut en mariant ses filles les reserver à sa succession, ce qui témoigne expressément qu’il n’est permis aux peres et aux meres de faire aucun avantage à leurs filles qu’en les mariant.

On opposoit au contraire l’Article 436. celuy qui a fait don par avancement de succession de partie de ses biens, n’est point privé de donner le tiers du reste de ses héritages à personne étrange, et qui n’attend part en sa succession, puis donc que la fille n’attend point de part en la succession du donateur, elle est capable de ce don, si la Coûtumé eût permis simplement de donner à un étranger, on eût pû dire que les enfans du donateur ne pouvoient être mis en ce rang ; mais pour prévenir cette difficulté elle a prudemment ajoûté, et qui n’atiend part en sa successionpuis donc qu’il est generalement permis de donner à ceux qui n’attendent point de part, et qui n’esperent rien à droit successif à l’heredité du donateur, les filles mariées qui en sont excluses sont capables de donation ; aussi ces paroles ne peuvent naturellement s’entendre que des filles car autrement c’étoit assez de permettre de donner à un étranger, mais apparemment la Coûtume les a designées par ces autres paroles, et qui n’attendent part en sa succession, voulant dite qu’encore que les filles ne soient pas une personne étrangere à l’égard du pere et de la mere, neanmoins ils leur peuvent donner, parce qu’elles n’attendent point de part en leur successions quant aux paroles de cet Article, leur véritable sens est que les soeurs n’ont aucune action contre sieurs freres, pour leur demander leur legitime ou le supplément de leur legitime, mais elles ne lient pas les mains au pere, en sorte qu’il ne puisse user envers elles d’aucune liberalité, ni leur faire part à l’avenir de la bonne fortune qui luy est arrivée ; il ne luy doit pas être interdit de changer de volonté, et si d’abord il n’a pas fait justice à sa fille il peut reparer cé manquement par une donation posterieure, pourvû qu’elle n’excede point sa legitime ; comme cette exclusion a été volontaire, il doit avoir la liberté de la revoquer, et bien que ce terme sen la mariant, soit un gerundif, qui semble porter une necessité précise, néanmoins on luy donne un sens beaucoup plus étendu ; par exemple il n’ôte pas au pere le pouvoir d’aibitrer et de regler le mariage de sa fille par un testament ou par quelqu’autre acte entre vifs ; s’il le trouve à propos, pu s’il craint d’être prévenu de la mort avant qu’il la matie ou qu’elle soit parvenue à ses ans nubils ; On ne doute point que cet et arbitration ne soit aussi valable, que si elle avoit été faite par un contrat de mariage, et que le frere ne soit tenu de l’executer, pourvû qu’elle n’excede point les bornes de la portion qui luy appartient, autrement il ne pourroit pas même la reserver à sa succession, quoy que la Coûtume luy donne si expressément ce pouvoir ; aussi toutes les Coû-tumes, qui ne permettent pas à la fille de demander quelque chose au-de-là de ce qui luy a été promis en la matiant, ont néanmoins laissé cette liberté de leur augmenter leur legitime La Coûtume de Bourgogne s’en est exprimée fort nettement, aprés avoir dit au commercement du S. 12. Rubr. 7. que la femme mariée par ses pere et mere, et à laquelle il a été constitué dot, ne retourne point à la succession de ses pere et mère ; ajoûte ces mots, et n’entend on point priver de donation que ses pere et mere luy voudroient faire sans titre d’hoirie. La Coûtume d’Auvergne est pareille.

Dans toutes les Coûtumes où la fille dotée et mariée est excluse par sa renonciation, le pere peut la rappeler à partage, quam pater filiam renuntiatione exclusit, potest rursus admittere : Mr d’Argentré , Art. 225. gl. 4. Il est vray qu’il estime que cela ne se peut faire par la Coûtume pour les nobles qui sont d’un gouvernement avantageux : dans ces renonciations qui sont exigées par les peres inest tacita conditio, si pater in eadem voluntate permanserit : et cette jurisprudence est naturelle et raisonnable, car les filles qui ont renoncé pouvoient être raps elées à la succession, comme elles en ont été excluses par une convention particulière stipulée par le pere, il peut par une convention contraire les rappeler à sa succession, et c’est com-me si nous disions en Normandie qu’un pere ne peut pas reserver sa fille à sa succession aprés l’avoir mariée, mais qu’il peut luy faire une donation jusqu’à la concurrence de sa legitimes en ce cas le pere nihil dat, sed datum legibus significat, et le frère ne s’en peut plaindre, le pere étant encore le maître de son bien, le droit ne luy en est acquis que par espèrances et d’ailleurs c’est une maxime que quoties ad jus quod lex naturae tribuit actio redit, non fit causa rei deterior, sed forma sua redditur. Il est vray que dans les autres Coûtumes les filles étant heritieres, et n’étant excluses de la succession que ex pacto et en consequence de leur renont ciation, il est plus naturel et plus aisé de les y rappeler, et c’est pourquoy leur exemple n’a point de force en Normandie, où les filles ne succedent point par le droit commun et general : mais on répond que l’exclusion des filles n’étant pas absolué, et le pere les pouvant reserver à sa succession par tel acte qu’il luy plaist, il doit avoir la liberté de leur fournir leur legitime toutes les fois qu’il le juge à propos. Et pour montrer que l’on ne peut pas induire de ces paro-les ( en les mariant ) une impuissance de la part des peres et meres d’augmenter la dot de leurs filles, l’Article 254. contient ces mots, si le pere ou mere a donné à sa fille en faveur de mariage ou autrement, &c. D’où il est évident que le pere peut donner à sa fille autrement qu’en faveur mariage et en autre temps, si unus S. pactus. D. pact.Chop . de privil. Rust. Rust. l. 3. c. 7.

Chass Louet Boer . decis. 184. Chass. Rubr. 7. 5. 12. Loiet, l. R. n. 9. Aussi cet Arrest de Falla n’a jamais été suivi ; on avoit même jugé le contraire l’ir de Mars 1605. entre Me Robert de Courcol et

Fleurent de la Mare, mary de Loüise de Courcol. Un pete avoit donné vingt-cinq mille livres à sa fille en la mariant, trois ans aprés il luy donna une Sergenterie noble de valeur annuelle de deux cens livres : Le frère contesta cette donation ; la soeur la soûtenoit valable, parce qu’elle n’excedoit point sa legitime : Par l’Arrest la donation fut confirmée, et néanmoins tout ce qui avoit été donné par le contrat de mariage et par cette donation fut reduit au tiers de la valeur de la succession au temps qu’elle étoit échûé, aux charges de droit ; et incontinent aprés cet Arrest de Falla, à sçavoir. le 18 de Juillet 1614. en la Grand. Chambre, au Rapport de Mi Martel, on confirma une donation que le Brumen avoit faite à ses filles. Autre Arrest du 22 de Juin 1622. entre Bindel et le Pigny, sieur de la Forest : Aprés avoir vû tous les Arrests contraires, et particulièrement celuy de Falla qui est énoncé dans le vû de l’Arrest, on jugea que la donation faite par un pere à sa fille mariée, en supplément de dot, êtoit valable ; ce qui a encore été confirmé par un autre Arrest donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Bonissant, le 17 de Juillet 1629. dont voicy le fait. Par le traité de mariage de Jacques Jolie et Marguerite Gruchet, Marguerite de S. Remy, mère de ladite Gruchet, luy avoit donné la somme de trois cens livres pour toute et telle part qu’elle pouvoit prétendre en sa succesfion, si mieux elle n’aimoit partager avec ses frères ; cette somme n’étoit payable qu’aprés li nort de la mère ; cette clause du contrat ne fut point insinuée. Aprés la mort de ladite S. Remy, olie demanda à Gruchet, son beau-frere, les trois cens livres, ou qu’il le reçût à partage. Gruchet allégua pour défenses que sa seut ayant été mariée une premiere fois par ses pere et mere, elle ne pouvoit plus recevoir d’eux aucune donation ; que ce qu’elle avoit eu lors de son premier mariage luy tenoit lieu de partage ; que quand elle n’auroit rien eu, son pere avoit pû la marier sans luy rien donner ; que suivant l’Article 448. toutes donations faites de pere à fils en faveur de mariage doivent être infinuces ; que cette somme étant à prendre sur les immeubles, l’insinuation étoit necessaire ; qu’en tout cas elle excedoit le partage qui luy auroit appar-senu. Jolie s’appuyoit sur les Articles 258. et 259. suivant lesquels les peres et les meres peuvent reserver leurs filles à partage, et ils peuvent leur donner en les mariant des héritages ou des meubles, la Coûtume n’ayant point fait de distinction entre les premieres et secondes nopces, et ne défendant point de leur donner aprés qu’elles sont mariées ; que l’Article 431. qui défend de donner au décendant en droite ligne, ne s’entend que de l’heritier immediat du donateur décendant de luy : que quand elle fut mariée la premiere fois ses pere et mere ne luy donnerent rien, parce qu’alors ils n’avoient aucun bien ; mais depuis étant échû une succession à sa mere elle avoit crû être obligée de luy en faire quelque part, qu’elle consentoit à la reduction en cas d’excez ; à légard de linsinuation que ce qui étoit donné pour dot à la fille n’étoit point sujet à insinuation, non plus qu’une reservation à partage. Il avoit été dit par la Sentence à tort l’action : Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et Gruchet condamné de payer, sauf à rappeler sa seur à partage. Ce qu’il y avoit de particulier étoit que cette donation avoit été faite lors du second mariage. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr Côté, du 12 de Juillet 1631. entre Me David Jagaut, tuteur des enfans de Benjamin Jagaut, et Daniel juron, et autres créanciers de Michel le Pelletier, et Jacques le Perit, sieur de S. Jean ; ledit e Perit prétendoit faire casser la, donation faite par Michel le Petit son ayeul, à Susanne le Petit, femme de Benjamin Jagaut : Par l’Arrest la donation fut déclarée valable, sauf à la faire reduire en cas d’excez.

Autre Arrest donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de M de Toufreville-le-Roux le 24 de Mars 1642. entre le Tellier et Bomille, par lequel la donation de la somme de mille livres faite par la nommée Roquier, tutrice de Bomille, à chacune de ses trois filles, pour augmentation de dot, fut confirmée.

Autre Arrest en plus forts termes rendu en l’Audience de la Grand. Chambre du 2 de May 651. entre Jacques et Jean le Danois, fils de Jacques le Danois, et heritiers en partie de Pierr et le Danois, appelans de Sentences, par lesquelles il avoit été ordonné qu’au refus desdits le Danois de consentir qu’Eve le Danois, veuve de Pierre Doutremer, et Estienne Bertout, mary d’Anne le Danois, fussent envoyez en la possession de vingt acres de terre à elles données par le testament de Pierre le Danois, lesdites Eve et Anne le Danois seroient reçûës à partage, en rapportant ce qui leur avoit été donné par leurs contrats de mariage ; la Cour, en infirmant les Sentences, déclara le testament valable, jusqu’à la concurrence de la legitime des-dites Eve et Anne le Danois. Autre Arrest donné en l’Audience du 3 de Février 1654. plaidans Basire et Turgis, par lequel sur la question de la validité d’une donation faite à une fille aprés son mariage, la Cour avant que d’y faire droit ordonna que les successions seroient estimées par les parens dont les parties conviendroient, Mr Antoine du Val Contrôleur au Magazin à Sel de Caudebec, et Jacques le Mancel ayant épousé Françoise du Val, et Anne et Jeanne du Val, parties plaidantes. Autre Arrest, au Rapport de Mr de Tremauville-Anber, l’ii de May 1658. entre Gilles du Four et Nicolas Thierrée, ayant épousé Marie du Fout, Pierre Haïs et Antoine Latige, maris de Françoise et Elisabeth Thierrée. Autre Arrest donné en l’Audience du 20 de Juillet 1657. entre Christophe Godefroy, François lgor, et le Recteur du College des Jesuites de Roüen : Ainsi sans s’arrêter aux anciens Arrests on peut dire que multa è duritie veterum melius et laetius mutata sunt. Il est juste que les petes conservent quelque diberté de pouvoir gratifier leurs enfans, pour les retenir dans leur devoir.

Depuis encore quelques-uns ont voulu soûtenir qu’au moins cette donation ne pouvcit valoir que sur les meubles, mais cette distinction est sans apparence. Vide Consil. c6. Decii.

Chop . l. 1. c. 63. de la Coûtume d’Anjou, n. 5. l. qui volebat de hered. Instit. D.

On a fait une seconde difficulté, sçavoir si lon devoit étendre plus loin cette facuité de donner à la fille mariée, et si la donation faite aux enfans de la fille par leur ayeul ou ayeule êtoit valable : Les opinions ont encore été fort partagées sur ce sujet : Une mere en mariant sa fille ainée luy lonna sept mille livres, et à deux autres filles à chacune quinze mille livres ; depuis elle fit une démission de tout son bien en faveur de ses fils, à la réserve de cinq cens livres de rente, dont elle retenoit la disposition, et comme elle avoit donné beaucoup moins à sa fille ainée qu’aux autres, elle voulut reparer cette inégalité par une donation entre vifs de cent livres de rente qu’elle fit à sa petite-fille, sortie de sa fille ainée : aprés sa mort ses fils firent juger cette donation nulle par Sentences du Vicomte et du Bailly d’Andely ; sur lappel Alorge soûtenoit la donation en vertu de l’Article 436. suivant les raisons alléguées cy-dessus, il s’aidoit même de l’Article 43i. quoy qu’il parût luy être contraire : Suivant cet Article une personne âgée de vingt ans peut donner le tiers de son héritage à qui bon luy semble, pourvû que le donataire ne soit poirt heritier immediat du donateur, ou décendant de luy en droite ligne. Il sembleroit d’abord que la donafaire décendant en droite ligne de la donatrice seroit incapable de la donation, mais il ne faut pas entendre cet Article de la fille et de ses enfans ; ces paroles n’ont été employées que pour prévenir les affections déreglées que l’on porte souvent à l’un de ses heritiers au préjudice des autres, et c’est dans cette vué qu’il est dit au commencement de l’Article qu’on ne peut donner à son beritier immediat, et on a même entendu ces mots, qu’on ne peut donner à son heritier immediat que des biens ausquels l’heritier immediat succede en partie ; car on a jugé qu’on pouvoit donner le tiers de ses acquests à son heritier immediat au propre, ce qui recevoit plus de difficulté que la donatien aux enans de la fille : Ainsi par le premier chef de l’Article étant défendu de donner à l’heritier immediat, et nos Reformateurs ayant prévû qu’on feroit fraude à la loy, en donnant aux enfans de cet heritier immediat, ils ont ajoûté et décendant de luy en droite ligne, quia in eandem personan reciderent legatum & hereditas ; et pour entendre parfaitement cet Article il le faut joindre au 436. et dire que par l’Article 431. il n’est pas permis de donner à ses heritiers ni à leurs enfans, mais que par. l’Article 436. il est permis de donner à ceux qui n’attendent aucune part en la succession de donateur : car si cet Article 436. ne s’entendoit que de ceux qui sont vrayement étrangers à une famille, il ne contiendroit qu’une repetition inutile ; car personne ne doute qu’un étranger n’attend rien à une succession à droit successif, mais ces mots ( qui n’attend part en la fuccession. ont été expressément ajoûtez, pour désigner ceux que la Coûtume rendoit incapables de ces donaiions, qui sont les heritiers ab intestat. Valée, pour les intimez, prétendoit que la donation toit nulle, suivant cet Article 431. que ce mot sdécendant de luy en droite ligney devoit s’entendre du donateur et non du donataire, comme quelques-uns ont pensé, et par cette raison la donafaire se trouvoit dans le cas de la prohibition, sans avoir égard à la distinction que l’appelante voit proposée, puisque la Coûtume ne l’avoit point faite, nam ubi lex, &c. chacun des Avocats citoit aussi des Arrests à son avantage : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du s de May 1650. les Sentences furent confirmées, entre Ladvenant mary de Marguerite Dieupart, fille de Catherine le Tisserant, donatrice, appelante, et Jean Bouloche, ayant épousé Marguerite Dieupart, fille de Claude Dieupart et de ladite le Tisserant, intimé.

Mais cet Arrest a eu aussi peu de succez que celuy de Falla, car la même question s’étant offerte en l’Audience de la Grand : Chambre, sur l’appel d’une Sentence qui avoit cassé une pareille donation, Maurty disoit que toute la difficulté procedoit de la mauvaise explication que l’on avoit faite de l’Article 451. qui ne parloit que des donations, mais qu’il ne pouvoit avoir lieu lorsqu’il s’agissoit du mariage et de la legitime des filles ; qu’on ne pouvoit pas Souter que les peres ne pussent donner à leurs filles ou à leurs décendans, pourvû que ce qui avoit ét sonné à la mere et à ses enfans n’excedat point sa legitime, et puisqu’on a jugé que le pete pouvoir donner à ses filles, autrement qu’en les matiant, il n’y a point de raison ni de disposition qui l’emsesche de donner aux enfans de sa fille, la loy présume que le pere consilium capit pro liberi. quand on a confirmé la donation faite à la fille, on a penfé que le pere ne l’avoit pas bien pourvûë et pourquoy ne luy souffrir pas de donner à ses petits enfans pour les mêmes considerations Aprés tout ce n’est pas une donation, c’est un supplément de legitime qui est dûë, jure naturae tion beneficio patris, ce qui ne tombe pas dans la dispofition de l’Article 431. Par Arrest du 20 de Juillet 1657. la Sentence fut cassée et la donation confirmée ; Heuzé plaidoit pour l’intimé, c’est un point dont on ne doute plus au Palais.

On a voulu neanmoins que ces actes de donations ou de supplémens de legitimes fussent parfaits et accomplis en toutes leurs formes, et pour cette raison on jugea le 17 de Juin 1652. que la donation de propre faite par le testament d’un pere à ses filles mariées ne pouvoit subsister, parce que ce pere n’avoit vécu que trois mois aprés son testament, on estima qu’il n’étoit pas juste d’ajoûter faveur sur faveur, bien qu’on luy ait permis cette augmentation de dot, c’esti toûjours une liberalité du pere qui est sujette à toutes les formes et qui ne peut valoir par consequent, si elles ne sont parfaites et accomplies ; cela neanmoins ne me semble pas tout à fait concluant, puisque c’est en effet un supplément de legitime, et que c’est sur ce principe que l’on a fait subsister la donation ; mais on peut dire qu’à l’égard du pere c’est une liberalité qu’il fait nullo jure cogente. L’affaire avoit été partagée en la Chambre des Enquêtes, et en procedant au jugement du partage en la Grand : Chambre, de seize Juges il n’y en eut que quatre d’avis contraire à l’Arrest : M d’Amiens Rapporteur, M de Monfort Compartiteur, à l’avis duquel il passa ; je parleray de cet Arrest sur l’Article 427. où je montre que les deux taisons qui servirent de fondement à l’Arrest ne sont point considérables.

Il est vray que ces donations sont reputées un supplément de legitime : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 28 de Mars 1623. il fut jugé que la donation faite par l’ayeul û sa petite-fille, sortie de sa fille, qu’il avoit mariée et dotée, retournoit aux enfans des mâles aprés la mort de la donataire comme un propre, et non aux collateraux comme un acquest.

Un pere en mariant sa fille luy donna moins que sa legitime, mais il ordonna par son testament qu’elle seroit payée d’une somme de dix mille livres, et en cas que ses heritiers contestassent la donation, il declara qu’il la reservoit à partage : les freres ayant contredit la donation, ils furent condamnez de la payer, si mieux ils ne vouloient recevoir leur seur à parta Maurry, pour les freres appelants, representoit qu’il auroit pû contester ce supplément de egitime en vertu de cet Article, mais en tout cas qu’il n’avoit pû luy donner au-de-là de sa portion ; que suivant l’Article 254. il pouvoit en demander la reduction, que la clause de reservation n’étoit pas civil, le pere ne pouvant reserver sa fille à partage aprés l’avoir mariée Le Sauvage foutenoit pour la seur que l’estimation qu’il faudroit faire du bien pour parvenit à cette reduction seroit impossible, le frère ayant dissipé les biens de la succession, que le pere pouvoit la reserver également depuis le mariage comme auparavant : Par Arrest en la Grand.

Chambre du 2 de May 1651. en infirmant la Sentence on ordonna qu’estimation seroit faite des biens de la succession pour reduire la donation si elle êtoit excessive ; ainsi l’on jugea que le pere pouvoit bien suppléer la legitime, mais qu’il ne pouvoit reserver sa fille à partage.

Cet Arrest et celuy que je rapporteray en suite marquent que l’on doute si peu que les peres et meres ne puissent donner aux enfans de leurs filles par augmentation de dot, qué l’on s’est simaginé qu’à faute par les fils d’executer la volonté du pere ; elle pouvoit être reçûë à partage.

Béranger avoit marié ses deux filles, depuis il donna à leurs enfans, par une donation entre vifs, à chacun vingt et une livres de rente, et quoy qu’il eût revoqué cette donation, Therouf, l’un de ses gendres, demanda à Béranger son beau-frere les arrerages des vingt et une livres de rente, Béranger luy opposa la revocation de la donation, mais Therouf repliquoit que cette donation étant entre vifs et insinuée ne pouvoit être revoquée ; par Sentence du Bailly de Roüen Beranger fut condamné, si mieux il n’aimoit recevoir sa seur à partage : cette dernière clause obliges Béranger à presenter Requête pour faire dire que la donation seroit reduite à la legitime de sa soeur, mais en ayant été évincé, sur son appel je representay que quand on avoit approuvé ces donations, c’étoit à cette condition qu’elles n’excedassent point la legitime, de sorte que es freres avoient toûjours une action pour en faire juger la reduction, mais que cela ne pouvoit servir de pretexte pour forcer les freres à recevoir leurs seurs à partage que l’Article 255. êtoit contraire à cette prétention ; car si lorsque le pere a promis à sa fille, soit qu’elle soit mariéee pu qu’elle ne le soit pas, or ou argent, ou autres meubles qui soient encore dûs, le frere peut faire reduire le don jusqu’à la concurrence du tiers, sans être tenu de la recevoit à partage, à plus forte raison il n’y peut être forcé lorsqu’il s’agit de reduire non une donation faite à la soeur, mais à sesenfans, le droit de revenir à partage par l’Article 254. n’est donné qu’à la seur et non à ses enfans, qui n’ont rien à prétendre sur la succession de leur ayeul, ne leur étant dû aucune legitime lorsque leur mère a été mariée, et cette nécessité de recevoir la seur à partage n’a dieu que pour les héritages dont elle est en possession : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 12 de Février 1671. en reformant la Sentence, on ordonna que la donation seroit reduite au nariage avenant, qui auroit appartenu à la mere. Cloüet plaidoit pour Therouf, intimé Le consentement que le pere ou la mere exigent de leurs fils pour valider ces donations ne les lprive pas de leur action en reduction. Du Val avoit un fils et trois filles, il leur donna trois sit cens livres à chacune, et les fit renoncer aux successions de pere et de mère ; aprés la mort du mary la mere fit plusieurs acquisitions dont elle voulut faire part à ses filles, et le fils signa au con-trat de donation : le fils aprés la mort de la mere obtint des lettres de récision, soûtenant la reduction de la donation : Par Arrest du 3 de Février 1654. on ordonna que le mariage avenant des filles ri seroit arbitré sur les successions de pere et de mere, pour ce fait être pourvû ainsi que de raison.

Aprés avoir expliqué cet Article si favorablement pour les filles, on leur a fait encore cette ta grace dans un cas fort particulier remarqué par Bérault : Une bûtarde ayant été mariée par son Tit pere naturel, et depuis legitimée par un mariage subsequent, a été reçûë à demander mariage ravenant, et il luy fut accordé par l’Arrest

Cette question s’offrit encore entre Fleury du Moustier et Barbe du Moustier femme del Langevin : Cette femme êtoit née avant le mariage de Matthieu du Moustier avec Barbe Masurier, ps sous promesses de mariage ; le pere l’avoit mariée comme sa fille naturelle, et luy avoit donné trois cens livres, n’ayant pas donné davantage à ses autres filles : aprés la naissance de Fleury du Moustier son fils, il accomplit le mariage et le reconnut avec Barbe du Moustier pour ses enfans et legitimes heritiers, et le même jour il acquitta les trois cens livres qu’il avoit promis pour la dot de ladite Barbe du Moustier sa fille ; aprés la mort du pere elle demanda mariage avenant à Fleury du Moustier son frere : Lyout, son Avocat, disoit que la raison de la Coûtume cessoit en cette rencontre, quand elle avoit voulu que les espèrances des filles se rapportassent à la seule volonté de leurs peres ; elle avoit présumé favorablement de leur amour pour leurs enfans legitimes, mais qu’on ne pouvoit pas avoir cette pensée, qu’ils eussont eu les mêmes soins et les mêmes tendresses pour leurs filles naturelles, que si toutefois il efface cette tache de leur naissance, et s’il leur fait tenir le rang et la condition d’enfans legitimes, on ne doit plus considerer ce qu’il a fait pour elles auparavant, et ce n’est que du moment de leur legitimation qu’elles entrent dans sa famille, et s’il n’a tien disposé depuis en leur faveur, il faut les considerer comme des filles qui n’ont point été pourvûes par leur pere ; les enfans legitimez par mariage. ubsequent sont reputez vrayemenr legitimes, joüissans et participans à tous les droits des legitimes, et par consequent elle étoit recevable à demander tous les droits que la Coûtume accorde aux enfans de cette qualité. Je répondois pour Fleury du Moustier que cette presomption étoit favorable, et que l’on pouvoit présumer que s’il l’avoit mariée comme legitime, il luy auroit fait une meilleure part de son bien ; mais il paroissoit par plusieurs actes que sa legitimtaion n’avoit point produit dans le coeur de son pere un accroissement de bonne volonté, parce qu’il avoit épuisé toute l’étenduë de sa liberalité, lorsqu’il l’avoit mariée en luy donnant autant comme s’il l’eûr déja considérée comme sa fille legitime ; qu’il avoit fait paroître son intention, lorsque le même jour il luy paya la dot qu’il luy avoit promise, sans y ajoûter de nouvelles promesses, et par la quittance elle avoit renoncé à demander ni prétendre aucune chose ; que si ce pere dans ce moment où il élevoit cette fille à la qualité de legitime, qu’il la recevoit dans sa famille. i lorsque ses tendresses étoient dans leur plus grande force, il n’avoit pas voulu ajoûter rien à ses promesses, elle n’étoit pas recevable à son action, et on ne peut dire qu’elle ait été mariée comme batarde, puisque dans le temps qu’il luy payoit ce qu’il luy avoit promis en la mariant elle avoit perdu cette qualité, et elle tenoit déja rang de fille legitime ; aprés tout il n’est pas croyable que la Coûtume ait eu l’intention d’autoriser les plaintes d’une fille legitimée, pour trous bler le repos des autres enfans legitimes ; il étoit juste qu’elle portât toûjours quelque marque de l’intemperance de son pere : Il s’observoit autrefois que la legitimation per subsequens matrimonium, n’étoit qu’à l’égard de l’Eglise et pour le repos de la conscience du pere ; mais elle n’avoit point lieu pour les effers civils, le droit Canon ne pouvant avoir de force et d’autorité, vû même qu’il est étrange de voir par ce droit Canon un enfant même adulterin legitimé per subsequens matrimonium : Par Arrest en la Grand : Chambre du premier de Février 1646. on luy ajugea mariage avenant, pour l’arbitration duquel les parties furent renvoyées devant les parens Arrest pareil du Parlement de Paris dans le Journal des Audiences, l. 5. c. 18 La piuspart des Coûtumes qui contiennent une disposition pareille à cet Article ne parlent que du pere, ce qui a fait une dispute entre nos Auteurs, pour sçavoir si la Coûtume ne parlant que du pere, qui peut exclure de sa succession la fille qu’il a mariée et dotée, se doit entendre de l’ayeul : La raison de douter est que expresso Statuto persona in materia exorbitante non xpressas excludunt, sic ut extensio de persona ad personam fieri nequeat, sed casum potius à statuto omism videri volunt. Mr d’Argentré , Article 224. gl. 2. Nôtre Coûtume a prévenu toutes ces difficultez, ayant parlé du pere et de la mère, et dans l’Article suivant elle a usé du mot l’ancesseurs, qui comprend tous les ascendans,

On donne bien cette liberté aux frères de marier leurs seurs de meubles ou d’héritages, mais il ne leur est pas permis de ne leur donner rien, quoy que d’ailleurs elles fussent mariées à une personne d’une condition égale, ce qui se prouve par les paroles de cet Article ; car étant dit qu’il les peut marier de meubles ou d’héritages, il s’ensuit qu’il est tenu de leur donner l’un ou l’autre, et la Coûtume n’a pas dit en cet Article comme dans le précedent, et si rien ne luy a été promis rien n’aura, ce qui est tres-juste, et l’experience confirme assez que l’on ne doit pas se promettre tant d’affection de la part des freres envers leurs seurs.

Sur cet Article on a formé ces trois questions, si la seur mariée par son frere peut demander un mariage plus grand que celuy qui luy a été donné ; La seconde, si les fteres sont obli-gez solidairement au mariage : Et la troisiéme, s’ils peuvent bailler du fonds en payement du nariage avenant qui leur est demandé par leurs seurs