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CCLIV.

Revocation des donations excessives faites par les pere et mère à leurs filles.

Si pere et mere ont donné à leurs filles, soit en faveur de mariage ou autrement, héritages excedans le tiers de leur bien ; les enfans mâles le peuvent revo-quer dans l’an et jour du décez de leurdit pere et mere, ou dans l an et jour de leur majorité ; et se doit faire lestimation dudit tiers, eu égard aux biens que le donateur possedoit hors de la donation, et où la donation seroit faite du tiers des biens presens et avenir, l’estimation dudit tiers se fera eu égard aux biens que le donateur a laissez lors de son decez.

On peut dire de cet Article ce que Mr’d’Argentré disoit de l’Article 224. de sa Coûtume, qui contenoit une disposition pareille à la nôtre, que c’étoit une pepiniere de procez, et par cette raison il le fit abolir ; en effet cette matière de la revocation et de la reduction des dons et des promesses faites par les peres à leurs filles en les mariant, est un sujet fort ordinaire de broüillerie.

La Coûtume d’Anjou en l’Article 241. permet, comme la nôtre, au pere noble de ne donner rien à sa fille, et de la marier pour un chapeau de roses, pourvû qu’elle soit emparagée noblement, mais elle luy donne aussi ce pouvoir de luy donner plus grand mariage avenant, et il luy peut donner la tierce partie de sa terre, ou chose immeuble, bien qu’il ne luy en appartint par succession que le quart quint, sixième ; septiéme, plus ou moins en mariage ; puisque la Coûtume remet à la prudence des peres de marier leurs filles sans leur rien donner, parce qu’elle présume qu’il ne sera jamais asses inhumain de la pourvoir desavantageusement, pour se difpenser de luy faire part de son bien et l’user de quelque liberalité envers elle, il eût eté juste de luy laisser cette liberté de faire quelque effort et de leur donner quelque chose au-de-là de ce qui leur appartient pour les placer avec plus d’avantage ; néanmoins la Coûtume reglant la portion des soeurs au tiers de la succession, quelque nombre qu’elles soient, il n’est point permis aux peres d’exceder ces bornes, et leurs fils sont autorisez par cet Article à revoquer ce qu’ils ont fait au de-là de leur pouvoirPour l’explication de cet Article on peut examiner ces points : Premierement, en quel cas les freres peuvent revoquer les donations d’héritages faites par les peres et meresà leurs filles Secondement, si cette liberté est artachée à la personne des frères, et si leurs tureurs s’en peuvent dider : En troisième lieu, dans quel temps se doit faire la revocation : Et enfin si pour connoître l’excez de la donation, l’estimation se doit faire selon les biens que le donateur possedoit au temps. de la donation, ou selon les biens qu’il a laissez lors de son decezS Si la donation de tous biens presens et avenir est bonne ; Voyez Godefroy : Mr d’Argentré , Art. 18. gl. 5. n. 22. et Art. 20. gl. 3.Chenu , 4. 89.Charondas , en ses Réponses, l. 6. c. 57.Loüet , 1. D. n. 10. et 46.

Il est sans doute que la donation d’héritages du pere à sa fille peut être revoquée par le freren lorsqu’elle excede le tiers ; cependant plusieurs Praticiens s’étoient persuadez que le frere ne pouvoit demander cette reduction qu’en donnant à sa soeur la même portion qu’elle auroit euë, si son pere l’avoit expressément reservée à partage, ce qu’ils appeloient rappel a partage : ce fut le sujet d’un grand procez entre Mre Michel Baiberie, sieur de S. Contest, Maître des Requêtes, et les sieurs de Tilly et de Cagny. Tobie Barberie donna par son testament cent mille livres à chacune de ses trois filles ; Jean Blondel, Ecuyer, sieur de Tilly, et Loüis Ménage, Ecuyer, sieur de Cagny, ayans épousé les deux ainées, demanderent au tuteur de Mr de S. Contest sieur frete, les cent mille livres pour chacune, suivant le testament de leur pere ; le tuteur ayant prétendu que le pere avoit donné plus que le tiers de son bien, il se passa un expedient entre luy et les sieurs de Tilly et de Cagny, par lequel ils consentoient que le bien fût estimé : l’estimation ayant été rapportée à la Cour on soûtint qu’il faloit faire une distinction des biens, car comme lorsque la seur est reçûë à partage elle a une part égale à ses freres aux meubles et aux biens situez en bourgage, aussi pour juger de l’excez de la donation il faloit garder la même proportion et discuter, si en donnant aux seurs une part égale à celle du frère aux meubles et aux biens situez en bourgage, et le tiers aux autres biens, cette part ne reviendroit pas à la somme que leur pere avoit arbitrée par son testament, les soeurs soûtenans qu’il en faloir user. de la sorte, ou les rappeser à partage ; car le pere ayant ce pouvoir de les reserver à sa succession, il avoit pû arbitrert leur mariage avenant jusqu’à la concurrence de ce qui leur eût appartenu s’il les avoit reservées à partage, comme il auroit pû le faire, le frère n’étant recevable à contrédire la volonté de son pere qu’à cette condition : Sur cette contestation on donna un Arrest en la Chambre de l’Edit le mois de May 1653. par lequel la donation fut reduite au tiers, tant du meuble que de l’immeuble.

Les sieurs de Cagny et Blondel se pourvfirent contre cet Arrest par Requête civil sous le nom de leurs femmes, qu’ils autoriserent pour cet effet, et depuis-ils se pourvûrent aussi de leur chef eontre cet Arrest qui contenoit plusieurs autres chefs dont ils se plaignoient ; mais toure la conrestation tomba sur ce point, sçavoirsi lefils, qui contredit l’arbitration faite par le pere du ma-riage de ses filles, est tenu de les recevoir à partage, ou s’il doit leur paver seulement le tiers, tant du meuble que de l’immeuble : Alain Avocat difoit pour la Dame de Tilly qu’en cette Province on n’avoit jamais douté que le fils ne pouvoit contester farbitration du mariage de ses seurs faite par le pere, qu’en les rappelant à partage ; car puisque le pere pouvoit la reserver à partage, il nepouvoit être empesché de luy donner autant qu’elle auroit eu par le partage, ce qui n’étoit point contraire aux Articles 254. et 255. quand la Coûtume dispofe que la donation se reduit au tiers, tant du meuble que de limmeuble, cela s’entend des biens qui ne sont point situez en bourgage, et comme il y a fort peu de biens en bourgage, et que les filles reservées à partage n’ont que le tiers aux biens situez hors bourgage, la Coûtume s’étoit expliquée en termes. generaux pour la reduction au tiers, parce qu’ordinairement les filles même reservées n’ont pas davantage ; mais ayant fait depuis une exception en l’Article 270. et donné par iceluy aux filles reservées une part égale aux freres dans les biens de bourgage, on ne pouvoit entendre cet Article pour la reduction au tiers que des biens hors bourgage : et pour montrer que la Coûtume doit s’expliquer de cette sorte, on apprend par l’Article 269. que les soeurs, quelque nom-bre qu’elles soient, ne peuvent avoir que le tiers, et cependant cela n’est pas véritable, car lorsqu’elles sont refervées à partage elles ont la moitié aux biens de bourgage ; comme donc cet Article reçoit une exception par l’Article 270. ainsi les Articles 254. et 255. doivent être expliquez et conciliez par ce même Article, comme étant une exception des precedens. Mautry soûrenoit au contraire pour le sieur de S. Contest, que dans toute létenduë de la Coûtume on ne pouvoit trouver ce rappel à partage, au contraire elle s’étoit nettement expliquée dans l’Article 255 cet Article ayant reduit la donation du pere jusqu’à la concurrence du tiers du meuble et de lim meuble, que tous les mots de l’Article étoient importans ; ces mots Cjusqu’à la concurrence du tiers ) s’entendoient de la valeur du tiers : les seurs donc n’avoient point de partage, mais seulement le tiers, que c’étoit une regle que les seurs ne pouvoient jamais avoir plus qui le tiers, si elles n’étoient reçûës ou reservées à partage, et c’étoit le sens de l’Article 27os s que les seurs partageoient également les héritages en bourgage, au cas où elles fussent reçûës à artage, d’où il s’enfuit qu’elles ne peuvent avoir cette part égale en bourgage, que dans le seul pas de la reservation à partage ; je plaidois pour le sieur et la Dame de Cagny, qui prenoit les mémes conclusions que la Dame de Tilly fa femme : La cause fut appointée au Conseil, et depuis ayant été évoquée et renvoyée en la Chambre de l’Edit du Parlement de Paris, il intervint Arrest qui mit sur la Requête civil les parties hors de Cour ; en ce même temps on plaida cette même question en l’Audience de la Grand-Chambre : De la Mare avoit donné par son testament à une de ses filles sorties de son premier mariage, la somme de cinq mille livres : aprés sa mort sa vereuve, tutrice de leurs enfans, contestoit le payement de cette somme, consentant de payer à toutes les filles le tiers, tant du meuble que de l’immeuble : la seur l’empeschoit par deux raisons la premiere, que la tutrice n’avoit pas le pouvoir de contrédire la volonté du pere, que la Coûtume nedonnoit cette faculté qu’au fils devenu majeur ; et la seconde, que si l’ainé refusoit d’exe-cuter l’arbitration faite par le pere, il faloit la recevoir à partage : Par Arrest du 18 d’Aoust 1654. il fut dit que la somme de cinq mille livres demeureroit entre les mains de la veuve pour en payer l’interest au denier vingt, sauf aprés la majorité du frère à rappeler sa soeur à partage. Cet Arrest semble avoir jugé ces deux questions ; la premiere, que ce n’est point au tuteur à contredire l’arbitration faite par le pere, que cela n’appartient qu’au frère ; et la seconde, qu’il ne suffit par d’offrir le tiers de tout le bien, mais qu’il faut rappeler la seur à partage ; ce qu’il y a de particulier en cet Arrest, c’est qu’il fut donné sur les conclusions de Mr Hué, qui tachoit d’avoir un Arrest qui préjugeât la question en faveur du sieur de Tilly, son parent. Aussi suivant le sentiment commun quand le pere a simplement donné, sans reserver la fille à partage, la donation se reduit au tiers de tout le bien, et les peres prudens ne manquent jamais d’ajoûter qu’en cas que les freres contestent la donation, ils reservent leurs filles à partage.

Et il n’est pas véritable que cette faculté de revoquer soit personnelle au frere, le tuteur peut intenter laction en reduction ; et en effet en l’Arrest du sieur de Saint Contest, laction. avoit été formée par son tuteur, la question s’en offrit en la Grand. Chambre entre Pierre Poret et Denise des Planches. On soûtenoit contre un tuteur qu’il faloit attendre la majorité du frere, illud arbitrio fratris relinquendum, que la pieté naturelle le porteroit à reverer les sentimens de son pere, de sorte qu’encore qu’un tuteur pût exercer cette action, honestè tamen ervanda erat arbitrio pupilli ; par argument de la l. 12. 8. 3. ff. de admin. tutel. cependant comme elle est introduite en faveur du frere il recevroit du préjudice, si durant sa minorité son tureur ne la pouvoit exercer, les interests étant payez d’une promesse excessive : Par Arrest du t4 de Mars 1673. il fut jugé que le tuteur pouvoit revoquer, plaidans de Cahagnes et Greard Il arrive souvent que les freres signent aux contrats de mariage de leurs seurs mariées par le pere, et on a douté si cette signature des freres les excluoit de demander la revocation : Robert du Bois, sieur de Breteville, avoit non seulement signé au contrat de mariage de sa seur avec Auguste de Cairon, il favoit même ratifié volontairement deux jours aprés la mort. du pere et fait quelques payemens ; il obtint en suite des lettres de restitution qui furent enterinées, dont Cairon ayant appelé il opposoit à du Bois que cessant son consentement et son approbation il n’auroit pas contracté mariage : qu’il étoit majeur, et qu’il étoit obligé de s’informer de la valeur des biens de son pere, n’alléguant point de menaces ni de contiainte ; au contraire depuis la mort du pere il avoit ratifié volontairement la donation et entré en payement, ce qui le rendoit non recevable. Du Bois répondoit que sa signature au contrat de mariage ne lengageoit point, parce qu’il ne pouvoit pas sçavoir si la promesse du pere êtoit excessive, ne connoissant pas ses facultez ; et comme le pere ne peut donner à ses filles plus que le tiers de son bien, le consentement du frère durant la vie de son pere ne peut valider ces donations ; que la ratification aprés la mort du pere n’étoit point considérable, ayant été faite deux jours aprés sans connoissance de cause, et lorsqu’il ignoroit les forces de la succession : Par Arrest en la Grand. Chambre du 14 de Mars 1653. la Sentence fut confirmée ; mais il faut que le frere forme l’action en reduction dans l’an et jour, autrement il n’y est plus recevable, suivant l’Arrest remarqué par Berault sur cet Article. On jugea d’une autre manière en la Chambre des Enquêtes sur ce fait particulier entre les nommez Surdebled, au Rapport de Mr de Cambremont, en l’année 1650. Un frère qui avoit du bien en son particulier s’étoit obligé par une promesse faite à part au payement de trois cens livres de rente que le pere donnoit à sa fiile pour son mariage, il fut condamné de faire valoir sa promesse, quoy qu’il offrit de la rappeler à partage, mais le frere êtoit obligé par une promesse separée du contrat.

Pour parvenir à cette revocation la Coûtume impose aux freres cette nécessité, de la declarer dans l’an et jour du décez du pere, ou dans l’an et jour de leur majorité ; mais par l’Article 48. du Reglement de l’an 1666. la Cour y a ajoûté cette autre condition, qu’ils doivent. faire inventaire des écritures et des meubles : Cependant comme on n’ordonne point aux freres d’y appeler leurs soeurs, ou leurs maris, l’on peut revoquer en doute s’ils sont sujets à cette formalité, et si faute par eux de l’avoir gardée ils sont non recevables à revoquer les donations faites par leur pere à leurs seurs ; Il est certain qu’avant le Reglement de l’an 1666. c’étoit une maxime confirmée par plusieurs Arrests, qu’il ne suffisoit pas que les freres eussent fait inventaire des écritures et : des meubles, ils étoient encore indispensablement obligez d’y appeles leurs seurs pour la conservation de leurs interests ; néanmoins la Cour, qui n’ignoroit pas cette jurisprudence, n’ayant point enjoint d’autre condition aux freres que de faire un inventaire, on peut soûtenir avec apparence que cela suffit, et qu’il n’est point necessaire d’interpeller la seur d’y être presente ; mais bien que l’on n’ait pas employé dans l’Article du Reglement que les freres appelleront leurs seurs aux inventaires, et leur designeront le jour auquel elles pourront y assister, il n’est pas vray-semblable que la Cour les ait dispensez de cette obligation, là raison est que la Cour leur prescriroit inutilement de faire un inventaire s’ils pou-servoient y proceder en l’absence de leurs seurs ou de leurs matis, puisque pouvant enlever les meubles les plus precieux et les titres les plus importans, ils rendroient aisément illusoire cette précaution de la Loy : ainsi l’on peut dire que la nécessité de faire inventaire emporte l’obligation d’y appeler les seurs, parce que cette formalité ne leur étant commandée que pour les empescher de se saisir des effets de la succession, pour se mettre à couvert de ce reproche et faire cesser les plaintes des seurs, elles doivent être interpellées d’être les témoins de leur conduire et de leurs actions. Il restoit encore cette difficulté, sçavoir dans quel temps il faut proceder à la confection des inventaires : Du Val en matiant sa fille à Gots luy promit treize mille ivres, il en paya huit mille livres, et son gendre luy donna une promesse de ne demander les éinq mille livres restantes qu’aprés sa mort. Du Val par une espèce de testament pria ses fils de laisserous les meubles à leur mêre, ce qu’ils consentirent : Gots, nonobstant sa promesse, demanda les cinq mille livres, et du Val étant mort le 2é d’Octobre 1661. Rupierre, tuteur des enfans de Gots, fit ajourner les frères le r6 de Decembre suivant pour être payé des cinq mille livres ; il ne se fit presque point de poursuite que le 12 de Mars 1662. et alors les freres déclarerent qu’ils rappeloient à partage les enfans de leur seur. Le tuteur leur opposa la fin de non recevoir, pour n’avoir point fait. d’inventaire incontinent aprés la mort de leur pere. Il fut dit que le tuteur passeroit sa declaration, s’il acceptoit la succession ou s’il y renonçoit ; et par une autre Sentence il fut jugé que l’inventaire seroit fait, ce qui fut confirmé par le Bailly d’AlençonDe Freville, pour le tuteur appelant, soûtenoit que l’inventaire avoit dû être fait incontinent aprés la mort du pere, ce qu’il prouvoit par deux moyens : Le premier, par l’exemple de l’heritier beneficiaire, qui doit aprés quarante jours faire proceder à la confection de l’inventaire : Le second, par l’Article 341. suivant lequel l’ainé doit faire bon et loyal inventaire incontinent aprés le décez du pere. Je répondois pour du Val que comme on faisoit une grace à l’heritier beneficiaire de pouvoir prendre une succession sans être tenu des dettes, outre les forces de la succession, il étoit raisonnable, pour éviter aux substractions, qu’il procedat promptement à la confection des inventaires ; mais l’heritier absulu n’étoit point en obligation de faire d’inventaire s’il ne vouloit que dans la rigueur même les quarante jours ne seroient pas expirez, car le delay ne commence à courir que du jour que les lettres da benefice d’inventaire ont été enterinées, ce qui emporte plus de six mois, ainsi les freres seroient encore dans ce terme-là ; aprés tout que suivant cet Article les freres ont l’an et jour pour revoquer les donations d’héritages faites à leurs. loeurs, et par le suivant il n’y a point de temps préfix : or comme les enfans de leur seur ne demandent que du meuble, l’exception a la même durée que la demande, et ne peut être éludée par la non tonfection d’inventaire, pourvû que les freres n’ayent point mis la main à la chose, et puisqu’on a l’an et jour pour revoquer, à plus forte raison on doit avoir ce temps utile pour proceder à la confection des inventaires, il est vray que par l’Article 341. l’ainé est en obligation de faire inventaire incontinent aprés le decez du pere ; toutefois la Coûtume ne luy impose point de peine pour ne l’avoir pas fait ; mais la raison de cet Article est que la Coûtume luy donnant la saisine de la succession, il est juste que pour la conservation de l’interest de ses freres il fasse un inv en taire, et toutefois l’action pour ne l’avoir pas fait n’appartiendroit qu’aux freres, et non aux soeurs qui ne sont pas heritieres, et à leur égard lorsqu’il s’agit de revoquer les dons qui leur ont été faits, il suffit de garder l’ordre prescrit par cet Article et par les Reglemens, or on n’y trouve point qu’il soit necessaire de proceder aux inventaires dés le moment du decez du pere : Par Ar rest en la Chambre de l’Edit du 17 de Decembre 16é4. on mit sur l’appel hors de Cour.

Cet Article ne parle que des freres. On demande si un ayeul ayant donné à sa petite-flle en la mariant une terre ou des rentes, le pere survivant qui n’y a pas consenti pourroit revoquer la donation faite à sa fille ou la reduire à la legitime : Mr d’Argentré traite cette question sut lArticle 224. de l’ancienne Coûtume, gl. 2. n. 3. et son raisonnement est que ce qui a été donné à la petite-fille est reputé proceder de la substance du pere, ex substantia patris videtur profectum, et par consequent que la fille ne peut avoir que la part qu’il plaist à son pere, à quo neptis prasum otione juris habere videtur, et reverâ habet, cum immediatâ contemplatione ejus habeat, itaque nolent eohabere non potest, quod non nisi ab eo habet, & potest pater qui non corsensit, ad minorem redigere aut aequalem cum cateris, nec avi voluntatem necessario sequetur. Et j’estime que parmy nous l’opition de Mr d’Argentré seroit suivie, encore même que l’ayeul eut donné de l’argent comptanti si le pere donne à sa fille plus que sa legitime il ne peut pas de son vivant revoquer la donation, oi la rendre illusoire en se dépoüillant de son bien pour en faire avancement à ses autres enfans : Un pere étant redevable de plusieurs arrerages à ses gendres pour les rentes dotales qu’il leur avoit promises, se démit de tout son bien sur ses fils, qui déclarerent aussi-tost à leurs seurs qu’ils les recevoient en partage, alléguans que s’ils étoient condamnez de payer les arrerages, elles pourroient decreter le bien de leur pere, ce qui les priveroit de sa succession, et seroit irreparable s’ils attendoient aprés sa mort à former leur action. Les seurs demeuroient d’accord que la reduction pour le principal pouvoit être demandée, mais pour les arrerages que le pere ne pouvoit les en frustrer par cette voye indirecte d’un avancement de tout son bien à ses fils Par Arrest du 1é de May 1é34. il fut permis aux filles d’executer puur les arrerages sur les meubles et les fruits de la succession, sons neanmoins pouvoir decreter les héritages, fauf aux frere aprés la mort du pere à demander la reduction des promesses de mariage. Pareille question fut jugée entre Anquetil et Quevillon. Anquetil luy avoit promis en luy mariant une de ses filles cent livres de rente, étant poursuivi pour les arrerages il declara qu’il abandonnoit tout son bier à ses filles, en luy payant une pension alimentaire, et en même temps il fit presenter ses filles qui n’étoient point mariées pour demander leur legitime, et pour les rendre plus favorables il leur avoit fait un avancement de succession. Quevillon soûtenoit qu’il n’étoit pas récevable à demander la reduction de sa promesse, que cet avancement qu’il faisoit n’étoit que pour éluder l’effer de son obligation la plus favorable du monde, puisqu’il s’étoit marié sous l’esperance d’icelles si néanmoins il vouloit luy abandonner tout son bien, il offroit de le nourrir et de l’entretenir et de payer à son beau-frere les quatorze livres. de rente qu’il leur avoit promises, comme aussi de payer pareille somme aux filles qui n’étoient point mariées :. Par Sentence du Juge de Vallognes on avoit dit à tort l’opposition du pere, et on luy avoit ajugé cinquantelivres par an, dont ayant appelé, par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 18 de Janvier 1670o. la Sentence fut confirmée, si mieux n’aimoit le pere et son premier gendre abandonner le bien Quevillon, lequel en ce cas seroit tenu de nourrir le pere et de payer au gendre les quarorze livres de rente qu’on luy avoit promises, et pour les filles non mariées, qui s’étoient presentées en la Cour, on ordonna qu’il leur seroit pourvû par le Juge, et en attendant qu’elles seroient payées de quatorze livres de rente chacune ; on voyoit une conjuration de toute la famille, afin que Quevillon ne fût point payé, plaidans Poulain pour le pere, Jobard pour les filles, et moy pour Quevillon intimé.

Catherine de la Haye, veuve de Pierre Mautrot, en matiant Catherine Mautrot sa fille à Jean de Bray luy promit dix-sept livres de rente : pour le payement de cind années d’arrerages il fit sommer en decret sa belle-mere, laquelle ayant opposé contre cette sommation. elle avoit été confirmée. Sur l’appel de Catherine de la Haye, Greard concluoit, vs sa declaration qu’elle abandonnoit son bien à ses enfans, que la sommation en decret devoit être cassée, et à elle permis de se faire payer de la provision que la Cour luy ajugeroit, sauf à ses enfans à partager comme ils aviseroient bien. De l’Epiney pour Antoinette et Marguerite Mautrot, autres filles, se joignoient à leur mere et demandoient que partages fussent faits, sans avoir égard aux avancements indirects, n’étans pas ôbligées de payer aucune chose des arrerages échus, De Cahagnes disoit qu’en luy payant ses arrerages il consentoit d’entrer en partage : Par Arres du s de Mars 1671. on mit l’appellation et ce dont, et en rpformant, aprés la déclaration de adite de la Haye qu’elle abandonnoit sa succession, il fut dit qu’elle seroit partagée, et on luj ajugea cinquante livres de pension, sur laquelle il seroit payé à du Bray dix livres par an en déduction de ses arrerages : Il est certain que le gendre ne pouvoit decreter, et qu’il faut toûjours laisser au donâteur dequoy subsister. Autre Arrest du 12 de May 1676. Varin, sieur ne de S. Quentin, donna à Françoise Varin sa fille, en la mariant à du Val, quatre mille deux cens livres, constituées en trois cens livres de rente : cette fille ne pouvant être payée des arrerages de cent vingt livres qui étoient encore dûs par le pere, elle fit saisir ses meubles et ses levées : le pere pour se décharger du payement de ces arrerages fit un avancement de sucression à son fils et à ses filles, à condition de payer toutes ses dettes, dont il y en avoit de posterieures au mariage de la fille ; elle ne voulut point accepter cet avancement, comme étant fait en fraude : Par Sentence il fut dit que sans y avoir égard elle seroit payée : Sur l’appel, Theroulde Avocat du pere ne conclud point l’appel, mais il continua à faire les mêmes offres. Greard répondoit pour la fille, que cet avancement ne pouvoit être accepté par elle, n n’étant pas en état de faire valoir ce qui luy seroit baillé, que c’étoit un artifice. de son frère se pour faire payer des dettes dont il étoit caution ; mais elle consentoit que du nombre des arregages dont elle pourroit se faire payer aprés le payement des dettes anterieures à son mariage, il en fût pris le tiers pour la nourriture de son pere, ce qui fût ainsi jugé La Coûtume en cet Article aprés avoir appris aux fretes ce qu’ils devoient faire pour parvenir à la reduction des promesses excessives du pere en faveur de sa fille., elle declare en suite de quelle maniere on doit faire l’estimation des biens du pere pour connoître fa si-ce qu’il a promis excede le tiers de son bien ; pour cet effet elle fait cette distinction, que i l’estimation du tiers se doit faire eu égard’aux biens possedez par le pere lors de la donation : mais où la donation seroit faite du tiers des biens presens et avenir, l’estimation se fera eue gard aux biens que le donateur possedoit lors de son decez.

C’est une question fort debatue entre nos Docteurs, si pour juger de l’excez d’une donation on doit considerer le temps du contrat ou le temps de la moit du donateur s On a fait une première distinction entre les donations faites à un étranger et celles faites à la fille pour sa dot ; et à l’égard des filles, les opinions sont fort opposées pour sçavoir si la dot de la fille doit être augmentée ou diminuée pour l’accroissement ou pour la diminution des biens du pere EtBoërius , Dec. 62. conclud que filia sufficienter dotata, si pater postea locupletior fiat, non potest petere amplius. Et à l’égard de la donation faite à l’étranger par un contrat, que suivant la l. Rutilia ff. de contract. empt. on considere la valeur des biens au temps du contrat, nec enim actus consummati vitium recipiunt à consequutis. l. Sancimus. S. Siquis autem per diversa C. de Don. le Et sur ce principeBartole , l. si ita. ff. de aug. et arg. leg. à tenu que legitimia postea diminutis b bonis diminui non debet.

Mr d’Argentré , Art. 218. gl. 5. n. 18. et suiv. a fait cette distinction, où l’on a donné un vertain bien, ou une certaine quantité de biens, comme du tiers ou de la moitié, aut donatiè acta est certa rei, certae speciei, dut quotae bonorum, quod in specie donatur per se suis finibus et loco descriptum nec incrementum, nec decrementum recipit. Ainsi pour connoître s’il excede ce que la Coûtume permet de donner, l’estimation en doit être faite selon la valeur au temps de la donation. Il n’en est pas de même quand la donation est faite d’une certaine quotité de biens comme du tiers, du quart, ou du quint ; car en ce cas si la donation n’est expressément restreinte et limitée aux biens que le donateur possede, cette donation sera réglée selon la Jaleur des biens du donateur au temps de sa mort, quia nomen quota augmentum et decrementum recepit bonorum : nam cum prohibitio donandi ultra mortem apponatur respectu heredis, id tempus pectandùm est quo nomen, jus et actiones heredum in actibus exeunt. Il semble d’abord que la Coûtume ait suivi cette distinction : cet Article parle de, certains corps, de certaines especes t de biens, si le pere ou la mere ont donné des héritages excedans le tiers, c’est pourquoy l’estimation en doit être faite selon les biens que le donateur possedoit au temps de la dona-tion. On peut meanmoins induire de cet Article que quand la donation est faite simplement d’une quorité, du tiers ou du quart des biens, cette quotité doit se regler selon les biens que se donateur possedoit au temps de la donation, et il n’est point necessaire d’exprimer que la donation est faite du tiers des biens que le donateur possede presentement, et c’est aussi l’opinion commune des Docteurs qui peut être confirmée par la disposition de cet Article, où pour établir cette distinction il estAûjoûté que si la donation est faite des biens presens et avenir, c l’estimation se fera selon la valeur des biens du donateur au temps de la mort ; d’où il resulte que suivant cet Article quand le donateur donne simplement certains biens ou le tiers de ses biens, l’estimation pour connoître l’excez doit être faite selon la valeur des biens au temps du contrat, si au contraire la donation est faite du tiers de tous les biens presens et avenir, on considère la valeur au temps de la mort du donateur.

L’alienation faite par la seur ou par son mary de l’héritage qu’elle avoit eu de son pere n’empesche point l’action du frere, il peut déposseder l’acquereur qui ne peut luy objecter qu’il est heritier de son père ; car nonobstant cette qualité, le fils peut toûjours faire annuller e que son pere a fait à son préjudice contre la prohibition de la loy.