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CCLVIII.
Cas des reservations des filles à succession.
Le pere peut en mariant ses filles, les reserver à sa succession, et de leur mere pareillement.
J’ay remarqué cy-dessus que par la loy Salique nulla in mulieris hereditate transibat portio, et que cette loy ne plût pas aux Gaulois et aux Romains qui gardoient une Coûtume établie par le droit Romain pour frauder en quelque sorte cette loy, les peres rappeloient ou reservoient leurs filles à partage. ;Marculphe , l. 2. c. 12. et c’est l’origine du rappel et de la reserve à partage. Les Docteurs disent que licet filia per existentiam masculi perdiderit successionem paternam, non perdidit tamen testamenti factionem passivam, ut si pater eam instituisset beredem, non possit ex hereditate habere l. penult. S. si paterna D. bonmlib.Matth. de Afflict . l. 3. Rubr. 22. n. 16.
On peut conclure de cet Article que les filles ne sont pas naturellement incapables de succeder, puisqu’il permet aux peres de les reserver à leur succession, et au contraire la Coû-ume approuve et favorise si fort cette reservation, qu’elle donne cette autorité au pere de les reserver à la succession de leur mère, ce qui est opposé au droit civil, où le pere ne pouvoit donner ni constituer la dot à sa fille des biens de la mere contre sa volonté, l. neque mater C. de jure dot.
Il faut neanmoins que cette reservation se fasse en termes précis et formels, on n’admet point d’équivalence, parce que la Coûtume est toute mâle, et les filles pour être admises à succeder y doivent être réfervées par une volonté expresse du pere. Jeanne de Monpelé en ma-riant Rachel le Sire sa fille avec Jacob Lamy, luy paya douze cens livres que son pere luy voit léguées par son testament, et luy donna encore six cens livres de rente à prendre surq ses héritages et rentes, et ce par forme d’avancement de succession, et sans préjudice à cette fille aprés la mort de sa mere de prendre part en sa succession, suivant la Coûtume du païs oir les héritages de cette mére seroient situez. Rachel le Sire étant devenuë veuve passa en un second mariage avec le Forestier, sieur de Grand : Val, lequel aprés la mort de la mere demanda partage en sa succession, tant aux biens de Normandie qu’en ceux de France, prérendant que ces mots à par avancement de succession ) et les suivants ( sans préjudice ) servoient de-reservation à partage pour les biens de Normandie, autremant ils eussent été superflus, n’étant pas besoin d’une reservation expresse pour ceux de France où la Loy donne part aux filles : Les freres soûtenoient que pour admettre une seur à succeder au bien de Normandie il faut une reservation formelle, ou que les freres les y rappellent : si la mère n’avoit eu des biens qu’en Normandie, les paroles du contrat de mariage paroissoient assez expresses pour valoir de reservation, mais les biens êtant situez en Normandie et en France, la mere avoit laissé a succession dans le droit general, par ces mots ( suivant la Coûtume du pais où les héritages sont situez jainsi les filles n’avant point de part aux biens de Normandie, elle ne pouvoit demander partage qu’aux biens de France ; cette raison porta la Cour à debouter le sieur de Grand-Val de son action, par Arrest en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr de Bonnetot-Boivin, du 5 de Decembre 1644.
Le pere a beaucoup plus de pouvoir que la mere, il peut reserver sa fille non seulement à sa succession, mais aussi à celle de sa mère ; encore qu’elle soit décedée ; mais la mere n’a pas le même pouvoir, elle ne peut pas reserver à la succession du pere.
Pour l’explication de cet Article on a formé plusieurs questions : Premierement, si le pere et la mere peuvent reserver leurs filles autrement qu’en les mariant : Secondement, s’ils peuvent les reserver aprés les avoir mariées : En troisième lieu, si sous ce mot de ( pere on doit com-prendre le second mary de la mere, pour luy donner le pouvoir de reserver la fille du premier si mariage à la succession de sa mère : En quatrième lieu, si en consequence de cet Article, qui permet au pere de reserver la fille à la succession de la mere, il peut user de ce pouvoit aprés le décez de la mere : En cinquième lieu, si cette reservation prive le pere de pouvoir aliener : Et enfin si le pere au lieu de reserver sa fille à partage, arbitre son miariage avenant à une certaine somme, f cette fille sera obligée de s’en contenter :
On ne doute plus au Palais que le pere ne puisse reserver sa fille à partage, quocunque acti. par le contrat de mariage, par acte entre vifs, ou par testament, pourvû neanmoins que ce soit avant ou lors du mariage ; et par l’Arrest de Cauchois, qui sera rapporté dans le suite, on confirma la reservation que le pere avoit faite par testament à la successiun même de la mère décedée, comme on avoit jugé que ces paroles de l’Article 252. ( quand ils la marierentâ ne privoient point le pere de donner à sa fille aprés l’avoir mariée, pourvû que la donation n’excedat point la legitime ; aussi ces mots ( en la mariant ) ont été considèrez comme démonstratifs, et non point comme limitatifs. Ces reservations se faisant le plus souvent au temps du mariage, on a exprimé ce cas comme le plus ordinaire, ce qui n’emportoit pas une exclusion de la pouvoir faire en d’autres cas ou par d’autres actes
Il arrive quelquefois que le pere n’ayant pas le dessein de reserver sa fille à partage il luy limite son mariage, et veut que pour cet effet il luy soit delivré ou une certaine somme d’argent, ou un cettain fonds dont il luy donne la proprieté, et veut qu’elle en prenne la pos-session, ou en cas que ses fils conrestent sa volonté il déclare la reserver à partage. Un pere ayant fait une pareille disposition : Guillaume Raimbourg avoit un fils d’un premier mariage qu’il avoit exheredé pour s’être marié contre sa volonté, et de son second mariage il avoit deux fils et une fille ; désirant établir la condition de ses enfans, et particulierement de sa fille, il ordonna par son testament qu’elle auroit pour sa legitime une certaine ferme avec deux mille livres d’argent, et où ses freres luy en contrediroient la joüissance, il declara que dés lors il la reservoit à partage. Ilane resta que le fils sorty du fils ainé, dont le tuteur quitta à Marie.
Raimbourg la joüissance de cette ferme avec les deux mille livres, sans autre clause neannoins, sauf au mineur à renoncer s’il avisoit que bien fût. Le fils aprés sa majorité sans parler de revocation faifit les fermages de la ferme dont sa tante joüissoit, disant que la donation faite par testament étoit nulle suivant l’Article 427. que la reservation à partage étoit nulle pareilsement, la Coûtume ne permettant de relerver sa fille à partage qu’en la mariant, qu’il ne pouvoit la faire par testament ; que quand elle seroit valable la fille ne pouvoit en avoir la joüissance qu’en se mariant, et en attendant son mariage elle devoit se contenter d’une provision. Pierre le Breton qui avoit épousé en secondes nopces la nièce de Marie Raimbourg, et qui étoit son tuteur, répondoit que le testament du pere ne contenoit aucune donation mais une simple limitation de la legitime de sa fille, afin que quand elle seroit parvenuë à ses Sans nubils elle n’eûr rien à déméler avec ses freres, pieras paterna consilium pro liberis capit : cette arbitration de mariage êtoit favorable et approuvée par le Droit, parentibus arbitrium dividendae hereditatis inter liberos adimendum non est l. parentib. C. de inoff. testam. sur tout quand a volonté se trouve conforme à la disposition de la Loy : et depuis que les enfans ont executé la volonté de leur pere, judicium defuncti agnoverunt, ils ne sont plus recûs à contrédire la demande où son tuteur a executé la volonté du défunt par deux moyens : Le premier, par les partages par lesquels il a laissé à la fille ce qui luy avoit été limité par le pere : Le second, par un Arrest qui a condamné le tuteur à payer les deux mille livres. Quant à la prétention du demandeur qu’elle ne doit avoir la joüissance de son mariage avenant qu’aprés être mariée, on luy répond qu’étant tenu d’executer le testament ou de la recevoir à partage ; s’il prend ce dernier party il ne peut luy empescher cette joüissance ; car en ce cas son partage luy appartient tout entier, comme heritière de son pere : Par Arrest du mois de Decembre 1668. il fut ordonné que le frere viendroit faire son option s’il vouloit recevoir sa seur à partage, ou luy bailler le mariage tel qu’il avoit été limité par le testament de son pere : Ainsi il fut jugé que le pere pouvoit limiter le mariage de sa fille en meuble et héritage, ou reserver sa fille à partage par son testament.
On permet bien au pere d’augmenter la dot de sa fille aprés l’avoir mariéé, mais il ne s’ensuit pas qu’il puisse la reserver à sa succession aprés l’avoir mariée, quoy qu’il le fasse lors d’un second contrat de mariage. Barbe Trubert en mariant Anne le Cauchois sa fille, elle luy donna six cens livres : depuis cette Anne le Cauchois ayant contracté un second mariage, sa mere la reserva à sa succession ; aprés la mort de cette mére Julien Navarre, troisième mary d’Anne le Cauchois, demanda à partager sa succession avec les frères de sa femme, qui contestoient cette reservation comme étant nulle : Le Vicomte de Roüen l’ayant jugée valable, sur l’appel le Bailly cassa la Sentence, dont Navarre ayant appelé, Dehors, son Avocat, remontroit que le peré avoit cette liberté de donner à sa fille, soit en la mariant ou par tel acte qu’il luy plaisoit, soit avant ou aprés le mariage, que par consequent il avoit aussi fa faculté de la réserver en tout temps ; car si l’on prétendoit tirer avantages des paroles de cet Article ( en la mariant ) pour en induire que le pere ne le pouvoit pas, que in actu maritationis, on répondoit qu’il étoit en ces termes, puisque la reservation êtoit faite par le contrat du second mariage de la fille, et qu’il n’y avoit pas d’apparence de restreindre cette liberté au premier mariage, n’y ayant aucune raison de difference, et la loy n’ayant point fait cette distinction de premieres ou secondes nopces, c’étoit assez pour rendre cette reservation valable qu’elle fût faite par un contrat de mariage.
Le Normand au contraire, pour Nicolas le Cauchois et ses coheritiers, soûtenoit que ces termes ( en la mariant ) ne s’entendoient que du premier mariage et non pas du second, parce qu’alors c’étoit la fille qui se remarioit, qu’on ne pouvoit faire force des Arrests qui avoient confirmé les donations faites aux filles depuis leur mariage ; car il y a bien de la difference entre un supément de dor et une reservation à partage : au premier cas les peres et les meres ne peuvent donner que jusqu’à la concurrence du tiers de tout le bien, de quelque nature qu’il soit, mais t en vertu de la reservation à partage la fille a une part égale aux meubles et aux biens de bourgages que si ces reservations aprés le mariage étoient approuvées, elles produiroient du trouble et de la broüillerie dans les familles, faisant rentrer une fille à partage lorsque l’on croyoit qu’elle en êtoit excluse aprés son mariage : Par Arrest en la Grand : Chambre du 18 de Janvier 1655. on mit sur l’appel hors de Cour et de procez. Mr d’Argentré , sur l’Article 225. gl. 4. n. 7 traite la question an filia quae exclusa sit Statuto aut renunciatione expressâ mutatâ patris voluntate readmitti possit à la succession, et aprés avoir cité les Auteurs qui estiment que cela se peut, il conclud que suis moribus fieri non potest ; quia semel exclusâ filiâ per maritationem non potest pater ex eo tempore et quo jus quesitum est filio ullo facto suo illi prajudicare. La véritable et solide raison de nôtre jurisprudence, est qu’il n’y auroit rien d’assuré dans les familles : un pere aprés avoir marié son fils avantageusement pourroit ruiner sa condition, en rappelant à partage ses filles qu’il avoit mariées.
Chassanée Chassanée proposant cette question, si le pere en mariant sa fille, sans la reserver à sa succession pourroit le faire : puis aprés il conclud, par l’autorité d’un Docteur, que le pere ne le peut point Rubr. 7. 8. 12. in verbo, s’il ne luy est expressément reservé.
Cette reservation à partage seroit plus favorable, si le pere et la mère n’ayant rien donné à leur fille en la mariant la premiere fois, ils la reservoient à leur succession lorsqu’elle contracte un second mariage, néanmoins que le pere n’étant point obligé de donner, ce ne pourroit être une cause valable pour faire subsister cette reservation lors d’un second mariage de la fille ; mais il y auroit plus de difficulté pour la mere, car n’ayant point parlé au contrat de mariage, et n’ayant rien donné, il ne seroit pas juste de luy ôter la liberté de donner si elle étoit parvenuë à ine meilleure fortune. Ce fut l’espèce d’un Arrest rendu un la Chambre des Enquêtes le 17 de Juillet 1629. au Rapport de Mr de Bonissant. Marguerite Gruchet avoit été mariée par ses pere et mere, qui ne luy donnerent aucune chose ; depuis en contractant mariage avec Jolis, sa mere luy donna trois cens livres, pour toute et telle part qu’elle pouvoit prétendre en sa succession, si mieux elle n’aimoit partager avec ses fteres. Le frère luy disputa ce partage, parce qu’elle avoir été mariée par ses pere et mere, qu’ils avoient pû la marier sans luy rien donner ; que d’ailleurs suivant l’Article 448. toutes donations d’immeubles faites de pere à fils en faveur de mariage. loivent être insinuées, que celle-cy étant à prendre sur les immeubles étoit nulle, faute d’insi nuation. Jolis soûtenoit que suivant cet Article les pere et mere pouvoient reserver leur fillet en la mariant, que la Coûtume ne distinguoit point entre les premieres et secondes nopces, i qu’ils pouvoient aussi leur donner aprés le mariage, que son pere et sa mere n’ayant aucuns piens ils ne luy avoient rien donné, et étant depuis échû une succession à la mere elle avoir voulu luy en faire part, consentant la reduction en cas d’excez, ou d’être reçûë à partage. le Juge du Neuschâtel ayant dit à tort l’action de Jolis on cassa la Sentence, sauf à Gruchet à rappeler sa iseur à partage.
Pour la troisième question. Suivant cet Article le pere peut reserver sa fille à la succession de sa mere.
On a douté si le second mary pouvoit reserver à la succession de la mère la fille sortie du premier mariage, et si cette reservation étoit valable, la mère n’ayant point signé lors du contrat Barbe le Voleur fut mariée par Grégoire Lafeteur, seçond mary de Guillemette Huaut sa mere, et il la réserva à la succession de cette mère, laquelle étoit presente au contrat, et néanmoins elle n’y signa point ; étant devenuë veuve elle pttesta sa presence et son consentement à cette reservation qu’elle ratifia, et en cas qu’elle n’eûtr pas d’effet elle donnoit à sa fille le tiers de tous ses biens ; lorsque cette fille demanda partage à Denis Lafeteur son frere uterin, il y fut condamné par Sentence, dont ayant appelé, le procez fut partagé en la Chambre des Enquêtes, et par l’Arrest qui intervint sur le partage en la Grand-Chambre, la Sentence fut confirmée Barbe le Voleur se pourvût de letires de Requête civil, et comme il y avoit des moyens d’uuverture on entra au fonds, et on disoit que par les Arrests donnez en explication de cet Article le pere pouvoit reserver ài la succession de la mere, soit qu’elle fût vivante ou qu’elle fût décédée, que la raison êtoit pareille, et même plus forte pour un beau-pere, dont l’affection n’est pas si puissante pour les enfans de sa femme d’un premier lit, et qu’aprés tout cette reservation ne faisoit préjudice qu’à luy et à ses enfans ; que le premier mary n’avoit le droit de faire cette reservation qu’en vertu de l’autorité maritale : or cette autorité étoit égale en la personne du second mary comme du premier, et ce second mary est obligé d’avoir le soin de pourvoir la fille de sa femme, et de la doter ; il doit donc avoir toute la puissance requise pour cet effet, soit en luy donnant simplement le mariage avenant ou la reservant à la succession, qu’il n’avoit soint eu besoin de la signature de sa femme, et neanmoins elle avoiy ratifié le contrat.
Lafeteut répondoit que la faculté donnée au pere par cet Article ne s’entendoit que du véritable viere, et pour les filles qui leur sont communes, le beau-pere est reputé comme étranger. et il n’a point plus d’autorité qu’un tuteur qui ne pourroit ondonner cette reservation, il n’a point plus de puissance sur les biens de sa femme qu’une mere avoit sur ceux de son défunt mary, et c’est pourquoy elle ne peut en mariant ses filles les reserver à la succession de leur pere Article 259. Cette réservation n’est point favorable, parce qu’elle est opposéo à l’esprit universel de la Coûtume. Premierement, les filles ne succedent point tant qu’à y a des mâles : En second lieu, elles ne peuvent demander aucuhe part à l’héritage de leurs pere et mêre, si la Coûtume avoit eu l’intention de donner ce pouvoir au beau-pere, elle s’en seroit expliquée, comme elle a fait pour le tuteur, et ayant précisément reservé cette faculté aux peres et aux meres, elle semble l’avoir déniée à toute autre personne : Sur ées raisons plusieurs trouvoient de la difficulté dans la question generale à approuver cette reservation faite par un beau-pere, puisque la Coûtume n’en parle point, et qu’il pourroit en arriver des inconveniens : Un beaupere, qui n’auroit point d’enfans de son mariage, s’attribuëroit l’autorité de matier les filles de sa femme, et de les reserver contre son gré, ou bien il en tireroit du profit ; mais dans les cireonstancee particulieres on ne fit point de difficulté à casser l’Arrest et à confirmer la Sentence qui condamnoit le frère à gager partage à sa seur ; par Arrest, au Rapport de Mr du Moucel, du mois d’Aoust 1621.
On ne doute plus au Palais que le pere même par un testament ne puisse reserver ses filles à la succession de leur mere morte : outre les Arrests citez parBerault , la question en fut encore décidée, au Rapport de Mr d’Ery, en la Chambre de lEdit le 8 de Janvier 1639. Thierry le Cauchois par son testament reserva ses trois filles non seulement à sa succession, mais aussi à celle de défunte Marguerite Creupel leur mere ; lorsqu’elles demanderent à Richard le Cauchois sieur frère les lettres et écritures pour proceder au partage, il foûtint que le pere n’avoit pû ordonner cette reservation par son testament, mais seulement en mariant ses filles qu’il pouvoit encore moins les reserver à la succession de leur mère morte, parce que le droit en la succession étant acquis aux enfans long-temps auparavant, et le pere n’y pouvant prétendre qu’un simple usufruit, il n’avoit plus de qualité pour en disposer- : il pouvoit bien suivant cet Article reserver ses filles à la succession de leur mere vivante, parce que durant le mariage est quodammodo Dominus rerum dotalium ; mais aprés la dissolution du mariage toute son autorité cesse, et la succession passe aux enfans pleno jure, et sans qu’il leur puisse imposer d’autres loix ni d’autres conditions que celles que la Coûtume prescrit ; suivant l’Article 358. la fille ne peut prendre part qu’en la succession de celuy qui l’a réservée, il s’ensuit que la mere n’ayant point reservé ses filles, ni le pere ne fayant point fait durant la vie de sa femme, il ne le peut plus aprés sa mort. La Coûtume n’a permis au pere de reserver à la succession de la mere que dans cette pensée, que la mere y avoit donné son consentement exprés, où toute cette presomption cesse quand la reservation est faite aprés son decez : Les filles repliquoient que ces mots ( en la mariant ) veulent dire cûm pater cogitat de nuptiis, que les termes de cet Artrcle ne sont point prohibitifs, n’étant dit que le pere ne le peut qu’en les mariant, ce qui xeluroit omnem potentiam juris & facti : Par Sentence du Vicomte et du Bailly de Roüen les filles furent reçûës à partage, ce qui fut confirmé par l’Arrest.
Chassanée Chassanée traite la question, si en consequence de cette reservation le pere est interdit de pouvoir disposer de son bien : Quoy qu’il en soit, par la disposition du Droit il est sans doute que le pere nonobstant icelle demeure le maître absolu de son bien, et que la fille doit prendre la succession en létat qu’elle la trouve, ou se contenter à sa legitime : ce qui ne peut rece-voir de difficulté suivant l’Article 244. par lequel il ne suffit pas de reconnoître quelqu’un pour heritier, il faut aussi ajoûter la promesse de garder la succession, autrement l’alienation n’en est point défenduë.
En consequence de ce pouvoir que la Coûtume accorde aux peres et aux meres de reserver eurs filles à leurs successions, on a souvent agité cette question, si le pere au lieu de reserver sa fille à sa succession, peut arbitrer son mariage, et si la fille est obligée de s’arrêter à cette arbitration : La Coûtume laisse aux peres, à l’égard de leurs filles, une dispensation si libre et si absolué de son bien, qu’il est en sa faculté de leur en faire telle part et distribution qu’il uy plaist : il peut ne leur donner rien en les mariant, et quand il use de cette rigueur contr’elles, il ne leur reste aucune action pour s’en plaindre, et la Loy leur impose un silence perpetuels à plus forte raison elle doit avoir une espérance aveugle pour ses volontez, quand au lieu de sexclure absolument de sa succession, il luy conserve la portion qu’il a crû luy pouvoir apparenir. Elle devoit se persuader que la pieré paternelle luy a inspiré les sentimens qu’il a crûs plus utiles à favantage et au repos de sa famille, et qu’il n’a pas moins conservé son interest qu’il auroit fait en la mariant. Bérault a remarqué sur cet Article l’Arrest donné entre Messieurs Rofstaut et de Brinon, Conseillers en la Cour, qui l’a jugé de la sorte.
Nonobstant iceluy nous tenons une maxime contraire fondée sur ce principe, que la Coûtume ne permet pas au pere de ne donner rien à sa fille, ou de regler ce qu’il luy plaist de donner qu’en la mariant, in solo actu maritationis : La Loy présume en ce cas que le pere fatisfait à son devoir, qu’il l’a pourvué convenablement, et que par ce moyen il luy assure un dloüaire, une part aux meubles et aux, acquests de son mary qui peuvent suppléer au defaut de sa liberalité, hors ce cas l’arbitration que le pere fait du mariage de sa fille n’étant que pour avoir effet aprés. sa mort, elle demeure inutile, et la fille aprés la mort de son pere devient capable de demander à ses freres ce qui luy appartient par la Coûtume, comme il a été jugé par Arrest du mois de Decembre 1623. et par un autre du mois de Janvier 1624. entre la fille du sieur de Villers-Maisons, son oncle, et les creanciers de son frere ; on n’eut point aussi l’égard à l’arbitration faite par Me Pierre Penelle Procureur en la Cour, du mariage de sa fille.
Les freres aussi ne sont pas tenus d’accepter l’arbitration faite par le pere, du mariage ave nant de leurs soeurs.