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CCLXXI.

Quand les soeurs ne peuvent rien prendre aux Manoirs.

Les seurs ne peuvent rien demander aux Manoirs et masures logées aux champs, que la Coûtume appeloit anciennement ménages, s’il n’y a plus de ménages que de freres, pourront neanmoins prendre part és maisons assises és veilles et bourgages.

Masure peut venir de Mansus : Mansus dicebatur fundus, hoc est certus agri modus cum structurâ plerumque ad mansionem.Hincmar . Ep. 7. c. 34. quod omnes res comparant et in illis Structuras Sirmond faciunt, & in eisdem mansis feminas recipiunt que domus curam gerant. Italis ( Massa ) Sirmund. apit. de Charl. 1. Ch. Tit. 12. apud Sylviacum.

La premiore observation necessaire à faire sur cet Article est qu’il ne s’entend que des seurs admises à partage, et en explication d’iceluy on a formé ces deux questions : La premiere, si lorsqu’il y a moins de ménages ou de Manoirs que de freres, les freres doivent quelque recompense à leurs seurs des Manoirs qu’ils prennent : Et la seconde, si au contraire lorsqu’il y a plus de Manoirs que de frères, les freres peuvent en prendre chacun un par préciput sans en faire de recompense à leurs soeurs

Berault et Godefroy estiment sur la premiere question que les freres ne sont pas tenus de recompenser leurs seurs des Manoirs qu’ils choisissent, parce que la Coûtume ne les y oblige point, ce qu’elle n’auroit pas oublié d’exprimer si s’avoit été son intention, comme elle l’a fait sur l’Article 356. à quoy j’ajoûte que cet Article portant qu’elles ne peuvent rien demander aux Manoirs et masures, s’il n’y a plus de Manoirs que de frères, c’est les exclure de toute recompense, car elles auroient droit d’y demander quelque chose, si au moins il leur êtoit dû recompense de la valeur intrinseque ou extrinseque, ce qui combat l’intention de la Coûtume : on a sans doute estimé que c’étoit beaucoup. d’avantage aux seurs que d’être admises à partage, lont elles sont excluses par une disposition generale, mais en ce cas il étoit juste, pour ne démembrer, pas tout à fait les biens, que les freres eussent cette prerogative de retenir leurs gogemens, lorsqu’il y avoit moins de Manoirs que de frères ; cela étant ce n’eût pas été faire un avantage aux frères, s’ils avoient été tenus d’en faire recompense, et il me semble que cela se reçoit plus de difficulté aprés l’Arrest de S. Denis qui sera rapporté sur la deuxième questiont On a jugé par iceluy que quand il y avoit plus de Manoirs que de freres, les freres pouvoient prendre un préciput sans en faire recompense

Il est bien vray que par l’Arrest de Cretot et Langlois rapporté sur l’Article 262. on a jugé que la soeur pour son mariage avenant a part sur la recompense que l’ainé doit à cause du préciput roturier ; mais l’Arrest est fondé sur ce que l’ainé doit cette recompense par une disposition expresse en l’Arrticle 356. et comme elle fait partie des biens de la succession, il étoit raisonnable qu’elle entrât dans l’estimation du mariage avenant : ce qui est si véritable que comme le préciput le Caux appartient à l’ainé sans recompense, il n’entre point dans l’estimation des biens pour le. mariage avenant.

La deuxième question a été nettement décidée par l’Arrest dont voicy l’espèce. Jacques de S. Denis, Ecuyer, épousa en premieres nopces Demoiselle Elifabeth Etard, dont naqui Thomas de S. Denis, et du second mariage il eut Susanne de S. Denis, qui fut mariée à Marir

Robillard, Ecuyer, et réservée à partage ; dans la succession de Jacques de S. Denis il y avois trois Manoirs roturiers : Les. Demoiselles Susanne et Marie de S. Denis ayans les dioits de Thomas de S. Denis leur pere, lors du partage de cette succession, prétendirent prendre par préciput un de ces Manoirs ; le sieur Robillard contesta cette prétention, et pour être reglez sur ce different, les parties consentirent d’être renvoyées en la Cour. Les Demoiselles de S. Denis disoient que l’intention de la Coûtume êtoit de donner un logement à l’ainé au préjudice des puisnez, et à tous les freres au préjudice des seurs, parce que non seuloment elles sont confidérées comme étrangeres en la succession, mais aussi parce que l’on présume qu’elles trouvent des logemens chez leurs maris, Article 279. et 356. et particulièrement en cet Article.

Le sieur Robillard, mary de Susanne de S. Denis, seur de Thomas de S. Denis, expliquois cet Article en cette manière, que puisqu’il y avoit plus de Manoirs que de freres en la succession, tous les Manoirs devoient être partagez sans aucun préciput pour le frère ; cela est nett ement décidé par cet Article, les seurs ne peuvent rien demander aux Manoirs et masures, s’il n’y a plus de Manoirs que de freres : D’où il s’ensuit que lorsqu’il y a plus de Manoirs que de freres, les freres n’ont aucun avantage, et les soeurs reservées doivent partager également avec eux. La Coûtume a eu seulement ce dessein de loger les freres au préjudice des seurs, quand il n’y a point de Manoirs pour les uns et les autres, mais lorsqu’ils peuvent trouver tous leurs logemens et sieurs commoditez, il n’y a plus lieu à la disposition de cet Article ; ce que l’on peut confirmen par lexemple du préciput rotutier, dont il est parlé dans l’Article 356. quand il n’y a qu’un Manoir le frere ainé peut le prendre par préciput, la Coûtume ayant jugé qu’il étoit raisonnable que l’ainé de la famille pût retenir la maison paternelle quand il n’y avoit que celle-là, mais la Coûtume luy rétranche cette prerogative, quand il y a plusieurs Manoirs : Il faut dire la méme chose à l’égard des filles, les fils doivent être logez à leur préjudice, s’il n’y a pas assez de Manoirs pour les uns et les autres, mais s’il s’en trouve pour tous le privilege cesse, et voulant que les seurs reservées à partage ayent une part égale à leurs freres dans les roiures, on ne peut changer cette loy, lorsqu’il n’y a plus lieu à cette exception que la Coûtume avoit apportée Elles argumentoient au contraire qu’il êtoit certain que lorsqu’il y a plus de freres que de Manoirs, la Coûtume prive les filles d’y demander part, et quand elle ajoûte ces-hots ( s’il n’y a plus de Manoirs que de freres, ) son intention n’est pas de remettre tous les Manoirs en partage, mais seulement de leur faire avoir part à ce qui abonde, étant juste quand tous leurs freres ont leurs ogemens, s’il en reste qu’elles soient aussi logées ; autrement il pourroit arriver qu’elles disposeroient les partages, en sorte que souvent elles auroient les maisons au préjudice de leurs freres, ainsi l’abondance de la succession seroit desavantageuse aux fteres, leur faisant perdre un préciput qu’ils auroient eu si elle avoit été moins opulente : elles appuyoient ce raisonnement de l’autorité d’un Arrest donné en l’année 1608. entre Nicolas le Barbier et Philippes Aleaume mary de Madeleine le Barbier, par lequel on ajugea trois préciputs à Barbier au préjudice de sa sout, l’un de son chef, l’autre comme heritier de son frère, et le troisième en la succession de sa mere, quoy qu’il y eût plus de Manoirs que de freres : Par Arrest en la Grand-Chambre, au Rapport de Mr Deshommets, du a8 de Juin 1670. on ajugea à Susanne et Marie de S. Denis, au droit de leur pere par préciput, le Manoir et pourpris dont il étoit question ; et depuis les Demoiselles.

Baillard reservées à partage, ayant formé cette même question contre M Baillard leur frere, aprés avoir vâ ces Arrests se départirent de leur prétention.