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DE SUCCESSIONS EN PROPRE
’HOMME ne peut pas posseder êternellement les biens, sà condition mortelle le force à les abandonner à d’autres ; mais comme cet abandonnement n’est pas volontaire, il se flate d’en être encore le maître lorsqu’il peut en disposer à sa volonté, et son ambition et ses desirs s’étendent au-de-là de sa vie.
Il se détache si difficilement de la possession de ses biens, qu’il entreprend d’en demeurer larbitre et le dispensateur, même aprés sa mort. C’est à cette étrange vanité que nous devons rapporter l’origine des Institutions d’heritiers, des Substitutions perpétuelles, des Fideicommis, et de tous ces autres moyens que les hommes ont in-rentez pour régner encore dans leur famille aprés leur mort, et pour se conserver la dispensation de leurs biens, jusques dans les siecles les plus reculez On souffrit au commencement ces sortes de dispositions, parce que souvent elles se trouvoient conformes à la raison et à la pieté, et qu’elles ne s’éloignoient point des véritables sen timens de la nature ; mais les hommes ou par malice, ou par foiblesse, abusant trop licentieusement de cette liberté, il a été nécessaire de leur donner quelques bornes. Enfin l’experience de tous les siecles a confirmé qu’on ne pouvoit faire un choix plus raisonnable qu’en la personne de ceux qui nous êtoient conjoints par les liens les plus étroits du sang et de la nature. samais Coûtume ne s’est plus défiée de la sagesse et de la bonne conduite de lhomme, que celle de Normandie : Elle la presque mis en une curatelle generale et perpétuelle ; elle a aboli tous ces pieges que les flateurs et les vautours dressoient aux mourans ; elle a banni toutes institutions d’heritiers ; elle ne souffre point que les biens soient possedez que par les heritiers du sang ; et sa prudence s’étend encore plus loin, car elle prend un soin. merveilleux de conserver, dans les familles les biens qu’elle appelle propres, c’est à dire ceux qui nous sont échûs par succession
ra Coûtume ne permettant point que lon choisisse un heritier, il étoit necessaire qu’elle établit un ordre de succeder tant à légard des personnes, qu’à l’égard des choses : Pour ces effet elle distingue les successions en deux lignes, l’une directe et l’autre collaterale ; car nous Modestinus ne recevons point cette sorte de succession dont parle Modestinus en la l. 1. quis ordo succestionum viri et uxoris ; suivant le titre, unde vir & uxor : En suite elle dispose de quelle ma-nière les biens doivent être partage :
Le premier titre est destiné particulierement pour la succession du propre en ligne directe et collaterale : Le second contient une espèce particulière de succeder et de partager, qui est gardée dans le Bailliage de Caux et aux lieux tenants nature de Caux : Dans le troisième elle regle comment on succede aux meubles et aux acquests en ligne collaterale : Enfin dans le quatrième elle fait le partage des héritages, tant pour les fiefs que pour les rotures, et pour les bourga les : Et celuy qui possede la connoissance de ce qui est contenu dans ces titres, en y joignant celuy du doüaire, peut dire véritablement qu’il sçait ce qui compose le droit particulier des Normans, et ce qui tombe le plus dans l’usage et dans le commerce de la société civil.
L’origine de la loy des propres est obseure : On ne doute pas que dans tous les siecles les nommes ne se soient imposez volontairement la loy de conserver à leurs enfans ou à leurs roches parens, les biens qu’ils avoient reçûs de leurs peres, et on a toûjours regardé comme des infames ceux qui en faisoient, un mauvais usage.
Mais il est difficile de découvrir l’origine de ces deux Coûtumes, dont la première a mis de la difference entre les biens d’une même personne, et les a divisées en propres et en acquests,
Et la seconde a affecté particulièrement ces biens qu’on appelle propres à certains heritiers et à certaine ligne, quoy que ces heritiers ne fussent pas les plus proches parens du défunt, mais en un degré plus éloigné. Il faut essayer de découvrir l’origine de l’une et de l’autre Coûtume Je ne remarque rien de plus ancien pour établir de la difference entre les biens d’une même Justinien ersonne que la Novelle 21. de Justinien, c. 2. où voulant rendre la condition des femmes égale à celle des mâles, pour le partage des successions, il se sert de ces paroles progenitona, libus five in alin prediis factum est. Et il y a dans le texte Grec MOTGREC MOTGREC MOTGREC, genearchica praediâ à majoribus accepta.
On trouve à la fin du Traité des Tutelles et des Curatelles un discours, dans lequel l’Auteur croit avoir observé la premiete difference qui se foit jamais faite entre les propres et les acquests dans le Testament de Jacob, au 48. Chap. de la Genese. Ce Patriarche se souvenant de l’obligation que luy et tous ses autres enfans avoient à Joseph, pour les avoir soûtenus durant la famine, et pour le recompenser en quelque sorte de cette longue et dure servitude où il avoit été reduit par la cruauté de ses freres, il luy donna plus qu’à ses autres enfans, et en même temps pour leur ôter tout sujet de se plaindre, il leur déclara qu’il avoit un droit particulier de disposer à sa volonté de ce qu’il donnoit, parce qu’il l’avoit conquis par son are et par son épée sur les Amorrheens ; Do tibi partem unam extra fratres tuos, quam tuli de mans Amorrhai, in gladio & in arcu mes
Cette observation est curieuse. Cependant on ne peut fonder ladessus une difference de propre et d’acquests, ni un droit de pouvoir disposer de l’un plûtost que de l’autre, parce que e Texte sacré ne fait point mention que ce Patriarche, ou ses peres possedassent d’autre fonds dans la terre de Canaan, que ce sepulere et cette caverne, qu’Abraham acheta pour la sepulture de Sara et de sa famille.
Les Grecs et les Romains, les perples les plus éclairez et les plus grands politiques de l’antiquité, n’ont point fait cette distinction. Solon par ses loix qu’il avoit composées de tout ce qu’il avoit remarqué de plus juste et de plus raisonnable, donnoit la succession du défunt à ses plus proches parens, sans distinction de propres et d’acquests, et les Commissaires qui furent députez per-le peurle Romain pour leur composer des loix, employerent celles de Solon dans leurs douze Tables, proximus agnatus familiam habeto : Il est vray toutesfois que les proches parens ne succedoient que quand le défunt n’avoit point fait de tesaeament ; car autrement ils avoient cette liberté de disposer absolument de tous leurs biens, uti quisque reisuae legaverit, ita jus esto ; les anciens Allemans n’avoient point l’usage des testamens, heredes successores sui nicuique liberi ; que s’ils ne laissoient point d’enfans les plus proches parens étoient appelez, mais les freres et lés oncles succedoient, soit qu’ils fussent du côté du pere ou de la mere, inicum erat hominis patrimoniun
Il ne faut point chercher ailleurs l’origine et la cause de cette dénomination de propres, que dans l’établissement de cette Monarchie : J’ay remarqué sur le Titre des Fiefs, et sur l’Article du Franc-Aleu, qu’aprés la conquête des Gaules, nos Rois formerent deux espèces de biens.
Du nombre des terres conquises ils en prenoient des portions qu’ils distribuoient à leurs gens de guerre, à la charge d’un service militaire, et ils n’en donnoient la joüissance que pour un temps, ou au plus à vie, ce qui fut appelé Benefice. Les autres terres qu’ils laisserent aux anciens Gaulois ou aux François mêmes leur demeuroient en pleine proprieté et heredité et pour cette raison ils furent appelez Alodes, d’un mot Allemand, qui signifioit les biens que l’on possedoit à droit hereditaire, et dans la suite des temps ils furent appelez Propres, parce qu’il étoient possedez propriétairement et héreditairement
Mr Bignon expliquant ces paroles deMarculphe , l. 1. c. 2. aut super proprietate, aut super Fisco, dit que par ces paroles on exprime deux espèces de biens, et qu’elles contiennent la grande et generale division des biens, qui étoit reçûë en ce siecle-là, omnia namque bona aut propria érant, aut fiscalia : Il est vray que le mot de propre se prenoit en deux sens, ou il signinioit une sorte de biens, que nullius juri obnoxia érant, sed optimo maximonque jure possideban-tur, idedque ad heredes transibant : C’étoit ce que nous appelons maintenant Franc-Aleu ; Dans autre sens ce mot de propre avoit un double usage, et il fut étendu aux acquests comme aux biens hereditaires. Alia quippe Alode seu hereditas, proprium paternum aut maternum erat ; alia ton à parentibus accepta, sed labore et parsimoniâ cujusque comparatâ ex comparato, aut ex conquesito confirmabatur : Fiscalia vero Beneficia sive Fisci appellabantur, que à Rege ut plurimum, po-steaque ab aliis ita concedebantur, nt certis legibus certisque servitiis obnoxia cum vitâ accipientis finirentur
Et dans un autre endroit, sur ces paroles du mêmeMarculphe , l. 1. c. 12. aut de munere Regio, aut de Alode parentum, vel undecunque, on voit qu’alode dans sa propre et naturelle signification, est quod à parentibus possidetur & comparato opponitur, comme Marculphe s’en exprime en un autre lieu, l. 2. c. 2. tam de Alode paternâ quam de comparato, et c’est pourquoy Rhenanus et Vadianus ont crû alodii vocem inde natum, quod ea bona familiis velut coagmentata et conjuncta essent à Germanicâ voce CAnlodt. )
Le Pere Sirmond sur le Chap. 20. des Capitulaires de Charlemagne, sur ces mots, aut in preceptione in beneficiario jure, aut in Alode assumptum babetur, a remarqué qu’Alodis est propria cujusque possessio, unde àproprietas ) appellatur, Tit. 29. c. 2. In Alodem sunt data, quod mox ait in proprietatem data sunt, t. 32. c. 3. proprietas illorum in nostrum Dominicatum recipiatur : Joannes Papa Ludouico Regi ; Ep. 129. Ipsas proprietates quas vos Alodes dicitis : propterea opponuntur hoc loco Alodis et Beneficium, quia quod jure beneficiario habetur beneficiarii proprium non est : Le même Sirmond ajoûte que toute forte de proprieté n’étoit pas comprise autrefois sous ce nom Alodes, mais seulement celle qui procedoit d’un droit successif, et elle s’appeloit heredité, et c’est dans ce sens qu’il l’a faut prendre dans les anciennes loix suivant l’observation de Mr BignonPerùm, dit le PereSirmond , et si à principio ita res se habuit, invaluit tamen ut Alodis omnis proprietas diceretur, sive à parentibus hereditario jure acciperetur, sive donatione, emptrone et qui funlum ut Dominus possidebat, non ut beneficiarius in ejus Dominicatu fundus esset dicebatur.
La connoissance de la dénomination des propres nous sert pour découvrir aussi la cause et le commencement de cette autre Coûtume, qui affecte les propres à la ligne de celuy d’oû ils sont venus.
L’Auteur du Traité des Tutelles et des Curatelles, dont j’ay parlé cy-dessus, est de ce sentiment, que ce que l’on nomme la loy des propres, n’est autre chose que ce que l’on nommoit autrefois la loy des fiefs ; que cette loy des propres n’avoit été faite que pour les fiefs, et que depuis leur établissement seulement on a soûmis à cette même loy les rotures, les rentes, les offices, les deniers provenans des immeubles des mineurs, et même les deniers des maeurs, selon la diversité des stipulations portées par les contrats de mariage, donations, et autres.
Cette opinion me paroit fort véritable ; car il faut remarquer que hheredité et la pleine proprieté des fiefs ne s’établit pas en même temps, et qu’il y avoit même quelque difference entre lune et fautre. L’herédité accordée à la ligne du premier possesseur acqueroit bien la ropriéré à sa postérité, mais cette proprieté n’étoit pas pleine et absolue, cum maximo et pprimo jure, parce qu’ils n’avoient pas la liberté de les pouvoir alièner ; mais enfin les possesseurs des fiefs obtinrent avec le temps cette pleine proprieté : les benefices où les fiefs qui n’e-çoient que de simples usufruits pour un temps, ou pour la vie du premier possesseur, furent donnez à ses enfans, depuis à tous ses décendans, et enfin à tous ceux de sa ligne. C’est pour cetté raison qu’on les appeloit fiefs paternels, paternum voco quicumque ex superioribus id acquisivit, c. 58. l. 2. suivant la division ordinaire des fiefs, et c. 59. l. 4. suivant la partition de Mr Cujas ; et dans ce même Chapître nous trouvons létablissement de cette Coûtume de les affecter à la ligne du premier possesseur. S. Respondeo ad solos et ad omnes qui ex illa linea sunt, ex quâ iste fuit, pervenire.
quand doné les fiefs n’étoient donnez qu’à une certaine personne et à ses décendans, il falloit nécessairement que cette ligne venant à manquer les choses retournassent à celuy qui avoit fait linfeodation, ou à ses representans, et par consequent on ne peut douter que cet ordre de onserver les biens dans les familles, d’où ils étoient venus, et cette regle paterna paternis, n’ayent pris naissance avec létablissement des fiefs. Cela est si véritable qu’à faute de justifier que lon fit de la ligne de ceux qui avoient obtenu l’infeodation, l’héritage étoit déclaré appartenir u Seigneur feodal, le droit des fiefs, et nôtre Coûtume en contiennent des décisions expresses : Dans le premier Livre des Fiefs, c. 12. si vasallus poterit probare paternum fuisse, sive possideat, sive non, obtinebit alioquin, nisi probet paternùm fuisse, vel possideat, Dominus obtinebit.
Par l’Article 245. de nôtre Coûtume, la succession au propre, au defaut de lignage, revient aux Seigneurs, au préjudice de tous autres parens d’une autre ligne ; c’est aussi la disposition de la Coûtume d’Anjou, Article 218. et du Mayne, Article 258. L’ancienne Coûtume de Paris étoit aussi conforme à la nôtre. Or toutes ces Coûtumes ne peuvent être fondées que sur ce principe ; car pour approuver une loy si étrange, qui prefere le Fisc et les Seigneurs aux proches parens de l’autre ligne, on n’a pû s’appuyer que sur cette loy des fiefs, qui n’en permettoit la succession qu’aux personnes qui étoient comprises dans l’infeodation, autrement les Seigneurs n’eussent été jamais preferez aux parens ; mais puisque la grace du Seigneur feodal ne s’étendoit qu’à tout le lignage du premier possesseur, il étoit raisonnable que cette ligne venant à manquer, le fief retournât au bien-faicteur ou à ses representans.
Le droit Romain qui favorisoit si fort le Fisc, et qui étendoit si loin ses prerogatives, étoit contraire à cet usage : vacantia mortuorum bona tune ad Fiscum jubemus transferri, si nullum ex qualibet lineâ vel juris titulo legitimum ei reliquerit intestatus heredem, l. 4. C. de Bon. vac Il faut voir comment cette loy des propres, qui semble n’avoir été pratiquée au commencement que pour les fiefs, a été depuis étenduë aux rotures et aux autres biens C’est la pensée de l’Auteur, que j’ay cité, que cela ne commença que depuis l’Ordonnance de Philippes le Hardi de l’année 1275. qui permit aux roturiers de posseder des fiefs, qui jusqu’alors n’avoient été possedez que par les nobles. Cette opinion est peut-être refutée par nôtre ancienne Coûtume, où dans le Titre d’écheance d’héritage, la loy des propres est également établie, tant pour les rotures que pour les fiefs : Il y est fait mention d’héritages qui sont venus d’ancesseurs, qui doivent toûjours décendre à celuy qui est le plus proche de celuy dont l’héritage décend, et non de ceux de par sa mere, au lieu que le conquest va au plus proche heritier ; et il faut remarquer qu’en ce Chapitre de l’ancienne Coûtume, et en plusieurs autres endroits, le mot de fief ne signifie autre chose qu’heritage, et s’entend également des rotures, comme des fiefs, étant certain qu’il y avoit des fiefs nobles et roturiers. Berault au commencement du titre des Fiefs.
Et bien que le temps auquel nôtre ancienne Coûtume a été rédigée par écrit ne soit pas certain, j’estime toutefois que ce fut sous le regne de Philippes le Hardi, ou incontinent aprés ; mais elle ne laissoit pas d’être en usage long-temps auparavant. Or soit que la loy des propres n’ait été gardée dans son commencement que pour les fiefs, soit que par l’ancienne Coûtume elle ait été pratiquée pour les rotures et les autres biens, comme pour les fiefs, sa principale fin a été de conserver les biens à la famille d’où ils étoient procedez T’ajoûteray que c’est peut-être pour cette même raison que les Institutions d’heritiers n’ont plus été permises, les fiefs étant affectez à une certaine ligne par la loy de l’infeodation, on ne de pouvoit les en faire sortir par des Institutions faites en faveur de personnes étrangeres.
La loy des propres a introduit presque par toute la France ces deux regles, qu’ils retournent toûjours à la ligne d’où ils procedent, et qu’en ligne directe ils ne remontent point : on tire de-là une preuve que la loy des propres a pris son origine de la loy des fiefs, parce que cette maxime, que le propre ne remonte point, semble etre prise du Livre des Fiefs, l. 2. 1. 50. successio feudi talis est natura quod ascendentes non succedunt, et l’ancienne jurisprudence qui donnoit la qualité d’heritiers au propre aux décendans des acquereurs se trouve au Ssui autem, l. 1. 1. 1. et la distinction des côtez et des lignes pour succeder au S. refpondeo, t. 5c. l. 2.
Les François ont toûjours fait paroître une particulière inclination de conserver les biens aux familles d’où ils étoient venus, ce que l’on confirme par une ancienne loy des François et des Bourguignons, qui défendoit de donner, de vendre, de léguer, ou d’engager leurs propres en tout, ou en partie, sans le consentement de leurs heritiers apparens, ou pour une necessité par eux jurée, et dans cette prohibition d’aliener on comprenoit même ce qui procedoit de la gratification du Prince,Molin . Cons. 7. n. 46. heredia antiqua affecta sunt lineae et gentilitati et votissimum capiti et fuit hec consuetudo originalis Francorum et Bureundionum per constitutionem Caroli Magni, quae prorogata fuit etiam ad saxones, ut testaturBaldus , Confil. 174. l. 5.
Outre les conditions particulieres qui sont naturelles aux biens propres, que j’ay remarquées cy : dessus, ils ont encore une prerogative singulière en cette Province, c est que la Coûtume les affecte si fort aux familles, que quand ils sont vendus, il faut en faire le remploy sur les acquests ou sur les meubles de celuy qui a fait falienation.
I faut aussi remarquer que nous ne faisons point la distinction de propres naissans et de propres anciens ; plusieurs Coûtumes appellent propre ancien ce qui procede de ligne d’estoc, et propr naissant ce qui commence à faire fouche et prendre cette nature en la personne de celuy de la succession duquel il s’agit. Les anciens propres sont appelez MOTGREC, nov. de Armen.
Charond . en ses Pandectes, l. 3. c. 15. Cette Coûtume définit que les acquests sont faits propres a à là personne de celuy qui les possede à droit successif
CCXXXV.
Temps et acte de l’adition d’heredité.
Le mort saisit le vif sans aucun ministere de fait, et doit le plus prochain habile à succeder êtant majeur déclarer en Justice dans les quarante jours aprés la succession échûë, s’il entend y renoncer ; autrement s’il a recueilli aucune chose, ou fait acte qu’il ne puisse sans nom et qualité d’heritier, il sera tenu et obligé à toutes les dettes : et où hheritier seroit mineur, le tuteur doit renoncer ou accepter dans ledit temps en la forme que dessus par favis des parens.
Parmy les Hebreux un pere pouvoit instituer un heritier, pourvû que ce fût un de ses enfans ; Selden Seldenus de Succession, ad leges Hebraorum, c. 24
Cet Article ne décide pas expressément qu’en Normandie l’institution d’heritier n’a point lieu ; la Coûtume de Paris le déclare expressément : son intention neanmoins est assez manifeste par res paroles, le mort saisit le vif sans aucun ministere de fait, et en ce qu’elle donne de plein droit la saisine des biens du défunt à son heritier le plus proche et le plus habile à succeder.
La Coûtume de Bretagne, pour bannir l’institution d’heritier, a usé des mêmes termes de nôtre Coûtume ; et il est si certain que l’institution d’heritier est défenduë, que les mourans ne peuvent en aucune manière empescher que leurs biens ne passent immediatement à leurs heritiers, tant pour la proprieté que pour l’usufruit
La prohibition même de les aliener n’auroit point d’effet, quelque legitime et favorable que la cause en pût être. Le sieur de Fondimare, Maître des Comptes, par son testament holographe, donna tous ses meubles à Marie de Fondimare sa nièce, et la joüissance du tiers de ses immeubles plurant sa vie, et pour la proprieté de ce même tiers, il la donna à Mre Guillaume Auvray, second fils de Marie de Fondimare, son arrière-neveu, et il laissa à Mre Guillaume de Fondimare, son neveu et son feul et presomptif heritier, la joüissance des deux tiers de ses acquests, à condition de ne vendre ni d’engager la proprieté de ces deux tiers-là : Il ajoûta par son testament les causes qui l’avoient porté à faire ces dispositions, l’une que son neveu étant Prestre il ne pouvoit en conscience priver ses parens de la succession du testateur ; il fondoit l’autre sur la mauvaise conduite de ce neveu qui avoit dissipé tout ce qu’il luy avoit donné pour sa subsistance, et il l’exhortoit de se contenter de cet usufruit des deux tiers de son bien, afin qu’il ne retombât pas en nécessgé. Pour son Office de Maître des Comptes, qu’il difoit avoir acquis de ses meubles, il donnoit la moitié du prix à sa nièce, et de l’autre moitié il en laissoit le tiers à Guillaume Auvray, son arriere, neveu, l’autre tiers aux enfans du sieur Petit ayant épousé son arrierenièce ; pour l’autre tiers il ordonna que les deniers en seroient constituez en rente au nom dudit Guillaume de Fondimare, son neveu, pour joüir des arrerages sa vie durant, à la charge. de n’en pouvoir aliener la proprieté et de la conserver à ses heritiers legitimes : par Sentence du Bailly de Roüen du 30 de Mars 1834. le testament fut déclaré valable, à la réserve de la prohibition d’aliener tant les deux tiers des immeubles que la sixième partie des deniers de l’Office, laquelle fut levée sans avoir égard aux lettres de curatelle obtenuës par la nièce.
Guillaume de Fondimare appela de cette Sentence, entant que l’on jugeoit valable la disposition de l’Office, et la Demoiselle Auvray entant que l’interdiction étoit levée Dans la plaidoirie on traita ces deux questions ; la première, si l’Office étoit un immeuble. ie la remets sur l’Article 514. La deuxiéme, si le défunt sieur de Fondimare avoit pû limiter les droits fuccessifs de son neveu à l’usufruit des deux tiers des immeubles, et l’interdire par son testament d’en disposer.
Sur cette deuxième question l’appelant representoit que dans les païs Coûtumiers l’institution d’heritier n’est pomt reçûë : La nature, le sang, et la parenté donnent le droit de succeder.
La Coûtume rend les plus proches et les plus habiles à succeder heritiers universels, à la reserve des biens dont elle permet la disposition par testament ou par donation entre vifs ; l’heritier aprés la mort de son parent est saisi de la succession universelle. Par cette regle, le mort saisit le vif, le défunt ne peut charger de fideicommis, qui ne seroient point obligatoires parmy nous, et qui n’auroient d’execution qu’autant qu’il plairoit à celuy qui en seroit chargét non tam obligatione aliquâ juris, quam eorum qui sunt rogati pudore continentur.
La Coûtume ne souffre point qu’on donne aucune arteinte à la liberté de Theritier, tout l droit que le défunt avoit sur ses biens finit avec luy, nous n’avons point l’usage des substitutions, et même par le droit civil post aditam hereditatem directe substitutiones non impuberibus filin facta expirare solent. l. post aditam hered. C. de impub. et aliis subst. La substitution du pere à son fils, auquel il donnoit un heritier, s’il mouroit avant sa puberté, cessoit aprés que le pupille étoit parvenu à sa puberté ; la substitution pupillaire que la loy permeaetoit au pere qui avoit des enfant majeurs, mais qui n’avoient pas l’esprit sain, non sanae mentis ad exemplum substitutionis pupillara expiroit aussi-tost que filius, vel filia, vel nepos mente capti resipuerint. l. humanitatis. C. de impub. et aliis subst. Ces dispositions de droit prouvent que le testateur ne peut défendre à son heritier la disposition de son bien, quand il est majeur et capable de se gouverner, ni luy imposer la necessité de garder ses biens à un autre ; autrement un heritier institué d’un seul usufruit, et de certaines choses, his rebus jussus esse contentus, n’est pas heritier, sed legatarii loco habetur.
I. quotiens de hered. inst. G. C’est une espèce d’exheredation que de ne laisser à son heritier legitime que l’usufruit des deux tiers de son bien ; ce seroit changer l’ordre établi par la Coûtume que de forcer l’heritier legitime à se contenter d’un usufruit, pour laisser aprés sa mort la proprieté à une personne qui n’est point heritier par la loy post mortem heredis aut legatarii legatun relictum non valer. 5. post mortem institut. de inutil. stipul. quoy que suivant le droit civil l’heritier ût chargé d’un fideicommis, il pouvoit s’éjoüir du bien de la succession en sa necessité, quod ex hereditate supersuerat, et quod medio tempore alienatum vel diminutum fuerat peti non poterat i non intervertendi fideicommissi gratiâ tale aliquid factum probetur, si ce testament êtoit valable il faudroit effacer de la Coûtume les Articles qui prohibent de donner par testament des immeubles au de-là du tiers des acquests. Mais comme Papinien disoit d’un pere qui avoit donné à sa fille certaine somme en dot, et ordonné qu’elle renonceroit à sa succession, eam scripturam us successionis non mutasse, privatorum enim cautionem legum autoritate non censeri. l. pater de sui et leg. Il faut dire aussi, touchant ce testament, que le testateur jus publicum remittere non potuit hujusmodi cautionibus, nec mutare formam antiquitus constitutam. l. 5. S. Julianus. D. de administr. tut.
Il fut répondu par l’intimé que les heritiers collateraux n’ont point l’action d’inofficiosité, qu’elle n’appartient qu’aux décendans et ascendans, et pour les collateraux elle n’est donnée qu’aux freres et aux seurs : nemo eorum qui ex transversâ lineâ veniunt ad inofficiosi querelam admittuntur, l. fratris et l. fratres. C. de inofficios. testam. Et comme cette action étoit injurieuse à la me-moire du défunt, celuy qui l’avoit entreprise temerairement et qui en êtoit debouté perdoit tout ce qu’il pouvoit prétendre en vertu du testament ; l.Papinianus . S. meminisse. ff. de inoff. testam.
Cette complainte de l’appelant n’étoit point favorable ; il est Prestre, et il ne veut devenir le maître et le proprietaire de ces biens que pour les dissiper, comme il a fait tous les autres que on oncle luy avoit laissez. On doit favoriser et faire valoir une si prudente disposition, qui ne tend qu’à conserver aux parens du testateur le bien qu’il avoit acquis par son industrie. Le mauvais ménage de l’appelant est si connu et si odieux qu’il y a lieu de ne s’attacher pas à la rigueur de la loy, et de faire un exemple dans une oecasion si favorable, que si elle avoir été prévûé par le Legislateur il n’auroit pas manqué d’apporter cette exception à son Ordonnance Cette cause ayant été plaidée en la presence de Mr le Prince de Condé et apointée au Conseil, elle fut depuis jugée, au Rapport de Mr le Brun, le 27 de Juin 1635. et par l’Arrest, les donations. et les legs furent reduits au tiers des immeubles, et du prix de l’Office qui fut déclaré immeuble, et ledit Fondimare maintenu en la possession et proprieté de l’autre tiers.
La disposition testamentaire du sieur de Fondimare êtoit prudente et favorable, néanmoins on ne trouva pas à propos de donner atteinte à cet Article, en faveur de collateraux à qui la legitime n’est point dûë.
Il faut neanmoins avoüer que la substitution d’une proprieté faite par un ayeul en faveur de ses petits enfans, lorsqu’il prévoit la ruine inévitable de sa maison par le mauvais ménage de on fils, ne dévroit pas être condamnée : Il seroit juste en ce cas d’expliquer favorablement, de fléchir et de moderer cette disposition generale, lorsque la mauvaise conduite du fils est notoire et publique, et qu’elle mérite justement cette peine ; car si l’on fait refsexion sur cette inclination que la Coûtume fait paroître dans toutes ses dispositions, de conserver les propres dans les familles, et de les accroître autant qu’elle peut, n’ayant point reconnu de propres de différente nature, ni sans faire distinction de propres naissans et anciens, ayant également ordonné qu’ils appartiendroient tous aux heritiers aux propres, et qu’ils ne pourroient être alienez sans être remployez quand il se trouvoit des acquests et des meubles ; on doit assurément faire valoir toutes les dispositions qui se proposent et qui tendent à cette fin-là.
Sur tout elles sont si favorables et si legitimes en ligne directe, que rien n’est plus conforne à la véritable intention de la Coûtume. C’est une vérité certaine qu’elle n’a reprouvé l’in-titution d’heritier qu’en faveur de l’heritier du sang, et ab intestat, afin qu’il ne fût pas permis de le priver des biens de ses ayeuls pour les faire passer à des étrangers : La Loy ne s’est pas contentée de forcer l’homme à recevoir pour heritier celuy que la nature luy presentoit ; elle ne l’a pas rendu si absolument le maître de son bien, qu’il ne soit obligé d’en conserver au moins une portion à ses enfans.
Sur ce principe l’on peut dire que ce ne seroit pas s’écarter du sens de la Loy, en permertant aux peres qui ont le malheur d’avoir des enfans débauchez, de leur laisser seulement l’u-sufruit de leurs portions hereditaires, pour en conserver la proprieté à leurs petits enfans.
Tous les hommes sages s’imposent volontairement le joug d’une substitution tacite en faveur de leurs enfans. Seroit-il donc pas injuste que ceux qui manquent à leur devoir y pussent être obligez par une judicieuse disposition de leur propre pere
La Coûtume de Paris, non plus que celle de Normandie, ne souffre point l’institution d’hecitier ; et toutefois le Parlement de Paris a suivi cette équité, et il n’a point fait de diffi-culté d’autoriser ces sortes de substitutions : J’en rapporteray deux Arrests, le premier fut rendu en l’Audience de la Grand-Chambre le 9 d’Avril 1647. dont voicy le fait. Martin Anseau-me et Anne de la Brosse sa femme, Bourgeois de Paris, voyant le mauvais ménage de Me François de la Morliere, leur gendre, Grenetier au Grenier à Sel de Lysieux, ils firent leur testament mutuel, par lequel entr’autres choses ils dirent que connoissans le peu de conduite dudit de la Morliere leur gendre, et d’Anne Anseaume leur fille, et craignant qu’ils ne vinssent à dissiper la part qui leur appartiendroit en leur succession, au préjudice de leurs enfans issus de leur mariage, ils voulurent qu’aprés leur decez ils se contentassent de joüir par usufruit de ladite part et portion, et que la proprieté en demeurât à leurs enfans aprés le decez de Martin Anseauie ; la Morlière et sa femme soûtinrent que ce testament ne pouvoit subsister : Premierement, parce que c’étoit un testament suggéré par Me Jean Anseaume, Notaire au Châtelet, fils du testateur, lequel même l’avoit reçû : En seeond lieu, que les termes du testament portoient une exheredation tacite, sans avoir jamais donné aucun sujet à leur pere de les traiter de la sorte, joint que cette exheredation ayant été faite cum elogio, c’est à dire avec injures, elle ne pouvoit subsister aux termes des Arrests qui avoient perpetuellement cassé les exheredations de cette qualité : Et en dernier lieu, qu’il n’avoit pas été au pou-voir de leur pere de les priver de leur legitime, à laquelle se restreignans ils concluoient qu’elle devoit leur être baillée pour leur appartenir en proprieté, sans aucune charge de substitution. l. omnimodo et l. quoniam. C. de inoff. testam. consentant que pour le surplus il leur fût fait défenses de l’aliener ni de le vendre, sinon pour le mariage de leurs enfans : Au contraire le tuteur de leurs enfans soûtenoit que ces moyens n’étoient point considérables pour donner atteinte à un rectament fait par un pere capable, et qui avoit usé d’une prévoyance tres-singuliere pour le bien et l’utilité de ses petirs enfans : car de dire que le testament avoit été suggeré par l’un des enfans qui avoit reçû le testament, c’étoit une presomption tres-foible, puisque ce fils n’y êtoit point avantagé plus que les autres enfans : de dire aussi que cette disposition étoit une exheredation, il n’y avoit point d’apparence, puisqu’on ne leur ôtoit que la proprieté de leur portion, pour la laisser à leurs enfans ; que cette façon de disposer par un pere lorsqu’il voyoit le mauvais ménage de son fils, et qu’il vouloit pourvoir à la fortune de ses petits enfans, êtoit autorisée par la loy l. 16. 5. 2. de curat. furios. ff. et par les Arrests, et particulière-Loüet ment par celuy vulgairement appelé l’Arrest de Loüer. Leur plainte n’étoit point considerable, que cette disposition étoit faite cum elogio. Outre que ce n’étoit pas une exheredation, il falloit distinguer entre l’exheredation faite en collaterale ou en directe : Il est vray qu’en collaterale les exheredations n’avoient point été réçûës par les Arrests, mais en directe l’on sçan que le pere peut dire contre son fils tout ce qui luy plaist sans qu’il s’en puisse plaindre, et même il est obligé, suivant la Nov. 115. d’exprimer nommément les causes de l’exheredation. et dans l’espèce particuliere dont il s’agit, il étoit tenu d’ajoûter la cause de fa disposition, adiectâ causâ necessitateque judicii sui, l. 16. de curat. furios. D. Quant au dernier. moyen que fon pere ne l’avoit pû priver de sa legitime, on disoit que par la même raison qu’un pere peut pourvoir à ses petits enfans, il peut aussi substituer à la legitime de leur pere qui pouvoit même être laissée par usufeuit, suivant la loyPapinianus . S. unde siquis de inoff. testam. en tout cas la fille se reftreignant à la legitime, elle devoit abandonner le surplus, soit pour l’usufruit, oit pour la proprieté : sur quoy la Cour ordonna que le testament seroit executé. l est considérable que le gendre et la fille contestoient seuls le testament : sur quoy du Fresne Fresne qui a pareillement remarqué cet Arrest dans son fournal, l. 5. c. 15. de l’impression de 1652. ajoûte que s’il y eût eu des creanciers du gendre et de la fille joints avec eux pour demander que la legitime leur fût ajugée, in corporibus hereditariis, & sine ullo onere vel gravamine. pour être payez sur iceux de leurs dettes, la Cour l’eût jugé autrement. Neanmoins dans l’Arrest qui suit, l’intervention des creanciers ne fut point considerée, et il est d’autant plus remarquable que dans la substitution dont il s’agissoit, il y avoit des terres situées en Normandie.
Messire Loüis de Rohan, Prince de Guimené, Duc de Monbason, Pair et grand Veneur de France, fit son testament à Paris le 29 de Decembre 1664. qui contenoit ces paroles. Et parce qu’un des principaux soins ausquels la bonté Divine a attaché son falut, est celuy de l’education de Messieurs ses enfans, et qu’il n’est pas moins obligé à faire en sorte qu’aprés son decez les biens qu’il t plû à Dieu de donner au Seigneur testateur, soient conservez par eux et par leurs successeurs, comme il est tenu pendant sa viè d’en faire un fidéle usage, desirant satufaire à cette obligation et maintenir d’ailleurs la grandeur de sa Maison par la conservation des biens qu’elle a reçûs de la liberalité du Ciel, presté de ces mouvemens et d’autres, à cause de l’experience qu’il a de ce qui s’est pasé jusqu’à present dans sa famille par la mauvaise conduite et le mauvais ménage des personnes qui le touchent de plus prés, il ordonne et dispose : C’est à sçavoir qu’il instituë Monsieur Charles de Rohan, Comte de Monbason, son fils ainé, et Monsieur Loüis de Rohan son second fils, ses hevitiers en tous ses biens-meubles, propres et acquests et conquests immeubles, tels qu’ils pourront être au jour de son decez, pour être partagez entr’eux suivant les dispositions des Coûtumes dans l’etenduë desquelles ils se trouveront assis : Et à l’égard dudit seigneur son fils ainé, ledit Seigneur te-stateur luy substitué par ces presentes ses enfans nés et à naître en loyal mariage, aux parts et portions qui luy pourront appartenir en sa succession, voulant que son fils se contente de l’usufruit et joüissance d’iceux, sans qu’il en puisse rien vendre, disposer, engager, aliener, ni lypothequer en quel que façon que ce soit, reservant par cette presente disposition le fonds et proprieté de tous les susdits biens à ses petits enfans nes et à naître dudit seigneur son fils, qu’il substitue les uns aux autres, en cas de predecez de l’un ou de plusieurs d’eux sans enfans legitimes : ausquels petits enfans ledit Seigneur testateur a substitué et substituè leurs enfans à naître en loyal mariage, et au cas que sesdits petits enfans viennent à mourir avant ledit Seigneur son fils ainé, ou aprés luy sans enfans d’eux, ledit Seigneur testateur veut que le fonds et proprieté de sesdits biens appartiennent au Seigneur Loüis de Rohan son second fils, et audit seigneur Loüis de Rohan il substitue les enfans qui naitront de luy en loyal mariage, que ledit Seigneur testateur substitue les uns aux autres en cas de predecez.
Et quant audit Seigneur Loüis de Rohan son second fils, ledit Seigneur de Rohan luy substitue les enfans qui naitront de luy en loyal mariage, en la part et portion des biens qui luy écherront en sa succession : voulant qu’il se contente pareillement de l’usufruit et joüissance desdits biens, sans qu’il en puisse rien vendre, disposer, ni hpothequer en quelque façon que ce soit, reseroant la proprieté. aux enfans qui naitront de luy en loyal mariage, ausquels enfans ledit Seigneur testateur substitué bareillement leurs enfans legitimes ; et arrivant le decez dudit Seigneur son second fils, avant que d’être marié, il luy substituè comme dessus ledit Seigneur Charles de Rohan son ainé, nommant pour axecutrice de son testament Madame Anne de Rohan sa tres-chere épouse Aprés la mort de Monsieur le Prince de Guimené, Messieurs ses enfans et leurs creanciers ayant contesté cette substitution, elle fut confirmée par Sentence du Prevost de Paris. Cette tause ayant été portée en l’Audience de la Grand-Chambre du Parlement de Paris, elle y fut plaidée solennellement, et si elle eût été jugée, il eût passé tout d’une voix en faveur de testament ; et ce qui fit appointer l’affaire, ce fut le détail de quelques faits qu’apporta l’Avocat des creanciers du Duc de Monbason, qui ne se pût assez déméler à l’Audience, et parce qu’il est difficile de pousser plus avant les raisonnemens de part et d’autre qu’ils : le furent en cette rencontre par les Juges qui opinerent, comme je l’ay appris des Memoires de M du Laurens qui assista au jugement du procez. Je ne croy pas ennuyer le lecteur en les rapportant. La cause consistoit en deux questions : La premiere pour la substitution faite à Messire Charles de Rohan, Duc de Monbason, qui se divise en trois questions : La seconde pour la substitution de Messire Loüis de Rohan, qui se divise en deux questions ; l’une de droit, et l’autre de fait.
I fut dit pour Monsieur le Duc de Monbason et pour ses creanciers, que tout le moyen de Madame la Princesse de Guimené êtoit fondé sur le testament de Monsieur son mary, par lequel elle prétendoit que la portion hereditaire de son fils ainé, même sa legitime étant substituée, ses créanciers ne se pouvoient pourvoir que sur les revenus : Les creanciers soûtenoienturer, contraire ; Premierement, qu’il n’y a aucun terme dans le testament par lequel on puisse inferen que Monsieur le Prince de Duimené ait voulu substituer la legitime. Secondement, qu’il n’pû substituer la legitime. Trosiémement, que les creanciers sont bien fondez à demander la distraction de la legitime. Quatriémement, par les circonstances particulieres du fait qui resultent de la qualité des creanciers.
Pour le premier moyen les creanciers soûtenoient que ce testament contenoit un fideicommis de tous les biens qui naturellement sont susceptibles de fideicommis, à l’égard desquels Monsieur le Duc de Monbason ne pouvoit disposer que de l’usufruit, et il étoit obligé de reserver la proprieté à ses enfans ; mais à l’égard du droit d’ainesse, qui est sa véritable legitime, on ne peut pas dire que Monsieur son pere l’ait chargé d’aucun fideicommis.
Il est dit par ce testament que les deux enfans sont instituez heritiers ; il est dit que les biens seront partagez entr’eux suivant les Coûtumes ; voila donc la proprieté des biens en leur personne pour être partagez entr’eux suivant les Coûtumes.. Ils partagent des proprietez. Monsieur le Prince de Guimené ne légue pas un simple usufruit à Monsieur son fils ainé, et la proprieté à ses petits enfans, le testament n’est point conçû en cette manière ; mais il luy legue la proprieté de sa portion hereditaire, parce que l’institution d’heritier en païs coûtumier ne dit rien autre chose, et il luy substituë ses enfans : Et de fait il dit, qu’il substitue à son fils ainé, les enfans de luy r qui sont les petits enfans du testateur ) nés et à naître, aux parts et portions qui luy pourront ppartenir en sa succession, tant en argent, meubles, &c. C’est donc une proprieté qui luy est léguée et qui est substituée à ses enfans ; ce n’est point le legs d’un simple usufruit, puisqu’il ne peut rien venir aux enfans par substitution, aux termes que le testament est conçû, que ce qui appartient à leur pere à titre d’institution ; et quand dans une clause qui est comprise au milieu de toutes les autres, il veut que son fils ainé se contente de l’usufruit et joüissance de ses biens sans qu’il en puisse rien vendre, disposer ou échanger, réservant le fonds et la proprieté à se petits enfans, luy ôte-t’il la proprieté qu’il luy a laissée par les articles precedens : cela ne se peut pas dire, il y auroit contradiction dans la même disposition. Cette clause donc ne veut rien dire autre chose, sinon qu’il ne pourra disposer de la proprieté laquelle sera reservée ux enfans, mais qu’il pourra seulement disposer des fruits ; il est donc legataire de la proprieté, mais de la proprieté chargée de fideicommis et reservée à ses enfans, et on ne peut pas dire, sans faire violence à toutes les autres clauses du restament, qu’il soit legataire d’un simple usufruit, et que la proprieté ait été léguée à ses enfans. Premièrement, c’est luy qui est institué. heritier et non pas ses enfans. Secondement, il est institué heritier pour partager suivant les Coûtumes, ce sont les termes du testament, c’est luy qui doit partager, et non ses enfans. Troissémement, les enfans luy sont substituez en la part et portion qui luy appartient ; puis donc que les enfans sont substituez à une proprieté qui leur est reservée, la part et portion luy appartient en proprieté, bien que la proprieté soit chargée d’une substitution. Quatrièmement, cela est si véritable que si tous ceux qui sont appelez à la substitution venoient à déceder devant luy, personne ne doute que tous les biens ne luy appartinssent librement, en vertu du testament en pleine proprieté Or quand on légue l’usufruit à l’un, et la proprieté à un autre, si le legataire de la proprieté vient à déceder, la proprieté n’appartient pas en vertu du testament au legataire de l’usufruit, mais alors la proprieté léguée aprés la mort du legataire de la proprieté, qui a eu delivrance de son legs, passe à ses heritiers legitimes : Il doit donc demeurer pour constant que ce n’est pas un simple legs d’usufruit, mais un legs de proprieté. chargé de fideicommis.
Cela supposé il faut examiner quelles sont les regles les plus certaines en matière de Fideicommis, quand on instituë un heritier à la charge de restituer l’heredité, l’heritier n’est reputé chargé par le testateur de restituer que ce qui est ordinairement sujet à restitution, detractis derrahendis, comme disent les. Docteurs. Un étranger est institué heritier, et par le testament il est chargé d’un grand nombre de legs qui épuisent l’heredité, il est tenu de payer les legs ; mais il peut distraire à, son profit la falcidie, s’il n’y a une prohibition expresse. Des enfans au premier degré sont instituez heritiers par leur pere, à la charge de restituer. l’heredité, ils sont renus de la restituer, mais ils peuvent distraire la trebellianique, s’il n’y a prohibition expresse I y a en droit trois legitimes, la falcidie, la trebellianique, et la legitime naturelle des enfans Il est certain que la plus favorable de toutes est la legitime naturelle des enfans ; c’est une dette de la succession des peres qui n’est point écrite, mais qui est née avec les enfans, qui n’est pas reçûë par des Notaires ou des témoins, mais qui est marquée et gravée par la nature même en des caracteres de sang que rien ne peut effacer, ne filius defraudetur debito naturali, disent les Loix, Les enfans au premier dégré chargez de restituer l’heredité peuvent retenir la trebellianique, s’il n’y a prohibition expresse. Un heritier institué chargé de legs peut se reserver la falcidie, s’il n’y a prohibition expresse, et on dita que pour exclure les enfans de la distraction de leur legitime naturelle de cette portion privilegiée et consacrée par la nature, il n’est pas necessairé qu’il y ait une prohibition expresse, et on dira que la legitime, dont il ne sera fait aucune mention, demeurera chargée du fideicommis, comme étant confonduë dans la masse des biens dont le testament a ordonné la restitution ; c’est ce qui n’a jamais été dit ; elle mérite bien d’être marquée expressément, afin qu’elle soit comprise dans la restitution, elle ne doit pas être plus mal traitée que la falcidie et la trebellianique. Dans la Novelle première de Justmien, si vero expressim designavenit non velle heredem retinere falcidiam, necessarium est testatoris valere sententiam, mais il faut aeue cela soit dit expressément.Ferrerius , sur la Question 51. de GuyPapé , sanè quoad prohibitionem Trebellianae, perpetub in hoc parlamento Tholosano judicatur ut in liberis orimi gradùs prohiberi possit modo prohibitio fiat expressis verbis, non tacitè per hac verba, pleni ure reddant hereditates fine diminutione, que verba licet sufficiant ad excludendos extraneos, ne letrahant trebellianam, non tamen excludunt liberos primi gradâs, in quorum personâ prohibitiâ expressis verbis fieri debet. Il y a bien plus ; car de la maniere que le testament de Monsieur le Prince de Guimené est conçù, si les parties étoient en païs de droit écrit Monsieur de Monbason auroit la distraction des deux quarts, et de la trebellianique, et de la legitime naturelle, parce que dans le testament il n’y a pas même de termes suffisans pour exclurela trebellianique.
Les créanciers sçavent bien qu’ils dégradent en quelque manière la legitime des enfans, quand ils en parlent ainsi, quand ils la reduisent aux termes de la falcidie et de la trebelliani, que ; mais par une abondance de moyens ils consentent presentement qu’il y ait des cas ausquels la legitime naturelle des enfans puisse être chargée de fideicommis, il faut au moins qui le testateur le dise expressément. Je venx qu’il restitue toute sa portion hereditaire, même sa legisime, où bien il faut qu’il légue un simple usufruit au pere, et la proprieté aux enfans qui est, l’espèce dé la l. si furioso S. potuit. ff. de curator. Juriofor. potuit tamen pater. et aliâs prouidere nepotibus suis, si eos jussisset heredes esse, et exheredasset filium, eique quod sufficeret, alimentorum nomine ab eis certum legasset, additâ causâ, necessitateque judicii sui. En vérité cela se peut-il appliquer à l’espèce particulière ; Monsieur le Prince de Guimené a-t’il déshérité son fils ainé quand il l’institue son heritiers L’a-t’il deshérité, quand il ordonne qu’il partagera, avec son frère suivant les Coûtumes : L’a-t’il deshérité, quand il l’a substitué luy-même au Chevalier de Rohan son frere, dont il recueilleroit les biens en pleine proprieté s’il décedoit sans enfans avant luy
Non seulement il n’y a point de volonté expresse qui charge de fideicommis la legitime des enfans, mais il y a une volonté expresse qui excepre la legitime du même fideicommis.
Ainsi pour reduire ce premier moyen, l’on voit qu’il falloir des termes exprés pour charger la legitime naturelle des enfans de fideicommis, que ces termes exprés ne se rencontrant point dans le testament de Monsieur le Prince de Guimené, on ne peut pas dire raisonnablement que telle ait été sa volonté, et au contraire qu’il y a des clauses expresses pour par-tager suivant les Coûtumes, de reserver le droit d’ainesse dans les degrez inferieurs de la ubstitution, qui marquent qu’il n’a pas voulu charger de fideicommis le droit d’ainesse de Monsieur son fils, qui est en effet sa véritable legitime
Le second moyen des creanciers défendeurs, est de dire que non seulement Monsieur le Prince de Guimené n’a point voulu charger la legitime de Monsieur son fils ainé d’aucur fideicommis, mais qu’il ne l’a pû vouloir, ce qui resulte de la nature et de l’essence de la degitime.
La Cour trouvera bon qu’aprés avoir deshonoré la legitime naturelle des enfans, en la rabaissant aux termes de la falcidie et de la trebellianique, on luy rende presentement le rang qui luy appartient, et qu’on l’a rétablisse dans les droits qui luy sont essentiels. L’un des plus peaux avantages de la legitime naturelle des enfans, est qu’elle ne peut être chargée de fideicommis ; cela dépend de deux principes qui sont certains en droit, et l’on sçait que même dans le païs Coûtumier, c’est ce droit qui nous fournit les principes et les maximes pour décider les questions de legitime, c’est une matière du droit écrit, qui a reçû tres-peu de changement par nos Coûtumes.
Le premier principe est qu’aujourd’huy par le droit du Code, la legitime ne peut plus être laissée en usufruit : Il est vray que par le droit du Digeste, la quarte pouvoit être laissée aux enfans en un simple usufruit, comme il paroit par la l.Papinianus , 8. 6. ande si quis. ff. de inoff. testam, unde si quis fuit institutus fortè ex semisse, cum et sextans ex substantiâ testatoris deberetur, & rogatus effet post certum tempus restituere hereditatem mérito dicendum est nullum judicium movere, cum debitam portionem & eius fructus habere possit. Fructus autem solere imoutari in falcidiam non incognitum est : Ergo etsi ab initio ex semisse heres institutus cogatur post decennium restituere hereditatem, nihil habet quod conqueratur ; quoniam facile potest debitam portionem ejusque fructus medio tempore colligere. Mr Cujas au lieu de sextante lit sesquiuncia, 1qui est une once et demie. ) Le testateur avoit deux enfans, s’il n’eut point fait de testament, ils auroient succedé chacun in semissem ( pour six onces, ) y ayant un testament, leur legitime qui étoit alors la quarte de leurs portions hereditaires, est la quatrième partie de six onces, qui est une once et demie, sesquiuncia. L’un des enfans est institué heritier pour six onces, mais il est obligé de les restituer aprés un certain temps, post certum tempus, aprés dix ans, post decennium, comme il est dit à la fin du même Paragraphe, et ainsi il demeurera sans legitime ; car les enfans ne pouvoient alors retenir qu’une feule quarte, de sorte que la falcidie ou la trebellianique dont ils faisoient la distraction à leur profit leur tenoit lieu de legitime naturelle ; on demande pourra-t’il en ce cas-là se servir de la querelle inofficieuse : ; Le Jurisconsulte dit que non parce que les fruits qu’il recevra depuis l’adition d’heredité, jusques au jour qui est marqué et fixé pour la restitution du fideicommis, et lesquels il recevra, judicio testatoris, qui l’a ainsi ordonné, serviront à remplir sa legitime. Donc sa legitime pouvoit être laissée en usufruit ; mais il faut remarquer deux choses ; la premiere qu’il falloit absolument pour cela que le temps de la restitution fût certain, pour connoître d’abord si les fruits seroient suffisans pour remplir la egitime, afin que la legitime des enfans ne dépendit point d’un évenement incertain, post Accurse vertum tempus, post decennium. C’est ce qui a été remarqué par Accurse, sur cette loy. Tu dicis. quod hie filius rogatus erat post certum tempus restituere, & cum certum tempus efset venturum, per consequentiam erat certûm quod quartam & ejus fructus posset medio tempore percipere. Unde via conquerendi sibi denegatur. Ibi vero rogatus erat non ad certum tempus, ut hic, sed sub conditione. quam non erat certum extituram vel non extituram, scilicet si decesserit sine liberis ; nec certum erat an posset pendente conditione, quartam & eius fructus consequi, & cum suo debito bonorum subfidio statim debeat esse securus, statuitur ut ex principalibus rebus defuncti, quartam derrahat, non enim sine ratione hic posuit certum tempus, idest decennium, & hoc in filiis primi gradùs, in ceteris spectatur conditionis enentus, ut si interim, quantum sufficit ad quartam, & ejus fructus percipiatur, excludantur à querela, aliâs non. Ainsi suivant cette remarqué, l’ancien droit pour l’imputation des fruits en la legitime ne peut être appliqué à l’elpece particulière dans laquelle Monsieur le Duc de Monbason est obligé de restituer aprés sa mort, dont le jour est incertain, et rend par consequent la durée de la joüissance incertaine. La seconde remarque est que l’ancien droit en ce point à été corrigé par le droit du Code. Voila pourquoy Mr Cujas a dit sur cette loy, hoc non potest hodie ita poni in filiis, nam ex constitutione zenonis, filit rogati restituere hereditatem, & onerati legatis falcidiam detrahunt ex corporibus, hoc est ex rebus ipfis, et fructus non imputantur in falcidiam, sed lucrantur et sibi habent, neque in trebellianicam. ex constitutione à Jubemus C. ad Trebellianum : Jat reliqui liberi fructum imputant in falcidiam, ho tantum datum est filiis ; itaque hic S. unde siquis, hodie de reliquis liberis accipiendus erit, non de filiis, quoniam dicit fructus imputari in falcidiam. Godefroy sur le même Paragraphe dit que cette imputation a lieu à l’égard des autres legitimes, non autem in legitimam debitam jure naturae, quod ex substantiâ hereditatis non ex fructibus percipitur, adeb ut filiis quarta trebellianica non competat per imputationem redituum, licet hoc testator jusserit, aut rogaverit, sed de ipsis rebus hereditatis. l. 6. C. si C. trebell. Son raisonnement est indubitable, si cela a été ainsi ordonné pour la falcidie et la trebellianique en faveur des enfans qui sont au premier degré, à plus forte raison pour leur legitime naturelle. Il y a plus, car la distraction des deux quartes étant nconnuë dans le véritable principe du droit, la trebellianique tenoit lieu de legitime naturelle, Justinien ce qui a été ordonné alors pour la trebellianique, étoit ordonné en effet pour la legitime naturelle. Enfin comment entendre la Constitution de Justinien, quoniam in prioribus C. de inoff. restam. qui veut que toute la legitime soit baillée aux enfans sine morâ, sine dilatione. Et ainsi s’ils peuvent être obligez d’attendre dix ans pour se payer de cette même legitime en joüissance, la proposition contraire ne peut passer que pour un paradoxe. Le second principe est que la legitime qui doit être laissée aux enfans en pleine proprieté, doit être franche et quitte de toutes charges, c’est une portion affranchie par la loy, un reste triste et miserable d’une succession épuisée par des dispositions irregulières ; de sorte que toutes les charges ausquelles on prétend l’assujettir s’évanoüissent d’elles-mêmes ; elles sont considérées comme si elles Justinien n’étoient point écrites. Hoc in prasenti addendum esse censemus, dit l’Empereur Justinien en la I. quoniam in prioribus C. de inoff. testam. ut si conditionibus quibusdam vel dilationibus, aut aliqua lispositione moram vel modum, vel aliud gravamen inducente, eorum jura, qui ad memoratam actionem vocabantur, immutata esse videantur, ipsa conditio, vel dilatio, vel alia dispositio moram vel quodcunque onus introducens tollatur & ita res procedat quasi nihil eorum testamento additum esser. Il y a icy dequoy s’étonner, si Monsieur le Prince de Guimené avoit chargé de fideicommis la legitime de ses enfans, la loy veut que la charge de fideicommis soit considerée comme si elle n’avoit point été écrite dans le testament ; et aujourd’huy par un sentiment out contraire à la loy, on veut que Monsieur le Prince de Guimené qui n’a point parlé de degitime dans son testament, qui n’a rien dit pour conclure qu’elle soit chargée de fideicomnis, qui en a assez dit pour marquer que son intention étoit qu’elle fût exceptée du fideicommis, on veut, dis-je, contre la disposition de la loy, contre l’intention du : testateur, contre les termes du testament, que cette même legitime soit reputée chargée de fideicommis, en la confondant avec le reste des biens ; voila un étrange renversement.
Les créanciers ajoûteront en cet endroit une observation qui se tire de l’adoption ; on sçait que l’adoption n’ost qu’une imitation de la nature, celuy qui étoit adopté per arrogationem, avoit une legitime sur les biens de celuy qui l’avoit adopté, qui étoit le quart de ses biens. On a demandé isi ce quart pouvoit être chargé de fideicommis : l. si arrogator, ff. de adoptionibus.
Ceterum si fidei ejus commisit ut quandoque restituat non oportet admitti fideicomissum, quia hos non judicio ejus ad eum pervenit, sed principali providentiâ. Nous ne pouvons charger de fideicommis que ceux que nous honorons de nôtre liberaliré, quem honore gravare possum. La legi-time des enfans n’est point laissée par le pere, mais par la loy ; ce n’est point un present du ère, c’est une dette naturelle dont sa succession est chargée ; amsi le pere qui n’en est point le maître n’y peut apposer aucune condition ; la loy s’y oppose, la loy la protege, elle er retranche toutes les charges, afin qu’elle demeure aux enfans toute entière et sans aucune alteration. Me Charles du Moulin a établi ces mêmes principes sur l’Article S. glose 3. nombre 11. 24. et 25. de l’ancienne Coûtume de Paris, qui est le 13. de la nouvelle : Il parle en même temps. de la legitime et du droit d’ainesse, et des quatre quints des propres qui est une portion réservée par la Coûtume, parce que toute la faveur du droit d’ainesse vient de ce qu’il parricipe de la legitime ; la legitime est dûe par un droit naturel, quid, aut quantum, c’est le droi positif qui le termine, et le droit positif l’a rerminé plus grande dans les ainez, et moindre dans les puisnez ; ainsi le droit d’ainesse n aePOS est qu’un accroissement et une augmentation de legitime ; quando pater disponeret per viam uttimae voluntatis, de rebus vel bonis in quibus cadit jus primogeniturae, sit conclusio negativa quod non potest, imâ ipfo jure non valet, quia talis dispositio nullum omnino sortiri potest effectum nisi post mortem, sed statim in tempore mortis proprietas & possessio rerum que cadunt in ejus praemogeniturâ, transit ipfo jure in primogenitum, eique incommurabiliter acquiritur, non obstante quabis contrariâ dispositione ultimae voluntatis.Molinaeus , ibid. Et il ajoûte Istud jus primogeniturae, quamvis non sit legitima jure naturae debita, quatenus trientem vel semissem virilis ab intestato portionis excedit, est tamen beneficium legis, quod non potest auferri nec aliquod onus imponi per patrem testantem ; et quantum ad hoc aequiparatur legitimae jure naturae debite, cui nullum gravamen potest imponi. Et sic concludo testatorem nullum onus posse imponere sive puré, sive in diem, sive sub conditione in quatuor partibus praediorum, que propria vocant, nec in his que spectant ad jus primogeniturae, que debent remanère libera ab omnibus legatis, oneribus et dispofitionibus ultimarum voluntatum. Voila les principes certains en matière de legitime, les grandes regles qui ont perpétuellement été suivies, et dans le Païs de droit écrit, et dans le Païs Coûtumier.
Comme il n’y a point de regle generale qui n’ait ses exceptions, on a demandé si le pere pour conserver ses biens dans sa famille a fait une substitution reciproque entre ses enfans, la legitime en ce cas peut être chargée de substitutions fideicommissaires : La l. si pater, au Code de inoff. testam. le dit ainsi ; mais cette loy ayant été corrigée par la loy quoniam in prioribus au même titre, il a été jugé par deux Arrests rapportez par Mr Bouguier en la lettre H, nombre S. que la substitution reciproque entre enfans n’empeschoit point l’effet de la legitime. Dans la substitution pupillaire, la legitime en Païs de droit écrit est comprise, parce que tous les biens du pupille y sont compris, le pupille ne pouvant point faire de testament, le pere fait un testament pour luy ; on ne court risque de rien, il n’y a point de creancier qui y puisse être interessé, parce que le pupille ne peut pas s’obliger ; on a dit, le fils insensé qui mente captus perpetub sit, ne peut aussi faire de testament, le pere en pourra-t’il faire un pour luy : On a épondu qu’il le pouvoit ; voila lorigine de la substitution exemplaire, dont au commencement on ne pouvoit se servir sans la permission expresse du Prince, qu’il falloit obtenir. l. ex facte 43. ff. de vulg. et pupill. substit. beneficia quidem principalia ipsi principes solent interpretari verûn poluntatem principis inspicientibus potest dici, eatenus id eum tribuere voluisse, quatenus filius is eadem valetudine perseverat, ut quemadmodum jure civili finiatur pupillare testamentum, ita Princepi mitatus sit jus in eo, qui propter infirmitatem non potest testari. Nam etsi furioso filio substituisset, dicemus desinere valere testamentum, cum resipuisset, quia jam posset sibi testamentum facere ; étenim iniquum incipit fieri Principis beneficium, si adhac id valere dicamas, auferet enim restamenti Justinien factionem homini sanae mentis. L’Empereur Justinien en a fait un droit commun ; de sorte que depuis sa Constitution pour faire une substitution exemplaire, on n’a plus eu besoin d’avoit recours au benefice du Prince. l. humanitatis C. de impub. et aliis substitutionibus. Humanitatis intuitu parentibus indulgemus, ut si filium, &c. Si mente captus perpetub sit, & nullus descendentium sapiat, liceat iisdem parentibus, legitimâ portione et vel eis relictâ, quos voluerunt his substituere, ut occasione hujusmodi substitutionis, ad exemplum pupillaris, querela nulla contra testamentum eorum oriatur ; ita tamen ut si postea resipuerit, vel resipuerint, talis substitutio cesset : vel si filia aut alii descendentes ex hujusmodi mente captâ personâ, sapientes sint, non liceat parenti qui vel que testatur, alios quâm ex eo descendentes unum vel certos, vel omnes substituere ; sin verâ etiam liberi testatoris, vel testatricis sint sapientes, ex his vero personis que mente capte sunt, nullus descendat, ad fratres eorum, unum, vel certos vel omnes, eandem fieri substitutionem posse.
Voila ce qu’on appelle substitution exemplaire. On a remarqué plusieurs differences entre la substitution pupillaire et exemplaire, que la substitution pupillaire est de droit, étant fondée sur la puissance singuliere que les Romains avoient sur leurs enfans, nititur potestate, et leur pouvoir en cela n’est point renfermé dans leur famille, mais ils peuvent indifferemment subtituer pupillairement qui bon leur semble, même les étrangers, ce qui n’est pas dans les subi stitutions exemplaires ; mais elles ont cela de commun, que ni les unes ni les autres n’ont point de lieu qu’à légard de ceux qui ne peuvent pas eux : mêmes disposer de leurs biens, comme les pupilles et les insensez, qui perpetuo mente capti sunt, ce sont les termes de la loyIl est certain pareillement que ces deux substitutions, en comprenant la legitime, ne peuvent faire toit à personne, parce que ni les pupilles ni les insensez ne peuvent pas s’obliger ; de sorte que l’on peut inferer comme une conclusion certaine en termes de droit, que si le fils peut disposer en quelque manièré que ce soit jusques à la concurrence de quelque somme, la ubstitution exemplaire, qui n’est fondée aussi-bien que la pupillaire que sur Iincapacité de disoser, et qui pour cela comprend la legitime, cesse à cet égard, parce qu’autrement elle seroit une contradiction, et il arriveroit qu’une même personne pourroit et ne pourroit pas disposer de son bien, iniquum incipit fieri beneficium, si adhuc valere dicamus. Ainsi puisque Monsieur le Duc de Monbason avoit le pouvoir de disposer jusques à la concurrence d’une comme de cent mille livres, il est certain que jusques à la concurrence de cette somme, la ubstitution dont il s’agit, quand elle seroit du nombre des substitutions exemplaires, ne pourroit pas produire son effet, parce que comme elle n’est fondée que sur l’incapacité de dispo-ser, elle ne peut pas aller plus loin que cette même incapacité de disposer, qui en est le principe, la base et le fondement.
Les défendeurs croyoient avoir montré que feu Monsieur le Prince de Guimené, de la nanière qu’il avoit disposé, n’avoit point en effet substitué la legitime ; mais ils ajoûrent icy, qu’il est difficile de concevoir qu’il ait voulu faire une substitution exemplaire : La raison en est évidente, elle dépend de la lecture du testament ; l’Article de la substitution dont il s’agit, qui décend dans plusieurs degrez, fait voir qu’elle est uniforme et de même espèce dans tous les degrez ausquels elle se communique, il n’y a point de difference ni dans les termes, ni dans l’intention du testateur, qui ne se peut découvrit que dans les termes. Il substitua au fils ainé les enfans du fils ainé : Il substitua aux enfans du fils ainé leurs décendans : Il substitua aux décendans du fils ainé, décedant sans enfans, son fils puisné : Il substitua à fon fils puisné, décedant sans enfans, le même fils ainé ; sur quoy il y a plusieurs reflexions à faire, qui sont incompatibles avec la substitution exemplaire. La première, est que dans la substitution exemplaire mente capto substituitur, sed substituuntur ii qui sapiunt. Et cependant on ne substituë pas seulement à Monsieur le Duc de Monbason, mais il fut luy-même substitué au sieur Chevavier de Rohan son frère, s’il décedoit sans enfans ; ce ne sont pas les enfans de Monsieur le Duc de Monbason qui sont substituez au premier degré au sieur Chevalier de Rohan, mais c’est Monsieur le Duc de Monbason qui est substitué ; ce n’est donc pas une substitution exemplaire, ni du côté du sieur Chevalier de Rohan, auquel, on demeure d’accord qu’il n’y avoit point lieu de substituer exemplairement ; ni du côté de Monsieur le Duc de Monbason, puis qu’il est luy-même substitué, autrement contre l’intention du testateur, ce ne seroit pas une ubstitution reciproque entre les deux freres, puisqu’elle seroit exemplaire d’un côté et ne le seroit pas de l’autre, encore que de côté et d’autre ce soient les mêmes termes, la même expression de volonté, et tout le monde est persuadé que le Chevalier de Rohan n’a point mérité une disposition si injurieuse, si contre les sentimens de feu Monsieur son pere et de Madame sa mere, on la vouloit expliquer de cette manière ; et cependant on est reduit dans la nécessité d’une explication uniforme, à cause de l’uniformité des termes : ii à l’égard de Monsieur le Duc de Monbason on l’entend des termes d’une substitution exemplaire, ce qui fait la seconde refsexion. La troisième reflexion est que les petits enfans de Monsieur le Duc de Monbason, sont substituez aux enfans de la même maniere que les enfans le sont à leur pere, il n’y a point de difference ; il faut donc conclure, ou que ce n’est point une substitution exemplaire, ou que le testateur l’a étenduë à des cas qui n’en étoient point susceptibles.
On peut donc demeurer d’accord, que la substitution exemplaire, ainsi que la pupillaire, comprend la legitime, ce qui est une exception à la regle generale, qui veut qu’une legitime ne uisse être chargée d’aucune substitution ; mais au même temps il faut reconnoître de bonne foy, qu’il est impossible que le testament de Monsieur le Prince de Guimené soit dans l’espece d’une substitution exemplaire, joint que les Arrests ont jugé que ces sortes de dispositions pouvoient bien être executées dans la famille entre les décendans des testateurs, mais qu’elle ne pouvoit point faire de préjudice à des creanciers legitimes ; et c’est la troisième question traitée par les créanciers.
Le troisième moyen des créanciers défendeurs consiste à dire qu’en qualité de creanciers legitimes de Monsieur le Duc de Monbason, ils sont bien fondez à demander la distraction de la legitime qui luy appartient dans les biens de feu Monsieur le Prince de Guimené son peres quand bien même ce seroit substitution exemplaire, quand même il auroit dit expressément qu’il substituë la legitime de son fils ainé, ce qu’il n’apoint fait. Cetromsième moyen renferme deux propositions ; la premiere, que les enfans ne demandant point leur legitime, les creanciers la peuvent demander pour eux : La seconde, qu’ils la peuvent demander nonobssant la substitution portée par le testament du pere et de la mêre
Ce n est point la premiere fois que la premiere question a été traitée, on disoit que le fils ne demandant point sa legitmme, les creanciers ne pouvoient la demander pour luy, parce qu’en droit un creancier ne peut contraindre fon debiteur, qui est institué heritier avec charge de fideicommis, de joüir de la distraction de la quarte trebellianique. En second heu, le pere, au nom de son fils, ne peut intenter laction d’inofficiosité sans fon consentement, étant l’injure faite fils et non à autre ; moins devoit-il être permis à des créanciers d’exercer telles actions contre e gré de ceux à qui elles appartiennent. En second lieu, qu’on ne pouvoit pas dire que cela se fit en Fraude des creanciers, parce que si les biens de son pere luy étoient deferez ab intestat, il y pouvoit renoncer, n’étant heritier qui ne veut ; et s’ils luy étoient acquis par le testament du pere il ne pouvoit pas en diviser la difposition, que cela n’emportoit aucune perte ni diminution des biens du debiteur, ce qui êtoit necessaire pour dire que ce fût une fraude faite aux creancier On soûtenoit au contraire par les Loix et par les Coûtumes, qu’il n’étoit point permis aux peres et aux mêrës de disposer de leurs biens, en forte que la legitime dûë à leurs enfans demeurant saine et entière ; que les enfans en étoient saisis dés le premier instant du décez de leur pere par la Coûtume generale du Royaume, tellement que les creanciers la pouvoient saisir et faire vendre comme les autres biens qu’ils avoient acquis ; que si en terme de droit lheritier institué et chargé de restitution, refusoit de se porter heritier et d’accepter la succession, il y pouvoit être contraint par le fideicommissaire ; combien à plus forte raison le doit être le debiteur, afin qu’il décharge sa conscience en acquitant ses dettes, principalement quand on voit manifestement qu’il n’a point d’autre bien pour payer ses créanciers. Cette question s’est presentée au Châtelet, entre Hacquelin Foucau, creancier, et Jean Fredet tuteur et curateur de ses enfans.
Catherine Joly, mère de Jean Fredet, étoit décedée et par son testament avoit légué tout son bien à ses petits enfans, qui étoient les enfans de Jean Fredet, lequel avoit dissipé tout son bien.
Le creancier demandoit à ce que du legs universel fait aux perits enfans, la legitime appartenante au pere de son chefsur les biens de la défunte, fût distraite pour le pavement de ce qui luy êroit dûII representoit lés mêmes moyens qui viennent d’être proposez. Le fils se servoit des mêmes. défenses, et bien loin de se joindre aux creanciers, il feignoit par une fausse pieté de ne voulois point combatre la derniere volonté de sa mere comme on a vâ en pleine Audience dans le procez à juger. Charmelu, Procureur Curateur à linterdiction de Monsieur le Duc de Monbason déclara contre le véritable interest de sa partie, qu’il n’avoit rien à dire, et qu’il s’en rapportoit à la Cour. Le Prevost de Paris rendit sa Sentence l’11. de Juillet 1587. bien contraire à celle dont est appel, par laquelle il fut dit que le creancier seroit reçû à ses perils et fortunes à demander la legitime qui pouvoit appartenir à Jean Fredet en la succession de Catherine Joly sa meres de laquelle Sentence y ayant eu appel, elle fut confirmée par Arrest solennel, prononcé en Robes rouges par Monsieur le President Pottier-de-Blanménil, le 28 de Mars 1589.
Ce qui a donné lieu à cette prononciation solennelle étoit pour fixer la jurisprudence, parce qu’on disoit que le contraire avoit été jugé par l’Arrest de Theligny du mois de Decembre 1561. et par quelques Arrests subsequens : Par lequel Arrest de Theligny, qui est rapporté par Monsieurdu Val , en son Livre de rebus dubiis, Traité 11. il avoit été jugé qu’une mere ayant donné tout son bien à ses petits enfans issus de son fils ainé, qu’elle avoit reconnu êtré un dissipateur, les creanciers du fils ainé ne pouvoient pas demander la distraction de la legitime. Monsieur de Val aprés avoir rapporté l’Arrest ajoûta, quamvis jus esset maximè controversum ; creditores enim certabant de damno vitando, causa autem filiorum erat lucrativa ; et de fait Mr Anne Robert : lib. 3. cap. 12. rerum judicatarum, en parle en ces termes, hûjus controverse questionis decisio varie tractata, variéque judicata refertur : Et aprés avoir rapporté le même Arrest de Theligny, il ajoûte ces termes François. Toutefois j’ay entendu que par Arrest prononcé en Robes rouges par Monsieur le President de Blanmenil, il fut dit en pareille question que le fils demanderoit sa legitimé, ou que les creanciers seroient subrogez pour la demander. Mr le Prestre Prestre Centurie 1. chap. 89. dit la même chose, et fait mention d’un autre Arrest, au Rapport de Mr le Grand, en la troisième Chambre des Enquêtes, donné en l’année 1599. au profit de Fontenay, grand Prevost, par lequel le creancier fut reçû à demander la legitime qui appartenoit à son debiteur. MtMaynard , au Liv. 7. des Arrests du Parlement de Tolose, Chap. 8. est du même sentiment ; voicy ses propres termes ; sur laquelle Controverse le même sieur Robert rapporte y avoir eu grande contestation, et icelle diversement traitée, et encore diversement jugée ; il rapporte l’Arrest de l’an 1561. et dit en suiti que le contraire a été jugé en l’année 1589. que le fils demanderoit sa legitime, ou que les creanciers seroient ubrogez à la demander, ce qui ne recevroit à la Cour de Tolose aucune difficulté, ni à Bordeaux qui l’a ainsi jugé depuis peu au profit des creanciers ; ainsi on peut dire que c’est la jurisprudence de tous les Parlemens. L’Article 278. de la Coûtume de Normandie, contient une disposition qui n’est pas éloignée de ce sujet, et qui est fondée sur les mêmes privileges, qu’avenant que le debiteur renonce ou ne veüille accepter la succession qui luy étoit échûè, ses creanciers se pourront faire subroger en son lieu et droit, pour l’accepter et être payez sur ladite succession jusques à la concurrence de leur dû, selon l’ordre de pribrité et de posteriorité ; et s’il reste aucune chose les dettes payées, Il reviendra aux autres heritiers plus prochains aprés celuy qui a renoncé La Cour observera, s’il luy plaist, que les défendeurs en traitant une question ont aussi traité lautre, parce que dans l’espèce de l’Arrest de Theligny, que tous nos Auteurs remarquent avoir été corrigé par celuy de l’an 1589. non seulement les creanciers demandoient la legi-ime pour le fils mais pour un fils mauvais ménager et reconnu tel dans : le, testament de sa mere, et dans l’espèce de l’Arrest de l’an 1589. il paroit qu’il n’étoit rien resté au fils, et qu’il n’avoit autre bien que celuy qui luy êtoit échû par le décez de sa mere, qu’elle avoit donné à ses petits enfans par son testament pour le mettre à couvert des creanciers de son fils.
Ces Arrests ont été suivis de plusieurs autres. Le feu sieur Portail avoit une fille, Jeanne Portail, dont les biens êtoient en desordre par son mauvais ménage, ce qui avoit été cause qu’au mois de Juin 1606. il avoit fait une donation entre vifs bien acceptée, bien insinuée, à ses petits enfans qui étoient issus de Jeanne Portail, de la part hereditaire qui pouvoit appartenir à leur mere en sa succession future. Les réanciers de la mére la contestoient. La cause sur l’appel d’un appointement en droit, avec clause sur l’évocation du principal, étant portée à l’Audience de la Grand-Chambre, Mr Servin dit, que pour les particularitez de la cause il y avoit lieu de se tenir à l’intention de l’Ordonnance, conserver le bien aux petits enfans, et le sauver du mauvais ménage du gendre et de la fille, sauf la legitme aux creanciers ; et par l’Arrest du 9 Mars 1809. la donation fut declarée boune et valable, et fut ordonné qu’elle sortiroit son plein et entier effet, distraction faite au profit des creanciers de la mère des mineurs, de la legitime qu’elle a droit de prendre sur les biens delaissez aux mineurs par défunt Portail, leur ayeul ; et cependant le mauvais’ménage de Jeanne Portail étoit, constant, la volonté de l’ayeul étoit expresse, et il s’agissoit d’une donation entre vifs bien acceptée, bien msinüée du vivant même de l’ayeul-
Il n’est pas inutile d’ajoûter un autre Arrest rendu en la Coûtume d’Anjou, d’autant plus qu’il y a des terres dans la succession de feu Monsieur le Prince de Guimené, et dans cella de Touraine qui est conforme. Feuë Renée Bovin, voyant que Jacques Pavart, son fils, dissipoit son bien, avoit donné par un codicille à ses petits enfans le droit successif, que Jacques pavart pouvoit prétendre en sa succession. Cette disposition avoit été contestée par les créanciers du fils, Arrest par lequel la disposition fut confirmée, réservant neanmoins la legitime aux creanciers en la part et portion de Jacques Pavart fils, en la succession de sa mere. La question fut depuis quelle seroit cette legitime, si on la regleroit suivant le droit écrit, à cause que la Coûtume d’Anjou ne la détermine pas, ou bien si la part dont la même Coût tume interdit la disposition, doit être reputée la véritable legitime des enfans ; ce qui ayant été jugé par la Sentence des premiers Juges, fut confirmé par l’Arrest du 10. Juin 1624. qui contient le fait et les moyens avec les conclusions de feu Messire Jacques Talon, Avocat General.
L’Arrest de l’an 1658. au profit des créanciers des nommez Cappons, ausquels on fit distraction. de la legitime qui appartenoit à leurs debiteurs dans les biens de leur mere, confirme encore cette ancienne et véritable maxime, d’autant plus que la clause du testament de la mere êtoit conçûë dans les termes les plus avantageux qu’on puisse concevoir pour frustrer des créanciers. tem ladite testatrice ( ce sont les termes ) a substitué et substitué par ledit testament, les parts et portions des fonds et proprietez des meubles et des immeubles generalement quelconques, que Matthien et Guillaume Cappons, ses enfans, et dudit défunt son mary, pourroient amender en sa Juccession, et venir en partage avec ses autres enfans, et ce aux enfans nés et à naître, et issut en legitime mariage desdits Matthieis et Guillaume Cappons, à la reserve neanmoins de l’usufruit desdits biens substituez leur vie durant, lequel usufruit elle veut et entend leur appartenir pour leur servir d’alimens, sans qu’il puisse être saisi ni arrété par leurs creanciers. Cette substitution ainsi faite ù cause des mauvais déportemens et desobeissance desdits Matthieu et Guillaume Cappons, et afin de leur conserver du bien pour vivre le reste de leurs jours. Il n’y eut jamais une clause plus expresse, et neanmoins la Cour par son Arrest de l’année 1658. pour ne se point départir de la regle, ordonna que la legitime seroit distraite au profit des creanciers.
On oppose d’autres Arrests, mais que la Cour observera avoir été rendus dans des especes où il n’y avoit point de cresnciers qui demandassent la distraction de la legitime, ou sur des circonstances particulieres qui faisoient fléchir la regle generale ; ce qu’on ne peut pas dire dans l’espece presente, dans laquelle les creanciers osent dire que toutes les circonstances sont entièrement à leur avantage ; l’on examina ces circonstances en détail.
Il est vray que les enfans n’ont rien dans le bien de leur pere vivant, qu’ils ne sont saisis de leur legitime qu’aprés la mort. ; mais aussi faut-il qu’on demeure d’accord qu’il y. a des cas dans lesquels, pour les délits et les contrats des enfans, on s’adresse aux biens des peres. Un fils de famille durant la vie de son pere et de sa mere commit quelque délict, il fut accusé, il fut convaincu, les Arrests de la Cour condamnerent le pere aux dommages et aux interests jusques à la concurrence de la legitime, qui peut appartenir un jour à ce même fils dans les biens du pere. Il y en a un Article exprés dans la Coûtume de Liege, Chap. 1. des gens mariex. Pour te délict du fils de famille, le pere peut être recherché jusques à la tierce part qui pourroit competer a l’enfant, si le lit eut été brisé au temps du delict. Il y a un pareil Article dans la Coûtume de Bretagne ; Pourquoy cela : c’est qu’on a appliqué au délict ce qui a été ordonné pour les contrats, les peres sont obligez quelquefois par les contrats de leurs enfans qui sont sous leur puissance, si les enfans ont contracté par l’ordre de leur pere, ce qui fait naître l’action, quod jussu, cet ordre est exprés ou tacite en la l. 1. ff. quod jussu si servi chirographo Dominus subiscripserit, tenetur quod jussu. Sed etsi mandaverit pater videtur jussisse ; Et en la l 18. ff. mandati. il est dit qui patitur, mandare intelligitur.
Monsieur le Chevalier de Rohan qui étoit aussi appelant de la Sentence du Prevost de Paris, et qui prétendoit faire casser la substitution, montroit qu’il y avoit deux inconveniens invincibles qui faisoient voir l’inofficiosité de ce testament. Le premier, que ledit sieur Prince de Guimené ayant substitué les meubles de ses terres et de ses châteaux, il arriveroit que le sieur Charles de Rohan en auroit seul l’usage, les châteaux luy appartenans par droit de préciput comme ainé. Ainsi le défendeur, à qui le quart des meubles de la communauté est inconte stablement dû, en seroit frustré par une voye indirecte et sans exemple. Le second, que la substitution des immeubles, quoy qu’elle semble plus tolerable, reduiroit le défendeur à n’avoir que des morceaux de terre en la succession, et des héritages sans batiment, puisque le testament laisse audit sieur Charles de Rohan le droit d’ainesse, et par consequent le préciput en toutes les terres ; ainsi le défendeur ne s’en pourroit aider, n’en pourroit payer ses créanciers, ni même en disposer en faveur de ses proches quand il le voudroit. Il se trouvera même en penetrant plus avant, que quelques-unes des terres de la succession dudit sieur Prince de gnimené n’ont pû être valablement substituées, les substitutions n’ayant pas lieu dans toutes les Coûtumes, et particulierement dans la Province de Normandie.
Pour ce qui est de la legitime elle a pû encore moins être substituée, c’est la nature qui la donnes mais comme Madame la Princesse de Guimené est sourde à sa voix, et qu’elle soûtient lexhere. dation du défendeur son fils, par trois moyens, il y répond par ordre. Elle dit en premier lieu, que les fruits de la portion hereditaire tiennent lieu de legitime aux enfans chargez d’un fideicommis universel. Elle dit en second lieu, que la Charge de grand Veneur de France dont le Chevalier de Rohan a été pourvû par le Roy sur la démission de son pere, luy tient lieu de legitime. Ensin elle soûtient qu’il est un dissipateur, aussi-bien que Messire Charles de Rohan son frère.
Ca première de ces trois propositions a été suffisamment refutée par les creanciers de Monsieur le Duc de Monbason, et il seroit inutile de repeter icy toutes les raisons et les autoritez, tant du droit écrit que du droit cotumier, et des Arrests de la Cour, par lesquelles ils ont fait voit que les fruits de la portion hereditaire ne pouvoient point tenir lieu de legitime ; que si lon rapporte quelques Arrests au contraire, ils ont tous été rendus dans lespece d’un fils dissipateur, cui nisi pater testamento cavisset, Prator bonis interdicturus esset Il faut donc examiner le second moyen de Madame la Princesse de Guimené, elle soûtient’que Messire le Chevalier de Rohan avoit eu sa legitime, ayant été pourvû de la Charge de grand Veneur de France sur la démission de son père ; c’est une jurisprudence qui ne reçoit à present point de difficulté au Palais, que les Charges de la Maison du Roy ne sont point sujettes à rapport. Madame de Guimené ne conteste point cette maxime, mais elle soûtient qu’il faut faire différence entre le rapport et la legirime, et qu’encore que les Charges de la Maison du Roy ne soient point sujettes au rapport, elles sont neanmoins sujettes à limputation de la legitime.
On demeure d’accord qu’il y a beaucoup de différence entre le rapport et la legitime, mais cette différence, bien loin de luy être contraire, luy est extrémement favorable ; en effet le rapport sest pour établir l’égalité entre les enfans qui viennent à la succession de leur pere, et cette égalité étant fondée sur le droit naturel, elle doit être recûë favorablement et étenduë à toutes les choses dont ils peuvent tirer quelque avantage : d’où vient que quand les enfans ont reçû quelque chose de la liberalité de leur pere, durant sa vie, ils le doivent rapporter sans aucune distinctiont. et il suffit que le pere ait quitté un droit qu’il avoit, et qu’il ait transmis ce droit en la personne de son fils, pour obliger ce fils à le rapporter à sa succession. L’imputation de la legitime n’est pas si favorable, parce qu’il ne s’agit plus de conserver l’égalité entre des enfans, celuy qui demande sa legitime est toûjours écouté favorablement, et quand on veut luy objecter quelque s imputations, il faut montrer clairement que la chose qu’on veut imputer a été dans les biens du pere en pleine proprieté, et que le pere en a fait passer la proprieté en la personne de son fils librement, sans aucune charge et sans aucune condition, nostrum juvamen purum filiis inferriDe sorte que si Madame la Princesse de Guimené disoit aujourd’huy qu’on ne peut pas argu-nenter de la legitime au rapport, elle auroit peut-être quelque raison, elle pourroit se servir de la difference qui vient d’être établie ; mais elle ne peut pas inferer de-là à contrario sersu, qu’on ne puisse argumenter du rapport à la legitime, et il n’y a personne qui soit mediocrement instruit des principes, qui ne demeure d’accord que tout ce qui n’est point sujet à rapport ne doit point être imputé à la legitime.
Loyseau Aussi Me CharlesLoyseau , au Traité qu’il a fait des Offices, l. 4. c. 6. n. 36. tient que les offices non venaux, dont le fils a été pourvû par la démission de son pere, sont sujets à rapport, quoy que les mêmes Offices ayent été supprimez sur la teste du fils avant la mort du perei mais il ajoûte que ces mêmes Offices ne sont point imputables à la legitime, quand même ce seroient des Offices venaux qui auroient été perdus par le fils par quelque cas fortuit ; par exemple s’il étoit mott sans payer le Droit annuel, on ne pourroit pas imputer l’Office sur la legitime demandée par les petits enfans sur les biens de l’ayeul, parce que la legitime doit être remplie en corps hereditaire lors de la fuccession du pere, repletionem autem fieri ex ipsâ substantiâ parris : Pr est-il que dans les Offices, sur tout dans ceux qui ne sont point reçûs au Droit annuel, on ne présume point qu’ils demenrent dans la succession du pere aprés sa mort, on les rogarde comme des emplois que le pere procure à ses enfans quand il leur donne sa démission, et qu’il obtient pour eux l’agrément du Prince, on suppose que cette démission favorable du pere au fils est plûtost admife que celle qui seroit faite par le moyen d’une vente à un étranger.
Il faut passer plus avant ; on a fait voir que la legitime doit être quelque chose de solide en la ersonne du fils, et qu’elle ne peut être chargée d’aucune condition ni d’aucun delay. On a fait voir que le pere ne peut pas empescher son fils d’en disposer librement ; cependant si les Charges de la Maison du Roy pouvoient être imputées sur la legitime, ce seroit donner à un pere le moyen d’éluder la loy et d’ôter à fon fils la libre disposition de sa legitime. On sçait que le commerce de ces Charges n’est point libre, qu’il dépend de la pure liberalité du Prince, ui agrée à la vérité quelquefois les ventes qui en sont faites, mais qui les refuse aussi souvent Enfin la legitime doit être assurée au fils, en telle forte qu’il en puisse disposer aprés sa mort, et ces Charges sont perduës par le décez de celuy qui en est pourvû, de forte que l’on les peut comparer à un fimple usufruit qui consume et qui use la legitime par la joüissance qu’on en fait.
C’est pourquoy la l. omnimodo. 3. imputari. C. de inoff. testam. parlant des Milices des derniers Romains, qui étoient la même chose que nos Charges d’aujourd’huy, dit qu’elles ne sont récomptées sur la legitime, et qu’elles ne sont sujettes à rapport que pour le prix pour lequel elles peuvent être venduës dans un commerce libre, et lorsqu’il n’est pas en la liberté de celuy qui en est pourvû de les vendre, ou de ne les pas vendre, elles ne sont plus considérées comme une liberalité du pere, mais comme une grace et un bien-fait du Prince Il ne reste plus qu’à répondre au moyen de dissipation qui est allégué par Madame la Princesse de Guimené, laquelle elle prétend prouver par le nombre des creanciers de Monsieur e Chevalier de Rohan, et par la vente de sa Charge : a l’égard des creanciers le nombre n’en est pas excessif, et quand il seroit encore plus grand qu’il n’est, il ne faut pas tant considerer la quantité que la qualiré des dettes du sieur défendeur : Il est d’une illustre naissance, il a été élevé à la Cour dés sa plus tendre enfance, il a étéepourvû d’une Charge fort éclatante, de peu de revenu et de beaucoup de dépense, et il peut dire avec vérité que Monsieur son pere, ur rout dans les demiers temps, ne luy a pas toûjours donné le secours entier, que requeroient et sa naissance et ses emplois. Et quand Madame sa mère a été maîtresse de tout le bien aprés a mort de Monsieur le Prince de Guimené, il s’en faut bien qu’elle luy ait donné les mêmes issistances dans un temps où elles luy étoient beaucoup plus necessaires. Il ne faut donc pas s’étonner si pour se maintenir dans le rang que son pere et sa Charge luy donnoient, il a été obligé d’emprunter des sommes assez considérables, et il seroit blâmable si dans un temps oû étoutes les personnes de qualité à la Cour engageoient leurs biens pour avoir le moyen de servir leur Roy et leur Patrie, il avoit été le seul qui auroit abandonné l’interest de son honneur pour suivre les mouvemens d’uné avarice sordide. Ce n’est pas aussi de ces sortes de dépense que Madame de Guimené se plaint ; et comme elle n’ose pas les blamer elle luy en impute d’autres, elle l’accuse d’avoir de l’emportement dans le jeu, mais de cela il n’y en a aucune preuve : Monsieur le Chevalier de Rohan est un jeune Seigneur, que sa profession oblige à joüer quelquefois, mais il le fait avec moderation, et l’on peut dire avec vérité que le jeu est plûtost en luy un divertissement honnête qu’une passion blamable
a l’égard de sa Charge s’il en avoit dissipé les deniers, encore ne seroit-il pas obligé d’en rendre compte à sa famille, puisqu’il ne la tenoit que de : la seule liberalité du Roy.
Mais les creanciers demeureront d’accord que des deniers qui en sont provenus il les a satisfaits en partie, et ils ne peuvent trouver étrange que ne tirant depuis deux ans aucun secours de sa maison, il se soit reservé dans l’incertitude de ses affaires, et la longueur d’un partage, ce qui luy en reste pour sa subsistance, à quoy même à beaucoup prés cela ne suffit pas pour un homme de sa naissance ; ce n’est donc point là une dissipation, puisqu’on fait un employ utile du prix de cette Charge
Il finit son discours par deux considerations : La premiere, que Monsieur le Prince de Guimené, son pere, ne l’a jamais regardé comme un dissipateur, car s’il l’eut crû tel il ne l’auroit point plus épargné que son fils ainé, contre lequel il a fait prononcer une interdiction publique : La seconde consideration, est que Monsieur le Chevalier de Rohan consent que le reste de ses créanciers soit payé sur la proprieté de sa legitime ; ce n’est point là le langage d’un dissipateur.
a tous ces moyens Madame la Princesse de Guimené, en la qualité de curatrice du Duc de Monbason fon fils ainé, et executrice du testament du sieur de Guimené son mary, répondoit par ordre ; et pour ce qui regardoit le premier moyen allégué par les creanciers de Monsieur le Duc de Monbason, elle disoit pour réponse que le Prince de Guimené a voulu substituer à a legitime de Monsieur le Duc de Monbason, et qu’en effet les termes du testament justifient assez qu’il l’a fait.
a l’égard de la volonté le Prince de Guimené n’avoit-il pas sujet de le vouloir, attendu la dissipation de biens que son fils ainé faisoit, les dettes qu’il avoit contractées, les excez contre la personne de la Dame sa femme, qui luy ont fait obtenir l’Arrest de separation, du 20 de Septembre 1658. et des excez de rage contre plusieurs personnes, entr’autres contre le nommé Pion, qui en a pensé mourir pour ses blessures ; et ayant été interdit du vivant du sieur Prince de Guimené, ce pere ne devoit-il pas songer à la conservation de son bien par des substitutions ; laissant un ample revenu à cet ainé : Et prévoyant même beaucoup de choses qui sont arrivées de son vivant, l’engagement de plus de 36000o livres, les lettres de cachet, l’uneu pere, l’autre au fils, pour faire retirer le Duc de Monbason dans une de ses maisons de camagne, jusqu’à un nouvel ordre ; La rettaite qu’il a faite depuis dans la Flandre, où il a porté Echarpe Rouge ; L’ordre du Roy de demeurer au Liege jusqu’à nouvel ordre, où la Dame Princesse de Guimené luy faisoit toucher six mille livres par chacun an. Tout cela suivi depuis la mort du pere de deux autres ordres du Roy, l’un du 1s de Mars 1667. pour conduire le Duc de Monbason à la Bastille ; l’autre du premier d’Avril 1667. pour de la Bastille le transverer au Château de Couzieres en Touraine.
a l’égard de la trebellianique, que le Prince de Guimené l’ait exprimée dans son testament, c’est à dire qu’il ait défendu la distraction de la legitime, cela est assez facile à justifier. Quand les loix qui ont été rapportées disent qu’à l’égard des étrangers instituez heritiers ou fideicommiffaires, il a été un long-temps que le testateur ne pouvoit pas leur ôter la legitime, ou la trebellianique, on ne doit pas s’en étonner, car si elle leur êtoit ôtée indirectement par un épuisement entier de la succession, cela n’étoit pas fouffert, dautant que le testateur n’étoit pas crû avoir voulu l’épuiser ; et ne rien laisser à une personne laquelle il avoit choisie par preference à tous autres pour être son heritier, et luy donner un nom si honorable ; c’est pourquoy lors il retenoit une falcidie ou trebellianique, et même cela se faisoit pour l’avangage du testateur, car sans cette condition l’institué ne se porteroit pas heritier testamentaires et comme le testament, et par consequent les legs qui en faisoient une partie ne pouvoit subsister sans qu’il y eut une institution d’heritier, le défunt avoit un notable interest que quel-qu’un se portât heritier. C’est pourquoy les Jurisconsultes voulant exprimer à la lettre la vosonté du défunt qui comprenoit deux choses dans ces testamens ; la premiere que la personne lemeurât heritière, et la seconde que toute la succession passât par des legs entre les mains des legataires particuliers, sans que l’heritier institué en retint tien du tout : Ils avoient trouvé cet expedient que l’heritier institué qui n’avoit rien, avoit recours contre les legataires pour les parts et portions qu’ils avoient amendé de cette succession par leur legs, ce qui fut depuis transformé en la falcidie ou la trebellianique, que les heritiers ou fideicommissaires testamenfaires retenoient, et en consequence soûtenoient toutes les actions de la successiont Mais les creanciers disent, qu’il est vray que dans l’ancien droit, à l’égard même des étrangers, ils avoient une falcidie ou legitime que le testateur ne pouvoit point ôter, et qu’il a fallu une nouvelle loy pour leur donner la faculté de prohiber la falcidie, qui n’étoit qu’une image imparfaite de la legitime des enfans, et puisqu’il n’est point présumé que le testateur l’ait voulu ôter à son heritier testamentaire ou fideicommissaire, qu’il ne le défende expressément, autrement elle est toûjours dûe ; que ne doit-on pas dire en faveur des enfans, afin que la legitime leur demeure, si le testateur ne l’a pas dit en termes précis, dans les cas ausquels la loy luy permet de la leur ôter par la voye de la substitution Pour répondre à ce raisonnement, il ne s’agit pas dans le procez d’ôter la legitime au Duc de Monbason, mais seulement si au lieu de la legitime en corps on a pû le faire contenter d’un usufruit, double de celuy de sa legitime, et même en faveur de ses enfans, qui étoient d’autres luy-même, et à qui on donne la proprieté de la totalité de la part hereditaire, dans la succession du Prince de Guimené, dont il ne pourroit, ni ses petits enfans, prétendre plus que la moitié.
Aussi dans les espèces des loix rapportées, et du raisonnement que l’on a fait suivre, il s’agissoit d’ôter entièrement la legitime et la trebellianique, et ne rien donner à la place, non pas même une joüissance, et c’est en ce cas-là que la loy veut que la prohibition de défalquer a falcidie ou la trebellianique soit expresse et claire : Cette même pensée a été assez bien suivie dans nôtre Droit François à légard des enfans, quand il est question de leur ôter toute une succession, et ne leur laisser qu’une legitime en fonds ou joüissance qui est le cas de l’exheredation. Pour les loix, elles ne veulent pas que le testateur dise, je desherite un tel mon renfant ; ce seroit assez pour un étranger, qui n’est d’ordinaire attaché au testateur que par les siens de l’amitié ; mais un fils tient au pere par les noeuds de la nature, c’est pourquoy il ne peut être deshérité, s’il n’y a une cause d’exheredation expresse dans le testament du pere, et cette cause ne dépend point de la volonté du testateur, mais elle doit être une de celles que la loy a comptées et marquées : la raison est que la nature ayant mis dans le coeur du pere et des enfans cette liaison d’amitié, il n’y a aussi que la nature qui puisse juger si ces siens sont rompus, et aussi-tost qu’ils ne subsistent plus, toutes les suites ne sont plus pareilles : les loix ont là-dessus fait parler la nature, et ont dit que quand un fils a voulu exceder. on pere avec outrage, il faut qu’il ne l’ait plus reconnn comme étant son perte, aussi que s’étant attiré ce malheur, le pere n’est plus obligé de le reconnoître pour son fils ; il ne luy est plus que comme un étranger, auquel il n’est obligé de rien donner pour sobsister, non pas même une legitime ; mais ne s’agissant point dans le procez d’une exheredation, ni d’ôten tout au Duc de Monbason, les loix ioy rapportées ne font rien contre la Dame de Guimené.
Et décendant dans le particulier de l’affaire, il y en a plus qu’il n’en faut dans ce testament pour voir : et juger clairement de la substitution formelle faite au Duc de, Monbason même dans sa logitime, et que pour icelle il ne luy a été donné par le Prince de Guimené son pere que la poüissance de la portion entière qu’il avoit ab intestat ; mais pour en mieux entendre la réponse et déveloper ce qui a été dit par les créanciers du sieur Duc de Monbason qui pourroit faire quelque difficulté : Il est certain qu’une personne peut avoir l’usufruit et la joüissance de deux manières ; l’une sans espèrance d’avoir jamais la proprieté, et c’est par exemple quand en testateur legue à l’un de ses legataires la proprieté, et à l’autre l’usufruit d’un fonds : Il est certain qu’étant deux legs distincts et separez, jamais le legataire de l’usufruit de ce fonds n’en aura la proprieté en vertu de ce testament, nt par droit d’accroissement, car il n’y a aucune communication entr’eux deux par la voye du testament. Mais il y a un autre usufruit lequel envelope avec soy l’esperance de pouvoir avoir et ne pas avoir la proprieté du fonds, ou pour mieux dire que l’usufruit et la proprieté luy appartiendront, avec cette difference que l’usufruit luy appartient incommutablement ; mais à l’égard de la proprieté, c’est avec quelque apprchension de pouvoir être ôtée. La substitution est cette derniere sorte d’usufruitOr dans le procez, il est vray qu’au Duc de Monbason il n’appartient pas un simple usufruit détaché de l’esperance du fonds ; mais aussi si le testament luy donne cette espèce de substiution, il ne faut pas la pousser plus avant que de la maniere qu’elle est conçûë ; oomme aussp la disposition de Monsieur le Prince de Guimené, il ne la faut pas mettre au dessous d’une substitution pour la reduire à un simple usufruit. C’est donc une disposition mélée de l’esperance d’une proprieté et d’un usufruit dés à present. Et pour voit son intention dans l’une et autre de ces choses, elle ne se peut pas mieux découvrir que par ce qui est mis dans son estament. Le Prince de Guimené veut que ses deux enfans partagent sa luccession suivant les Coûtumes des lieux, cela regarde. la proprieté, cela aussi à conservé le droit d’ainesse, lequel ne se reconnoit plus quand on vient aux successions par les voyes de testament. C’est donc premierement la proprieté ; secondement la quotité : voila deux enfans, le Duc de Monbason et le sieur de Rohan son frere, qui ne se peuvent plaindre de cette première clause qui regarde la proprieté ; et parce que le Prince de Guimené sçavoit que les familles ne subsistent que par les biens, et non par les seules personnes, il a crû que s’il laissoit la libre disposition de ses siens à ses deux enfans il les dissiperoient, c’est pourquoy il a fait la disposition suivante par des substitutions qui de prime abord paroissoient peut-être extraordinaires, mais qui en effet ne suivent que le cours ordinaire des substitutions, et lordre qui devoit arriver si lun et lautre de ces deux enfans êtoit bon ménager, qui est que la proprieté passe de proche en proche, du fils ainé à ses enfans, et du fils cadet à ses enfans ; et si lun et fautre de ces deux enfans n’en ont point, la part de ce prédecedé passe à son autre frere, pour de luy avec ses autres biens asser à ses enfans ; que si cet autre frèré êtoit mort laissant des enfans, et que ce second fils vienne à mourir sans enfans, le bien de ce second fils passera aux enfans du Duc de Monbason. Voila une prévoyance digne de lesprit du Prince de Guimené dans sa famille entre ses enfans et petits enfans ; il ne passe pas cette substitution à ses collateraux.
a légard de l’usufruit il le laisse plein, non seulement de la legitime, mais de la part entière dans la succession du Prince de Guimené ; et afin que l’on ne croye pas que ces fût un imple usufruit, légué à chacun de ses deux enfans, il a parlé de partager sa succession suivant les Coûtumes. Et aussi afin qu’on connûit qu’il substitué dans le fonds de la legirime, sans faire njure à ses enfans, sçachant bien que son testament pourroit un jour paroître à la face de la ustice, si ces deux enfans par un sage conseil n’acquiesçoient à sa volonté. Il fait assez connoître en termes honnêtes, et en même temps assez signifians, les raisons de cette substitu-tion ; les voicy, afin que l’on ne crût pas que la substitution ne fût que pour la part qui excede la legitime, il n’a pas manqué de dire qu’ils seroient obligez de se contenter pour tout droit dans la succession de l’usufruit entier de leur part, cela veut assez dire sans distraction de la legitime. Car de sçavoir si le Prince de Guimené a pû faire cette substitution de la legitime, s’est ce qui n’est pas de l’étenduë de cette premiere question, mais qui va être traitée dans la seconde, et c’est pourquoy il faut passer icy dans la réponse tout ce qui a été rapporté dans la premiere par les creanciers du Duc de Monbason, sçavoir si le Prince de Guimené a pû substituer le fonds de la legitime
Jusqu’icy Madame la Princesse de Guimené a fait voir, en répondant au premier moyen des créanciers, que Monsieur son mary a voulu substituer, et qu’il a effectivement substitué à la legitime de ses enfans ; elle va presentement établir qu’il y a pû fubstituer, ce qui est le second moyen que les créanciers ont contesté. Et pour cet effet elle dit qu’en remontant plus haut que la l. Papinianus 8. 5. unde siquis. ff. de inoff. testam. l’on n’étoit pas cbligé de rien laisser à des enfans, puisque non seulement on les pouvoit vendre, mais l’on avoit sur eux potestatem vite et necis ; à plus forte raison sur les biens qu’ils avoient acquis, donc sans diffigulté de ceux que le pere avoit de leur vivant, et ausquels ses enfans ne pouvoient rien pré-tendre qu’aprés sa mort. Depuis et beaucoup de temps aprés, les legitimes ne se prenoient que sur les biens delaissez aprés la mort de celuy de cujus hereditate agebatur. De sorte que sur les biens donnez entre vifs et substituez, ils n’y pouvoient rien prétendre, et quoy que depuis on leur ait donné le choix à prendre leur legitime à proportion ou des biens donnez sentre vifs, ou de ceux laissez aprés la mort, néanmoins c’étoit toûjours souffrir une grande diminution dans leur legitime. Enfin il est arrivé que l’on leur a donné la legitime à prendre sur les biens delaissez lors du decez, ce que la Coûtume de Paris, Art. 298. explique fort bien, en disant que la legitime est la moitié de telle part et portion que chacun enfant eût eu en la succession de sesdits pere et mere, ayeul ou ayeule, ou autres ascendans, si lesdits pere ou mere ou autres ascendans n’eussent disposé par donations entre vifs ou der niere volonté.
Mais enfin si la legitime est du droit naturel, il est pourtant vray de dire que la quotité est du droit civil, et en effet elle a changé autrefois étant du quart de ce que chaque heritier auroit ab intestat. Novella de triente & semisse. Et dans toutes les Coûtumes de France elle n’est presque égale en aucun lieu. Pourquoy donc ne sera-t’il point permis à un pere, qui sçait mieux l’interest de sa famille, et à qui les biens appartiennent, d’en disposer comme il le trouvera plus à propos, principalement si la disposition va à l’avantage de la famille, et qu’il n’y ait qu’une personne qui en souffre quelque peu, les enfans en recevant du profit beau eoup au de-là de ce que le pere prétend avoir souffert ; Il n’y a que l’incertitude du temps. qui justifiera si par la disposition du pere, le Duc de Monbason a reçû plus ou moins d’avanage que si le pere luy avoit laissé la proprieté de sa legitime seulement ; et par le cours de la nature il en recevra beaucoup à cause qu’il est jeune, que tout le profit revient à ses enfans, et qu’il peut vivre long-temps. Il est vray que les Empereurs ont changé cette disposition de ce grand hommePapinien , qui avoit voulu que les joüissances pûssent remplir la legitime mais quelques changemens que l’on ait voulu dire qui ayent été faits, ce n’a été que par des gradations on differens temps, et sous divers Empereurs. Mais ses loix n’expliquent pas tout à fait, si l’on avoit des joüissances si grosses qu’en peu de temps on pût remplir la legitime Or quand il seroit vray que l’on ne pourroit charger la legitime ni de fideicommis, ni de condition, ni de demeure, cette regle n’est pas si universelle qu’il n’y ait plusieurs exceptions, dans l’une desquelles se trouvera sans doute être le procez ; et d’autant plus si nous considetons l’usage du Droit François, et les motifs et les raisons du Droit Romain. Si dans le Droit Romain le pere étoit mort laissant un enfant mauvais ménager qui eut un fils, il est certair que la l. Papinianus S. 3. unde siquis. ff. de inoff. testam. a encore lieu, et que la legitime pourroir luy être donnée en joüissance. Dans le Droit François les petits enfans sont mis à la place du pere ; donc n’ayant ni plus ni moins de droit que leur pere, s’ils ne peuvent demander leur legitime en fonds, n’y a-t’il pas sujet de croire qu’il peut y avoir des considerations puissantes, dans lesquelles le pere vivant se dévra contenter d’une joüissance ; et quelle peut être cette consideration si puissante, sinon celle qui fera l’avantage du fils, et du petit fils, obligeant l’ayeul de ne rien ôter de cette part de la succession qu’il pourra affoiblir de moitié layeul désirant seulement en donner une partie au petit fils, et l’autre au fils ; Qui doute que de pere ne puisse faire une substitution pupillaire à son fils impubere, et dans cette disposition a legitime de ce pupille y est contenuë dans le bien du pere, puisqu’elle enveloppe tous les piens qui appartiennent d’ailleurs à ce mineur s Et cela a semblé si juste et si raisonnable, que sur le modelle de cette substitution pupillaire l’on en a permis aussi une autre par un pere à son fils lorsqu’il étoit furieux. L’on ne doute pas aussi que dans la substitution du pere la legitime qui appartiendroit à ce fils dans les biens du pere n’y fût aussi comprise. Sil est vray de dire que tant que le pupille par son âge, et le furieux par la disposition de son esprit, ne peuvent faire testament, ou disposer de leur bien pendant leur vie, la disposition que fait le pere de leur bien est bonne. Pourquoy ne dita-t’on pas la même chose d’un prodigue que les loix comparent mente capto, puisqu’il n’est non plus capable de disposer de son bien qu’un furieux véritable
L’on ne doute pas dans le procez que le Duc de Monbason n’ait été interdit par plusieurs Arrests cu-dessus rapportez, et que les dettes qu’il a contractées ne soient depuis ladite interdiction ; donc le pere a eu pouvoir de faire une substitution dans la legitime de son bien qui pouvoit avenir à son fils prodigue ; il reste à examiner s’il l’a faite de la maniere que la loy le luy permet, c’est à dire s’il a substitué à ce fils prodigue les personnes que la loy permet de substituer aux pupilles, et aux furieux. Aux pupilles intra pubertatis annum, l’on ne substituë pas les enfans du pupille, car il n’en a point, mais le pere est obligé de luy substituer le plus proche, ou pour mieux dire, elle luy permet d’entre les plus proches d’en choisir un ou deux à sa volonté, ou tous, parce que par là il fuit la loy de nature en ne sortant point hors de sa fanille, mais marquant le plus proche, quoy qu’entr’eux il en puisse faire choix à l’exclusion des autres. Mais à légard du furieux s’il laisse des enfans sages, pour lors le pere entre ses enfans peut choisir qui bon luy semble ; mais si les enfans du furieux n’étoient pas sages, alors il seroit obligé de prendre les collateraux les plus proches, mais entr’eux il auroit le choix.
Cela étant ainsi établi du furieux, et par consequent du prodigue, le Prince de Guimené a fait ce que la loy luy a permis. Quant au Duc de Monbason prodigue, il a substitué ses enfans qui étoient sages ; mais il a moins fait que ne luy permettoit la loy, car elle luy permettoit entre les petits enfans d’avoir une prédilection, et choisir lun ou lautre, c’est ce qu’il n’a pas fait ; mais il a pris le chemin que la nature luy traçoit, de laisser à l’ainé de ces petits effans ous les droits d’ainesse. La raison est égale dans la substitution exemplaire, et dans celle d’un rodigue, qui est qu’il ne peut manier son bien, il ne luy en faut donc point laisser l’admini. stration ; il a besoin de vivre, il ne luy faut donc donner que des pensions, ou la joüissance de son bien dont un émancipé est capable, en quoy il est traité plus favorablement que le furieux. Aussi est-il dit, quasi non sanae mentis
Si l’on oppofe que le droit d’ainesse ajoûte encore au de-là de la legitime naturelle en faveur de l’ainé, et que cet accroissement qui sert de préciput est beaucoup plus favorable que l’autre, et cela à l’égard tant du pere que des creanciers : à l’égard des créanciers, parce qu’ils ne peuvent attaquer l’ainé, soit pour sa legitime, soit pour le droit d’ainesse personnellement, que pour telle part et portion qu’il est heritier : et à l’égard du pere dans ses autres biens troturiers et meubles, il reduit la part de son fils à la moitié pour sa legitime, et dans ce fief tout ce qui vient à l’ainé luy est legitime, et ainsi il est dû sans que le pere en puisse aucunement disposer. Réponse : Premierement toute la force que l’on peut donner à ces biens qui sont rendus legitime, c’est qu’on les traite comme legitime ; donc tout ce que l’on peut nire de la legitime d’un enfant dans les biens du pere, l’on le peut faire dans cette même portion de legitime de l’ainé, et ce dautant plûtost que s’il y avoit concurrence de la legitime de l’ainé avec la legitime naturelle des cadets ils viendroient à contribution ensemble ; mais s’il y avoit une contestation de cette seconde legitime de l’ainé, avec la legitime des caders, celle des cadets n’en souffriroit pas, mais elle luy seroit prefèrée ; cela est décidé par l’Art. 17. de la Coûtume de Paris. De dire par les creanciers qu’il a été permis par l’Arrest du y de Seprembre 1663. au Duc de Monbason de pouvoir vendre jusqu’à la concurrence de 10000o li-vres de ses effets, voicy les termes. Ne pourra neanmoins ledit Duc, suivant son consentement, vendre, aliener, ni engager aucun desdits biens immeubles échùs et à échoir, tant par succession lirecte, collaterale, ou donations, que jusqu’à la somme de iocopo livres, dont il pourra disposer ainsi que bon luy semblera. Ainsi sur les biens de la succession du Prince de Guimené, que l’on leur permette de vendre, si ce n’est des immeubles, au moins du meuble, car il y en a dans cette succession pour plus d’un million, et que si 1ooooo livres ne les payent pas entierement, il se refoudront d’attendre le revenu par chacun an des biens substituez, et l’on ne peut pas dire qu’ils soient en mauvaise foy ayant un tel Arrest pour caution, ni que par cet Arrest l’on ait nt endu seulement les biens en decret, qui avoient êté donnez en mariage audit Duc de Monbason pour plusieurs raisons. La premiere, que les termes de l’Arrest portent, biens échùs et à échoir, tant par successions directes que par collaterales. Secondement, et quelle liberté auroit-ce été, d’entendre seulement sur les biens qui n’étoient point capables de porter cette charge Car pour les biens presens, le Duc de Monbason avoit pour lors 18ooo livres de revenu’en fonds de terre et de rente, dont l’on avoit du consentement de toute la famille vendu une terre de S3ooo livres, et une rente de 3rçoo livres pour payer les dettes, ainsi pour lors il ne restoit au Duc de Monbason de son chef que Sobo livres de rente de son bien, sur quoy la Dame sa femme avoit roooo livres de doüaire, et une somme considérable de principal à reprendre, qui êtoit au-de-là de la valeur de son bien : Il faut donc qu’on ait entendu du bien qui écherroit par successions directes ou collaterales ; aussi cet Arrest porte notamment ces mots.
Mais sur quel fondement les créanciers pouvoient-ils avoir le front de dire, qu’ils ont contracté de bonne foy en vertu de cet Arrest, dans l’espèrance que les biens de Monsieur le Prince de Guimené seroient affectez au payement de leurs dettes, jusques à la concurrence desdits toonoo livres ; Certainement il ne s’est jamais rien vû de si ridicule ni de si impertinent, sauf la correction de la Cour. Ces creanciers n’ont pas vû ni trouvé que Monsieur le Prince de Guimené eût donné aucun consentement à cet Arrest ; au contraire ils ont vù et connûs ou dû voir et connoître, qu’avec toute justice et équité il avoit dit et proposé toutes les raisons, et fait tous les efforts possibles pour l’empescher, et que n’ayant pas trouvé dans la Justice tout le secours qu’il attendoit pour empescher que son fils n’achevàt de se ruiner, il auroit employé tout ce que la nature, les loix et les plus souverains et plus assurez remedes luy pouvoient permettre, pour conserver à fes enfans et petits enfans le bien dans la maison ; et quelle raison len auroit pû empescher dans une occasion aussi pressante et aussi necessaire ? Les creanciers oseroient-ils dire que la Cour en levant l’interdiction du fils, elle a interdit le pere et l’a mis en la place du fils, car il faudroit passer jusqu’à cette absurdité pour soûtenir la proposition desdits créanciers : La contestation, sur laquelle ledit Arrest du 7 de Septembre a été rendu, n’a point été sur le point de sçavoir si ledit sieur Duc de Monbason pourroit engager les biens de son pere vivant, mais seulement pour sçavoir si rinterdiction dudit sieur Duc tiendroit, ou si elle seroit levée s Or supposons que la Cour ait entendu accorder audit sieur Duc toutes ses conclusions, qui ne tendoient qu’à faire lever son interdiction purement et fimplement, il est sans doute que la faculté qui luy auroit été donnée n’auroit pû être autre que d’avoir la liberté de manger et dissiper le reste de son bien, et non pas celuy de son pere vivant, qui pouvoit ne luy pas arriver ; autrement il faudroit dire que la levée de cet interdiction avoit été plus avantageuse audit sieur Duc, que s’il n’avoit pas été interdit. Car posons le cas qu’il n’ait jamais été interdit, ses creanciers ne pourroient pas prétendre que les biens de feu Monsieur le Prince de Guimené seroient affectez au payement de leurs dettes jusques à la concurrence desdits rooooo livres.
Et si le raisonnement des créanciers avoit quelque fondement pour lesdits rooooo livres, Il faudroit passer outre ; car comme leur Avocat remarqua en l’Audience que par ledit Arrest du 7 de Septembre 1663. l’interdiction n’étoit demeurée que sur les immeubles excedans les Io000o0 livres, et qu’elle avoir été entierement levée pour tous les meubles et effets mobiliers, I faudroit sur ce même raisonnement conclure que tous les meubles, et effets mobiliers de la succession de Monsieur le Prince de Guimené, auroient lors dudit Arrest été affectez à tous les creanciers dudit sieur Duc de Monbason son fils, ce qui n’a fondement ni apparence quelconques et tant s’en faut que l’intention de la Cour ait été d’affecter les biens futurs des successions directes, collaterales, ou donations qui pouvoient arriver audit sieur Duc, au payement desdits roo0oo livres qu’au contraire elle a entendu en laissant cette liberté audit sieur Duc luy dier les mains, de telle sorte que cette faculté étant une fois épuisée et consommée sur le bien resent qu’il possedoit alors, il ne peut pas prétendre, lorsqu’il luy arriveroit quelque succession ou quelque donation, pouvoir avoir éncore une nouvelle faculté d’en aliener les biens Voila de quelle manière la Cour l’a entendu, autrement il faudroit passer à une autre absurdité aussi grande que la premiere, et conclure que lors dudit Arrest du 7 de Septembre tous les meubles et effets mobiliers indéfiniment appartenans audit Messire Loüis de Rohan, grand Veneur de France, frere puisné dudit Duc, et ceux de ses autres parens ausquels ledit sieur Duc de Monbason auroit eu espèrance de succeder en ligne collaterale, auroient appartenu aux créanciers dudit sieur Duc, comme aussi les immeubles desdites successions jusqu’à la concurrence de 10000 livres.
Quand il arrive une succession à un heritier, il la recueille avec les charges et les conditions. qu’elle luy est dévoluë et déferée, et non autrement, et les créanciers de cet heritier ne peuvent pas prétendre plus de droit que luy, au contraire il y a bien des cas dans lesquels les creanciers n’ont pas tant de droit que leur debiteur. Si ledit Duc êtoit mort avant Monsieur le Prince de Guimené son père, ses créanciers demeureroient bien d’accord qu’ils n’auroient pas droit de venir sur les biens de Monsieur le Prince de Gulmené son pere, ni demander lesdits rooooo livres, et par consequent il ne faut pas qu’ils disent qu’ils ont traité de bonne foy sur cette assurance. Il est certain que ceux qui prétent leur argent doivent être certains de la condition. de celuy à qui ils le prétent, s’il est fils de famille, s’il est majeur ; ils doivent s’informer de ses facultez, s’il est riche, s’il est engagé : Donc les creanciers dudit sieur Duc de Monbason, lesquels avoient connoissance de ses déportemens, ne peuvent pas se justifier ni dire qu’ils sont en bonne foy, puisqu’ils sçavoient bien qu’ils prétoientà un homme qui devoit joüer, qui devoit perdre tout ce qu’ils luy prétoient ; et quoy que cette réponse suffise, lon peut encore ajoûter premierement qu’à l’égard des biens presens il pouvoit y avoir quelque chose de revenant bons parce qu’il étoit incertain au profit duquel le principal auroit lieu ; secondement, qu’une terre qui vaut 9ooo livres de rente vaut plus du denier trente ou trente-cinq pour la vente, et que le doüaire de ro00o livres étoit seulement au denier vingt ; à l’égard des biens et des successions à venir il êtoit certain qu’il luy devoit revenir quelque chose, soit en fonds, soit en usufruit et c’est sur cela et sur ce qui excedera sa dépense pour laquelle l’on luy envoye chaque année Sooo livres au Liege, où le Roy veut qu’il demeure. Ladite Dame Princesse ayant même par ses soins conservé du bien à ses créanciers, quand elle demanda au Roy de ne point confisquer les biens dudit Duc, lorsqu’il y a quelques années qu’il porta l’Echarpe Rouge, et que le Roy. de luy accorda pour les petits enfans.
Il ne reste plus enfin pour cette seconde question qu’à répondre à cette objection que la substitution, que l’on prétend faire subsister contre le Duc de Monbason, ne peut être une substitution exemplaire, et par consequent ne peut subsister ; et pour montrer qu’elle ne peut pas être une substitution exemplaire, on dit premierement qu’elle doit être faite à des personnes sanae mentis, et non pas à des personnes non sanae mentis, ce qui se trouve être fait dans cette substitution : secondement elle est icy reciproque, et neanmoins elle ne peut pas être telle, quand le Duc de Monbason seroit dissipateur interdit, et non sana mentis, parce que son cader Loüis de Rohan n’est pas interdit, ni n’est pas marqué de cette tache. Pour la premiere partie, la substitution du Duc est faite à ses enfans qui sont sana mentis, mais s’il n’a pas d’enfans, ou que ces enfans, quoy que sages, meurent sans enfans ces biens-là sont substituez au cader Coüis de Rohan, que le Prince de Guimené veut qu’il ne fût pas sana mentis, que s’il est sana mentis, pourquoy luy ôter ses biens jusques au fonds de la legitime, et les substituer : S’il est non sana mentis, il luy faut substituer, mais ce doit être des perionnes sanae mentis, et neanmoins le Prince de Guimené luy substitue le Duc de Monbason qui non est sanae mentis, et ne luy substitué pas les enfans de ce Duc qui sont sanae mentis. Pour la seconde partie, c’est encore moins une substitution exemplaire reciproque ; car dans le fait s si le cadet meurt sans enfans ) le Prince de Guimené luy substitue le Duc de Monbason, si le cadet est non sanae mentis, ce ne peut pas être une substitution exemplaire, que si vicissim le cadet est substitué à l’ainé, l’on peut dire que si tous deux non sunt sanae mentis, ce sera bien une substitution reciproque, mais elle ne sera point exemplaire, car celuy qui est substitué doit être sanae mentis ; que si l’un des deux est sage, du côté du sage c’est une substitution exemplaite, mais du côté de celuy qui est fol et substitué, ce n’est qu’une substitution reciproque à son égard, la substitution ne peut pas valoir comme exemplaire. Ainsi faut-il dire, si le Duc de Monbason mouroit le premier laissant des enfans, il y a pour lors une substitution exemplaire reciproque, comme a voulu faire le Prince de Guimené ; mais l’on dira la même chose que dessus, car si l’enfant sage est substitué à son cadet non sanae mentis, c’est bien une substitution exemplaire, mais elle ne sera point reciproque, si à ces enfans sages l’oncle non sanae mentis est substitué, car cela ne peut être une substitution exemplaire, donc non pas exemplaire reciproque : si ce sont deux substituez l’un à l’autre c’est une reciprocité, mais non pas une substitution reciproque, car avant que d’être reciproque il faut qu’elle soit substitution, ce qui ne se peut, moins encore d’être exemplaire.
La Princesse de Guimené disoit qu’il étoit fort aisé de répondre à toutes ces difficultez apparentes : Le Prince de Guimené a eu dessein de conserver ses biens dans sa famille, et pour cela il a taché de prévoir tous les cas qui pourroient arriver, et il y a apposé toutes sortes de substitutions qui étoient propres à chaque cas qui pourroit arriver ; mais comme dans chaque cas il a fait une substitution sans la nommer d’un nom propre qui doute que dans chaque cas cette substitution qu’il n’a pas voulu, et qu’il n’étoit pas necessaire de nommer, ne fût celle qui étoit necessaire à ce cas 5 Par exemple, quand on substitué au Duc de Monbason, qui n’est par sana mentis, ses enfans qui sont sana mentis, qui doute que ce ne soit une substitution exemplaires Et quand l’on substitué au cadet non sanae, vel sanâ mentis, décedant sans enfans, son frère ainé, qui n’est pas sane mentis, ce n’est pas une substitution exemplaire ; j’aurois même peine à croire, si on en demeuroit là, que ce fût une substitution. Mais le Prince de Guimené ayant substitué au Duc de Monbason en tous les biens qu’il auroit de sa succession, les enfans sages dudit Duc, qui n’en est qu’un canal, c’est une substitution exemplaire, comme n’étant que de l’oncle au neveu ; si l’oncle non est sanae mentis, ou bien c’est une substitution ordinaire, si l’oncle est sana mentis : ajoûtez à tout cela qu’il y a grande différence entre une substitution reciproque et une substitution mutuelle.
Mais enfin, dit-on, toutes ces considerations sont bonnes pour des enfans qui doivent le respect et l’obeissance aux dernieres volontez d’un pere, sous quelque forme qu’elles paroissent ; mais que cela ne peut préjudicier à des creanciers qui ont prété leur argent à des enfans, dans la vûë d’une legitime qui ne leur pouvoit être ôtée sur les biens de leur pere, et qui sur cette cereitude ont prété de bonne foy à des enfans ; ce qui est le troisième moyen des creanciers, ausquels Madame de Guimené répond, qu’elle oppose à tous les Arrests qu’ils ont rapportez sur ce sujet, d’autres Arrests plus solennels et en plus grand nombre. Le premier est extrait Livre Mr du Val, Conseiller en la Grand-Champre, ledit Livre intitulé de rebus dubiis, tractatu 1â. où aprés avoir traité la presente question et avoir montré, par des raisons invincibles du Droit Romain, que des creanciers sont non recevables à demander une legitime pour leur debiteur, enfant débauché dit qu’il a été ainsi jugé par un Arrest de la Cour du mois de Decembre 1561. dans la maison de Theligny sur ce fait qu’il rapporte ainsi.
La Dame de Theligny avoit deux enfans, le sieur de Theligny, fils ainé, mauvais ménager, et le sieur des Salles puisné, pour prévenir les contestations qui arrivent ordinairement entre enfans lorsqu’ils partagent, elle fit un partage elle, même de son bien entre ses deux enfans, se réservant neanmoins la faculté d’en dispoler, ce partage ne devant avoir lieu qu’aprés sa mort.
Le sieur de Theligny, fils ainé, emprunta de tous côtez, et hypothequa même par avance les biens du lot qui luy devoit échoir. Comme la Dame de Theligny, sa mete, voyoit que son fils ainé, qui dés lors êtoit marié et qui avoit des enfans, mangeoit tout, apprehendant qu’il ne laissât rien à ses enfans, elle fut conseillée de substituer son bien à ses petits enfans ; donc elle donna et substitua au fils ainé du sieur de Theligny la part qu’il pouvoit esperer dans sa succession, et ordonna que ce fils ainé venant à déceder sans enfans cette part appartint au fils puisné du même sieur de Theligny mauvais ménager et ainsi de degré en degré, en faveur des ainez. Le décez de la Dame de Theligny arrivé, les créanciers du sieur de Theligny le poursuivirent pour avoir le payement de leurs credites, et firent saisir premierement son bien paternel, la femme du sieur de Theligny et leurs enfans s’opposerent à cette saisie réelle pour leur doüaire. Le bien maternel fut pareillement saisi réellement, le fils ainé du sieur de Theligny équi possedoit dés lors ce bien, en vertu de la donation à luy faite par son ayeule ) s’y opposa et demanda main-levée, ce bien saisi luy appartenant en vertu de ladite donation.
Que dirent les créanciers : Ils soûtinrent que ce bien maternel étoit affecté et hypothequé à eurs credites, qu’il devoit être vendu pour être payez, si mieux n’aimoient les enfans du sieur de Theligny, leur debiteur, se desister de leur opposition afin de doüaire ; en tout cas ils soûtintent qu’il falloit distraire sur ce bien maternel une legitime pour leur debiteur, parce que c’est un bien situé dans la Coûtume de Dunois, qui donne au fils ainé noble pour sa legitime les deux tiers du bien de son pere et de sa mere, et que son pere et sa mere ne luy sçauroient jamais ôters
Les enfans substituez répondoient que leur pere n’avoit jamais eu aucun droit dans le bien de sa mere, leur ayeule ; que falienation qu’elle avoit faite ne tomboit pas dans le cas de lalienation faite en fraude des creanciers. Aprés les raisons déduites de part et d’autre Mr du Val dit qu’il fut jugé pour les enfans. La Cour remarquera, s’il luy plaist, que la mere avoit déja fait une disposition, qui avoit comme saisi le sieur de Theligny son fils de sa portion, qu’il avoit déja hypothequée à ses creanciers.
Le second Arrest est du 20 de Juillet 1611. rendu entre Marie Bonnel, femme autorisée par Justice, au refus de Philippes des Granges, tant pour elle que pour ses freres et seurs, appelans de la saisie réelle et établissement de Commissaires d’une part, et Dame Charlotte Blanches separée de biens, intimée et demanderesse en sommation, d’autre, et les sieurs Bonnel intervenans Il paroit par cet Arrest que le sieur Bonnel ayeul n’ayant donné à son fils que l’usufruit de son biens les créanciers de son fils s’en seroient plaints, et auroient voulu en faire vendre la proprieté pour être payez de leurs credites. Les enfans du fils, ausquels la proprieté en avoit été donnée, appelerent de la saisie réelle, et conclurent à ce que main-levée leur fût faite, par le moyen de la substitution des biens de leur ayeul. Aprés les conclusions de Mr Servin, Avocat General, qui dit que la proprieté est pour les enfans, sauf aux creanciers à se pourvoir sur les autres biens.
La Cour par cet Arrest declara la proprieté desdits biens, qui ont appartenu à fayeul, exempt. et déchargez des dettes de Loüis Bonnel son fils, sauf aux creanciers à se pourvoir sur lusufruit d’iceux
Le troisième Arrest est extrait d’un recueil d’Arrests prononcez en Robe Rouge, fait par Me François de Montelon Avocat au Parlement. Arrest 121. dont le fait est ainsi rapporté sean Pigeard eut trois enfans mâles, et deux filles d’un premier lit, entre les mâles êtoit un nommé Abraham ; du second lit il eut trois filles et un fils, avant son decez il fit son testament, par lequel il donna deux mille fivres audit Abraham ; et dautant qu’il étoit débile d’esprit il luy prohiba de les aliener, voufut qu’aprés son decez les deux mille livres appartinssent à ses enfans du second lit, sans distraction de legitime, ni quarte trebellianique : aprés le decez dudit Abraham les enfans du second lit dirent qu’ils étoient substituez par une substitution exemplaire, faite par le testament de leur pere, &c. Par Sentence du Senéchal de Lyon le testament fut confirmé.
Appel, par Arrest la Sentence fut confirmée. La Cour est suppliée d’observer icy que le pere testateur s’étoit remarié, et avoit fait en faveur des enfans du second lit cette substitution qui fut neanmoins jugée bonne.
Le quatrième Arrest est du mois de Février 1634. rapporté dans le Journal des Audiences, rendu au Role de Paris en la cause du nommé Bourgoin, Procureur au Châtelet, qui ayant son fils mauvais ménager, et apprehendant que ce fils ne laissât rien à ses enfans, petits enfans de luy Bourgoin, fit son testament, par lequel il substitua ses petits enfans en la part de ses biensmeubles et immeubles, qui pouvoient échoir de sa succession à sondit fils mauvais ménager, sans distraction de legitime, et ce testament fut confirmé par Arrest.
Le cinquième Arrest est du 9 d’Avril 1647. que j’ay remarqué cy devant, rendu pareillement au Role de Paris dans la cause de Martin’Anceaume, qui voyant le mauvais état des affaires de son gendre et de sa fille, leur auroit laissé Iufufruit de la part et portion qui leur ouvoit appartenir en sa succession, et la proprieté à leurs enfans. Me Michel Langlois, Avocat du gendre et de la fille, disoit que le testament et le contrat de donation en question portoit avec soy la marque de suggestion toute apparente, n’étant pas croyable qu’un pere et une mere, ausquels les appelans, gendre et fille, n’ont jamais donné aucun sujet de mécontentement, ayent fait des dispositions de leur bon gré, qui leur soient si desavantageuses que celles portées par ledit testament et donation, ne s’étant pas contenté de leur avoir substitué ce qu’ils pourroient leur ôter, mais aussi ce qui leur êtoit déféré par la loy, qui ne peut être grevé l’aucune charge ni substitution, et il ne faudroit pour prouver le vice et la nullité de ce testament ou donation, que dire que ledit testament est conçû avec éloge et notte, contre ce qui est de la doctrine des loix et des Arrests, et de l’affection paternelle à l’endroit des enfans, ne se pouvant dire que les appelans ayent jamais fait aucun acte de prodigalité ou de profusion, pour lequel ils méritassent une telle disgrace ; néanmoins comme leur dessein n’est pas d’impugner temerairement cette dernière disposition, ils consentent volontairement la substitution pour ce qui est du surplus de la degitiie, sans en pouvoit disposer sinon pour le mariage de leurs enfans. Quant à la legitime, ils soûtiennent qu’elle ne peut être substituée ni grevée d’aucune charge, suivant les termes de la Coûlume de Paris, Art. 298. et la doctrine des Arrests, &c Me Marie l’Hôte dit que le testament et la donation est une sage prévoyance du pere et de la mere, lesquels ayans vù les affaires de leur gendre et fille en assez mauvais ordre, soit par leur imprudence ou par le malheur du temps, ont voulu apporter quelque précaution, et que c’est le cas particulier où la substitution de la legitime a lieu, comme il a été jugé par plusieurs Arrests, entr’autres par celuy de l’année 1609. pour le nommé Antoine Portail, &c.
MrBignon , Avocat General, remontra que le testament et la donation ayant toutes les marques de la prudence d’un pere et d’une mere prévoyans, et ne contenant aucune disposition qui puisse tomber dans la censure des loix, son avis étoit que l’Arrest fut confirmé. Aussi par on Arrest la Cour declara le testament dont est question, et autres actes faits en consequence, oons et valables, ordonna qu’ils seroient executez, &c. La Cour voit que dans cette espèce, le gendre et la fille n’étoient point accusez de mauvais ménage, car Me Marie l’Hôte reconnoissoit que le mauvais ordre de leurs affaires ne venoit que du malheur des temps ; toutefois la Cour confirma la fubstitution du bien de l’ayeul faite au profit de ses petits enfans.
Les six et septième sont deux Arrests contradictoires transcrits au pied l’un de l’autre, ren dus en l’Audience de la Cour, le premier du 8 de May 1686. entre Dame Marguerite du Breüilde-Theon, veuve de défunt Michel Souchet, Ecuyer, sieur de la Dourville, au nom et come de me tutrice des enfans mineurs du défunt et d’elle, appelante des saisies réelles et criées faites en sur les biens substituez par défunt Jean Souchet, Ecuyer ; sieur de la Dourville ; et Demoiselle Gabrielle Leveque fa femme, demanderesse en ouverture de substitution ; et la pluspart des creanciers dudit défunt Michel Souchet, mary de la demanderesse. Le fait sur lequel est intervenu l’Arrest, est tel : Le 17 Mars 1652. Jean Souchet, Ecuyer, sieur de la Dourville, et Demoiselle Gabrielle Levéque, sa femme, ont fait leur testament, par lequel aprés avoir inctitué Michel Souchet, sieur de la Dourville leur fils ainé, pour leur heritier universel, à la charge de donner à Jean Souchet, son frère, la Seigneurie, &c. ils ajoûterent, et dautant que Michel nôtre fils ainé et nôtre heritier, a creé plusieurs dettes à nôtre grand déplaisir, par le noyen desquelles le survivant de nous seroit en danger de voir dissiper par les creanciers le bien que le prédecedé luy auroit laissé, desirant y pourvoir entant qu’en nous est, et conserver les biens dans nôtre famille, nous nous sommes conservé l’usufruit au survivant, de tous les biens qui devoient échoir audit Michel Souchet ; et outre en la même consideration, avons substitué et substituons tous les biens-meubles et immeubles qui resteroient audit Michel Souchet, en cas qu’il meure sans enfans procréez de loyal mariage, à ses autres freres ou à leurs enfans, qui se trouveront en état de recueillir sa succession, &c. Jean Souchet pere étant décedé, Michel Souchet, son fils ainé, con-tracta mariage avec ladite Marguerite du Breüil-de-Theon, et déceda engagé de toutes parts : ses créanciers firent saisir réellement tous les biens provenans de la succession de Jean Souchet, on père ; ladite du Breüil-de-Theon, comme tutrice de ses enfans, s’opposa à la saisie réelle, et puis en interjetta appel. Comme elle poursuivoit en la Grand. Chambre, Dirco Jensent se prétendant créancier, la veille de la plaidoirie fit signifier une évocation en la Chambre de l’Edit, sur la déclaration de ladite du Breüil-de-Theon, qu’elle consentoit que lArrest qui interviendroit en la Grand-Chambre, ne pourroit nuire ni préjudicier au demandeur en évoca-tion : La cause fut plaidée, et la Cour par le premier desdits Arrests auroit conformément à ladite substitution fait main-levée pure et simple, des saisies faites sur lesdits biens substituezs à la charge de payer par la partie de Billard, suivant sa declaration, les dettes du pere et de la mere, et Acte à la partie de Billard de ce qu’il consentoit, que le present Arrest ne pût nuire ni préjudicier au creancier, qui donna sa requête à la Chambre de l’Edit ; ce sont les propres termes dudit premier Arrest.
Le deuxième desdits Arrests du 17 d’Aoust audit an 1666. à été rendu entre ladite Dame Marguerite du Breüil-de-Theon demanderesse en requête, afin de faire déclarer ledit Arrest f remier commun, tant avec ledit Dirco Jensent, Marchand à Angoulême, ( qui est celuy qui s’étoit détaché des autres creanciers pour se pourvoir à la Chambre de l’Edit jqu’avec le surplus des autres creanciers, qui se trouvoient n’avoir point été compris dans l’autre Arrest, et sur la demande faite par ledit Dirco Jensent en ces termes ; en ce qu’entant que besoin seroit, il fut recû opposant à l’execution dudit Arrest du 18. de May, qui n’a pas été rendu avec luys faisant droit sur son opposition, declarer ladite du Breüil-de-Theon non recevable en ses apr pellations, et demande en ouverture de substitution, ou en tout cas faire distraction de ladite substitution de la legitime appartenante audit défunt sieur de la Dourville en qualité d’ainé, tant dans les fiefs que dans les autres biens, &c. La Cour, conformément aux conclusions de Mr l’Avocat General Talon, sur les requêtes afin d’opposition et de distraction, a mis et met les parties hors de Cour et de procez, et en consequence faisant droit sur la requête du deuxième Juillet declara l’Atrest commun avec toutes les parties. La Cour est suppliée de prendre tout au long la lecture de ce dernier Arrest, dans lequel les plaidoyers des Avpcats et les moyens respectifs des parties ont été amplement déduits, et d’observer que Monsieur d’Avocat General dans son plaidoyé, auroit fait souvenir la Cour entr’autres choses, que lors de la plaidoirie de la premiere cause, il avoit remarqué que Monsieur le President de Harley en avoit prononcé un Arrest en Robe Rouge, et en suite l’avoit pratiqué dans sa famille, à quoy il ajoûte ce que la Cour avoit depüis confirmé. par une infiité d’Arrests contre les enfans ou les gendres, qui s’étoient élevez contre ces substitutions, &c.
Et il ne se trouvera pas que les croanciers qui plaident aujourd’huy contre Madame la Princesse de Guimené, puissent jamais alléguer d’autres moyens que ceux qui furent alléguez lors dudit Arrest par les croanciers dudit feu sieur de la Dourville fils, pour parvenir à cette prérenduë distraction de legitime ; la clause de la substitution faite par le testament du feu sieur de la Dourville pere, de ses biens-meubles et immeubles, à cause du mauvais ménage de son fils, y est rapportée ; l’Article 93. de la Coûtume d’Angoulmois, demeure des parties, y est aussi rapporté ; enfin-il n’a rien été. omis de tout ce qui pouvoit servir à la cause des créaneciers, ou au contraire. Madame la Princesse de Guimené a des moyens sans comparaison bies plus forts, plus pressants, et plus considérables. pour faire confirmer la substitution dont il s’agit, que ceux que n’avoit pas la Dame de la Dourville, comme la Cour a pû voir par toutes les pieces cy-dessus produites, et qu’elle continuëta de voir par les pieces cy-aprés produites et là-dessus la Gour est tres-humblement priée de remarquer trois choses. La premiere, que dans cette cause il n’y a point de creanciers de Monsieur et de Madame de Guimené qui fassent aucun obstacle à la substitution. La seconde, que les creanciers du sieur Duc de Mons bason ont leurs droits réservez sur les joüissances tant qu’il vivra, au lieu que dans l’Arrest de la Dourville les creanciers ont perdu toutes leurs dettes, parce que le fils étoit décedé lors de l’Arrest. Il y a plus encore au regard dudit sieur Duc de Monbason ; car outre cette joüissance étoute entiere, qui luy est laissée par le testament de feu Monsieur son pere, outre qu’il luy treste encore des fonds de ce qui luy a été donné par son traité de mariage, sur lesquels fonds, comme sur les revenus, les créanciers se peuvent faire payer. Il est certain que ledit sieur Duc dé Monbason n’ayant pas encore atteint l’âge de quarante ans, selon l’ordre de la nature, il doit suivre Madame la Princesse de Guimené sa mere, la succession de laquelle luy laissant une joüissance encore beaucoup plus considérable, il y a plûtost lieu de croire que ses dettes seront payées que de ne l’être pas, et que dés à present sur les joüissances appartenantes audit sieur Duc de Monbason, ceux d’entre ses créanciers qui se prétendent privilegiez, ou qui se croitont les plus legitimes, pourront demander à être payez par préference de ce qui leur est dûmais quoy qu’il en soit ç’a été ausdits créanciers à prendre leurs mesures, quand ils ont traité avec leur debiteur, rien ne les y a obligez que le profit extraordinaire qu’ils en tiroient si aujourd’huy leur condition ne se trouve pas bonne, ils ne s’en doivent prendre qu’à euxmêmes, et tant s’en faut qu’ils soient à plaindre, il a été remarqué cu-dessus qu’ils sont fauteurs, complices, adherans du malheur et de la perte de leur debiteur. La seconde chose est que la maison de Rohan étant plus illustre que celle de la Dourville, elle métite mieux d’être conservée.
Par l’Arrest le testament fut declaré valable, à l’égard de Mr le Duc de Monbason et de ses creanciers ; mais à l’égard de Messire Loüis de Rohan, comme la preuve de son mauvais ménage n’étoit pas certaine, la substitution n’eut point d’effet.
Pour faire subsister ces dispositions il faut que le fils soit un dissipateur, et que son mauvais ménage soit notoire et connu, autrement le pere ne peut priver son fils de sa legitime, parce qu’elle est duë jure naturae ; cela fut jugé pour le Chevalier de Rohan par l’Arrest cydessus le 7 d’Aoust 1647. et il fut dit qu’un pere n’avoit pû substituer à la legitime de ses enfans, et qu’ils la doivent prendre sans aucune charge en corps hereditaires, sans avoir égard à un testament holographe, par lequel un pere avoit substitué ses petits enfans à ses enfans, sans qu’ils uy en eussent donné aucun sujet.
On embarrasseroit fort un Docteur, qui ne connoîtroit que le droit Romain, en luy soûtenant que le mort saisit le vif, et que la possession du défunt se continuë de plein droit à son heritier ; en effet cette proposition est contraire aux Loix civil et aux sentimens des Interpretes, qui établissent pour maxime que possessio defuncti non transit ad heredem, priusquam fuerit ver eum naturaliter apprehensa, l. Pomponius. S. quesitum. l. qui per universas. 8. quod per colonum. f. de ac4. poss. parce que pour acquerir la possession d’une chose requiritur corpus & animus, l. 3. Cod.
Nonobstant toutes ces autoritez cette Coûtume, et presque toutes celles de France, sont continuer la possession du défunt en la personne de son presomptif heritier, ipfo jure, nullo actus Institutes ne verbo quidem interveniente. EtFaber , cet ancien Praticien, sur les Institutes de Interdictis. S.
Summa, dit que licet vera possessio non transferatur ad heredem, fingitur tamen transferri, & per hoc pore St excusari Stylus curiae Francica, ubi heredes se dicunt saisitos et turbari ex possessione, et concludunt ex casu novitatis : ce qu’il repete encore sur le S. Retinendae possessionis du même titres et hoc est ferè ut interdictum uti possidetis. Quelques Interpretes du Droit n’ont pas ignoré cette Castre Ceûtume de France ; Paul de Castre, sur la I. qui universas. 8. oossessionem de acquir. heredi Arcurse, sur la l. in suis de liber. et posthum. dit possessionem que quidem penes defunctum fuit, juris artificio & subtilitate in suum heredem utpote jam destinatum Dominum transmitti : Mais cette Accurse opinion d’Accurse est reprouvée presque par tous les Interpretes du Droit. Il est donc vray de dire que ce mot saisit transfere à l’heritier une possession réelle, véritable et immediate, ton abdicative tantùm, aut simpliciter privatixé, sed translativé, pour user des termes de Mr d’Argentré , Art. 509. gl. 3. Ce même Auteur traite la question, si la disposition de cet Article vera sit passive s Si le creancier de la succession veut conclure contre l’heritier presomptif, comme étant saisi de la succession, et il conclod que ut acceptatione hereditatis ipfo jure adipiscitur possessionem, tam passive uti cogendus est, quam cum active uti liber. L’heritier, quoy que saisi, ne peut pas neanmoins être condamné personnellement, s’il n’accepte pas la succession, et en vertu de cet Article il ne faut pas douter que la succession ne soit transmise à l’heritier le plus proche du défunt, quoy qu’il ne paroisse aucune acceptation expresse ou tacite de sa part, nonobstant la décision du S. Novissimo. l. un. C. de Ca. toll. hereditate nisi fuerit adita, transmitti nec veteres concedebant, nec nos patimur. On en alléguoit pour raison que l’adition d’heredité consiste en une pure faculté, laquelle n’est point en nos biens, et par consequent ne peut être transmise : Mais quoy que nul ne soit heritier qui ne veut, puisque le mort saisit le vif, l’heredité non recueillie se transmet,
La Coûtume ne donne cette saisine des biens du mort qu’à ces deux conditions, que l’on soit le plus proche et le plus habile : il ne suffiroit pas en succession de propres d’être le plus proche ; un parent de la ligne directe plus éloigné seroit preferable à un autre plus proche qui n’en seroit pas. Il faut être aussi capable de succeder, car inutilement l’on seroit le plus proche si l’on n’étoit pas aussi le plus habile : Ces deux conditions sont si necessaires, que quand la Coûtume n’en auroit pas disposé de la sorte, on présumeroit toûjours qu’elle auroit eu cette intention : Nam legum beneficia capacibus scripta sunt non odiosis et incapacrbus. I. Lucius Titius de leg. 3. ff.
Cet Article se peut diviser en ces sept parties. Premierement, si cette regle, le mort faisit le vifs a lieu pour routes sortes d’heritiers, pour l’heritier par benefice d’inventaire, comme pour heritier simple ; Secondement, s’il a lieu en toutes successions : Troisiémement, si en vertu de cet Article. l’heritier le plus habile à succeder est si réellement saisi de la succession d défunt, qu’il n’ait besoin de faire aucune déclaration ni acte d’heredité, à l’effet que la succession ne soit point reputée jacente : Quatriémement, en quel temps il faut être le plus proche et le plus habile pour succeder : Cinquiémement, si en consequence de ce que le mort saisit le vif il est obligé de prendre la succession, ou si ne pouvant y être contraint, ce qu’il doit faire pour l’être pas reputé heritier, et enfin quels Juges sont competens de connoître de la succession On a douté si l’heritier par benefice d’inventaire étoit compris dans la disposition de cet Article, ne pouvant prendre cette qualité avant que d’avoir obtenu des Lettres du Prince, et d’avoir accompli les solennitez requises. Cette maxime, le mort saisit le vif, ne le concernoir point, et la possession du défunt ne pouvoit se continuer en sa personne, puisqu’il n’est point heritier, quoy qu’il soit le plus proche et le plus habile, et qu’il peut être exclus par un parent plus éloigné qui se déclarera pur et simple. On répond que le benefice d’inventaire n’empesche ti point qu’il ne soit saisi, lorsqu’il est le plus proche et le plus habile à succeder, parce qu’il est toûjours heritier veré heres. Il est vray qu’il né peut s’éjoüir de la grace et de l’effet du benefice d’inventaire qu’aprés avoir gardé toutes les formes prescrites ; et c’est le sentiment de Tiraquel Mr Tiraqueau, en son Traité, le mort saisit le vif. 2. p. declat. 2.
Bien que quelques uns estiment que les Seigneurs feodaux succedans à leurs vossaux à droit de deshérance ou de bâtardise soient saisis de la succession comme leurs hoirs les plus proche et les plus habiles, il est certain que cet Article ne comprend point les Seigneurs feodaux sous Loyseau e mot d’heritiers. Il est bien vray, comme l’a remarqué Loyseau des Seigneuries, c. 12. n. 84. qu’en France nous ayons trois sortes d’heritiers, à sçavoir les vrais heritiers, qui parmy nous sont ceux du sang, qui sont successores juris ; les successeurs universels, qui sont successores bonorum, et non juris, et les successeurs particuliers, comme les donataires singuliers, certorum bonorum, c et les Seigneurs succedans par deshérance, bâtardise, confiscation, qui ne succedent pas à tous les biens de leurs vassaux, mais seulement à ceux qui relevent d’eux, mais ils n’y succedent pas par la translation ou transmission du droit du défunt en eux, c’est par un retour naturel et par la reünion au fief. Aussi il n’est pas de l’usage qu’un seigneur intente le cas de saisine ou de nouvelleté, il ne prend la possession des biens qui luy retournent que par la voye de la reünion.
En toutes successions directes et collaterales le mort saisit le vif, et nôtre usage est contraire à la Coûtume de Bretagne, Article 538. où le mort ne faisit le vif qu’en ligne directe, et non en collaterale : Nôtre usage est plus raisonnable, parce qu’il empesche le Fisc ou les Seigneurs eodaux de s’emparer de la dépoüille des morts, et qu’ils ne relacheroient qu’avec peine, sur tout quand ils auroient affaire à des heritiers pauvres et indéfendus ; on ne manqueroit pas à contredire leur genealogie et à leur en rendre la preuve impossible : Et cette raison doit prévaloir sur l’inconvenient que propose Mr d’Argentré , sur l’Article 411. de l’ancienne Coûtume, pour appuyer la disposition de la Coûtume qui met en la garde de Justice les biens de ceux qui meurent sans enfans, ne festinata traditio possessionis alterum inauditum premeret, aut pragravaret duriori constituto adversarium, on ne sçauroit gueres avoir un adversaire plus facheux que le
Seigneur, dont les héritages relevent. La Coûtume d’Auvergne est conforme à celle de Masuer Bretagne, et c’est aussi la doctrine de Masuer, qui étoit Auvergnac, Tit. des Succes. n. 33.
La question, si l’heritier presomptif est saisi si absolument quesans aucun acte déclaratoire de à volonté le droit luy en soit acquis itrevocablement, sans en pouvoir être dépossedé par la naissance posterieure d’un parent plus proche, a été disputée deux fois en ce Parlement.
Pièrre la Caille avoit deux enfans, Robert et Jossine ; en mariant son fils il le reçût en communauté, durant laquelle ils firent quelques acquests. Robert étant mort sans enfans son pere contracta un second mariage dont sortit Pierre la Caille : Jossine la Caille, au temps de la mort de son ftere, étoit seule capable de luy succeder, Pierre la Gaille n’étant venu au monde que long-temps aprés : Or pour regler le droit et la capacité de succeder, on régarde le temps de l’écheance de la succession : Pièrre la Caille répondoit que les freres excluent les seurs, que l’adition d’heredité ne consistoit pas en une pure faculté, qu’il étoit vray que la succession appartenoit à Jossine la Caille, si elle avoit voulu la prendre, ou au moins qu’elle eût témoigné par quelque acte que c’étoit son intention de l’accepter ; ce que n’ayant pas fait, et trouvant encore cette succession jacente, il pouvoit la prendre comme étant le plus habile : La raison de douter étoit si l’on devoit reputer la succession jacente, car puisque le mort saisit le vif de plein droit, on ne pouvoit pas dire qu’elle ne fût pas veriablement saisie sans être obligée d’en faire aucune acceptation expresse, et elle ne pouvoit en être privée qu’en consequence d’une renonciation, que cet Article y étoit formel, puisqu’il ne requiert aucun ministere de fait, nullo actu, ne verbo quidem interveniente, suivant le sentiment Tiraquel de Mr Tiraqueau : On peut dire au contraire, que le mort ne faisit le vif que quand il agrée cette saisine ; mais comme cette loy ne luy impose pas la nécessité de se porter heritier, aussi il ne devient le maître de la succession que quand il témoigne de l’avoir agreable.
Aussi la Coûtume pour ne laisser pas les choses dans une incertitude perpétuelle, a prudemment ajoûté que l’heritier doit renoncer dans les quarante jours, c’est à dire qu’il doit témoigner s’il accepte la succession nautrement ce mot ; Doit ) seroit impropre, parce qu’il est cettain. ue quand il ne renonceroit pas dans ce terme de quarante jours, on ne le reputeroit pas deritier ; ainsi le véritable sens de cet Article est que le mort saisit le vif, pourvû que dans les quarante jours il accepte la succession. La Coûtume d’Anjou s’en est mieux expliquée, Art. 278. car aprés avoir disposé que le mort faisit le vif son plus proche heritier dans l’an et jour du décez du défunt, et si les successeurs laissent passer l’an et jour sans apprehension de fait et détention de leurs portions, ils n’en sont plus saisis, mais il convient qu’ils y viennent par action. Il importe aux creanciers et aux legataires que le défunt ait un heritier assuré contre lequel ils puissent former leurs actions, autrement un parent plus éloigné peut se porter heritier, ce qu’il ne peut faire dans le delay de quarante jours, qui est donné à l’heritier resomptif pour deliberer ; et c’est à quoy le droit civil avoit pourvû fort prudemment dans le titre de Succes. edict. ff. successorium edictum propositum est, ne bona hereditaria vacua sine Domino diutiùs jacerent. l. 1. Pour cet effet on limitoit un temps dans lequel il falloir prendre la possession des biens, ut maturiùs possint creditores scire utrum habeant cum quo congrediantur : et co terme êtoit ordinairement de cent jours, à la réserve des peres et meres et des enfans à qu l’on donnoit un temps plus long à cause de leur qualité, quibus largius tempus petendae bonorum possessionis tribuitur in honorem sanguinis
Il est vray que quand les heritiers legitimes n’auroient pas demandé la saisine et possession les biens dans les cent jours, ils n’en étoient pourtant pas privez. l. 1. C. de suis et leg. herede Accurse parce que comme Accurse et Bartole l’ont dit sur la loy quamdiu de acquir. heredit. lorsque le droit de succeder est déféré par la loy, il est perpetuel, mais cependant l’heredité est reputée jacente, et nous suivons plûtost cette opinion que celle de quelques Docteurs qui ont estimé que quand le jour préfix étoit passé, l’heritier en êtoit exclus ipfo jure, et que la succession étoit aussi-tost déferée au plus proche heritier ; même ab intestat. Il semble juste toutefois puisque l’heredité est reputée jacente, lorsque l’heritier legitime, ne l’a point acceptée, qu’il soit preferé, ou si celuy qui se presente pour prendre la succession est en égalité de degré, qu’il coneurre : et apparemment nos Reformateurs ont eu égard au droit civil, en ordonnant que l’heritier doit renoncer dans les quarante jours, autrement que la possession ne luy est point acquise à l’effet d’exclure un heritier plus proche qui surviendroit : Sur cette question il y a eu Arrest, au Rapport de Mr de Banneville, le premier d’Aoust 1618. par lequel la succession e Robert la Caille fut ajugée à Pierre la Caille.
Cette mêmg question s’offrit encore en l’Audience de la Grand. Chambre le r6 de Janvier 1665. entre François Cousin d’une part, et Hervé, Robert et Guillaume Cousin d’autre. Une femme nommée des Alés avoit épousé le nommé Orient en premieres nopces, elle épousa depuis Loüis Cousin, Avocat au Pontlevéque : Aprés la naissance de François Cousin leur ils ainé, une des filles de ladite des Alés sortie de son premier mariage mourut. La succession aux meubles retournoit à François Cousin, son frere uterin. Trois ans aprés Loüis Cousin eut encore d’autres enfans, et auparavant il n’avoit point declaté à François Cousin, son fils ainé, lorsqu’il êtoit encore seul d’enfans, que la succession de sa seur uterine luy êtoit échûé, mais François l’ayant sçù il en demanda compte à son père : Ce pere pour s’en dispenser fit intervenir ses trois autres enfans pour demander part à cette succession : le Juge ayant renvoyé les parties en la Cour, Greard, Avocat de François Cousin, maintenoit que la succes-sion luy appartenoit, et ne pouvoit être reputée jacente, et que par consequent ses freres n’y avoient point de droit : Pour avoir part à une succession, il falloit être in rerum naturâ lors de l’écheance, lex civilis eos tantùm ad hereditatem vocat qui in rerum naturâ fuerunt, moriente eo de cujus bonis agitur. l. 1. 8. sciendum l. 6. et 7. de suis et leg. hered. V. Loüet l. R. n. 38. He. roüet pour les fretes convenoit de cette regle, mais il soûtenoit que c’étoit assez qu’au temps. de la naissance de ses parties la succession fût encore jacente : Il est vray que le mort saisit le vif sans aucun ministere de fait, aditionis nulla necessitas, nulla solemnitas. Mr d’Argentré , Art. 54. gl. 1. n. 5. Mais les paroles signifient simplement que le droit est pleinement acquis au plus proche sans aucune autre formalité. Par l’ancienne Coûtume il falloit prendre un Bref de mort d’ancesseur, il en étoit saisi jure non tamen effectualiter. Pour empescher que la succession ne soit jacente, l’heritier doit faire paroître en quelque manière son intention. La Coûtume s’en est expliquée nettement sur la fin de cet Article, ayant omis au commencement d’ordonner que l’heritier seroit tenu d’accepter ou de renoncer, elle ajoûte à la fin que le tuteur doit renoncer on accepter dans les quarante jours ; d’où il s’ensuit que suivant ce que j’ay dit cu-dessus, les quarante jours sont un terme préfix pour renoncer ou accepter, à faute dequoy lheritier n’est point reputé saisi, mais la succession demeure jacente. En l’Arrest d’Emond et Hurel rapporté parBérault , les seurs avoient agy pour la succession de leur frere avant la naissance de leurs autres freres ; ainsi la succession n’étant plus jacente, elles ne pouroient être excluses par la naissance de leurs autres freres posterieure à leur acceptation. Cette cause fut appointée au Conseis
Berault a fait mention de l’Arrest de Maigret, en voicy l’espece et les raisons plus au longMaigret êtoit appelant d’une Sentence qui le déclaroit non recevable à appeler et à se porter heritier de son ayeul, dont la succession n’avoit pas été acceptée par son pere, et qui avoit été saisie réellement par les créanciers de son ayeul, et ajugée par decret. Il se maintenoit capable de prendre la succession de son ayeul, et que par consequent il êtoit recevable à appeler du decret, quoy qu’il n’y eût aucuns biens, hereditas enim sine ullo corpore juris intellectum habet, l. hereditas de petend. heredit. D. L’ajudicataire des biens vendus par decret, répondoit que Maigret n’étoit né ni concù lors de l’écheance de la succession de son ayeul, que le mort saisit le vif, ce qui ne pouvoit être appliqué à Maigret ; qui nondum erat in rerum naturâ. Par Arrest du 4 de Mars 1608. Maigret fut reçû appelant du decret comme heritier de son ayeul, et ordonné que les parties en viendroient sur lappel : la I. Titius de leg. hered. semble contraire à cet Arrest. Is qui post mortem avi concipitur, is neque hereditatem ejus tanquam suus heres, neque bonorum possessionem tanquam cognatus accipere potest, quia lex 12. tabul. vocat ad hereditatem qui noriente eo de cujus bonis queritur in rerum naturâ fuerint ; mais on répond que cette succession étant encore jacente, elle pouvoit être prise par lheritier ab intestat.
Autre Arrest sur cette question, sçavoir si un enfant qui n’étoit point né lors de la succession échûë de son ayeul, et à laquelle son peré avoit renoncé, et qui avoit été prise par be-nefice d’inventaire par un du lignage, êtoit recevable à la demander êtant encore en minorité Revel étant mort, son fils renonça à sa succession. Elle fut prise par benefice d’inventaire par un parent collateral : Cependant ce Revel qui avoit renoncé ayant eu un enfant, il le fit porver heritier absolut de son ayeul, ce qui luy fut contesté par lheritier beneficiaire. Revel ayant appelé d’un appointement à écrire, il soûtenoit que son fils ne pouvoit être exclus de cette succession, encore qu’il ne fût point né lors de l’écheance d’icelle, nam qui in utero sunt pro jam natis habentur, quoties agitur de eorum commodis, que les lettres de benefice d’inventaire sontenoient toûjouts cette clause, pouroû qu’il ne se presente aucun du lignage ; ainsi se presentant pour succeder à son ayeul il y venoit de son chef, et non point par la representation de son pere, à quoy la renonciation de son pere ne luy portoit aucun préjudice. Arondel pour l’heritier beneficiaire s’appuyoit sur cette raison, que Revel n’étoit point conçû tempore delata bereditatis, et par consequent il n’étoit point habile à succeder, parce que le mort saisit le vif et que la possession fe continuë en la personne de celuy qui est capable de succeder : l’Arrest de Maigret ne faisoit point de consequence, parce que son pere n’avoit point renoncé, et que la succession étoit encore jacente, que Revel étoit un mineur, lequel aprés avoir pris cette succession pourroit y renoncer, ce qui mettroit les choses dans la confusion, suivant le droit écrit il n’étoit point necessaire d’obtenir des lettres de benefice d’inventaire. Par Arrest du 30 de Juillet 1610. la succession fut ajugée à Revel. Cet Arrest a été remarqué par Berault sur l’Article 90. et par Godefroy sur cet Article ; mais le motif de l’Arrest fut que le benefice d’in-rentaire n’étoit point encore ajugé, de sorte que la succession êtoit encore reputée jacente.
Les Docteurs sont d’accord que quant au droit et à la faculté de succeder, il faut être in rerum naturâ, ou par la conception, ou par la naissance au temps du decez de celuy de la suc-cession duquel il s’agit, lorsqu’il s’agit d’une succession collaterale : mais cela reçoit de la diffieulté pour la succession en ligne directe.Bartole , sur la l. 1. Ci de his qui ante apert. tabul. a été d’avis que le fils venant à déceder avant que d’avoir pris la succession, il ne laisse pas de la transmettre avec la faculté de l’accepter à ses enfans, bien qu’ils soient nés depuis le decez de leur ayeul. D’autres Docteurs ont fait différente entre le pere qui avoit renoncé et celuy qui étoit demeuré dans le silence, car le pere qui a renoncé ne la peut transmettre ; mais quand il est demeuré dans le silence, cette adition ou acceptation d’heredité est aisément présumée, à l’effet que le fils qui a survécu son pere venant à déceder, ses enfans viennent à la succession de leur ayeul, et l’on peut appuyer cette distinction sur la l. unic. C. de his qui ante apert. tabul. suivant laquelle l’heritier institué s’il décede avant l’ouverture du testament peut transmettre la succession à ses heritiers, heredes instituti et ante apertas tabulas defuncti, sive se no-verint heredes scriptos, sive ignoraverint in liberos suos cujuscunque sint sexùs vel gradùs derelictam sibi portionem hereditariam possunt transmittere, si tamen hereditatem non recusant ; mais on approuveroit difficilement cette doctrine dans les lieux où par les Coûtumes le mort saisit le vif ; car la succession étant par ce moyen acquise de plain droit à celuy qui se trouve le plus proche heritier au temps du decez, il ne seroit pas raisonnable qu’il en fût dépoüillé par celuy qui n’auroit été conçû que long-temps aprés
On a jugé qu’un mineur, en se portant héritier absolut, ne pouvoit exclure l’heritier beneficiaire ; mais en l’espèce de cet Arrest c’étoit un petit fils qui demandoit la succession de on ayeul, et en ligne directe l’heritier absolut n’exclud pas même l’heritier beneficiaire plus proche.
oicy une espèce particuliere, où nonobstant l’adition d’heredité on fut obligé d’en faire part à des enfans nés depuis la succession échûë. François Gamard, pere de Pierre et de Jacques, donna à Jacques son puisné en faveur de mariage et en la meilleure forme qu’il pou-voit, dix-huit journaux de terre situez en Caux, et le reserva à sa succession. Jacques moutut laissant un fils qui mourut sans enfans : Marie et Catherine Gamard, filles de Pierre ses cousines germaines luy succederent en ces dix-huit journaux de terre. Cependant François Gamard leur pere s’étant remarlé eut un fils nommé Jean, et sous son nom il poursuivit ses filles pour faire part à Jean leur oncle de ces dix-huit journaux de terre ; sur cette action les parties furent mises hors de Cour, sauf audit Jean aprés la mott de son pere à demander le rapport desdites terres, ce qu’il fit aprés la mort de son pere : Lesdites filles soûtenoient que ces terres tenoient lieu de tiers et de legitime que Jacques Gamard son fils en avoit hérité, et que ce fils étant mort avant la naissance de Jean elles avoient été seules capables de luj succeder, puisque le mort saisit le vif. Jean répondoit que le pere n’avoit eu intention que de donner dix-huit journaux de terre, et non le tiers, et bien que son pere ne fût encore remurié lors de la mott du fils de Jacques, cela ne les dispensoit pas de rapporter à la succes-sion de son père ces dix-huit journaux de terre, parce que cette donation faite à Jacques n’étoit qu’un avancement de succession : Par Arrest en la Grand. Chambre du 1é de May 1660. au rapport de Mr Buquet, elles furent condamnées à rapporter à la succession de leur ayeul esdites terres pour être partagées entr’elles comme heritières de leur pere, et ledit Jean leur oncle.
L’absence de l’heritier presomptif n’empesche pas qu’il ne soit reputé saisi ; mais en cas d’une ongue absence, ou dans l’incertitude de la vie de l’absent, ses coheritiers, ou ses heritiers presomptifs peuvent demander l’envoy en possession des biens hereditaires. Par l’Article 269. le la Coûtume d’Anjou, si aucun a êté absent du pais par sept ans continuels, tellement que sa femme, ou ses enfans, ou ceux qui seroient ses prochains heritiers n’en eussent eu nouvelles, et il fût absent par sept ans continuels sans venir, ceux qui doivent être ses heritiers se peuvent ensaisiner des choses de sa succession.
Cette Coûtume l’ordonne de la sorte pour éviter les frais d’une curatelle, mais parmy. nous cela ne se fait pas ordinairement sans bailler caution de rapporter les fruits en cas du retour de l’absent. C’est une maxime au Parlement de Paris confirmée par plusieurs Arrests qu’un absent par neuf ans, dont on n’a ouy aucunes nouvelles, et la vie duquel est incertaine, est présumé mort, à l’égard du partage de ses biens entre ses heritiers, en baillant caution de rapporter en cas de retour, et comme nôtre Coûtume n’a point défini de temps aprés lequel l’absent soit reputé mort, on décide ordinairement ces questions, s’il faut donner caution ou n’en donner pas, suivant les circonstances et les presomptions ; on considère si l’absence est longue, si l’absent êtoit jeune, s’il est allé sur mer ou à la guerre, et suivant les vray semblances de la vie ou de la mort, on condamne ou l’on décharge de la caution l’heritier presomptif. Par un Arrest du 2 de Juillet 1631. entre les heritiers de Piquet Tailleur d’habits, on déchargea les coheritiers d’un absent de donner caution, et au contraire Marie. Françoise et Isabeau l’Engigneur, filles de Georges l’Engigneur, aprés une absence de dix-sept années de leur frere, ayant obtenu un Mandement de la Cour pour faire condamner Jacques le Diacre et Me Guillaume Morin, Receveurs des Consignations, à leur payer les deniers qu’ils avoient reçûs procedans du rachapr des rentes appartenantes à leur frere, vû sa longue absence, elles en furent deboutées, faute par elles de bailler caution de les rapporter ; par Arrest en la Grand-Chambre du 16 de Février 1655. il fut aussi jugé de la sorte pour les nommez Boitou, pour lesquels je plaidois en la Chambre de l’Edit, et sans doute à moins que les presomptions de la mort ne. soient tres-fortes, il est plus juste d’assuter les choses et de conserver les interests de l’absent par la caution, aprés une absence qui fait présumer la mort, on la présume du jour du depart. Arrest en la Chambre des Enquêtes de l’Is d’Aoust 1646. entre la Verge et autres.
Le 12 de Mars 1655. en l’Audience de la Grand. Chambre, il fut jugé qu’un absent depuis ix ans n’étoit présumé mort, et son créancier fut reçû à se faire payer sur la succession à luy échûë depuis son absence ; et par Arrest Parlement de Paris remarqué pardu Fréne , l. 2. c. 10. de l’impression de l’année 1652. un homme absent quatorze ans avant la mort de sa mere fut présumé vivant, et la legitime qui luy eût pû appartenir en ladite succession ajugée à ses creanciers, en bail dant caution de la rendre et de la restituer en cas qu’il fût justifié par ses freres qu’il étoit décede devant sa mère. Ce même Auteur, l. 2. c. 118. cite un Arrest qui paroit contraire, par lequel Il fut jugé qu’un absent êtoit reputé mort dés l’instant qu’il s’étoit retiré ou qu’il avoit cessé d’être vâ, à l’effet que son ayeule qui avoit survécu deux ans depuis qu’il n’avoit plus parû, oût être reputée avoir recueilli sa succession quant aux meubles et acquests. Pour concevoir ces deux Arrests cet Auteur remarque cette particularité, que dans le dernier l’absent avoit été envoyé en la ville de Paris pour demeurer chez un Procureur, et qu’à quelque temps desà on ne sçavoit ce qu’il étoit devenu : En l’autre Arrest l’absunce êtoit constante, et il y fut prononcé favorablement pour les créanciers, comme au dernier en faveur d’une ayeule plus favorable que les collateraux. En l’année 1634. Loüis Fauvel, porteur de procuration de son vere, avoit vendu un héritage appartenant à sondit pere au nommé Jumel, cette procuration’étant trouvée fausse le contrat fut cassé, fauf le recours de l’acheteur contre ledit Fauvel pour a restitution du prix par luy touché ; Fauvel s’absenta en ladite même année 1834. et fut à l’armée, et depuis on n’apprit point de ses nouvelles : aprés la mort du pere arrivée en l’année 1644. la succession fut déférée tant audit Fauvel qu’à ses autres freres en l’an 1654.
Dix ans aprés l’écheance de la succession, et vingt ans aprés l’absence de Fauvel, Catherine Billard, veuve dudit Jumel, et tutrice de ses enfans mineurs, poursuivant le payement des condamnations jugées contre l’absent, les frètes de l’absent soûtinrent que leur frère n’avoit amais rien eu en la succession paternelle, parce qu’il étoit party dix ans avant l’écheance d’icelle, ce qui faisoit préfumer sa mort ; au contraire ladite demanderesse alléguoit qu’il devoit être présumé vivant jusques à cent ans, et que suivant l’ordre de la nature il avoit survécu son vere. Elle fut deboutée de sa demande par Sentence du Juge des lieux ; sur l’appel la Cour mit l’appellation et ce dont au neant, et en reformant on condamna les intimez à restituer le prix reçû par Loüis Fauvel leur frere audit Jumel acquereur.
La capacité pour succeder se regle au temps de lécheance de la succession. Par cette raison on ne recherche point les defauts qui ont précedé la naissance, pourvû qu’ils ayent êté reparez ou effacez au temps de la mort de celuy à qui lon succede, ainsi le legitimé a les mêmes Masuer avantages que le legitime, M d’Argentré , Art. 511. gl. 2. n. 2. Masuer, des Succes. n. 35. parce qu’il a été le premier né, et au contraire quoy que le mariage dont est issu celuy qui veut succederp soit diffolu au temps de la succession échûe, pour cause de consanguinité ou pour quelqu’autre empeschement, si toutefois les enfans sont déclarez legitimes ils sont admis à succeder, mais, celuy qui se trouve capable au temps de lécheance de la succession he peut être exclus par ceux qui sont nés depuis, pourvû, comme j’ay dit, que la succession ne soit plus jacente. Arrest du 4 d’Aoust 1665. en la Grand : Chambre, au Rapport de Mr d’Anviray un pere ayant été marié deux fois, et le fils du premier lit étant mort, comme il n’y avoit alors qu’un enfant du econd lit, la succession aux meubles et acquests luy fut ajugée au préjudice de tous les autres freres qui étoient nés depuis la succession échûë : Autre Arrest au Rapport de Mr Fermanel.
Il ne faut pas neanmoins s’attacher à ce terme de né, pout en conclure que celuy qui seroit conçû n’auroit pas le même avantage ; car puisque pour acquerir la possession des biens du éfunt la Coûtume ne requiert aucun acte ni ministere de fait, et qu’elle est transferée par la seule disposition de la loy ; il n’est pas necessaire que cet heritier soit capable d’entendre ou d’agir, et il n’importe qu’il soit mâle ou femelle, et en cette espèce celuy qui est conçû est reputé né, pourvû qu’aprés il vienne au monde vif, qui in utero sunt in toto pene jure civili intelliguntur in rerum naturâ esse, nam & legitimae hereditates ha restituuntur. I. qui in utero a6. de statu hominum. Voyez MLoüet , l. R. n. 38.
Il ne suffit pas d’être conçû, d’être né, et d’être le plus proche, il faut être encore le plus habile, et puisque l’incapacité de hheritier ruine tout le droit que la proximité luy donne, il aut connoître les causes principales qui forment ordinairement l’incapacité ou l’indignité.
Elles sont fondées pour la pluspart sur le defaut de la naifsance, ou sur l’incapacité de celuj qui prétend succeder, sunt incapaces lege, hominis facto, sententiâ, testamento. La loy déclare incapables les étrangers, les bâtards, ceux qui ne sont point sortis d’une conjonction legitime, les Religieux, et autres : L’ancienne Coûtume, au Titre d’empeschement de succession, s’ena explique en cette manière. Les empeschemens d’héritages et de succession sont bâtardise, Religion, forfaiture, et mesellerie ; et dans nôtre usage particulier les filles, lorsqu’il y a des mâles, quoy que toutefois cette incapacité ne soit pas toûjours absolue, perpetuelle, et itre vocable. Les ncapables par testament sont les exheredez, les condamnez par Sentences ou Arrests à des peines capitales, et enfin il y en a qui s’en rendent indignes par leur propre fait. M’d’Argent . Art. 514. gl. 1.
Le defaut de la naissance peut être double, parce que l’on n’a pas le droit de cité comme les étrangers, ou parce que l’on n’est pas sorti d’une conjonction legitime et valable pour produire les effets civils.
Quelque liaison de sang que puisse avoir un étranger avec le défunt, il est incapable de luy oy succeder. Nous succedons par le benefice et par l’autorité de la loy, et non point par la volonté ou par la disposition de l’homme : Or la loy ne communique cette grace qu’à ceux que la naissance a soûmis à sa puissance : Il ne faut pas neanmoins mettre en ce rang les François que la curiosité, le commerce, ou la necessité de leurs affaires a portez en des païs étrangers, quoy qu’ils y soient mariez, leurs enfans même sortis de ces mariages retiennent toûjours le privilege de leur origine paternelle, quand il leur plaist d’y faire leur retour. Le voisinage et le commerce frequent que nous avons dans les païs étrangers a fait naître souvent parmy nous des questions de cette nature.
Me Isaac Basire s’étoit retité en Angleterre, étant encore fort jeune, il y fit ses études et devint Chapelain du Roy de la Grand Bretagne, et pour être capable de posseder les benefices comme un Anglois naturel, il obtint des Lettres qu’ils appellent de denixation, qui n’ont d’autre effet que l’acquerir à l’impetrant le droit de posseder des benefices, en suite il épousa une femme Angloise de laquelle il eur plusieurs enfans ; ces avantages qu’il trouva dans l’Angleterre luy firent negliger tous les droits qu’il pouvoit esperer en France, et quoy que son pere fût mort dés l’année 1637. il n’eut aucun dessein de repasser en France pour recueillir sa succession : Il en abandonna la poüissance à Pierre de Toqueville et à Pierre le François ses beaux-freres, mais en l’année 1647. le malheur du Roy d’Angleterre et le desordre de sa fortune l’obligerent à venir demander la succession de son pere, que jusqu’alors il avoit negligée. Sur l’action qu’il avoit intentée devant es premiers Juges il appela d’un incident en la Cour où le principal ayant été évoqué, Aubout, son Avocat, disoit pour luy que sa demande êtoit fondée sur un utre extrémement favorable, se dire fils de celuy dont il demandoit la succession, n’avoir que des seurs pour parties, et protester que son filence et son fejour en une terre étrangere n’avoient jamais alteré cette ffection qu’il devoit au lieu de sa naissance, sont des raisons assez puissantes pour ne le dépoüiller pas d’un droit qui luy appartient si legitimement, s’il est vray que les droits du sang sont inalterables, et que nos volontez et nos pactions ne puissent rompre cette étroite liaison par laquelle la nature nous unit ensemble, il n’est pas moins difficile de renoncer à son lieu natal, et de perdre les avantages de son origine, comme l’amour de la patrie doit tenir le premier rang dans nos affections, elle doit aussi nous ouvrir son sein et nous tendre les bras, quelque longue que soit l’absence qui nous en a separez, et de quelque climat que le souvenir d’icelle nous y ramene : Ces changemens de païs n’ont le plus souvent pour leur cause que l’interest, la cunosité, ou quelque force majeure ; mais tout cela n’est point capable d’étouffer ces secrettes inclinations que nous inspirent les lieux qui nous ont vù naître, leur souvenir nous y rappelle toûjours, et ton ne peut sans blesser l’humanité nous en interdire l’entrée, sur tout lorsqu’on n’a point fait paroître de volonté ni de dessein d’y renoncer pour jamais, et l’on ne peut donner cette explication à ces Lettres qu’il a obtenuës, qui sont tres-differentes de celles où l’on renonce à sa patrie pour s’engager ailleurs, car elles n’ont eu d’autre fin que de le rendre capable de posseder des benefices.
Je répondois pour de Toqueville que pour faire connoître fûrement si quelqu’un avoit renoncé à sa patrie, il faut considerer si durant son absence il a conservé quelque desir du retour, si habuerit animum redeundi, en ce cas il est toûjours demeuré citoyen, si au contraire il a fait son établissement ailleurs summam rerum ibi constituerit, ibi vita genus, statum, conditionem perpetua mora causâ delegerit, alors comme un transfuge et un deserteur il doit perdre tous les droits de citoyen. Il n’est pas difficile de prouver que le sieur Basire nous avoit abandonnez pour lamais, et qu’il s’étoit choisi un autre Prince, et une autre patrie.
Le droit d’origine parmy les Romains se perdoit en cinq façons, exilio, postliminio, reliectione, ou comme quelques-uns lisent rejectione, dicatione, et allectione. Exilio civitas amitti-tur, quia deportati fiunt MOTGREC : Postliminio verob cum quis aliquâ civitate donatus erat amittere dicebatur postliminio : On en trouve un exemple dansCiceron , Cicero pro Balbo, et dans le Digeste en la personne d’un Menander, lequel aprés avoir été fait citoyen Romain fut choisi pour servir d’Interprete à des Ambassadeurs. Ad populum latum est ut si domum revenisset et inde Romam rediisset ne minus civis efset : Celuy qui établit fixement son domicile ailleurs, civitatem rejicere dicitur.Chopin , l. 1. t. 11. du Dom. de France. Pour cette cause nos Auteurs ont fait cette remarque, que les François bien avisez qui accompagnoient les Princes, les Princesses, et même les Ambassadeurs, afin que leur sortie hors du Royaume ne les fit pas re-puter étrangers, obtenoient des Lettres du Roy pour conserver le privilege de leur naissance.
Sous le regne de Henry III. ceux qui suivirent Madame Marguerite pour être mariée avec le Duc de Savoye, firent lire au Parlement des Lettres de cette qualité : Le même Roy fit verifier une Declaration, qui contenoit que sa sortie hors du Royaume ne le rendroit point in-capable de la Couronne.
Cette manière de renonciation que lon appelle dicatio, se fait lorsque lon s’attache à un Etat étranger, qu’on y prend charge, qu’on s’y matie, en un mot quand on luy dédie tous ses roeux et ses espèrances, ce qui donna sujet à Ciceron de se moquer de certains Romains, lesquels étant à Athenes certo numero, certâ tribu sedebant, cùm ignorarent, si illam civitatem essent ndepri, suam perdidifse. Aussi Pomponius Articus refusa le droit de bourgeoisie que les Atheniens luy offroient, de peur de perdre celuy de citoyen Romain.
Mais Iabandonnement de sa patrie le plus exprés, est celuy qui se fait per allectionem, quand on se fait employer comme citoyen dans les Actes publics, et qu’on se fait adopter pour être vesormais un membre d’une autre Republique, ce que nous appelons se faire naturaliser. Le sieur Basire ne peut nier que sa patrie ne fait perdu pendant vingt-trois ans : Il a negligé de recueillir pendant dix ans la succession qu’il demande : Il s’est engagé à l’Angleterre par son mariage et par les benefices qu’il a acceptez, et pour preuve du dessein qu’il a de retourner en ce païs, il y a laissé les objets de toutes ses tendresses, sa femme et ses enfans., Mais que peut-il répondre à ces Lettres qu’il a obtenuës : On ne peut être membre de deux corps, ni citoyen de deux Republiques differentes, nemo unquam qui hanc civitatem retinere veller in aliam se dicavit : On peut aujourd’huy avoir deux domiciles. l. senatores. ff. de senat. l. privilegio. C. de incolis. Mais cela s’enrend de duobus domiciliis & civitatibus existentibus sub todem Principe : Cicero pro Balbo ; non possumus hujus civitatis esse cives et cujusois. O mira, praclara I erque divinitus jam à principio Romani nominis majoribus nostris ratio comparata ne quis no-trùm plusquam unius civitatis esse possit : dissimilitudo enim civitatum varietatem juris habeat necesse est
Il est vray que le demandeur desavouë de s’être fait naturaliser, et que les Lettres qu’il a obtenuës ayent cet effet, et il fait deux sortes de Lettres, l’une qu’il nomme Denixen, ou Denixation, et l’autre de naturalité. Je sçay que les Auteurs font de trois sortes de Lettees, les premieres s’appellent d’honneur, les autres de graces, et ad essectum, et les autres de natufalité : Celles d’honneur se donnent lors que quelqu’un pour marquer son affection et son estime envers quelque Republique, se fait mettre au nombre de leurs citoyens, ce qui n’emorte aucun changement de patrie ; aussi un Roy des Parthes demanda aux Romains le droit de cité, et les Venitiens la donnent encore comme une illustre recompense des services qu’on reur a rendus. Les Lettres ad effectum s’obtiennent pour obtenir des charges ou des benefices, ou quelques autres privileges ; mais les Lettres de naturalité égalent les étrangers aux originaires. Or par les Lettres du demandeur on luy accorde tous les privileges dont les Anglois naturels joüissent, ut sit posthac indigena, & in omnibus habeatur & teneatur tanquam fidelis ligius in regno oriundus, & omnia hereditamenta recipere, capere, emere, possidere, et gaudere, t sibi placuerit, possit ; La Coûtume d’Angleterre et la Loy d’Edoüard III. portent expressément que nul étranger ne peut être admis à posseder des benefices, et lorsque Philippes Il. depuis Roy d’Espagne, épousa la Reyne Marie, il promit expressément de ne pourvoir aux benefices que ceux qui étoient nés sous l’obeissance de cette Princesse. Cette cause ayant été appointée au Conseil, elle fut depuis jugée en la Chambre de l’Edit au Rapport de M’Buquet le S d’Aoust 1647. et par l’Arrest la succession fut ajugée au sieur Basire, parce qu’il seroit tenu de demeurer en France, et qu’il ne pourroit la vendre ni engager. On trouva que ses Lettres de dénization n’étoient pas de véritables Lettres de naturalité, parce qu’elles n’avoient pas été passées au Parlement d’Angleterre, sans laquelle formalité on ne peut devenir naturel Anglois
Une pareille question avoit été décidée en la Grand. Chambre le 26 d’Avril 1635. entre Denis tuteur des enfans de Marguerite, Huissier en la Chambre des Comptes, et Victor de Bathencourt. Ce Victor de Bathencourt aprés avoir demeuré plus de trente ans en Espagne, retourna en France pour recueillir la succession d’un de ses parens. Les parens regnicoles qui avoient pris cette succession comme plus proches et plus habiles à succeder au défunt, disoient que le demandeur avoit renoncé aux loix et aux droits de la France s’étant matié en Espagne, et ayant des enfans qui s’y étoient aussi mariez, ce qui marquoit ssa volonté de ne retourner plus en France, mais de demeurer en Espagne où il avoit établi le siege de sa fortune et son domicile perpetuel, ayant même porté les armes pour le service du Roy d’Espagne contre le Roy de France, ce qu’on offroit de prouver, qu’il ne revenoit en France que pour prendre les biens et les porter en Espagne où il avoit laissé. ses enfans : Bathencourt répondoit qu’il êtoit François d’origine, que sa demeure hors de France ne luy faisoit point perdre le droit de cité, et ne luy ôtoit point la capacité de succeder, et qu’il avoit toûjours eu la volonté de retourner et de demeurer en France : le Bailly de Roüen luy avoit ajugé la succession, ce qui fut confirmé par Arrest, parce que les deniers provenans des meubles seroient constituez en rente ou employez en héritage pour en joûir par l’intimé, sans pouvoir vendre ni aliener les biens de la succession.
Matthias Poulain avoit quatre fils, Pierre, Jules, Philippes, et Matthias. Pierre partit pour Espagne en l’année 1625. Il y épousa Antoinette de Nerves dont il eut plusieurs enfans. Il mourut en l’an 1633. et aprés la mort de Mattnias pere, Antoinette de Nerves revint en
France, et demanda part pour ses enfans à la succession de leur ayeul, elle en fut privée par Sentence. En l’an 1644. Pierre Poulain qui étoit resté seul des enfans de Pierre revint en France et demanda part à ses oncles, soûtenant qu’étant revenu en France perpetua mora causâ, il étoit habile à succeder suivant la l. 5. ad municipalem ff. natus ex patre Campano Campanus est, que son pere êtoit en Espagne peregrinans, non peregrinus. Le Vicomte l’ayant debouté de son action, sur son appel par Arrest du 7 de Février 1658. on cassa la Sentence et on luy ajugea part en la succession de son ayeul, sauf à l’acquereur à poursuivre ses interests contre son vendeur, sans restitution de fruits, plaidans le Févre pour l’appelant, et le Dain pour l’intimé.
Autre Arrest sur ce fait. Guillaume du Val demeuroit en Espagne depuis quarante ans, et il s’y êtoit marié, il demanda par un procureur une succession échûë en France : On luy ob jecta sa longue absence qu’il ne se presentoit que par procureur, et qu’il avoit môme obtenu les Lettres de naturalité ; ce fait étoit méconnu, et pour une preuve contraire du Val alléguoit qu’en Espagne il étoit Consul de la nation Françoise ; par Arrest du ré ou 17 de Decembre 1666. les parties furent reglées en preuves respectives de leurs faits, et cependant que le Bacquet trocureur de Val joüiroit jour de son action, en donnant caution de rapporter en définitive. Sur ces matieres voyez Bacquer, droit d’Aubeine ;Chopin , du Domaine ;Bodin , en sa Republique ;Du Fréne , en son fournal Journal des Audiences, l. 2. c. 66. de l’impression de l an 1652. où il cite un Arrest par lequel une femme Françoise mariée à un Anglois qui l’avoit menée en Angleterre fut reçûë à succeder en France, à condition de ne point aliener les immeubles qui luy écherroient, ou d’en faire le remploy en France. On doutoit autrefois si un François aprés une tres-longue absence êtoit censé avoir renoncé à son païs pour être exclus des successions qui luy pouvoient échoir en France ; la negative ne reçoit plus de difficulté, et il est toûjours reputé capable de retourner en France, et de recueillir les successions qui luy sont échûës, pourvû que l’on ne justifie point qu’il ait expressément renoncé à sa patrie ni porté les armes contre le Roy. On trouve un Arrest conforme à cette doctrine dans le purnal des Audiences, l. 5. c. 8. de l’impression de l’année 1652. pour un nommé Denis Pierre, lequel durant la Ligue avoit suivi un Capitaine Espagnol, et s’étoit habitué en la ville de Bruxelles, s’y étoit marié, et y demeuroit depuis soixante ans, sans pourtant s’être ait naturaliser sujet du Roy d’Espagne.
Pour être le plus habile à succeder, il faut être issu d’un mariage contracté suivant les loix et maximes d’un Royaume, car autrement un mariage peut bien valoir et subsister quoad fedus matrimonii, sans produire néanmoins les effets civils. Les Decretales et les Canonistes l’étoient extrêmement relachez, et on aveit établi plusieurs maximes contraires à l’ancienne discipline, depuis un siecle ; les Ordonnances de nos Rois ont taché de rétablir l’honnêteté publique et de conserver les familles, et particulièrement celle de 1639. suivant laquelle er plusieurs cas, sans toucher à la validité du mariage, on ne laisse pas de priver les enfans des effets civils et de les rendre incapables de succeder. Tels sont ces mariages qu’on a tenus clandestins et secrets pendant la vie, qui ressentent plûtost la honte d’un concubinage que la dignité du mariage : les enfans qui naissent de ces conjonctions sont incapables de toutes successions, aussi-bien que leur postérité. La même peine a lieu contre les enfans qui seront nés de femmes que les peres auront entretenuës, et qu’ils auront épousées à lextrêmité de leur vie Toute espèrance de succession leur est ôtée, et les biens sont conservez aux familles ausquelles ils doivent appartenir, voyezdu Fréne , Journal des Audiences, l. 2. c. 99. seconde partie du Journal des Audiences, l. 4. c. 46. sur tout l’Arrest de Mr de Caradas, sieur du Heron, Conseiller en la Cour, contre les enfans du sieur de Rames, est celibre ; sur cette matiere voyezdu Fréne , en son fournal Journal des Audiences, l. 6. c. 4. Cette doctrine a été suivie en ce Parlement, comme il fut jugé en la cause de Me François Barate, Avecat en la Cour : Le sieur Aveline.
Receveur des Aydes à Verneüil, avoit long-temps vécu en concubinage avec Marguerite Pingne sa servante, dont il avoit eu des enfans, étant à l’article de la mort il l’épousa et legitima ses enfans.
La cause fut plaidée solennellement en la Grand. Chan-bre, et par Arrest du 18 de Mars 1651 on confirma le mariage, mais on priva la femme et les enfans des effets civils, on ajugea néanmoins quinze mille livres aux enfans, et huit cens livres de pension à la veuve, pour laquelle faidoit Me Guillaume Lyout. Roti avoit entretenu long-temps Catherine Lasne, et plusieurs enfans étoient issus de ce concubinage, dans son lit de mort il les reconnut et déclara qu’il vouloit solenniser le mariage avec ladite Lasne, ce qui ne fut point fait ; aprés sa mort les enfans se firent uger capables de luy succeder. Roti, frère du défunt, en ayant appelé, le Petit, son Avocat disoit qu’une déclaration faite in extremis n’étoit pas suffisante, n’ayant pas été suivie de la celebration. De Galantine, pour ladite Lasne, disoit qu’elle avoit été ravie dans sa minorité par le défunt, qu’il avoit declaré sa volonté de l’épouser que cela suffisoit pour le mariage. la celebration n’étant pas de l’essence ; par Arrest du 1é de Mars 1656. la Sentence fut cassée et sur l’action hors de Cour : on leur ajugea néanmoins deux cens livres, si mieux n’aimoit ledit Roti leur quitter le tiers de la succession. Voyez les Novelles 89. et 91. de l’EmpereurLeon .
Depbis cette autre question s’offrit en l’Audience de la Grand Chambre : Poiblanc avoit nntretenu une femme dont il avoit plusieurs enfans, étans tous deux à l’extremité de leur vie ls s’épouserent. Comme ils ne laissoient aucuns biens, les parens se cotiserent pour noutrir les enfans, et même on leur institua un tuteur ; mais quelque temps aprés la succession d’une tante étant échûë, ils demandoient cette succession qui valoit cinq cens livres de rente. Elle leur fut contestée par des parens plus ésoignez, qui obtinrent Sentence à leur profit aux Requêtes du Palais.
Sur l’appel ces enfans soûtenoient que toute la parenté les ayant reconnus pour legitimes, leur état ne pouvoit plus être contesté par eux, qu’en tout cas les alimens leur étoient dûs.
On leur opposoit la rigueur de l’Ordonnance et les Arrests rendus sur ce sujet : Par Arrest de s de Decembre 1669. on confirma la Sentence, et neanmoins on leur ajugea cent-cinquante. livres de rente rachétables au prix du Roy, si mieux n’aimoient les heritiers leur abandonner le tiers de la succession. Cet Arrest ne peut être fondé que sur un motif de commiserationLorsqu’il s’agit de la succession du pere, comme les alimens sont dûs par le pere à ses enfans naturels, il étoit juste en observant l’Ordonnance et privant les enfans des effets civils, de sieur donner une pension alimentaire, sur tout lorsque le mariage n’est point declaré nul ; mais tes raisons cessent quand il s’agit d’une succession collaterale, sur laquelle les enfans ne peuvent demander de legitime, quand la succession échet aprés la mort de leur mere Godefroy, Ecuyer, sieur de la Gouberdiere, avoit long-temps entretenu Madeleine Auzout a servante, il en avoit eu quatre enfans, et étant âgé de soixante-cinq ans il luy signa un contrai se mariage devant un Tabellion, autre que celuy du lieu, par lequel il avoüoit ces quatre enfans ; et en suite étant allez à Bayeux ils avoient obtenu une Dispense de trois Bans du Vicegerent en l’absence de l’Official, et une permission au premier Prestre de célèbrer le mariage Le Curé de Vaucelles en fit la celebration, lors de laquelle le sieur de la Gouberdiere reconnut encore ses quatre enfans, il véeut depuis six mois avec cette femme ; aprés sa mort Godefroy, sieur de Ponthiou, son parent, contesta ce mariage et ayant saisi la Cour sur l’appel d’une Sentence qui ajugeoit une provision à la veuve, Greard, son Avocat, disoit que la Dispense des rois Bans êtoit contraire à l’Article 140. de l’Ordonnance de Blois, qu’il n’avoit pas même été au pouvoir du Vicegerent d’accorder cette Dispense, ni de la faire executer par le Curé de Vaucelles, qui n’étoit de sa Jurisdiction, que ce vieil Gentilhomme avoit été surpris ; et qu’on luy avoit fait reconnoître pour siens des enfans, nonobstant que cette femme eût déclaré qu’ils avoient un autre pere et que s’étant abandonnée à deux passans dans un bois, elle étoit devenuë grosse, que le sieur de la Gouberdière depuis ce prétendu mariage avoit conrinué à la traiter comme sa servante. Le Févre, pour Madeleine Auzout, répondoit que l’Ordonnance ne s’observoit que pour les fils de famille, comme on l’induit de l’Article même, qui porte que la Dispense doit être obtenuë sur la requisition des proches parens, que le Concile de Trente permettant la Dispense de trois Bans, il n’étoit pas besoin de la licence du propre Curé, quand on avoit celle de l’Ordinaire. La foiblesse d’esprit qu’on imputoit au défunt n’étoit point véritable, le seul mouvement de sa conscience l’avoit porté à l’accomplissement de ce mariage, et l’on avoit été contraint de le célèbrer ailleurs que dans la Paroisse pour prévenir les efforts et la violence de ces prétendus heritiers, qui devoroient déja par espérance cette ue cesaion, et la celebration ayant été faite en face d’Eglise, et en presence de quatre témoins, elle étoit tout à fait solennelle. La déclaration passée par cette femme ne pouvoit faire préjudice sa qualité ni à celle de ses enfans, ayant été forcée de la faire par le sieur de la Gouberdiere qui le désiroit ainsi, elle êtoit même ridicule dans les termes qu’elle étoit conçûë, et qu’enfin depuis la celebration de son mariage elle avoit toûjours tenu le rang de femme legitime, et on mary l’avoit traitée de cette manière. Par Arrest du 12 de Mars 1671. on confirma la Sentence de provision, et faisant droit sur l’appel comme d’abus, entant que pour la Dispense des trois Bans ; il fut dit qu’il avoit été mal, nullement, et abusivement dispensé, la celebration du mariage sortissant neanmoins son plein et entier effet, ladite Auxout fut condamnée à cent livres d’amende envers le Roy, et cent livres envers les pauvres de la Paroisse de Blagny.
Les enfans de celuy qui avoit contracté mariage avec une femme, dont il avoit abusé durant qu’elle étoit conjointe avec un autre mary, ont été déclarez incapables de succeder. Jeannen de la Mare fut mariée en l’an 1638. avec Denis l’Etondel, dit S. Amour ; ils eurent une fille en l’an 1643. qui fut baptisée comme legitime, et dés lors Robert Marc abusoit de cette femme, ce qu’elle reconnut par les articles sur lesquels elle fut interrogée ; mais ce qui en faisoit une preuve convaincante, quoy qu’elle eût fait baptiser cette fille comme sortie de son mariage avec l’Etondel, ors qu’elle la maria elle luy fit prendre le nom de Marc, qui étoit celuy de son adultere : Ce mary ne pouvant souffrir les débauches de sa femme abandonna le païs, et quoy qu’elle n’e ûr aucune preuve de sa mort, peu d’années aprés son depart elle épousa son adultere : Aprés la mort de Robert Marc sa succession fut prétenduë par Jean Marc son neveu, Controleur au Grenier à Sel du Havre ; elle luy fut disputée par cette Jeanne de la Mare au nom des enfans qu’elle avoit eus de Robert Marc. L’adultere êtoit constant par le propre aveu de cette femme, et l’affaire portée au Parlement sur un incident, je disois pour le sieur Marc que si l’on suivoit encore l’autorité des Loix les plus venerables et les plus solennelles, dont les siecles passez nous ont conservé la mémoire, on ne seroit pas en peine de traiter la question si le mariage de deux adulteres étoit valable, puisqu’elles punissoient ce crime de la peine de mort : Les Nations les plus anciennes et les plus sages l’ont estimé si énorme qu’elles l’ont puni rigoureusement, avant Moise même qu’il y eût des Loix qui le défendissent. Moise, le plus ancien de tous les Legislateurs. nous apprend que plus de trois cens ans avant qu’il fût né, la lapidation et le feu étoient la peine de l’adultere, on ne pardonnoit pas même aux veuves qui se gouvernoient mal, dont il fournit n exemple en Tamar, que Juda son beau-pere fit condamner au feu par le jugement de ses parens, parce qu’elle étoit devenue grosse durant son veuvage, et assurément elle eût souffert ce supplice si elle n’eût convaincu son accusateur d’être l’auteur de sa fautes Dieu même prononça depuis cette peine contre les adulteres, si moechatus quis fuerit cum xore alterius, & adulterium perpetraverit cum uxore proximi sui, morte moriatur adulter, Levit. 10. W. 10. e ne rapporteray point ce que les Arabes, les Egyptiens, les Grecs et les autres peuples en Moise Constantin ont ordonné, puisqu’ils se sont conformez aux loix de Moise : Que si Rome payenne ne punissoit ladultere que par la rrlegation, comme quelques-uns estiment, Constantin ne manqua pas de publier cette loy que sacrilegos nuptiarum gladio feriri jussit l. quamvis. C. de adult. et par les Constitutions des Empereurs Charlemagne et Loüis le Debonnaire rapportées dans e S. Livre de leurs Capitulaites, c. 325. sub penâ capitali adulteria in regno nostro à quibusvis fieri rohibemus.
Mais quand par une indulgence criminelle on accorderoit aux adulteres Iimpunité de leur crime, au moins on ne doit pas souffrir qu’ils s’unissent par le lien du mariage qu’ils ont si honteusement profané ; ce seroit un relachement, ou plûtost un renversement étrange de la discipline que de convertir léchafaut en un lit nuptial : les, Payens mêmes dans les siecles es plus corrompus, ont abhotré ces mariages. La seule loy Claudius Seleucus ff. de his quibus ut aeud. suffit pour montrer le jugement que lon a toûjours fait de ces mariages. Merius in adulterio Semproniae damnatus, eandem Semproniam non damnatam duxit in uxorem, qui moriens randem beredem reliquit ; quaro an justum matrimonium fuerit, et an mulier ad hereditatem admittatura Respondi neque tale matrimonium stare, neque hereditatis lucrum ad mulierem pertinere ; sed quod relictum est ad fiscum pervenire : On ne peut pas assez estimer lhonnêteté de ce Jurisconsulte, qui est le grand Papinien ; il vivoit dans un siecle tres-corrompu, cependant en condamnant si rigoureusement ces sortes de mariages, il n’y rechercha point d’autres defauts que celuy de fadultere, il ne désire point de promesses de mariage precedentes, ni de machination contre e mary ; c’est assez pour luy qu’une telle conjonction soit contre les bonnes moeurs, et contre Phonnêteté publique ; il ne s’arrête pas à condamner ce mariage ; il décide que ces personnes sont indignes de tous les avantages qu’elles se pouvoient faire, neque hereditatis lucrum ad mudierem, sed ad fiscum pertinere : pourroit-on avoir des sentimens plus purs et plus honnêtes dans une Religion qui ne condamne pas simplement l’adultere, mais qui défend jusqu’aux moindres regards qui ressentent la lasciveré, et qui publie cette doctrine, que c’est commettre adul-tere que d’en concevoir le desir. Aussi Mr Cujas donne cet éloge à cette loy, que sacris Conciliis congruit, in quibus aperté definitur quod adulterio damnata à nemine duci potest. Ce mariage. non seulement n’étoit pas permis, sed qui damnatam adulterii sciens duxerit in uxorem ex causâ denocinii punietur. l. Castitati. C. de adult. commissum adulterium, dit une autre loy, velamento matrimonii non extinguitur. l. commissum eod. c’est ce que décrit élegamment Martial Quod nubis Proculina concubino,
Et moechum modo nunc facis maritum,
Ne lex Julia te notare possit,
Non nubis proculina, sed fateris.
Aussi tant s’en faut que parmy les Chrêtiens on ait souffert ces mariages, l’on a été treslong-temps qu’on ne permettoit pas d’épouser sa concubine, quoy que le concubinage eût les apparences du mariage, matrimonium imitaratur. Nous lisons dans l’Epître deS. Basile . Basile, ad Amphiloc. que MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC : La fornication n’est point un mariage et ne peut même en être le commencement, parce que le fondement d’un tel mariage est condamnable et honteux ; et Grégoire I. écrivant à Felix, Evéque de Sicile, dit eam quam aliquis illicitâ pollicitatione maculavit in conjugium ducere nulli Chrictianorum vel licet vel licebit ; le même est décidé C. placuit. 31. 4. 1. que si la simple fornication est un empeschement au mariage, l’adultere en est sans comparaison un plus grand, puisque ce crime est plus énorme et qu’il produit des effets et des suites plus facheuses et plus criminelles ; c’est pour ces considerations qu’il est reprouvé par tous les Canons anciens. L’Eglise primitive êtoit fort éloignée de donner son approbation à ces mariages : Nous apprenons deS. Cyprien , l. 4. Epist. 2. Ad At. que primis temporibus fuerunt Epis-copi qui nunquam voluerunt dare pacem adulteris. Dans la Cause 31. c. 1. on rapporte l’autorité duPape Leon , ut nullus ducat in matrimonium quam prius polluit per adulterium. Il est vray que dans le Canon suivant on cite un passage deS. Augustin . Augustin qui ne desapprouve pas ces mariages, Denique mortuoviro cum quoverum connubium fuit, fieri potest conjugium cum quo fuit adulterium.
Mais ce passage a été cortompu en rétranchant la negative Ne, qui se trouve dans les Exemplaires
de l’impression deFroben , en ces termes, fieri non potest conjugium cum quo fuit adulterium : Et il y a beaucoup d’apparence que cette alteration n’a été faite que depuisGratien , tout ce que nous avons de Canons le décident de même ; et Gratien pour prouver que ducere non potest in matrimonium eam quam priùs polluit adulterio, cite un passage deS. Augustin . Augustin. Mr Cujas ayant remar-qué dans un vieil exemplaire de, qui est au Vatican, que cette négative Ne, est employée dans le texte, et il faut bien que Gratien Gratien l’ait entendu de la sorte, ayant dessein de prouver qu’on ne peut épouser celle qu’on a connuë par adultere, et c’est pourquoy à l’autorité du Pape Leon et deS. Augustin . Augustin, il ajoûte celle d’un Concile dont les termes sont con sidérables : Illud vero communi decreto fecundum Canonum instituta definimus, ut si quis cum uxore ilterius eo vivente moechatus fuerit, moriente marito Synodali judicio aditus ei claudatur illicitus, ne vi alterius conjungatur adulterio, quam prius polluit adulterio. Nolumus enim, & Religioni chritianae non convenit ut ullus ducat in matrimonium quam prius polluit per adulterium : Ainsi par le, sentiment des Payens, par la disposition des Loix civil, par le témoignage des Peres, par la pratique de l’Eglise, et par l’autorité des Conciles, l’adultere seul, sans autre condition et sans autre circonstance qui l’agrave, est un empeschement insurmontable au mariage.
On prétend que suivant les Decretales, et notamment par le Chap. significasti de eo qui duxii en matrimonium, l’adultere feul ne rend point le mariage nul, ni fidem dederint de matrimonio, aut mulier in mortem viri machinata sit : Je n’aurois pas d’interest à combatre ces Decretales, puisque cette femme a reconnu par son interrogatoire qu’elle n’avoit connu son adultere que sous promesses de mariage, et neanmoins il ne sera pas inutile de chercher le véritable sens de ce Chap. significasti.
Chacun sçait que la jurisprudence pour les mariages a eu comme trois âges : Dans le premier on observoit exactement la pureté et l’honneur dans le mariage en son principe, comme en a durée ; le consentement et la copulation ne faisoient pas un mariage, la volonté des peres et la benediction publique y étoient necessaires. Dans le second âge toutes ces belles maximes ont été renversées ; le consentement seul des parties et la copulation ont fait le mariage. mais dans le troisième on a rétabli les véritables regles, et on s’est départi presque de toutes les décisions qui se trouvent dans les Decretales sur ce sujet. En effet on a jugé en ce Parlement qu’un mariage célèbré avant la puberté parfaite étoit nul, contre la décision du C. con-tinebatur, et du C. dernier de dospons. impub. Qui oseroit aujourd’huy soûtenir que le consenement des peres pour le mariage de leurs enfans seroit plûtost de bien-seance que de nécessité, qui feroit une citation ex causâ presumpti et consummati matrimonii, qui soûtiendroit la validité d’un mariage sans bans, sans solennitez, sans benediction nuptiale suivant le Chap. is qui fidem, et le Chap. veniens, ne passeroit-il pas pour ridicule : En un mot qui entreprendroit de prouver par témoins des promesses de mariage, qui maintiendroit comme valable le mariage d’un concubinaire contracté in articulo mortis, entreprendroit de rétablir des maximes tout à fait abolies.
Si suivant la doctrine la plus pure qui se soit pratiquée dans l’ancienne Eglise le seul adultere sans autre condition, et sans aucune circonstance qui l’agrave, est un empeschement au mariage, il n’est point necessaire pour condamner le mariage d’entre les adulteres, qu’ils se soient donnez la foy de s’épouser, ou qu’ils ayent machiné la mort du mary, quoy que ce Chap. significasti semble désirer ces deux circonstances ; car si la promesse entre les adulteres orme l’empeschement au mariage suivant ce Chap. et si l’adultere feul n’y fait point d’obstacle, Il s’ensuit que ce n’est point l’adultere qui fait le crime, mais la promesse, et partant cette n romesse se trouvera plus atroce que l’adultere même. Cependant le C. si quis uxore vivente, a de ce même titre, décide que celuy qui durant la vie de sa femme a promis à une autre, n’est pas privé de l’épouser aprés la mort de cette premiere femme, dummodo nec ante uxorem nec post vivente legitimâ uxore cognoverit eandem : ce n’est donc pas la promesse en soy qui est criminelle, autrement il ne seroit jamais permis d’épouser celle à qui on l’auroit faite, et toutefois ce Chap. ne la desapprouve point, pourvû qu’elle n’ait point été consommée. C’est donc adultere qui fait le crime, et qui par consequent forme seul : l’empeschement au mariage ; que si l’on répond que ces deux conditions sont requises conjointement, que l’adultere sans la promesse et la promesse sans l’adultere ne suffiroient pas ; on replique que véritablement cette promesse jointe à l’adultere agrave le crime, mais il ne s’ensuit pas que sans cette condition. l’adultere feul ne soit assez criminel pour empescher le mariage. La cause et la source du mal est dans l’adultere, la promesse n’en est qu’une suite, et par consequent il en doit faire tout l’empeschement ; aussi ce n’a jamais été la pensée de ceux qui ont parlé les premiers de ces promesses : Ils ne les ont considerées que comme une circonstance qui rendoit le mariage. plus odieux. Le PapeAlexandre III . 2’été le premier qui en a parlé dans le Chap. 1. de ce titre. Il étoit question d’un homme qui durant la vie de sa premiere femme en avoit épousé une autre qui ignoroit son mariage ; aprés la mort de cette premiere femme il voulut se separer de cette seconde, sur quoy le Pape prononça licet in Canonibus habeatur expressum, ut nullus copulet matrimonio quam priùs polluerat adulterio, & illam maximè cui fidem dederat uxore suâ vivente, vel que machinata est in mortem uxoris, quia tamen prafata mulier erat inscia, respondi quod, nisi mulier divortium petat, ad petitionem viri non sunt separandi.
Les termes de ce rescrit sont remarquables ; le Pape declare que in Canonibus habetur expressum ut nullus copulet matrimonio quam prius polluit adulterio : Il reconnoit que les Canons défendent les mariages entre les adulteres, puis il ajoûte maximéque cùm fidem dederit vivente xore. Ces paroles n’ajoûtent pas une condition necessaire, elles siguifient simplement que cette circonstance rend encore ce mariage plus insupportable, c’est à dire que le mariage n’est point permis entre les adulteres par les Canons, mais sur-tout il est défendu d’épouser celuy qui idem dederit vivente uxore.
Mr Cujas l’a entendu de cette sorte sur le Chap. significasti : In hoc capite proponuntur duo casus, quibus que sciens se in pellicatum dedit nunquam fieri potest legitima uxor adulteri, si vivâ legitimâ uxore fidem viro dederit de matraemonio cum eo contrahendo, quia hec fides et prematura, et contra bonos mores, et inducit votum mortis captandae : Alter casus est si facto pellicis uxor interierit, verùm meâ quidem sententiâ etiamsi horum casuum nullus existat, dici potest eam que sciens se prabuit alii marito, nunquam posse et matrimonio conjungi, quiâ hoc abscisè scriptum est in Canonibus & Concilio, & in Concilio Triburiensi, et idem in c. 1. hujus tit. ut illa verba annuere videntur, & illam maximè. Idem est enim ac si diceret illis maximè duobus casibus non posse esse connubium inter illos, sed nec esse posse si illi casus deficiant, etiamsi nihil pellex in mortem uxoris machinata sit, nec illa vivente quasi matrimonium cum marito fecerit, inter eos connubium esse non posse Le Jurisconsulte Contius en ses Notes, ad l. commissum c. de adult. a soûtenu qu’il est superslu de requerir ces deux cas, parce qu’il faut présumer que naturellement ils s’y rencon-trent eo ipso pacta videtur de matrimonio, dés le moment qu’une femme s’abandonne à son adultere, elle luy engage sa foy, il ne luy reste plus que de l’aversion pour son legitime marys mais souvent elle n’en demeure pas là, elle s’emporte aux dernieres extrémitez. Adultera ergo venefica, touchant ces mariages voyezIves de Chartres , in Ep. ad Galterium Meldensium Episcopum, & quod traditur in C. cum haberet de eo qui duxit, &c De Cahaignes pour Jeanne de la Mare se défendoit par l’autorité des Decretales : Par Arest en la Grand. Chambre du 24 de Juillet 1665. on ajugea la succession au sieur Marc, sur ce déduit le quart pour les enfans, duquel quart la mere joüiroit du tiers par usufruit : Ainsi on jugea conformément aux conclusions de Mr l’Avocat General le Guerchois, que l’adultere seul empeschoit le mariage pour les effets civils, mais elle ne toucha pas au mariage. On avoit jugé le contraire en l’Audience de la Grand. Chambre le 30 de Mars 1629. pour la succession de François Davoines, elle fut ajugée aux enfans issus de luy et de Collasse Loüis qu’il avoit connuë, et dont il avoit eu des enfans du vivant de Demoiselle Anne du Buisson sa premiere femme ; mais ces enfans qui eurent la succession étoient nés depuis la mort de la premiere femme et durant le mariage. Il est certain qu’alors l’on suivoit aveuglément la jurisprudence établie par les Decretales aux questions de mariage, et que l’on s’appuya fort sur l’autorité deS. Augustin . Augustin, quoy que le passage ait été corrompu comme je l’ay remarqué. Les Ordonnances de nos Rois ayant rétabli l’honnêteté publique, on ne doit plus aussi s’attacher aux maxi-mes que l’ignorance et la corruption des siecles passez avoient introduites.
Une pareille question s’étant presentée aux Requêtes du Palais pour une personne de qualité, elle y fut jugée conformément à l’Arrest de Marc, par Sentence dont il n’y a point eu l’appel. Outre l’Arrest de Roussel et de Guillemine Lavechet rapporté sur l’Article 275. il y eut un pareil Arrest en l’Audience du 17 de Juin 1617. entre Massias et Robert des Magnes, Commis au Greffe de la Cour-
Une femme libre qui a eu habitation avec un homme marié n’est pas adultere, si elle a ignoré la qualité de cet homme ; pour empescher le mariage entre ces personnes-là il faut que sciens se in pellicatum dederit. Cela fit le sujet d’un procez entre Guillaume et Marie Sanson Cette seur soûtenoit que Guillaume son frere, étoit incapable de succeder à leur pere, quoy qu’ils fussent sortis d’un même pere et d’une même mere, elle prétendoit être feule legitime pour être née depuis le mariage contracté et célèbré, au contraire son frere étoit issu de leur mere pendant le mariage de leur pere avec la nommée du Plessis sa premiere femme : et par cette raison il étoit né en adultere, aussi on ne l’avoit considéré dans la famille que comme un e enfant adultere, et leur mere l’avoit mariée comme sa seule heritière, ce qu’elle offroit prouverLe frere prétendit que la preuve de ces faits n’étoit pas recevable, et que la seule allegation faite par sa seur la rendoit indigne de la succession de ses pere et mère, parce qu’elle découvroit une turpitude que le mariage avoit effacée, qu’elle ruinoit elle-même sa condition, car s’il avoit connu leur mere pendant son premier mariage, il n’avoit pû lépouser aprés. Or pour exclure son frère de la succession ce n’étoit pas assez d’alléguer que le pere eût eu cohabitation charnelle avec leur mère, si elle n’ajoûtoit que leur mere avoit connoissance que leur pere êtoit conjoint à une autre femme. Les Jurisconsultes ont fait distinction entre la femme quae conscia est adulterii, et celle que est inscia, une femme de condition libre, quoy qu’elle s’abandonne à un autre, n’est pas adultere si elle ignore sa condition. Cette ignorance rend son mariage. valable, et les enfans issus de cette premiere conjonction deviennent legitimes par le mariage subsequent, sufficit enim bona fides alterutrius conjugum, cap. ex tenore, qui filii sint legitimi. Le Bailly de Roüen ayant jugé au préjudice du frère, par Arrest du 17 de Decembre 1628. on cassa la Sentence et la seur fut déclarée non recevable à sa preuve, et la succession fut ajugée au frète, sans préjudice des droits de la seur. Les allegations de cette seur étoient trop odieuses pour luy en permettre la preuve.
Quand on a reconnu la legitimité on n’est plus recevable à la contrédire. Feré avoit épousé une fille nommée Harache ; les parens de cette fille avoient été presents et signé au ontrat de mariage, la reconnoissans pour fille legitime ; quelque temps aprés une succession où elle avoit part étant échûé, ces mêmes parens luy objecterent qu’elle êtoit fille d’un Prestre.
Le mary répondoit que de leur part ils avoient commis un dol qui les rendoit non recevables, l’ayant matiée comme legitime, l. siquis asseveraverit. ff. de dolo malo, iilegitima cum falsi nominis vel cognominis asseveratur, penâ falsi coercetur l. 13. Ad l. Corn. de falsis. Si ce defaut de naissance qu’on reprochoit à sa femme êtoit véritable, les parens seroient condamnables en ses interests, qu’il faudroit les proportionner au partage que sa femme auroit pû avoir, suivant l’Arrest du Parlement de Paris remarqué parRobert , l. 2. c. 17. Le parent collateral, pour défendre à cette fin de non recevoir, disoit qu’ayant été appelé à ce mariage avec les autres parens, il n’étoit pas en obligation de découvrir la honte de cette fille, que sa presence ou sa signature ne pouvoit faire qu’une illegitime fût legitime, l. non Epictolis Cod. de prob. Les déclarations mêmes des peres et meros ne peuvent donner cette qualité : Par Arrest du 15 de May 1631. on ajugea pour interest au mary et à la femme la portion qui luy auroit appartenu en la succession si elle eût été legitime ; le parent s’appeloit Hatache, il n’étoit pas juste que le mary fût trompé par la malice des parens.
Autre pareil Arrest sur ce fait. La mere et les frères de la Demoiselle de Cordoüan avoient allicié le sieur Joüan pour lors âgé de dix-huit ou de dix-neuf ans, étudiant à Caën, et luy firent signer un contrat de mariage en l’absence de tous ses parens ; mais la mere, les freresi et tous les parens de la fille y avoient signé et promis quatre mille livres, dont ils en constituerent aroo livres en cent livres de rente pour être la dot de leur seur, et le surplus fut appliqué pour don mobil. On prétendoit que ce mariage avoit été célèbré en une Chapelle, et on en produisoit une atrestation non signée. Joüan avoit demeuré chez les sieurs de Cordoüan deux ans comme étant marié avec leur seur, et de ce commerce il étoit né une fille. Les parens de ce jeune homme avoient fait plusieurs poursuites pour empescher ce mariage comme inégali le sieur Joüan êtant tiche de douze cens écus de rente, et Seigneur et Patron d’Amonville.
La seur des sieurs de Cordoüan étant morte, trois semaines aprés le sieur d’Amonville épousa la Demoiselle Bouver, et sept ou huit ans aprés il demanda aux sieurs de Cordoüan les deux mille cent livres qu’ils avoient promises à leur seur, et les 19oo livres pour son don mobil : ayant Eté condamnez à une provision de cent-cinquante livres ils en appelerent à la Cour, où ils disoient qu’ils ne devoient rien n’y ayant point eu de celebration de mariage, et par consequent l’enfant ne pouvant pas être legitime, il ne pouvoit demander la dot qui n’étoit promise à sa mère qu’en cas de mariage. Bouver, pour le sieur Joüan, répondoit que les sieurs de Cordoüan lavoient engagé avec leur seur, qu’ils l’avoient souffert vivre avec elle dans leur maison comme gens mariez, ce qui les rendoit non recevables à objecter la nullité du mariage et à contredire la legirimité de cet enfant, qu’ils étoient en mauvaise foy ayant dû faire célèbrer le mariage dans poutes les formes, puis qu’eux seuls y avoient engagé leur seur, et qu’il ne s’étoit rien fait que par leur ordre et par leur aveu, que leur défense ne procedoit que d’un motif d’avarice, ne voulant pas payer ce qu’ils avoient promis à leur seur. Par Arrest du 24 de Mars 1667. la Cour mit sur l’appel hors de Cour, et faisant droit au principal, sans s’arrêter aux attestations, il fut dit qu’il n’y avoit mariage, et néanmoins les sieurs de Cordoüan condamnez au payement des Lroo livres et aux interests, et condamnez en cent cinquante livres d’amende.
C’est une question célèbre si l’affinité dans le premier et second degré est un empeschement au mariage.Berault , sur l’Article 275. a remarqué un Arrest par lequel on déclara nul le mariage. contracté entre un homme et la veuve en secondes nopces de son baau pere, belle, mere de sa premiere femme, nonobstant la consultation des Docteurs de Sorbonne, qui approuvoient ce mariage.
Cette même question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre ; Loüis Ruaut avoit épousé en premieres nopces Elizabeth du Gué, et de ce mariage naquit Madeleine Ruaut qui fut mariée à André Hulin : Loüis Ruaut aprés la mort de sa premiere femme épousa Marie d’Argouges, dont il eut des enfans, et cette Marie d’Argouges donna le nom à un enfant d’André Hulin et de Madeleine Ruaut. Loüis Ruaut étant mort Marie d’Argouges sa veuve contracta mariage. avec le sieur Hulin, gendre de son mary et de l’enfant duquel elle avoir été marreine. denry Ruaut ; tuteur des enfans de Loüis Ruaut, argua ce mariage de nullité par deux moyens, le premier fondé sur l’affinité charnelle, et le second sur l’affinité spirituelle : cette cause fut flaidée solennellement ; Greard, pour le sieur Hulin, remontroit que pour avoir une parfaite connoissance de cette matière il ne falloit pas s’arrêter seulement à ce qu’on trouvoit écrit dans le Oigeste et dans la Compilation deGratien , il la falloit chercher dans l’histoire comme dans sa source naturelle, il falloit en observer le commencement et le pronrez, et examiner les raisons far lesquelles on a fondé les décisions qui ont été faites. Sur ce sujet les Canonistes ont fait trois genres d’affinité, le premier est l’alliance qui se contracte entre le mary et les parens de sa femme, entre la femme et les parens de son mary ; le second genre d’affinité qui se contracte entre le mary et les alliez de sa femme, et reciproquement entre la femme et les alliez de son mary ; et la troisième celle qui se contracte entre le mary et les alliez des alliez de sa femme, et entre la femme et les alliez des alliez de lon mary : Les exemples en sont proposez par la Glose sur le Ch. non debet de consanguin. et affinit. aux Decretales. Pour faire une affinité au premier degré il faut un mariage et deux personnes, pour l’affinité du second genre il faut deux mariages et trois personnes, et pour l’affinité du troisième genre il faut trois mariages et quatre personnes.
Cela supposé comme une maxime certaine, on doit observer que dans le Levitique on trouvebien que l’affinité au premier degré êtoit en quelque cas un obstacle au mariage, car cette pro-hibition n’avoit lieu que dans la ligne des ascendans seulement, et non point dans la ligne collaterale : Il étoit défendu d’épouser la belle, mère et la belle-fille, mais il étoit : si peu défendu d’épouser la veuve de son frere, qui étoit pourtant dans le premier degré d’affinité, qu’au contraire il y avoit une loy formelle qui le commandoit.
Il en est de même de l’ancien droit Romain, qu’on lise la loy des douze Tables et les loix Royales ; on n’y trouvera point la prohibition de ces mariages ; la premiere fois qu’on en a parlé c’est dans la loy 15. de ritu nupt. et ce fut à l’occasion du mariage de Caracalla que Papinien étendit cette affinité le plus loin qu’il luy fut possible. Les Jurisconsultes qui vécurent aprés luy ne se contenterent pas des prohibitions anciennes, ils en inventerent de nouvelles, ils nirent même l’adoption au même point que la nature, et comme si les fiançailles avoient fait une véritable union, ils défendirent le mariage entie la fiancée et les parens de celuy qu’elle avoit pensé épouser, inter me et Sponsam patris mei nuptiae contrahi non possunt, quamvis noverca proprié non dicatur, l. 12. de ritu nupt. Mais nonobstant ce tafinement ils ne s’aviserent point de l’affinité du troisième genre.
La primitive Eglise a reconnu dans la ligne directe l’affinité du premier genre seulement, Justinien mais enfin parce que les Jurisconsultes et Justinien même avoient étendu cette prohibition bien loin au-de-là de ses boines, on eut hente que des Payens surpassassent les Chrétiens en cette matière, et qu’ils eussent plus d’égard à la bien-seance et à l’honnêteté des mariages, qui parmy eux n’étoit qu’un simple contrat ; que ceux qui l’estimoient un grand mystere. Sur ce fondement on ne prit pas seulement leurs maximes, on alla bien au-de-là, on voulut que la simple fornication fût un empeschement de droit entre celuy qui l’avoit commise et la famille de celle qui l’avoit corrompué ; on voulut qu’il y eût une défense perpétuelle entre les enfans de l’un et de l’autre des conjoints, quoy qu’ils fussent sortis de differens mariages : Enfin ils introduisirent cette dernière espèce d’affinité du troisième gente qui avoit été jusqu’alors inconnuë : c’est ce qu’on voit décidé dans la Cause 35. d. 1. ce qui choqua dés lors plusieurs personnes ; Pierre deBlois , qui vivoit dans l’onzième siecle, avant le quatrième Concile de Latran, parlant de toutes ces affinitez qu’on avoit nouvellement inventées pour empescher la liberté des mariages, s’en explique en ces termes. Inveniuntur Canones ex quorum intelligentiâ triplex affinitatis genus & vicis diversorum graduum dictinctio industriâ scholari explicuit ; sed juxta conscientia meae judicium nova hec inventio & traditio magictralis matrimonio non prajudicat.
Enfin il survint le quatrième Concile de Latran tenu sousInnocent III . en l’an 1213. Dans. ce célèbre Concile on traita à fonds la mativr : de laffinité, et on trouva qu’il n’y avoit que affinité du premier genre qui produirir une véritable alliance, qui pût servir d’obstacle au mariage, et que ces autres espèces d’affinité que lun avoit inventées n’étoient à proprement parler que des chimeres et des rafinemens de Docteurs qui n’étoient fondez ni sur la raison ni sur l’Ecriture, qu’ainsi il étoit juste de les abroger. C’est ce qui fut formellement décidé dans ce fameux Chap. non debet, qui a été employé dans le Tit. de consanguin. et affinit. et cette autorité suffit pour la décision de la cause.
Mais parce que dans l’Arrest rapporté parBérault , la principale raison dont Mr l’Avocat General du Viquer se servit, fut de dire que l’abrogation portée par ce Chap. du second et troisième genre d’effinité, ne se devoit entendte que de la collaterale et non de la directe ; il faut répondre à cette prétention : Les termes de ce Chap. portent que l’on revoque les anciennes Constitutions qui avoient introduit ces deux genres d’affinité. Les mêmes Constitutions des Papes qui introduisirent le second genre d’affinité dans la ligne directe, l’introduisirent aussi dans la ligne collaterale ; cela se voit par le C. 12. c. 35. 4. 2. Donc par les teimes de ce Chap. la ligne directe est a-ssi-bien abrogée comme la collaterale. Si le Concile avoit eu dessein de laisser l’empesthement du second genre d’affinité dans la ligne directe, pourquoy ne l’auroit-il pas expliqué : Il ne peut tomber sous le sens que les Peres du Concile ayent ignoré que dans l’affinité du second genre il y avoit deux lignes ; celle des ascendans, et celle des collateraux, et s’ils l’ont sçû, peut-on penser qu’ils n’y ayent pas compris l’une et l’autre : Si le second genre d’affinité n’est point aboli dans la directe par ce Concile, il faut dire que à ligne directe du troisième genre n’est non plus abolie, car il n’est pas plus parlé de l’un que de l’autre ; aussi tous les Docteurs generalement l’ont entendu de cette manière.S. Thomas , de Matr. c. 5. traite la même question, et aprés avoir prouvé que l’affinité n’engendre paint l’affinité, et que celles du second et troisième gente n’en sont que des ombres et des images, il conclud enfin en ces termes, hec duo genera olim probnbita érant propter publica honestatis justitiam, potius quâm propter affinitatem, quia deficiunt à verâ affinitate ; sed illa prohibitio cessavit ver cap. non debet, et remanet tantum sub prohibitione primum genus affinitatis, in quo est vera affinitas. Covarruvias a été de ce même avis dans son Traité de impedimentis matrimon. parlant de l’afsinité il dit comme les autres, que celle du second et troisième degré n’est plus à present considérable, que c’étoit une invention des Canonistes qui s’étoient fait des obstacles et des empeschemens où le chemin êtoit tout droit, trepidaverant ubi non erat timor ; et il ajoûte que depuis le Concile on ne donne plus à present de Dispense à Rome, si ce n’est pour lever le Cujas scrupule des ames timorées. MrCujas, ad lib. 4. resp. Mosuer. aprés avoir expliqué cette loy 15. de Papinien de ritu nupt. voicy comme il conclud, At hec Papiniani sententia hodie abroguta est ex dlecreto Innocentii et persona de quibus in hac lege agitur, sunt in secundo genere affinitatis non in primo.
Mais on objecte que si on ne la considere pas comme un empeschement introduit par les Canons et par les Conciles, il la faut du moins considerer comme un empeschement de l’honnêteté publique qui ne peut souffrir ces conjonctions. Il est vray que l’affinité du second et troisième degré êtoit en partie fondée sur une espèce d’honnêteté publique qu’on auroit crû violer par le mariage : mais on n’a jamais appelé cet empeschement, l’empeschement de l’honnêteté publique, a toûjours êté l’empeschement de l’affinité, et cette affinité ayant été levée par le Concile, l’effet et la cause ont cessé en même temps. On n’a pas aboli l’honnêteté publique par la suppression de l’affinité, mais on a trouvé qu’il n’y avoit point d’honnêteté publique en ce cas, et par cette raison on a supprimé l’affinité comme l’effet d’une chose chimerique et qui ne subsistoit plus. Aprés tout, cet obstacle n’est pas un empeschement dirimant, il n’a la force tout au plus que d’empescher un mariage qui n’est pas encore contracté. Tout ce qui est prohibé ne devient pas un crime quand il est fait. Combien voit-on de mariages contractez du préjudice de la défense des Juges qui ne laissent pas d’être confirmez ; Combien en voit-on au préjudice de celles de l’Eglise qui ne laissent pas d’être valables : Multa fieri prohibentur, que si facta fuerint roboris obtinent firmitatem. t. De Matrim. contra interdict. Eccl. cont. Quand les choses sont entières il est bon de choisir ce qui est le mieux et le plus honnête ; mais quand le mariage est consommé il n’est plus temps de s’arrêter à la bien-seance, ce seroit une étrange nature de crime que la Justice jugeroit si grave, qu’elle n’en accorderoit point le pardon, et l’Eglise si leger qu’elle n’en donneroit pas seulement de Dispense. C’est la distinction qu’il fant faire entre cette espèce et celle qui fut décidée par l’Arrest remarqué parBerault . En celle-là on s’opposoit à un mariage que l’on vouloit contracter. En celle-cy on veut rompre un mariage célèbré et consommé.
Quant à l’affinité spirituelle on demeuroit d’accord qu’elle formoit un empeschement essentiel et dirimant, mais il n’y en avoit point de formelle, elle n’étoit que figurative, dautant que l’alliance spirituelle se contractoit seulement par le noeud du Sacrement de Baprême, c’est à dire quand le parrein et la marreine tenoient l’enfant sur les Fonds, que ladite Dargouges avoit seulement donné le nom à l’enfant un an aprés le Bapréme, auquel elle n’avoit point assisté, mais à la seule Ceremonie qui avoit été différée pour nommer l’enfant.
De Cahaignes répondoit que ces sortes de mariages blessoient si fort la pudeur naturelle, qu’il n’avoit pas été nécessaire de faire des loix pour les empescher : la raison feule apprenoit ssez qu’on devoit s’en abstenir et c’étoit mal argumenter que de conclure qu’ils n’étoient point défendus, puisque dans le Levitique on ne les a point mis au nombre de ceux qu’il n’est pas permis de contracter : il est vray que toutes les personnes et tous les degrez dans lesquels le mariage est prohibé, ne sont point exprimez dans les 18. et 20. Chap. du Levitique ; les termes de cette Loy divine êtans generaux, il n’y est fait aucune mention du mariage de l’ayeule avec quelqu’un de ses décendans, et cependant un tel mariage seroit abomi-nable. Il est défendo d’épouser la venve du ftère de son pere, et on ne parle point de la veuve du frère de la mère : Celui-cy neanmoins ne seroit pas moins criminel que l’autre.S. Basile . Basile Balsamon en son Epitre à Diodorus, et commentée par Balsamon, a montré que la Loy de Dieu défendoit à un homme d’épouser les deux seurs fuccessivement, et toutefois le Texte du Leviti-que n’en dit rien de formel. Les termes de cette Loy divme êtans generaux, aussioien que les raisons ont fait croire aux anciens Peres de l’Eglise que l’énumeration des degrez n’étoit pas parfaite, mais que Dieu se contenta de declater par forme d’exemple quelques person nes et quelques degrez qui comprenoient les autres, et qui étoient de telle qualité qu’ils servoient de regle et de loy pour les autres cas semblables ; et ces mêmes Peres ont remarqué que ces premieres paroles, omnis homo ad proximam sanguinis sui non accedet, nt revelet turpis rudinem ejus, et qui sont encore plus énergiques dans la vorsion des Septante MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, êtans generaux recevoient par interpretation les autres degrez non specifiez. Aussi les Moise Scribes qui ont expliqué cette Loy de Moise, ont étendu beaucoug plus loin ces prohibitions, suivant l’observation deFagius , sur le Chap. 18. du Levitique, et il n’est pas véritable qu’il ût si peu défendu d’épouser la veuve de son frere, qu’au contraire il y avoit une loy formelle qui le commandoit. Ce mariage n’étoit ordonné que quand le frere êtoit mort sans enfans, Deuteronom. 25. 8. 5. autrement il êtoit expressément défendu. Turpitudinem uxoris fratris. Josephe tui non revelabis. Levit. 18. V. 16. Et c’est pourquoy dans Josephe, l. 17. Antiquit. Judaic. c. 15.
Archelaus est blamé pour avoir épousé Glaphyra, veuve d’Alexandre son frère, parce qu’elle en avoit des enfans vivans.
Si dans l’ancien droit Romain on ne trouve point la prohibition de ces mariages, il ne s’enfuit pas qu’ils fussent permis ; car outre que les anciens Romains firent peu de loix sur ce sujet, étant conduits par la lumière naturelle, ils ne laissoient pas d’avoir en horreur toutes les conjonctions incestueuses et mal-honnêtes, et c’est d’eux que nous avons appris cette belle Maxime, que dans les mariages on ne doit pas tant considerer ce qui est permis que ce qui est honnête, et que la raison de l’honnêteté doit prévaloir sur toutes les autres, l. semp de ritu nupt. Je ne sçache pas que le mariage de l’oncle avec sa niece fût défendu par aucune toy écrite, et cependant par l’honnéteté de leurs moeurs ils s’étoient abstenus de ces mariages, et nonobstant un Senatusconsulte qui les autorisa, et la corruption du siecle où il fut publit l’exemple d’un Empereur ne fut imitée que par un flateur d’une condition mediocre.
Aussi quoy que nous ne lisions point de loy plus ancienne que la Décision dePapinien , on ne doit pas se persuader qu’il fût permis auparavant à la belle-mere d’épouser le mary de sa pelle-fille, puisque Rome payenne observoit tant de bien-seance dans les mariages et qu’elle ne vouloit pas même pratiquer ceux qui étoient autorisez par des loix, quand ils étoient con traires à la pudeur naturelle
Quoy qu’il en soit, il est certain que depuis Papinien ce fut un droit general et inviolable l. 15. de ritu nupt. non oportere in matrimonium convenire novercam ejus qui privigna maritus fuit.
Justinien Elle parut si sainte à Justinien qu’il la confirma solennellement dans ses Institutes, Inst. de Nupt.
La raison est que quand il se contracte une véritable affinité, l’effet en dure perpetuellement dans la ligne des ascendans et des décendans, parce qu’ils tiennent lieu de parens et d’enfans,Balduin . in 1nstit. de Nupt. 8. affinitatis. Qunm tractatur de nuptiis prohibitis ratione affinitatis, tractatur tantùm de iis quae prohibentur in venerandam memoriam affinitatis que fuit inter aliquos, et docet Papinianus in hac lege non tantùm inter eum que nurus aut socrus, & eum qui socer vel gener fuit, vetitas esse nuptias, sed inter eam etiam que nurùs fuit vel socrûs loco, non revera nurus aut socrus, & eum qui generi fuit aut soceri loco, non veré gener aut socer, ac primum eam que fuit quondam uxor privigni, non esse vitrico justam uxorem,Cujac . Ad lib. 4. resp.Papinian . Ad l. 15. de ritu nupt. La belle-mere ne peut épouser le mary de sa belle-fille, parce que cette bellefille luy tenoit lieu de fille, et par consequent ce mary luy tenoit lieu de gendre.
On ne peut donner assez de loüanges à ce Jurisconsulte payen, puisque ses sentimens ont été si purs et si honnêtes : et on a eu raison d’avoüer qu’il eût été honteux aux Chrêtiens de n’imiter pas de si beaux preceptes dans la pratique d’un si grand Mystere. Tous les anciens Canons se conformerent aux loix civil, et on ne prétend soûtenir cette honteuse liaison que par l’autorité du Chap. non debet, qui abolit l’empeschement du mariage au second et troisième dégré d’affinité, et on prétend que cette innovation doit être étenduë jusqu’à la ligne des ascendans et des décendans : que cela même a été reconnu par tous les Docteurs, et particulierement par Mr Cujas en ses Commentaires sur cette loy dePapinien , et qu’enfin on a panni tout le serupule que les consciences timorées pouvoient avoir de ces mariages.
Il est bien vray que les Docteurs ne doutent point que le second et le troisième genre d’affinité ont été rétranchez par ce Chap. non debet, mais ils ne se sont pas expliquez précisément si ce Chapître doit être entendu de l’affinité du second dégré contractée en la ligne des ascendans et des décendans ; et il est sans doute beaucoup plus à propos de restreindre la disposition de ce Chapître à la ligne collaterale, puis qu’autrement il renverseroit les plus saintes Constitutions, et choqueroit la bien-seance et l’honnêteté publique, laquelle ayant servi de fondement à cette affinité du second et troifième degré ne doit point être violée.
C’est aussi de cette manière que la Cour lexpliqua en la cause qui fut jugée par lArrest rapporté parBérault , et qui fait la décision de celle qui s’offre à juger. La difference qu’on apporte entre lune et lautre espèce n’est point considérable. On convient qu’il y a des causes qui peuvent servir d’empeschement à un mariage que lon veut contracter, qui ne sont pas toutefois assez puissantes pour le dissoudre quand il a été consommé, mais il n’en est pas de même quand les empeschemens sont dirimans, et que le mariage ne peut subsister sans en violer la pureté : Févret, en son Traité de l’Abus, a estimé que si les personnes qui se veulent marier se trouvoient en ligne superieure d’affinité, il y auroit un empeschement tel que le Pape même n’en pourroit dispenser ; et aprés avoir rapporté l’Arrest de ce Parlement il en rapporte un autre contre un autre Normand qui avoit obtenu par surprise un rescrit contenant dispense pour épouser la reuve du fils que sa femme avoit eu d’un precedent mariage : Sur l’appel comme d’abus par es parens de l’execution du rescrit, il fut dit mal, nullement et abusivement procedé et executé, et défenses aux parties de passer outre à la solennifation du mariage à peine de la vie ; les parties’étant pourvûës contre cet Arrest au Conseil Privé du Roy, il y eut Arrest confirmatif de celuy lu Parlement de Normandie aprés qu’un Conseiller d’Etat eût demandé l’avis du Parquet de Messieurs les Gens du Roy sur le sujet de la validité ou invalidité du rescrit Apostolique, mais il y a apparence que c’est le même Arrest contre lequel on se pourvût au Privé Conseil du Roy, et le même que Berault a remarqué, et non un autre comme l’a crû.Morfac , dont Févret Févret a emprunté cet Arrest, ne s’en est pas expliqué nettement, ayant seu-lement coté la datte de l’Arrest du Conseil de l’année 1610. Ad l. 15. de ritu nupr. Pour l’emeschement de l’affinité spirituelle les Canons y étoient si exprés qu’on n’y avoit répondu que par une défense frivole., Mr l’Avocat General le Guerchois ne manqua pas de prendre de party de l’honnêteté, et il excita, la Cour par un discours éloquent et fort docte à suivre l’exemple de ceux qui avoient tenu leur place auparavant, comme de son côté il suivoit l’eremple de Mr l’Avocat General du Viquet, qui considera ces mariages comme êtant non seu-ement défendus, mais detestables ; la Cour neanmoins appointa la cause au Conseil. Depuis e sieur Hulin craignant l’évenement de son procez l’évoqua au Conseil, sur ce pretexte que c’étoit une matiere purement Ecclesiastique, qui ne pouvoit être traitée que par devant le Juge d’Eglise, et que la question en étant singuliere, elle ne pouvoit être décidée que par sa Majeste. Durant les poursuites qui se faisoient au Conseil Hulin mourut, il n’y eut point d’ac-commodement avec la mère de ses mineurs, et les parties firent donner un Arrest au Privé Conseil du Roy le 9 de May 1670. par lequel on déclara qu’il n’y avoit abus en la celebration du mariage : On se pourvût contre cet Arrest, mais il fut confirmé par un second Arrest du Conseil de l’an 167é
Au mois de Mars de l’année 1672. en l’Audience de la Grand. Chambre du Parlementi de Paris, on commença la plaidoirie d’une cause célèbre entre René du Chéne, Ecuyer, sieur de Marevite, et Demoiselle Loüise du Chéne fa soeur, enfans de la Dame de Broc, appelans comme d’abus d’une Bulle en forme de Dispense de mariage, et de l’enterinement d’icelle par l’Official de Mr l’Evéque d’Angers, et de l’Acte de celebration, et de tout ce qui fail avoit été en consequence ; et Dame Marie Madeleme de Broc, femme autorisée en Justice, au refus du sieur Marquis de Jalaine son mary, et avant épousé en premieres nopces Messire Sebastien de Broc, Vicomte de Foultourte, intimez. La question êtoit de sçavoir si une Dispense le mariage obtenue par une petite niece et un grand oncle étoit juste et canonique, et si le Pape avoit pû valablement l’accorder, ayant été exprimé que les parties étoient parens au troisième degré, sans expliquer du premier au troisiéme3
Le fait étoit que feu Sebastien de Broc êtoit grand oncle paternel de la Dame intimée, étant tiche de trente mille livres de rente, et âgé de soixante et dix ans, il luy prit envie de se remarier pour la troisième fois à la Demoiselle Bigot de Lignière ; mais ses neveux voyant que cela alloit à leur ruine, luy ôterent de l’esprit le dessein d’épouser cette Demoiselle, et du concert de toute la famille luy firent con acter mariage avec ladite Demoiselle Marie Madeleine de Broc sa petite, nièce, dans la vûë de conserver le bien dans la famille, en cas qu’elle en eût des enfans, et pour tout avantage il promit à cette Demoiselle, âgée de quatorze ans, six mille livres de doüaire, ce qui faisoit le sujet du procez. Pour accomplir ce mariage le grand oncle obtint une Dispense de Rome adressée à Mr l’Evéque d’Angers ou son Official, et ayant fait faire un arbre genealogique, par lequel il paroissoit que les parties étoient parens du premier au troisième degré, l’Official d’Angers fit fulminer la Bulle, et permit aux parties de se marier, et en suite les parties qui demeuroient au Mayne obtinrent une Dispense de Bans de Mr l’Eveque dlu Mans.
Les appelans disent que la Dispense de mariage et la Sentence de fulmination sont nulles et abusives. Pour la Dispense, il y a obreption, il y a nullité, et il y a abus : L’obreption est apparente, parce que l’on n’a pas exprimé au Pape la qualité du degré de parenté ; sçavoir, qu’il étoit du premier au troisiéme, laquelle expression n’auroit pas seulement rendu le Pape plus difficile à accorder la Dispense, mais luy auroit donné un moyen legitime de la refuser.
Les impetrans dans leur supplique par un artifice et par une reticence captieuse, se sont contentez de representer qu’ils étoient au troisième degré, sans parler de la distance et de la difference du degré, quia tertio consanguinitatis gradu invicem sunt conjuncti. On en est demeuré là, on n’a point dit que Sebastien de Broc fût grand oncle, et Demoiselle Marie Madeleine petite niece, parce qu’on sçavoit bien que cette diftance du premier au troisième faisoit un empeschement legitime et canonique, qui dissuaderoit le Pape de donner aucunes Lettres de Dispense, principalement dans la conjoncture particulière d’un mariage, er laquelle il n’y avoit aucune nécessité ni cause legitime, ni interest de famille pour dispenser les parties : Le defaut d’expression fait une obreption et une subreption, laquelle non seulement par le droit commun, tel qu’il est dans tout le titre de Rescriptis, rend les Bulles de dispense suspectes de fausseté, mais encore suivant les dernieres Constitutions des Papes et selon l’usage present de la Chancellerie Romaine, les rend absolunent nulles ; car les Papes, Pie IV. Grégoire XI.Clement VI . et Pie V. ont fait des Constitutions singulières, par lesquelles ils ont ordonné que doténavant on ne seroit pas seulement mention du degré le plus éloigné, mais encore du plus prochain. Leur disposition. st rapportée dans celle de Pie V. en ces mots : Caverur quod in difpensationibus matrimonialibus pro diversis consanguinitatis seu affinitatis ex eodem stipite provenientibus gradibus conjunctis ; non remotioris solum, praeut olim fieri solebat, sed etiam propinquioris graduum, expressa mentio fieri debeat, atioquin dispensationes ac desuper confectae littere nullius sint roboris vel momenti. Ce Pape a renouvelé et confirmé de son temps une si sainte Ordonnance établie par Pie IV. son Predécesseur, et encore que nous n’admettions pas en France ces sortes de Decretales, qu’aprés qu’elles ont été enrégistrés en la Cour de-Parlement, néanmoins quand elles se trouvent conformes aux Canons nous les recevons, non pas comme des regles de la Chancellerie de Cour Je Rome, mais comme des dispositions du droit commun, lequel est si juste que les Canonistes les plus relachez ont été obligez de le reconnoître. Sanchez, en son Livre 8. de Difpens. difput.
a num. 32. expliquant cette Ordonnance de Pie V. a dit que toutes les Dispenses où l’on n’avoit pas déclaré la qualité du degré étoient subreptices et nulles. 30. Obserzandum est, dit-il, quande tropinquior gradus stipiti fuerit primus, nullatenus valere dispensationem, in quâ solius remotioris mentio fit, ut si quidam velit ducere neptem fratris sui s c’est la propre espèce du degré dont il s’agit hic contracturus distat à primo stipite, in primo gradu cum tertio, ce que nous appelons du premier au troisième, si in his eventibus solius remotioris gradus mentio fiat, non explicatâ distantiâ alterius contrahentis à stipite in primo gradu dispensatio erit prorsus subreptitia. Petrusde Ledema , en son Traité du Mariage, Quest. 54. Art. 2. a été de même sentiment. PyrrhusCorradus , Chanoine de Naples, lequel a donné depuis vingt ans un Livre au public de toutes les sortes de Dispenses qui sont à present usitées à Rome, parlant de celles dont il est question, dit qu’on est tellement obligé d’exprimer la difference du degré, que dans les Lettres on a accoûtumé de mettre cette clause, distantiam vero gradùs eis non obstare déclares. Véritablement il ajoûte que si l’on avoit comis de déclarer la distance et la qualité du degré, on pourroit suppléer ce defaut par d’autres Lettres déclaratoires, et il en rapporte à ce sujet une dernière Constitution de Pie V. interpretative de celle de Pie IV. en laquelle se trouve cette clause, obtentis tamen postea super propinquiore litteris declaratoriis : et encore que cet Auteur moderne expliquant cette Constitution estime que le defaut des Bulles déclaratoires n’empesche pas que la Dispense ne soit valable en soy, neanmoins il demeure d’accord que quand la Dispense est du premier au troisiéme, ce defaut, et d’expression, et de Lettres déclaratoires la rend nulle, à cause de ces mots que Pie V. a mis dans cette Constitution : Dummodo primum quoquo modo non atiingant gradum, cum in eo Sanctitas sua numquam dispensare intendat. Il ne sert pas de dire que dans le droit Canon on regarde le degré le plus éloigné, et non pas le plus proche, et que la Demoiselle Marie Madeleine de Broc étant au troisième degré, auquel le Pape pourroit dispenser, il faut considerer son degré, et non celuy de Sebastien qui est au premier, parce que cette regle de droit qui est dans le Chapître dernier extra de consanguinit. et affinit. remotiorem gradum non proximiorem attendi, n’a lieu qu’entre les parens qui sont en égal degré, comme des cousins germains, ou issus de germains, mais non pas entre ceux qui sont en inégalité de degré, dont il y en a Hostiensis qui representent les peres ou ayeuls ; ce qui a été premièrement remarqué par Hostiensis Duaren lur le Chapître quod dilectio, de consanguini et affinit. et en suite par Duarein, sur le Titre foluto matrimonio. Ea regula ita videtur accipienda, nisi alter propinquus sit communi parenti, ut uno tantùm gradu ab eo distet, quo casis abstinere debet ab eorum nuptiis, non enim videtur Canon Pontificius, utcumque ejus verba generalia sint, hunc casum in quo specialis ac singularis ratio estcomplecti, nam hic Canon Pontificius sieut de parentibus ac liberis non intelligetur, ita nec de his qui parentum liberorumque locum obtinent. EtMuret , sut le : Institutes, marquant l’usage de son temps, dit que pour la validité des Dispenses, il y a necessité, quand cette inégalité de degré se rencontre, d’exprimer la qualité de cette distance. Quoties potestas contrahendi matrimonii vetitur inter eos qui non aequaliter distant à communi stipite, non fatis est dicere in libello supplici, tos inter se esse in hoc aut illo gradu, sed exprimendum quoto gradu.
C’est pourquoy, soit que l’on considère la disposition du droit commun, soit les Constitutions particulières des derniers Papes, soit l’usage de la Chancellerie de la Cour de Rome, soit l’opinion les Canonistes Romains, même les plus relachez, les impetrans de la Dispense dont il s’agit, n’ayant point exprimé la qualité de leur degré de parenté, et pour couvrir ce manquement d’expression, n’ayant point obtenu de leur vivant aucunes Bulles déclaratoires, cette Dispense est entièrement obreptice et subreptice.
Il y a aussi nullité dans la Dispense en ce que cessant l’obreption, et quand on auroit exprimé du Pape le degré de parenté de Sebastien de Broc et de la Demoiselle Marie Madeleine de Broc, le Pape n’auroit pû les dispenser de contracter mariage, parce que la prohibition de se marier entre l’oncle et la nièce, le grand oncle et la perite nièce, est en quelque façon de droit divin et du droit des gens. Les Commandemens qui sont marquez dans le Chapitre 18. du Levitique, touchant les degrez défendus du mariage, ne sont pas et ne doivent pas être considérez comme des regles de police, mais comme des preceptes de la nature et des moeurs, lesquels sont autant obligatoires sous la Loy de Grace, et depuis létablissement du Christianisme, Moise comme ils étoient auparavant sous la Loy de Moise. Tous les termes dans lesquels ce Chapître 18 est conçû marquent que ces preceptes sont naturels et non cérémoniaux. Au commencement Moise et à la fin Moise fait dire à Dieu que ce sont ses Commandemens, judicia mea, precepta mea.
Quand il fait la défense il se sert de ces mots, non revelabis turpitudinem, qui marquent et signifient la pudeur et lhonnêteté naturelle : La peine qui est ordonnée contre les contrevenans est de la mort et du sang, laquelle n’est pas ordinairement imposée pour les loix et les preceptes de ceremonie, omnis anima que fecerit de abominationibus his quidpiam peribit de medio populi suiCe mot d’abomination marque une contravention au droit naturel, il veut même que les Gentils qui commettoient ces incestes, qui sont marquez par des termes d’execration et de pollution, soient punis, ce qui montre que cette loy fondée sur le droit de la nature, qui est commun à toutes sortes de personnes, obligeoit et lioit aussi-bien les étrangers que les Juifs. S. Jean Baptiste, dont le ministere semble avoir été la fin de la Loy ancienne, a : t’il pas commandé l’observation de ce precepte, quand il reprocha à Herodes d’avoir épousé la femme de son freres S. Paul a-t’il pas anathemarisé l’Incestueux de Corinthe qui avoit peché contre la disposition de cette ancienne Loy du Levitique, pour nous enseigner que cette défense n’étoit pas d’un simple droit céremonial, mais étoit établie sur un droit divin et naturel qui est immuable ; Dans ce Chapitre 18. il est dit expressément, turpitudinem Patrui non revelabis, qui est l’oncle paternels en un autre endroit, turpitudinem sororis Patris tui non revelabis, qui est la tante paternelle ; et en suite, turpitudinem sororis matris tué non revelabis, qui est la tante maternelle. Quoy qu’il ne soit point parlé des grands oncles et des grandes tantes, ils sont compris sous ce premier degré, parce qu’il y a même raison. Les termes de cette Loy divine êtans generaux, aussipien que les raisons ont fait croire aux anciens Peres de l’Eglise et aux Modernes que l’énu-meration des degrez contenuë dans ce Chapître 18. du Levitique n’étoit pas parfaite, mais qu’elle ne proposoit que par forme d’exemple les degrez qui composoient les autres, et ils ont remarqué que ces premieres paroles, omnis homo ad proximam sanguinis sui non accedet, ut revelet turpitudinem tjus, êtans generales recevoient par interpretation les autres degrez non specifiez.S. Basile . Basile, en son Balsamon Epître à Diodorus inserée avec les Conciles d’Orient, et commentée par Balsamon, a-t’il pas nontré que la Loy de Dieu défendoit à un homme d’épouser successivement les deux seurs Cependant le Texte du Levitique n’en dit rien de formel, mais il prouve par une consequence decessaire qu’il faut étendre un cas à un autre semblable. Les Peres Grecs du Synode tenu in Trullo ont-ils pas dans le Chapitre 54. ajoûté plusieurs autres personnes qui n’étoient pas comprises dans cette prohibition ;. Les Peres Latins, sur le même fondement et par une semblable interpretation ont étendu ces degrez prohibez aux autres.S. Ambroise . Ambroise, en l’Epître 66. ad Paternum, dit que la Loy divine avoit défendu le mariage des cousins germains. Quid enim est quod dubitari queat, cum lex divina etiam Patrueles fratres prohibeat, convenire in conjugalem copulam. Neanmoins dans le Levitique il n’est fait aucune mention des cousins germains.
S. Augustin . Augustin, en son Livre 15. de la Cité de Dieu, Chapitre 16. dit-il pas que l’Eglise a rejetté ces nopces des cousins germains, quoy que la Loy de Dieu n’en eût point parlé. S. Grégoire, consulté par Augustin Evéque d’Angleterre, défend les mêmes nopces, et ne se fonde que ur la prohibition generale du Levitique. Sacra lex prohibet cognationis turpitudinem revelare.
Le PapeJean VIII . écrivant à Aitard, Archevéque d’Ausche, et à ses Suffragans, touchant les incestes qui étoient frequens dans cette Province, dit que la Loy du Levitique n’oblige pas seulemeur les Chrêtiens plus que les Juifs, mais que les degrez de parenté prohibez par lEglise y sont compris. Et si Deus Hebraico populo ante incarnationem unigeniti filii sui hec servanda mandavit quanto amplius nos qui Christianae Religionis documenta tenemus, ab illicitis. Masius Drusius onnubiis observare debemus. Masius, et aprés luy Drusius, les plus sçavans Interpretes que nous Josué ayons sur le Chapitre 15. de Josué, ont suivi le sentiment des anciens Peres de l’Eglises tratris filiam ducere uxorem, et si connubiales leges que in Levitico sunt scripta apertè non vetent, tamen id tacité obscuréque faciunt consectariâ quadam ratione, cum Amitam, item Maternam, item Patrui uxorem duci prohibent, sunt enim illae paris cum fratris filiâ propinquitatis necessitudine nobis conjunctae.Fagius , sur le Chapitre 18. du Levitique ; ajoûte qu’il faut dire la même chose des grands oncles et des grandes tantes ; la raison qu’il rend est que le même droit naturel qui a pour objet la pudeur et l’honnêteté, défendant à une nièce d’épouser son oncle, qui represente le pere, défend aussi à la petite nièce d’épouser son grand oncle. FrançoisHotoman , en son Livre singulier, de castis nuptiis, Chapitre 7. a été de même sentiment. Quod de Patruo Avunculo Amita Materna in Levitico sancitum est, etiam ad propatruum proavunculum, proamitam, promaterteram producendum esse rationis paritas ostendit, nimirum quia fecundi patris, fecunda matris propinqui sunt, farque parentum locum ac numerum obtinent. M’Charlesdu Moulin , en sa Notte qu’il a faite sur le Chapitre litteras extra de restitut. spoliatorum, a positivement assuré que les prohibitions contenuës dans le Chapitre 18. du Levitique étoient de precepte divin moral, et que le Pape n’en pouvoit dispenser, et répondant aux Canonistes qui tiennent que le Pape ne peut dispensers per honestatem, sed bene per potestatem, il dit que cette distinction est teméraire, tenent non posse dispensare per honestatem, sed per potestatem, quod est nimis audax et temerarium dictum, et sur le Conseil 602. deDecius , il dit qu’elle est ridicule et illusoire, est irrisoria et Textùs contorsio : Jurisconsulti verb quando serio loquuntur tenent negativam. Antoine le Comte a fait un Chapître exprés dans le Livre second lectionum succissivar. où répondant à ceux qui prétendent que la Loy du Levitique et celle des mariages étant un precepte prohibitif, praceptum prohibitorium, Il ne doit pas être étendu, dit que cette Loy êtant fondée sur l’honnêtéré naturelle, il faut en faire extension aux personnes et aux degrez où il y a semblable raison. Moises nominatim non prohibuit duci neptem fratris & deinceps ; ergo permisit, Moses nominatim non vetuit, nequis eodem tempore binas habeat uxores ; ergo permisit, sed generale praceptum Mosaica prohibitioni oraferunt ut omnis, homo non accedat ad proximam sanguinis sui, satis excludere videtur regulam vistam de prohibitoriis legibus, neque tutum est dicere, generi eo loco per Speciem derogari ; et en suite de ce même Chapitre, il conclud que les oncles et les grands oncles sont dans la prohibition des mariages.
Mais quand on supposeroit que cet empeschement de se marier entre le grand oncle et la letite nièce ne seroit pas de droit divin, il est toûjours vray. de dire qu’il est du droit des gens, et par consequent que l’on n’en peut donner de Dispense. La nature a imprimé dans l esprit des hommes ce respect et cette pudeur de s’abstenir de la conjonction de toutes les personnes qui representent nos peres et nos meres, ou ceux qui sont en ligne afcendante ; et comme les roncles et les grands oncles tiennent lieu de peres et d’ayeuls, aussi font-ils dans la même défense. Les prohibitions des mariages pour cause de la parenté sont fondées en partie sur l’autorité du droit naturel, en partie sur la disposition de la Loy civil. Les Loix des Payens, et celles des Empereurs Chrêtiens, ont eu pour but principal l’honnêteté publique, Semper m Modestinus conjunctionibus non solûm quod licet, spectes, sed & quod honestum sit, dit Modestinus en la Loy 197. De Regul. Jur. L’EmpereurDiocletien , en une Loy qui ne se trouve point ailleurs que dans le Pariateur de la Loy Mosaique avec la Romaine, que Pierre Pithou nous a donné recommande dans les mariages cette même honnêteté que la nature a inspirée à tous les hommes, In quo id etiam providendum quam maximè esse censuimus, ut matrimoniis religiosè atque le-gitime juxta disciplinam juris veteris copulatis tam eorum honestati, qui nuptiarum conjunctiones Jectantur, quam etiam his qui cum deinceps servatâ religione nascentur, incipiat esse consultum, & S. Augustin honestate nascendi etiam posteritas ipsa purgata sit. Et 8. Augustin, dans le Livre 15. de Civitate Dei, cap. 15. dit que la Nature dans les mariages a mis de certaines bornes qu’il n’est pas permis de passer, Si iniquum est aviditate possidendi transgredi limitem agrorum, quanto est iniquius libidine concumbendi subvertere limitem morum.
Les Romains qui de toutes les Nations ont été les plus religieux observateurs de cette honnêteté des mariages, et ont le plus soigneusement conservé ce droit naturel, ont fait deux sortes d’incestes, l’un appelé incestum jure gentium, l’autre incestum jure civili. La premiere espece est attribuée au droit naturel, que les Interpretes appellent secundarium, qui est commun à la pluspart des nations et des peuples bien policez, au moins de ceux, qui comme dit Theophile aux Institutes De jure naturali, vivent sclon la véritable raison ; ces incestes, comme plus atroces, sont plus rigoureusement châtiez que les incestes introduits par le droit civil l’abomination de ces conjonctions illicites a porté les Legiflateurs à des peines extraordinaires contre les contrevenans, et à punir même ces crimes en la perfonne des mineures, des femmes, des soldats, et des serfs, nonobstant les excuses qu’ils peuvent alléguer de l’ignorance du droit. L’autre inceste appelé de droit civil ou positif, est celuy qui n’est pas également défendu de toutes les Nations, mais qui se change et se regle suivant les coûtumes et les usages particuliers ; et la raison de ce droit est bien plus foible, incertaine et varrable, puisqu’elle dépend du caprice et de la volonté de ceux qui gouvernent les Etats.
Cette premiere espèce d’inceste du droit naturel, ou des gens, dont la prohibition est appelée par les Jurisconsultes Nefaria, a lieu entre les ascendans et les décendans à l’infiny ; et dans la ligne collaterale, entre les frères et seurs, et les oncles ou neveux, et les tantes ou nieces. Pour les freres et les seurs, la Loy 8. Digest. de ritu nupt. est précise, quia hoc jus moribus non legibus introductum est. Elle oppose les moeurs, qui est à proprement parler le droit des gens ou le droit naturel, à la Loy : pour les oncles ou grands oncles, et les nieces ou petites nièces, il y a la Loy Sororis au même titré, sororis pronepotem non possum ducere uxorem. quoniam parentis loco sum : le Jurisconsulte rend la raison, que comme il y a un inceste commis contre le droit naturel dans les conjonctions qui se font entre ceux qui sont en la ligne ascendante ou décendante ; aussi ce même inceste a lieu entre ceux qui dans la loy collaterale re-presentent les peres ou les meres : et la Loy ajoûte, si quis ex his quas moribus prohibemus axores ducere, duxerit, incestum dicitur committere. Cet inceste est du droit des gens, comme il est plus clairement expliqué en la Loy derniere au même titre : Jure gentium incestum commitrit qui ex gradu ascendentium vel descendentium uxorem duxerit, qui verb ex latere eam duxerit, quam vetatur. Cette loy dit que ceux-là commettent un inceste contre le droit des gens dans a ligne collaterale, qui épousent des personnes prohibées. Or nous voyons que non senlement il est défendu aux oncles d’épouser leurs nièces, mais encore aux grands oncles de se marier avec leurs petites nieces. Ulpien dans fes Regles de Droit de l’Edition que Mr Cujas nous a donnée, Tit. 5. Nunc etiam ex quarto gradu licet uxorem ducere ; sed tamen fratris aut sororis filiam, neptemve eorum quamois eodem gradu sit amitam vel materteram ducere non possumus. Sut quoy il y a deux choses à observer : La premiere, que l’oncle paternel ou l’oncle maternel, entendus par ces mots, fratris aut sororis filiam ne peuvent se marier à leur niece. Pour le grand oncle paternel et le grand oncle maternel, compris sous ces termes, fratris aut sororis meptem, pareillement avec leurs petites nièces ; L’autre chose, qu’encore que regulierement les mariages soient permis dans le quatrième degré, toutefois il n’est pas souffert entre les grands oncles et les petites nieces, quoy qu’ils soient au quatrième degré, parce que la pronibition étant fondée sur le droit naturel ou des gens, et ces personnes representans les ayeuls, la défense a lieu indémmiment ; le droit de nature ne recevant aucunes bornes, ni par les loix ni par les hommes.
Cajus dans ses Instituts, ou plûtost dans les fragmens qui nous restent au Livre premier, ap. 7. de l’Edition d’Alcander, Fratris quoque & sororis filiam uxorem ducere non licet. Il ne dit pas seulement la nièce du côté de la mère, mais il y joint celle du côté du pere, pour montrer que l’oncle du côté paternel est autant dans la prohibition que celuy du côté de la mere : et ce qu’il a dit de l’oncle, comprend par la même raison le grand oncle. Quand ces deux anciens Jurisconsultes ont écrit, il n’y avoit point de Loy écrite, ni aucune Constitution d’Empereur qui eût été faite pour empescher ces sortes de mariages, il n’y avoit que l’honnêteré publique, la bien-seance naturelle, et la pudeur ou retenue particulière, sur lesquelles le droit des gens est fondé, qui servoient en ces temps de barnieres pour défendre ces conjonctions. Ces Jurisconsultes qui se conduisoient par le droit naturel, aussi-bien que par la raison civil, n’ont point eu d’Ordonnance d’aucun Empereur qui les ait guidez dans ces fentimens, ils n’ont eu que la lumière naturelle, qui est la plus certaine et la plus invariable, selon laquelle ils ont estimé que ces sortes de mariages ne pouvoient pas être contractez. Aprés eux ses Empereurs Diocletien et Maximien ont été obligez pour empescher que ce droit naturel Justinien ne fût pas violé, de faire cette Loy qui est dans le Code de Justinien L. 17. Tit. de Nupe.
Nemini liceat contrahere matrimonium cum filiâ, nepte vel pronepte, itemque cum matre aviâ, vel proaviâ. Voila pour la ligne directe. En suite il parle de la collaterale, Et ex latere amitâ ac materterâ sorore, sororis filiâ, et ex ea nepte, praterea fratris filiâ et ex ea nepte, il comprend les oncles et les grands oncles ; Il ajoûte pour laffinité, Itemque ex affinibus novercâ, privignâ, auris, socrus, caterisque qui jure antiquo prohibentur, En cette Loy il ne parle que des degrez prohibez par le droit des gens, car il y a trois sortes de personnes. Les premieres sont ceux qui sont en ligne ascendante ou décendante, dont la prohibition certainement est du droit naturel. La deuxième espèce est de ceux qui sont en collaterale, entre lesquels sont les grands oncles de quelque côté que ce soit. Les troisièmes sont ceux qui sont dans le dégré d’affinité en directe, qui pareillement et sans difficulté ne peuvent pas se marier par le même droit des gens, et il n’est pas croyable que ces Empereurs qui dans la premiere et dans la derniere espece ont rapporté les degrez prohibez par le droit des gens, eussent dans la deuxième espece, qui concerne la ligne collaterale, parlé des incestes du droit civil, ils auroient, si cela êtoit, confondu l’un et l’autre ; il y a plus d’apparence qu’ayant mis les personnes prohibées de la ligne transversalle entre deux espèces de personnes qui sont en un degré prohibé par le droit des gens, sçavoir les parens et les alliez en ligne ascendante et décendante : Cette troifième espèce de la ligne collaterale, soit dans une même et semblable prohibition, c’est à dire du Constantin droit des gens. L’Empereur Constantin a confirmé la même disposition par la Constitution qui est en la Loy première, Cod. Theodos. De incestis nuptiis, si quis filiam fratris, fororis-ve, taciendam crediderit abominanter, uxorem, capitalis sententiae penâ teneatur. Il ne distmgue point sles oncles, s’ils sont du côté du pere ou du côté de la mere, ce qu’il ordonne de nouveau est Honorius la peine capitale contre les contrevenans. Les Empereurs Arcadius et Honotius ont fait la même défense en la Loy troisiéme, Cod. Theodos. De incestis nuptiis, et si quis sororis aut fratris silia nuptiis se se funestaverit. Et en suite, ex latere frater, soror, patruus & amita.Anianus . ajoûte, aut nlterioris gradùs, pour montrer que cette prohibition avoit lieu pour le grand oncle Anastase et la petite nièce. L’Empereur Anastase en la Loy dernière Codice, a confirmé la même choses Justinien si fratris filiam vel sororis duxerit, viribus carere decernimus. Justinien enfin en ses Instituts, De nuptiis dit, fratris vel sororis filiam, nxorem ducere non licet, sed nec neptem fratris vel sororis quis uxorem ducere potest, quamvis quarto gradu sint, qui est la même chose, mot pour mot, qu’il a prise d’Ulpien en ses Regles ; Et il ajoûte une raison qui marque que ce qui a été dit de loncle, doit avoir lieu pour le grand oncle, Cujus enim filiam uxorem ducere non licet, neque ejus neptem permitnitur, Et dans le S. Amitam suivant, il rend une autre raison, qui montre que l’empeschement est fondé sur le droit naturel ; Erem Amitam ducere uxorem non licet ; item nec naterteram, quia parentum loco habentur, quà ratione verum est magnam quoque Amitam et Maerteram magnam prohiberi uxorem ducere. Toutes ces dispositions anciennes et modernes font voir que cette prohibition en collaterale des oncles et des grands oncles, a été uniforme et égale, qu’elle n’a point changé et varié, soit pour ceux qui étoient du côté du pere, soit pour reux qui étoient du côté de la mere ; et encore que Mr Cujas ; et quelques autres Docteurs aprés luy, ayent crû que la pluspart des Loix ne parlant que des neveux venans de la seur, n’avoient pas lieu pour les neveux venans du frère ; toutefois il faudroit que les Textes de Constantin Cajus, d’Ulpien , que la Loy deDiocletien , celle de Constantin, les Constitutions d’Arcadius . Anastase et d’Anastase, qui parlent toutes De fratris filiâ et de patruo, qui sont les oncles et les neveux du côté paternel fussent fausses, et qu’elles eussent été corrompués et interposées, comme semble vouloit insinuer MrCujas , ce qui n’est pas vray-semblable. Il est vray que la Loy dernière, De condit. sine causa, la Loy qui in Provinciam, la Loy aliam, et la Loy sororis de ritu nuptiarum, et la Loy si adulterium 5. 1. Ad L. Juliam de adulteriis, ne parlent que de sororis filiâ aut nepte ; mais ce n’est pas une consequence pour exclure de la prohibition les enfans du frere, puisqu’il y a même raison ; car les oncles paternels representent autant les peres comme les oncles maternels. La raison pour laquelle ces Loix n’ont parlé que des enfans de la seur, c’est que la raison de douter étoit plus grande, à cause que ceux-là venans d’une fille, n’avoient pas le droit d’agnation, mais avoient celuy de cognation seulement, s Et comme les enfans du frere avoient le droit d’agnation, y ayant moins de difficulté on n’en a point parlé, et l’on peut répondre à ce doute la même chose qu’a faitS. Ambroise . Ambroise en sa Lettre ad Paternum, si ideo permissum putas quia specialiter non est prohibitum, nunquid ideo licet, quia non est prohibitum, minimé, interdictum est enim naturae jure, interdictum est lege que in cordibus singulorum, interdictum est inviolabili prascriptione pietatis, titulo necessitudinis. Si l’on dit qu’il y a eu-un Senatusconsulte qui a permis à un Empereur d’épouser sa niece, cet exemple ne peut paï détruire le droit des gens ; car si une ou deux Nations se separent et s’égarent du droit de la Nature, ce droit ne laisse pas de demeurer immuable, tel qu’il êtoit en son origine ; non plus l’on ne dira pas que si un ou deux hommes n’usent point de la raison, que l’usage de la raison n’est pas commun à tous les hommes ; aussi voyons-nous que ce droit presque commun poutes les Nations a toûjours été conservé : En effet, si les Loix ont défendu à l’oncle d’épouser sa nièce adoptive du côté du pere, comme l’on void en la Loy S6. De ritu nuptiarum patris adoptivi mei, matrem aut materteram, aut neptem ex filiouxorem duxere non possum : à plus forte raison cette prohibition doit avoir lieu dans un véritable oncle, l’adoption n’étant qu’une image, qu’une figure, ou plûtost une fiction de la Nature ; Mais on peut observer que Mr Cujas n’a pas toûjours été dans ce sentiment, non plus que dans celuy de croire que les mariages entre les frères et les seurs, ou entre les oncles et les nieces, n’étoient pas ince. stueux par le droit des gens, mais par le droit civil ; car encore que dans ses Paratitles, il Justinien dit estimé que ces conjonctions n’étoient contraires qu’au droit civil et non pas au droit naturel. Si est-ce que dans ses Commentaires sur la Novelle 12. de Justinien, il a dit qu’elles com-battoient et le droit naturel et le droit des gens, Imâ inter eos qui veniunt ex latere vel inter affines jure gentium incestum committitur, ex his qui sunt à latere constat sororem moribus ( c’est à dire par le droit des gens y uxorem duci non posse, idem de sororis filiâ, imo et de sororis aut fragris nepte, vel pronepte, quia liberorum loco sunt. Et il ajoûte une autre raison, quia inter eas. personas, numquam jure civili permisse sunt nuptiae. Ces deux raisons remarquées par ce sçavant Interprete du droit, l’une que les oncles ou grands oncles tiennent la place des peres, et les neveux ou nieces representent les enfans ; l’autre, que le droit civil n’a jamais permis ces sortes de conjonctions honteuses, doivent convaincre de cette vérité, que la prohibition dans ces degrez est conforme à l’honnétété naturelle ou au droit des gens : Aussi Mr du, premier President au Parlement Faur deS. Jory Tolose, en ses Nottes manuscrites sur les Pa-gatitles de MrCujas , et qui ont été données au public depuis quelques années parFabrot , reprend Mr Cujas de ce qu’il a dit sur le Paratitle du Code De incestis nuptiis inceste sunt jure civili : Et sur ces mots il observe Equidem dubito, cum divino jure, imù etiam gentium prohibitae sint nuptiae, et sanè tu Cujaci has incestas esse dicis jure gentium in Commentario ad Novellam 12. hac ratione quoniam jure civili permisse sunt. Antoine dans le Comte Chapitre dont il a été parlé cy-dessus, dit que si quelques Jurisconsultes ont appelé ces incestes de droit civil, c’est à cause qu’il y a de certains peuples barbares qui ne les défendent pas, mais cela n’empesche aepas qu’ils ne soient incestes du droit des gens, mihi autem videtur quia naturalis ratio et divina id aeque omnibus gentibus prohibeat, tametsi miserabili coecitate mentis fascinata, non omnes id sequerentur, appellandum efse juris gentium incestum, alioquin nec misceri cum matre erit juris gentium, quia reperientur Magi, Caldai, et Persa et alii has non exhorrere nuptias. De tout ce que dessus, il resulte que le mariage entre un grand oncle et une petite nièce étant contraire au droit des gens, la prohibition étant du droit des gens, le Pape ne peut pas donner de Dispense, parce que ce pouvoir de dispenser n’a lieu que pour les choses qui sont de droit civil et positif.
Il ne reste plus qu’à montrer que la Dispense est abusive : il y a abus, parce que le Pape a dispensé contre les Canons sans cause legitime, sans necessité, et sans connoissance de cause.
Et afin de voir plus clairement cette contravention aux Canons ; qui fait l’abus.
Il faut observer quelle a été la prohibition des mariages entre les parens faite par les Conciles, et jusques à quel degré. Premierement, il est certain que dans les six premiers siecles du Christianisme, l’Eglise, et principalement la Gallicane, a suivi la disposition des Loix civiles, et des Constitutions des Empereurs, et pour la validité des mariages, et pour les em-peschemens, que les Docteurs ont appelé dirimans. Comme par le droit Romain entre ceux de la ligne ascendante, et ceux de la ligne décendante, il y avoit des défences de s’épouser jusques à l’infini, et dans la ligne collaterale jusques au quatrième degré ; aussi voyons-nous que les Decrets des Conciles approuvant, et suivant cette disposition de la Loy seculiere, ont défendu les mariages dans ces mêmes degrez. QuandS. Ambroise . Ambroise, dans cette Epître cu-dessus Theodose marquée, parle du mariage des cousins germains, il se fonde sur la Constitution de Theodose le Grand :S. Augustin . Augustin de même se rapporte aux Ordonnances civil. Le plus ancien Concile que nous ayons, qui ait parlé des mariages incestueux, est celuy d’Agde tenu en l’an 506. Le Canon seizième qui est rapporté par Gratien en la Cause 35. 4. 2. et 3. défend le mariage des treres et soeurs, celuy des oncles et nièces, et celuy des cousins jusques au quatrième degré Siquis relicta, vel filia Avunculi misceat aut patrui filiae, vel privignae suae ; siquis Consobrina se sociaverit. Quos omnes & olim atque sub hac constitutione incestos esse non dubitamus. Deux choses sont à remarquer dans le Concile. La premiere est, que la prohibition conformément au droit Romain, est restreinté au quatrième degré dans la collaterale ; car pour les cousins germains Consobrini, ils sont dans le quatrième degré, et pareillement les enfans des oncles et les tantes, filia Avunculi & Patrui, qui est la petite niece dont parle ce Concile, est dans le même degré du quatriéme, où l’on void que les Evéques ne font point de difference entré oncle du côté paternel et celuy du côté maternel. L’autre chose est que le Concile défend Les conjonctions sous peine de nullité, jusques-là qu’il veut que les conjoints se separent, et qu’ils ayent la liberté de se marier, Sanè quibus conjunctio illicita interdicitur. habebunt ineundi melioris conjugii libertatem. Le Concile de Tours tenu en l’an 567. au Canon 21. aprés avoir rapporté et confirmé les prohibitions marquées dans le Levitique, rapporte et confirme les deux Loix du Code Theodosien, dont l’une est pour les oncles et les cousins germains jusques u quatrième degré, et l’autre pour les affinitez : les Evéques de France assemblez à Mascon en l’an 585. dans le Canon 17. se sont pareillement reglez sur les Loix civil, Incestam Copulatioticin in qua nec Conjux, nec Nuptiae recte appellari leges sanxerunt, Catholica omnino detestatur, atque abominatur Ecclesia, où le mot de ( Leges ) opposé à celuy ( d’Ecclesia ) n’a point d’autre véritable. signification que la Loy civil : Depuis ce temps l’Eglise a étendu cette prohibition jusques au fixième et septième degré, et ce changement n’a point. dérogé à l’ancienne défense établie Zacarie par les Loix, au contraire elle l’a confirmé. Les Papes,Grégoire I Grégoire III . et Xacarie, semblent être ceux qui ont commencé de faire cette extension. Ce qui a donné lieu a été la compilation du Code Theodosien, dont on se servoit dans l’Eglise d’Occident, en laquelle rollection le Livre des Sentences du Jurisconsulte Paulus ayant été mis et ajoûté avec le Titre De Gradibus cognationum, qui regle les successions jusques au sepiième degté, les Ecrlesiastiques prenans de-là occasion d’ôter les mariages d’entre les parens, ent étendu la prohi bition jusques au septième degré, de même façon que la capacité de succeder êtoit bornée par ce Tître De Gradibus cognationum jusques au septième degré ; aussi l’incapacité de se marier a été étenduë jusques à la septiéme generation. Cette observation fe prouve manifestement par l’ordre des Titres et des Canons qui ont été amassez par les Compilateurs ; car dans le Code des Wisigots gardé et pratiqué en Espagne et en France, quand ces Peuples y habitoients incontinent aprés le Titre Incestis Nuptiis suit le Titre Paulus Jurisconsulte De Gradibus cognationum, comme si c’étoit quelque Loy des Empereurs. Ives de Chartres dans son Isidore Decret en la neufième Partie où il parle de ces mariages incestueux, a inseré avec les Canons ce même Titre des Sentences dePaulus , qu’il artribué à Isidore qui l’avoit emprunté du droit Romain ; Et Gratien en la Cause 35. qui est entierement des degrez prohibez du mariage, finit la question cinquiéme, par ce même Titre dePaulus . Aussi tous nos Conciles François compatent ordinairement ces degrez de mariage à ceux de la successionLe plus ancien Concile qui ait commencé de défendre le mariage des parens jusques au sixième degré a été celuy tenu en Bourgogne en l an 517. appelé Epauneuse, dont le Canon 30. porte la défense jusques aux cousins issus de germain, Siquis Consobrina, Sobrinave se societ : Consobrina est au quatrième degré, Sobrina est au sixième selon la supputation du droit Romain, qui étoit observé en ce temps, pour la manière de compter il déclare le mariage absolument nul, et permet aux conjoints qui se sont matiez dans le sixième de contracter mariage avec d’autres personnes, Sanè quibus hec conjunctio interdicitur, habebunt ineundi melioris conjugii libertatem.
Le Concile d’Auvergne tenu en l an 537. au Canon 12. celuy d’Orléans tenu en l an 538. au Canon 10. celuy de Tours tenu en l’an 578. et celuy de Paris tenu en l’an 615. disent trécisément, non licet consobrinam in conjugium accipere, nec qui de ipsis nati fuerint in conjugio, ocientur. Ainsi ces Conciles ayant limité la prohibition aux enfans des cousins germains appelez sobrini, ils ont étendu leurs défenses jusques au sixième degré, dans lequel les grands oncles et es petites nièces se rencontrans ils sont compris dans la prohibition des Canons : en suite l’on Zacarie les a augmentez jusques à la septième generation ; et le Pape Lacarie ayant envoyé en l’an 747. à Pepin certains Capitulaires, entre lesquels étoit ce Canon, juxta pradecessorum et antecessorum Pontificum decreta, dum usque se se generatio cognoverit juxta Ritum & Normam Christianitati et Religionis Romanorum, non copuletur conjugiis. On a reçû en France cette disposition.
Le Concile de Mers tenu sous le même Eacarie en l’an 753. marquant les degrez défendus les met jusques aux issus de germain, et dans le Canon premier il specifie particulièrement celuy du grand oncle et de la petite nièce en ces mots, cum fratris filiâ aut sororis filiâ aut nepte, àfratris filia c’est la nièce, ( fratris nepte ) c’est la petite nièce. Le Concile de Meaux de l’an 824. rapporté par Gratien au Canon premier 35. 4. 2. et 3. a dit précisément jusques au septième degré de generation, de affinitate consanguimieatis per gradus agnationis, placuit usque ad septimam generationem observare, et rend la raison de cette extension, sçavoir celle des successions. Nam & hereditas rerum per legales instrumentorum definitiones sancita usque ad septimum gradum protendit heredum successionem. Herard, Archevéque de Tours, dans la Compilation des Canons qu’il a faite pour être observée dans sa Province, a dit la même chose, ne in quinta vel sexta generatione Hincmar copulet conjugio, et nsque ad septimam generationem progenies observetur. Hincmate, dans une Epître Synodale, écrite par l’ordre des Evéques assemblez, in Tussiaco, en l’an 860. au sujet du mariage d’Estienne avec la fille de Regino sa parente, suivant les Decrets precedens des Conciles, défend les conjonctions jusques à ce même degré. Le Concile de Wormes en l’an 870. dans le Canon 77. 2-t’il pas suivi la même disposition : Contradicimus ut in quarta generatione nullus mplius conjugio copuletur, ubi autem post interdictum factum inventum fuerit, separetur. Ce Canon est rapporté dans les Capitulaires au Livre 5. Chapitte 99. avec cette Addition : Contradicimus. ut in quarta, quinta, vel sexta generatione nullus copuletur.. EtGratien , dans le Canon 21. 35. d. 2. et 3. l’attribué au Concile de Châlons sur Saone, et il faut que ce soit celuy qui fut tenu lous Charles le Chauve en l’an 873. que Jacques Sirmond a indiqué dans son troisième Tome des Conciles, sans en rapporter aucuns Canons : Enfin le Concile tenu à Douzi appelé Duxiacense, proche de Mouson, dans le Diocese de Rheims, en l’an 874. fait exprés contre les mariages. ncestueux, aprés avoir cité tous les Canons precedens blame et declare nulles toutes les confonctions incestueuses faites jusques à la septième generation. Authoritate quippe Dei sancti Ecclesia quam ab Apostolis sibi traditam creditur observare, cui refragari fas non est, et mundanâ legis censurâ nec non ipfius naturae honestissino ordine perdocetur propinquitatis conjugia usque au septimum gradum differenda. Les Evéques établissent cet empeschement du sang et de la parenté dans les mariages, sur la Loy Apostulique, sur la Loy civil, et sur celle de la Nature Le Reglement de cette prohibition jusques au septième degré a été long-temps gardé en l’Eglise, et il n’a été changé qu’au douzième siecle par le Concile de Latran sousInnocent III . dequel a limité l’empe schement au quatrième degré du droit Canon, qui revient au huitième du droit civil, suivant la manière de supputer par les dernieres Constitutions Ecclesiastiques, par lesquelles deux degrez du droit civil n’en font qu’un.
De tout ce que dessus l’on peut induire quatre choses pour montrer l’abus de la Dispense dont Il s’agit : La premiere est que la pluspart des Canons rapportez sont tirez des Conciles François lesquels ayant été pratiquez et observez dans le Royaume doivent nous servir de regle certaine. anviolable et indispensable. La seconde est que ces Canons se trouvans conformes à l’usage de Rome, et ayant été confirmez par les Decrets des Papes, deGregoire I . de Grégoire Il. dans un Synode Romain, de Cacarie dans le Concile de Rome, et d’Eugene Il. et Leon lV dans une pareille assemblée d’Evéques. Le Pape ne peut pas y déroger sans blesser les libertez de l’Eglise Gallicane, et sans violer l’obligation à laquelle ils sont tenus d’observer les Canons.
La troisième chose à remarquer est que dans tous les siecles de l’Eglise, même long-temps. depuis le Concile de Latran, les grands oncles et les petites nieces ont toûjours êté dans la prohibition dirimante du mariage ; car premièrement on ne peutpas nier que dans les six premiers siecles l’Eglise qui ne suivoit point d’autre Loy que la Loy civil et les Constitutions des Princes seculiers, et par l’un et l’autre un grand oncle ne pouvant épouser sa petite niece, on n’ait défendu. sous peine de nullité ces sortes de conjonctions : Si l’on veut gonsiderer la pratique des autres siecles suivans, pendant lesquels les parens ne pouvoient se matier jusques au septième degté, trouverons-nous pas que les grands oncles étoient compris dans la même défense, et d’autant plus que les Conciles ont specifié ce dégré comme celuy de Mets en ces mots, neque cum fratris filiâ, aut fororis filiâ aut nepte. La petite fille du frere est ce que nous appelons la petite nieces enfin si l’on veut se regler sur le Decret du Concile de Latran, le grand oncle et la petite niece qui sont au troisième degré, se rencontrant dans les degrez de la défense du Concile, ne peuvent pas se marier, et le Pape n’a pas pû y contrevenir.
La quatrième chose à remarquer est que si les Papes peuvent dispenser du droit positif, cela ne s’entend que du droit Ecclesiastique, établi ou par les Evéques, ou par les Papes leurs predécesseurs, mais non pas du droit seculier établi par la Loy civil ou par les Ordonnances des Princes. Or la prohibition des mariages jusques au quatrième degré, et celle du grand oncle et de la petite niece, ayant été introduite par la Loy civil et par les Constitutions des Empereurs, n’étant point Ecclesiastique, puisqu’elle a été faite avant tous les Conciles, elle n’est pas sujette. ux dérogations, ni aux Dispenses que les Papes ont accoûtumé d’accorder ; les empeschemens que l’Eglise et les Conciles ont établi depuis le quatrième degré jusques au septième étant lu droit purement Ecclesiastique et positif, lEglise et les Conciles en ces cas peuvent les changer, et par consequent en dispenser. En effet nous voyons que les Papes ont reconnu eux-mêmes. cette distinction des Dispenses pour les degrez prohibez, ex antiquo, par la Loy civil jusques au quatrième, selon la façon de compter les degrez par les Jurisconsultes, et de ceux qui ont été prohibez par le droit Ecclesiastique depuis le quatrième jusques au septième degré Pour les premiers, comme dans leur origine et dans leur premier établissement, ils sont di droit civil, les Papes n’y ont pas osé toucher. Pour les autres ils en ont dispensé, quand il y l eu des causes legitimes et necessaires : Ainsi S. Grégoire écrivant à Augustin, Evéque d’Angleterre, envoyé en cette Province pour convertir les Infidéles, sur la difficulté des mariages contractez par ces peuples dans les degrez prohibez, mande et répond que la Loy civil ayant ermis aux cousins germains de s’épouser, quoy que l’Eglise leur eût défendu par les Canons, il peut conserver ces mariages ou même en dispenser, mais à l’égard des autres prohibez par la Loy des Empereurs, il doit les empescher, il ne peut pas en donner dispense, quedam terrena Lex in Romana republica permittit, ut sive fratris sive sororis filius & filia misceantur, et sacra Lex prohibet cognationis turpitudinem revelare ; unde nécesse est ut jam tertia vel quarta generatio fidelium ticenter sibi jungi debeat., nam fecunda quam diximus à se omnino debet abstinere. Ce Pape, en faveur des Neophites et de ceux qui étoient nouvellement convertis, permet de les dispenser dans le dégré auquel la Loy civil permettoit de se marier, Quadam in hoc tempore sancta Ecclesia per servorem corrigit, quedam per mansuetudinem tolerat ; mais dans les autres degrez prohibez par les Loix des Empereurs, il dit qu’on ne les peut pas, quelque nécessité ou faveur qu’il yaitGrégoire III . en lEpître 4. à Boniface, fait-il pas la même différence Il luy écrit que pour les Fidéles, il ne doit pas souffrir qu’ils se marient jusques au septième degré de parenté mais à légard des Infidéles convertis, il peut les dispenser depuis le quatrième degré jusques au septiéme, in tam barbarâ gente concedendum est ut post quartam generationem jungantur : Il n’oseroit donner la permission jusques au quatrième degré, parce que l’Eglise ni les Eveques ne l’ont pas fait, et ne l’ont pû legitimement faire, depuis le quatrième degré il permet de les dispenser, parce que lEglife qui a lié en ces cas peut délier pour des caules justes. Le Pape Zacarie Eacarie ne s’est point départydu sentiment de ses Predecesseurs ; car étant consulté par Boniface, l’Apôtre de l’Allemagne, sur la permission d’un mariage d’une personne illustre, qui disoit avoir permission du Predécesseur du Pape, d’épouser la veuve de son parent au troisième degré, in je. Geniculo propinqua, qui étoit un oncle parent au troisième degré selon la supputation du droit civil : Ce Pape répond qu’il ne croit pas que son Predecesseur eût donné une telle Dispense contre les Canons de l’Eglise, absit ut hoc Pradecessor nocter ita credaiur pracepisse, nec enim ab hac Apostolica sede illa dirieuntur, que contraria esse Patrum sive Canonum inctitutis inveniantur.
Ce Pape déclare que le troisième degré où est l’oncle et la niece, étant prohibé par les Canons lesquels ont recû la Loy civil, qui défendoit les mariages jusques au quatrième degré, ni luy ni ses Predecesseurs n’ont pas pû y contrevenir. Le Concile de Verbetie, tenu sous Pepin en san 752. dans le Canon premier, a fait cette différence expresse des parens qui sont dans le quatrième degré et de ceux qui sont au de-là : Le mariage de ceux-là, s’il a été contracté, soit declaré nul, celuy des autres. étant fait soit conservé, in 5o. genu conjuncti separentur, & post ponitentiam actam, si ita voluerint, licentiam habeant aliis se conjungere ; in quartâ autem conjunctione, si inventi fuerint, eos nos separamus ; attamen si factum non fuerit, nullam facultatem conjungendi damus. D’où il resulte que tous les mariages faits au quatrième degré sont absolument nuls, et que le Pape n’en peut dispenser les parens avant qu’ils soient faits, et ne peut pas les valider avant qu’ils soient contractez, et par consequent la Dispense donnée au défunt sieur de Broc grand oncle et à Demoiselle Marie Madeleine de Broc, sa petite nièce, est entierement nulle, et qu’elle n’a pû donner un commencement valable au mariage contracté, ni confirmer une conjonction incestueuse. Sil y a des exemples de Dispenses accordées dans le troisième et quatrième degré, ils ne doivent faire aucune consequence, parce que ou les Papes ont été surpris, ou ils les ont accordez à des Princes ou à des personnes d’illustre condition pour les causes necessaires, et sans les pouvoir refuser ; les Papes mêmes n’ont pas voulu suivre ce exemples. QuandPaul IV . fut sollicité de donner une Dispense sur le mariage de Monsieur de Montmorency, fils du Connestable, avec la Dame de Pienne, ayant assemblé les Cardinaux sur ce sujet qui étoit tres-important, il leur dit, je vous prie ne vous amusez pas aux faits ni aux xemples de més Predecesseurs, que je proteste de ne vouloir suivre, sinon entant que l’autorité de l’Ecriture et la raison des Theologiens vous induira à ce faire, je ne fais pas de doute que mes Predecesseurs et moy n’ayons pû faillir. Ce témoignage sincere et public de ce Pape qui nous a été laissé par un Docteur de Theologie étant lors à Rome, et qui avoit été envoyé au Connestable. en ce même temps, nons doit servir de regle pour examiner ces sortes de Dispenses, et voir si elles sont conformes ou contraires aux Canons, et à l’usage de nôtre jurisprudence civil ou Ecclesiastique. L’Histoire du Concile de Trente nous apprend que les Eveques, pour empescher l’abus des mariages prohibez, furent d’avis de limiter les degrez, et de n’accorder aucune Oispense, ou si l’on en permettoit d’en donner la connoissance aux Evéques des lieux, et les Ambassadeurs de France insisterent à conserver la disposition des anciens Conciles François, ans y donner atteinte par aucune dispense ni contravention, ainsi qu’il étoit contenu dans leurs Memoires en l’Article 28. en ces termes, retineantur antiqui, aut novi constituantur consanguinitatis. tradus, intra quos non liceat, obtentu cujusois dispensationis, matrimonium contrahere exceptis solis Regibus aut Principibus propter bonum publicum. Et comme les avis se trouverent differends, neanmoins ils convinrent tous en ce Decrat qui est en la Session 24. Chapitre 5. in contrahendis matrimoniis vel nulla omnino detur disbensatio, vel raro, idque ex causa et gratis. Ce Concils qui a retenu le nombre ancien des degrez ne veut pas qu’on donne des Dispenses, ou que si l’on en accorde que ce soit rarement, ou pour des causes de necessité et de justice, encore pour ces Dispenses il n’a point défini si ce seroit le Pape ou les Eveques, et si Jusage a souffert ce droit dans la personne des Papes ( à qui neanmoins nos libertez ne permettent pas de contrevenir aux Canons ) et s’il y a eu des Dispenses accordées dans le second, troisième et quatrième degré la Cour les a déclarées abusives : le dernier Arrest solennel rendu sur les conclusions de Mi Bignon le 2 de Decembre 1664. touchant la Dispense de Charles Barbier, vec Barbe Barbier sa niece, dit qu’elle avoit été mal, nullement, abusivement impetrée et executée, et fit défense aux Banquiers de Cour de Rome d’obtenir pareillles Dispenses, et quoy que cet Arrest ait été rendu depuis la Dispense dont il s’agit, toutefois étant conforme au droit commun et à la disposition des Canons, il doit avoir lieu pour toutes les autres conjonctions honteuses et illicites, obtenuës devant ou aprés un Reglement si utile et salutaire au public, pour conserver l’honnêteté des mariages.
Or outre la nullité et l’abus qui se rencontre dans cette Dispense, il y a le defaut de nécessité et de cause legitime, car on a remarqué dans le fait qu’il n’y avoit aucune raison de faire cé nariage, ni aucun motif raisonnable pour en accorder la Dispense.
Il n’y a pas moins d’abus dans la Sentence de l’Official de l’Eveque d’Angers. Premièrement en même jour il permet l’information, il informe et enterine la Bulle de Dispense. En second lieu, il n’a point vû ni intérrogé les parties impetrantes, mais sur une Procuration extorquée il a fulminé cette Dispense ; s’il eût interrogé Sebastien de Broc il auroit appris par sa bouche a violence et la surprise dont on avoit usé envers luy, et qu’il n’y avoit aucune necessité ni aucune cause du mariage, ni de la Dispense. En troisième lieu, l’Official ayant appris par la déposition de deux témoins, dont l’information est seulement composée, que Sebastien de Broc êtoit en degré inégal avec Marie Madeleine de Broc, et qu’il étoit du premier au troisiéne, et par la qualité de la Dispense voyant que cette distance du degré n’avoit pas été exprimée au Pape, puisque l’énoncé de la supplique n’en parloit pas, et que la clause ordinaire pratiquée en ces cas, Distantiam vero gradùs eis non obstare declares, n’y étoit pas, il devoit à cause de l’obreption renvoyer les parties pour obtenir une nouvelle Dispense ; cependant au lieu de le faire il enterine la Dispense, en quoy il a plus contrevenu aux Canons que le Pape, parce que le Pape à qui la vérité et la qualité du dégré n’ont pas été exprimées a été surpris, mais l’Official qui a eu connoissance de l’empeschement a contrevenu directement aux Canons, et il semble par l’examen des actes que ce soit un artifice affecté de n’avoir pas voulu exprimer au Pape l’inégalité du degré de crainte d’être refusé, et de l’avoir exprimé à l’Official, afin qu’ayant une Dispense il eût un pretexte de l’enteriner. Et la Demoiselle Marie Madeleine de Broc ne peut pas se couvrir de la bonne foy, parce qu’il n’y en a eu aucune, au contraire elle sçavoir le degré de parenté et l’obstacle du mariage, et elle, même a envoyé à Rome pour obtenir la Dispense ; elle est requérante dans la Bulle et dans la prétenduë Sentence d’enterinement, ce qui la constitué dans la mauvaise foy, laquelle est dautant moins excusable, que, comme lit Menander, la Loy de nature n’est cachée à personne, c’est pourquoy les Loix civil, pour ces conjonctions incestueuses, punissoient également les mineurs, les femmes et les soldats, qui ne peuvent pas ignorer ce droit que la nature a fait connoître à toutes sortes de personnes La Dame de Jalaine répondoit à ces raisons, que l’on ne pouvoit dire que son mariage fût elandestin, puisqu’il avoit été fait par tous les parens et pour l’avantage de la famille qui avoit assuré par ce mariage la succession aux proches parens, qu’elle n’en remportoit d’autre profit qu’un doüaire un peu fort, aprés avoir passé huit ans de sa jeunesse avec un vieillard de soi xante et seize ans, son mariage ayant été paisible sans avoir été contredit par aucune personne, et au contraire ayant été approuvé durant sept ans de viduité par les heritiers de son mary qui avoient partagé la succession avec elle, elle n’avoit pas obtenu la Dispense, mais le sieur de Broc, et si quelques Auteurs Canonistes avoient tenu qu’il falloit exprimer la diversité des degrez, il y en avoit beaucoup d’autres d’un sentiment contraire. Aussi par le droit Canon on régarde le degré le plus éloigné, et non pas le plus proche, le Chap. dernier Extrav. de Consanguin. et affinit. aux Decretales, l’a décidé de la sorte, remotiorem gradum non proximiorem atiendi. Et que peut-on imputer à une jeune fille, si elle a suivi le droit Canon et le sentiment des Auteurs fameux : Et cela n’a-t’il pas été plus que suffisant pour mettre cette leune personne en bonne foy, puisque non seulement elle, mais aussi toute la famille l’a crû L’Official d’Angers a fait une Gencalogie dans laquelle le premier degté du grand oncle a été marqué. Les Officiers du Pape, quand l’on parle d’un quatrième degré, ne sçavent-ils pas qu’il peut être le quatrième en deux ou trois manieres s Et quand le Pape donne la Dis pense sans l’experience, peut on dire pour cela qu’il ne l’a pas entendu, ou qu’il ne l’a pas sçû ?
Si du premier au second degré l’on ne donnoit point de Dispense que dans la derniere difficulté, cela peut-être seroit considérable ; mais enfin entre des parens au quatrième degté en un pareil degré, et entre des parens au quatrième degré en des degrez inégaux, il ne faut d’autre priere que de donner un peu plus ou moins d’argent.
On sçait qu’autrefois les Eveques seuls donnoient les Dispenses pour les mariages, maintenant cela leur a été usurpé par le Pape-
Pour les causes de Dispense elles s’y rencontrent toutes, c’est à dire celles qui peuvent compatir avec l’honnêteté et la vérité ; car de parler ab illicitis ce seroit un mensonge ou un peché ontre la pudeur, la Dame de Jalaine n’auroit jamais souffert l’un ni l’autre ; mais quant à l’interest et à la paix de la famille, l’on peut dire que cela est vray ; elle a été comme une victime que l’on a sacrifiée à toute la famille, et les parens en ont reçû le principal avantage.
La deuxième question à examiner est de sçavoir si le Pape a pû donner la Dispense de se marier entre un grand oncle et une petite nièce ; quand même cette Dispense ne seroit pas subreptice pour cet effet, il faut examiner ce qui étoit défendu et ce qui étoit permis par le droit divin, par le droit naturel, et des gens, dans le droit civil et enfin dans le droit Canonique. L’appelant a soûtenu que ce mariage étoit défendu par tous ces droits, et par. con-sequent que le Pape n’en a pû dispenser.
La Dame de Broc soûtient au contraire qu’il étoit défendu dans quelques-uns de ces droits, et dans les autres non : et que de ce qui est défendu dans quelques-uns de ces droits, le Pape en peut dispenser en quelques autres non ; c’est ce qu’il faut examiner.
Pour connoître en quel degré de parenté le mariage étoit défendu par le droit divin, il faut avoir recours à Iancien Testament, au Chap. du Levitique où l’on établit la prohibition de parenté.
Or il y a trois choses à examiner. La première, s’il y a prohibition et défense. La seconde usqu’à quel degré le mariage est défendu expressément. Et la troisiéme, jusqu’où son peut étendre par interpretation cette prohibition
Moise Dans la Loy de Moise il y avoit des preceptes qui n’étoient que ceremoniaux, et ceux-là ont été presque tous abolis par la nouvelle Loy ; Ceux qui sont restez ne prennent pas leur ce vigueur et leur force de lancienne Loy, ce qui leur reste d’autorité leur a été donné ou M renouvelé dans la Loy de Grace
Dans lancienne Loy il y avoit des preceptes qui pouvoient être de droit divin, mais qui n’étoient de droit divin que pour cette Loy-là, et non pour la nouvelle.
Enfin il y a des Commandemens qui sont dans l’ancienne et dans la nouvelle Loy, et ci sont ceux qu’il faut que les uns et les autres observent ; par exemple celuy de ne se marier jamais dans la ligne des aseendans et décendans, ni les frères et seurs, car on n’a presque amais vù cela pratiqué generalement dans aucun peuple ; et si cela s’est trouvé quelquefois il a été desaprouvé par le reste du monde, et condamné comme une débauche et un déreglenent contre la pudeur et l’honnêteté, et même contre l’interest public ; parce qu’il se doit faire une extension des familles à la manière des fleuves, qui pour s’accroître et s’aggrandir s’éloignent de leur source, et qui n’y pourroient retourner et y revenir que pour l’étouffer De chaque sorte de Loy Dieu en peut dispenser par sa seule volonté, si elle est divine. Si elle est naturelle et du droit des gens, il est l’Auteur de la Nature : En effet en créant la femme de la côte d’Adam, n’étoit-ce pas une même personne : Il n’a pû encore se faire autrement que les freres et les. soeurs ne se soient matiez ensemble dans le commencement. Il eût été facile à Dieu de créer une autre femme à Adam, qui n’eûr point été de luy. Il auroi oû faire pareillement que des enfans fussent venus d’autres que d’Adam et d’Eve pour se marier avec les enfans d’Adam, mais il ne l’a pas voulu pour montrer qu’il étoit le Maître de la Nature. Or puisqu’il ne se trouve point de prohibition de se marier entre le grand oncle et la petite niece, on ne doit point étendre plus loin cette défenfe que Dieu n’auroit pas manquée de prononcer, si s’avoit été sa volonté. Par Arrest du 1s de Mars 1672. on déclara les appelans non recevables en leur appel comme d’abus, et en leur opposition.
Les motifs de cet Arrest furent vray-semblablement fondez sur la durée et la tranquillité de ce mariage pendant huit années, suivies de sept années de viduité sans aucun trouble de on état. On faisoit voir d’ailleurs qu’en qualité de veuve elle avoit recueilli un don de la liberalité de son mary, qu’elle avoit partagé ses biens avec ses heritiers, et qu’au fonds quand Il y auroit eu quelque defaut en son mariage, ce defaut êtoit irreparable dans la condition oit elle étoit, et l’on representoit qu’il n’y avoit point d’enfans, et qu’il ne s’agissoit que d’un simple doüaire de six mille livres qui ne devoit pas luy être envié par les heritiers d’une succession de plus de trente mille livres de rente, qu’elle avoit conservées dans la famille par son nariage ; étant à observer que par le contrat de mariage le sieur de Broc fit une donation universelle de tous ses biens à ses neveux, à proportion de ce qu’ils pouvoient esperer de luy aprés sa mort.
Dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 6. c. 52. on trouve un Arrest par lequel la Cour faisant droit sur l’appel comme d’abus de la celebration d’un prétendu mariage d’un oncle avec sa nièce, et du Rescrit de Cour de Rome, il fut dit qu’il a été mal, nullement et abusivement impetré et executé en ce qui concernoit la legitimation des enfans.
Par autre Arrest du même Parlement du 27 de Juin 1651. donné en l’Audience de la GrandChambre, il a ête jugé que le prétendu mariage contracté entre le frere et la veuve de son frere, duquel elle avoit des enfans, êtoit incestueux, et que la Dispense accordée en ce cas par le Pape étoit abusive, la prohibition de contracter mariage au premier degré d’affinité, lors particulierement qu’il y a des enfans du premier mariage étant de droit divin, puisqu’elle est portée dans le Chap. 18. du Levitique, le Pape n’avoit pû en dispenser et pour cette raifon dans un Chap. au Titre de Rescript. aux Dectet. le PapeAlexandre III . s’étoit lié les mains, et avoit declaré ne pouvoir accorder aucune Dispense dans les cas desquels ce Chap. 18. du Levitique fait mention,
On a réglé fort diversement les degrez de consanguinité et d’affinité dans lesquels on pouvoit contracter mariage ; en quelques lieux on les a permis avec une licence effrenée ; en d’autres on les a défendus jusques dans l’excez par des raisons frivoles et par des scrupules chimeriques, parmy quelques Nations on a fouffert ces détestables conjonctions des peres et des meres avec leurs enfans, et des freres avec leurs feurs ; et parmy les peuples qui n’avoient point tout à fait éteint les lumières de la raison on ne condamnoit point le mariage d’un homme avec la veuve de son frere, ou de l’oncle avec sa niece ; et quand on a commencé de les avoir en horreur on a passé dans une autre extrêmité en les condamnant entre les parens, quoy qu’ils le fussent en des degrez si éloignez qu’il ne restoit plus entr’eux qu’une tres-foible liaison et communion de sang.
Il faut avoüer que les Jurisconsultes Romains avoient gardé fort exactement toutes les mesures et les regles de la bien-st ance et de l’honnêteré pour les mariages, ils ne se sont éloignez Moise en aucun endroit du droit de la nature et des gens, et sans connoître la Loy de Moise ils s’y conformerent parfaitement : Non seulement ils condamnerent les mariages des ascendans et décendans, ils les desaprouverent aussi entre toutes les personnes qui pouvoient tenir lieu d’ascendans et de décendans, et même dans la ligne transversale dans le premier degré Pour les enfans des frères et des soeurs le mariage en fut permis entre les Romains comme Theodose parmy les Hebreux. Theodole le Grand fut le premier qui les défendit par une Constitution qui ne se voit plus, mais dont il est fait mention dans une autre Constitution de l’Empereur Honorius son fils, C. Theodos. si nuptiae ex rescript. pet. Quelques Auteurs ont écrit que Theodose changea l’ancien droit pai le conseil de S. Anibroise, in Cod. Theodos. Ad Tit. ne nuptiae ex rescript. pet Theodose Mr Jacques Godefroy est d’un sentiment contraire par cette raison, que Theodose avoit publié cette Ordonnance lorsqu’il étoit encore en Orient, et avant qu’il eût passé en Occident Quoy qu’il en soitS. Ambroise . Ambroise luy donna grande approbation, et il se persuada même que les mariages entre les cousins germains avoient été défendus par la Loy. divine, Epist. 66. ad Patern. quid est quod dubitari qucat, cum Lex divina etiam patrueles fratres prohibeat convenire in conjugalem copulam, qui sibi quarto copulaneur gradu : Il reconnoit neanmoins qu’il ne s’y en trouvoit pas Moise une prohibition expresse, mais il piétendoit que Moise n’avoit pas défendu plusieurs choses qui ne laissoient pas d’être condamnées par la voix de la nature : quanta hujusmodi invenies non esse interdicta lege à Mose editâ, et tamen interdicta sunt quadam voce naturae. MaisS. Augustin . Augustin voit lû plus exactemert les Saintes Ecritures sur cette matière ; de Civit. Dei l. 1c. c. 16. experii sumus in connubiis consobrinarum etiam nostris temporibus propter propinquitatis gradum fraterno gradui proximum quâm raro per mores fiebat, quod fieri per leges licebat, quia id nec divina prohibuit, & nondum prohibuerat lex humana : Ce qui nous apprend que le Cardinal Baronius ad an. 390. s’est trompé, Theodose quand il a écrit que Theodose ne fit cette Loy si severe, que parce qu’on avoit violé une Ordonnance pareille de Constantius, car cette Loy de Constantius contenoit seulement la prohibition l’épouser la veuve de son frère
Theodose Cette Loy de Theodose êtoit extrémement severe, elle punissoit les contrevenans par la peine du feu et par la aeroscripiion de tous leurs biens, comme on lapprend par une Constitution de l’Empereur Honorius son fils qui la modera, si nuptiae ex rescript. pet. Cod. Theodos. l. celebrandis Cod. Justin. de nupt. et enfin elle fut abrogée tout à fait par l’Empeteur Arcadius : En effet quand même les raisons, sur lesquelles on fondoit cette prohibition, auroient dû prévaloir contre le droit ancien, il y avoit peu de proportion entre la faute et la peine, et c’étoit un étrange emportement, et un zele trop prepostere pour l’honnêteté des mariages, de punir par de feu et par la proscription de tous les biens un mariage que la Loy divine avoit approuvé : Les causes de cette prohibition étoient si peu solides queS. Augustin . Augustin, dans le même endroit, Theodose de Civit. Dei l. 15. c. 16. loüoit la Loy de Theodose par cette raison, qu’elle servoit à multiplier les affinitez, ne habeat duas necessitudines una porsona, cum duae possint eas habere & numerus propinquitatis augeri, il justifie le droit ancien par des considerations qui me semblent encore plus favorables ; fuit antiquis patribus religiosae cuna, ne ipsa propinquitas se paulatim propaginum ordinibus dirimens longiùs abiret, & propinquitas esse desisteret, eam nondum longé positam rursus matrimonii vinculo colligare & quodam modo fugientem revocare
Theodose qusoi cette Loy de Theodose fut si peu goûtée que non seulement elle fut revoquée par l’Empereur Arcadius son fils, mais il n’en est pas même resté le moindre monument, et on n’en fçait la teneur que par ce qui est énoncé par cette Constitution qui se trouve dans le Code Theodosien au Tit. ne nuptiae ex rescript. pet. l. celebrandis C. de nupt. On peut donner deux raisons de son peu de durée ; la première, à cause que la peine ordonnée contre les contrevenans êroit cruelle et barbare : et la seconde, parce que l’on pouvoit obtenir de luy la permission de ces mariages qu’il punissoit par le feu et par la proscription de tous les biens, ce qui étoit tout à fait injuste ; car pour châtier si cruellement les mariages des cousins germains, il falloit que ces
Theodose conjonctions fussent abominables, et en ce cas Theodose ne pouvoit et ne devoit pas en accorder Theodose la Dispense. Je sçay que Me Jacques Godefroy avoit peine à se persuader que Theodose eût donné des Dispenses pour celebrer des mariages que par la même Loy il punissoit si tertiblement, mais les preuves qu’il rapporte au contraire ne laissent aucun lieu d’en douter. S. Ambroise témoigne que l’on pouvoit presenter Requête pour cet effet, et qu’elle étoit souvent octroyée, bien qu’il trouvàt cette Loy tres-severe : Sed dicis alicui relaxatum, verum hoc legi non prajudicat, quod enim in commune ctatuitur et tantum proficere videtur cui relaxatur, Epist. 66. S. Ambroise, qui soûtenoit cette Loy avec tant d’ardeur, n’auroit pas avoüé l’infraction que son auteur en faisoit si souvent, si cela n’eût pas été véritable.
Ce qui me donne lieu de faire ces deux observations ; la premiere, que la Dispense pour ontracter mariage dans un dégré défendu s’accordoit par les Empereurs, et non point par les Papes.
Cassiodore Cassiodore, l. 7. variar. c. 46. nous en a donné la Formule, et pour l’obtenir il n’étoit point pesoin d’exprimer d’autre cause que la parenté : C’est sur ce modéle qu’on a établi ce que nous vons dans l’Edit de Nantes pour le mariagé des cousins germains, entre ceux de la Religion Prétenduë Reformée qui obtiennent la Dispense du Prince sans autre cause que celle de la parenté.
La seconde observation, est que les Empereurs faisoient alors les Reglemens touchant les degrez de consanguinité et d’asfinité, dans lesquels on pouvoit contracter mariage.
Justinien Justinien dans tous ses Guvrages, c’est à dire dans les Institutes, le Digeste et le Code, nous a laissé de fort beaux Reglemens pour les mariages ; celuy des cousins germains y est approuvé, dont un Commentateur rend cette raison,Balduin . Ad Tit. de nupt. S. fratris, que aulla est amplius parentum liberorumve imago, aut similitudo, & jam quodammodo sublata videtur consanguinitas, quoad matrimonium attinet, nihil itaque obest quominus cognationem jam longé dissitam novâ conjunctione colligamus ac propemodum extinctam rursus excitemus.
Justinien Depuis Justinien l’ordre et la regle pour contracter mariage durant plus de six cens ans ont été fort differents et fort incertains ; le droit Canon et particulierement les Decretales changerent presque toutes les anciennes Maximes, j’en ay donné des exemples ailleurs, et en ay même rapporté la cause et fait voir que ces changemens se firent dans la vûë de s’attribuer les Dispenses, et la connoifsance de toutes les difficultez qui naîtroient pour les mariages. Ce fut sur ce principe que l’on étendit l’empeschement du mariage entre les parens jusqu’au septième degré, comme je l’ay remarqué cy-devant, et que dans la suite la prohibition fut limitée au quatrième degré parInnocent III . qui abolit aussi l’affinité au deuxième et troisième degré.
On défendra mal’aisément cette innovation pour les degrez d’affinité, si on la fait valoir en la ligne des ascendans et des décendans : L’empeschement qui procede de cette affinité, n’ayant eu pour fondement et pour cause que l’honnêteté publique, ne peut être levé ni détruit par aucune Loy, parce qu’elle est une Loy fondamentale des mariages, que les Payens mêmes ont voulu qu’elle fût inviolable et inalterable, S. Thomas même l’avouë dans le lieu cité cy-dessus : hac duo olim prohibitâ érant propter publica honestatis justitiam. Comment se peut-il faire que ce qui étoit défendu propter justitiam honestatis publica, soit permis puis aprés : L’honnêteté publique peut-elle être moins considérée en un temps qu’en un autre, et ce qui est honnête en soy ne le doit-il pas être perpétuellement : L’affinité ne forme aucun empeschement de soy, et le mariage n’est défendu qu’entant qu’il choque la bien-seance et l’honnêteré, ainsi ôter l’affinité c’est ôter l’honnêteré. Panorme êtoit fort convaincu que l’honnêteté étoit blessée par es mariages de cette qualité, ultra impedimentum affinitatis suberat impedimentum honestatis publica, et neanmoins il a eu tant de déference pour ce Chapitre non debet, qu’il n’a régardé cette honnêteté publique que comme un accessoire qui n’étoit plus considérable, puisqu’on faisoit cesser cet empeschement qui procedoit de l’affinité. Il est sans doute que la doctrine établie par les Canons de propinquis & hoc, et le Canon porro c. 35. 4. 3. sont plus conformes au droit de la nature et les gens ; mais on ne doit plus s’étonner que les Canonistes soûtiennent que le second degré d’affinité ne soit plus considérable dans la ligne des ascendans et des décendans, puisqu’on accorde si souvent les Dispenses pour le mariage de l’oncle avec sa niece Outre les empeschemens de mariage qui procedent de la parenté et de l’affinité, il y a des personnes que l’on prétend incapables de le pouvoir contracter, soit à cause de leur vieillesse, pu à cause d’une impuissance naturelle
Par la Loy Papia, qui fut publiée sous l’Empereur Tibere, comme Suetone le rapporte en a vie, aprés l’âge de soixante ans il n’étoit plus permis aux hommes de se marier, et aux Justinien femmes aprés cinquante ans. Cette loy. fut abolie par Justinien, l. Sancimus C. de Nupt. En effet puisque les productions de la Nature ne sont pas également parfaites, et que les homnes naissent beaucoup plus sains et plus robustes les uns que les autres, il n’y a pas d’appa-rence de fixer à un même âge l’incapacité de contracter mariage pour impuissance ou frigidité ; car comme ces empeschemens peuvent proceder de differentes causes, et que les hom-mes tombent dans ces defauts plûtost ou plus tard, selon la bonne ou mauvaise constitution de leurs corps, la liberté de se marier ne doit pas être bornée à un certain âge.
Quoy qu’il ne se trouve aucune loy Canonique ou civil qui déclare le mariage illegitime aprés un certain âge, Charles du Pont ne laissa point de contrédire celuy de Demoiselle Anne
Beton, sa mere, avec René le Chevalior, Ecuyer, sieur de la Riviere, parce qu’elle l’avoit contracté à l’âge de soixante et dix-sept ans. La cause portée au Parlement sur un incident, je difois pour la Demoiselle Beton que sa conduite eût êté sans doute beaucoup plus loüable, si dans cet âge elle fût demeurée dans l’etat de viduité, mais que les choses n’étant plus entieres, son mariage pourroit être soûtenu par les exemples et par la raison : L’histoire facrée et profane fournissoit des exemples d’hommes et de femmes, qui dans un âge fort avancé s’étoient engagez dans le mariage. Abraham et David n’en firent point de scrupule, la Loy Sancimus C. de Nupt. y est expresse, et un Docteur en Droit la confirmée par son exemple.
Tout le monde sçait le mariage de Bulgarus avec une vieille, et la raillerie de ses écoliers, lorsque le lendemain de ses nopces il leur expliqua la Loy Rem non novam C. de Judic. La Fable même s’est mélée d’autoriser ces mariages par l’exemple de ses Dieux. Junon se glorifie dans Homere que Jupiter, le Roy des Dieux, l’avoit épousée, quoy qu’elle fût plus vieille que luy ; et il n’est pas jusqu’aux Astrologues qui ne prétendent que ces mariages sont un effet Ptolomée de la constellation et de la destinée. Prolomée et Julius Firmicus assurent que si la naissance d’une personne se rencontre dans le temps que le Soleil est dans le signe des poissons, et que son coucher soit dans celuy du Lyon, cette personne-là ne sera jamais conjointe par mariage. qu’avec une tres-vieille personne.
Enfin ces mariages peuvent être défendus par la raison et par l’autorité. Le mariage n’est pas, disoit un Empereur, un nom de volupté, on ne doit pas en faire l’unique objet de quel ues folles amours, c’est un nom d’honneur et d’amitié, c’est le plus ancien et le plus sacré sien de l’humaine societé, c’est un remede agreable contre la solitude et les chagrins de la vieillesse, et un secours contre ses infirmitez : C’est aussi de cette manière que ce tres-sage et divin Auteur du Mariage s’en est expliqué, il ne l’institua pas seulement pour la propagation du genre humain, il voulut encore que ce fût un aide reciproque et un support indissoluble dans la bonne et mauvaise fortune ; faciamus et adjutorium simile sibi : Ce secours mutuel n’est jamais plus necessaire que dans la vieillesse, de sorte que bien loin que ce soit une faute de chercher cette a ssistance et cette consolation, c’est au contraire un effet de prudence de s’assurer d’une personne qui vueille suporter nos foiblesses, et la Demoiselle Beron a fait heureusement ce choix ; elle a épousé un homme d’honneur, et qui est dans un âge lequel au moins s’il n’est pas égal, il est hors des emportemens d’une jeunesse méprisante et legere. Du Hequet, pour les enfans, s’efforça de rendre ce mariage défavorable par la peinture agreable qu’il fit de l’extrême décrepitude de cette femme, mais aprés être demeuré d’accord que la vieillesse n’est point un empeschemen au mariage, il conclud que suivant l’Arrest du Parlement de Paris pour la Comtesse de Vertus, elle devoit être mise en curatelle ; mais aprés avoir montré que l’espèce de cette cause étoit différente, par Arrest du s de Mars 1665. il fut dit en prononçant sur l’appel comme d’abur de du Pont de la celebration du mariage, qu’il avoit été mal, nullement et abusivement célèbré, et neanmoins permis audit le Chevalier et à ladite Beton de se retirer par devers le Curé, pour proceder à la celebration de leur mariage, de faire un nouveau contrat de mariage, et de donner à son mary suivant la Coûtume
On peut dire sur ce sujet que toutes les actions qui sont permises ne sont pas toûjours bienseantes, et que l’honnêteté ne permet pas toûjours de faire tout cesqui n’est pas condamné.
Ces mariages contractez dans une extrême vieillesse marquent toûjours du déreglement ou de la foiblesse, et principalement de la part des femmes lorsque leurs rides et leurs cheveux blancs de peuvent étoufer dans leurs coeurs tous les sentimens de la volupté, et qu’elles soûpirent pour de jeunes gens qui n’auroient pour elles que du mépris, si le profit ou l’esperance d’une bonne fortune ne les forçoit à dissimuler pour quelque temps leur aversion. Ce fut par ce motif que la veuve de Craterus s’efforçoit de persuader au Roy Demetrius, qui étoit fort jeune, de l’épouser malgré la resistance qu’il faisoit paroître à cause qu’elle étoit fort vieille, car elle luy dit à l’oreille ce Vers d’Euripide.
MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC.
Ubi affulserit lucrum, prater indolem ducenda uxor.
Mais le dégoust suit bien-tost ces conjonctions si mal assorties, ce qui produit necessairement la discorde et le mauvais ménage.
Mais à l’égard des hommes leur vigueur naturelle pouvant être assez grande, même dans un âge fort avancé, pour les rendre capables des actes du mariage, la liberté du mariage leur doit être laissée.
Il est vray que par la disposition du droit Canon, an tutor de frigid. et malè affect. celuy qui se connoit impuissant doit s’abstenir du mariage, mais il y a de la difference entre la frigidité et la vieillesse ; la frigidité causée par un empeschement naturel et perpétuel ne se repare point, mais les forces d’un vieillard se peuvent rétablir pour être capable de la generation, comme on de prouve par l’exemple d’Abraham, lequel aprés cent ans et aprés la mort de Sara ne laissa point. d’épouser d’autres femmes et d’en avoir des enfans.
Lorsque l’empeschement est naturel ou perpetuel, comme aux véritables Eunuques, il leur est défendu par les Loix Giviles et Canoniques de se matier, l. si serva 20. 8. fin. D. de jure dot.
si Spadoni mulier nupserit, distinguendum arbitror si castratus fuerit nec-ne : ut in castrato dicas dotem ton effe. Et l’Empereur en sa Constitution 98. défend aux Prestres de donner la Benediction. nuptiale à ces sortes de mariages, qui sacerdos istiusmodi conjunctionem profanato sacrificio persicere jusus fuerit, sacerdatali dignitate denudetur : Et suivant le Canon Requisisti Can. 33. 4. vir qu frigide naturae est manéat sine conjuge.
Si toutefois un impuissant a contracté mariage, la femme peut-elle demander la separation ; Le PapeGrégoire V . ayant été consulté sur cette question, il conseilla d’abord que le mariage subsistât, ut si non posset uti eà pro uxore, haberet eam quasi uxorem : Si toutefois la femme veut se separer et dire volo esse mater et filios procreare, tunc videtur mulierem secundas nuptias posse contrahere Can. Requisisti.
Il est vray que lorsque l’impuissance êtoit notoire, et que la femme ne l’avoit pas ignorée elle ne pouvoit plus demander la dissolution du mariage, l. mulier. C. de Sponsal. La Glose, sur e Chap. Requisisti, dit qie si mulier novit impedimentum viri, et contrahit, non potest resilire.
Le Chapitre 4. aux Decretales, l. 4. t. 15. est exprés, que contrahens scienter cûm impotenti copulam ab eâ non separetiir : Consultationi tuae, quà nos consuluisti utrum feminae clausae impotentes commisceri maribus oatrimonium possint contrahere, et si contraxerint an debeant rescindi : Taliter respondemus quod licet incredibile videatur, quod aliquis cum talibus contrahat matrimonium, Romana oi tamen Ecclesia consuecit in consimilibus judicare, ut quas tanquam uxores habere non possunt, habeant ti ur sorores.
L. Parlement de Paris et celuy de Roüen ont donné des Arrests contraires sur cette question, si l’on peut empescher un Eunuque de contracter mariage ; Dans la seconde partie du Journal des Audiences, 1. 7. c. 2. on trouve un Arrest donné sur ce fait. Un particulier ayant voulu se marier du consentement de ses pere et mete, et des pere et mère dé la fille, pour parvenir au mariage, ils avoient prié le Curé de publier les Bans, lequel en fit refus, sur ce que par la notoriété publique le particulier êtoit estimé Eunuque ; en consequence de ce refus il avoit fait ssigner le Curé devant le Juge, pour voir dire qu’il seroit tenu de célèbrer le mariage ; ce particulier étant demeuré d’accord de son impuissance, le Juge avoit mis sur la demande hors de Cour : Sur l’appel la fille étoit partie intervenante qui demandoit qu’il fût passé outre au mariage, et ils disoient lun et lautre que suivant les Canons un mariage avec un impuissant n’étoit point declaré nul, quand la personne qui contractoit avec limpuissant sçavoit son état. Le Curé répondoit que l’impuissance de ce particulier étant publique et notoire, et luy-même en deneurant d’accord, il étoit inhabile au mariage : Mr l’Avocat General remontra que la raison pour laquelle on déclaroit le mariage d’un impuissant nul n’étoit pas, parce qu’il êtoit fait avec un impuissant, mais parce qu’il s’étoit supposé puissant et autre qu’il n’étoit, que c’étoit pour lors eror in personâ qui impedit matrimonium, que suivant les Canons le mariage pouvoit être entre un impuissant, qu’il y avoit trois fins du mariage, consensus, proles et sacramentum, un des trois suffit pour le mariage, que quand l’on casse le mariage d’un impuissant, c’est lorsque la femme se plaint : L’on présuppose la femme n’avoir point consenti, et que si elle l’eûr sçû elle n’eûr pas donné son consentement, sans lequel il ne peut y avoir de mariage, mais qu’icy la femme êtoit en cause qui le demandoit en tel état qu’il êtoit ; neanmoins par Arrest du 8 de Janvler 166s. sans avoir égard à l’intervention de la fille, la Cour confirma la Sentences Cette même question a été jugée en ce Parlement le 26 de Novembre 1657. au Rapport de Mr d’Anviray, entre Jean Robert et Loüise Gohier sa femme, appelans comme d’abus de Sentence renduë par l’Official de Bayeux, qui avoit déclaré le mariage nul pour l’impuissance notoire dudit Robert, et par luy avoüée, et qui avoit fait défenses audit Robert de se marier, et Me Jean Helie Promoteur en l’Officialité, intimé ; il fut dit par l’Arrest qu’il avoit été mal, nullement et abusivement procedé et jugé, et en reformant sur l’action du Promoteur, les parties envoyées hors de Cour : L’Arrest fondé sur ce que la femme, nonobstant la connoissance qu’elle avoit de l’impuissance de son mary, avoit consenti et consentoit au mariage. et qu’il n’y avoit qu’elle qui se pûst plaindre de l’impuissance de son mary.
Il avoit été jugé en l’Audience de la Grand. Chambre le 1s de Decembre 1655. qu’un parent collateral, heritier presomptif, n’étoit pas recevable à s’opposer au mariage de son parent, sous pretexte d’impuissance. De la Mare avoit été marié durant quinze ans sans avoir eu d’enfans ; prés le décez de sa femme, quand il voulut se remarier, Jean de la Mare son neveu s’opposa à la publication des Bans : Il prétendoit que l’impuissance de son oncle étoit assez prouvée par la seule inspection de sa personne, étant sans poil et ayant le visage d’un impuissant, et qu’en effer il n’avoit point eu d’enfans de sa premiere femme. Le Juge de Caudebec avoit rononcé des défenses de contracter mariage : Sur l’appel l’oncle soûtenoit que son neveu ne pouvoit l’accuser d’impuissance, cette action n’appartenant qu’au mary ou à la femme ; que sa remiere femme ne s’en étoit point plainte, que le defaut de poil n’en êtoit pas une marque, et qu’au contraire cela pouvoit proceder d’un excez de chaleur, et qu’aprés tout le mariage n’étoit pas ordonné simplement propter infirmitatem, aut liberorum procreationem, sed etiâm propter adjutorium, qu’il consistoit plus en l’union des coeurs qu’en celle des corps, et que puisque sa fancée demandoit et vouloit l’accomplissement du mariage, il n’y avoit aucun pretexte de l’empescher. L’intimé se plaignoit que son oncle ne contractoit ce mariage que pour le priver de sa succession, son impuissance paroissant ex solo aspectu corporis : Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et en reformant sans avoir égard à lopposition, il fut permis à l’oncle de passer outre à la celebration du mariage. Dans l’espèce de cette cause l’impuissance n’étoit pas notoire ni déclarée par aucun jugement, et le neveu n’en rapportoit d’autres preuves que celles qui resultoient de rinspection de sa personne.
Par Arrest du Parlement de Paris donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 18 de Jantier 1658. il a été jugé qu’un sourd et un muet de naissance avoit pû valablement contracter mariage, suivant le Chap. cum apud sedem Apostolicam de sponsal. et matrim. aux Decretales, et la raison êtoit que tous ceux-là peuvent contracter mariage, qui par la disposition du droit n’en sont point empeschez. Ils peuvent exprimer par signes ce qu’ils ne peuvent declarer par paroles, ce qui suffit pour montrer leur consentement, c. tuae fraternitati. Eodem.
On a agité cette question, si un enfant né sous la seule promesse de maniage, sans avoir été celebré en l’Eglise, et la mere étant morte pendant le procez sur l’accusation de rapt, étoit capable de succeder ; Les parens collateraux de celuy qu’on prétend être le pere qui avoit été renvoyé devant l’Official sur la question du mariage et legirimité de l’enfant, par Arrest du mois de Février 1611. disoient que le mariage doit être célèbré en l’Eglise et la Benediction reçûë par les conpoints et administrée par le Prestre, que la promesse et la conjonction ne faisoient point le mariage, et qu’ayant commencé ab illicitis ne pouvoit recevoir sa perfection que par la Benediction de l’Eglise, qu’une femme et un homme ne pouvoient pas le la donner à eux-mêmes.
Que la Cour ayant renvoyé le pere et le tuteur des enfans nés de cette conjonction devant l’Official, elle avoit trouvé qu’il n’y avoit point de mariage, et l’Official n’ayant point prononcé sur la legitimation, la qualité des enfans demeuroit indécise, le mariage suivant l’Or-donnance ne pouvant valoir sans les Bans et le consentement des parens. Au contraire le fils répondoit que la promesse de mariage qui avoit précedé la consommation avoit été reconnue devant l’Official d’Evreux par le pere et la mere, que le pere avoit avoüé pour son fils celuy dont on disputoit maintenant la condition ; que sa mere êtoit morte pendant le procez sur le rapr, et son pere avant le jugement de l’Official sur la legitimation. Ces accidents fortuits ne pouvoient ruiner sa condition, repentini casùs iniquitas non debet nocere proli ; et bien qu’on eût porté son pere à prendre des Lettres de Restitution contre la promesse de mariage, néanmoins par son testament il avoit reconnu de bonne foy sa promesse. Le consentement des contractans, la foy donnée et la conjonction font le mariage ; la mort a été le seul empeshement à la celebration en face d’Eglise. Cette question ayant été mûè sur les promesses de mariage entre Jean de Postis, sieur de Vieille-Evreux, et DemoiselleSusanne de Grimouville, sur l’accusation en rapt contre de Postis par Pigousse, sieur de Dragueville, et Dame Jacqueline de Pitebout, mére de ladite de Grimouville d’un premier mariage, par un Arrest de’année 1611. les parties avoient été renvoyées devant l’Official sur la question du mariage et la legitimité des enfans ; mais ladite de Grimouville étant morte lors de l’Arrest, et depuis le sieur de Postis étant mort aussi, Marie de Postis, Dame de Hoüeteville sa seur, ayant pris possession de la succession de Charles de Postis, sorti de luy et de ladite de Grimouville, prétendit la succession comme héritière de son père ; par Arrest en la Grand-Chambre du 21 de Novembre 1630. la succession fut ajugée audit sieur de Postis. La Dame de Hoüeteville ayant obtenu une Requête civil contre cet Arrest, elle en fut deboutée par un autre Arrest du 18. de Juillet 1631. Depuis cet Arrest l’Ordonnance de 1639. a été publiée, qui a introduit de nouvelles regles pour les mariages.
Ce 26 ou le 27 de Mars 1637. il se donna Arrest sur une question notable, le sieur de Vauricart ayant suborné une fille sous promesse de mariage, il en eut un enfant ; sur l’action en rapt formée par les parens il fut condamné à mort par contumace et en 10000 livres l’amende et 10000 livres d’interests envers la fille, et ses biens confisquez. Le sieur de Vauricart étant au service du Roy en Bourgogne, il fut blessé à mort, et par un testament es bonne forme qu’il fit avant que de mourir, il reconnut qu’il avoit promis mariage à cette fille, et déclara la tenir pour sa femme, et l’enfant pour son fils legitime. Cette femme poursuivit les parens pour luy nommer un tuteur. Le frère du défunt s’opposa seul. L’affaire renvoyée en la Cour, elle donna Arrest par lequel, vù la condamnation de mort et le testament, elle ordonna qu’il seroit procedé à l’institution d’un tuteur, et ajugea la succession à l’enfant.
Ce qui faisoit la difficulté étoit que par le Concile de Trente, et par les Articles 41. et 42. de l’Ordonnance de Blois, il n’y a point de mariage sans Benediction nuptiale et sans solennité, mais on disoit que la Benediction n’est point de l’essence, et qu’avant le Concile de Trente matrimonia prasumpta et rata étoient valables
Cette même question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre, sçavoir si les seules paroles d’un engagement reciproque prononcées en la presence d’un Curé sont valables : Antoine le Mercier, fils du sieur le Mercier, Lieutenant General à Bayeux, fit des promesses de mariage à Jeanne de Salem, son pere ayant sçû le commerce qu’il avoit avec cette fille obtint un Mandement du Juge de Bayeux, portant défenses de contracter mariage, et de se hanter ni frequenter, ce qu’il fit aussi signifier aux Curez : Antoine le Mercier ayant requis son Curé se luy donner la Benediction nuptiale il le refusa, en consequence des défenses qui luy avoient été signifiées à la requête du pere ; mais comme il étoit âgé de ving-neuf ans il déclara devant le Curé qu’il prenoit ladite de Salem pour sa femme : le pere avoit obtenu de la Cour d’iteratives défenses, et voyant que son fils ne poursuivoit point le Curé pour lobliger à luy donner la Senediction nupuiale, il ne fit de son côté aucunes poursuites, quoy qu’il connût la hantise et la demeure continuelle de son fils avec cette femme, qui étoit Demoiselle. Il étoit constant qu’il ne s’étoit fait aucune reconciliation du fils avec son pere, et même lorsque ce fils étant à l’extremité de sa vie envoya le Curé du lieu où il demeuroit vers son pere, il refusa d’aller le visiter : Aprés la mort du pere la veuve d’Antoine le Mercier, au nom de ses enfans, demanda art en sa succession ; l’affaire ayant été renvoyée en la Cour, Maurry, son Avocat, disoit que les paroles de present, que le défunt Antoine le Mercier et sa partie s’étoient données en la presence du Curé, nonobstant le refus qu’il avoit fait de les matier ; étoient suffisantes pour la validité du mariage, ce qu’il établissoit par l’autorité des Theologiens. L’opinion contraire n’ayant été tenuë que parMelchior Canus , qui en avoit été repris par le Cardinal Bellarmini a substance du mariage consistoit au seul consentement des parties, que la déclaration qu’ils voient faite devant le Curé êtoit suffisante pour la celebration, quoy que le Curé n’eûr dit aucunes paroles ni donné sa Benediction, parce que son ministere en cela n’étoit interposé de nécessité d’office, mais comme de témoin seulement, que c’étoit le véritable sens du Concile qui n’obligeoit point le Curé à prononcer les paroles aprés avoir connu la volonté des parties, que les Cardinaux en avoient fait une Declaration inserée au Chap. 1. de Reform. matrimon. sacra Cardinalium congregatio censuit non pertinere ad substantiam matrimonii, ut Parochis aliqua verba proferat, ideoque valère matrimonium, quamvis verba exprimentia consensum prolata sint à contrahentibus tantùm. Et Antoine le Mercier étant âgé de vingt, neuf ans, êtoit capable, par le droit civil et par les Ordonnances, de contracter mariage ; et pour rendre sa cause plus favora ble il ajoûta que le pere avoit abandonné ses poursuites durant vingt années. Buquet et moy plaidans pour la mere et pour Me Michel le Mercier, frère d’Antoine le Mercier, nous soûtenions au contraire, que si la cause se traitoit dans l’école, et qu’il fallût disputer de la matiere et de la forme du mariage, l’autorité des Decteurs Scolastiques seroit favorable à la demanderesse, ce seroit neanmoins une question fort difficile à décider ; car ces Theologiens ne conviennent pas de ce qui fait la forme du mariage, si ce sont ces paroles qui expriment le consentement des parties, ou celles qui contiennent la Benediction. Mi deMarca , du Sacrement de Mariage, a fait un Traité exprés pour prouver que le Prestre est le Ministre du Sacrement, et non pas e les parties contractantes, que la forme consiste aux Formules dont il se sert pour les contraindre au mariage, et la matière aux actes, par lesquels les parties se donnent un mutuel consentement.
C’étoit le sentiment deGroperus , qui est l’Auteur du Concile de Cologne, tenu un peu avant celuy de Trente, et depuis le Concile de Trente la même opinion a été soûtenue par Melchion Canus qui y avoit assisté, et quoy qu’elle ne soit pas suivie communément dans les écoles, neanmoins Bannés assure qu’elle est suivie par un plus grand nombre de Docteurs que celle qui est contraire ; ce que Mr de Marca confirme dans sa Dissertation sur ce sujet, par un tresgrand nombre de raisons et d’autoritez. On y peut ajoûter que la Benediction nuptiale étoit requise dés le tem ps des Apôtres ; on apprend cette vérité par une Lettre de S. Ignace qui étoit leur Contemporain, decet ducentes uxores cum Episcopi arbitrio unionem faciant ; et le Cardinal Jaronius rapportant ce passage sur l’année 57. de Nôtre Seigneur, n. 47. a écrit ces paroles, non liunde quam ab Apostolicâ traditione sluxisse ut non sine sacerdotis presentiâ matrimonium contrahatur.
Clement Alexandrin Alexandtin, qui vivoit dans le deuxième siecle, témoigne que dans la celebration l’Evêque ne donnoit pas seulement la benediction, mais il imposoit aussi les mains, ce qui nontre que le Curé ne sert pas simplement de témoin, mais que sa fonction est necessaire ; et dans le neuvième siecle l’EmpeteurLeon , dans sa Novelle 89. reitera les défenses ne matrimonia citra sacram benedictionem confirmentur. Aussi le Cardinal Bellarmin avoué que son opinion ne peut avoir lieu que pour le for interieur, car en argumentant contre l’opinion deCanus , qui avoit soûtenu que la Benediction nuptiale n’étoit pas seulement de necessitate Pracepti, Evariste mais aussi de necessitate Sacramenti, et se voyant pressé par l’autorité des saints Canons, et particulièrement par celuy d’Evariste, qui décide matrimonia sinesacerdote contracta non esse matrimonia, Evariste sed adulteria ; il répond qu’Evariste a parlé de legitimo matrimonio in foro exteriore ; Ecclesia enim tion judicat matrimonium legitimum, sed fornicationem in foro exteriore.
Cette même question ayant été traitée au Parlement de Paris, dans une espèce beaucoup plus favorable, Mr l’Avocat General Bignon conclud à la nullité du mariage, et là cause fut appointée u Conseil.Du Fréne , Journal des Audiences, l. 6. c. 10. de l’impression de l’an 1652.
Quand le defaut de la benediction ne seroit pas considérable, la demanderesse ne pourroit prétendre le titre de femme legitime, car ce mariage auroit été célèbré sans publication de Bans, et on auroit passé outre, nonobstant l’opposition d’un pere et les défenses d’un Juge : Par Arrest du 19 de Juin 1671. le maringe fut cenfirmé et les enfans reçûs à succeder.
Ce n’est pas assez que le mariage soit legitime et valablement contracté, il faut que les enfans soient nés dans le mariage, ou que le posthume naisse dans un temps qui le fasse présumer être une production du défunt ; mais comme le temps de la grossesse et de l’accouchement des emmes n’est pas toûjours certain et reglé, cela produit plusieurs questions : C’en fut une celèbre que celle qui se presenta en l’Audience de la Grand. Chambre, lorsque Mr de Moüy, Seigneur de la Milleraye, vint y prendre seance, en qualité de Lieutenant General, pour le Roy en Normandie. Il s’agissoit de sçavoir si un enfant né dix mois quatre jours aprés linhumation de celuy que l’on prétendoit être son pere étoit legitime, et si la mere devoit être privée de son doüaire
Pour la mere et l’enfant on disoit que les Jurisconsultes et les Medecins n’ont point défini précisément le temps de la naissance d’un homme, solus homo ex omnium animalium genere varia Arist generationis tempora & nascendi obtinet. Arist. de Nat. anim. l. 7. c. 7. On apprend d’Aulugelle que Flaminia, dont la conduite étoit sans reproche, et la vertu fort connuë, honestis moribus G non ambiguâ pudicitiâ, ayant accouché onze mois aprés la mort de son mary, elle plaida longtemps contre les heritiers, touchant la legitimité de l’enfant, mais enfin l’Empereur Adrien Aristote jugea que l’enfant né à onze mois pouvoit être legitime. Aristote remarque au lieu préallégué que diverses sortes d’animaux conçoivent et produisent leurs petits en divers temps. Les Elephans portent deux ans ; les Chameaux quatre mois ; les Jumens neuf ; et les Femmes produisent leurs enfans à sept, huit, neuf, dix, et onze mois.Du Laurens , l. 4. 4. 30. en son Traité de l’Anatomie, dit que, comme l’enfantement peut s’avanceri et l’enfant naître parfait à sept mois, plusieurs accidents peuvent aussi retarder les couches d’une femme, et que la tristesse de la mère, sa foiblesse ou celle de l’enfant peuvent causer ce retardement : Il n’est pas même vraysemblable que dans les premiers jours de sa perte, lorsque les plus insensibles ne peuvent s’empescher de verser des larmes, une femme conçoive la pensée d’une prostitution si honteuse Les heritiers répondoient que le scandale qu’elle avoit causé durant son mariage par sa mauvaise conduite, faisoit aisement présumer la continuation de sa débauche : La maladie de son mary qui avoit été grande et qui avoit duré plus d’un mois, ne souffroit pas que l’on présumât que cet enfant fût de ses oeuvres. Ce seroit un grand abus de rendre incertain le temps. de la naissance ; Ulpien l’a fixé dans la l. 3. 8. post decem ff. de suis et leg. hered. post decem menses natus non admittitur ad hereditatem. Et la l. quidam C. de posthum. post decem menses à morte patris natus non censetur legitimus, quia longissimum putabatur & olim pariendi tempus. Voyez Xeno phon et Plutarque sur la naissance d’Agesilalls et de Leotichydes. Hypocrate limite la naissance de l’enfant à dix mois, de Naturâ pueri. Dans Homere Neptuné parlant à la Nymphe qu’il avoit caressée, luy promet qu’elle accouchera avant que l’an eût fait son tout MOTGREC MOTGREC MOTGREC ; MOTGREC MOTGREC’MOTGREC
MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC
MOTGREC.
Mais outre que Neptune ne vouloit pas dire que l’an seroit achevé, comme Aulugelle l’a remarqué, l’an des Eoliens n’étoit que de dix mois, non plus que celuy des Romains, et Homere étoit Eolien. Et Plaute dans son Amphitr. ad prebendam aquam, quà puerperae lavantur, commodum adveni decimo mense. EtTurnebe , sur ce passage, demande cim olim mulières decimo nense parerent, cûm hodie nono soleant, sed ita se res habet, breviores érant veterum menses quam nostri, cum ad Luna cursum metirentur, non ad Solis
Incipe parve puer risu cognoscere matrem
Matri longa decem tulerunt fastidia menses.
Par Arrest du ro d’Aoust 1632. l’on confirma la Sentence du Bailly qui avoit privé la mere du doüaire, et on déclara l’enfant illegitime et incapable de succeder ; voyez la l. 6. filium de his qui sunt sui juris l. l. 5. idem de agnosc. lib. etCoras , ad l. Gallus de lib. ex posthum.
Voicy une autre espèce de personnes, qui bien qu’issuës d’un mariage legitime sont incapables de succeder à cause de leur lniquité, sçavoir les condamnez aux Galeres perpetuelles, ou ài un bannissement perpétuel hors du Royaume : Les enfans mêmes qui sont nés aprés le condamnations sont inhabiles à succeder, suivant le droit de la nature et des gens ; et même par la Loy de Grace ceux qui sont morts civilement, comme les Religieux, les serfs, les pannis à perpétuité du Royaume, sont capables du mariage, mais ce n’est que quoad fedus, non quoad actus civil ; ils sont legitimes, et toutefois non pas capables de succeder à leu pere qui a été condamné avant le mariage, ni la femme à demander son doüaire. Sur cette matiere voyez Loüet etBrodeau , et les Auteurs par eux alléguez, l. E. n. 9. et lett. C. n. 25Du Fréne , l. 1. c. 37. de l’impression de l’an 1652.
Il est neanmoins necessaire, suivant l’observation deRicard , en son Traité des Donations, p. 1. c. 3. Sect. 4. n. 254. pour faire que le bannissement prive des effets civils qu’il soit agravé de ces deux circonstances, à perpetuité et hors du Royaume : Quand le bannissement n’est que hors d’une Province ou à temps, ce n’est qu’une separation et un éloignement pour un temps, et non pas un retranchement perpétuel et absolu du corps de la Republique et par cette raison on a jugé au Parlement de Paris que celuy qui avoit été banny de la Province de Tours, ensemble de la Ville et Prevôté de Paris, êétoit capable de succeder même aux biens situez en la Coûtume de Tours : C’est aussi le sentiment de MiMaynard , l. 9. c. 42. car il compare ceux qui sont bannis seulement d’une Province ou d’un certain lieu à ceux qui étoient reléguez, dont les biens n’étoient point confisquez, l. relegatorum 5. hec est differentia ff. de interdict. et relegat. et je ne doute point qu’en cette Province on ne se conforme aux Arrests du Parlement de Paris et de Tololes.
Sur ce sujet je rapporteray un Arrest notable donné sur cette question, si un neveu accusé d’avoir empoisonné la femme de son oncle, et pour ce sujet exheredé par son oncle, qui reconnut sa nièce, soeur de cet exherédé, pour sa seule heritiere, et ayant été condamné à mort par Sentence du Juge inferieur, mais par Arrest banny seulement pour neuf ans, et ayant obtenu Lettres de rappel de ban, qui furent enterinées, pouvoit demander la succession de son oncle et exclure la nièce. La succession avoit été ajugée à la niece par Sentence du Vicomte de CaEn. ; sur l’appel le neveu soûtenoit que l’exil où bannissement hors de la Province de Normandie pour neuf ans, dont il avoit obtenu des Lettres de rappel, ne le rendoit point incapable de succeder à son oncle, non amisit jura civitatis per certi loci interdictionem ; relegatus integrum statum retinet & rerum suarum dominium l. relegatus ff. de interdict. et relegat. la Sentence qui l’avoit condamné à la mort ayant été revoquée : Par Arrest il a été déchargé du crime d’empoisonnement, bien qu’il ait été banny pour un temps pour les cas resultans du procez.
La nièce luy objectoit une double indignité, le bannissement et l’exheredation. Ce neveu avoit été tendrement élevé par son oncle et par sa tante, comme leur enfant ; pour recompense de ces bien-faits il empoisonna sa tante. Les Perses recevoient l’accusation contre ceux qui manquoient à la gratitude qu’ils devoient à leurs bien-faicteurs,Xenoph . l. 1. de Cyrop. Si les loix Romaines ne punissoient pas ceux qui n’avoient aucun ressentiment d’un bien. fait, au moins ils laissoient des moyens pour châtier ceux qui faisoient des actions contraires à la pieté et à leur devoir. L’intimée se sentoit obligée de soûtenir le droit qui luy est acquis par la volonté de son oncle, confirmée par un contrat et par un testament.
Entre les peines imposées aux crimes, l’exil, l’interdiction et la relegation ont leur ordre, Le Titre de interdict. et relegat. suit le Titre de penis dans le droit Romain : Et bien que l’interdiction ou la relegation ne privassent point des droits civils, elles notoient toûjours la per-sonne interdite. Le crime d’empoisonnement est atroce, plus est occidere veneno quam gladio, et de la part d’un neveu contre son oncle c’est une espèce de parricide ; et quoy que la clemence les Juges ait moderé sa peine, c’est mal argumenter qu’il soit absous et qu’il soit capable de prendre la succession de son oncle, generaliter id erit defendendum : ut qui clementiorem sententiam passus est, ob hoc, quod ad tempus relegetur, boni consulère debeat humanitatis sententiae, nec decu-rionatum recipiat, l. generaliter, ff. de decurionibus. La peine des empoisonneurs parmy les Romains. êtoit autrefois la déportation, insula deportatio & bonorum ademptio, sed hodie solent puniri, dit la Loy ejusdem. 3. legis Cornelia ad leg. Cornel. de sicar. et venef. La peine êtoit d’un bannissement perpetuel pour ôter le coupable à la vûë des pareaes du défunt, ne propinquis defuncti fiet tristitiâ et doloris augmentum, ne assiduo aspectu ejus qui dolorem attulit & defuncti mémoriae propinqui sponre ad ultionem impulsi malum malo sanare conentur.
Mais quelque favorable que sa condamnation ait été, son crime fournit toûjours une juste cause, d’exheredation, puisque l’oncle n’a pû être incité à la prononcer par de plus justes moifs, non inconsulto calore, sed ex meritis futuri heredis ad id odium incitatus est l. si filium C. de noff. testam. On ne peut ôter à un oncle le droit d’exercer une punition si bien méritée par l’exheredé, hanc postremi judicii liberum arbitrium testator habere debet On ne peut revoquer en doute que l’attentat par poison sur la vie d’un oncle et de sa femme par un neveu presomptif heritier, pour avoir sa succession, ne soit une cause legitime d’exderedation. Il n’est donc pas recevable à accuser le testament de son oncle d’inofficiosité, par se droit cette action n’appartenoit point à un parent collateral, elle n’étoit permife qu’aux enfans et au frere et à la sour contre le testament du frère, sed fratris vel sororis filii patrui, vel avunculi testamentum inofficiosum frustra dicunt, cum nemo eorum qui ex transversa linea veniunt exceptis fratre & sorore ad querelam inofficiosi admittatur. Quand même l’oncle n’auroit point fait sa déclaration, la Loy rend ce neveu indigne de la succession : Si celuy qui refuse à ses prohes l’assistance qu’il luy doit, qui manifestissimè comprobatus est ut per negligentiam aut culpam quam mulier à qua heres institutus est moreretur. l. indignum ff. de his que ut und. l. inimicitiae. 16. est indigne de la succession, si celuy qui palam et apertè maledixerit testatori infaustas voces adversus eum jactaverit, à plus forte raison celuy qui attente à la vie de son oncle et de sa ante, tombe dans le cas d’indignité. Il seroit trop injuste que cette tante qui a contribué de ses soins et de ses peines pour augmenter les biens de son mary, n’eût travaillé que pour enrichir celuy qui luy a ôté la vie-
Les Lettres de rappel de ban sont des Lettres de grace, qui ne redonnent pas au condamné la succession dont il étoit indigne, indulgentia Principis quos liberat notat, non infamiâm tol-lit, sed penae gratiam facit. l. indulgentia C. de generali abolit.
Pena potest tolli, culpa perennis erit.
D’ailleurs la question des biens et de la succession n’a rien de commun, et ne dépeûd point du jugement du crime. Il a pû être déchargé du crime, et demeurer indigne de la succession de celuy qu’il avoit offense. On en voit un exemple en la l. 1. ff. de his que ut indign.
Divi Severus et Antoninus rescripserunt quasi, indionum carere legato vel fideicommisso libertum, que et ex testamento patroni relicta érant, cum patronum suum post mortem ejus quasi illicita merci negotiatorem detulerat, quamvis pramium meruit. Et en la l. Lucius Titius de jure fisciesur une accusation d’empoisonnement morte extincto crimine manet questio bonorum et persequutio eorum que scelere acquisita sunt ; mais les biens qui eussent appartenu à l’indigne étoient ajugez au Fisc.
En France ils demeurent au plus prothe parent habile à succeder, ce qui a été jugé par deux Arrests notables. Un nommé Scipion ayant tué sa femme surprise en adultere, il fut absous de ce meurtre, et neanmoins par un Arrest du Parlement de Paris il fut privé d’une donation gue sa femme luy avoit faite. De trois fils d’un Gentilhomme nommé Langlois, le second ayant tué l’ainé, et obtenu des Lettres de remission, qui furent entérinées : quand aprés la mort du pere il voulut avoit la prerogative d’ainesse dans les biens de Caux, sur l’opposition du troisième frère il en fut declaré indigne, par Arrest confirmé par un autre Arrest du Conseil Privé. Par Arrest en l’Audience du18 de May 1623. la Sentence fut confirmée, et la succession de Thebaut fut ajugée à Bonne Foüer sa niece, au préjudice de Thebaut Foüet son neveu, El’exheredation ayant été opprouvée, quoy que le neveu eût été seulement banny pour neur Lans hors la Normandie, pour les cas resultans du procez.
Mais les deux Parlements de Paris et de Tolose sont opposez sur cette question, si un conlamné par contumace pour un crime qui emporte confiscation, venant à moutir dans les cinq années, est capable de rocueillir les successions qui luy sont échûës pendant ce temps-là Mr d’Olive , l. 5. c. 7. pour prouver qu’ils en sont incapables, dit qué ceux qui sont condamnez par defauts encoureit la mort civil par cette feule condamnation, sans qu’il soit necessaire pour produire cet effet qu’elle soit executée réellement ; ce contumax est mort quant à la LoyII est bien vray que l’Ordonnance donne aux criminels ce delay pour purger leur contumace, mais elle n’arrête pas l’effet de la Sentence des Juges, et ne conserve pas les aceusez en l’état qu’ils étoient auparavart, et le Parlement de Tolose le Juge de la sorte.
Bien qu’il soit vray que le criminel encoure la mort civil par la seule condamnation, l’execution toutefois en est suspenduë durant le delay que l’Ordonnance luy accorde pour se presenter, Il luy est permis dans cet intervalle de choisit une conjoncture favorable pour justifier son innocence : Quand l’Ordonnance a donné ce temps aux accusez elle a présumé favorablement que leur faute ou leur ablence pouvoit avoir quelque pretexte raisonnable, et que la crainte, le credit ou la violence des accusateurs, plûtost que leur conscience, leur faisoit redouter l’évesement de l’accusation, et comme les Loix penales s’expliquent favorablement, et que l’on présume toûjours en faveur de l’innocencé, ce deluy de cinq années ne doit pas être seulement utile aux contumaces, il doit avoir toute son étenduë pour ceux de sa famille, pour les recevoit à proposer tout ce que le défunt auroit pû rapporter pour sa défense. Cette opinion, comme plus équitable, est suivie au Parlement de Paris, suivant les Arrests rapportez parRicard , ibidem, par lesquels on a jugé que pendant les cinq ans la condamnation n’a point d’effet present, et qu’elle n’est que comminatoire, et tant et si longuement que les condamnez par contumace peuvent prouver leur innocence, quamdiu possunt in integrum restitui, ils sont capables de succeder.
Le fait de l’Arrest de l’an 1652. rapporté parRicard , est considérable. Un particulier étant condamné à mort par contumace déceda de sa mort naturelle pendant les cinq ans, sans s’être resenté : entre le temps de sa condamnation et celuy de sa mort, la succession de son pere étant Echûë, ses créanciers firent saisir sa part hereditaire, à quoy ses freres s’oppoferent et prétendirent que lors du décez de leur pere, leur frere étant mort civilement, il avoit été incapable de recueillir sa succession. La contestation ayant été portée en l’Audience de la Grand-Chambre, Mr Bignon remontra que l’Ordonnance de Moulins, Article 28. décidant que les condamnez par defauts et contumaces ne seront plus recevables aprés cinq ans à venir se purger, sans grace ts speciale, il s’en enfuit que pendant les cinq ans la condamnation n’a point d’effet, qu’il étoit constant que le condamné par contumace venant à se presenter dans ce temps les defauts et contumaces sont de plein droit aneantis, et que c’étoit une maxime au Palais que le condamné moutant dans les cinq ans, l’amende et la confiscation n’avoient point de lieu, parce qu’étant mort on ne luy pouvoit plus faire son procez, et on devoit présumer favorablement qu’il se fût representé dans le temps, et suivant ses concluffions on jugea que le fils avoit succedé à son pere, nonobstant la condamnation par contumace.
Nous ne tenons pas cette maxime que la condamnation par contumace soit tout à fait éteinte par la seule mort du condamné, mais on ne fait pas de difficulté de recevoir les parens et les heritiers du défunt à purger sa mémoire, ce qu’il auroit pû faire s’il avoit vécu en prenant des Lettres pour ester à droit, et on le jugea de la sorte en une cause où j’étois pour le sieur de S. JéanCancel, qui fut recû à justifier la mémoire dn fieur de Monmartin, contre Modame la Duchesse de Longueville, à qui la confiscation appartenoit. La faveur de l’innocence et des horitiers nou L a fait expliquer favorablement l’Ordonnance, pour juger que la condamnation par contumace n’a point d’effet qu’aprés les cinq ans ; mais il y a moins de pretexte à faire valoir cette interpretation pour les créanciers au préjudice des heritiers, comme on a fait par l’Arrest du Parlement de Paris, dont je viens de parler. Mais puisque la contumace durant les cind ans n’a point d’effer, et que l’on repute le condamné capable de fucceder, quandiu patest in integrum restitui, la qualité de creancier ne doit apporter aueun changementen la condamnation, qui ne doit point avoir plus d’effet contr’eux que rontre les heritiers.
Il faut conclure de ce que dessus, que si le condamné à mort par defauts et contumaces venant à mourir dans les cinq ans est capable de recueillir des successions, ses parens sont aussi capables di de succeder, en justifiant sa mémoire, suivant nôtre usage, et ses créanciers peuvent demander m la succession qui luy est échûë depuis sa condamnation. Il n’en est pas de même de ceux qui ne se sont ni presentez, ni purgez dans les cinq ans, aprés ce temps la condamnation de mort pû par contomace n’est plus suspenduë ni arrêtée, au contraire elle a son effet rettoactif, et l’incapacité se trouve dans la condamnation du jour qu’elle a été prononcée, l’Ordonnance en m ayant bien fuspendu l’execution pendant le delay qu’elle donnoit pour purger les defauts, mais n’en ayant pas éteint la force ni l’autorité ; ce qui a été jugé au Parlement de Patis contre les creanciers d’un homme condanmé à mort par contumare, et qui étoit mort sans s’être presenté dans les cinq ans. Ils avoient fait proceder par saisie sur les biens du pere du condamns, qui êtoit mort avant son fils, mais depuis la condamnation ; et ils soûtenoient que cette condamnation n’étoit point considérable pour n’avoir été executée. Les heritiers du pere répondoient que civiliter mormnus succedere non poterat, que les creanciers du fils ne pouvoient avoir hvpotheque sur les biens du pere, mais qu’au temps de sa mort le fils nec partem faciebat in successione patris, tec ad partem admitti poterat ; etdu Moulin , en ses Notes, sur le Conseil 438. de Decius dit que nous pratiquons en France l’opinion des Docteurs, que les successions qui échéent aux bannis et aux condamnez à mort par contumace ne sont point comprises dans la confiscation de Loüet seurs biens. Il est vray que M. Loüer, l. C. n. 25. qui a rapporté cet Arrest, avoit ômis de remarquer que ce fils étoit décedé aprés les cinq ans ; mais Brodeau nous apprend cette circonstance qui étoit décisive.
Aprés avoir montré que ceux qui sont condamnez par Sentences, qui emportent confiscation, sont incapables de succeder, il reste encore cette difficulté, si le criminel accusé et decreté est é capable durant l’instruction du procez criminel, et jusqu’au jugement, de surceder à ses parens ; Ce Parlement de Paris a donné deux Arrests contraires sur ce sujet : Par celuy de Barry, l’accusé ur déclaré incapable de succeder ; au contraire par cet Arrest célèbre de Bermondet, contre Singareau, qui se trouve dans les plaidoyers de Mr Servin, il fut jugé qu’un frère accusé d’inceste avec sa seur avoit pû succeder à la succession de son frere, qui luy étoit échûë avant la condamnation. quoy qu’il eût été exheredé par le pere, et que depuis il eût été condamné à mort. On disoit contre les enfans de l’accusé que véritablement selon la maxime commune un accusé n’est point incapable de succeder avant la condamnation, quia nondum est serous pena, 1. qui à latronibus. S. siquis ffe qui testam. fac. poss. comme on peut aussi luy payer ce qui luy est dû, S. reo de solv. Mais cette maxime ne doit point avoir lieu aux crimes publies, énormes et détestables, tels que celuy de leze-Majesté, de parricide, et d’inceste ; en ces crimes l’accusé est tenu pour mort civilement du jour de l’accusation, et la condamnation qui s’en ensuit a un effet retroactif, ad tempus delicti, pour le rendre incapable des successions qui luy sont échûës dans l’intervalle de l’arcusation et du crime commis : C’est la décision de la l. Quaositum qui et à quibusnam, où s’agissant d’un crime i de leze Majesté, le Jurisconsulte avoit dit d’abord que le coupable pouvoit donner la lierté quia ante damnationem erat Dominus, mais aprés y avoir fait plus de reflexion, il dit qu’il ne le peur, quia ex eo tempore quo quis de penâ certus esse coepit propter facinorum suorum cogitationem multâ prius consciennâ delictorum qudm damnatione jus libertatis amisit. Cette décision a été approuvée par tous les Docteurs, sur la l. Furti de his qui not. inf. et 1. ex judiciarum. ff. de accus. où la Glose est singulière sur cette matière. On objectoit encore aux enfans de l’accusé que si leur pere eût été copable de succeder à son frère, l’exheredation de son père demooreroit inutile, parce qu’il deviendroit indirectement son heritier, quia heres heredis est heres testatoris, l. alt. C. de hered. institut.
On répondoit pour les enfans de l’acousé qu’il arrive souvent que celuy qui est capable de succoderde son chef non per se ipsum, sed per alium ad hujusmodi heroditapem admittitur, sic qui Titii testumentum acousarit nec obtinuit, bien qu’il soit indigne de la succession de Titius, tamen heres legatario vel heredi scripro existere prohibendus non est quia non principaliter in hereditatem Titii succedit, l. post. leg. 5. qui acous. et l. qui Titii teftam. ff. de bis quib. ut vid. On dit bien que celuy qui est servus pona vel capitalis crimmis damnatus, n’est pas capable de suooeder, l. edicto. ff. de hon. l. filii. 6. 1. ff. de jure Patron. mais cela n’est vray qu’aprés la condamnation. Et cette maxime. est si certaine, que quoy que le Juge eût resolu la condamnation, ssi neanmoins il avoit différé la prononciation et l’execution du jugemont, jusqu’à ce qu’il eût soù la volonté du Prince, comme n’se pratique en certains éas, s’il’mouroit dans cet intorvalle : ses theritiers seroient capables de luy succeder ; servus pona, anbequam judicium nedditum et puonunciatum effet, non effice-rrtur, 1. siquis filio. 3. ejus qui deport. ff. de int. reo. rest. Il faut distinguer le commencoment d’un procez crimmel d’avec le jugement, si quidem orimen inchoatur litis contestatione, persicitur damna. tione, et : c’est pourquoy Ulpien a dit en la l. Furii de his. qui not. inf. que quamvis, injusta protocantis appellatio visa sit hodie eum aeotari puto non retro. Il est vray que le mêmeUlpien , en la l. 1. de poenis. ff. dit que quoties de delicto quaeritur, placuit non eam ponam subire debere quam conditio tjus admittit eo tempore quo sententiam effet passus, quo deliquisset, et par cette même raison écrivant : sur la l. Papia, il a aussi été de ce sentiment, quod ea quae in adulterio deprehensa est quasi judicio publico videtur damnata, quia factum lex non sententiam notaverit ; mais on répond premierement à la l. 1. de penis, que la qualité du coupable est bien considérable pour ordonner de sa peine eu égard à ce qu’il êtoit au temps du délict, quiâ aliter de servo supplicium, aliter de libero vindicta sumitur, l. penult. ff. si de nox. ci7. agitur. Mais le droit de cité ou la capacité de succeder ne se perd que par la condamnation, et par la l. ex jud. ff. de accus. non alias transit ad heredes pena bonorum ademptionis, quam lis contestata & condemnatio secuta fuerit. Il est vray que les crimes de leze Majesté et de peculat en sont exceptez, mais hors ces deux cas avant la condamnation l’accusé manet integri étatùs. Papinien parlant de reoadulterii postuluto, nihil prohiber recte pecuniam debitoribus solvi, et cette décision de Papinien a été reçûë comme une regle generale, comme a remarquéHermogenien , en la l. aufertur. S. vic. reo de jure fisci.
Il faut faire cette distinction, que l’accusé depuis l’accusation jusqu’à la Sentence est capable de succeder ; mais il faut qu’il déclare son intention de vouloir être heritier, autrement en cette rencontre il est présumé avoir repudié la succession échûë, et que prévoyant sa condamnation il a mieux aimé refuser la succession pour la faire passer à ses parens que de l’acquerir pour des Seigneurs confiscataires, et qu’ils ne peuvent empescher ni se faire subroger aux droits de l’accusé ; cette prerogative n’est accordée qu’aux créanciers par l’Article 278. de la Coûtume, comme il a été jugé par l’Arrest de Barantin qui sera remarqué sur l’Article 278i mais si l’accusé accepte la succession les biens en appartiennent aux Seigneurs confiscataires dans les Coûtumes où la confiscation a lieu, ou aux enfans quand la confiscation n’est point reçûë, et c’est par cette distinction que l’on concilie les deux Arrests du Parlement-de Paris.
Dans celuy de Barry l’accusé n’avoit point pris la succession, et dans celuy de Bermondet le frere s’étoit mis en la possession des biens de son pere ; on le jugea capable de succeder ; et on ajugea à ses enfans les biens, parce qu’ils étoient situez en des lieux où la confiscation n’a point de lieu
C’est encore une question difficile, si l’appelant d’une condamnation de mort êtoit capable de succeder, et de recueillit une succession à luy échûë pendant l’appel, s’il arrive que la Sentence soit confirmée. On trouve un Arrest dans le Journal des Audiences, l. 2. c. 49. par lequel il a été jugé que le condamné à mort par Sentence, depuis confirmée par Arrest, étoit incapable d’avoir pris une succession échûé pendant l’appel, quoy qu’on s’aidât de cette maxiine, que provocationis remedio condemnationis extinguitur pronunciatio, et qu’ainsi la condamnation étant éteinte par l’appel moriebatur integri statùs, et que la condamnation n’avoit son effet que du jour de l’Arrest : Et par la Loy qui à batronibus 5. siquis in capitali D. qui sestam. fac. poss. le testament fait pendente appellatione est valable ; mais on répondoit qu’un homme condamné à mort par Sentence, de laquelle il étoit appelant, ne pouvoit succeder, on état étant douteux et incertain ; et qu’il y avoit de la difference entre un condamné qui décede pendente appellatione, et l’autre qui est condamné par Sentence confirmée par Arrest.
Le premier décede integri statis : mais pour celuy qui est condamné par Sentence confirmée par Arrest, il faut qu’il subisse la peine qui luy a été infligée par la condamnation, et qu’il perde en consequence d’icelle tous les droits qui luy eussent été acquis s’il fût décedé pendant l’appel. De l’incapacité de succeder, voyez le même Journal ; l. 1. 6. 37.
T’ajoûteray cette question importante, si un François ayant été condamné à mort et executé pour un crime hors de la France, ses heritiers doivent luy succeder, ou si le Fisc, et les seigneurs feodaux auront ses biens. Ricard traite la question à légard du testament. Mi de la Roche Flavin rapporte un Arrest de Tolose, par lequel un François ayant été condamné en Espagne pour meurtre qu’il y avoit commis, ses biens furent ajugez au Roy, au préjudice les heritiers, quoy que le Juge d’Espagne luy eût donné la permission de faire son testament, mais Ricard témoigne que la maxime du Parlement de Paris est contraire, parce que suivant les loix du Royaume les Jugemens rendus dans les païs étrangers n’ont point force de choses jugées dans le Royaume pour les biens qui y sont asfis : Ainsi lors qu’un regnicole a été executé hors du Royaume, il est considéré en France comme un criminel, qui seroit mort na-turellement avant sa condamnation, c’est à dire avec une joüissance entière des effets civils, et cette jurisprudence me paroit plus équitable que celle du Parlement de Tolose. Dans le droit Romain lon ne faisoit point le procez par contumace dans la première année de labsence, on ne disoit rien contre labsent ; mais étant expirée s’il ne retournoit point il étoit reputé coupable, que s’il mouroit dans l’an il mouroit integri statùs, et ses biens n’étoient point confisquez ; on ne laissoit pas neanmoins dans cette première année d’annoter ses biens.
a lincapacité il faut joindre l’indignité : la distinction de l’incapable et de l’indigne n’est point considérable parmy nous, où les biens de l’indigne ne sont point déferez au Fisc comme par le droit Romain, mais aux plus proches parens qui succedent en sa place. La différence entre l’indigne et l’incapable ne peut mieux être expliquée que par les paroles de MrCujas , en son Parat. sur le Tit. du C. de his quib. ut indign. indignus est qui capere potest, & vero etiam capit, sed quod cepit retinere non potest, est capax jure, incapax effectu : Incapax vero est incapax jure et effectu.
Bien que cette distinction présuppose quelque capacité en la personne de l’indigne, elle ne produit neanmoins aucun effet, et on ne peut dire que l’indigne soit saisi de la succession pour acquerir un droit au Fisc ou à ses creanciers. On en trouve un exemple notable dans la suite du Journal des Audiences, l. 2. c. 27. Le Substitut de Mr le Procureur General au Presidial de Châtillon sur Indre, ayant fait demander aux freres d’un condamné à mort et executé pour un crime de parricide, une amende de 8oo livres, il soûtenoit que le fils, quoy que parricide, avoit succedé à son pere, que le droit naturel l’avoit appelé comme son fils à la succession, et qu’il n’y avoit point de loy qui en privât les parricides dés le moment du crime commis, il faut une Sentence qui les rende incapables ; que l’indigne êtoit bien incapable effectu, mais capable jure : Que dans le temps qui s’étoit passé jusqu’au Jugement, la succession luy avoit appartenu par cette loy generale du Royaume, le mort saisit le vif. Mr Bignon prenant le fait de son Substitut, remontra que cette question ne pouvoit recevoir cette distinction d’indignité et d’incapacité, suivant l’opinion de MrCujas . Pour les crimes horribles l’accusé est enu pour mort civilement dés le jour de son accusation, et la condamnation qui est renduë sur celle a un effet rettoactif ad tempus delicti à son préjudice, pour le rendre incapable de toutes sucressions medio tempore entre l’accusation et la condamnation l. quesitum. ff. quib. et à quib. manumiss. l. sinitur de his qui not. infam. l. ex judiciorum de accus. Le Substitut fut debouté de sa demande, sauf à luy à se pourvoir sur les autres biens que le condamné avoit avant qu’il eût commis son crime Les coupables de ces crimes monstrueux de parricides et fratricides, sont incapables et indignes ipfo jure et facto. Il n’est pas même raisonnable que leurs enfans profitent de leurs cri-mes, mais la succession dont on les prive ne passe point au Fisc, comme il fut jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 13 de Janvier 1661. entre François Moulion tuteur des enfans d’Estienne Pigeon, et les parens d’Antoine Pigeon : Estienne Pigeon avoit tué Antoine Pigeon son frere pour l’empescher de se marier. Les enfans de ce parricide prétendans succeder o au préjudice des autres parens, ils furent deboutez de cette prétention par Sentence du Vicomte de Beaumont ; mais il ajugea cent livres de pension aux quatre enfans de ce parricide jusqu’à lage de quatorze ans, ce qui fut confirmé par l’Arrest qui ne peut être fondé que sur une raison de commiseration. Cette espèce n’est pas conforme à celle de l’Arrest rapporté par Berault sur l’Arricle 238. les enfans de l’homicide ne demandoient pas de prendre part à la succession de celuy que leur pere avoit homicidé, ils venoient de leur chef à la succession de leur ayeul. Il a été ugé au Parlement de Paris en l’Audience de la Grand-Chambre le 18 de Janvier 1652. en an procez évoqué de Normandie, que le crime commis par un pere et par ses enfans conjointement, ne peut pas rejallir sur le fils ainé de la famille pour l’empescher par indi-gnité de recueillir une succession qui luy êtoit déferée en vertu de la Coûtume, par le décez de la personne homicidée par son pere et ses freres. Le sujet qui donna lieu à cette question fut l’horrible assassinat commis par le sieur de Port et deux dé ses fils au sieur de la Rosiere Maître des Comptes à Roüen, au sieur de Renoüard son fils et à la Dame de Renoüard. La succession de la Dame de Renoüard ayant été prétenduë par le fils ainé du sieur de Port, elle luy fut contestée par quelques parens de la Dame de Renoüard, qui soûtenoient que la succession leur devoit appartenir par l’indignité dudit du Ménil Guillaume fils et frère de ceux qui avoient causé la mort de celle de la succession de laquelle il s’a-gissoit, n’étant pas juste que le fils profitât du crime commis par son pere et par ses freres suivanae la disposition du droit en la l. reparatio 5. praterea ff. de bon. damnat. liberorum petitiones non augéeantur, de his quae damnati patres flagitio acquisiverunt, parce que comme dit la l. 134. 5. un. de Regul. Jur. nemo de delicto suo meliorem condittonem suam facere potest. Ce qui arriveroit si ledit sieur du Ménil étoit admis à recueillir cette succession, il ne pouvoit venir à la representation son pere qui en étoit indigne, suivant un Arrest remarqué parChopin , de Privis Prius Rust. part. 3. c. 11. n. 7. mais d’autre part, sur ce qu’il fut representé de la part du fils que n’ayant été aucunement participant de l’assassinat commis par son pere et par ses freres, le crime de son pere ne luy pouvoit être objecté pour le priver d’une succession qui luy appartenoit par la Coûtume, tous délicts étans personnels, et n’y ayant qu’un seul cas où les enfans en soient privez par la faute de leur pere, qui est le crime de leze-Majesté : Par Arrest ledit sieur du Ménil fut maintenu et gardé en la possession et joüissance de ladite succession.
Quoy que l’on soit capable de succeder on n’est pas forcé à se porter heritier : Les Romains seuls ont eu cette delicatesse d’honneur de reputer à ignominie de mourir sans heritiers : causa instiuendi heredis necessarii est pudor, & existimatio defuncti ut heredis potius quam suo nomine bonâ distrahantur, quod erat infame. Cujas ad Tit. de neces. hered. Nôtre vanité ne s’étend point jusques-là : Bien loin d’avoir des heritiers necessaires, l’heritier presomptif n’a pas besoin de re-noncer pour se mettre à couvert de la qualité d’heritier, et il suffit de s’être abstenu, quoy que le terme sDoit ) employé dans l’Article en ait fait autrefois douter. Les enfans des Receveurs des Tailles sont neanmoins des heritiers necessaires.
Il y a grande différence entre ces deux mots ( Doit, et Peut ; ) ce dernier lorsqu’il est mis affirmativement donne la liberté de faire ou de ne faire pas quelque chose : l’autre étant pronon cé par la loy impose une nécessité de faire ce qu’elle ordonne. Nos Législateurs ont confondu en cet Article et en l’Article 394. la signification de ces termes ; et il s’en ensuivroit que ce terme ( Doit ) obligeroit indispensablement l’heritier à renoncer : L’usage est pourtant certain. au contraire, et on peut dire pour excuser nos Reformateurs, que suivant l’opinion de Bartole hec dictio ( Deber ) non semper importat necessitatem, sed accipitur pro potestate.Bart . in repet. credit. C. de pign. Aussi par l’Article 43. du Reglement de 1666. l’heritier presomptif, encore qu’il n’ait pas renoncé, n’est pas censé heritier s’il n’en a fait acte ou pris la qunlité.
Comme il arrive souvent de la contestation sur ces questions, si l’on a fait acte d’heritier. ou si l’on est recevable à demander une succession aprés qu’elle a été déja acceptée par d’autres, on peut d’abord établir ces deux regles : La premiere, que comme c’est une chose de con-sequence de déclarer quelqu’un heritier, les preuves en doivent être constantes ; aussi en droit l’acte seul n’induit l’adition d’heredité, il faut la volonté, quia magis est animi quam facti. La seconde, que comme nous succedons par la disposition de la loy, aussi pour exclure l’heritier du sang il faut qu’il en ait expressément renoncé, ou qu’il ait témoigné une volonté de ne vouloir pas être heritier. L’acceptation d’une succession fe fait en deux manieres, à sçavoir en declarant verbalement ou par écrit que l’on se porte heritier, ou en faisant quelque acte qui ne peut se soûtenit sans la qualité d’heritier. Pour connoître cette volonté, et pour prouver qu’on a eu cette intention de se porter heritier, il faut avoir quelque déclaration apparente qui marque l’acceptation, et c’est pourquoy les questions sur la qualité d’heritier tombent plûtost sur aee fait que sur le droit, et il est bien difficile d’en donner des regles certaines ; plerumque difficilis probatio aditae hereditatis, et cela dépend des circonstances particu-lieres du fait, et même en quelque façon de l’humeur et du genie des Juges : la fermeté d’esprit des uns les portant à une étroite et rigoureuse observation des regles, et les autres se laissant toucher par des motifs de commiseration et d’équité apparente.
Il y a certaines actions qui prouvent certainement la qualité d’heritier, parce qu’on n’a pû agir de la sorte sans le nom et la qualité d’heritier : Certus actus est debita hereditaria exegisse, donasse, remisisse, solvisse, actiones hereditarias intendisse expresâ heredis qualitate quidquam gesiisse.
M’d’Argentré , Article 514. gl. 2. Quelque déclaration que lon ait faite d’accepter une succession, si toutefois rebus integris, et avant que d’avoir mis la main à la chose, on change de sentiment pour avoir reconnu que la succession êtoit onereuse, on est reçû à y renoncer, comme il fut jugé en la cause du sieur Basire : Il avoit entrepris le procez, dont j’ay parlé sur l’Article 148. pour se faire déclarer heritier de son père ;, la succession luy avoit été ajugée par Arrest, néanmoins craignant qu’elle ne fût chargée de dettes, il déclara qu’il labandonnoit pour la pren-dre au nom de ses enfans, et nonobstant le contredit de ses beaux-freres, qui étoient créanciers, il fut reçû à renoncer, par Arrest en la Chambre de l’Edit de l an 1648. plaidans Auboult et moy.
Que si la feule déclaration d’être hetitier ne suffit pas toûjours, aussi la joüissance des biens hereditaires n’est pas toûjours une preuve certaine de la qualité d’heritier. Un pete avoit avance son fils d’une terre, ce fils continua sa joüissance aprés la mort de son pere, et depuis il demands son tiers coûtumier. Les créanciers le soûtenoient heritier en consequence de cette joüissance u’il avoit euë depuis la mort de son pere ; il fut jugé en la Grand : Chambre le ro de Decembre 1621. que cette continuation de joüissance n’emportoit point un acte d’heritier, parce qu’elle n’avoit pas commencé aprés la mort du pere, qu’il ne l’avoit euë qu’en vertu d’un titre particulier, et qu’il pouvoit la continuer pour son tiers, jusqu’à ce qu’il luy fût contredit par les créanciers
Voicy une autre espèce. Un fils avoit obtenu permission de faire valoir la succession de son t pere, sans attribution de la qualité d’heritier ; ayant vendu quelques héritages pour payer les r dettes, sans prendre la qualité d’heritier, la question fut fort agitée s’il devoit être reputé heritier ou non, et enfin elle fut partagée en la Grand. Chambre, Mr d’Anviray, Rapporteur Mr de Cambremont, Compartiteur, et par l’Arrest rendu en prononçant sur le partage en la Chambre des Enquêtes le 28 de Mars 1666. il passa à dire que le fils ne seroit point tenu pour heritier. Les paroles de cet Article, s’il a mis la main à la chose, ne s’entendent que quand on n’a point renoncé, quoy qu’on alléguât au contraire, que fi ces sortes de permissions d’administrer une succession étoient reçûës, il ne faudroit plus de benefice d’inventaire.
Quelquefois on n’a pas reçû la renonciation à une succession que l’on avoit acceptée : Par drrest en la Chambre des Enquêtes du premier de Septembre 1639. au Rapport de Mr de BoivinMonmorel, une femme ayant recueilli de l’autorité de son mary une succession aux meubles et ac-quests d’un sien neveu, quoy qu’il fût prouvé au procez qu’il n’y avoit aucuns meubles ni acquests, elle fut deboutée de ses Lettres de Restitution, et condamnée à payer les dettes mobiliaires de son neveu. Cet Arrest semble rigoureux en la personne d’une femme, qu’un mary avoit engagée mal à propos à prendre une succession onèreuse ; on tint à la rigueur, heres est, et si nihil sit in hereditate. Autre Arrest, au Rapport de Mr le Noble, du et de Juillet 1644. par lequel celuy qui avoit pris la qualité d’heritier par deux actes exercez en Justice, dont il n’y en avoit qu’un igné de luy, fut debouté des Lettres de Restitution, bien qu’il n’eûr touché aucune chose de la succession
Les biens d’Edoüard, sieur de Vaux, ayant été saisis réellement, son fils eut distraction de son tiers ; aprés la mort du pere le fils disposa d’une partie de ses meubles. Les creanciers le poursuivirent comme ayant fait acte d’heritier : Il répondit que la distraction qu’il avoit demandée de son tiers coûtumier équipolloit à une renonciation ; que cette demande avoit assez marqué son intention de ne vouloir être héritier de son pere ; que les meubles qu’il avoit pris ne luy pouvoient donner cette qualité, et que les creanciers n’avoient point d’action que pour luy en faire rapporter la valeur. Les creanciers repliquoient que la demande du tiers n’étoit pas une renonciation suffisante, parce que son pere étoit encore vivant, et que pouvant parvenir à une meilleure fortune il s’en seroit rendu héritier. Il étoit donc incertain avant la mort du pere, s’il accepteroit ou repudieroit la succession, qu’en tout cas sa défense seroit bonne s’il n’avoit pas mis la main à la chose, mais n’ayant point renoncé, et au contraire s’étant saisi des biens hereditaires, il étoit reputé l’avoir fait comme fils et heritier, non tanquam sur. Ainsi jugé par Rapport en la Grand : Chambre le 14 de Mars 1667.
Dans l’espece contraire, quand on a négligé de recueillir une succession échûë, et qu’on a souffert qu’un coheritier ou un parent plus éloigné en prit la possession, on a eu plus de facilité à recevoir celuy qui avoit abandonné son droit. Jean le Peinteur avoit eu pour ses heritiers aux meubles et acquests ses deux seurs, et les sieurs le Peinteur des Ruflets, ses neveux, en faveur desquels il avoit fait plusieurs contrats et donations contre la Coûtume : Antoinette le Peinteurs’une des seurs, avoit été mariée à Charles Pinard, et de ce mariage étoient issus Charles et acques Pinard. Jacques Pinard n’eut qu’une fille qui fut mariée à Me du Hamel Avocat dequel, sous le nom de ses enfans, avec le sieur l’Aignel, sorti d’une autre seur, entreprit de faire casser tous les contrats faits avec les sieurs des Ruffets ; ce qui fut jugé par ArrestIl étoit vray que Mr Charles Pinard, Curé de Goupilieres, avoit eu connoissance de ce procezi et neanmoins il ne s’étoit point joint avec le sieur du Hamel ; mais aussi-tost que l’Arrest fut donné en la Chambre des Enquêtes il y presenta sa Requête pour faire dire que l’Arrest seroit déclaré commun, et en ce faisant que la moitié de ce qui luy revenoit luy seroit ajugée.
Greard, pour du Hamel, s’efforca de prouver qu’il n’étoit pas recevable, il allégua le droit d’accroissement, que Mr Charles Pinard avoit sçû le procez, qu’il n’avoit point voulu se joindre avec luy, au contraire qu’il avoit artendu que du Hamel en eût coutu toutes les risques, qu’aprés cela il n’êtoit pas raisonnable qu’il partageât le fruit de ses peines, que la l. quod si Minor. S. Scavola noster. ff. de minor. y étoit expresse, que s’il avoit perdu son procez, Pinard n’auroit pas voulu contribuer aux frais, ni le recompenser de ses pertes, que par cette raison venant ad paratas epulas, à n’étoit pas juste qu’il eût part au profit ; enfin il objectoit pour fin de non recevoir que par la lisposition de la Coûtume les donations doivent être revoquées dans les dix ans de la mort du donateur, que si Pinard agissoit maintenant contre le fieur des Ruflets, il y seroit non recevable, parce que les dix ans étoient expirez, que l’action de du Hamel ne luy pouvoit servir, et que par consequent il en devoit avoir seul tout le benefice, ce qu’il appuyoit par l’exemple du retrait l lignager, où le parent qui auroit usé de retrait ne seroit pas tenu de communiquer le profit du retrait à un autre qui auroit negligé son droit. De même lheritier qui n’avoit point agi, bien u’il eût connoissance de son droit, ne devoit pas profiter de sa negligence, et son filence tenoit lieu d’une renonciation expresse : Je répondois pour le steur Pinard qu’on alléguoit mal à propos le droit d’accroissement, qui n’a lieu que quand celuy qui a part à la chose commune abandonne on droit, et non pas lorsqu’il le demande suivant le Tit. du C. quod non petentium partes accrescant petentibus. Me Charles Pinard demandant sa part, du Hamel ne pouvoit pas soûtenir qu’elle dût luy accroître. Quant à l’objection que jus suum habuerat pro derelicto, puis qu’ayant sçû le procez il n’étoit point intervenu partie : On répondoit qu’il y avoit bien de la difference entre e droit successif, qui nous est acquis par la Coûtume, provisione legis, et Iinstitution d’heritier des Romains ; les successions qui sont déférées par la Coûtume nous appartiennent par le droit du sang et de la nature, et par cette raison on ne les perd que par une renonciation expresse.
La negligence ou l’abandonnement de son droit, pendant quelque temps, ne suffisent pas pour nous en priver, et quand même on auroit renoncé, il y a lieu au repentir, en desinteressant la n partie ; les heritiers testamentaires ne sont pas si favorables, l’heritier institué n’ayant dé droit j que par l’acceptation du testament, quand il refuse de se servir de l’institution, et que le substitué a pris la succession, cet heritier n’y pouvoit plus revenit, distractâ horeditate et negotiis confectis ad Justinien paratam pecuniam laboribus substituti non est admittendus. Que Justinien avoit décidé cette question n la l. fin. de Repud. hered. où nonobstant la renonciation, on peut demander la succession, quando res horeditaria alienatae non érant : Et pour la fin de non recevoir, que ne s’étant pas pourvù dans les dix ans, du Hamel devoit avoir seul tout le benefice de son action, puisque luy seul l’avoit intentée dans le temps fatal. Je répondois que cette action rescissioire étoit un droit à et un effet de la succession, qu’il suffisoit qu’elle eût été formée par un des coheritiers dans le temps prescrit ; que la diligence de l’un servoit à l’autre contre le sieur des Ruflets, comme la diligence d’un coheritier servoit à l’autre pour empescher la prescription des cinq années, et comme du Hamel n’avoit rien fait qu’en vertu d’un droit qui leur êtoit commun, le benefice devoit leur en être commun, que l’exemple du retrait lignager étoit mal appliqué Le rétrait lignager n’est pas fondé sur la qualité d’heritier, mais sur le droit de sang, et il ne rofite qu’à celuy qui s’en est servi ; qu’enfin du Hamel devoit être fatisfait, puisqu’on offroit de le rembourser largement de la moitié de ses frais. Par Arrest en la Chambre des Enquêtes du 20 de Juillet 1671. on ajugea au sieur Pinard les fins de sa Requête, et il fut dit qu’il auroil a moitié de ce qui luy revenoit, en remboursant la moitié des frais.
Une pareille question avoit été décidée en la Grand. Chambre le 29 d’Octobre 1643. Une succession étoit échûë à trois seurs, deux renoncerent, et la troisième la prit par benefice d’ins rentaire ; mais avant l’ajudication par benefice d’inventaire, ces deux seurs se firent autoriit par leurs maris pour être reçûës à y participer, et aprés quelques procedures elles laisserent tomber l’instance en peremption, et par ce moyen le benefice d’inventaire fut ajugé à celle qui l’avoit obtenu. Huit ans aprés ces deux seurs se réveillerent et prétendirent derechef d’être admises à cette succession beneficiaire, disant que la Coûtume ne pouvoit être étenduë contre les coheritiers de l’heritier beneficiaire, offrant de contribuer aux fiais du benefice d’inventaire : La seur se prévaloit de la Coûtume, qui décide qu’aprés l’ajudication du benefice d’inventaire, on n’est plus recevable à demander la succession, qu’elles avoient fait déja une areille demande, mais qu’elles avoient abandonné leur poursuite, néanmoins elles furent reçûës à prendre part à cette succession beneficiaire, plaidans Lyout pour Remon et Grosos, leurs maris ; et Pilastre pour le défendeur.
On jugea le contraire en cette espèce ; Berart avoit accepté la succession de son pere et en avoit joui quelque temps, depuis la trouvant onereuse il y renonça ; elle fut prise par un autre Berart du même lignage, qui en joüit long-temps ; comme il l’avoit fort bien ménagée et démélé toutes les affaires, ce premier Berart fit porter une sienne fille héritière de son ayeul, pour prendre cette succession, et sous son nom il poursuivit celuy qui la possedoit, pour voit dire qu’elle seroit ajugée à sa fille nonobstant sa renonciation, dont il prit, entant que besoin, des Lettres de Restitution, prétendant que sa fille venoit à la succession ex capite suo non ex persona patris. Il fut dit par Sentence qu’elle êtoit non recevable, puisqu’elle n’étoit née ni conçûë lors de la succession échûë, et qui n’étoit plus jacente : ayant été premierement prise par le pete, et acceptée par le défendeur, il n’étoit pas raisonnable qu’il en fût dépoüillé aprés avoir consumé son temps et son argent pour la débroüiller, que ce pere qui n’avoit pas voulu en prendre la peine venoit sous le nom de sa fille pour profiter du travail d’aeutruy, ce qui étoit contre la disposition de la l. intra utile. ff. de minor. V. l. quod si minor. S. Scaevola noster. D. de minor. Pat Arrest en la Grand-Chambre du 4 de May 1610. la Sentence fut confirmée. Il y avoit cela de particulier que cette fille, sous le nom de laquelle on demandoit la succession, n’étoit née ni conçûë au temps de l’écheance d’icelle.
Il faut aussi remarquer que, nonobstant la renonciation faite par le tuteur, le mineur aprés E sa majorité est restituable par la seule raison de sa minorité, et sans avoir besoin de justifier de lesion, mais en ce cas il doit prendre la succession en l’état qu’il la trouve, et en indemniser celuy qui l’a recueillie : Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Roussel, du 12 d’Avril 1633. entre Pierre Brunel et Me Michel Jean Avocat.
Les heritiers ne prenant la succefsion du défunt qu’à la charge de payer ses dettes, il faut sçavoir que par nôtre usage les coheritiers y contribuent, non pro portionibus hereditariis, sed ro modo emolumenti, et chacun d’iceux en est tenu personnellement et solidairement à l’égard les créanciers ; chaque sorte de bien doit porter ses charges, les dettes mobiliaires sont prises sur les meubles, et s’il y a de differens heritiers, les heritiers aux meubles et acquests sont tenus de décharger les propres, de la maniere qu’il sera expliqué ailleurs plus amplement Il fut jugé en la Chambre de la Tournelle, au Rapport de Mr de Galentine, le S d’Avril 1631. que l’heritier aux meubles n’étoit pas feul chargé des frais pour poursuivre la vengeance de la mort du défunt, et que les heritiers aux immeubles y devoient aussi contribuer, êtans obligez galement à cette poursuite, autrement ils se rendroient indignes de la succession enfin si la succession est contentieuse l’action n’en doit être agitée que devant le Juge ordinaire, et ce n’est pas à un Juge d’Eglise à déclarer quelqu’un capable à succeder ; par Arrest de la Grand : Chambre du 29 de Mars 1658. entre Michel Délandes appelant comme d’abus de Official de Coûtance, et Jacques le Clerc intimé, on prononça mal, nullement et abusivement en ce que l’Official avoit déclaré l’enfant sorti des oeuvres desdits Délandes et le Clerc habile à ucceder, et quoy que les biens hereditaires soient situez en diverses Jurisdictions, l’action en partage doit se traiter devant le Juge du domicile du défunt, ce qui est d’autant plus raisonnable que l’inventaire des lettres et des meubles est la premiere procedure par où l’on doit commencer.
CCXXXVI.
Succession directe.
La succession directe est quand l’héritage décend en droite ligne, comme de pere aux enfans, et d’autres ascendans en même ligne.
Pour donner une définition pleine et parfaite de la succession en ligne. directe, il falloit dire que la succession directe est quand elle décend en droite ligne, comme du pere aux nfans, ou qu’elle remonte des enfans au pere, mere, ayeul ou ayeule, ou autres ascendans ; car bien que la succession des peres à leurs enfans soit contre le voeu de la nature, toutefois lorsque cet ordre de succeder qu’elle avoit établi est troublé par la mort prématurée des nfans avant leur pere, il est raisomable de leur donner pour leur consolation quelque part dans les biens de leurs enfans.
CCXXXVII.
L’aîné est tuteur naturel et legitime des puisnez, et comment joüit de la succession.
Le fils ainé, soit noble ou roturier, est saisi de la succession du pere et de la mere aprés leur decez, pour en faire part à ses puisnez, et fait les fruits siens jusques à ce que partage soit demandé par ses freres, s’ils sont majeurs lors de la succession échûë et s’ils sont mineurs fainé est tenu leur rendre compte des fruits depuis le jour de la succession échûë, encore que partage ne luy ait été demande, parce que par la Coûtume il est tuteur naturel et legitime de ses freres et soeurs.
Nous avons vû quelles personnes sont capables de succeder. Cet Article nous apprend qu’encore que l’on soit le plus proche et le plus habile à succeder, il y a neanmoins de la difference entre mêmes heritiers, et ils ne sont pas tous de pareille condition. La Coûtume n’a pas plûtost commencé à parler de successions qu’elle se déclare avantageusement en faveur des ainez.
Cet Article leur donne deux prerogatives, la saisine dé la succession paternelle et maternelle, et la joüissance des biens hereditaires, jusqu’à ce que partage leur soit demandé par leurs freres, s’ils sont majeurs, car quand ils sont mineurs ils doivent leur tenit compte des fruits, parce que la Coûtume les établit tuteurs naturels et legitimes de leurs freres et soeurs.
La Coûtume de Bretagne, Article 512. de l’ancienne Coûtume, ne donne cette saisine qu’à l’heritier noble. Mr d’Argentré, sur cet Art. gl. 2. dit que contra juris communis regulas constitutum est, ut apud primogenitum de Nobilibus possessio effet, cum judicium familiae erciscund. exerceret, quia aliter magnae de possessione rixae futurae érant inter Nobiles et periculum ne vi aut : armis transigi contingeret. La Coûtume n’a point fait de distinction entre les conditions ; le fils iné roturier comme le fils ainé noble joüit du benefice de cet Article, primogenitus ipfo jure est saisitus mortuo patre,Molin . de feud. 5. 13. gl. 2. Il né peut pas toutefois chasser ses freres hors la maison, ni leur refuser les alimens aux dépens des biens heréditaires, tant que les thoses sont indivises, ou qu’il n’a fait aucune option de préciput.
On peut douter si cet Article a lieu pour les successions collaterales comme pour les diretes : Par un ancien Arrest de l’an 1503. on accorda cet avantage à l’ainé dans une succession collaterale. La Coûtume de Bretagne dit que l’ainé a la saisine et non pas le fils ainé : Et Mr d’Argentré , penè fatendum est, dR-il, de hereditate dumtaxat ascendentium his verbis disponi, sed tamen placuit prudentibus & usus recepit, de Collateribus idem dicendùm.
Les paroles de cet Article sont si expresses qu’on ne peut douter que l’ainé n’a cette prerogative que dans la succession directe ; non seulement il est parlé du fils ainé, il est ajoûté en quite qu’il est saisi de la succession du pere et de la mere aprés leur decez : Ce n’est donc qu’en la succession du pere et de la mere qu’il est saisi et qu’il fait les fruits siens ; et d’ailleurs cet Article étant rigoureux il ne doit point être étendu, et Godefroy s’est trompé quand il a crù le contraire. puisque la Coûtume faisit l’ainé de toute la succession, il a pouvoir d’en exercer toutes les actions, et par cette même raison on peut agir contre luy, et tout ce qui se fait avec luy est valable. Un debiteur de la succession paternelle avoit payé entre les mains du frere ainé comme saisi de la succession, et comme étant le tuteur naturel et legitime de ses frères ; aprés leur majorité il fut inquiété par eux, comme ayant mal payé leurs portions à l’ainé, prétendant que la Coûtume ne donne à l’ainé la qualité de tuteur naturel et legitime qu’à l’effer seulement d’empescher qu’il ne fasse les fruits siens : cette qualité luy est donnée sans aucune restriction, ainsi tout ce qui se fait avec luy est valable pourvû que ce foit sans fraude, de sorte que l’on peut payer en ses mains avec sûreté ; sur ces raisons le debiteur fut déchargé.
L’alné peut se prévaloir de cet Article contre ses puisnez absens, sans distinction si l’absence est volontaire ou nécessaire, si ce n’est pour le service de la Republique ; ce que l’on peut induire de ces paroles de l’ancien Coûtumier, l. 2. c. 4. les parties aux puisnez qui ne sont pre-sents demeurent à l’ainé jusqu’à tant qu’ils le requierent on que leur mort soit sçûè ou prouvée.
La foiblesse d’esprit de l’un des puisnez n’empescheroit point que l’ainé ne fût saisi de sa part, et ne fi les fruits siens, si les autres freres negligeoient de luy faire donner un cutateur, en luy foumissant neanmoins ses alimens. Nicolas le Hule laissa trois fils et plusieurs filles, un des fils avoit l’esprit imbecille. Aprés la mort du pere arrivée en l’an 1645. ces ttois freres laisserent à leur méte la conduite de tout leur bien, et la mere étant morte comme il ne restoit plus que Jean le Hule qui étoit l’ainé, et cet autre frere qui étoit imbecille. d’esprit, cet ainé joüit de tout le bien ; mais étant mort, Guy du Four, qui avoit épousé l’une de ses soeurs, se réveilla sur cette espètance que cet imbecille pouvant mourir avant ses soeurs, elles succederoient avec leurs neveux, sortis de leur frere ainé, aux meubles et acquests, et ur cette imagination il fit nommer pour curateur à cet imbecille le fils du frere ainé, et on l’établit curateur actionnaire, et aussi-tost en cette qualité il poursuivit le fils du frere ainé pour rendre compte des meubles et de la joüifsance que son pere avoit euë de la part de cet mbecille, depuis la mort de leur pere arrivée en l’an 1645. Le sieur le Hule et Jeanne Clemence sa mere, veuve de Jean le Hule, son pere, se défendirent de cette action comme in-juste et prématurée, n’étant pas obligez de rendre compte des meubles ni des joüissances, que du Four n’y avoit aucun interest quant à present, parce que sa femme ne pouvoit avoir aucune part aux meubles et aux acquests de cet imbecille, qu’en cas qu’elle le survécût, et cette soeur êtant plus âgée on devoit présumer selon lordre naturel qu’elle mouroit la premere : Le Vicomte de Casn avoit donné Acte aux parties de leurs déclarations, sauf à y faire droit lors du compte de la curatelle. Du Four en ayant appelé le Bailly avoit cassé la Sentence, et ordonné que le Hule et sa mere rendroient compte des joüissances échûës depuis la mort du pere, et qu’ils avanceroient cent livres à du Four pour la poursuite de ce compte : Sur l’appel du sieur le Hule et de sa mere, je difois pour eux que toute action pour être réguliere préuppose une obligation, et que pour la demander il faut avoir qualité : Toutes ces conditions. manquoient en la personne de du Four ; Jean le Hule pere et mary des appelans n’avoit jamais été tuteur ni curateur de Nicolas le Hule, son frere : Suivant cet Article le frere ainé est le tuteur naturel et legitime de ses frères ; mais jusqu’à present on n’a point entendu parler de curateur naturel et legitime d’un majeur, les loix ont défini un certain âge durant lequel elles présument que les hommes sont incapables de la conduite de leurs affaires, et c’est pourquoy elles leur établissent des tuteurs ; mais quand ce terme est expiré elles brisent leurs chaines et leur permettent la liberté de leurs actions, présumant que les années leur ont acquis la connoissance et l’experience nécessaire : de sorte que ce qui se fait avec un majeur est reputé fait avec une personne capable et prudente, si la liberté d’agir ne luy a été ôtée par une augorité publique ; puis donc que le frere ainé fait les fruits siens, hors le seul cas de la mino-rité, parce qu’il est le tuteur naturel et legitime de ses freres, il est manifeste que quand ses freres ne sont point mineurs, les fruits luy appartiennent. Si les presomptifs heritiers de cet mbecille prétendoient à sa succession ils devoient prendre le soin de luy établir un curateuri la Coûtume n’impose point cette charge au frère ainé, il n’étoit point obligé d’agir contre luymême et contre son propre interest. L’intimé n’a eu cette pensée que quand par la mort du frère ainé sa femme s’étoit approchée d’un degré, aussi-tost il a concù l’esperance de pouvoir succeder aux meubles et acquests, en cas que cet imbecille la prédecedât, ce qui rend sa prétention odieuse, inducebat enim votum captandae mortis alienae ; et enfin il avoit porté sa passion et son injustice jusqu’à cet excez, qu’il avoit fait condamner les appelans à luy fournir des leniers pour les chicaner. Everard, pour du Four ; répondoit que le frère ainé n’avoit pû faire les fruits siens vù la foiblesse d’esprit de son puisné, que par cette consideration il etoit au moins obligé de luy faire établir un curateur : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 21 de Mars 1673. la Sentence du Bailly fut cassée, et ordonné que celle du Vicomte seroit executée, à la charge neanmoins que le sieur le Hule appelant ne seroit tenu de compter que du jour de la curatelle, et du Four condamné de restituer les cent livres qu’il avoit touchées.
L’absence volontaire d’un puisné ne le garantit point de la rigueur de cet Article : Cependant pour peu que l’absence paroisse necessaire ou forcée, on adoucit volontiers la dureté de la loy.
Beatrix, Procureur en la Cour des Aydes, laissa deux enfans ; le plus jeune nommé JeanJacques, au temps de la mort de son pere étoit allé aux Isles, et on prétendoit qu’il y étoit allé pour le service du Roy, et qu’il s’étoit enrollé dans le Regiment de Vermandois. En son absence Pierre Beatrix l’ainé se faisit de toute la succession, sans donner avis à son frère de la mort de leur pere en l’an 1672. Deleau, porteur de la Procuration de ce puisné, demanda partage : L’ainé soûtint que son frere êtoit mort, et par Sentence il fut ordonné que la Procuration seroit verifiée : Durant ces poursuites le puisné étant revenu son partage luy fut accordé, et son frere fut condamné à luy tenir compte des fruits, et par une seconde Sentence renduë presidialement on luy ajugea une provision de soixante et dix livres. L’affaire ayant été portée à la Cour, Bigot, pour l’ainé, concluoit qu’il avoit été mal-jugé, la premiere Sentence étant donnée contre la Coûtume, et que la seconde avoit été renduë par des Juges incompetens, l’affaire n’étant point de la competence du Presidial, que son frere n’étoit point party pour le service du Roy, et qu’en effet il n’en apportoit aucunes preuves, que rien ne l’avoit empesché de demander part à la succession, que son sejour en l’Amerique avoit été volontaire, comme son voyage qu’il n’avoit fait que par débauche. De l’Epiney répondoit que cet ainé êtoit peu favorable, ayant fait tous ses efforts pour ne luy donner pas son partnge, que cet Article étoit contre le droit commun, par lequel se mort saisit le vif sans aucun ministere de fait, et il étoit singulier, ne se trouvant établi par ucune autre Coûtume que par celle du Grand-Perche, qu’il ne devoit avoir lieu que quand le puisné négligeoit de demander partage, ce qu’on ne pouvoit imputer à ce puisné, il étoit party pour le service du Roy, qu’il n’étoit pas en son pouvoir de retourner êtant dans un païs d’ou l’on ne peut sortir qu’aprés s’être marié, et il faut y laisser sa femme et ses enfans pour assurance de son rétour, comme il étoit justifié par le congé du Gouverneur de l’Amerique ; par Arrest du de Mars 1676. on mit l’appellation, et ce entant que l’on avoit jugé presidialement, le surplus confirmé.
On ne doute point que les puisnez ne fassent cesser la rigueur de cet Article par la demande du partage, mais il faut sçavoir de quelle maniere cette demande doit être faite pour être valable, s’il est necessaire qu’elle soit faite en jugement, ou si elle est suffisante par une simple sommation à Godefroy a suivi l’autorité d’un Arrest rapporté parTerrien Terrien , l. 6. c. 3. par lequel il fut dit que l’ainé joüiroit de la totale succession, jusqu’à ce que les puisnez luy eussent baillé lots pour proceder à la choisie ; mais l’opinion de Berault est plus véritable, sçavoir que la simple demande du partage suffit, comme il fe pratique pour le doüaire ; aprés cela l’ainé n’est plus en bonne foy, la Coûtume ne luy donnant les fruits que jusqu’à ce que le partage luy f soit demandé : Il suffit donc que cela soit fait pour le priver de cette joüissance. La Coûtume d’impose point d’autre condition aux puisnez pour conserver les fruits de leur partage que de le demander, et non point de faire ni de presenter les lots. Dans l’Article suivant le fils du fils ainé ne fait les fruits siens que jusqu’à ce que ses oncles luy demandent partage, et cette disposition est distincte et separée de celle qui concerne la confection des lots. Si le pere meurt aprés la S. Jean, l’ainé doit-il avoir les fruits, si les puisnez negligent de luy demander partage avant a récolte d’iceux : Bérault a traité cette question, et il est de ce sentiment, que si la successionE est échûë aprés la S. Jean, et que les puisnez demandent partage avant la recolte, l’ainé est tenu de leur en faire part, non point par ce que les fruits sont ameublis aprés la S. Jean, suivant l’Article 505. mais en vertu de la demande qu’ils en ont faite suivant cet Article ; que s’ils avoient souffert que l’ainé les eût recueillis, sans luy avoir demandé leur part, ils ne seroient point mis en partage comme les autres meubles.
On ne peut pas douter que le pere étant mort aprés la S. Jean la demande des puisnez avant a récolte ne soit suffisante pour émpescher. l’ainé de se prévaloir de cet Article, mais il ne mé paroit pas équitable de donner une si grande étenduë à la disposition de cet Article, en attribuant à l’ainé les fruits qui sont ameublis ; car puisque la Coûtume déclare meubles aprés la S. Jean les grains et foins, et qu’en consequence ils appartiennent toûjours aux heritiers aux meubles, sur quel pretexte ôteroit : on aux puisnez cette portion des meubles de leur pere, puisqu’elle leur est acquise de plein droit sans être obligez d’en faire aucune demande Il est vray que ces fruits pour être ameublis ne laissent pas d’être fruits ; mais ces fruits que l’ainé gagne en vertu de cet Article ne sont pas ceux qui ont changé de nature, et qui en vertu de ce changement appartiennent aux puisnez ; les fruits que l’ainé peut gagner sont ceux qui n’étoient pas acquis aux puisnez au temps de la mort de leur pere, autrement on donneroit ouverture à la fraude et à la surprise. Un pere pourroit mourir si peu de temps avant la recolte des fruits, que pour peu que les puisnez se trouvassent éloignez ils n’auroient pas le temps de venir demander partage et de prévenir la moisson qu’un ainé même poutroit impunément et sans reproche avancer de quelques jours. Pour empescher cet inconvenient et la trop grande rigueur de cet Article, il est plus à propos de ne donner à l’ainé que les fruits qui ne sont point ameublis au temps du decez du pere.
Quand il n’y a que des filles lainée ne joüit pas de la prerogative que la Coûtume donne au fils diné, et en ce cas il est certain que masculinum non concipit femininum.
Cette tutelle legitime et naturelle que la Coûtume établit en la personne de lainé est imitée du Tit. de leg. agnat. tutor. videCujac . Ad l. tutor. 3. 1. Ad Sc. vellet : et ad l. c. 3. c. de except.
Il étoit raisonnable de charger lainé de la tutelle et curatelle de ses freres mineurs ; nam quis Salust amicitior quam frater fratri, aut quem alienum fidum invenies, si tuis hoctis fueris ; Saluct. in Jugurth.
CCXXXVIII.
Le fils et la fille du fils aîné en la succession ont les privileges de leur pere.
Pareillement le fils du fils ainé est saisi de la succession de son ayeul et de son ayeule, à la representation de son pere pour en faire part à ses oncles, et
fait les fruits siens jusques à ce que ses oncles luy demandent partage, et doivent les lots être faits par le dernier des oncles, le choix demeurant audit fils ainé.
Cet Article a décidé cette question si fameuse, sçavoir si le fils de lainé à la representation de son pere pouvoit avoir en la succession de son ayeul, au préjudice de fon oncle, les droits de primogeniture, qui eussent appartenu à son pere s’il eût été vivant :’Autrefois la representation même en ligne directe n’avoit point lieu parmy les François, mais le pere la pouvoit accorder en matiant son fils, ou rappeler ses enfans par son testament : Ils en usoient de cette sorte pour rendre leurs enfans plus respectueux ; c’est la remarque dedu Moulin , sur l’Article 76. de la Coûtume de Boulenois : Habent rationem in hoc, ne filii audeant contrahere matrimonium, et generar nepotes sine consensu parentum, qui possint eos habilitare ad succedendum. Aujourd’huy le droit de representation en ligne directe est reçû par toutes les Coûtumes, et en cette Province la representation s’étend jusqu’au seprième degré, suivant l’Article 42. du Reglement. de l’an 1666. étant raisonna ple qu’entre les décendans les plus éloignez ne soient pas exclus par ceux qui sont les plus proches.
Cette question parût si difficile à l’EmpereurOthon le Grand , qu’il la fit décider à coups d’épée, cognitionem veritatis de Principum sententiâ gladiatorio certamine commisimus : Constitut. 4. et l’Histoire remarque que le neveu remporta la victoire deux fois.
C’étoit une Coûtume generale parmy les Hebreux que ubi quis ipse est in successione hereditaria praferendus, etiam universa proles que à semore ejus egreditur est praferenda.Selden . de Success. Ad leges Hebraeor. C’est sur ce même principe que l’on donne au fils du frere ainé les mêmes avantages que son pere auroit eus s’il eût été vivant
Les Docteurs qui l’ont traitée la soûtiennent de part et d’autre par exemples et par raisons, et Balde aprés l’avoir agitée, sans la pouvoir refoudre, conclud par ces paroles solvat Apollo.
Ce même Auteur parlant du jugement qui fut rendu par le Pape Boniface Il. en faveur de Robert fils puisné de Charles Il. Roy de Sicile, pour la Sicile, par lequel l’oncle fut preferé au neveu, dit que ce jugement fut plus partial qu’Apostolique, et en effet ce même Roy ayant à prononcer sur le même sujet, jugea le contraire de ce qu’on avoit décidé pour luy : Si les xemples pouvoient servir de Loy la cause du neveu en fourniroit un plus grand nombre, et MrCujas , qui tient le party de l’oncle contre le neveu, reconnoit cette vérité, mais il prétend que si rationibus juris certatur, potior est causa secundogeniti.
Par le droit commun des Fiefs le petit fils representant son ayeul succede au Fief c.. de Gradibus Success. et c. 1. de Succ. feudorum. Par le droit Saxon ancien nemosuccedit feudo nisi filius parri, et eo non extante ad Dominum revertitur ; verùm, dit Rheinardus, l. 1. c. 21. de differentiâ juris civil. et Saxon. Moderni propter summam iniquitatem extendunt statutum in nepotem quem aiunt in feudo succedere.
La question n’est pas moins douteuse en Angleterre, magna dubitatio juris solet esse uter illorum orSferendus sit alii in illa successione, filius an nepos : Quidam volunt filium post natum rectiorem esse here lem quêm nepotem, quia filius primogenitus cûm mortem patris non expectaret, nec expectavit quo usque ejus heres effet, et ita cûm post natus filius supervixerit tam frotrem quâm patrem recté, ut dicunr, patri succedit : Aliis visum est nepotem avunculo praferendum, cum enim ex filio primogenito exierit, et de corpore suo extiterit beres, in totum jus quod pater suus haberet, si viveret, ipse patri suo succedere debet.Glanville , 1. 7. c. 3.
Mais en laissant tous les exemples étrangers que l’on pourroit alléguer, on apprend par l’ancienne Coûtume et par la Glose que le plus ancien usage avoit été que le fils à la representation de son pere eût tout ce qui luy auroit appartenu au préjudice de son oncle, mais que par l’autorité de quelques personnes puissantes, en changeant cette ancienne Coûtume, on en avoit introduit une nouvelle, par laquelle l’oncle êtoit preferable au fils de l’ainé, quand il êtoit mort avant son pere : La Glose declame contre cette Coûtume ; et dit qu’elle est reprochable et damnable, et ne doit avoir aucun lieis, aussi elle fut bien-tost abrogée ; en effet puisque par le moyen de la representation le neveu est capable de succeder avec son oncle, il doit joüir de tous les droits de la personne qu’il represente : Le fils, même du vivant du pere, est reputé le Seigneur de ses biens ce qui sert de réponse à ce puissant argument que l’on rapporte en faveur de l’oncle, que la representation peut bien faire succeder, mais non pas exclure ; d’ailleurs la personne du premier né n’est pas la cause du privilege que l’on accorde à l’ainé, c’est la primogeniture même et sa dignité, ui par consequent ne s’éteint et ne se perd point par la mort de l’ainé, luy étant attribuée, Tirac Covarruvias ratione dignitatis. Tirad. de jure primog. 4. 40. n. 47. et Covartuvias, pract. quest. quest. c. 89. dit fort à propos que quoties uni tantùm et primogenito defertur jus aliquod, primogenitus unius gradùs semel admissus reliquos de illo gradu excludit ; interim dum gradatim potest primogenitura in posteros deferri C’est le sentimentdu Moulin ,. S. 3. gl. 13. n. 5. quia jus primogenitorum est jus formatum à filiatione distinctum, et qui par cette raison est transmissible au fils de feud l’ainé ; ESPERLUEaeTEHottoman , in Controv. nepot. et patrui, enseigne que feudales successiones non sunt agnatitiae, neque tanquani agnatitiae hereditates ab agnatis proximis ad agnatos proximes transferuntur, sed devolvuntur semper à primo investito, et progenitore familiae in directam lineam liberorum & posterorum, sice progeniem ab eo descendentem.
Ceux qui tiennent l’opinion contraire, comme MrCujas , se servent principalement de cette raison, que le petit fils ne succede à son ayeul que par le benefice de la representation ; or la epresentation a seulement cette vertu de raprocher la personne éloignée pour la rendre capable le succeder avec celle qui est plus proche, mais elle ne s’étend pas jusqu’au point d’exclure entièrement le parent le plus proche ; jus representationis hanc vim tantùm habet, ut eo jure fretus remotior cum proximiori in successione concurrat, non etiam ut proximiorem prorsus excludat, quia hoc excederet vigorem, finem, & exemplum representationis.Cujac . de feud. l. 1. c. 11. Le neveu donc peut bien concurrer, mais non pas exclure son oncle, comme il fait lorsqu’il n’y a qu’un fief.
Quand la succession est déférée au plus proche parent la representation n’a point lieu, parce que la proximité et la representation sont opposées, ubi valet proximitatis ratio, non potest valere representationis ratio, et è contra, ubi valet ratio representationis, non potest valere proximitatis.
Quand donc la succession est déférée à l’ainé, la representation ne peut valoir, et quand on doit egarder à la proximité, on appelle celuy qui est le plus proche au temps de la mort de celuy des biens duquel il s’agit, comme tenant lieu de premier né.Cujac . eodem.
La raison de la conservation des grandes terres et de la grandeur des maisons étant l’origine et la cause de ces prerogatives extraordinaires dont on a favorisé la primogeniture, on n’a pas eu de peine à communiquer ces mêmes prerogatives aux enfans des ainez. Mais cette question a été particulièrement traitée pour les Royaumes et pour les Fiefs, ut natu major filius cateros omnes natu minores excludit, ita stirps natu majoris stirpem excludit, hanc nimirum ob causam quid eo mortuo qui suus heres erat in ipfius gradum locûmque succedens repentè suitatem illam adipiscitur. l. 1. 5. si filius. ff. de suis et leg. hered.Hottom . Quest. Ill. d. 3. Enfin ce qui n’avoit été établi que pour les Royaumes et pour les Fiefs a été étendu pour tousles autres biens, et le fils de l’ainé en roture comme en fief joüit du benefice de cet Article.
Cette premiere question étant resoluë que le fils de l’ainé doit avoir en la succession de l’ayeul les mêmes avantaiges que son pere auroit eus, il s’en ensuit une autre, sçavoir si l’on oit en user de la sorte en succession collaterale : Par exemple, si l’ainé de trois freres venant à mourir, le fils du second frère sera préférable à son oncle ; On allégue en faveur de l’oncle la Loy des douze Tables, suivant laquelle dans les successions collaterales le plus roche exclud toûjours le plus éloigné, proximus agnatus familiam habeto, la cause du neveu a paru plus favorable àHottoman , d. 4. par cette raison que non tam graduum aut atatis ratio habetur quam suitatis et stirpis : nam atatis prarogativa dominatur equidem, sed in filiorum eradu duntaxat : Ubi verb ultra filiorum gradum controversia est : tum atatis ratio non habetur, sed loci et sedis, oui propterea suitas attributâ est. Vincet igitur secundi filius non gradu, quia remotior est, sed jure stirpis et loci, cui quasita suitas est. Ce fut par ces raisons que cet Auteur maintint le troit de Henry IV. contre le Cardinal de Bourbon son oncle. Cela ne peut être douteux en cette Province ; car puisque la Coûtume par l’Article 240. donne à la fille de l’ainé pareil droit de prerogative d’aineffe que son pere auroit eu tant en succession directe que collaterale, à l’égard de la succession ancienne : On peut conclure assurément qu’en la succession du frère ainé le fils du fils alné joüira de la prerogative d’ainesse, parce que si son pere eût été vivant il auroit eu ce droit suivant l’Article 230. qui contient que s’il n’y a enfans de l’ainé vivans, lorsque la succession êchet, le second fils tient la place et a les droits de l’ainé.
Il n’est pas étrange que le fils du fils ainé qui represente son père en conserve tous les avan ages ; mais doit-on croire que la Coûtume ait eu cette intention de donner le même privilege à la fille du fils ainé, et de la rendre de pareille condition : La Coûtume s’est expliquée nêttement sur ce sujet, lorsqu’elle a dit en l’Article 240. qu’encore qu’il n’y esit qu’une fille, elle a par representation de son pere pareil droit d’aînesse que son pere auroit eu.
CCXXXIX.
S’il n’y a enfans de l’ainé vivans lorsque la succession échet, en ce cas le second fils tient la place et a les droits d’ainé, et ainsi subsecutivement des autres.
Cet Article marque évidemment que le droit de prinogeniture n’est point attaché à la personne du premier né, puisqu’il se communique et qu’il passe au second fils lorsque l’ainé est mort sans laisser d’enfans.
Le second fils n’entre pas seulement en la place et aux droits de l’ainé par sa mort naturelle et civil sans enfans, mais aussi par sa renonciation ; en ce cas il est considéré comme s’il n’éoit plus dans l’être des choses, et sa part n’accroit pas aux autres freres pour être divisée également entr’eux, comme du Moulin l’a crû ; car n’étant point heritier, il n’a point de part en la succession qui demeure toute entière à ceux qui l’acceptent pour être partagée suivant la Coûtume.
CCXL.
Encore qu’il n’y eût qu’une fille de l’ainé, elle a par representation de son pere en ligne directe, pareil droit de prerogative d’ainesse que son pere eût eu : et en ligne collaterale aussi pour le regard de la succession ancienne.
Cet Article contient deux décisions fort remarquables : La première, que dans la ligne directe la fille de l’ainé, à la representation de son pere, a pareil droit de prerogative d’ainesse que son pere auroit eu : Et la seconde, qu’elle joüit aussi de cette même prerogative dans la ligne collaterale à l’égard de l’ancienne succession.
Ces décisions étoient necessaires, et les sentimens de nos Docteurs sont fort partagez sur cette matiere : Elles pouvoient recevoir beaucoup plus de difficulté parmy nous, où les filles ne succedent point quand il y a des mâles ; ainsi la fille sortie du fils ainé ne devoit être de meilleure condition que sa tante, seur de son père. l. si vivo C. de bon. patrim. Et quoy qu’elle vienne à la representation de son pere, et qu’à ce titre elle succede à tous ses droits, on peut luy objecter que la representation a bien la vertu de raprocher la personne plus éloignée, mais qu’elle n’a pas le pouvoir d’exclure la personne qui succederoit seule, cessant la representation, comme on le pratique en la succession des meubles et acquests, où les enfans des freres morts étant reçûs à succeder à la representation de leurs peres n’excluent pas neanmoins leurs tantes qui eussent été exchses par leurs freres, s’ils avoient été vivans. D’ailleurs que la raison feule de la masculinité, qui se rencontroit en la personne du fils ainé, venant à cesser en la personne de sa fille, elle ne pouvoit representer son pere pour les choses qui sont expressément atta chées et attribuées aux mâles : Et enfin ces prerogatives d’ainesse n’ayant été données à l’ainé que pour la conservation des familles, ad conservationem agnationis & familiae, ce seroit contrevenir à la pensée et à la fin de la loy que de communiquer et de faire passer ces prerogatives aux filles qui étoient naturellement incapables de conserver le nom et la grandeur de leurs maisons C’est pourquoy Faber estimoit que quand la fille ne pouvoit succeder, la fille du fils ne devoit pas exclure son oncle, 5. caterum v. et hanc materiam instit. de leg. agnat. succ. Cette matiere est aussi traitée parBenedicti , C. Rainutius, v. eodem testam. relinquens n. 190. parCharondas , Tiraquel Covarruvias en ses Pandectes, l. 3. c. 15. par Tiraqueau, de jure primogenit. 4. 14. et par Covatruvias, pract. quest. quest. c. 38. qui nous apprend qu’en Espagne la fille du fils ainé exelud son oncle, même pour les majorats, ubi ex conditionibus & legibus primogenii non excludetur femina.
Quand on reforma la Coûtume cet Article fut fort debatu, car la Coûtume de Normandie. étant toute mâle, c’étoit s’écarter de ses principes et choquer la plus grande partie de ses dispositions, que de faire passer à une fille toutes les prerogatives de la primogeniture, et c’étoit assez l’avantage pour elle de remettre les choses dans le droit commun en la recevant à partager également avec son oncle, et cette opinion avoit plus de rappoit à lesprit general de la Loûtume
Il passa neanmoins au contraire par cette raisondu Moulin , de feud. 5. 13. gl. 3. n. 1. que primogenitura est jus formatum à filiatione distinctum, unde morientt filio et filiatione extinctâ non extinguitur. Il se communique et passe aux enfans, non point par transmission du pere, parce qu’il n’y a jamais rien eu, sed jure representationis et suo nomine, dans la ligne directe la simple espérance est transmise aux décendans, 5. cum filius. institut. de hered. qui ab intest. Et puisque par la Coûtume generale de France les filles sont capables de succeder aux fiefs, qu’elles n’en sont point excluses dans les cas où la Coûtume a voulu favoriser les mâles, et que la representation a lieu en leur faveur, on ne pouvoit leur ôter ce qui auroit appartenu à leurs peres. Ces raisons neanmoins ne sont pas convainquantes, il est vray que par lusage general de la France les femmes sont capables de succeder au fief, mais pour être capables de posseder les fiefs il ne s’ensuit pas qu’elles doivent joüir du droit de primogeniture ; car à proprement parler cette prerogatire n’appartient pas au fils, parce qu’il est fils, mais parce qu’il est un mâle et qu’il est lainé, jus primogeniturae non defertur filio eà ratione, quod simpliciter filius sit, sed quia & filius masculus est et primogenitus : Or ces deux qualitez du sexe masculin et de la primogeniture ne se rencontrant point en la personne de la fille du fils ainé, elle ne doit point joüir des avantages qui n’étoient attribuez à son pere que parce qu’il étoit un mâle et qu’il étoit lalné : VoyezPontanus , sur l’Article 141. de la Coûtume de Blois, Titre des Successions. C’est le raisonnement deBartole , sur la l. liberorum. ff. de verb. signif. qu’encore que la fille puisse representer son pere en qualité d’enfant, elle ne fait pas revivre la qualité de mâle qui étoit le principe et le sujet de la primogeniture donnée à son pere : Ista qualitas ( masculus ) non transit in neptem, ergo apparet quôd in tam non transit legis difpositio, et non potest assumere locum patris ; aussi plusieurs Coûtumes ne ermettent pas que la fille du fils ainé succede au benefice de primogeniture : Nivernois, titre 5. Article 4. Auxerre, Article 36. Troyes, Article 92. et plusieurs autres ; voyez de laLande , sur l’Article 305. de la Coûtume d’Orléans,
Cela êtoit favorable en la ligne directe, mais en la collaterale il y avoit beaucoup plus de difficulté à l’égard des fiefs. L’ancienne Coûtume de Paris portoit en l’Article 134. que quand il n’y avoit que des filles elles representoient leur pere et partageoient avec leurs oncles sans droit d’ainesse : La nouvelle Coûtume, conforme à la nôtre pour la succession des ayeuls, contient en l’Article 324. que les enfans du fils ainé, soit mâles ou femelles, survivans leur pere, venans sà la succession dee leur ayeul ou ayeule, representent leur pere audit droit d’ainesses Mais en succession collaterale la Coûtume de Paris est différente de la nôtre, par l’Article 326. en ligne collaterale, quant aux propres héritages, pour les fiefs le mâle exclud les femelles en pareil degré, et par l’Article 322. les mâles venans d’une fille et succedans par representation ne prennent aucune chose aux fiefs delaissez par le trépas de leur oncle et tante, non plus que leur mere eût fait venant à la succession avec ses freres.
Sur cet Artiele Exard traite la question, sçavoir si la fille venant d’un mâle et le representant doit prendre part en la succession de son oncle au fief delaissé, ainsi qu’eût fait son pere venant à la succession avec ses freres : Il remarque que cette question s’étant presentée au Parlement de Paris, la Cour avant que de proceder au jugement de l’instance, ordonna qu’il en seroit informé ar Turbes au Châtelet, et que les Turbiers n’ayant rapporté aucun usage précis, cinq Conseillers du Chârelet donnerent leur avis par écrit pour la negative, et que Me Jean du Bois écrivit pour l’affirmative, et qu’en suite la questson fut jugée en faveur de la niece ; et que la même question s’étant encore presentée elle fut suivie d’une même décision, mais que depuis le Parlement de Paris en l’année 1663. a jugé le contraire, au profit de Mr de Saintot, Conseiller en la Cour dôtre Coûtume est si expresse sur ce sujet qu’on ne peut douter qu’en ligne collaterale la fille de lainé ne succede à la representation de son pere, même pour les fiefs à légard de la succession ancienne, car pour les acquests la Coûtume en a disposé particulièrement en l’Article 3o8.
Au contraire par l’Article 331. de la Coûtume de Paris, en ligne collaterale les héritages tenus et mouvans en fief se partagent et divisent entre coheritiers, sans droit ou prerogative d’ainesse.
CCXLI.
Succession directe ne remonte tant qu’il y a décendans.
Pere et mere, ayeul et ayeule, ou autre ascendant, tant qu’il y a aucun décendu de luy vivant, ne peut succeder à l’un de ses enfans.
On a douté si sous le nom d’heritiers legitimes les ascendans étoient compris. GuyPapé , Moise Quest. 457. l. ex pacto. S. finali. ff. ad Trebellianum. Moise, dans l’Ordre de succeder, qu’il établit dans le Livre des Nombres, ne parle point des peres et des meres, mi Platon dans ses Loix ; mais la pluspart des Coûtumes de France donnent aux peres et meres la succession aux meubles et acquests de leurs enfans, lorsqu’ils décedent sans enfans sortis de leurs corps : Paris ; Article 311. Blois, Article 149. Tours, 319. Chartres, 101. Orléans, 313.
C’est une loy commune par toute la France que le propre ne remonte point : Lithletons qui a mis par écrit nôtre ancienne Coûtume, a remarqué aussi cette maxime, mais il en fait, une étrange explication, car il veut qu’au préjudice du pere le fils succede au neveu, quoy que le pere soit plus proche du défunt, Pur ceo que est un maxime en le ley que en héritance poit lineament discender, mes ne my ascender. Il y a des Coûtumes en France qui pratiquent si rigoureusement cette regle, que le propre ne remonte point, que si quelqu’un ayant fiefs de son propre naissant décede sans heritiers de son corps, et laisse aucuns de ses parens en ascendant en ligne directe d’une part, et d’autres parens en ligne collaterale, lesdits fiefs en propre naissant appartiennent aux collateraux ; Chaulny, Article 74.
Cet Article est fort desavantageux aux peres et aux meres ; sur tout il est fort dur que les biens qu’ils ont donnez à un de leurs enfans retournent plûtost à leurs autres enfans qu’à eux, lorsque ce fils donataire meurt sans enfans. Par le droit civil la dot constituée par le pere à sa fille luy revient, ne parentum erga liberos munificentia retardetur. C. dos à patre profecta. C. sol. jure succursum. l. 2. C. de bon. que lib. et afin aussi qu’il ne ressente, pas une double affliction par la perte de sa fille et de la dot qu’il luy auroit donnaee, l. dicta jure succursum. ff. de jure dot. La l. pater de evict. ff. dit que habet fpem quandoque recipiendae dotis ; et par les Constitutions des Empereurs la dot revient au pere sans aucune diminution. Mr d’Olive , l. 4. c. 7. assure que les Arrests du Parlement de Tolose ont tellement favorisé ce droit de retour, que malgré les regles de lancienne jurisprudence ils lont étendu du pere et de fayeul paternel aux autres ascendans, et de ceuxcy aux proches collateraux, mais que cela n’a pas lieu pour toutes sortes de donations, et que les reniunératoires sont exemptes des loix du retour. Mr deCambolas , l. 1. c. 5. a écrit qu’aujourd’huy, suivant l’opinion de Martin, la dot ne fait point de retour au pere qu’au defaut les enfans, et bien que les Loix ne parlent que du pere, le Parlement de Tolose les a étenduë. en faveur de la mere. MlrLoüet , 1. O. n. 47. a traité la question, si aux Coûtumes, qui disposent seulement que les propres ne remontent point, et que les ascendans n’y peuvent succeder, on peut suppléer le retour des choses données par les ascendans, lorsqu’il n’a point été stipulé, Les Arrets qu’il rapporte l’ont décidé en faveur des peres et des meres, et on a jugé que cette maxime ( propre ne remonte point ) n’étoit que pour conserver les propres in lineâ, pour l’effet de la regle paterna paternis, mais qu’en ce cas ce n’étoit pas remonter, mais retourner, et qu’on ne doit pas présumer que le pete ait cu intention de se dépoüiller qu’en faveur de son fils et de ses décendans. La Coûtume d’Orléans aprés avoir établi dans l’Article 314. que propre heritage ne remonte point par succession en ligne directe au pere, mere, ayeul on ayeule, elle ajoûte dans l’Article suivant que toutefois ils succedent ës choses par eux données à leurs enfans décedez sans enfans. Cette reversion est si favorable que M’Charlesdu Moulin , sur la Coûtume de Montargis, Titre des Guccessions, Article 9. a dit que hoc justum est et observandum, & quamvis in quibusdam Consuetudinibus contrarium reperiatur, hoc errore irrepsit, et corrigendum est. C’est par ce principe que le Parlement de Paris a étendu ce droit de retour aux Coûtumes qui ne portent point cette exception, que propre ne remonte point. Cette reversion est une condition tacite et inherente à a donation que la loy supplée
Ce droit de reversion a parû si raisonnable, qu’encore que l’héritage donné ait fait souche en la personne de l’enfant heritier du donataire, néanmoins ce dernier venant à moutir sans enfans, le donareur qui vit encore, et qui est son ayeul ou son bisayeul, doit succeder à ce qui est provenu de sa liberalité : Il est vray que de laLande , qui a traité cette matière sur l’Article 314. de la Coûtume d’Orléans, rapporte des Arrests du Parlement de Paris qui ont décidé diversement cette question ; mais dans cette diversité d’Arrests il vaut mieux, comme dit cet Auteur, acquiescer à la disposition de ceux qui ont décidé au profit du donateur, tant à cause de la faveur et de l’équité du retour, que par ce que le pere, mere ou autre parent en ligne directe n’a été diberal, et ne s’est dépoüillé de sa propre substance que pour en entichir son enfant, Il est vray que dans cet Article la Coûtume exclud absolument le pere, tant qu’il reste quelqu’un décendant de luy ; mais cette disposition peut s’expliquer favorablement en préfétant les autres enfans au pere pour les autres biens, et à l’exception de ceux qui avoient été donnez par le pere. En tout cas il est plus à propos, pour éviter cette difficulté, d’employer la clause du retour dans les donations ; car nous pratiquons cet Article fort rigoureusement, comme on apprendra par cet exemple. De la Béssière, sieur de S. Pierre : Langers, avoit quatre filles et un fils ; il maria l’ainée au sieur de Boisivon, et luy donna cinq mille livres : En mariant la seconde au sieur de Roron, il luy promit dix-huit mille livres, et son fils étant mort il donna à sa troisième fille, qui fut mariée à Mr du Boüillon, Conseiller en la Cour, trois mille livres de rente tachétables moyennant aoooo livres ; et enfin il maria sa quatrième fille au sieur de Gratot.
La seconde et la troisième fille étant mortes sans enfans, le sieur de Boisivon ne demanda point leur succession d’abord, mais depuis s’imaginant que son beau-pere avoit quelque prédilection pour la Dame de Gratot, il luy demanda les sommes qu’il avoit données à ses deux filles mortes.
L’affaire portée à la Cour, sur l’appel d’un incident, Maurry disoit, pour le sieur de Boisivon, que suivant cet Article les soeurs étoient heritieres de leurs seurs à l’exclusion de leur pere, que par cette raison il luy appartenoit la moitié de ce qui avoit été promis en dot par le pere aux deux seurs décedées, puisque par le mariage elles en étoient devenuës les véritables proprietaires, gue la dot constituée par le pere étoit un véritable propre qui ne remontoit point, et pour nontrer qu’il vouloit bien user de l’avantage que cet Article luy donnoit, fon action n’ayant eu l’autre cause que cette inégalité d’affections que son beau-pere faisoit paroître, il consentoit que l’interest des 4oono livres fût reduit au denier vingt. Theroulde, pour le sieur de S. Pierre, n’opposoit à la rigueur de la loy que des raisons de faveur et de pieté, il offroit même de garder sa suc-cession à ses filles : Heroüer, pour le sieur de Gratot, consentoit que son beau-pere demeurât en possession de tout son bien : Par Arrest donné en la Grand : Chambre du 14 d’Aoust 1657. n faisant droit au principal, on condamna le beau pere à payer les dots qu’il avoit promises à ses filles à raison du denier vingt.
Beaucoup de peres prudens instruits par cet exemple, stipulent que ce qu’ils donnent leur retournera en cas de mort sans enfans. Il a été jugé au Parlement de Paris qu’en vertu de cette stipulation le bien retourne au pere en exemption de toutes dettes ; mais quand les ascendans succedent en vertu de la Coûtume aux biens par eux donnez, ces biens sont sujets. aux dettes qu’ils ont contractées comme tous les autres biens ; on peut dire néanmoins que quelque stipulation de retour que le pere employe dans le contrat de donation, s’il n’ajoûtoit que le donataire ne pourroit aliener ou hypothequer les choses données, elles seroient affectées à ses dettes, comme cette donation étant pure et simple, et par consequent rendant le donataire proprietaire et maître de la chose pour en pouvoir disposer à sa volonté, sur tout prsque ce retour n’est stipulé qu’en cas que le donataire meure sans enfans, ce qui reçoit moins de difficulté pour les filles que pour les mâles, ausquels ce que l’on donne est reputé un avancement d’hoirie et sujet à rapport ; mais la fille n’étant point héritière elle devient par le mariage maîtresse absolué de ce qui luy est donné pour en pouvoir disposer lorsqu’elle est en puissance de le faire, la stipulation du retour n’a d’autre effet que de remettre en la main du pere ce qu’il a donné, cessant laquelle stipulation il en seroit exclus par ses autres enfans en vertu de cet Article : Or n’étant pas necessaire en la Coûtume de Paris de stipuler le retour des choses données, puisque la loy lordonne, pour ne laisser pas cette stipulation du retour inutile, on a présumé en faveur d’un bien-faicteur et d’un pere, qu’il avoit eu l’insention de se conserver la proprieté, et de ne donner qu’un simple usuftuit, en cas que son ils ou sa fille décedassent sans enfans. Par l’Arrest de Piquais rapporté sur l’Article 244. on ugea que l’avancement fait par le pere à son fils étoit affecté aux dettes du fils : il est vray que la clause du retour n’y êtoit pas employée, mais présupposant comme on a fait par cet Arrest que la proprieté en appartient au fils, on en peut tirer la même conclusion, parce que pa dause du retour ne diminuë point la force et l’effet du droit proprietaire, et elle ne doit valoir ni subsister qu’en son feul cas, lorsque l’enfant donataire décede sans enfans : on peut objecter que si nonobstant la stipulation du retour, le fils pouvoit hypothequer les biens, la stipulation deviendroit inutile, et qu’en-vain le pere reprendroit ses biens s’ils retournoient chargez des dettes du fils. On répond que quand le pere donne dans cette intention que sa lonation luy retourne, en cas de prédecez de son fils sans enfans en exemption de toutes dettes, il faut y employer la prohibition d’aliener et d’hypothequer, autrement on présume que le retour n’a été stipulé qu’à l’effet de rendre le pere capable de reprendre son bien au préjudice de ses autres enfans.
En consequence de ces paroles qui excluent le pere de la succession de ses enfans, tant qu’il V, a quelqu’un décendu de luy vivant, plusieurs ont crû que pour les meubles et les acquests dle pere pouvoit succeder à ses enfans au préjudice des frères et seurs uterines : Du premier mariage de Catherine Brisout avec Thomas Odelin, il naquit plusieurs enfans, et de son second mariage avec Antoine Hubert, elle eut un fils nommé Pierre : il mourut sans enfans avant Antoine son pere, lequel étant mort incontinent aprés, Hubert son frere prétendit que la succession de Pierre Hubert aux meubles et acquests étoit échûé à Antoine son pere, au préjudice d’Odelin, frere uterin de Pierre, et il le fit juger de la sorte par le Bailly de Roüens Odelin en appela ; Coquerel, son Avocat, disoit que cette question fe décidoit par nôtre feule Coûtume, qui avoit établi un droit tout particulier pour les uterins, que la succession des freres étoit plûtost une adoption qu’une hérédité collaterale, fratres spiritus divisus : que les successions étoient comme des fleuves qui décendent ou qui traversent, mais qui ne remonêtent jamais, tant qu’ils peuvent décendre ; qu’en cette cause il ne faloit point : s’arrêter à l’Ar-ticle 241. qui est placé dans le Titre des Successions au propre, mais il faloit : s’attacher aux dispositions contenuës dans le Titre de la Succession aux meubles et acquests, par où l’on apprenoit que les frères et seurs, tant uterins que conjoints ex utroque latere, fuccedoient en premier lieu : et pour un argument convainquant contre le pere, il objectoit que le frere uterin excluoit la soeur de pere et de mere, et cependant cette seur de pere et de mére êtoit préferée à son pere et sa mere ; ainsi suivant la regle si vinco, &c. le frere uterin excluoit le pere. M’Giot, mainsenant Conseiller en la Cour, pour l’intimé, répondoit que cet Article appeloit les peres et les meres à la succession de leurs enfans, quand il ne restoit aucun décendant d’eux, qu’Odelin n’étoit point décendu d’Antoine Hubert, et la Coûtume en cet Article n’ayant pointajoûté d’exception, casus omissus habebatur pro negato : Par Arrest donné en la Grand. Chambre le 17 de Decembre 1649. on cassa la Sentence, et Odelin fut déchargé de rapporter les meubles qu’il avoit eus, ce qui fut jugé conformément à l’Arrest de Bocachard, que Berault a remarqué sur cet Article.
CCXLII.
Ordre de succeder entre pere et mere, oncles et tantes et cousins.
Les pere et mere excluent les oncles et tantes à la succession de leurs enfans ; et les oncles et tantes excluent l’ayeul et l’ayeule en la succession de leurs neveux et nieces, ainsi des autres.
Puisque les successions ne remontent point, suivant l’Article précedent, il n’étoit pas posfible au defaut des décendans de les faire remonter aux oncles et aux tantes, au préjudice des peres et meres : et puisqu’on avoit exelus les peres et meres de la succession de leurs enfans morts, en faveur de leurs autres enfans vivans, il étoit juste de la leur conserver quand il ne leur restoit plus de postérité qui pûr y avoir droit.
Mais comme les oncles et les tantes tiennent lieu de décendans à l’égard dés ayeuls et n yeules, par la même raison les oncles sont préferables aux ayeiils, Godefroy Sodefroy, sur cet Article, propose cette question, si de deux freres l’un fait des acquisitions, e et que l’autre luy succede, ces partages tiendront nature de propré paternel ou maternel, à reffet que le pere ou la mere y puissent succeder : Pour refoudre cette difficulté il fait faire cette distinction, si le pere et la mere sont vivans, le pere succedera à l’exclusion de la meres mais bien que la mere reste seule en vie, et qu’elle soit heritière de son fils, elle ne peut rien prétendre à cet héritage ; car cet acquest fait par un frere étant devenu propre en la personne de son frere qui luy a succedé, il est devenu par ce moyen un propre paternel, ne pouvant être reputé un bien maternel, parce que la mere n’y a jamais rien eu, et qu’il n’est point procedé de son côté, de sorte que ne pouvant succeder qu’au propre maternel de son fils, elle n’a point de droit sur les acquests faits par l’un de ses enfans, lorsqu’ils dont devenus propres en la personne de l’un de ses autres enfans.
CCXLIII.
Les oncles et tantes excluent les cousins en la succession de leurs neveux et nieces.
Cet Article est fort mal conçù, et il ne peut avoir un sens véritable qu’en l’expliquant comme Berault a fait ; à sçavoir que les oncles et tantes excluent leurs enfans en la succession de leurs neveux et nieces, leurs enfans, dis-je, qui sont cousins desdits neveux et nieces Si l’on considère la liaison et laosuite de cet Article avec les deux précedens, on ne doutera point que ce ne fût la pensée de nos Reformateurs. Etant question de regler le droit de succéder entre les ascendans et les décendans, ils établirent une premiere regle en l’Article 241. que les successions ne remontent point, et par consequent pere, mere, ayeul ou ayeule, on autre ascendant, tant qu’il y a aucun décendu de luy vivant, ne peut succeder à l’un de ses enfans.
Mais afin qu’on ne s’imaginât pas que les ascendans fussent absolument et perpetuellement exclus de la succession de leurs enfans, parce que les successions ne remontent point, et que sur ce pretexte les oncles et tantes ne les voulussent exclure ; on ajoûta l’Article 242. par dequel les pere et mere excluent les oncles et tantes en la succession de leurs enfans ; et comme sles oncles et tantes tiennent lieu de décendans à l’égard des ayeuls et ayeules, il fut dit qu’en vertu de l’Article 241. ils succederoient à l’exclusion des ayeuls et ayeules. Et parce qu’un neveu venant à mourir sans enfans, sa succession pouvoit être prétenduë par ses cousins au préjudice de leurs peres et meres, se fondant sur cette regle que les successions ne remontant point, la Coûtume pour lever cette ambiguité, dispose en cet Article que les oncles et tantes uecedent à leurs neveux et nieces au préjudice de leurs enfans, cousins du défunt. Ainfi contre cette regle generale que les successions ne remontent point, on fait remonter en cet Article la succession des neveux et nieces, aux oncles et aux tantes.
On ne peut donner à cet Article une explication plus naturelle et plus conforme à la suite des Articles précedens, ni qui ait plus de relation avec le titre, sous lequel il est placé ; car on ne doit pas l’entendre des meubles et acquests, puisque dans le titre qui traite de la sucession aux meubles et acquests, on y trouve une décision particulière sur ce sujet, en l’Ar-ticle 304. qui n’admet la representation qu’au premier degré
Si toutefois on veut s’attacher à la lettre, cet Article ne peut avoir lieu que pour la succession des meubles et acquests, qui suivant l’ancienne Coûtume reviennent toûjours au plus prochain du lignage ; car pour les propres la representation a lieu à linsini, et les cousins et cousines suceedent avec leurs oncles et tantes par souches, et non point par testes.
C’est de cette manière que la Cour a roûjours expliqué cet Article, comme on lapprend par les Arrests que Berault a remarquez, tant sur cet Article que sur l’Art. 248. Dans l’Arrest de Bezu la tante vouloit exclure son neveu, sorti de sû seur, de la succession au propre de Jean d’Abau tourt, en vertu de cet Article qui est placé sous le titre de Propre, mais le neveu qui étoit cousin du défunt fut recû à partager également avec sa tante
L’Arrest de Saldaigne est encore plus formel, la tante fut même excluse par le cousin.
La question êtoit entre la tante et les cousins décendans de l’oncle. Par l’Article 247. les biens sont faits propres à celuy qui les possede à droit successif, et par l’Article 248. en succession de vopres, les décendans des mâles excluent : les décendans des femmes : Suivant ces deux Articles la tante fut excluse par le cousin, sorti de Thomas de Saldaigne, frère de Jeanne de Saldaigne, comme on le peut voir plus amplement dans l’espèce de l’Arrest cité parBerault , Article 248.
Cette question. fut encore plus expressément décidée en l’Audience de la Grand. Chambre de 18 de Mars 1662. Deux freres nommez Hay donnerent à leur seur quarante-cinq livres de rente que le mary constitua sur ses biens ; de ce mariage il sortit une fille qui mourot sans enfans ; Hay, son oncle maternel, prétendoit seul cette rente au préjudice de son neveu sorti de son frere, so fondant sur cet Article ; au contraire le neveu y demandoit part en vertu de cette regle, qu’en succession de propre representation a lieu à l’infini, et soûtenoit que cet Article vouloit dite seulement que les ondles excluent les cousins qui sont leurs enfans. Par l’Arrest la moitié de la rente fut ajugée au neveu. Depuis on a fait le Reglement de l’an 1666. et l’Article 42. porté u’en succession de propre la representation a lieu jusqu’au septième deoré ; et la Cour expliquant aussi ces Article a pareillement declaté que les oncles et tantes excluent leurs enfans, et leur son prefèrez en la succession au propre de leurs neveux, cousins de leursdits enfans, mais qu’ils sont ppelez concurremment à ladite sucoession avec leurs neveux, enfans de leurs freres et seurs, par l’Article 44. du Reglement. Je remarqueray sur l’Article 3 04. un Arrest qui d’abord semble contraire, parce que des arrière-neveux ont été preterez à une tante pour une succession de meubles, mais il y a de la difference entre les arrière, neveux et les cousins, comme il sera expliqué en ce lieu-là.
Pour proposer nettement cet Article, il eût été bon d’ajoûter que les oncles et tantes excluent les cousins en la succession des meubles et acquests de leurs neveux et nièces, mais qu’en succession de propre representation a lieu, et que les cousins et cousines y succedent avec leurs oncles et tantes par souches, et non par testes.
Ce droit Romain, et la pluspart des Coûtumes de France, sont contraires à nos maximes. le plus proche est toûjours le plus habile à succeder ; avunculo priori qui est in tertio gradu, quam consobrino qui sequentem occupat, deferri successionem intectati certi juris est l. 6. C. communia de Succ.. post consanguineos. S. hereditas de suis et leg. hered. l. consanguineos 3. c. de leg. hered. Voyei la Conférence des Coûtumes et l’Article 338. de la Coûtume de Paris.
CCXLIV.
Pere promettant en faveur de mariage garder sa succestion, à quoy est obligé.
Si le pere ou mere, ayeul où ayeule, ou autre ascendant, reconnoit lun de ses enfans pour son heritier en faveur de mariage, et fait promesse de garder son héritage, il ne pourra aliener ni hypothequer ledit héritage en tout ou partie, ni les bois de haute-fûtaye êtans dessus, au préjudice de celuy au profit duquel il aura fait ladite disposition, et de ses enfans, pourvû que ladite promesse soit portée par écrit et insinuée dans le temps de lOrdonnance, sinon en cas de nécessité, de maladie, ou de prison-
La Coûtume ne donnant point la liberté de se choisir un heritier, il n’y a pas d’inconvenient que l’on puisse promettre de garder sa succession à celuy qui la doit posseder necessairement quelque jour. On ne peut alléguer que les promesses de cette nature soient contre les bonnes moeurs, pu qu’elles engagent en quelque façon celuy en faveur de qui elles sont faites à désirer la mort de son bien faicteur, car elles ne servent qu’à confirmer un droit qui leur est déja acquis et assuré par la Coûtume
Le droit Romain avoit des principes contraires, chacun avoit la liberté de se donner un heritier, on ne pouvoit pas maeme renoncer à cette liberté, c’est pourquoy on ne doit pas s’étonner que Jes promesses fussent reprouvées, quia inducebant votum captandae mortis. Nullo pacto vel contractu, vel specie quidem ullâ conventionis hereditas dari poterat : Sed bono publico, dit Mr d’Argentré Art. 288. Con. Brit. gl. 4. antiquata sunt illa Romanorum scita, et ambiguitatibus illis testamentorum lublatis jus presumpti heredis ex moribus inevitabile
Cette interdiction volontaire des peres en faveur de leurs enfans ne donne aucune atreinte à eur reputation ; au contraire on la doit regarder comme un effet de leur amour et de leur pieté : Ce n’est pas ie interdiction honteuse qui soit fondée sur leur mauvais mênage, celle-là ne se juge jamais sans connoissance de cause, elle est forcée, et on l’ordonne, nonobstant la resistance, de l’interdit qu’elle prive de l’administration de ses biens ; mais la promesse de garder la succession à ses enfans est volontaire : l’administration du bien demeure au pere, et la seule espèrance de la proprieté est conservée aux enfans. Aussi ce contrat est si favorable, que par l’Article 245. de la Coûtume d’Anjou, homme ou femme noble qui marie son heritier principal et presomptis expresément avec cette qualité, ne peut aprés un contrat rien vendre, donner, transporter, ni aliener de son héritage ; cette seule déclaration ne suffit pas neanmoins par cet Article, comme je l’expliqueray dans la suite.
Sien que cet Article semble n’approuver la promesse de garder la succession, que quand elle est faite en faveur de mariage, il est d’un usage certain que la validité n’en est point restreinte au seul cas du mariage, ces paroles en faveur de mariage étant employées, demonstrative non limitativé, nous regardons ces promesses comme favorables par cette raison, que celuy qui les fait ne fait que suivre le sentiment de la loy ; il execute ce qu’elle luy a prescrit paret necessitati, hoc agit quod Consuetudo demonstravit, hoc prarogat quod aliquando jus patrium erogaturum erat, annos anticipat et Spem antevertit, dit Mr d’Argentré , ibid.
On peut faire trois sortes de dispositions en faveur de son heritier presomptif ; la première, en le reconnoissant heritier ; la seconde, en promettant de luy garder la succession ; et la troisième et la plus utile, en luy faisant dés à present un avancement : la simple reconnoissance d’héritier l’ajoûte rien au droit de l’heritier presomptif, elle seule est peu necessaire Ca promesse de garder la succession ne donne pas seulement lesperance, elle la conserve et assure ; mais la proprieté n’en est pas encore transférée. Cette promesse n’a son effer que par le prédécez de celuy qui l’a faite : elle devient caduque si cet heritier presomptif prédecede ; en ce cas il n’a jamais rien eu aux biens dont on l’avoit assuré, de sorte que ses heri-tiers ou ses creanciers n’en tirent aucun avantage : ce premier engagement cesse entièrement, et celuy qui l’a fait recouvre la liberté de dispoler de son bien, comme il auroit pû faire auparavant. Plusieurs se sont trompez sur ce sujet qui se persuadoient qu’en verrn-de cêtte pro-messe la proprieté des biens de la succession étoit pleinement acquise, et que l’heritier avoit pû hypothequer les biens à ses créanciers, ou les transmettre à ses heritiers. Un Prestre ayant reconnu un sien frere pour son heritier, et promis en faveur de mariage de luy garder a succession, il arriva que son frère mourut avant luy ; il fut neanmoins inquieré par la veuve, et par les créanciers de son frère ; mais il soûtint que sa promesse étoit conditionnelle, et qu’elle êtoit devenuë inutile et caduque par le prédecez de son frère : Par Arrest en la GrandChambre du 3 de Juin 1654. au Rapport de M’Auber, les creanciers furent deboutez de leur demande. La même chose fut jugée en un cas bien plus favorable en l’Audience de la GrandChambre le 10 de Juillet 1636. entre Biat et Maholt. Un pere avoit promis à son fils, en le mariant, de luy garder sa succession : Aprés la mort de ce fils, ses seurs voulurent empescher leur pere de disposer de son bien, prétendans que comme heritieres de leur frere, elles avoient droit de s’éjoüir de cette promesse. Le pere remontra que sa promesse ne pouvoit operer qu’en faveur de son fils, que cette interdiction volontaire ne subsistoit que pour luy ou pour ses enfans, s’il en avoit eu, sans pouvoir être étenduë à d’autres heritiers ; par cet Arrest les filles furent deboutées de leur action. Par un Arrest, au Rapport de Mr de Vigneral, du 18 de Janvier 1665. il fut jugé que l’avancement fait par un pere à son fils, aprés la mort de ce fils sans enfans, ne retournoit point à ce pere ; mais il y a de la difference entre la promesse de garder la succession et l’avancement de succession : Cette promesse ne faisit point le fils ; le pere ne se dépoüille point ; ainsi cette promesse n’étant faite qu’à la personne, elle cesse et s’éteint avec elle ; mais par l’avancement le pere ne conserve plus aucun droit en la chose : la proprieté en est pleinement transmise au fils ; lequel venant à mourir, l’avancement ne peut appartenir qu’à ses heritiers, et non point au pere qui ne l’est point, quand il y a des décendans de luy. L’avancement transfere illico la proprieté. La promesse C’est une institution d’heritier irrevocable. Quoy que la simple promesse de garder la succession Ene donne aucun droit au fils d’engager ni hypothequer le bien de son pere, il fut jugé nean moins le 10 de Février 1656. que le fils mort avant le pere avoit pu hypothequer le bien pour fournir les alimens à son pere et à sa famille dans un temps de peste, entre Carie, Merul, et Moisson : hors ces cas favorables le fils ne pourroit hypothequer le bien du pere en vertu r de la seule promesse de garder sa succession.
Pour donner effet à cette promesse il faut non seulement que l’heritier survive, mais il peut même la rendre inutile, au préjudice de ses créanciers, lorsqu’il accepte la succession de celuy qui a fait la promesse, et qui n’a pas laissé nonobstant icelle de contracter des dettes, comme il fut jugé entre de Caux et les Chapelains de la Commune. De Caux pere avoit promis à d’un de ses enfans de luy garder sa succession ; l’on jugea que cette promesse s’étendoit aux autres enfans, comme il sera remarqué cy : aprés, et que par consequent il n’avoit oû hypothequer son bien : ses enfans neanmoins se porterent ses heritiers, mais nonobstant cette adition d’heredité les creanciers des fils voulurent être prefèrez aux creanciers du pere, par cette raison que puisque l’on avoit jugé que la promesse d’un pere de garder sa succession à l’un de ses enfans profitoit à tous les autres, le pere n’avoit pû depuis engager son bien, et que leurs debiteurs n’avoient pû leur faire préjudice en acceptant la succession de leur pere : Il fut dit qu’ils ne pouvoient prétendre l’effet de cette promesse, parce que le droit n’en êtoit acquis qu’en consequence de la déclaration des enfans de se vouloir éjoüir de la promesse de leur pere, ce qui devoit être en leur liberté, et la subrogation demandée par les créanciers au refus des enfans de s’y arrêter, n’étoit pas juste, les enfans ne pouvant. être forcez à renoncer à la successsion de leur pere pour s’arrêter à cette promesse, à moins que la fraude ne fût apparente.
Comme il n’est pas permis d’avancer un de ses heritiers plus que l’autre, on a long-temps. douté si la promesse faite à un heritier, de luy garder la part qui luy pouvoit apparteoir, devoit s’étendre aux autres heritiers, si elle mettoit celuy qui avoit promis dans une interdiction. generale, de manière qu’il n’avoit plus la libre disposition de ses biens Il sembloit injuste d’étendre sa promesse contre son intention, pour luy lier les mains et le dépoüiller de la liberté de pouvoir disposer de la moindre chose. On opposoit à cela qu’il n’étoit pas en sa puissance d’avancer un de ses hefitiers au préjudice de l’autre, et en luy permettant de disposer de son bien, il rendoit en quelque sorte la promesse inutile, parce que tous les autres heritiers participoient à la portion qu’il avoit conservée en vertu de sa promesse
Cette première question fut plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 24 d’Avril 1637.
Un pere avoit promis de garder sa succession à l’un de ses enfans ; il s’engagea depuis en plusieurs dettes, aprés sa mort ses autres enfans se portant heritiers on agita la question, si le fils donataire pouvoit se tenir à son don et renoncer à la succession, et si sa part devoit être déchargée de la part des dettes contractées depuis la promesse : Il soûtenoit son droit par ces considerations, que a promesse devenoit inutile, si le pere pouvoit vendre ou hypothequer son bien au préjudice d’icelle, qu’il n’étoit pas de pire condition qu’un étranger, à qui le pere ayant donné le tiers de son bien par un acte solennel, il ne seroit pas obligé aux dettes posterieures ; de plus que ses autres freres ne pouvoient lempescher de s’arrêtor à son don, autrement s’ils avoient le pouvoir de le forcer de renoncer à son avancement, on ôteroit aux peres la liberté d’avancer un de leurs enfans, et de luy faire quelque bien pour trouver un mariage avantageux ; mais quand pour l’interest des coheritiers elle seroit remise en partage, elle devoit être déchargée des dettes à l’égard des creanciers qui n’ont pû ignorer, par le moyen de l’insinuation, l’avancement ait par le pere à son fils, et les coheritiers n’ont point sujet de se plaindre, pourvû que le don n’excede point la legitime, selon les biens du pere au temps de la donation.
Mais les coheritiers répondoient qu’en la ligne directe toute donation est un avancement de succession sujette à rapport, que ce seroit un avantage indirect, si l’un des enfans avoit sa legitime exempte des dettes du pere, et qu’elles fussent portées sur les portions des autres enfans, que la défense d’aliener au préjudice de celuy à qui l’on avoit fait la promesse ne pouvoit valoir que contre les créanciers, comme il avoit été jugé entre les sieurs Fremin, à l’ainé desquels on avoit fait une pareille donation : On a aussi jugé que le tiers en Caux ayant été donné aux puisnez, et le pere ayant depuis aliené son bien, le tiers conservé par la donation devoit être partagé entre l’ainé et les puisnez, suivant la Coûtume : Par Arrest du 24 d’Avril 1637. il fut jugé que, sans avoin égard à l’avancement, la succession seroit partagée entre tous les coheritiers, suivant la Coûtume.
Les parties étoient François le Lanternier, tuteur des enfans de Nicolas le Lanternier, et de Demoiselle Anne de Goustiménil, et Langlois, sieur de Beauvais ; plaidans Heroüet et Paulmier.
Cet Arrest n’a point été suivi, et en effet il n’étoit pas juste que l’avancement devint inutile, et que la femme, qui avoit contracté mariage sur la foy d’iceluy, fût privée de son doüaires On a donc étendu cette promesse faite à l’un des enfans à tous les autres, quoy qu’ils n’y fussent pas compris ; car puisqu’il n’est pas en la liberté d’un pere de rendre la condition d’un enfant lus avantageuse que celle des autres, et qu’il faut neanmoins qu’en vertu de cette promesse la part promise demeure entiere, un pere ne peut douter qu’en s’engageant pour un il s’engage necessairement pour tous les autres, et il n’y a point d’inconvenient à le juger de la sottes Premierement, parce qu’il n’y a rien de plus conforme au vou de la nature et à l’amour paternel, que les peres conservent tous leurs biens à leurs enfans. Secondement, parce que l’égalité entre les enfans est entièrement favorable ; et c’est aussi ce qui fut jugé par un premier Arrest pour un nommé Emanguard, et par un autre donné au Rapport de Mr Auber, en la Grand-Chambre, le l3 de Juin 1663. entre de Caux et les Chapelains de la Commune et autres creanciers, et enfin la Cour en a fait un Reglement par l’Article 45. du Reglement de l’an 1666. Puisque le pere p qui a promis de garder sa succession ne peut l’aliener ni lhypothequer en tout ou partie, il s’ensuit u’il ne peut confisquer ni faire aucun acte qui rende sa promesse vaine et illusoire : Mais bien que la prescription soit une espèce d’alienation, néanmoins on ne laissera pas de s’en prévaloiri la promesse du pere n’étant pas suffisante d’en arrêter le cours, parce que c’est un moyen d’acquerir introduit par la loy pour l’utilité publique, dont celuy qui s’en veut servir ne peut être privé pa le fait d’autruy, comme il seroit si la promesse de garder la succession mettoit les biens du pere à l’abry de la prescription.
L’avancement de succession a plus de force que la promesse de garder la succession, car il transfere pleinement la proprieté, de sorte que l’heritier donataire peut aliener et hypothequer le bien dont il a été avancé ; et c’est pourquoy M’d’Argentré dit que la démission de biens ou avancement de succesçion ne se fait pas privative et abnutivé tantùm, nec simplici abstensionis jure, sed ressionis et transtationis usui & effectus demissionis est ut dominium & proprietas bonorum in demissarium perinde transferretur, ut ex quolibet alio contracta legitimo, ita ut dimittenti nullum jus alienandi. eut hypothece subjiciendi relinquatur. l.
Ces avantages sont si favorables que l’on a même jugé qu’une mere, qui s’étoit remariée, n’étoit pas recevable à prendre des Lettres de récision. Pendant sa viduité elle avoit fait une transaction avec son fils, par laquelle elle se contentoit d’une somme de cinq mille livres pour tous ses droits, en cas qu’elle se remariât, et où elle demeureroit veuve elle les auroit tous entiers ; aprés s’être remariée elle obtint des Lettres de récision, soûtenant que cette paction êtoit contr les bonnes moeurs, qu’elle empeschoit la liberté du mariage, qu’elle avoit même été forcée par es violences de son fils à faire cette transaction. Le fils répondoit qu’elle ne s’étoit pas plainte de ces prétenduës violences, qu’elles n’étoient point véritables, et qu’elles n’étoient alléguées que par la suggestion du marys que par la disposition du droit 1. 7. en l’Authentique, quod mater C. de revocat. donat. l. 8. t. 36. la mere, qui s’étoit remariée, ne pouvoit pas même pour cause d’ingrati ude revoquer les donations faites à ses enfans, hors les trois cas portez par cette Authentique. Par Arrest du premier de Février 1667. la mere fut deboutée de ses Lettres de récision. Je plaidois our le fils appelant, et Greard pour la mere intimée.
La Dame d’Herouville aprés la mott de Boutin, sieur de Victot, son mary, fut instituée tutrice à ses deux filles ; la tutelle de l’ainée ne dura qu’un an, celle de la puisnée continua durant seize années, et lorsqu’elle fut mariée à Mre Jacques de Sainte Marie, Seigneur d’Agneaux, elle promit de ne demander point de compte à sa mere, laquelle de sa part promit de luy garder sa succession. Le sieur d’Agneaux ayant depuis obtenu des Lettres de récision contre cette clause la mère de son côté voulut se faire restituer contre sa promesse de garder sa succession. Fai Sentence du Juge du Pontlevéque la mere fut deboutée de ses Lettres, et celles obtenuës par le sieur d’Agneaux furent enterinées. Sur l’appel de la Dame de Victot, Baudri, son Avocat, disoit qu’on ne pouvoit annuller une clause d’un contrat de mariage et confirmer lautre, que les promesses étant reciproques elles devoient être également entretenuës ou cassées ; que la mere n’avoit promis de garder sa succession qu’en consequence de la quittance du compte qui luy étoit donnée par sa fille, que c’étoit une condition sans laquelle la promesse n’auroit point été faite Caruë, pour le sieur d’Agneaux, répondoit que dans un même contrat il pouvoit s’y rencontres des stipulations qui étoient legitimes, et d’autres qui étoient nulles et inciviles, qu’il falloir maintenir celle-là et annuller celles-cy urile per inutile non vitiatur, que cette décharge du compte que la mere avoit exigée, sans connoissance de cause, étoit absolument nulle, au contraire la romesse de garder la succession êtoit tres-favorable : Par Arrest du 8 de Mars 1650. on mit sur l’appel hors de Cour et de procez, et neanmoins on ordonna que la reddition du compte seroit urcife jusqu’aprés la mort de la mère. Ce temperament êtoit fort équitable.
On a souvent agité cette question, si le démissionnaire êtoit si absolument maître et seigneur de l’avancement qu’il le puisse vendre, hypothequer ou confisquer : Pour la confiscation les Docteurs s’en sont expliquez favorablement pour les peres, sur tout pour les donations. faites en faveur de mariage, et même encore que la clause de retour ne fût pas employée dans l’avancement, les raisons prises du droit civil ne seroient pas concluantes, parce qu’elles ont presque toutes fondées sur la puissance paternelle, ce qui faisoit que toute alienation faite sans le consentement du pere êtoit nulle. l. cûm non solûm 5. filius. C. de bon. que lib. et par consequent delinquendo non poterat alienare,Bartol . n. 1. l. 61. finita. S. si de vectig. ff. de damne se infecto. Mais pour soûtenir le droit du pere on doit considèrer la cause finale et impulsive de la donation, il n’a été induit à la faire que par ce voeu commun des peres qui désirent que les enfans leur succedent, ce n’est qu’une anticipatiou de succession pour l’accroissement de sa famille, et l’on doit pésumer que le pere n’a eu l’intention de donner qu’à cette condit ion que son fils conserveroit le bien à ses enfans, ou à leur defaut qu’il luy reviendreit, et il seroit injuste que le fils se prévalût de sa liberalité, et que le pere fût dépoüillé de son bien pour une cause si funeste et si contraire à son voeu, et cette seule raison suffit pour suppléer une condition de retour en faveur du pere, nam si de his cogitasset non donasset. l. tale pactum s. ult. de pactis.
Le pere est si favorable à reclamer l’avancement qu’il a fait au préjudice du fils, qu’on jugea même qu’il pourroit se défendre des interests resultans de crime. Jean Lair, Ecuyer, sieur de There, fit un avancement de succession à ses deux fils, à ces conditions de luy payer une pension de six cens livres et la dot de sa femme qu’il retenoit, et d’acquiter toutes les rentes dont il étoit chargé dans deux ans, à faute dequoy aprés le temps expité, sans autre figure ni forme de procez, il rentreroit dans son bien. Nicolas Lair, son puisné, n’y ayant point satisfait il le fit sommer d’accomplir les conditions de l’avancement, à protestation de se remettre en possession de son bien ; six mois aprés le fils pour l’homicide commis au sieur de la Cour, fut condamné par contumace. Le pere obtint des Lettres de récision contre l’avancement qu’il avoit fait à ce fils, elles furent entérinées par Sentence, dont le sieur de la Cour, frère de l’homicidé qui poursuivoit le payement des interests qu’on luy. avoit ajugez, se porta appelant. De Cahaigne, son Avocat, disoit que les Lettres de récision n’avoient été obtenuës que depuis le crime commis et l’accusation formée, qu’il n’y avoit aucun pretexte à revoquer l’avancement, que la clause de reprendre le bien n’étoit que comminatoire, et que le pere n’avoit jamais pensé à s’en prévaloir avant le crime de son fils, que le contrat d’avancement êtoit un acte parfait, qui acqueroit irrevocablement la proprieté au ils, et comme il auroit pû l’hypothequer à ses créanciers, il étoit pareillement affecté aux interests jugez à cause du crime qu’il avoit commis, et que le sieur de la Cour êtoit favorable, puisqu’il demandoit la vangeance du sang de son frère. Je difois pour le sieur de There, qu’il étoit de ces avancemens de succession, comme de ces Sacrifices et de ces Dieux Penates de lantiquité, qui n’étoient que pour la famille, et dont le Mystere étoit profané lorsque les étrangers y vouloient participer, que si la Coûtume contre la disposition du droit avoit permis à un homme vivant de se dépoüiller de son bien en faveur de son heritier presomptifi elle l’avoit fait dans cette pensée qu’il la conserveroit à sa postérité, cette condition étoit inseparable de cette sorte de contrats, ainsi en rendant le bien au pere on pourroit dite que non tam acquiritur quam non adimitur. S. si is qui bona ff. de collat. bon. En la loy servum filii ffde leg. 1. retro creditur pater dominium habuisse, qu’aprés tout ce pere ne s’étant dessaisi de son pien que sous une condition que le fils n’avoit peint executée, il étoit raisonnable qu’il rentrat dans ses droits. La cause ayant été partagée en l’Audience le 18 de Juin 1647. elle fut depuis jugée au Rapport de Mr d’Anviray, et la Sentence qui enterinoit les Lettres de récision fut confirnée par Arrest du 20 de Juillet ensuivant.
Comme le pere est exclus de la succession de son enfant par ses autres enfans, si un fils a succedé à son frère à l’avancement qui luy avoit été fait par son pere, et qu’il ait le malheur d’être confisqué, on demande si en ce cas le pere pourroit rentrer en son avancement, au réjudice du Seigneur confiscataire : Jacques de Clinchant avoit fait un avancement de succession à Jean de Clinchant, l’un de ses enfans, de la terre et fief de S. Clair, en la partie fa de Mondain, à la charge de payer les rentes : Ce fils étant mort, Joachim, son ftere, qui luy avoit succedé, ayant été condamné pour crime, et ses biens confisquez, lorsque Demoiselle Marie de Mathan, veuve de feu André de Creuly, Ecuyer, sieur de la Mothe-S. Clair, dont les biens confisquez étoient tenus, voulut en prendre possession, Demoiselle. Marie de Clin chant, fille de Jacques de Clinchant, et femme civilement separée d’avec Jean Theroude, son mary, demanda distraction des biens, dont Jacques de Clinchant avoit fait avancement à Jean de Clinchant son fils ainé, prétendant qu’ils ne pouvoient être confisquez : Par Sentence du Juge de Bayeux les biens furent ajugez au Seigneur, dont Marie de Clinchant ayant appelé, par Arrest donné en la Chambre des Enquêtes le 14 d’Aoust 1645. la Sentence fut cassée ; mais la Demoiselle de Mathan s’étant pourvûe par Lettres de Requête civil, par Arrest du 17 de Juillet 1645. donné en l’Audience de la Grand. Chambre, la Cour ayant égard aux Lettres en forme de Requête civil, remit les parties en tel état qu’elles étoient avant l’Arrest du 14 d’Aoust r646. et faisant droit sur les appellations de ladite Marie de Clinchant, elle les mit au neant, avec restitution de fruits depuis l’Arrest du 14 d’Aoust 1645. plaidans Heroüer et Laloüel : Le fait étoit tout particulier ; le pere n’étoit point demandeur, mais une loeur, et la confiscation n’avoit pas été jugée contre le fils qui avoit été avancé par son pere, mais contre un frere qui avoit succedé au donataire Pour les créanciers, qui ont baillé leur argent de bonne foy, sur l’assurance de cet avancement, on a jugé que le fils avoir pû le leur hypothequer. Guillaume le Mazurier avoit promis à Charles le Mazurier son fils, en le mariant, de luy garder sa succession, et en attendant il luy avoit donné six cens livres de rente ; aprés la mort de Charles le Mazurier, Me Jean le Piquais, Procureur en la Cour, ayant fait arrest sur les six cens livres de rente, Pierre le Mazurier, autre fils de Guillaume le Mazurier, maintenoit que son frère Charles n’avoit pû engager les six cens livres de rente, parce qu’il n’en avoit eu que l’usufruit, que son pere ne luy en avoit delégué que la joüissance, sans luy en transferer la proprieté. le Piquais s’appuyoit sur les termes du contrat, le pere avoit promis de garder sa succession, et en attendant il luy donnoit six cens livres de rente, que par tes termes le pere avoit donné la proprieté de la rente à son fils, et que par consequent il avoit pû Phypothequer à ses creanciers : Par Sentence des Requêtes du Palais il fut dit à bonne cause la saisie, et sur l’appel la Sentence fut confirmée en la Chambre de l’Edit le 4 d’Aoust 1649 Autre Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du mois de Février 1650. sur ce qu’un peré avoit fait avancement à son fils d’une petite terre, il fut jugé que les creanciers du fils la pouroient saisir, et par Arrest, au Rapport de Mr Vigneral, du 23 de Janvier 1665. dont j’ay parlé, cy-devant, on déclarâ valable au préjudice du pere, l’alienation faite de son avancement, et quoy qu’il fût mort sans enfans, que le bien ne revenoit point au pere Au procez d’entre Marc Antoine Dandel, sieur de Ganceville, heritier par benefice d’inventaire de François Dandel, sieur de Souligni, et Me Nicolas Roussel Grenetier au Grenier à Sel, intimé, François Dandel étoit demandeur pour être envoyé en la possession d’une ferme, dont il avoit fait avancement à ses enfans, sortis de son premier mariage, qui étoient morts sans neritiers, et prétendoit que cette ferme luy revenoit de plein droit, et que Roussel étoit renu de luy payer les avrerages par luy dûs des rentes qu’il s’étoit sûmis d’acquitter par le contrat d’acquisition qu’il avoit fait de feu François Dandel l’ainé de ses enfans, et qui étoit obligé de luy payer cent-cinquante livres de rente par le contrat d’avancement, et par la Sentence il avoit été dit à tort la demande dudit Dandel, et ledit Roussel maintenu en la possession et joüissance desdits héritages, ce qui fut confirmé par l’Arresti Il y auroit plus de difficulté si le droit de retour avoit été stipulé par le pere, en cas que son fils mourut sans enfans. J’ay remarqué sur l’Article 241. que cette simple stipulation de retour ; au defaut d’enfans, n’ôte pas au fils la liberté d’en disposer, parce que ces contrats d’avancement d transferent la proprieté, et qu’il est necessaire d’y ajoûter une prohibition d’aliener ; et cette tipulation de retour ne devient pas pour cela inutile, elle sert au pere pour pouvoir reprendre la possession de son bien en l’état que son fils donataire le laisse, au préjudiée de ses autres enfans.
Mais comme par la Coûtume de Paris il n’est pas necessaire que le pere stipule le retour des choses qu’il a données, parce qu’il succede à son fils, cette seule stipulation de retour opere une prohibition d’aliener, suivant la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris, citez parRicard , sur l’Article 313. de la Coûtume de Paris.
En consequence d’une stipulation de rétour procez se mût entre une mère et sa fille.
Une mére avoit remis àson fils le doüaire qui luy appartenoit sur son bien, avec cette condition, que s’il mouroit sans enfans elle reprendroit la possession de son doüaire ; ce fils mourut, daissant un fils qui déceda incontinent aprés. La tante de cet enfant, qui étoit seur de son pere, et fille de cette mere, en prenant cette succession refusa de payer le doüalre, prétendant que E condition retenuë par la mère n’avoit point eu d’effet, son fils ayant laissé un enfant qui luy avoit succedé ; au contraire la mere remontroit qu’encore que dans la condition il ne fût parlé que lu fils, cela ne devoit pas être limité à sa seule personne, qu’il falloit l’entendre aussi du petit fils, n’ayant considéré que son fils et ses enfans, et non point ses autres heritiers : Par Sentence la fille fut condamnée de payer le doüaire à sa mere, ce qui fut confirmé par Arrest du 21 de Mars 1670. plaidans Susanne pour la tante, et Pesant pour la mére.
Le fils n’engage pas seulement la proprieté des biens qui luy ont été donnez par le pere, on a jugé que ses créanciers pouvoient même arrêter sa pension ; par Arrest du 18 de Juin 1829. nonobstant que le pere la revoquât, et qu’il remontrât qu’il n’avoit donné cette pension que pour subvenir à ses alimens.
Il pouvoit y avoir plus dé doute sur ce fait. Adelin en mariant son fils luy donna six cens livres de rente, à condition qu’il ne pourroit les aliener ni hypothequer sans son consentement, le fils ayant fait mauvais ménage ses biens furent saisis réellement, et notamment ceux dont son pere luy avoit fait don ; sa femme, comme tutrice de leurs enfans, prétendit que ces biens n’ayant êté donnez qu’à condition de n’en pouvoir disposer sans le consentement du pere, ses créanciers ne pouvoient pas les saisir durant la vie du pere. Le Bailly de Roüen ayant dit à tort la saisie, sur l’appel de Philippes du Val, creancier, Durand, son Avocat, disoit que par cet avancement le fils êtoit devenu propriétaire, et bien que durant la vie du pere les creanciers du fils ne pussent faire vendre la proprieté, on ne pouvoit dire que l’usufruit n’appartint pas au fils, et qu’il n’eûr pû l’engager, qu’il n’avoit pû le remettre en fraude de ses créanciers, ni fonder cette remise sur les Arrests qui avoient jugé que le pere pouvoit remettre son droit de viduité au préjudice de ses creanciers, parce qu’il ne s’agissoit que d’un usufruit qui est un droit fragile, et qui se consolide aisément à la proprieté. Je répondois pour Madeleine le Coû, femme d’Adelin fils, que durant a vie du pere du Val ne pouvoit avoir hypotheque sur les choses données, soit pour la proprieté, soit pour l’usufruit, la clause du contrat empeschant la translation de l’usofruit ; aussi-bien que de la proprieté, l. sancimus de reb. alien. non alien. C. autrement on frustreroit la sage prévoyance d’un pere dont l’intention avoit été de conserver le bien à ses petits enfans, et d’en ôter la disposition à son fils, et quand cette volonté du pere ne paroitroit pas par la clause du contrat, il faudroit dire conjecturà pietatis minus scriptum videri l. cûm avus. ff. de condit. et quand du Val auroit pû contracter valablement, c’étoit toûjours une dette incertaine, que pendebat ab eventu, parce que si le fils prédecedoit le pere, elle ne pouvoit subsister : Or cette condition êtoit arrivée, puisque ce fils étoit mort civilement en consequence de la saisie réelle de tous ses biens, suivant l’usage de cette Province, et en cette rencontre cette mort civil avoit tous les effets de la mort naturelle. Les Loix, qui mettent de la difference entre les deux genres de mort, n’ayant lieu principalement que quand celuy qui est chargé de faire ou restituer quelque chose ne le veut point, que la condition ne soit arrivée, tunc non cogitur invitus, dit la Glose, sur la l. cûm pater S. heroditatum ff. de leg. 2. aprés tout la faveur des enfans est si grande, que quand le pere use mal de son usufruit, on le luy fait perdre, l. 50. ad Senat. Cons. Trebell. Pour la remise qu’Adelin fils a faite de son usufruit, elle n’a pû être contestée, si un étranger avoit baillé de sargent à Adelin fils, du consentement du pere, parce que le pere y auroit consenti, on pourroit decreter en vertu de ce contrat, ce qu’on ne pourroit en vertu de celuy de du Val, qui est incettain et qui pourroit être aneanti par le prédecez du fils ; pour la remise de l’usufruit qu’Adelin fils avoit faite, elle êtoit favorable, suivant la l. putrem. D. de his quae infr. cet avancement que son pere luy avoit fait, n’ayant eu pour motif que l’espèrance qu’il le conserve-roit à ses enfans ; par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 12 de Juillet 1668. la Sentence fut confirmée.
Comme les peres donnent souvent des rentes, on demande de quelle nature on doit les reputer.
Un pere avoit promis, en termes generaux, six cens livres de rente à son fils par avancement de succession, les biens du pere étant vendus par decret le fils demanda les six cens livres de rente en fonds, comme données par un avancement de succession, que n’y ayant point de rentes constituées il falloir luy delivrer du fonds jusqu’à la valeur des six cens livres. Les créanciers répondoient qu’on ne luy avoit promis qu’une rente, et que cela s’entendoit d’une rente constituée, car si son pere avoit voulu donner une rente fonciere il luy auroit baillé de son héritage.
Le nommé Fauconnet fils ayant été debouté de sa prétention, sur son appel, on confirma la Sentence le 9 de Mars 1669. plaidans pour luy de l’Epiney, et Mannoury pour Loüis Pans Ecuyer.
Les avancemens et démissions que les peres font en faveur de leurs enfans ne sont pas toûjours un effet de lamitié paternelle, c’est un temperamment dont on se sert quelquefois pour empescher le mauvais ménage des peres. Mre Henry Groulard, Seigneur de la Cour, et les autres parens de Mre Claude Groulard, Seigneur de Torsi, voyant sa mauvaise conduite en ladministration de son bien, jugerent à propos de le mettre en curatelle, pour cet effet ils obtinrent un Mandement avec défense d’aliener : Le sieur de Torsi voyant qu’il ne pouvoit empescher cette curatelle renonça à se servir d’un Arrest qu’il avoit obtenu, qui levoit les défenses d’aliener. et promit d’user de ses biens comme un bon pere de famille, sans les aliener ni hypothequer.
Depuis ayant demandé la cassation de ce contrat, je dis pour Mr de la Cour que les enfans n’heritent pas toûjours de la sagesse de leurs peres comme de leurs biens et de leurs noms ; la prudence civil a trouvé des moyens pour prévenir une ruine ignominieuse : Cette précaution est si loüable que Dieu voulut qu’elle fût gardée dans cette Republique, dont il fut le Legislateur.
Un Jubilé aprés cinquante ans remettoit un chacun dans les biens de ses ancêtres. Les Loix Romaines ont introduit deux moyens pour conserver les biens dans les familles ; le premier est la substitution, par le secours de laquelle celuy qui craignoit la mauvaise conduite de son heritier ouvoit luy ôter la liberté de dissiper son bien, et quand cette disposition de lhomme cessoit sa loy vénoit à son fecours, et le Preteur par son decret lioit les mains à ces prodigues.
Nons avons bien retenu l’usage de la curatelle, mais comme elle est honteuse et que les substitutions sont proscriptes par nos Coûtumes, on a trouvé un temperament par le moyen de la démission et de la promesse de garder la succession. C’est un lenitif pour adoucir la honte et le déplaisir d’une interdiction, et une voye métoyenne qui ôte au pere la proprieté, et qui luy laisse l’usufruit, honesto dimissionis titulo mala tractatio tegitur reperto pratextu, ne ad odiosam, bonorum interdictionem et infensas actiones deveniretur, dit Mr d’Argentré , c’est ce qui s’est fait à l’égard du demandeur ; sa conduite passée faisant craindre à ses parens la dissipation de son bien, pour éviter une procedure rigoureuse il s’obligea d’user. de ses biens comme un bon n pere de famille, sans les aliener ni les hypothequer : se peut-il plaindre d’un contrat qui l’oplige à user de son bien comme toutes les personnes sages : et n’est-ce pas une juste cause de curatelle de reclamer contre un acte si favorable : L’amour pour ses enfans luy a inspiré cette loüable resolution, et la prudence et l’honneur imposent à tous les hommes cette même condition. Les chaines qui sont tissues par la pieté paternelle sont douces et aimables ; les graces de cette nature sont irrevocables, et on ne reçoit point de repentir d’une action qui prend sa source dans les plus justes sentimens de la raison et de la nature : Il est permis aux peres de renverser ce qu’ils ont fait de préjudiciable à leurs enfans, mais les loix ne leur fouffrent point de revoquer ce qu’ils ont établi en leur faveur, si leur ingratitude ne leur en four-nit le pretexte, et ces dispositions sont si favorables que s’il y avoit même quelque chose : de douteux on l’expliqueroit largement à leur avantage. Nôtre Coûtume force les peres à leur conserver une portion de leur bien, et ils fatisfont à leur devoir et à leur conscience lorsqu’ils leur conservent le tout. On appointa neanmoins les parties au Conseil. don seulement les peres et mères, mais aussi les freres peuvent promettre de garder leur succession ou en faire un avancement à leur frere en faveur de mariage, ou autrement. Il est vray que regulierement l’on ne peut donner que le tiers de son bien, mais ces avancemens ne sont à proprement parler qu’une anticipation de succession, quod fuit donatio fit hereditas, et c’est pourquoy ils ne sont pas considèrez comme de simples donations qui n’ont d’autre motif que la liberalité du donateur, et pourvû que le donateur ait des benefices ou qu’il luy reste un fonds suffisant pour s’entretenir selon sa condition, il ne peut revoquer ce qu’il a fait en faveur de son heritier presomptif ; c’est une jurisprudence approuvée par tous les Parlemens de France, et il a été jugé plusieurs fois de la sorte en ce Parlement. Me Matthieu u Gripel, Prestre, donna tous ses biens à Noel du Gripel son frere ainé, en faveur de son mariage avec Demoiselle Anne le Maigre. Depuis ayant obtenu des Lettres de Restitution contre ce contrat, Noel du Gripel appela de la Sentence qui les enterinoit, et je soûtins pour luy qu’il avoit êté male jugé, consentant neanmoins qu’il esit la joüissance de son partage, parce qu’il n’avoit point d’autres biens, à condition néanmoins qu’il ne pourroit disposer de la proprieté. Par Arrest du 15 de Decembre 1651. la Cour ordonna, en cassant la Sentence, qu’il seroit fait partage entre les parties de la succession paternelle, pour joüir par l’intimé de l’usufruit du lot qui luy écherroit, sans en pouvoir rien aliener que par autorité de Justice et par l’avis de quatre de ses plus proches parens.
Autre Arrest sur ce fait. Me François Guenet, Diacre, donna son partage à Mr Guener Conseiller en la Cour, son frère ainé, se réservant neanmoins la proprieté de 2400 livres le rente. Mr Guenet s’étant depuis marié, son frere se pourvût de Lettres de récision, dont il fut debouté par Sentence des Requêtes du Palais : Sur son appel Lyout le jeune, son Avocat, sondoit ses moyens de récision sur une lesion énorme, prétendant que son partage valoit 8o00o livres. Gastel, pour M’Guenet, répondoit que par l’Art. 432. un homme pouvoit donner tous ses biens à son heritier, que les exemples étoient familiers de personnes Ecclesiastiques qui avoient fait de pareilles donations pour l’avantage de leurs familles, et qu’il suffit qu’il reste aux donateurs dequoy subsister, et que l’appelant y avoit bien pourvû, s’étant reservé 2 4oo livres de rente : Par Arrest en la Grand-Chambre du 22 de Février 1676. la Sentence fut confirmée.
CCXLV.
Distinction du paternel avec le maternel.
Les héritages venus du côté paternel retournent toûjours par succession aux parens paternels, comme aussi font ceux du côté maternel aux maternels,
sans que les biens d’un côté puissent succeder à fautre, en quelque degré qu’ils soient parens, ains plûtost les Seigneurs desquels lesdits biens sont tenus et mouvans, y succedent.
Nous trouvons cet Article entier dans nôtre ancienne Coûtume écrite parLithleton , l. 11.
S. 14. Si tenemens décendent à le fils de par le pere et il l’eut, et puis mort sans issuè, celle terre décendra à l’heire de par le pere, et nemi à l’heire de par la mere, et s’il n’y a ascun le Seign de qui la terre est tenuë avera la terre par écheete. La même chose est ordonnée pour les biens de la mere, et Lithleton ajoûte que c’est l’opinion de tous les Justiciers.S. Germain , autre Auteur Anglois, de fundamentis legum Anglic. c. 2. dit la même chose, sed potius ad Dominum feodi revertetur
Parmy les Hebreux le côté maternel n’étoit point considéré quand il s’agissoit de succederi les maternels avoient une perpetuelle exclusion, maternae cognationis rationem non haberi in uccessionibus eliciunt Rabini ; ex cap. 21. numeror. Et dans le Thalmud il est souvent repeté que materna cognatio non appellatur familia, sed cognatio.Selden . de Success. ad leg. Hebraor. c. 12.
Cette regle, paterna paternis, est contraire au droit Romaifi, et de la manière que nous le pratiquons elle est encore opposée à beaucoup de Coûtumes de France. Les Romains ne connoissoient point cette distinction de propres paternels et maternels, simul illud sciebant nullam esse gentem prediorum.Cic . pro Celio. Par la Loy des douze Tables proximus agnatus familiam abebar, elle ne consideroit point de quel côté les biens étoient procedez, et lans distinction. Justinien de ligne les plus proches parens succedoient par égales portions. Justinien commença de faire quelque différence entre les biens paternels et maternels, l. emancipatis C. de suis et leg. hered. ult. C. communio de succ. et Tit. de bonis maternis & materni generis. C. Mais aux successions cette difference de biens paternels et maternels ne s’étendoit pas fort loin ; comme on l’apprend des mêmes loix ; on ne reputoit pas même bien maternel tout ce que la femme posse-loit ou qui luy êtoit provenu de ses parens collateraux ; il y avoit de la differefice inter bona naterna, et materni genenis, comme le titre le montre, materna sunt que mater dedit vel reliquit : Materni generis sunt quae aous et proavus maternus, que avia aut proavia.Cujac . ad hunt titulum, ce qui étoit donné par u oncle maternel n’étoit pas censé maternel, et le pere sucredoit à cela comme aux autres biens de son fils.Cambolas , l. 5. c. 45. ut bona paterna patri-nonium sint, bona materna matrimoniumSeneca . Succ. et alii. Cette manière de succeder par igne n’étoit pas neanmoins entièrement inconnuë parmy les Romains, comme les Docteurs sont remarqué sur l’Authentique, itaque communia de Succ. c. Et Pontanus sur l’Article 152. de la Coûtume de Blois.
Il se faisoit encore une separation de biens, lorsque le défunt laissoit des freres de pere et les freres uterins ; en ce cas le parrimoine échu au défunt de l’heredité de son pere appartenoit aux frères de pere, et quant aux autres biens-meubles et immeubles qui procedoient du côté de la mère, les freres uterins y succedoient, l. emancipatis C. de legit. hered. C’est en ce seul cas de frères et de soeurs que les Romains ont pratiqué la regle paterna paternis, materna naternis ; car au surplus ils ne consideroient point l’estoc et ligne, mais la seule proximité du sang, ce qui s’observe encore aujourd’huy dans le païs où le droit Romain a conservé son autorité, ayant été jugé par les Arrests que le frere uterin succede à l’exclusion des cousins aternels, quoy que les héritages que le défunt avoit laissez luy fussent échus de la succession de son pere : De laLande , sur l’Article 323. de la Coûtume d’Orléans.
Le desir de conserver les biens aux familles lorsque quelqu’un vient à fnourir sans enfans a introduit ces Coûtumes, qui en separant et distinguant les biens d’un même homme veulent que ses meubles et acquests appartiennent à ses plus proches parens, mais que ses propres retournent au côté et ligne dont ils sont venus ; les paternels aux paternels, et les maternels ux maternels, quoy qu’ils soient parens d’un côté plus éloigné ; mais ces paroles, souche, estoc, et ligne, ont fait naître plusieurs difficultez : s’il faloit être issu de l’acqueteur de l’heritage, ou au moins de l’estoc et ligne, ou seulement de cel : ven la personne duquel il avoit fait souche. Toutes ces questions sont fort bien traitées par Me JulienBrodeau , sur Mi sur M Loüet l. P. n. 18. en explication de l’ancienne Coûtume de Paris, et de la nouvelle, aux Articles. 829. et 530. Par l’ancienne Coûtume de Paris pour succeder à un propre venu des ascendans I ne suffisoit pas d’êtte du côté et ligne de celuy par le décez duquel l’héritage êtoit avenu au défunt, de cujus bonis agebatur, il faloit être nécessairement décendu à primo sanguinis authore, ou au moins être de la souche, tige, et estoc de celuy qui originairement avoit mis l’héritage n la famille, il faloit aller plus haut que le pere ; de maniere que pour succeder à un heritage acquis par l’ayeul il faloit être parent du côté de l’aycil, et ceux qui ne l’étoient que du côté de l’ayeul n’y pouvoient rien prétendre, quoy que cet héritage esit fait souche en la personne du pere, et depuis en celle du fils.
La nouvelle Coûtume de Paris a établi un droit nouveau en l’Article 329. par lequel entre farens en même degré on ne considere que la parenté de celuy de la succession duquel il s’agit et de son pere, à quo petendum est principium lineae, sans qu’il soit besoin de monter plus haut, et de subdiviser leae biens de l’ayeul et de l’ayeule et des autres ascendans, ni de rechercher principium lineae, primum autorem principemque familiae. Par exemple Jean avant acquis un éritage, et Pierre luy ayant succedé, et Loüis à Pierre, si Loüis décede sans enfans, les parens de l’ayeul maternel étant en un degré plus proche soroient préferez aux parens de l’ayeul paternel étant plus éloignez. Cette Coûtume introduisant une fiction qui opere que celuy qui est parent du pere et du fils, de la succession duquel il s’agit, soit présumé parent de l’ayeules quoy que pourtant il soit décendu de l’ayeul ; ainsi bien que l’héritage ait été porté dans li famille par l’ayeul, le parent de l’ayeule succedera aussi-bien que celuy de l’aycul, pourvû qu’il soit en pareil degré, parce que l’on separe et distingue seulement les biens qu’il a eus de son pere et de sa mere, pour les ajuger à ceux qui se trouvent les plus proches parens du côté du pere ou de la mère, sans faire une plus exacte recherche du premier auteur et acquereur, pour distinguer les biens qui sont venus de l’ayeul ou de l’ayeule, causa spectanda est ex personâ ejus cui succeditur, ce qui est conforme au droit civil qui a borné la regle paterna paternis au défunt, nam omnes conjuncti ex patris dicuntur, filio agnati sivo ex lineâ masculinâ sive ex femineâ contingunt. Instit. de leg. Agnati succ. in princ.
Mais quoy que cette jurisprudence ferve à rétrancher beaucoup de procez qui sont étouffez, lors qu’en s’arrétant à la parenté des pere et mère, par le lien de laquelle le défunt, et celuy qui a droit aux propres étoient conjoints, on évite ces recherches obscures et difficiles des genealogies éloignées et multipliées, la subdivision des biens, et ces autres embarras qui sont névitables et tres-mal-aisez à déméler ; néanmoins dans les Coûtumes qui attribuent les propres aux plus proches parents du côté et ligne d’où ils sont provenus, ce n’est pas assez d’être parent de par le pere ou de par la mere, il est encore nécessaire que celuy qui prétend les propres, soit conjoint au défunt du ôté de celuy qui a mis l’héritage en la famille, autrement il sera exclus par les parens de celuy qui a mis le fonds en la famille : De la Landei Article 323. de la Coûtume d’Orléans
Aussi la Coûtume en cet Article n’a pas borné si étroitement cette regle patorua paternis, elle ne s’étend pas seulement au premier degré, il ne suffit pas d’être parent paternel ou maternel de celuy de cujus bonis agitur, il faut être de l’estoc et ligne de l’acquereur pour y pouvoir succeder, ce qui fut solemnellement jugé en la cause de Graverel, Huissier en la Cour, que je rapporteray sur l’Article 469. les parens de l’ayeul maternel, quoy qu’en degré plus proche, ne succedéroient pas au préjudice des parens paternels de l’auteur ou de l’acquereur de l’héritage, quoy que plus éloignez. Guillaume Massieu avoit épousé Simonette du Four, et de ce mariage naquit Pierre Massieu, qui ne laissa qu’une fille qui mourut sans enfans : sa succession fut prétenduë par du Four son cousin remué de germain, comme étant parent paternel, il êtoit certain qu’il n’y avoit point de biens du côté des du Four ; mais seulement du ôté des Massieu. On soûtint contre du Four qu’encore qu’il fût parent paternel maternel de la fille qu’il ne pouvoit succeder aux héritages, et que les Seigneurs les auroient à son préjudice, parce qu’en Normandie il ne se faisoit jamais de confusion de ligne, et qu’il faloit n toûjours que les biens retournassent à la rige d’où ils étoient sortis, suivant cet Arrest de Graverel : et c’étoit le sentiment general du Barreau, quoy qu’en ce temps on tachât d’établir l’opinion contraire en faveur d’une personne d’autorité.
Nôtre usage est encore different de celuy de Paris, car l’on n’y donné aucun privilege à l’agnation, et entre les parens qui sont décendus de l’acquereur on n’attribue aucune preference à ceux qui viennent par mâle contre ceux qui proviennent des femelles de la même famille, et ce qui les regle entr’eux n’est que le degré, la Coûtume de Paris ne faisant point de difference ontre l’agnation et la cognation, mais nôtre Coûtume a fait une disposition contraire en l’Art. 248. ci Du premier mariage de Demoiselle Madeleine Estienne avec Jean du Val étoit issu Adrien du Val, qui eut pour heritiors Madeleine et Catherine du Val ses filles : Madeleine Estienne eut le Guillaume Osmont son second mary, Loüis et Adrien Osmont, et Catherine Osmont.
Lesdits Loüis et Adrien Osmont partagerent avec Adrien du Val, leur frere uterin, la succession de la Demoiselle Estienne leur mère, mais étant morts sans enfans, Catherine Osmont, leur seur, prétendoit avoir à l’exclusion de Madeleine et de Catherine du Val, fes nieces, non seulement tout le bien paternel desdits Osmont ses frères, mais aussi le bien qui leur étoit échû de la succession de Madeleine Estienne leur mère : Au contraire Madeleine et Catherine du Val préten-doient que venans à la representation d’Adrien du Val, leur pere, elles devoient exclure ladite Osmont pour le bien maternel de ladite Estienne, puisque leur pere y auroit succedé à son préudice : Cette contestation fut décidée par Sentence donnée aux Requêtes du Palais entre ladite Catherine Osmont d’une part, et Me Vincent Canchon tuteur de Madeleine du Val, et Me Cesar Canchon, ayant épousé Catherine du Val, fille d’Adrien du Val, d’autre part, et il fut dit qu’il seroit procedé aux inventaires en la presence du tuteur pour la conservation de l’interest desdites filles, en la succession au propre maternel dudit Adrien Osmont Prestre, laquelle fut ajugée ausdites filles. Catherine Osmont appela de cette Sentence, et pour moyens d’appel elle disoit qu’elle êtoit seur du défunt Adrien Osmont, et que lesdites du Val n’étoient que des nieces, qu’outre cette proximité de degré l’on ne devoit plus considerer la souche et l’origine de ce bien maternel, et quoy qu’il fût provenu de la ligne des Estienne, on ne devoit point remonter jusqueslà pour en regler le droit successif, parce qu’ayant passé par le canal de Loüis et d’Adrien Osmont ses freres, ils avoient changé de nature et de qualité, et qu’ils ne devoient plus être considerez comme des biens procedans de la tige des Estienne, mais comme des biens qui avoient fait pouche en la famille des Osmont, de sorte qu’il falloit s’arrêter à l’agnation et au degré seulement.
Le tuteur répondoit que ces raisonnemens avoient peu de force en Normandie, êtans contraires à cet Article, suivant lequel les héritages retournent. toûjours à la ligne et au côté d’où ils sont venus, et à l’Article 248. qui dispose qu’en succession de propre, tant qu’il y a des mâles, ou des décendans des mâles, les femelles ou décendans des femelles ne peuvent succeder, soit en ligne directe ou collaterale. Il étoit constant au fait que le bien maternel d’Adrien Osmont provenoit du côté des Estienne, il faloit donc qu’il retournât à ceux qui étoient déoendus de Madeleine Estienne, qui l’avoit apporté dans la famille des Osmont. Il est vray que l’appelante êtoit fille de Madeleine Estienne, mais comme elle n’étoit qu’une fille et que les intimées étoient issuës d’Adrien du Val qui êtoit fils de ladite Estienne, elle êtoit absolument excluse de la succession maternelle desdits Osmont ses freres, en consequence de l’Article 248. suivant lequel les mâles et leurs décendans excluent toûjours les femelles et leurs décendans, et c’est pourquoy lagnation ni la proximité du degré ne sont point confidérables, parce qu’en succession de propre representation de sexe a lieuà l’infini : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 17 d’Avril 1646. la Sentence fut confirmée, plaidans le Canu et Coquerel.
Cet Article est encore contraire à l’Article 330. de la Coûtume de Paris, il porte que s’il n’y a aucuns heritiers du côté et ligne d’où les héritages sont venus, ils appartiennent au plus prochair habile à succeder de l’autre ligne, et cette Coûtume est sans doute plus humaine et plus favorable.
Cet usage de donner la succession des propres aux Seigfieurs plûtost qu’aux parens, qui ne sont point de la ligne, procede apparemment de ce qu’autrefois les Seigneurs ne concedoienturer commencement les fiefs qu’à vie, ils les donnerent en suite aux mâles, et enfin à la famille, c’est à dire à ceux qui étoient du nom et de la ligne du premier possesseur, et par cette raison on les appeloit fiefs paternels, pour les reconnoître et les distinguer d’avec les autres biens, de feud. l. l. t. 4. 8. eum, et au l. 2. t. 11. circa finem t. 50. Le temps a changé la façon de parler, et ce qu’on appeloit fief paternel on le nomme propre ; on ne peut attribuer qu’à cela cette loy si extraordinaire, qui donne les biens aux Seigneurs dont ils sont tenus au préjudice des parens, uivant que je l’ay remarqué sur l’Article 235. Par le droit Romain les biens vacans n’appar tenoient au Fisc que quand nullum ex qualibet lineâ sanguinis vel juris titulo legitimum reliquerit intestatus heredem, l. 4. C. de bonis vacantibus. Il faut donc que quelque puissante raison ait porté nos Reformateurs à établir une loy si dure, qui prefere les Seigneurs et le Fisc aux parens lorsqu’ils ne sont point de l’estoc de l’auteur ou de l’acquereur des héritages, cela ne peut être fondé que sur cette loy des fiefs, qui faisoit succeder les Seigneurs au defaut des lignagers de ceux à qui l’investiture avoit été accordée, Baldus in c. 1. in princ. si de feudo fuerit controv. uter Domin. et agn.Pontanus , sur la Coûtume de Blois, Article 151. Telle êtoit autrefois l’ancienne Coûtume de Paris, qui a été changée comme on le voit par le Procez verbal. Celle d’Anjou, Article 268. du Mayne, 256. de Bourbon, 327. qui sont semblables à la nôtre, et au Parlement de Paris, ils goûtoient si peu cet Article qu’en un procez qui y étoit pendant pour la succession du Capitaine Siane, qui étoit prétenduë par Monsieur le Duc d’Orléans, joüissant à droit de viduité de la Vicomté d’Auge, par le sieur Reus se disant proche parent du défunt, et par le Roy à droit de deshérance, et par la veuve suivant le titre unde vir & uxor, quoi que la succession fût en Normandie ; elle fut entierement ajugée à la veuve, par Arrest du 14 de Juillet 1635. entre Demoiselle Catherine du Fossé, veuve de Pierre du Fossé, Ecuyer, sieur de Siane, et Monsieur le Duc d’Orléans, tuteur de Mademoiselle sa fille, et du Saussé et autres.
Depuis l’on a jugé au même Parlement conformément à cet Article contre le sieur de CroixmareLasson, et par Arrest en ce Parlement, au Rapport de Mr d’Eti, du 30 de Juillet 1620.
Anquetil ayant vendiqué un héritage comme ayant appartenu à Anquetil son cousin germain. et fait voir que le détenteur le possedoit sans aucun titre, le défendeur répondit que sans examiner si son titre étoit bon, Anquetil ne le pouvoit prétendre, parce qu’il procedoit du côté maternel de la défunte, et partant il n’y avoit aucun droit, ce qui fut jugé Aprés avoir établi les qualitez necessaires pour succeder aux biens paternels ou maternels, il est encore besoin d’éclaircir quelques difficultez touchant une certaine espèce de biens dont la nature paroit ambigué, et qui fait souvent de l’embarras en cette Province, lorsqu’il s’agit de sçavoir s’il se fait une confusion du maternel avec le paternel, comment et quand elle se peut faire, ce qui nous est particulier en Normandie ; car les filles ne succedent point, et ce qu’on leur donne étant ordinairement de l’argent qui se paye entre les mains du mary, lorsque le fils a succedé à ses pere et mere, et que par ce moyen les biens paternels et maternels ont été confondus en sa personne, on a demandé si le fils ou ses décendans viennent à mourit sans enfans, cette dot qui avoit été payée pouvoit être repetée comme un bien maternel par les parens maternels
Suivant les Arrests remarquez par Berault on avoit jugé que la confusion ne se faisoit point ur premier degré, afin de ne priver pas absolument les heritiers maternels du retour de la dot qui eur eût appartenu, si elle avoit été remplacée en fonds ou en un corps distinct et separé d’avec e bien paternel, et nonobstant ces Arrests, au Rapporr de Mr l’Ami, entre Rasser et Guerout, on jugea que la confusion se faisoit au premier dégré ; mais comme cet Arrest renversoit l’antienne jurisprudence on jugea le contraire peu de temps aprés par un autre Arrest du 15 de Novembre 1646. entre Lapôtre, Baillif de Charleval, et Grandoüet, il fut dit que la confusion le se faisoit point au premier degré, et par un autre Arrest du 23 de Juillet 1670. en l’Audience de la Grand : Chambre, entre de la Motte, sieur de S. Planchi, appelant d’une Sentence, par laquelle il avoit été jugé que les nommez Bailleul seroient payez de la dot de Marie Grandi. au. de-là du premier degré, et Nicolas et André Bailleul intimez, laSentence fut cassée et on avertit les Avocats qu’aprés le premier degré il y avoit confusion et extinction de la dot, ne daretur progressus in infinitum.
En faisant revivre la dot qui avoit été confonduë en la personne du fils, l’heritier maternel doit contribuer aux dettes que le fils, en la personne duquel cette confusion avoit été faite, avoit contractées : Cela fut décidé au Rapport de Mr de Toufreville-le-Roux, et par un autre Arrest donné, au Rapport de Mr Busquet, le 2é de May 1859. entre Jean-Baptiste Doulé, Gedeon Quemin, Roussel et autres, on jugea ces trois questions : La premiere, que les heritiers maternels étoient bien fondez à demander la dot de la mère du défunt, nonobstant la confusion : La seconde, que cette dot devoit contribuer au sol la livre aux dettes créées par celuy qui étoit le maître du bien paternel et maternel : La troisième, que la dot devoit aussi diminuer sur la même proportion, à cause des ventes qu’il avoit faites de son bien paternel. Cette derniere question fut plus contestée ; mais enfin elle fut jugée de cette manière, par cette raison que naturellement cette rente dotale étoit éteinte par la confusion en la personne du creancicr et du debiteur, et la faisant revivre par une fiction, il n’êtoit pas juste qu’aprés cette premiere grace elle fut conservée toute entière, qu’en même temps le propriétaire auroit diminué son propre paternel, étant certain qu’un mauvais ménager dissipe également son bien paternel et maternel, lorsqu’il est confondu, et que ce maternel ne consiste plus que dans le paternel : Il n’est donc pas raisonnable en ce cas d’en exempter le maternel, autrement le paternel porteroit toute la perte. Un tuteur ayant reçû le rachapt de la dot de la mère de son mineur, et par le compte son mineur l’ayant tenu quitte lu rachapt des rentes, aprés la mort du mineur sans enfans ses hieritiers maternels redemanderent la dot aux paternels, si le pere eût reçû la dot et l’eûr constituée sur ses biens, on la pouvoit demander comme une rente dont le bien paternel étoit chargé ; mais il y avoit plus de difficulté à l’égard du fils qui navoit fait aucuns acquests, neanmoins les heritiers paternels furent condamnez à faire valoir la dot aux maternels, au Rapport de Mr du Houley, en la Grand-Chambre, le 19 de Février 1663. Voyez l’Arrest de Jagau rapporté parBérault . Me Josias Berault dit sur cet Article que les successions de pere et mere étant échûës au suppost de leur vray neritier, iceluy décedant sans enfans, ses heritiers maternels prenans les biens maternels ne seront pas tenus de contribuer aux dettes que le pere dudit heritier auroit contractées de son vivant, nec è converso, les heritiers paternels aux dettes de la mere, et que cela avoir été jugé par Arrest du 13 de Juillet 1557. entre le Page et Louviers.
Mais Godefroy dit que cetté contribution qui se fait pour la conservation des prppres paternels n’a lieu que dans le cas de la confusion ; car quand le bien paternel ou maternel subsiste en un corps separé, quand même le défunt auroifaliené tout le paternel ou le maternel, le bien qui resteroit ne seroit point obligé au remploy de l’autre, parce que le défunt en êtoit le maître absolus et qu’il a pû en dilposer à sa volonté ; cela ne s’observeroit qu’entre les heritiers des propres paternels et maternels, car l’heritier aux meubles et acquests est toûjours sujet au remploy des propres.
Que si celuy qui a des immeubles tant du côté paternel que maternel, les hypotheque, et qu’il ne laisse aucuns acquests, les dettes seront acquittées à proportion et au sol la livre de ce que valent les successions, suivant la l. Titius 54. Ad Senat. Consult. Trebell. et 161.Cujac . in comment. C’est aussi l’usage de Paris d’acquitter les dettes pro modo emolumenti. VoyezLoüet , l. P. n. 13 On a souvent de la peine à faire le discernement, si un bien doit être reputé paternel ou maternel, et peut-être il eût été expedient, pour éviter une infinité de procez, de ne remonter point si haut pour en faire la separation, comme je l’ay remarqué cy-devant, et comme on peut encore le voir par Texemple suivant. Nicolas Bectard aprés avoir matiè Florence Bectard donna quelque temps aprés un héritage à son gendre, et à Pierre Cheval son petit-fils à retention d’usurruit, et cette donation êtoit faite à chacun d’eux, et au plus vivant des deux, et que le dernier vivant des deux joüiroit proprietairement de tous les heritages, parce que l’intention lu donateur êtoit que le plus vivant demeurât proprietaire, à cause de l’amitié qu’il disoit porter, tant à Jean Cheval qu’à Pierre Cheval son petit-fils, pour le recompenser des bons services qu’il luy avoit rendus. Jean Cheval mourut, puis Pierre son fils, et enfin Nicolas Bectard Martin et Nicolas, cousins de Pierre, prétendans l’héritage donné à Jean Cheval, pour recomense de service, conjointement au pere et au fils, et que par consequent ce ne pouvoit être ur avancement de succession, Jean Cheval étant une personne étrangere ne pouvoit avoir part en la succession des Bectard, c’étoit un acquest fait en sa personne devenu propre particulièrement en son fils, ou bien il tenoit même nature d’acquest en sa personne, auquel cas il appar-tenoit ausdits Martin et Nicolas Cheval ; d’ailleurs cette donation étant faite au pere et au fils, et à leurs hoirs, le donataire avoit exclus ses heritiers d’y rien prétendre. Bectard remontroit que cette donation étant faite au pere et au fils, et au plus vivant, et n’ayant eu son effet qu’en la personne du fils, c’étoit un avancement de succession, qui étoit un propre et non un acquest, Article 434. et 436. qui par consequent devoit retourner à la famille des Bectard. Il est bien vray que si la donation avoit eu son effet en la personne du pere, on auroit pû la reputer un acquest, mais elle a été accomplie en un cas que l’on doit présumer que le donateut a eu affection pour son sang. Par Arrest du mois de Decembre 1627. en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Baudri, l’héritage fut ajugé à Thierrée, representant ledit Cheval, Lorsque les biens ont changé de situation ou de nature, on ne régarde pas à leur premiere origine, on les partage en l’état qu’on les trouve rempore delatae hereditatis. Cette question se mût entre des parens maternels, sur ce qu’un bisayeul avoit apporté dans la maison une terre en Caux, et un ayeul son fils l’avoit venduë et remplacée sur le Roy ; le petit-fils étant écedé, on demandoit comment le partage se feroit : Par Arrest de l’an 1623. au Rapport de Mr de Bonissant, il fut dit que le partage s’en feroit comme d’une rente, en l’état qu’elle se trouvoit lors de la succession échûë.
Que si dans un partage l’on bailloit à l’un des enfans des biens maternels au lieu de la part qui luy êtoit dûë sur les. biens paternels, ces biens-là seroient reputez paternels, et proceder de l’estoc et ligne paternelle, parce que l’héritage subrogé prend la qualité de celuy dont il sient la place, et en ce cas, subrogatum sapit naturam subrogati, et sans aucune stipulation, vi ipsâ, et par la nature de la chose ; ce qui n’a pas lieu seulement en ligne directe, mais aussi en collaterale.Loüet , l. 5. n. 10. De laLande , sur l’Article 324. de la Coûtume d’Orléans.
Une succession de meubles étant échûé au mary à cause de sa femme, qui excedoient son don mobil, n’en avoit point fait de remploy suivant l’Article 390. ayant laissé une fille mineure qui mourut sans enfans, il se mût question entre les heritiers paternels et maternels pour ces meubles échûs au mary ; on soûtenoit que le mary ayant eu une fille cette action pour les meubles avoit été confonduë en sa personne, et par consequent les maternels ne pouvoient plus demander ce remploy que le mary avoit été obligé de faire, que par l’Article 390. la Coûtume ne fait point le remplacement, elle oblige seulement le mary à remplacer les meubles échûs à fa femme, ce qui ne produit qu’une action en faveur des héritiers de la femme. On répond qu’il ne se faisoit point de confusion entre le paternel et maternel, la separation s’en faisant ex antiquâ causâ, les droits éteints et assoupis ronaissoient, ainsi que cette action qui étoit immobiliaire commençoit à revivre ; car l’Article 390 obligeant le mary à achêter des héritages ou des rentes pour tenir le nom, côté et ligne de la femme, elle converrissoit les meubles en immeubles, dont elle composoit un bien maternel, et à fauté par le mary de l’avoir fait, la loy suppléoit à son defaut et le faisoit pour luy ; et pour prouver que cette action est immobiliaire, le mary succede aux actions mobiliaires, et aux meu-bles de sa femme, et cependant cette action ne luy appartient point. C’est donc un immeuble à l’égard de la femme et de son heritier, n’y ayant point d’apparence qu’il soit immeuble à ségard de la femme et qu’il devienne meuble à légard de son heritier. Ainsi jugéu Rapport de Mr de la Basoche, le mois de Janvier 1653. entre Soüard et Joanne.
CCXLVI.
Ce qui ne se doit entendre non seulement des biens qui décendent des autres parens paternels et maternels, pourvû que les biens fussent propres en la personne de la succession duquel est question.
CCXLVII.
Comment les biens sont faits propres.
Les biens sont faits propres à la personne de celuy qui premier les possede à droit successif.
La 1. procuratorem in fine ff. de adquir. hered. a dit conformément à cet Article, que mutatione personae mutatur qualitas bonorum : Ce qui étoit acquest en la personne du défunt est fait propre en la personne de son heritier
Les Commentateurs des Coûtumes de France, pour moftrer que cette regle est depuis long-temps en usage en France, citent le grand Coûtumier, dont l’Auteur vivoit sous Charles VI. Le propre héritage cy est immeuble possedé par aucun à cause de succession par prochaineté. de lignage, ou pour échange qu’il auroit fait de la chose qu’il avoit avant possedée par succession. Ils Justinianus alléguent aussiJean Favre , en sa Preface sur les Institutes, in verbo dJustinianus ) et hec faciunt pro consuetudine que in multis locis obtinet, quod quis possit donare conquestus suos ad libitum, sed patrimonialia non que sibi ex successione obvenerunt.
Mais la définition du propre portée par cet Article, n’a pas été generalement approuvée : plusieurs ont estimé qu’un héritage ne doit point être reputé propre s’il n’a fait souche, c’est à dire s’il n’est venu du pere au fils, de l’ayeul au petit-fils ; en un mot s’il ne procede du o tronc et de la succession des afcendans : de sorie que les héritages acquis par un collateral, quoy qu’ils ayent été possede successivement par : trenté collateraux, ne sont point devenus et ne tiennent point nature de propre, jusqu’à ce qu’ils soient passez en une ligne directe, et par consequent le plus proche parent du défunt : y succede, comme à un acquest, quoy qu’il ne soit point du lignage de lacquereur, ou de la personne qui les à possedez le premier à droit successit. Guido Papa Confil.Rebuf . Ad l. hereditatis appellatio. D. de verb. signif.
Cette opinion a pour son fondement principal, que la succession est déférée suivant cette regle paterna paternis, materna maternis. Or elle ne peut convenir qu’à ce qui est émané des peres et meres, ayeuls et ayeules, cum id tantùm paternum maternumve censeatur l. quod scitis C. de bonis quae lib. et de-là il s’ensuit selon leur raisonnement, que ce qui est échû par le decez d’un paront collateral, sans avoir passé à titre fuccessif à des enfans, ne peut être dit propre paternel ou maternel, mais il retient et conserve toûjours la nature et la qualité d’acquest : Quelques Coûtumes de France en disposoient de la sorte, et particuliegment l’an-cienne Coûtume d’Orléans, Article 263. qui porte que l’héritage acquis par aucun est fait propre aux enfans et postérité de l’acquereur, sur quoy du Moulin a fait cette Note, Non ergo quibuscunque, puta, collateralibus à latere acquirentis : Mais reputant propre ce que l’heritier collateral possede à droit successif, on ne renverse point la regle paterna paternis, &c. parce que l’on peut fort bien appeler ce qui procede d’un oncle ou d’un cousin du côté duj pere, un bien paternel. Nôtre Coûtume, pour prévenir cette difficulté, n’a pas dit que l’heritage acquis est fait propre aux enfans, elle ordonne sans distinction que les biens sont faits et propres à la personne de celuy qui les possede à droit successif.
Plusieurs Coûtumes distinguent les propres en anciens et naissans, elles en font de trois sortes : La première, ce qui nous est échû par la succession de nos peres et meres, ayeuls et ayeules : La seconde, le propre naissant : Le troisiéme, le propre conventionnel d’une somme donnée en mariage, ou autrement, à la charge qu’ellosera propre au donataire. Paris, Art. 230.
Tronçon Troncon, sur l’Article 326.Chopin , De moribus, Par. l. 2. 1. 1. n. 27.Peleus , 4. 19i.
Chassanée Chassanée, 5. 8. Titre des Successions propres, anciens et naissans, Cette distinction n’est point reçûë en cette Province, quoy que Godefroy ait eu cette pensée que nous faisons difference entre les propres anciens et les propres naissans. Il est sans doute qu’il y a des propres plus anciens les uns que les autres ; ceux qui sont procedez de nos ayeuls sont plus anciens que ceux qui n’ont commencé d’avoir cette qualité qu’en la personne de celuy de la succession duquel il s’agit. Mais cela n’est point considéré quand il faut partager une succession de propre, cela est nettement décidé par l’Article 46. du Reglement de l’an 1666.
Godefroy Qodefroy est tombé dans cette erreur pour avoir mal entendu deux Artests que Berault avoit r emarquez, qu’il croyoit être contraires, et que pour les propres naissans la Cour avoit jugé diversement par ces deux Arrests. Par le premier qui fut donné pour Matrliieu de Bethenrourt, on avoit jugé qu’on devoit commencer à compter la ligne et famille en celuy qui avoit fait les conquests : Et au contraire par l’Arrest de Lastelle on avoit commencé à compter la signe en celuy qui les avoit possedez le premier à droit successif Mais il faut remarquer que lors de ces deux Arrests il n’étoit point question de propres naissans, et on ne pensa point à établir une difference entre les uns et les autres pour y faire succeder d’une manière differente, on régarda seulement la ligne d’où ils étoient procedez ; et dans l’Arrest de Bethencourt comme les biens contentieux avoient été acquis par Madeleine Bethencourt, quoy qu’ils fussent devenus propres en la personne de Nicolas Caillot, on trouva qu’il étoit raisonnable de les rendre à la ligne d’où ils étoient provenus ; un bien pour devenir propre ne perdant la qualité de sa premiere origine quand il s’agit du droit de succeder ou de partager entre des heritiers de diverses lignes. C’est pourquoy il faut exactement distinguer ces deux cas, où il s’agit entre les heritiers aux propres et aux acquests de la qualité des biens du défunt, et alors pour en faire le discernement il faut tenir, suivant cet Article, qu’un bien pa été fait propre en la personne de celuy qui l’a possedé le premier à droit successif.
Il n’en est pas de même quand un propre est prétendu par les parens paternels et par les maternels ; car alors quoy que ce bien ait été fait propre en la petsonne du défunt, il ne s’ensuit pas qu’il soit de son propre, et qu’il faille luy faire commencer la ligne en sa personnes mais on remonte jusqu’à la personne de celuy qui la acquis pour luy donner l’estoc et la lignes cela fut jugé de la sorte par l’Arrest de Bethencourt.
L’éspece dont il s’agissoit en l’Arrest de Lastelle étoit plus difficile, et les raisons alléguée par Catherine de Lastelle, quoy qu’elle gagnât sa cause, n’étoient point valables, et j’avoué que l’Arrest est en quelque sorte contraire à celuy de Bethencourt, car dans les regles Claude
Merienne devoit exclure les de Lastelle, frères de Jaquelme de Lastelle. Cette Jaqueline de Lastelle avoit succedé à Pierre de Bellehaire, son frere uterin ; aprés sa mort sans enfans, sa succession fut prétenduë par Claude Merienne, par un Bellehaire et coufin germain de Jaqueline de Lastelle, et cousin germain maternel de Pierre de Bellehaire ; ainsi suivant l’Article 240 les acquests de Pierre de Bellehaire, rausquels Jaqueline avoit succedé, devoient retourner à la ligne des Bellehaire, et ne pouvoient appartenir aucunement à la ligne des de Lastelles cependant comme il ne restoit aucun parent pâternel de Bellehaire, que Merienne n’étoit qu’un parent maternel desdits Bellehaire, et qu’au contraire les de Lastelle étoient parens paternels de Jaqueline de Lastelle, on jugea que comme en succession d’acquests en parité de degré les paternels sont preferez aux maternels ; il faloit en user de même en succession de propre. C’est la seule raison sur laquelle on peut fonder cet Arrest, et non point sur celle de propre naissant, que lon n’a point considéré en Normandie, comme la Cour le décida en l’Arrest de Saldaigne, par lequel les acquests de Charles de Saldaigne étant échûs pour une partie à Mr Robert le Chandelier, Conseiller en la Cour, sorti d’une feur, furent jugez un propre paternel qui devoit appartenir aux enfans de Thomas de Saldaigne, frère de Charles, au préudice de Jeanne de Saldaigne leur tante, qui les demandoit comme propre naissant, qu’il faloit considerer comme un acquest, et qui par consequent luy devoit appartenir, comme tante et plus proche que les enfans de Thomas, qui n’étoient que cousins du feu sieur le Chandelier.
Mais enfin pour ne laisser plus la chose douteuse il a été décidé par l’Article 46. du Reglement, que tous biens immeubles échûs par succession sont reputez propres, sans qu’il y ait distinction. de propres naissans et anciens.
Ce mot de Propre en sa signification plus generale exprime ce qui est particulier à quelqu’un, sans pouvoir être communiqué à d’autres ; ainsi les biens paternels sont propres aux parens de la igne paternelle, sans pouvoir passer aux maternels, et cette façon de parler est plus étenduë. que celle d’anciens, dont usent quelques Coûtumes, et notamment celle de Bourgogne ; nous avons plusieurs propres autres que ceux ausquels cette qualité d’anciens est attribvée, comme ceux qui sont censez propres par les stipulations et conventions des parties, ou pour avoir été retirez à droit de lignage, ou parce qu’ils sont estimez propres au moins à l’égard des conquests faits constant le mariage.
Il y a encore une espèce de propres qui ne prennent point cette qualité pour être échûs par succession ou par la volonté des contractaus, mais parce qu’ils suivent comme accessoire la nature du principal auquel ils se trouvent unis, comme sont les héritages retirez à droit feodal.
Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 23 de May 1623. si les acquests faits par un fils mort sans enfans, qui retournent à sa mere, tiennent lieu de propré ou d’acquest, et si étans propres à la mere ils tiennent nature de propre paternel ou maternel ; Les acquests les enfans, qui retournent aux peres et meres, turbato mortalitatis ordine, ne sont pas reputez par le droit une succession, jure reversionis, potius quâm hereditatis veniunt, c’est triste lucrum, luctuosa bereditas. l. fi. C. comm. de Succ. l. scripto. Unde liberi, c’est donc plûtost un retour qu’une succession nais quand du bien venu de cette sorte aux peres et meres seroit reputé propre ; il ne seroit reputé paternel ni maternel, parce qu’il ne procede ni de l’une ni de l’autre ligne, et que la personne du pere ou de la mère étant composée de deux branches ou ramages, il doit retourner aux plus proches, ou être partagé également entre l’une ou l’autre ligne. Authent. defuncto. C. Ad Senat. Consult.Tertull . et n. 118. de hered. ab intestato venientibus, et de jure cognationis sublato, et suivant ces raisons les parens maternels de la mere concluoient qu’ils devoient avoir les acquests du fils aprés la mort de la mere, comme plus proche parens de la mère du côté maternel Les parens paternels de la mere plus éloignez difoient que les acquests du fils étoient faits propres en la personne de sa mère, mutatâ personâ mutatur qualitas bonorum, quod Castrense erat in personâ defuncti, desinit esse in personâ heredis. l. per curatores de adquir. heredit. Les acquests du fils étant faits propres à la mere, ils ne pouvoient être reputez qu’un propre paternel ; la presomption est toûjours pour le côté paternel comme le plus digne dont elle porte le nom et auquel elle est capable de succeder. Par l’ancien droit Romain il n’y avoit que deux degrez sui vel liberi, et agnati per virilem sexum conjuncti, et cognati non succedebant, depuis cognati per femineum sexum Justinien ronjuncti furent admis, et Justinien avoit ôté la difference agnatorum et cognatorum. Authent. de sublatâ differentiâ agnat. et cognat. Par Arrest dudit jour entre Pierre le Gay, cousin maternel et heritier aux acquests de Guilsemine Marette, et les Marette cousins paternels au troisième degré de ladite Marette, les acquests d’André le Tellier, fils de ladite Marette, furent ajugez aux Marette.
Un pere ayant marié sa fille donna à son petit-fils, sorti de cette fille, quelques héritages. étant mort sans enfans il saissa deux seurs de pere et de mere, et un frère de pere, il se mût question pour cet héritage donné par l’ayeul maternel à son petit-fils ; le frere le prétendoit comme un acquest ; les seurs soûtenoient que c’étoit un propre ; le frère de pere, heritier aux acquests de son frere, disoit qu’un bien ne peut devenir propre que par succession ou par donation à l’heritier presomptif, que la donation faite par l’ayeul maternel n’étoit point de cette qualité, elle étoit faite au fils de la fille comme à un étranger, parce qu’il ne pouvoit pas succeder sa mere ayant des freres ; qu’autrefois les donations faites aux puisnez en Caux étoient acquests et non propres, parce qu’ils ne succedoient point ; on ne peut donc pas dire que la donation au fils d’une fille qui avoit des freres eut été faite à l’heritier prefompti, mais à une personne qui ne pouvoit prendre part en la succession du donateur.
Les seurs de pere et de mere remontroient qu’en toutes donations il faloit regarder cajus intuitu facte essent. l. cum aliquo de jure deliber. que cet ayeul maternel n’avoit pas eu l’intention que ces biens passassent en une autre famille, que s’il avoit prévû ce cas il auroit sans doute stipulé un retour, nec alienos successores suis anteposussset, suivant la pensée du grandPapinien , l. cum acutissimi. C. de fideiommiss. et encore que la fille ni fon petit fils ne fussent pas capables de succeder, il faloit considerer cette donation comme un supplément de legitime, autrement la donation n’eut pû valoir comme contraire à l’Article 431. et qu’enfin on ne reputoit acquest que ce qui provient de nôtre industrie : par Arrest du 18 de Mars 1622. on confirma la Sentence qui avoit ajugé aux soeurs de pere et de mère les choses données entre Jean Lécolier et Marseille. ca donation faite à l’heritier presomptif est propre et non acquest, quia potius est naturalis debiti solutio quâm muneris oblatio. l. unica. C. de imponend. lucrat. descript. et nous ne faisons point de distinction entre les donations faites en ligne directe à l’heritier presomptif, et celles qui sont faites en ligne collaterale, car la Coûtume ne permettant point de donner des immeubles à l’un des he ritiers presomptifs plus qu’à l’autre, toutes donations faites à celuy qui est capable de ucceder sont reputées avancement de succession. Il est vray que suivant les Arrests rapportez par MrLoüer , l. a. n. 2. on ne repute propre que la donation faite en ligne directe à l’heritier presomptif, secûs in linea collaterali, et neanmoins son Commentateur a remarqué que cela ne doit être entendu entre les heritiers, sinon du propre naissant et non du propre ancien, ce qu’il confirme par l’autorité de plusieurs Arrests qui l’ont jugé de la sorte.
Dans le Journal des Audiences, seconde partie, l. 3. c. 24. on traite cette question, si la dicitation faite à un des coheritiers ajudicataires est un acquest pour le tout, ou propre seulement pour la part en laquelle il étoit coheritier en la chose licitée, quoy que tout le prix eût été payé ux autres heritiers pour les égaler : et par l’Arrest qui intervint on jugea que cet héritage étoit ropre pour la part seulement en laquelle lajudicataire étoit heritier : pour prouver que tout étoit propre on disoit que le partage étoit un contrat mélé, susceprible de toutes sortes de conventions, qui porte souvent apparence d’une vente ou d’une échange, et neanmoins qui ne changeoit point la nature du partage, et comme souvent il arrive des difficultez qui empeschent la division des biens héreditaires, la loy apporte ce remede en exposant l’héritage indivisible à la licitations. mais cette licitation étoit un véritable partage, ou pour mieux dire elle n’étoit qu’accidentelle et accessoire au partage sans en pouvoir changer la nature, et par l’Article 80. de la Coûtume de Paris, si un héritage ne peut se partager entre coheritiers, et s’il se licite sans fraude, il n’en est dû aucunes ventes. On répondoit que ces raisons étoient valables, si le partage n’avoit point été fait, parce qu’alors la licitation est reputée faire partie du partage ; mais quand le partage est fait avec des coheritiers ; aprés le partage fait et un chacun possedant sa part, si dépuis il la cede à un autre, c’est un acquest, et les droits Seigneuriaux en sont dûs.
Une femme durant son premier mariage et depuis avoit amassé plusieurs meubles, et lorsqu’elle convola en secondes nopces, elle stipula que du nombre des meubles qu’elle portoit il en seroit constitué mille livres pour sa dot ; aprés sa mort sans enfans il y eut procez entre les heritiers au propre, et les heritiers aux meubles et acquests pour cette somme de mille livres : Les heritiers aux ropres disoient que cette somme êtoit une dot consignée ; les heritiers aux acquests prétendoient que les biens n’étoient faits propres qu’en la personne de celuy qui les possede à droit successif, que lette somme de mille livres n’avoit pû être faite propre en la personne de la défunte, qu’en Normandie nous n’avons point de propre conventionnel, et personne ne pouvoit par des stipulations se faire des propres, il n’y avoit que les deniers donnez pour dot par pere, mere, et frere qui fussent reputez propres, encore c’étoit en la personne des filles : Par Arrest du mois d’Aoust 1638. donné au Rapport de Mr de la Champagne, cette somme de mille livres fut ajugée aux heritiers aux acquests.
Autre Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 12 de Juin 1662. par lequel la doi constituée de deniers provenans de meubles fut reputée acquest.
Suivant l’Article 46. du Reglement de l’an 1666. tous biens échûs par succession sont reputez propres ; cela est conforme au droit des fiefs, feudum potium paternum presumitur potius, quam novum, c. 1. de grad. Success. V. 1. si jure Dominus. C’est aussi le sentiment de Lasius, de feud. parte 3. nisi, dit-il, pro alterâ parte esset major prasumptio, quod boni judicis officio est committendùm
CCXLVIII.
Aux propres les mâles excluent les femelles.
En succession de propre, tant qu’il y a mâles ou décendans des mâles, les femelles ou décendans des femelles ne peuvent succeder, soit en ligne directe ou collaterale.
On peut rapporter la premiere origine de cette Coûtume à la loy Salique de terrâ vero Salicâ nulla portio veniat mulieri, sed ad sexum virilem tota terra hereditas perveniat. Cette loy parût dure et rigoureuse aux Gaulois et aux Romains qui demeurerent dans les Gaules, qui observoient l’une jurisprudence contraire, à sçavoir le droit Romain. Nous apprenons cela par une Formule deMarculphe , l. 2. c. 12. où un pere parle en ces termes de cette loy Salique. Diuturna sed impia consuetudo inter nos tenetur, ut de terrâ paternâ, sorores cum fratribus portionem non habeant, sed ego perpendens hanc impietatem sicut mihi à Domino aequaliter donati ectis, ita & sitis à me aqualiter diligendi, et de rebus meis post meum decessum aqualiter eratulemini ; idebque per hanc Epictolam meam, dulcissima filia, contra germanos tuos, filios meos illos, in omni hereditate meâ aequalem & legitimam effe heredem meam, ut tam de alode paterno quam comparato, vel mancipiis, vel presidie noctro, vel quodcunque morientes reliquerimus, aequâ lance cum filiis meis dividere queas, &c Mr Cujas a rapporté cette même Formule dans le Livre S. de ses Observations, c. 14.
On peut juger par ce discours que cette loy Salique ne plût pas aux Gaulois, et c’est sans doute deà que procede ce changement de la loy Salique dans la Coûtume de Paris, et en plusieurs autres de la France
Mais cette loy établie par les François dans les Gaules ne leur êtoit pas particulière, elle croit observée par les autres peuples du Nort, car nous trouvons la même disposition dans les loix Ripuaires. Sed dum viriaeis sexus extiterit, femina in hereditatem aviaticam non succedat. Dans les loix des Saxons, c. 39. pater aut mater defuncti filiis, non filiae hereditatem relinquant ; et in legibus Anelicorum Tit. 7. hereditatem defuncti filius, non filia fuscipiat, si filium non habeat qui defunctus est ad filiam pecunia & mancipia, terra vero ad proximum paterna generationis consanguineum pertineat Quand les Normans s’établirent en cette Province, ils trouverent sans doute les François partagez sur lobservation de cette loy Salique, les uns voulans la maintenir exactement, les autres y apportans un temperamment, en se donnant la liberté de rappeler ou de reserver leurs filles à partage ; sur cela les Normans embrasserent le party de la loy Salique, comme plus conforme à leurs moeurs et à leur genie, ils en firent le droit general et commun de leur Province, et neanmoins ils conserverent cette liberté aux peres et meres de pouvoir, si bon leur-senibluit, reserver leurs filles à partage sous les conditions et dans les termes qui sont expliquez par les Articles qui traitent des reservations à partage.Dadin , de Alta-Serra, de Duc. et Comit.
Provinc. l. 3. c. 16. a écrit que cette loy Salique, qui déplût aux Gaulois, et peut e être aussi aux François, pour les successions des particuliers, commença de renaître aprés l’usurpation que les Ducs et les Comtes firent de leurs Gouvernemens, afin de les conserver dans sieurs familles, car pour la succession du Royaume la loy Salique est toûjours demeurée inviolable.
Les Anglois et les Ecossois observent une Coûtume pareille à la nôtre.Skenaeus , de legi Scor. l. 2. c. 30. generaliter verum est quod mulier nunquam cum masculo partem capit in hereditate aliquâ, et ita filius, sive primâ, sive mediâ, sive ultimâ uxore natus, succedit patri in totum pra omnibus sororibus.
Pour soûtenir cette Coûtume si défavorable à tout le sexe des femmes on allégue l’autorité la plus venerable de toutes, à sçavoir la loy Mosaique, c. 27. du Livre des Nombres, apud Hebraeos, cries hereditariae successionis hujusmodi est, siquis moriatur filio non superstite, transferetis hereditatem ad siliam ejus, filius anteponendus filiae, & universa proles è femore ejus egressa, est anteponenda filiai filia est anteponenda fratribus. C’est la doctrine des Rabins, qu’ils ont fondée sur le y. 8. du 27. c. des Nombres.
Cet usage d’exclure les filles des successions est tres-ancien ; je n’estime pas néeanmoins que ce partage que Jacob fit entre ses enfans en puisse fournir un exemple, en ce qu’il ne parle point de Dina sa fille, et qu’il ne luy laissa aucune part, car on peut douter si son pere lavoit menée en Egypre ; et bien qu’il soit dit qu’il amena avec soy ses enfans, et les enfans de ses enfans, ses filles, et les filles de ses fils, neanmoins dans le dénombrement particulier qui en est fait, Dina n’est point nommée, et d’ailleurs elle pouvoit être morte lorsque Jacob fit son restament ; mais on en trouve une autorité expresse au 31. de la Genese, où les femmes de Jacob reconnoissent qu’elles n’ont plus rien à espeter en la succession de Laban leur pere.
Cette exclusion des filles n’est prononcée qu’en faveur des fils, ainsi les filles de Tselophead n’ayans point de freres furent admises à la succession et à la part de leurs peres, nombre 27. et cette Coûtume n’est pas singulière à cette Province, extant in libris nostris, dit M d’aergentté, viginti amplius versuum millia de statuto excludente fominas à successione paternâ vel avitâ : favor hic perpetuandae familiae & pecuniae et bereditatis gentilium, ut opes ad masculos potius decurrerent, et feminis satis factum videri debet, si maritis locarentur ex dignitate. C’est-là la veri-à table loy Salique. Et ce qui montre que cette exclusion des filles n’est ordonnée qu’en faveur des mâles, c’est que la pluspart des Coûtumes ajoûtent comme la nôtre, que ce n’est que tant qu’il y a des mâles qu’elles ne peuvent succeder. Bourgogne, Tit. 7. 8. 12. Nivernois, Tit. des Gens Mariez, Article 24.
Cet Article recoit beaucoup d’exceptions pour les successions directes, les filles succedent à eurs peres, s’ils les reservent à leur succession, Article 258. comme aussi à celle de leur mere 259. si les freres les veulent admettre 258. si les freres sont refusans de les marier, Article 274. si les tteres sont confisquez ou decretez, Article 263. c’est pourquoy il ne faut pas dire que les filles sont incapables de succeder, mais qu’elles n’y sont pas admifes.
Ces paroles Cou décendans des femelles ) ont terminé cette question, an sub appellatione liberorum vel descendentium masculorum, comprehendatur minsculus descendens ex seminâ : Du Moulin avoit fort bien remarqué que quand il s’agit de l’explication de Loix, de Coûtumes, et de Contrats sous ce terme de femelle sont compris les mâles décendans des femelles, qui sont également exclus, quia illud statutum videtur esse agnationis conservandae causâ quod est favorabile, l. 1. 8. enult. de ventre inspiciend. Il en est de même pour les testamens, nam quando liberi vel descendentes l. masculi ponuntur in diffiositione, intalligitur masculis ex masculis.Molin . de feud. si S. 16. n. 3. et sequentibus. Sur le sujet de l’exclusion des filles voyez Bodin en sa Republique, l. 5. c. 2.
Justinien Quoy que Justinien ait appelé les filles aux successions, il avoué neanmoins qu’elles en avoient été excluses pour cette raison, que commodius videbatur ita jura constitui, ut plerumque heroditates ad masculos consluerent, Institut. l. 3. Tit. 2. de legitim. adgnat. Success. &Baro , en cet endroit, ajoûte multis certè de causis, id ita constitutum est, quiae familiam conservant mosculi, publica munena obeunt, rempubl. domi & militiae administrant : feminae vero de familiâ exeunt.
Generaliter verum est, ditGlanville , quod mulier nunquam cum masculo partem capit in hereditate, nisi aliud speciale fiat in aliquâ civitate, & hoc per longam consuetudinem ejusdem civitatis.
Mais au defaut des freres les soeurs sont appelées à la succession, et l’ordre de succeder est décrit par cet Auteur, 1. 7. c. 4. conforme à celuy que nous observonsGodefroy , sur les paroles de cet Article, ( ne peuvent succeder ) apporte cette exception, à l’héritage n’est assis en bourgeoisie, auquel cas, dit-il, les seurs partagent également avec les frères, suivant l’Article 270. Cet Auteur, comme plusieurs autres, est tombé dans cette erreur, que les filles, quoy qu’elles ne soient pas reservées ou reçûës à partage, partagent également les biens en bourgage, se fondant sur cet Article 270. mais il faut prendre garde que se cet Article n’a lieu que quand les seurs sont reservées à partage, et quand elles ne le sont point elles n’ont point une part plus grande aux biens de bourgage que dans les autres biens. Il est arrété de la sorte par l’Article 51. du Reglement de 1666.
Ces paroles ( tant qu’il y a des mâles ) s’entendent de mâles habiles à succeder, autrement paria sunt, non esse masculos et non esse habiles ad succedendum.
CCXLIX.
Mariage avenant.
Les filles ne peuvent demander ne prétendre aucune partie en l’héritage de leur pere et mere contre leurs freres, ne contre leurs hoirs : mais elles leur peuvent demander mariage avenant.
Aprés avoir exclus les filles du droit de succeder, et avoir ordonné au commencement Je cet Article qu’elles ne peuvent demander ni prétendre aucune partie en lhéritage, de seurs peres et meres, contre leurs freres, ni contre leurs heritiers, il étoit d’un ordre nécessaire de regler quelque chose pour leurs alimens et pour leur subsistance, c’est ce que la Coûtu-me a fait par les dernieres paroles de cet Article, mais elles peuvent leur demander mariage avenant.
La Coûtume d’Anjou en parlant du mariage des soeurs, se sert aussi de cette expression de mariage avenant, mais nos Reformateurs auroient sans doute empesché beaucoup de procez et de difficultez, s’ils s’étoient expliquez plus clairement. L’experience apprend tous les jours que l’arbitration du mariage avenant est si difficile et si fortement traversée par les freres, que leurs pauvres seurs ne pouvans fournir à la dépense sont forcées d’en abandonner la emande, et de vieillir sous la servitude d’une belle-seur. Il est tres-vray que la condition. des filles est facheuse lorsqu’elles n’ont point été mariées par leurs pere et mere, et néanmoins il saemble que nôtre mariage avenant soit imité des Romains. Papinien en la l. 10. de aliment. leg. 5. ult. alimentis viri boni arbitratu filiae relictis, ab herede filio pro modo legata dotis quam solam pater exheredata filiae nubenti dari voluit, atque pro incrementis etanis exhibendam esse respondit, non puo viribus hereditatis. MrCujas , en ses Commentaires, sur les Réponses de Painien, l. 9. dit sur cette loy que filia plerumque exheredatur contemplatione dotis data vel relicta quod ea eis sufficiat. l. emptor s. ult. de rei vindic. l. qui volebat. de hered. institut. car à Rome les filles ne succedoient point, mais un pere aprés avoir reglé la dot à sa fille, pouvaeit ordonner ut alimenta prastarentur boni viri arbitratu, ces paroles, dit le mêmeCujas , certam quantitatem exprimunt non incertam, quia aequitas est certa, cujus bonus vir magister est. Ainsi quand la Coûtume veut que les filles ayent mariage avenant, on peut dire que ce n’est pas une portion incertaine. bien qu’il ne paroisse pas d’abord combien la fille doit avoir, mais cette portion se doit regler équitablement, et selon les biens et les forces de la succession ; et c’est pourquoy bien que arbitration en soit remise aux parens, ils doivent y procoder boni viri arbitrio, c’est à dire avec équité, autrement la fille ne seroit pas tenuë de s’y arrêter.
Nous définissons le mariage avenant quelque chose moins que le partage, à cause des charges de la famille que les mâles sont tenus de porter. Et comme il importe à l’Etat que les filles soient pourvûës en mariage, presque tous les Legislateurs ont reglé leurs mariages, dont on peut voir daes exemples dans la Republique deBodin , l. 5. c. 2. mais leur condition est toûjours incertaine.
Incertae quo fata férant, ubi sistere detur,
Virgil virgil. AEnaid. l. 3.
Ubi ponere sedes.
Souvent les freres au lieu du mariage avenant offroient à leurs seurs de les recevoi à partage ; mais ne faisant ces offres que par un esprit de vexation, et pour leur faire prendre quelques portions de terre qu’elles ne pourroient faire valoir, on a jugé fort équitablement s que les seurs ne pouvoient être forcées d’entrer en partage, et qu’elles pouvoient s’arrêter au mariage avenant qui leur étoit ordonné par la Coûtume ; il pourroit arriver qu’en une succession qui seroit toute en Caux, par la déclaration que l’ainé feroit de recevoir ses soeurs à partage, pour diviser le tiers avec ses caders, il se déchargeroit de la contribution qu’il doit a leurs mariages, ce qui seroit contre l’Article 297. il arriveroit encore souvent que le pargage seroit moindre que le mariage avenant. Or la Coûtume n’ayant point accordé cette liberté aux freres, les soeurs doivent avoir la liberté de refuser cette offre ou de l’accepter. Et puisque la Coûtume traite si rigoureusement les filles, il leur faut conserver favorablement ce qu’elle leur accorde ; ils peuvent rendre leur condition plus avantageuse, et non pas l’affoiblir. Dans la Coûtume generale si la succession consistoit en un fief de grand revenu, et en tres-peu de roture, il ne seroit pas juste de permettre à l’ainé de recevoir ses seurs à partage, aprés avoir pris un préciput, pour laisser quelque peu de roture à ses seurs et à ses cadets Matthaeus de Afflictis a traité cette question dans ses Constitutions Neapolitaines, qui sont conformes en ce point à nôtre Coûtume ; car les filles ne peuvent avoir qu’un mariage avenant secundùm paragium. Sur cela cet Auteur propose cette difficulté, si les freres disoient à leurs seurs qu’au lieu de leur payer leur mariage, ils les recevoient à succeder et à partager également avec eux ; utrùm sorores possent constringere fratres ad maritandum et dotandum secundûm paragium : Il conclud suivant le sentiment deJoannes Andreas , que le frere n’est point obligé de prendre la succession du pere avec cette charge. de payer un mariage à ses soeurs L’exclusion des soeurs êtant en sa faveur il peut renoncer à ce benefice et remettre les choses dans le droit naturel et commun, quia unaquaeque res de facili revertitur ad suam naturam, l. si unius D. quod in specie. D. pactis.Matthaeus de Afflict . l. 3. Rubr. n. 8. Il est certain que cette opinion a été suivie autrefois, et sans doute elle paroit raisonnable, lorsque le frere ne fait point cette déclaration dolo malo, pour donner de la peine à ses seurs ; neanmoins les derniers Arrests ont établi une jurisprudence contraire.
Cette question ayant été jugéé, au Rapport de Mr Salet, le 17 de May 1664. entre les Demoiselles Vautier, contre Vautier, sieur de Ruberey, leur frere, elle fut mise derechef en problême en l’Audience de la Grand-Chambre l’11 de Decembre ensuivant, entre Demoiselles Barbe, Françoise, et Marie de Goustiménil, appelantes et demanderesses en Lettres de récision contre Nicolas de Goustiménil, leur frere, intimé et défendeur. Les soeurs étoient appelantes d’une Sentence qui avoit recsi leur frère à leur bailler partage, et pour montres qu’elles n’étoient point tenuës de l’accepter et qu’il devoit leur bailler mariage avenant, de Epiney, leur Avocat, disoit que suivant cet Article les filles ne peuvent demander aucune part en l’héritage, mais seulement mariage avenant, qu’il n’y avoit aucun Article qui donnât aux freres le choix de bailler mariage avenant ou partage, que la Coûtume ayant reduit leurs droits à cette petite portion, elle n’a point voulu que pour avoir si peu de choses elles fussent heritieres ou obligées aux dettes de la succession, que quand cette même Coûtume a voulu qu’en certains cas elles pûssent demander partage, elle s’en est expliquée clairement ; mais on sieur dire qu’en tous ces cas son intention a été de rendre leur condition meilleure : d’où il s’ensuit que si le partage qui leur est offert leur est préjudiciable, elles ne peuvent être forcées à l’accepter. D’ailleurs l’adition d’heredité est un acte purement volontaire, et puisque la Coûtume les a excluses du droit de succeder, on ne peut les y faire rentrer contre leur volonté, ce qui forme la difference des seurs avec les puisnez ; ceux-cy sont obligez d’être heritiers, parce qu’ils sont appelez à la succession par la loy, mais les seurs en sont privées, et il ne leur reste d’action que pour demander un mariage avenant, que cette question avoit été décidée par l’Arrest des Demoiselles Vautier, et au Parlement de Paris pour une succession située en Normandie, entre Demoiselle Angelique de Rotelin, contre le sieur Marquis de Rotelin son ftere, et bien que cette Demolselle eut été réservée à partage par son pere elle fut recûë à demander mariage avenant ; et parce que dans quelques écrits signez par les parents il est parlé de partage, quoy qu’elles ne l’ayent jamais demandé par aucun acte, elles se sont pourvûës entant que besoin de Lettres de Restitution. Cloüet répondoit pour le frere que cette prétention étoit nouvelle, quand la Coûtume avoit reduit les filles au mariage avenant, son intention avoit été de favoriser les freres, ils pouvoient done renoncer à cet avan-tage, et il ne seroit pas juste de charger les mâles pour rendre la condition des filles plus avantageuse, en laissant le frère sujet à toutes les dertes et charges de la succession, que par les Articles 251. et 357. les freres peuvent marier leurs seurs de meubles sans héritage ou d’héritage sans meubles, d’où il paroit qu’ils ont l’option de leur bailler partage ou mariage avenant : que pour l’Arrest de Vautier il étoit fondé sur les vexations qu’elles avoient souffertes de la part de leur frere. Mr le Guerchois conclud pour le frère, la cause ayant été appointée u Conseil : Par Arrest, au Rapport de M’Côté, du 13 de Juin 1667. il fut dit que les filles auroient leur mariage avenant ; il fut neanmoins permis au frère de bailler des héritages de la succession en payement de l’estimation du mariage avenant. Le même a été jugé depuis en a Chambre des Et juêtes, au Rapport de Mr de la Place-de-Grainville. On citoit un Arrest contraire donné en l’années 1642. entre les nommez Hayy ; l’ainé d’iceux en la Coûtume de Caux vouloit recevoir sa seur à partage ; la seur et les puisnez y resistoient, prétendans qui l’ainé faisoit cette déclaration en fraude, et neanmoins il fut dit que la seur prendroit son partage. Et sans doute cette jurisprudence établie par les Arrests de Ruberey et de Goustiménil, s’éloigne de l’esprit de la Coûtume ; c’est un avantage qu’elle a voulu faire aux freres n excluant les soeurs du partage, et par consequent il doit être en la liberté des freres de renonver à ce qui est introduit en leur faveur : cependant comme ordinairement les freres ne font ces déclarations que par un esprit de vexation, on a trouvé qu’il étoit plus équitable de laisser l’option aux seurs
La Coûtume n’a point expliqué en cet Article ce que c’est que mariage avenant, et en quelle part il doit consister, sur tout lorsqu’il y à plusieurs filles ; neanmoins il paroit par les Articles 254. 255. 256. et 257. qu’ordinairement le tiers appartient aux filles, et même lorsqu’il n’y a qu’une fille elle peut avoir le tiers, pourvù neanmoins que la part des freres soit aussi grande. On remarquera sur l’Article 361. comment on doit proceder à l’estimation des fiefs et du préciput en Caux, lorsqu’il s’agit d’arbitrer le mariage avenant, et que la soeur, tant en Caux que hors Caux, ne peut avoir que la part d’un puisné.
Le mariage de la seur doit être payé avant les dettes du frere, et même du doüaire de sa femme. Le feu sieur d’Isigny en mariant sa seur à de S. Pierre, sieur de S. Julien, se constitua en cinq cens livres de rente : aprés la mort du sieur d’Isigny sa veuve joüissoit d’une terre pour son doüaire, et le sieur d’Isigny fils joüissoit de la terre d’ssigny et de tous les autres biens de la succession. Le sieur Baron de S. Julien fit arrest sur les fermages de la terre, dont a veuve joüissoit pour son doüaire, pour les arrerages de cette rente domle de cinq cens livres, soûtenant qu’il pouvoit saisir tous les biens de la sucoession de son ayeul. Le Juge d’Avranches avoit donné main-levée à la veuve, sauf au sieur deS. Julien à se pourvoir sur les autres biens du sieur d’Isigny. Sur l’appel son Avocat concluoit qu’il avoit été mal e jugé, tous les biens de la succession luy étant obligez avant le doüaire. Bouvier, pour l’intimé, répondoit que c’êtoit une intelligence entre l’appelant et le sieur. d’Isigny, y ayant nombre l’autres biens, sur lesquels il pouvoit se faire payer, et que pour elle elle n’avoit d’autres biens pour subsister : Par Arrest du 8 de Février 1658. la Sentence fut cassée, et ordonné que l’appelant eroit payé sur les fermages arrêtez, à la réserve de cinq cens écus qui seroient touchez par la veuve pour sa subvention, sauf le recours contre le sieur d’Isigny.
Entre les difficultez qui peuvent naître sur l’arbitration du mariage des soeurs, on a été longtemps dans l’incertitude touchant les interests sur quel prix ils se doivent payer, et la maxime du Palais est qu’avant le mariage de la seur, l’interest ne luy est dû qu’au denier vingt, et depuis son mariage au prix du Roy. Guillaume Maillard, mary de Françoise de Pitebour, demandoit â de Pitebout, Ecuyer, sieur de Graffart, frère de sa femme, le payement de son mariage ; les parens avoient reglé les interests au denier vingt, dont Maillard ayant appelé, Morlet. son Avocat, disoit que le mariage de sa femme ayant été arbitré à une somme d’argent, l’interest en êtoit dû au prix du Roy. Je difois pour le sieur Graffart que les parens êtoient en quelque façon les Juges Souverains pour l’estimation du matiage des seurs, que la Coûtume leur avoit donné ce pouvoir, de sorte que quand ils y ont procedé avoc connoissance de cause, on n’étoit pas recevable à s’en plaindre, puisque la loy remet cette arbitration à leur jugement, elle laisse quelque chose à leur liberté, car qui dit arbitration accorde quelque liberté, arbitrium boni viri : Par Arrest du 20 de Mars 1654. on ordonna que l’interest seroit payé au denier quatorze.
Autre Arrest du 29 de Juillet 1667. entre Me Mallet, Professeur en Medecine à Caën, et Me Thiment, Conseiller au Presidial, par lequel entr’autres choses il fut jugé que jusqu’au jour du mariage ledit sieur Thiment frere payeroit à sa soeur l’interest au denier vingt de la somme de trois mille livres, à quoy son mariage avenant avoit été arbitré, et au denier quatorzt sepuis le mariage.
Les seurs pour leurs mariages avenant ne sont point obligées de faisit réellement, même contre les acquereurs des biens du frère. Charles et Jacques Orsoles avoient arrété les fermages de uelques terres, ayant appartenu à de la Mare frère de leur mere, et qu’il avoit venduës à Jacques Helot ; Marie Haïs, creancière de Helot, avoit fait juger par le Vicomte et le Bailly de Roüen main-levée des saisies desdits Orsoles, sauf à eux à se pourvoir par voye hypothecaire, dont appel : Par Arrest du 8 de Février 1675. on cassa la Sentence, et main-levée ajugée ausdits Orsoles des fermages. Je plaidois pour eux, et Baratte pour lesdits Haïs.
CCL.
Que peut donner le pere mariant sa fille.
Le pere et la mere peuvent marier leur fille de meuble sans héritage, ou d’heritage sans meuble, et si rien ne luy fut promis lors de son mariage, rien n’aura.
Le mariage des filles est un sujet digne du soin et de la prudence des Legislareurs ; il est de finterest public et particulier qu’elles foient mariées. Les Romains n’ont pas ignoré cette vérité, et quand un pere négligeoit ce devoir, le Magistrat le pouvoit obliger à s’en acquitter. Pater non mod8 dotem dat, sed etiam si atas et pudor puellae flagitat, dare per Magistratum cogitur : Ils en faisoient ee mênre un crime en la personne des peres, capite legis Juliae, qui liberos mjuriâ prohibuerint uxores ducere, vel qui dotem dare non volunt, coguntur in matrimonium collocare vel dotare : Et ils estimoient que c’êtoit empescher le mariage de leurs enfans, que de ne leur chercher pas un party, prohibere videtur qui conditionem non querit. l. capite 19. de ritu nupt. et c’est pourquoy la loy dernière. 5. utramque C. de dot. promiss. dit que paternum est officium dotare filias. Ce matiage des filles étoit si favorable, que si le fils avoit emprunté de fargent pour donner en dot à sa soeur ; le pere en étoit responsable, tanquam de in rem verso. l. filiusfamilias 17. Ad Senat. Consult. Macedon. Si le pere êtoit furieux ou prodigue le curateur pouvoit donner la dot, que s’il étoit captif chez les ennemis en attendant son retour, le Magistrat regloit ce qu’il faloir pour doter la fille, l. 5. 8. 1. de jure dori ce qui ne se pratiquoit pas seulement pour les filles legitimes mais aussi pour les naturelles ; ex aequo & bono, boni viri arbitratus dotem constituere cogebatur. Et Tacite remarqué, Annal. l. 3 s que Lepidus s’excusa de passer en Aftique en qualité de Proconsul, parce qu’il avoit une fille prête à marier ; tanta erat majorum cura de collocandis filiabus.
On n’usoit pas de cette rigueur contre la mere, elle n’étoit point forcée de doter sa fille, le pere même ne luy pouvoit assigner de dot aux dépens des biens maternels, l. neque mater c. et de jure dot. voyezHottoman , de Dotibus ; mais toute cette jurisprudence est abolie par nos Coût tumes, qui laissent en la liberté du pêre et de la mère de donner ou de ne donner pas.
C’est la décision de cet Article qui permet aux peres et meres deux choses, de marier leur fille de meuble sans héritage on d’héritage sans meuble, ou de ne luy donner rien, étant privée de rien demander, si son pere en la mariant ne luy a rien promis, car la Coûtume le tend le maître absolu de la fortune de ses filles ; il peut ne leur donner que ce qui luy plaist et de telle nature de bien qu’il le juge à propos ; et quoy qu’il ne luy donnât rien, pourvû qu’il fait mariée, elle n’a point d’action pour s’en plaindre et pour demander une legitime, et c’est pourquoy il est inutile en cette Province de traiter ces questions, si les renonciations faites par la fille à la succession de son pere lorsqu’il la mariée sont valables, car il n’est point permis d’examiner si le pere ou la mere functi sunt pietatis officio, il suffit qu’ils l’ayent voulu. Il est vray neanmoins que cela n’a lieu que pour les successions à échoir, et non point pour celles qui sont échuës, en ce cas le pere ne peut ôter à sa fille le droit qui luy êtoit acquis.
Toutes les loix anciennes et modernes sont fort differentes pour la legitime des filless parmy plusieurs Nations les filles ne portoient point de dot à leurs maris, et au contraire elles étoient dotées par eux, ce qui se pratiquoit parmy la pluspart des Orientaux, et c’étoit aussi Drusius la coûtume parmy les Juifs. Drusius, en ses Notes, sur S. Matthien, Cap. 1. P. 20. rapporte Je passage de Rabbi Moses si, qui despondet mulierem adducit testes et desponsat coram eis, pecuniâ aut re aliquâ aequivalente, etiam obolo, quem dat et coram illis, & dicit, esto mihi desponfata hac re, fecundùm legem Mosis et Israel, &c. Parmy les autres c’étoit une coûtume de ne à leur donner que des meubles, et de les exclure de prendre part aux héritages : Enfin en quelques lieux on a réglé la somme que l’on pouvoit leur donner, et Charles I7. en fit une loy ex presse. Nôtre Coûtume l’a remis à la prudence et à l’affection du père de donner ce qu’il luy plaira, et s’il a estimé à propos de ne rien donner la loy impose silence à la fille, parce que la loy présume que pietas paterna consilium capit pro liberis : Il suffit à la fille que son peré fait pourvde par un mariage. Mr d’Argentré en rend cette raison sur l’Article 225. de la Coûtume, gl. 4. n. quod femina ex matrimonio communionem bonorum mobilium et conquae : stuum consequuntur tum doarium tertiae partis bonorum mariti, & sic satisfactum est humanitati & officio paterno, si ista tanta filia à patris curâ esset consequuta. La Coûtume n’a point mis de distinction entre les personnes, la fille noble n’a point de prerogative plus que la rotutiere, en quoy elle paroit plus judicieuse que ces autres Coûtumes qui ont fait de la difference entre les personnes, ce qui ne sert qu’à produire des procez :
Mais on engage le pere qui a promis et qui n’a pas acquitté sa promesse en mariant sa fille à prendre garde que ce qu’il paye depuis au mary et qu’il destine pour la dot de sa fille soit assuré et qu’elle puisse en être payée sur les biens du mary, autrement il en demeure garand ; les freres sont pareillement obligez à user de cette précaution, et comme cette garantie de dot est singulière en Normandie, et qu’elle y fait naître tous les jours plusieurs contestations, il est important de remarquer quelle est la jurisprudence établie sur cette matière par les Arrests, et en quel cas et contre quelles personnes cette garantie peut échoir.
On peut trouver étrange que le pere soit obligé de garantir et de faire valoir la dot qu’il a promise à sa fille aprés l’avoir payée au mary ; cette donation qu’il fait à sa fille étant une pure siberalité, la loy ne le forcant point à donner cette garantie semble n’avoir aucun pretexte raisonnable, nam ex liberalitate nemo tenetur. l. Aristo. D. de Donat. Aussi la Cour n’a pas approuvé que le pere fût generalement et absolument responsable de ce qu’il promettoit à sa fille, et qu’ilf payoit à son gendre ; elle a restreint et limité cette action en garantie à certains cas, comme je l’expliqueray particulièrement. Ce que le pere promet par le contrat de mariage, et qu’il paye comptant, n’est point sujet à garantie. Atrest du 27 de Septembre 1639. par lequel on 5 confirma les Sentences qui en avoient déchargé le pere.
Il n’est pas même nécessaire que largent soit payé avant les épousailles ; quand il promet de fargent, quoy qu’il soit payable aprés le mariage dans certains termes, il n’y échet point aussi de garantie, encore même que le payement n’ait été fait qu’aprés les termes échûs : Ainsi jugé par Arrest, au Rapport de Mr Buquet, le 9 de Juillet 1659. aprés en avoir consulté toute la Grand-Chambre, entre les nommez le Forestier. Le pere avoit promis de payer dans un certain temps, et encore qu’il n’eûr payé qu’aprés le terme échâ, il fut déchargé de la garantie, par la raison qu’il ne s’étoit point constitué en rente ; cet Arrest est considérable, on ne doutoit point que le pere ne fût à couvert de la garantie lorsqu’il avoit promis dans un temps et payé dans le terme, et on n’obligeoit point le pere à la garantie ; par cet Arrest on a même jugé que le pere ou ses heritiers ne pouvoient être inquietez, quand on ne promettoit que de l’argent exigible aprés un temps préfix, nonobstant que le pere n’eût point payé précisément dans le temps. La même chose fut jugée en la Chambre des Enquêtes le premier de Mars 1660. au Rapport de Mr Clement ; le sieur de Pigousse, qui avoit donné vingr : cind mille livres à sa fille en la mariant au sieur de Gourfaleur, et qu’il promettoit de payer en uatre termes, fut aussi déchargé de la garantie. Autre Arrest sur ce fait, Roland de Malfilfastre promit à sa fille en la mariant deux mille livres, il en paya mille livres comptant, et pour les autres mille livres il s’obligea de les payer en quatre termes, ce qu’il executas de cette somme le mary en avoit consigné sept cens livres en dot, et ses biens ayant été aisis et vendus sa femme ne pût y être colloquée utilement, et neanmoins elle ne demanda aucune recompense contre son pere ; vingt : cinq ans aprés sa fille nommée Renaut poursuivit Guerout qui avoit épousé la petite, fille de Malfillastre pour luy payer cette sommes elle fut deboutée de son action par le Vicomte et par le Bailly de Caen ; sur son appel Thetroulde, son Avocat, s’aidoit des Arrests par lesquels le pere avoit été condamné à la garantie, et prétendoit qu’il faloit faire distinction entre l’argent que le pere avoit payé comptant avant les épousailles et celuy qu’il avoit payé depuis le mariage, qu’au premier cas il n’y avoit pas de farantie, mais que quand le pere s’étoit une fois constitué debiteur il êtoit en obligation de chercher son assurance sur les biens du mary. Je répondois pour Guerout intimé, qu’il ne faloir point faire de distinction entre l’argent payé avant ou depuis les épousailles, que le pere n’étoit garand que quand il s’étoit constitué en rente, car alors ayant fait paroître qu’il ne s’assuroit pas ur la solvabilité du mary, puisqu’il avoit retenu l’argent, et qu’il s’étoit constitué en rente, il n’avoit pû payer par aprés sans stipuler un remploy ; j’ajoûtois que la poursuite de l’appelante étoit tres-défavorable, que pour condamner les peres à cette garantie il faloit renverser cette maxime, qu’on n’est point garand de sa liberalité, car puisque le pere pouvoit ne rien donner à sa fille il étoit injuste de le faire répondre d’une somme mobiliaire qu’il avoit payée volontairement : Par Arrest en la Grand-Chambre du 31 de Juillet 1663. on mit fut l’appel hors de Cour.
Le seul cas donc où le pere peut être poursuivi pour la garantie de la dot promise à sa fille, lorsque le mary qui la reçûë est insolvable., est lorsqu’il s’est constitué en rente ; cela n’est oint problématique au Palais. Du Val en mariant sa fille à Germain Assout luy donna six cens livres, sçavoir cent-cinquante livres en don mobil qui furent payez avant les épousailles, et les quatre cent-cinquante livres furent constituez en trente-cinq livres de rente dotale. Du Val fils en à presence de son pere en fit le rachapt entre les mains d’Assout : aprés sa mort sa femme demanda les quatre cent-cinquante livres à son pere, elle fut deboutée de son action par le Vicomte et par le Bailly, et les Sentences furent confirmées par Arrest ; mais cet Arrest étant contraire à la jurisprudence du Palais, on fe pourvût par Requête. civil, et quoy qu’on n’alseguât pour moyens de Requête civil que la contrarieté d’Arrests, les parties futent remises en tel état qu’elles étoient avant l’Arrest, et en infirmant les Sentences on dit à bonne cause l’action de la fille, par Arrest du 20 de Novembre 1642. plaidans Eustache et Pilastre. Autre pareil Arrest en la Chambre de l’Edit, au Rapport de M’d’Amiens, du 26s d’Aoust 1634. pour une femme nommée Robert.
Cette matière de la garantie de la dot contre le pere n’étoit pas fort connuë du temps de nos deux Commentateurs : Bérault avoit cité un Arrest par lequel un pere avoit été déchargé de la garantie pour une somme de six cens livres qu’il avoit payée comptant à son gendre Godefroy écrivit que cet Arrest ne pouvoit servir de Reglement pour condamner indistinctement les peres à la garantie, parce qu’en l’espèce de cet Arrest le pere avoit payé comptant, et que c’étoit un meuble dont il étoit quitte en payant, mais qu’il ne croyoit pas que si le pere avoit promis de la renteà sa fille pour sa dot iline fût tenu à la garantie en cas d’insolvabilité du mary : Berault dans la seconde Edition de son Livre n’approuva point cette distinction deGodefroy . Il luy reprocha qu’il donnoit un mauvais sens à l’Arrest, et qu’il l’entendoit mieux que luy pour en avoir conféré avac les Jugest Cela me persuade que Berault étoit dans ce sentiment, que suivant cet. Arrest les peres n’étoient point obligez à la garantie de la dot promise à leurs filles : et toutefois l’opinion de Godefroy a prévalu, et les Arrests ont approuvé : sa distinction. Un pere en mariant sa fille avoit stipulé qu’il pourroit bailler des héritages pour le payement de la dot par luy promise, ce qu’il executa depuis, ayant baille quelques quartiers de vigne au mary qui les laissa deperir ; aprés sa mort sa veuve demandoit sa dot à son pere, prérendant que le fonds qu’il avoit baillé éroit de nulle valeur il fut soûtenu par le pere qu’il avoit pû se libeter en vertu de la stipulation du contrat de mariage, voulant verifier que le fonds qu’il avoit baillé valoit la fomme promise, ainsi qu’il n’étoit tenu de la diminution, puisqu’il n’avoit promis que sous cette condition : Par Arrest du 3 de Février 1671. en la Grand-Chambre, il fut reçû à cette preuve, plaidans Theroulde et de l’Epiney.
On s’abusoit si fort sur cette garantie de la dot, que même une bâtarde inquieta les heritiers de son pere naturel, pour luy faire valoir ce qui luy avoit été donné pour être sa dot.
Perrette Diomais êroit fille naturelle de Mr Jean Bucaille, Notaire en la Cour des Aydes. Il luy avoit legué par son testament deux cens livres, qui luy furent payées lors de son mariage. par Marie le Guay, veuve du défunt ; mais elle vouloit rendre les heritiers de son pere naturel responsables de quatre-vingr livres qui avoient été constituez en dot, vù l’insolvabilité de son mary : sur le Mandement que cette bâtarde avoit obtenu, on mit les parties hors de Cour par Arrest de la Grand-Chambre du 24 de May 1656. On avoit jugé le contraire en l’Audience de la Grand Chambre le 19 de Novembre 1652. pour la veuve du Prevost, Procureur en la Cour, frèré d’un nommé le Bailly, mais on se fonda sur une clause particulière du contrat de mariage qui portoit garantie.
Voicy une espèce singulière de garantie : une fille avant que d’être mariée avoit été condamnée personnellement à quelques dettes ; son pere l’ayant mariée on demanda cette dette au mary, qui conclud que le pere len devoit liberer, car luy ayant promis une somme il en devoit joüir pleinement et librement, autrement il auroit été trompé à la bonne foy, si n’ayant pas sçû cette dette, et le pere ne la luy ayant pas déclarée, il étoit contraint de la payer, par ce moyen il n’auroit rien en dot. Le pere s’aidoit de cette regle, qui épouse la femme épouse les dettes, que ce qu’il avoit donné à sa fille procedoit de sa liberalité, et qu’il ne pouvoit être obligé à luy en donner davantage : Par Arrest en l’Audience de la Tournelle du 8 d’Aoust 1609. le pere fut condamné à payer la dette.
Parmy les Romains dos à patre dabatur, aut dicebatur, aut promittebatur. Dabatur, cûm pra. sens erat dos, non quod ea statim traderetur viro, quamvis & hoc fieri posse constet, sed pridie nuptiurum, aut circiter apud Aruspices deponebatur, ut in crastinum nuptiarum viro solveretur : quod si dos prasens non effet, aut dicebatur, aut promittebatur : dicere est aliquid ultro polliceri : promittere dorem omnes possunt. Nupt. c. 4. et 5. Nous pratiquons la même chose : en promet de payer argent comptant avant ou aprés les épousailles, ou lon se constituë en rente, quoy que le pere ne paye pas ce qu’il a promis dans le terme qu’il a préfix, on ne doit pas agir dans la derniere rigueur, suivant la pensée des Jurisconsultes, l. Avus neptis ff. de jure dot. pater filii nomine promisit centum cûm commodissimum erit, intelligitur cûm primùm sine turpitudine et infamiâ dari posset
Dans les cas où le pere est responsable de la dot de sa fille, quand il la paye à un mart insolvable, on a fait naître ces deux difficultez en consequence de cette garantie, si la fille avant que de pouvoir agir contre son pere est tenue de discuter les biens de son mary quand elle n’a point signé au contrat de rachapt, ou si au moins elle n’est pas tenuë de dénoncer à son pere la vente et ajudication qui se fait des biens de son mary : Mais parce que ces quetions arrivent plus souvent contre les frères, je remets à les traiter sur l’Article suivant, avec celle de la garantie contre les freres.
Outre cette rigueur de la garantie à laquelle on a soûmis les peres et les freres, il n’est pas même en leur puissance d’obliger les maris à leur donner caution pour leur assurance, lors qu’ils veulent se liberer de ce qu’ils doivent à leurs filles ou seurs, ce qui a été décidé plusieurs fois. Pierre du Hamel voulant acquiter la dot de Marie du Hamel sa seur, laquelle êtoit separée de biens d’avec son mary, il la fit condamner à luy donner caution : Sur l’appe Eustache, son Avocat, disoit qu’elle n’y êtoit point obligée ; car si elle ne pouvoit recevoir sa dot qu’en donnant caution, elle en seroit frustrée, qu’il ne pouvoit pas même la consigner, parce que cette consignation feroit cesser les interests, qui sont destinez pour leur nourriture, la Coûtume ayant exclus les filles des droits de succeder, et n’ayant d’autres biens que leur dot, il leur seroit impossible de trouver des cautions : Par Arrest du 1s de Juillet 1644. il fut dit que le frere mettroit les deniers entre les mains de sa seur, si mieux il n’aimoit en continuer l’interest. La même chose fut jugée en plus forts termes pour Capieres Procureur en la Cour, contre les Osmont frères de sa femme ; le pere même ne peut demander caution. De la Roque voulant racheter la dot qu’il avoit promise à sa fille offiit de la consigner faute de remploy : Je soûtenois le contraire pour le mary, et le pere se voyant mal fondé en sa prétention, demanda qu’il luy fût permis de bailler da fonds, ce qu’on luy accorda : Par Arrest, au Rapport de M’Baudry, du mois d’Avril 1660. Un pere néanmoins n’est pas recevable à cette offre quand il a promis de l’argent, et le gendre ne doit pas être forcé à changer les stipulations de son contrat en prenant un fonds qui souvent luy seroit inutile et incommode, au lieu de l’argent qu’il avoit stipulé pour l’accommodement de ses affaires.
Un acquereur des héritages du frere prétendoit être plus favorable, n’ayant point acquis à cette condition, il vouloit obliger le mary à fournir caution : Par Arrest du mois de May 1660. le mary en fut déchargé, il se nommoit Rabey
Il n’est pas neanmoins toûjours en la liberté du pere ou du frère de retenir la dot qu’ils ont promise, car quand ils se sont obligez de payer, sans stipuler de caution ni de remploy, ils ne peuvent éluder l’execution de leurs promesses ni demander de nouvelles assurances aprés s’être arrêtez à la solvabilité du mary. Arrest du 4 de Juin 1662. entre Fortin et des Moutes, plaidans Lyout et Theroulde : Le pere avoit promis de payer six cens livres la veille des épousailles, laquelle êtoit remplacée par l’intimée sur tous ses biens, le mariage avoit été célèbré, bien que l’argent n’eut point été payé, depuis le pere étant poursuivi il demanda caution, le mary soûtenoit que le contrat ne l’y obligeoit point, et qu’il n’avoit pas voulu traiter sous cette condition, ce qui fut jugé de la sorte ; sur l’appel on confirma la Sentence. Autre Arrest du 8 d’Aoust 1662. sentre Hunel et Pierre-Jean, plaidans le Perit et de l’Epiney.
On le jugea encore plus favorablement en cette espèce : Un oncle avoit donné à sa nièce en faveur de mariage trente livres de rente à prendre sur tous ses biens, et il luy avoit delégué des fermiers pour le payement des arrerages ; depuis en vendant ses héritages il avoit chargéu l’acquereur de le liberer de cette rente ; cet acquereur en voulant faire le rachapr demanda caution au mary ou un remplacement, dont il fut debouté par le Vicomte et par le Bailly ; ce qui fut confirmé par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre le 7 de Mars 1670. plaidans Greard e et Mannoury, parce que le donateur avoit donné une rente sur tous ses biens, sans se reserveré la faculté de la racheter, et l’ayant donnée dans la vûë de faire subsister les mariez, êtans dans g l’impuissance de fournir une caution, il les eut privez de leurs alimens Dans la deuxième partie de cet Article la Coûtume dispofe que si le pere n’a rien promis a sa fille en la mariant, elle ne peut rien demander sur son bien. Son motif a été sans doute que la pieté paternelle a porté le pere à faire tout ce qui étoit raisonnable et necessaire pour la subsistance de sa fille.
Cette presomption ne se rencontrant pas quand la fille s’est mariée sans le consentement de son pere, on a douté si aprés la mort de son pere on luy devoit permettre de demander quelque chose à ses freres : On peut dire en faveur de la fille que le pere n’est dispensé de l’obligation de la doter que quand il la marie, en ce cas il luy suffit que son pere luy ait trouvé un party ; on présume qu’il ne l’a donnée qu’à un mary qui a dequoy la faire subsister, mais quand le pere ne luy a point trouvé de mary, bien qu’elle se soit mariée sans son consentement, elle n’est pas déchûë de la legitime qui luy est quë, et la peine que sa faute merite ne doit point s’étendre plus loin que de la priver de toute action durant la vie de son pere, et ses freres contre lesquels elle n’a point manqué n’en doivent point profiter. On expliqua neanmoins rigoureusement cet Article contre une fille qui s’étoit mariée sans le consentement de son pere, et on la debouta du mariage avenant qu’elle demandoit à ses reres, par Arrest rendu en la Grand. Chambre le ; de Juillet 1636. plaidans Potier et le Marchandi. quoy qu’on alléguât que le pere avoit depuis ratifié le mariage par les visites de sa fille et de son mary qu’il avoit reçûës et agreées : Mais on remontroit au contraire, que la rebellion et le mépris de la fille ne luy devoit point être avantageux, que si même quand elle s’étoit tenuë dans un état de respect et d’obeissance, elle ne pouvoit rien demander aprés avoir êté mariée par son pere, il étoit bien plus juste et plus conforme à lhonnêteté publique de luy dénier toute action lorsqu’elle s’étoit mariée sans son agréement. Autre Arrest sur ce fait : Susanne de Grimouville étant chez la Dame de lArchant, sa tante, fut débauchée par le sieur de Postis, fils de cette Dame d’un premier mariage ; un fils sorti de cette conjonction fut declaré legitime par Arrest de l’année 1630. sur la poursuite de Susanne de Grimouville et de la Dame Pigousse de Draqueville sa mere. En l’année 1640. la Dame de Draqueville étant veuve déclara par son testament qu’elle ne vouloit point que Postis sorti de sa fille eut part en sa succession ; il demanda néanmoins mariage avenant au droit de sa mere. Giruë disoit pour luy que véritablement la fille ne pouvoit demander que ce qui luy fut promis, mais qu’il faloit peser ces paroles ( lors de leur mariage. arce qu’on présumoit qu’alors le pere et la mere avoient fait tout ce que l’affection paternelle leur avoit suggeré, mais qu’on ne pouvoit pas avoir cette pensée quand la mere ne l’avoit point pourvûë. Coquerel soûtenoit que ne s’étant pas mariée, a mais abandonnée, sa condition ne pouvoit être devenuë meilleure, que d’ailleurs sa mere avoit marqué son intention et sa volonté de l’exclure de sa succession, et que cette volonté êtoit fondée sur ce que les grands frais qu’elle avoit faits pour la reparation de son honneur luy tenoient lieu de legitime : Par Arrest en la GrandChambre du 16 de Mars 1645. de Postis fut debbuté de sa demande ; contre cet Arrest il se pourvût par Requête civil, qui fut appointée au Conseil ; mais depuis cette question a été décidée en termes plus forts. Judith de Cingal demeurant chez Mr le Maréchal de S. Géran fut mariée au sieur de la Rochelle, n’étant âgée que de treize ou quatorze ans, le pere rendit plainte en rapt, et aprés plusieurs procedutes, sur les prétentions de la fille pour le bien de la mère, il se passa une transaction, par laquelle le pere consentit de luy rendre deux mille divres, qui seroient payez par ses heritiers autres que Judith de Cingal : Depuis la mort du pere elle se fit ajuger mariage avenant sur sa succession : Sut l’appel, par ses frères, Caruë s’aidoit de cet Article et des Arrests cu-dessus, remontroit que la transaction ne pouvoit équipoler à une reservation à partage. Je difois pour elle que la véritable explication de cet Article étoit que quand la fille avoit été mariée on présumoit conjectura pietatis, que son pere avoit satisfait à ton devoir, que cette presomption cessoit quand le mariage avoit été contracté en son absence, qu’on ne luy pouvoit imputer de desobeissance, ayant été mariée par l’autorité d’un Maréchal de France, lorsqu’elle n’étoit âgée que de treize ou quatorze ans : C’est pourquoy Mr d’Argentré dit fort à propos sur l’Article 225. de la Coûtume, que ex actu maritationis procedit exclusio filiae, ce ne peut donc être que dans le seul cas du mariage par le pere qu’elle doit être privée de demander sa legitime, que si l’on avoit jugé que la batarde mariée par son pere et depuis legitimée pouvoit demander uné legitime, parce qu’on estimoit que le pere ne l’avoit pas alors considérée comme sa fille legitime, à plus forte raison il faloit croire que cette fille ayant été mariée par force et par autorité, le pere ne luy avoit pas rendu la justice qu’il luy devoit : Par Arrest en la Grand. Chambre du 3 de Février 1650. on cassa la Sentence, et sur l’action on mit les parties hors de CourOn n’usa pas de cette rigueur en la cause d’une fille nommée Beguin, âgée de vingt-neuf ans quatre mois ; elle signa un contrat de mariage avec Hervieu sans le consentement de son pere : Hervieu pour contraindre cette fille à Iaccomplissement de leur mariage la fit appeler devant l’Official, et l’Exploit fut fait en parlant à la personne du pere : ce mariage êtant achevé il n’en témoigna point de ressentiment, au contraire il donna le nom à un de leurs enfans ; aprés sa mort Hervieu et sa femme demanderent mariage à un de leurs freres qui accepta de le donneri mais l’autre s’en défendit en vertu de cet Article, et ayant été condamné, sur son appel de Cahaignes soûtenoit qu’ayant été mariée durant la vie du pere elle n’avoit point d’action, puisqu’on ne luy avoit rien promis : Durand, pour Hervieu, répondoit que cette cause se décidoit par les circonstances particulières, par l’âge de cette fille, par le consentement tacite du pere, par la reconciliation qui s’en êtoit ensuivie, et par l’acquiescement de l’un des freres. On repliquoit qu’il n’êtoit pas juste qu’une fille qui s’étoit mariée sans le consentement de son pere eut plus d’avantage que celle qui étoit demeurée dans son devoir, que le mary n’avoit pû ignorer qu’en se mariant de cette sorte sa femme êtoit excluse de demander aucune chose ; néanmoins par Arrest en la Grand. Chambre du 3 de Decembre 1671. en cassant la Sentence qui accordolt mariage avenant, on luy donna quatre cens livres, qui étoit autant que le pere avoit donné à une autre fille qu’il avoit mariée.
Il est bon d’avertir les peres de prévenir une broüillerie qui souvent leur est faite par leurs filles et par leurs gendres, lorsque quelque parent a fait quelque donation particulière à leurs filles : Les peres en les mariant se contentent ordinairement de leur donner, sans declater qu’ils comprennent en la somme qu’ils promettent, les dons qui peuvent avoir été faits à leurs filles ; cependant, nonobstant la liberalité des peres, elles redemandent encore les choses données, prétendant que le pere ne s’en étant point expliqué, et n’ayant donné que de son chef, elles n’étoient pas excluses de leur demander encore ce qui leur appartient par un titre singulier, et il semble que les filles soient favorables à se vanger contre la Coûtume, qui les a fort maltraitées, lorsqu’elles en rencontrent quelque pretexte apparent. Alexandre le Tellier, beau-pere de Fremont, avoit donné à ses trois petites-filles quinze cens livres à chacune, à condition. que ces sommes couroient en interest : Fremont en mariant lainée luy donna trois mille livres pour demeurer quitre, tant de la donation que de la legitime : En mariant la seconde à Helie il luy donna la même somme, mais il ne stipula point la même liberation : Le mariage de la troisième ne se monta, suivant l’arbitration des parens, qu’à deux mille cinq cens livres, tant pour la donation de son ayeul que pour sa legitime : Helie poursuivit Fremont pour luy payer la donation ; Fremont dit que la somme qu’on luy avoit payée étoit pour la donation et pour la legitime, bien que cela ne fût pas exprimé par le contrat ; Le Vicomte de Roüen avoit condamné de frere, il fut absous par le Bailly : Sur l’appel de la soeur le Févre et Lyout, pour la seur et le tuteur de l’enfant, disoient que le pere n’ayant point stipulé sa liberation pour la donation elle êtoit encore dûë, que sans doute l’intention du pere n’avoit pas été d’en demeurer quitte, parce qu’il n’auroit pas manqué d’en faire mention, comme il avoit fait dans le contrat de sa fille ainées que c’étoit la disposition de la l. si pater C. de dotis promissione : liberalitas remanet vera et irrevocabilis, ut puro nomine et liberalitas & debitum suam sequantur naturam. Heroüet, pour Fremont, disoit que le payement devoit être appliqué in durius debitum, que farbitration du mariage de la derniere seur faisoit voir que ce que le pere avoit donné étoit tant pour la donation que pour la legitime, que par la l. 16. de dote praleg. non videtur dari quod nocesse est reddi. La cause fut appointée, et depuis jugée le r6 de May 1658. au profit de Fremont qui fut déchargé. La Sentence du Bailly. yant été confirmée, au Rapport de Mr de Boniffant, entre Susanne Fremont et Germain Fremont, les circonstances particulieres rendoient la cause de Fremont tres-favorable.
Si le pere donne seulement pour la part que sa fille peut prétendre en sa succession, et que la mere soit morte, la fille peut demander son maringe avenant sur la succession de sa mère.
La Coûtume de Bretagne, Article 403. de la Vieille Coûtume, et Article 422. de la Nouvelles dispose que le pere peut faire assiette du mariage de ses filles sur ses conquests, sans le consentement de sa femme, et sans qu’elle puisse en demander de recompense. Cette disposition n’est pas nécessaire parmy nous, où le mary est le maître absolu des meubles et des conquests, et dont il peut disposer à sa volonté, et même contre le gré de sa femme jusqu’au dernier soûpir de sa vie.
Ce n’est pas en faire un mauvais usage que de les employer au mariage de ses filles, et la femme n’a pas sujet de s’en plaindre, et neanmoins Mr d’Argentré dit que l’Article de sa Coûtume a quelque chose d’inique, nam pater assignando dotem filiarum in conquestibus, obligat uxorem repugnantem & invitam ad idem patiendum in parte suâ conquestuum. Ita fiet ut mater viva vidensque, omni fortunâ Spolietur à filiâ : Mais ce n’est pas dépoüiller une mère de son bien, puisque ces acquests procedent ordinairement de l’industrie et du bon ménage du mary, et que la femme n’y a point de droit qu’aprés sa mort.
Comme on ne fait point d’injustice à la femme de paver le mariage de ses filles aux dépens des meubles et acquests, il ne seroit pas raisonnable aussi que le pere imputât à ses fils, sur le bien de leur mère aprés sa mort, ce qu’il auroit payé à sa fille pour la part aux successions de ses pere et mère. Varin, sieur de la Rozière, Maître des Ports à Roüen, durant son premier mariage. avoit marié une de ses filles, et luy paya dix mille livres pour la part qu’elle pouvoit esperet aux successions de ses pere et mere : Depuis ayant passé en un second mariage, et rendant compte a son fils du premier lit du bien de sa mere, il y employa la moitié de ce qu’il avoit payé à sa fille, il soûtenoit que la dot de cette fille devoit être prise sur la succession de ses pere et mere, à proportion de leur valeur, que par l’Article 262. le mariage avenant doit être arbitré eu égard ux biens du pere et de la mere, ainsi ayant donné la dot à sa fille sur l’une et l’autre succession, et ayant fait renoncer la fille au profit des frères, chaque succession y devoit contribuer, qu’il l’avoit fait compensandi animo, et pour se décharger, dautant qu’il devoit à la succession de la mere, utrement il n’auroit pas tant donné, et qu’enfin cette fille étant morte sans enfans, et ses freres ayant succedé à sa dot, ils ne pouvoient contrédire cette recompense.
Le fils du premier lit soûtenoit que le pere êtoit tenu de doter sa fille, paternum est officium, I. neque mater. C. de jure dot. que le mary n’avoit pas obligé le bien de sa femme, et qu’il avoit payé a dot argent comptant durant son premier mariage, du bon ménage et de la collaboration de sa emme et de luy, et d’une rente qu’ils avoient acquise constant leur mariage, où la femme auroit u la moitié, si elle n’avoit été employée au payement de cette dot, que par ce moyen l’une et l’autre succession avoit été liberée d’une charge, et cette liberation étant acquise au fils le pere ne la pouvoit faire renaître ni l’employer en son compte comme une dépense, et que l’ailleurs ayant été payée durant la vie de sa mere, et non durant sa tutelle, cette demande êtoit extra causam tutelae. Le Bailly de Roüen avoit condamné le fils à tenir compte d’une partie du mariage de la fille : Sur l’appel on cassa la Sentence, et le fils du premier lit fut déchargé de la demande du pere par Atrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 28 de Mars 1637. Autre pareil Arrest du 17 de Juillet 1658. un pere en mariant sa fille luy paya une somme pour la part qu’elle pouvoit prétendre aux successions de pere et de mere, cette fille devenuë héritière de sa mere semanda à ses frères de pere la dot de sa mère ; les freres vouloient en déduire une portion, â raison de ce qui luy avoit été donné en la matiant, il fut jugé qu’ils ne le pouvoient, parce que ce mariage avoit été payé du vivant de la mere, ex communi collaboratione C’est une question qui s’offre souvent comment se doit acquitter la dot promise à la fille en la mariant pour la part qu’elle pouvoit esperer aux successions de ses pere et mere, lorsque la mère a signé au contrat de mariage ; car on demande si cette promesse ayant été faite conjointe. ment par le pere et la mère ils la doivent acquitter par moitié, ou à proportion des biens qu’ils possedent ; Si l’on décidoit cette question par la disposition du droit, quoy que la promesse ait été faite par le pere et la mere solidairement, le pere seul en seroit redevable, et voicy comme aisonne Faber en sa Définition 9. du Tit. 6. l. 5. il faut, dit-il, considerer cette promesse comme si elle avoir été faite par le pere seul, et que la personne de la mere y a été ajoûtée, ut accessionis potius et fidejussionis vice fungeretur, quam ut correa debendi constitueretur : receptum est enim, ut. quoties duo correi debendi fiunt, pro negotio quod ad alterum dumtaxat pertinet, pro fidejussore habeatur Justinien s ad qaeem res non pertinet : dotandi autem onus patri incumbit, et par la Constitution de Justinien si pater dotem C. de dotis promiss. si pater dotem filiae constituit, hoc addito tam de paternis quâm de maternis rebus ; de paternis tantùm, si sufficiant dotasse, videatur. Et bien que l’Empereur Leon Justinien eut aboli cette Constitution de Justinien, elle a neanmoins prévalu sur celle deLeon .
Cambolas Mr de Cambblas, l. 4. c. 29. rapporte un Arrest par lequel on a jugé le contraire, et qu’autrement
ce seroit une tromperie, et les filles pourroient en ce cas demander les biens de leur meres comme n’ayant rien reçû d’elles, si tout êtoit censé donné par le pere, et que cette l. si pater dotem, ne s’entendoit pas quand le pere et la mere avoient constitué la dot conjointement ; mais quand le pere seul favoit constituée de ses biens et des maternels, il restoit encore la difficulté, esi la dot devoit être payée également, le pere et la mere étant mtervenus au contiat ; il fut jugé qu’ils payeroient également.
En païs Coûtumier, où la communauté a lieu, dos filia est commune onus utriusque parentis, c’est un devoir maternel aussi-bien que paternel ; la proximité du sang et la pieté naturelle n’engageant pas moins la mere à s’en acquitter que le pere, sur tout quand la pauvreté du pere le reduit dans l’impuissance de satisfaire à cette obligation, et c’est pourquoy la fille mariée par le pere tou la mère du bien de la communauté doit rapporter à l’une et l’autre succession par moitié, la moitié de ce qui a été payé se faisant paternel, et l’autre moitié matemel. EtChopin , sur B Coûtume de Paris, Tit. 1. n. 34.Loüet , l. R. n. 54. citent un Arrest par lequel, encore que la mere se fut obligée solidairement, elle ne fut condamnée qu’à payer la moitié de la dot, il fut dit que l’autre moitié seroit prise sur les biens du pere.
Nôtre usage est contraire au droit et aux Coûtumes qui admettent la communauté ; nous avons cela de conforme avec le droit Romain, que tout ce qui est donné par le pere doit être ac quitté par luy seul, encore que la dot soit promise et constituée, tant pour les biens paternels que Justinien naternels ; mais nous differons en ce point que par la Constitution de Justinien, bien que mère se soit obligée solidairement avec son mary, elle n’en doit aucune chose, et parmy nous si la nere est intervenuë elle contribué au payement de la dot ; ce qui fait encore une différence avec la jurisprudence du Parlement de Tolose, où la mere, lorsqu’elle a constitué la dot avec son mary, est obligée d’y contribuer par moitié. Dans le païs Coûtumier la communauté fait qu’il est juste que la mere porte la moitié de la dot, et c’est pourquoy, bien qu’il n’y ait point de communauté en Normandie, nous observons que si le pere a payé comptant le mariage promis à sa fille, I ne peut en demander de repetition sur les biens de la mere, parce qu’il a été payé des meubles ou des acquests qui proviennent ex communi collaboratione, mais quand les promesses n’ont point été acquittées ; elles se payent à proportion des biens de l’un et de l’autre Cette question fut fort agitée en la cause du sieur Comte-de-Creance, contre la Dame de TEpiney ; elle avoit promis la dor à la Demoiselle sa fille conjointement avec le sieur de lEpiney, son mary, aprés la mort duquel elle fut poursuivie par le sieur Comte-de-Creance, son endre, prétendant que sa presence et sa signature au contrat de mariage ne l’obligeoient point ; on soûtenoit au contraire qu’elle en devoit une moitié, parce que son bien êtoit de pareille valeur que celuy de son mary, et pour l’autre moitié on prétendoit même qu’elle devoit être payée avant son doüaire et ses remplacemens : Par Arrest elle fut condamnée d’y contribuer pour une moitié.
Cette même question a été jugée en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr de Fermanel, le 18 de Mars 1662. entre Demoiselle Marie le Clat, femme civilement separée d’avec le sieur de la Chapelle-la-Barre, son mary, appelante d’une Sentence donnée aux Requêtes qu la condamnoit provisoirement à payer la moitié de sert cens quatorze livres de rente prises pour le mariage de sa fille. Elle n’avoit pas signé au contrat de la constitution de la rentes par l’Arrest on cassa la Sentence. Le fait êtoit que le Sieur et la Dame de la Chapelle en mariant leur fille au sieur de Benecourt, par le contrat du 3 de Mars 1646. luy promirent dix mille livres, et s’y obligerent solidairement. Le 24 de Janvier précedent le pere s’étoit constitué en sept cens quatorze livres de rente, et déclara que c’étoit pour employer au mariage de sa lle, et s’obligea d’en fournir les contrats et les quittances. Il n’en paya point les arrerages, et son bien ayant été saisi réellement, le sieur de Beauregard, tuteur des enfans du sieur de RumareBailleul, creancier de la rente, fit executer les biens de la Dame de la Chapelle, qui dit n’être point obligée par le contrat de constitution, et que quand les deniers auroient été employez au mariage de sa fille, la promesse qu’elle avoit faite n’étoit payable qu’aprés sa mort, et non pas pour se dépoüiller de son bien dés à present ; que si elle étoit forcée de payer, le principal et les arrérages absorberoient tout son bien, ce qu’elle n’avoit pû faire ni donner à sa fille plus que la part qui luy appartenoit, ainsi quand elle pourroit être obligée à cette rente ce ne pourroit être que jusqu’à la concurrence de la legitime de sa fille, et pour les arrerages elle n’en devoit sa part que du jour de sa separation : Le tuteur répondoit qu’encore qu’elle n’eut pas signé au contrat. de constitution, les deniers ayant été employez au payement de la dot, à laquelle elle étoit obligée solidairement, elle êtoit tenuë de payer la rente, et quand elle vouloit reduire sa promesse à la legitime de ses filles, cela seroit bon en la bouche de ses enfans, mais elle ne pouvoit pas disputer contre son fait. Par la Sentence des Requêtes elle fut condamnée de payer la moitié des arrerages, et par l’Arrest, en infirmant la Sentence, elle fut condamnée à contribuer à proportion de ce qui pouvoit appartenir à sa fille pour sa legitime, et aux arrerages sur le même pied, depuis sa separaà tion seulement, et en attendant la liquidation qu’elle paveroit cent-cinquante livres de rente.
C’est une jurisprudence certaine que quand la mère a signé au contrat de mariage elle y conn tribué à proportion de son bien, ce qui se pratique aussi en Bretagne, suivant l’Article 405.
de lancienne Coûtume. On a fait deux difficultez ; la première, si dans cette contribution on doit faire entrer le daeüaire qu’elle prend sur les biens de son mary. : Le sentiment de Mr d’Argentré est pour l’affirmative, necdubito probabiliter disseri, quae dotes date sunt filiabus ex matrimonio communi doaria diminuère, si quidem mulier matrimonio consensit, Art. 453. gl. 2. n. 4.. Mais là liquidation de la dot promise à la fille par le pere et la mere ne doit être faite que sur les biens que chacun possede en proprieté. Il est vray que le tiers des biens du pere, dont la mere joüit pour son doüaire, ne laisse pas d’entrer dans la liquidation, mais il demeure en souffrance jusqu’aprés l’extinction du doüaire
La seconde difficulté consiste à sçavoir si le pere et la mere ayant promis conjointement la dot ils sont tenus solidairement, ou si la mere s’étant obligée solidairement, elle ou ses heritiers peuvent être executez solidairement ; Il est sans doute que la simple promesse n’emporte point a solidité, et cette obligation faite conjointement n’a d’autre effet que de les astreindre au payement, chacun pour leur part. Le sieur de Clamorgan en mariant sa seur luy avoit promis une somme conjointement avec sa mère, sans employer neanmoins la clause de solidité ; le gendre prétendoit la solidité contre la mère, sauf sa recompense contre son fils : Par Arrest du et 7 de Mars 1665. la mere fut condamnée seulement à payer sa part.
Si neanmoins la femme aprés la mort de son mary se rendoit heritière, en ce cas elle seroit obligée solidairement, par la raison que tous les heritiers le sont en Normandie. Vivien, sieur des Chommes, Lieutenant General à Avranches, et la Dame sa femme, en mariant leur fille à Robert de la Piganniere, Ecuyer, Vicomte d’Avranches, luy promirent une somme, la mere aprés la mort de son mary se rendit son heritière, et étant poursuivie pour le payement du mariage de sa fille, elle offrit d’en payer la moitié, parce qu’elle avoir autant de bien que son mary, mais elle se défendoit de la solidité où elle avoit êté condamnée par la Sentence dont elle êtoit appelante : Maurry, son Avocat, representoit qu’elle n’étoit point obligée de doter sa fille, que sa promesse êtoit une pure liberalité, et qu’il seroit facheux qu’une mere pour avoir promis mariage à sa fille fut forcée de renoncer à la succession de son mary, ou à s’engager solidairement au payement de la dot promise à la fille conjointement avec le mary : Greard, pour le sieur de la Piganniere, répondoit que si elle avoit renoncé à la succession de son mary, il ne luy poutroit demander que sa part, suivant l’Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 27 de Mars 1665. mais ayant accepté la succession de son mary elle avoit pris tous les meubles et pris part aux acquests, sur lesquels il auroit pû se faire payer, que les heritiers étant obligez solidairement, elle ne pouvoit s’exempter de cette condamnation ; ce qui fut jugé de la sorte en la GrandChambre le s de Juin 1671.
Gautier en mariant sa fille à Morant luy promit trois mille livres, pour toute et telle part qu’elle pouvoit esperer aux successions de ses pere et mere, et outre le pere et la mere promirent encore quelques meubles : Gautier acquitta sa promesse, à la réserve de quatre cens livres ; son gendre l’ayant fait condamner par provision à payer cette somme, sur l’appel, Pichot, son Avocat, remontroit que cette somme êtoit beaucoup au dessous de la part que la mere devoit contribuer, que. la mere étant morte et cette fille devenuë son heritière, s’il avoit payé les quatre cens livres il en auroit recompense sur la succession maternelle, c’est à dire sur le gendre même, qu’il y avoit lieù de compenser et d’ajuger recompense du surplus, vû que par une autre arbitration le bien de la mere avoit été estimé à quatre mille livres.
Theroulde, pour Morant, disoit que le pere avoit promis feul, que la mere, quoy que presente au contrat, n’avoit promis que quelques meubles : Par Arrest en la Grand. Chambre du 6 de Juillet 1656. on condamna le pere au payement, sauf sa recompense sur le bien de la mere pour la legitime de la fille, pour l’arbitration de laquelle les parties furent renvoyées devant les parens.
C’est un usage general en France que les renonciations faites par les filles, par leur contrat de mariage, à toutes successions futures, directes et collaterales, aliquo dato, sont bonnes et valables, tant en païs de Droit écrit que païs Coûtumier, et que les filles n’en peuvent être restiguées pour quelque cause que ce soit, de minorité, crainte, ou lesion énorme, et cet usage est ondé sur le douteux éuenement de la bonne ou mauvaise fortune des peres et mères, multis namque casibus post renunciationem parentes, aut ditiores aut pauperiores fieri possunt ; ce qui fait que la lesion n’est point présumée proceder de Iimprudence de la fille, mais du hazard, et sur la prefomption naturelle que les peres et meres ont fait leur devoir. M.Loüet , l. R. n. 17. etBrodeau .
C’est encore une doctrine constante, suivant les mêmes Auteurs, que les filles dotées et mariées, qui ont renoncé, ne peuvent demander de supplément de legitime, bien que la fille n’eut que louze ans ; le pere ayant marié et doté sa fille il a satisfait à tous les devoirs de pere, quoy que les sentimens des anciens Docteurs soient fort. partagez sur ce sujet. Mi d’Argentré , Article 224. Chassanée gl. 4. n. 1. Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne, Tit. des Successions, Rubr. 2. in verbo trépassez ) n. 14. Dans le second Tome. du Journal des Audiences, l. 8. c. 3. il se trouve un Arrest par lequel on a jugé qu’en païs de Droit écrit on peut agir pour supplément de legitime, et que c’est la jurisprudence des Parlemens de Bordeaux et de Tolose ; mais en Normandie cette renonciation n’est pas nécessaire, il suffit qu’en la mariant on ne luy ait rien promis, et la renonciation expresse n’est point requise : La raison est que par la Coûtume elles ne peuvent succeder, elles n’ont que ce qui plaist à leurs pere et mère de leur donner, et ils sont quittes envers elles orsqu’il les a mariées, de sorte qu’il ne peut y avoir d’action, non pas même pour un supplément de legitime ; c’est aussi la disposition de l’Article 557. de la Coûtume de Bretagne, et le sentiment de M d’Argentré , sur l’Article 224. et 225. de l’ancienne Coûtume. Il faut neanmoins sçavoir que cela n’a lieu que pour les successions à échoir, et non pour celles qui font échuës, car le droit étant acquis à la fille sur les biens de sa mère morte, le pere ne la peut point priver de la legitime qui luy est dûë, et quelquefois même on ne peut pas la faire renoncer à sa legitime sur les biens de la mere vivante, lorsque cette mère a passé en un second mariage, étant en le uissance d’un second mary ; cette presomption de la loy, que la mère a fatisfait à son devoir en la mariant, cesse entièrement, et l’on repute au contraire qu’elle a suivi les sentimens d’un second mary, et qu’elle n’a pas écouté la voix de la nature, et c’est pourquoy l’on a jugé que nonobstant cette renonciation la fille pouvoit encore demander son mariage avenant, quia mater functa non est pietatis officio, & filia hujus consuetudinis pratextu, exheredata magis quam honesté dotata fuit.Loüet , ilnid.
Il est bien vray que la renonciation n’est point necessaire pour les biens situez en Normandie ; mais lorsque le pere et la mere ont d’autres biens, sous des Coûtumes qui appellent les illes aux successions, on demande si pour les exclure du droit de partage en ces biens, la renonciation expresse est requise : Dame Gabrielle de Romain, veuve de Sebastien le Cene sieur de Menilles, en mariant Demoiselle Anne le Cene sa fille, à Charles Labbé, Ecuyer, sieur des Mottes, luy donna vingt-huit mille livres pour la part et portion qu’elle pouvoit esperer en la succession de ses pere et mere, et pour lors elle n’avoit que seize ans : aprés la mort de la Dame de Menilles, sa mere, elle poursuivit devant le Juge de Passy les sieurs de Menilles, ses freres, pour avoir son mariage avenant sur les biens de son pere, et pour avoir partage sur les biens de sa mere qui étoient situez sous la Coûtume de France : Pour la sucression du pere, il n’y eut pas de difficulté ; lors de l’Arrest les freres ayant justifié que la somme de quatorze mille livres qu’elle avoit euë excedoit sa legitime : Pour le partage aux biens de la mere êtans en France elle en fut deboutée ; sur l’appel elle convenoit qu’ayant êté mariée par sa mere, elle ne prétendoit rien aux biens situez en Normandie, que ce qui luy fut promis en la mariant, mais qu’elle devoit être réçûë à partager avec ses freres les piens êtans sous la Coûtume de Paris, nonobstant la clause de son contrat de mariage, par equel elle s’étoit contentée à une somme pour la part qui luy appartenoit en la succession de ses pere et mere. Elle sçavoit bien que par la jurisprudence du Parlement de Paris, les renon gations faites aux successions à échoir par les filles mariées et dotées par leurs peres et meres, étoient valables, nonobstant la lesion et la minorité, mais qu’elle n’étoit pas en cette espece puisque son contrat de mariage ne contenoit aucune renonciation : on luy promettoit seulement une somme pour sa part en la succession de sa mére ; mais cette clause ne peut valoir pour une renonciation, pour exclure une fille du droit qui luy est acquis par la loy. La renonciation doit être précise et formelle ; elle s’est bien contentée à une somme, mais elle n’a pas renoncé à demander rien davantage ; ainsi cette clause n’a d’autre effet que d’obliger la fille à rapporter ce qui luy a été donné. Les sieurs de Menilles répondoient que suivant l’usage de Normandie cette renonciation êtoit suffisante, que la mere luy ayant donné pour toute la part et portion qu’elle pouvoit esperer en sa succession, tous ses biens y étoient cempris : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Palme, du 3 d’Avril 1672. on confirma la Sentence. J’avois écrit pour la Dame des Mottes.
Si les filles n’ont pas été payées du mariage qui leur a été promis par leurs peres et meres lorsqu’elles en demandent le payement sur leurs biens, celles qui ont été mariées les premieres sont-elles preferables, ou si elles doivent concurrer E Il est sans doute que si elles deman-doient seulement leurs legitimes sur le tiers Coûtumier, non seulement elles concurreroient, nais aussi lune ne pourroit avoir plus que l’autre, si elles poursuivent l’execution de leur contrats de mariage, celle qui a été mariée la premiere peut dire qu’elle n’agit qu’en qualité de creancière de ses pere et mere, et consequemment qu’il faut garder entr’elles lordre des aypotheques. Cette question s’offrit au Rapport de Mr Saler le 2a de Février 1676. entre Thomas et Bouder. Un pere qui avoit un fils et trois filles, maria sa fille ainée, et luy promit une fomme qu’il constitua en rente sur ses biens. Aprés la mort du pere le frère maria ses deux autres soeurs, et se constitua pareillement en rente pour leur dot. Depuis ses biens yant été saisis et ajugez, la seur ainée se presenta pour être colloquée en ordre du jour de son contrat de mariage, comme creancière de son père ; les autres soeeurs s’opposerent aussi pour emporter en concurrence les deniers aprés les dettes du pere acquittées, qui étoient toutes anterieures du mariage de la fille ainée : ainsi toute la question tomboit sur la concurrence entre les seurs : par Sentence du Juge de Gournay les soeurs mariées par le frere avoient été refusées de la concurrence : Par l’Arrest en reformant la Sentence, elles y furent reçûës. J’ay appris de Mr le Rapporteur qu’en jugeant ce procez on proposa cette difficulté, s’il se fût trouvé des créanciers posterieurs au mariage de l’ainée, elle eût été mise en ordre pour la portion qui auroit excedé la legitime avant les autres soeurs, entant aussi que la portion qui juroit excedé leur legitime, et si la concurrence ne devoit avoir lieu que pour la legitime qui leur pouvoit appartenir sur le bien du pere, ou si lorsque le pere avoit promis plus qu’il ne leur appartenoit, cet excedant devoit être considéré comme une dette qui devoit être acquittée selon l’ordre des hypotheques ; en quoy les seurs puisnées n’auroient pas sujet de se plaindre, puisqu’elles concurreroient pour leur legitime : cela fut approuvé de quelques uns ; les autres étoient d’avis contraire, se fondans sur l’Article 255. qui reduit ce qui est dû aprés la mort du pere au tiers du meuble et de l’immeuble, et qu’il ne seroit pas juste que la dot des autres seurs fût diminuée, parce que le pere avoit trop promis à son ainée. Cette difficulté ne fut point décidée
C’est un usage en cette Province de donner au mary une portion de la dot pour supporter les frais du mariage. On a long-temps douté si lorsque par le contrat de mariage on n’a point garlé de don mobil, et qu’aussi l’on n’a point stipulé que toute la somme promise demeureroit en dot, le mary pouvoit demander un don mobil, et quelle portion il peut avoir ; Bérault traite cette question. On trouve un Arrest dans MrLoüet , l. M. n. 10. par lequel il a été jugé, suivant la l. 1. si adversus donationem, que le mineur, dont le bien consiste entièrement en meubles, se mariant avec l’autorité de son curateur, sans stipuler qu’une partie de son bien seroit employée en héritage pour être son propre, il n’en faloit prendre qu’une portion modérée en la communauté ; et en la l. 8. n. 39. il cite un autre Arrest, par lequel on a jugé qu’au païs où la communauté a lieu, si la fille mariée par ses pere et mère n’a point stipulé, que ses deniers dotaux seront employez à son profit, elle ne les peut repeter, quoy qu’elle renonce à la communauté : si stipulatio de dote repetendâ interposita non sit, maritus dotem lucratur. Tronçon Mulier 73. de jure dot. Troncon, Article 233. de la Coûtume de Paris ; et par cette raison plusieurs tenoient en cette Province que quand le pere n’avoit point stipulé que les deniers demeureroient pour la dot, ils devoient appartenir entierement au mary, parce que le contrat étant fait en la presence et du consentement du pere, on ne peut croire qu’il ait rien fait au desavantage de sa fille, oraevaricator et proditor pater es, nisi filiis tuis fideliter consulas, nisi conservandis religiosâ et verâ pietate profpicias, Copr. de Eleemosona : et d’ailleurs il pouvoit ne rien donner, de sorte que n’ayant rien stipulé ni reservé pour la dot, il est censé avoir tout donné au mary, que si la fille avoit été mariée par son tuteur ou par son frere, on ne devoit pas avoir le même sentiment ; etTronçon , ibid. rapporte un Arrest par lequel une fille mariée par son tuteur fut restituée contre fomission de l’employ de ses deniers dotaux, et il fut dit qu’il en entreroit seulement un tiers en la communauté.
Cette question fut décidée en la Chambre de lEdit le s de Février 1653. plaidans Pilastre et Greard, entre Séguoin et le Marchand : Par le contrat de mariage le pere, nommé Racine, avoit donn é cinq cens livres pour don pecuniaire et quelques meubles, à Herout son gendre ; on disoit pour la femme qu’encore qu’il n’y eût pas une stipulation expresse de dot, il y en avoit une tacite, et on s’aidoit de lArticle 511. L’heritier du mary soûtenoit que le pere avoit pû mettre tout en don mobil, et que son intention avoit été telle, puisqu’il n’avoit stipulé aucune constitution de dot : Par lArrest on covertit les deux tiers en dot, et lautre tiers fut ajugé au mary pour le don mobils l’Arrest fondé sur ce que c’est la coûtume d’en user de la sorte. On allégue un Arrest contraire, au Rapport de MrBrice, du premier de Février 1657. mais qui ne se trouve point sur le Registre, par lequel on a jugé que quand le contrat de mariage ne contient point de don mobil tout est reputé pour la dotl’estime néanmoins le premier Arrest plus juste, parce que c’est un usage en cette Province de donner le tiers au mary, communis forma contrahendi, et comme il y a de la negligence des deux côtez, de la part des peres ou des freres, de n’avoir point stipulé de dot, et de la part du mary, de n’avoir point fait regler le don mobil, il est à propos de reparer la chose en le reduisant dans le droit commun, et aussi suivant ce premier Arrest il s’en est donné un autre, au Rapport de Mr de Fermanel, le 31 de May 1671. entre Blanchard et la Demoiselle de Thury : le frère en mariant sa seur luy avoit promis deux mille trois cens livres, dont il feroit l’interest de quatorze cens livres pendant six ans, et il avoit promis de payer les neuf cens livres dans l’an ; et davantage. une tante avoit donné des meubles estimez par le contrat à cinq cens livres : Aprés la mort de la seur sans enfans on demanda quelle somme seroit pour la dot, et quelle somme pour le don mobil, il fut dit que les deux tiers de l’argent donné par le frère seroit pour la dot, l’autre tiers pour le don mobil avec les meubles.
Il faut encore remarquer que ce qui reste à payer des promesses demariage s’applique sur la dot, et tout ce qui a été payé s’impute sur le don mobil ; ainsi jugé, au Rapport de Mr Salet, le p de Janvier 1659. entre Fremont et Cauvigny. Voicy une espèce singulière : Le sieur de la Briere promit à sa fille, en la mariant au sieur de Morchéne, vingt mille livres, dont l’on en constituoit dix mille pour la dot ; le sieur de la Briere mourut insolvable, et on ne pût recevoir sur ses biens gue dix mille livres. Le sieur de Morchéne étant mort, sa veuve et le sieur de Perigny, son mary, demandoient cette somme entiere pour sa dot, puisqu’elle avoit été stipulée et convenuë par son contrat de mariage, et qu’il n’y avoit aucune portion expressément destinée pour le don mobils que le surplus ne revenoit pas au mary en vertu d’un don qui luy eût été fait, mais en vertu du droit commun, qui ajugeoit au mary les meubles de sa femme, et par cette raison s’il n’y avoit point de meubles il ne devoit rien avoir ; qu’aprés tout cette somme que l’on payoit provenoit du bien de la mere. Le sieur de Morchéne Martigny, heritier de son frère, demandoit la moitié des dix mille livres ; car puisqu’on luy avoit donné la moitié des vingt mille livres, s’il n’y avoit pas dequoy les payer il devoit en toucher à proportion, que l’on ne pouvoitpas douter que la moitié ne luy fût reservée en don mobil, la portion qui devoit tenir nature de dot ayant été fixée et limi-tée à la moitié : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 9 de Mars 1668. on ajugea pour don mobil le tiers de la somme qui devoit être reçûë, plaidans Maurry, Greard, et Freville.
Quand par le contrat de mariage on a réglé ce qui doit être en don mobil ou tenit nature de dot, on ne peut durant le cours du mariage déroger à ces conventions. Courant en mariant sa fille à Jacques Maunoury luy donna trois mille livres pour être employées en toile à son profit, et il reserva sa fille à sa succession ; depuis Courant en payant les trois mille livres à Maunouty et à on pere, le mary se sûmit de les remplacer, pour tenir le nom, côté et ligne de sa femme étant mort sans enfans cette fomme fut demandée par les heritiers de la femme et du mary les premiers la demandoient comme deniers dotaux, les autres comme don mobil : Le Vicomte de Bernay l’avoit reputée dot ; le Bailly en cassant sa Sentence l’avoit ajugée aux heritiers du mary. jur l’appel la Sentence fut confirmée en la Grand. Chambre le 3 de Février 1656. plaidans Lyout, le Perit, et Maurry ; l’Arrest fondé sur ce que le pere lors du payement n’avoit pû changer la nature de la promesse faite au mary, son intention étant suffisamment prouvée par les termes du contrat de mariage pour le don mobil, ayant donné cette somme pour mettre en toile à son profit, et d’ailleurs sa fille étant son unique heritiere, ainsi il n’avoit pû stipuler cette somme on dot lors du payement
CCLI.
Que peuvent donner les freres marians leurs soeurs.
Les freres peuvent comme leur pere et mère marier leurs soeurs de meubles dans héritage, ou d’héritage sans meubles, pourvû qu’elles ne soient déparagées, et ce leur doit suffire
Les freres par cet Article ont la faculté de marier leurs seurs de meubles ou d’héritages, mais il ne leur est pas permis de ne leur donner rien, quoy que d’ailleurs elles fussent mariées à des ersonnes d’une égale condition, ce qui se prouve par les paroles de cet Article ; car il ne contient pas comme le precedent, que si on ne leur a rien promis elles n’auront rien, ce qui est tres-raisonnable ; l’experience confirme assez que l’on ne doit pas se promettre de leur part tant d’affection envers leurs seurs.
De tous les contrats qui se passent dans la société civil, il n’en est point en cette Province où les précautions soient plus necessaires que quand il s’agit de payer le mariage et la legitime des filles ; je tacheray d’expliquer quelques difficultez qui s’offrent tous les jours sur ce sujet.
La première, s’ils sont tenus de garantir la dot de leur seur qu’ils ont mal payée à son mary La seconde, si la soeur est obligée de discuter les biens du mary quand elle n’a point signé au contrat de rachapt :
La troisiéme, si au moins en cas de vente et d’ajudication des biens du mary, elle n’est pas obligée de le dénoncer à ses freres
La quatriéme, si la soeur mariée par son frere, étant déparagée, peut demander un mariage. plus grand que celuy qui luy a été donné
La cinquième, si les freres sont obligez solidairement au mariage de leurs seurs ; et enfin si les freres peuvent bailler du fonds en payement du mariage avenant qui leur est demandé par leurs seurs La dot que les freres promettent à leur seur n’est pas une liberalité de leur part, mais le payement d’une legitime, et c’est pourquoy ils répondent toûjours de la mauvaise collocation qu’ils en font entre les mains du mary : Cette garantie ne se termine pas seulement à ce qu’euxmêmes ont promis et payé, si le pere n’avoit pas fourni l’argent qu’il a promis à sa fille, quoy que le pere eûtt pû payer sans être recherché, les freres n’ont pas ce même avantage, ils sont tenus d’assurer les promesses du pere, quand il ne les a pas acquittées. Robert Bulet en mariant Catherine Bulet, sa fille, à Ferdinand le Barbier, luy promit dix Chuit cens livres payables avant les épousailles, dont on en constitua douze cens livres en dot ; le pere en paya quinze cens livres, et les trois cens livres restans furent payées par Hervé Bulet son fils. Barbier ayant été decreté, et sa femme n’ayant pû toucher ses deniers dotaux, demanda à son frère les trois cens livres qu’il avoit payées. Le frere luy objecta qu’elle avoit été mariée par on pere, qui n’avoit point stipulé de remploy ni demandé de caution pour la sûreté de sa dot, de sorte qu’il n’avoit point d’action pour exiger de son mary d’autres assurances, et même il ne pouvoit pas se défendre d’executer les promesses de leur pere : C’étoit une dette de la succession, qu’il avoit été forcé d’acquitter, si le pere avoit payé il n’auroit pas été garand, parce que c’étoit une liberalité de sa part, ce qui l’avoit dispensé de chercher sa sûreté, mais ayant seulement executé la volonté du pere, on n’avoit point d’action en garantie contre luy.
La seur faisoit valoir cette maxime qu’en Normandie les femmes êtans en la puissance de leurs maris elles pourroient dissiper leur bien, si la loy n’y avoit pourvû, en obligeant ceux qui veulent ra-cheter leur dot à la remplacer sûrement : La condition du frere êtoit bien différente de celle du perer le pere êtoit exempt de faire valoir ce qu’il payoit comptant ou qu’il promettoit sans le constituer en rente, parce qu’il êtoit en sa puissance de ne donner rien ; au contraire le frere devoit le egitime à sa soeur, et la promesse du pere n’ayant point été executée, elle devenoit alors la dette du frere, et il luy tomboit en charge de chercher son assurance : Le pere est exempt de ette garantie, quand il paye comptant, parce que la loy se repose sur le soin et sur la pieté des lêtes ; elle ne présume pas si avantageusement des freres qui songent plus à leurs interests qu’à ceux de leurs seurs : Par Arrest en la Grand : Chambre du s de May 1668. au Rapport de Mr de Fermanel, Bulet fut condamné de payer à sa seur les trois cens livres, avec les interests.
Autre Arrest au Rapport du même Mr Fermanel de l’an 1672. entre Mrt Robert de Razaie, Marquis de Monime, pour lequel j’avois écrit, et Mre Jacques et Jean de Vassi, sieurs de la Forest, et du Gast. Autre Arrest sur ce fait, le 26 de Novembre 1669. Isaac Petit en accordant sa fille à Noel Cossard luy promit neuf mille livres, dont la moitié fut destinée pour la dot et constituée en deux cens cinquante livres de rente, et le surplus pour le don mobil ; les neuf mille livres étoient payables, sçavoir cinq mille trois cens livres la veille des épousailles, dix : sept cens livres en hardes, et pour les autres deux mille livres restans le pere stipula qu’elles seroient payées aprés sa mort, et que lors du payement le futur époux ne seroit tenu de bailler caution ni de faire aucun remplacement : le pere mourut avant la celebration de ce mariage. Isaac Perit frere avoit signé au contrat et luy : même avoit assisté aux nopces. Il est considerable que six mois avant le mariage le pere avoit prété à Noel Cossard et à Abraham Cossard. son frère, la somme de dix mille livres, avec stipulation d’interests : Depuis le mariage ls en avoient payé deux mille livres, et il n’en restoit plus que hust. Noel Cossard forma action sontre Petit, son beau-frere, pour faire juger la compensation de ces huit mille livres, contre pareille somme qu’il prétendoit luy être dûé pour la dot de sa femme : cette compensation fut jugée par Sentence du Vicomte de Roüen, confirmée par le Bailly. Sur lappel de Petlt je disois que le Vicomte et le Bailly s’étoient arrêtez aux clauses du contrat de mariage, sans penetrer dans la véritable question, qui consistoit à sçavoir si le frere payant les sommes promises par le pere à sa fille pourroit être garand de l’insolvabilité du mary ; car s’il êtoit tenu à cette garantie, il avoit eu raison de demander une caution ou un remplacement, sans avoit égard à la compenfation offerte par Cossard ; Or on ne pouvoit douter aprés les Arrests de Bulet et du sieur Marquis de Monime que le frere ne fût garand de l’insolvabilité du mary, et par consequent qu’il n’eûr un juste sujet de pourvoir à sa sûreté. Greard, pour Cofsard, opposoit trois choses ; premierement il convenoit des maximes que l’on avoit avancées, mais en même temps il posoit cet autre principe, que quand un frère marie sa soeur, sans stipuler une caution ou un remplacement, Il ne peut plus aprés le mariage parfait exiger de nouvelles assurances ; qu’en cette rencontre on pouvoit dire que le pere n’avoit point marié sa fille, c’étoit le frère même, ainsi il avoit dû s’opposer au mariage et demander ses assurances auparavant, et au lieu de le faire il avoit assisté aux nopces ce qui le rendoit non recevable à contrédire les clauses du contrat de mariage les choses n’étans plus entieres, non aliâs contracturus. Secondement, que ce frère n’avoit rien à craindre, qu’il ne pouvoit être garand, le pere ayant voulu expressément qu’il ne fût point demandé de caution pour les deux mille livres, et n’en ayant point aussi demandé pour le surplus, que cette disposition du pere mettoit entièrement le frère à couvert ; enfin que la chose êtoit consommée, et qu’il étoit payé par une compensation naturelle de ce qu’il devoit contre ce qui luy êétoit dû, que c’étoit l’intention du pere et du frere, puisqu’il n’avoit songé à demander les huit mille livres que dépuis l’action en compensation. Je repliquois qu’on ne pouvoit dire que la seur eût été marlée par fon frere, puisque les conventions du mariage étoient arrêtées par le vere, qu’il n’auroit pas été en la puissance du frère d’empescher la perfection du mariage, qu’il devoit s’imputer de n’avoir demandé l’execution des promesses qu’on luy avoit faites ; et d’y avoir dérogé ; car s’il avoit demandé les cinq mille livres qui étoient payables avant les épousailles, alors lappelant luy eût proposé la même difficulté qu’il fait maintenant. Sur le second point que c’éroit une illusion de vouloir persuader que le frere n’étoit point garand, parce que le pere avoit défendu de demander une caution ou un remplacement, le pere ne pouvoit pas empescher que les loix n’eussent lieu : si le pere n’étoit jamais garand de ce qu’il donne, peut-être que cette plause pourroit servir au frère, mais n’ayant point payé, ce qui pouvoit être une liberalité devenoit une legitime en la personne du frere, qui êtoit tenu de la faire valoir, parce qu’elle tenoit lieu d’alimens à la seur, qui n’auroit pû même y renoncer, l. cum his de rransact. Pour la compensation. on alléguoit mal à propos qu’elle êtoit demandée conformément à lintention des parties, vû que le pere s’étoit obligé de payer cinq mille livres avant les épousailles, et pour marquer à linimé que l’appelant ne cherchoit que son assurance, il offroit de luy payer l’interest au denier dix-huit, et de luy en bailler bonne caution, ou s’il ne vouloit pas il luy offroit des effens de la succession, tels qu’il voudroit choisir : Par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 1é d’Aoust 1672. on cassa les Sentences, et Cossard fut condamné à bailler caution, si mieux il ne vouloit accepter les offres.
Quoyique la seur soit separée de biens, le frère ne s’acquitte pas valablement, lorsqu’il luy paye sa dot, si elle en fait mauvais ménage : la separation n’est qu’à l’effet de conserver et non pas de dissiper, la femme donc separée n’a point une qualité suffisante pour recevoir le principal de sa dot, et le frere en demeure garand ; il fut ainsi jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 18 de Mars 1650. plaidans Caruë et Lyout.
Cette question s’offrit en la Chambre des Enquêtes le mois d’Aoust 1628. un oncle Prestre avoit donné vingt livres de renteâ sa nièce en la mariant, il en avoit fait le rachapt entre les mains du mary qui étoit insolvable, on le poursuivit pour en répondre, parce que ce rachapt étoit une alienation du bien de la femme, qui ne pouvoit valoir sans remploy ; l’oncle alléguoit pour sa défense que c’étoit une pure liberalité de sa part, et qu’il n’étoit point tenu de doter ni de chercher des précautions : la question fut jugée sur la clause du contrat de mariage, qui portoit garantie. de la part de l’oncle. Dans la question generale il ne seroit pas juste, à mon avis, d’obliger de donner une garantie pour un bien-fait, car il n’y a nulle obligation de la part de l’oncle de doter sa nièce.
Les freres pour se défendre de la garantie opposent ordinairement deux fins de non recevoir : : La premiere, que le rachapt ayant êté fait au mary la femme est obligée de diseuter ses biens, farce que le frere peut toûjours payer à ses risques la legitime de sa soeur, et par l’Article 366. e si le mary recoit le rachapt des rentes qui luy sont baillées pour la dôt, la consignation en est reputée faite sur ses biens, d’où l’on conclud que l’on peut racheter les rentes dûës à la femme entre les mains du mary, parce qu’elles sont consignées de plein droit sur ses biens : ce qui doit avoir été jugé de la sorte par un Arrest donné entre Toussaint Mayet ; mary de Guillemette de S. Germain, et les nommez de S. Germain ses freres.
Autre Arrest du 2 de Decembre 1656. entre Gilles de Ravalet, sieur du Mezerey, representant Jeanne, Catherine et Jaqueline Bellaut ; appelant, et Guillaume Meurdrac intimé ; lesdits Bellaut luy avoient transporté six livres de rente dotale avec les arrerages : par la Sentence il avoit été dit à tort l’execution ; et à ce moyen les six livres de rente déclarées valablement rachetées, ledit Bellaut condamné d’en faire le remplacement, dont Richard et Robert Lucas, he-ritiers de leur pere, sont subsidiairement responsables : Par Arrest, au Rapport de Mr Clement, la Sentence fut confirmée. Richard Lucas avoit donné les six livres de rente à Heléne sa fille, et Meurdrac possedoit les héritages appartenans ausdits Lucas.
Il n’est pas juste neanmoins d’obliger la femme à discuter les biens de son mary, quand elle n’a point agreé le rachapt de sa dot, et qu’elle n’a point signé au contrat : c’est une alienation volontaire de son bien qu’elle n’est point tenuë d’approuver, quand elle n’y a point donné son consentement, comme il fut jugé en la Chambre de l’Edit contre les sieurs Baron de la Haye du Puits, qui furent condamnez de payer à leur seur la dot qu’ils avoient rachetée entre les mains du sieur de Piane son premier mary.
L’autre exception que les freres opposent à leurs seurs est quand elles ne les ont point interbellez de se presenter à la vente et ajudication des biens du mary, pour les encherir et les faire payer En l’année 1599. Pichard Carré avoit marié sa seur à Geufin de la Haye, et luy donna sept cens livres pour don mobil, et huit cens livres pour dot, dont il fit le rachapt au mary en l’année 1603. sans prendre caution. En l’année 1635. de la Haye fut saisi réellement ; son fils se rendit ajudicataire d’une partie des héritages, et le sieur de Fermanel d’une maison située à Roüen, par quinze cens soixante livres, au profit commun, et cinq cens livres au profit particulier, sur une dette des de la Haye, pere et fils, de l’année 1626. Nicolas de la Haye fit retirer à droit de sang la maison, et remboursa le sieur de Fermanel de ses encheres au profit commun et particulier et s’étant opposé à l’ordre des deniers pour être payé des huit cens livres pour la dot de sa mere, il ne fut colloqué que de deux cens quatre-vingt deux livres, et alors il protesta de se pourvoir pour le surplus contre les heritiers de Carré, contre lesquels ayant poursuivi sa recompense il concluoit à la garantie, dont ils ne pouvoient se défendre, pour n’avoir pas été appelez au decret, parce qu’il faloit distinguer entre celuy qui transporte une dette et qui se dessaisit des titres, en vertu desquels Il pourroit opposer, et les freres qui demeurent saisis du contrat de mariage de leur seur, et qui sont oûjours ses véritables obligez, nonobstant le rachapt fait au mary : Les nommez Carré soûtenoient qu’ils n’étoient que simples garans, qu’ils ne pouvoient être convenus qu’aprés discussion, qu’ils auçoient encheri à leur profit particulier, et n’auroient point souffert que le sieur Fermanel, qui n’étoit creancier que de l’année 1624. eût encheri à leur préjudice, que comme il étoit obligé avec son pere à la dette du sieur Fermanel, c’étoit la cause pour laquelle il ne les avoit point appelez, qu’encore que la mere eût été separée de biens dés l’année 1620. elle ne leur avoit rien demandé, ce qui leur persuadoit que sa dot êtoit assurée ; le Vicomte, vù la qualité d’encherisseur de de la Haye, avoit déchargé Carré de son action, le Bailly ayant cassé cette Sentence : Par Arrest de l’rr d’Avril 1639. au Rapport de Mr Toufreville, la Sentence du Bailly fut cassée, et celle du Vicomte confirmée. mptor fundi nisi auctori vel heredi denuntiaverit predio enicto, neque ex stipulatu, neque ex duplo, neque ex empto actionem habet, contra venditorem vel fidejussorem ejus l. emptor ff. de evict.
On a jugé depuis le contraire. Marie de Croisille fut mariée par son frère à Foucher, à qui il paya son mariage ; Foucher étant decreté elle s’opposa pour sa dot, qui êtoit de mille livres, mais prévoyant qu’elle ne seroit point payée, elle appela son frere lors de l’ordre et distribution des deniers seulement, n’ayant pû être colloquée, elle concluds à sa recompense contre son frère, qui s’en défendit pour n’avoir point été appelé au decret, n pù il auroit encheri à si haut prix, qu’elle auroit été payée : Par Arrest en la Grand,. Chambre, au Rapport de Mr Buquet, de IIt d’Aoust 1672. le frere fut condamné de faire valoir à sa seur fa rente dotale. Cet Arrest futsonné aprés avoir examiné fort. exactement la question. Dans celuy de de la Haye plusieurs circonstances rendoient la cause des freres fort favotable ; le fils étoit encherisseur, il avoit souffert une enchere au profit particulier, pour une dette à laquelle il étoit obligé, que pour priver la seur de sa recompense, à faute d’avoir appelé ses freres ou leurs heritiers au decret, il audroit qu’elle eût signé au contrat de rachapt, et qu’elle eût consenti le remploy sur les biens de son mary, alors les freres n’étant plus garands que de la solvabilité du mary, il est raisonnable e gue la seur fasse la diligence de les appeler, mais si le pere ou le frere ont payé volontairement ou racheté la rente, la soeur les considérant toûjours comme ses véritables debiteurs, elle n’a point besoin de les interpeller pour faire valoir la dot
Un Docteur en droit civil trouvera cette jurisprudence fort étrange, que les freres soient tenus de payer la dot une seconde fois, lorsque le mary est insolvable ; car les Loix ne permettent pas de prendre aucune assurance, ne fidejuss. dot. dentur. c. Et sans doute le raisonnement Justinien de Justinien en la loy seconde est fort beau, sienim credendam mulier. se se suamque dotem existimavir quare fidejussor vel alius intercessor exigitur ut causa persidiae connubio eorum generetur, et on le sugea de la sorte au profit d’un frère au Parlement de Tolose ;Cambolas , l. 6. c. 5. Car encore que les Docteurs estiment que le frere est tenu de doter sa soeur, issuc d’un autre. pere, Argum. l. cum plures S. cûm tutor ff. de admin. tut. et que Benedicti soit aussi d’avis que etiam stante statuto, quod filia stantibus liberis masculis succedat, onus dotandi filiam quod viventi patri incumbebat, transit in filium masculum velut in patris haredem :Benedict . in verbo ( dotem quam et dederat. ) n. 71. Toutefois cet Auteur et les autres qu’il cite, tiennent que le frere n’est point tenu de la doter une seconde fois, mais pour le pere qu’il y est obligé, si filia dotem amisit sine culpâ suâ. l. ult. C. de dot. promiss. et Authent. quia pater dotandi necessitatem habet, Faber l. 5. 1. 6. defens. 13. Mais nous tenons que le frere est encore plus obligé de doter sa seur que le pere, et que le mariage avenant est au lieu des alimens, et on condamne également le frere et le pere à répondre de la dot qu’ils ont mal placée.
On a souvent revoqué en doute si la seur mariée par son frère sans la déparager, peut lemander un mariage plus grand que celuy qui luy a été donné : La Coûtume d’Anjou s’est expliquée là-dessus en l’Article 244. en ces termes : Si homme noble marie sa seur et ne luy lonne mariage avenant, c’est à sçavoir jusqu’à la valeur de sa loyale et legitime portion de la terre et succession de ses pere et mère ; aprés le trépassement de son mary elle sera bien reçûé à demanler son partage, en rapportant ce qui luy aura êté donné, si elle n’avoit expressément accepté icelux l’où pour sa legitime on presume qu’elle y eût expressémont renoncé : que si elle eût fait expresse accetation ou renonciation, toutefois tant que le mariage dure elle ne peut autre chose demander, ni son mary à cause d’elle, que ce qui luy a été promis, et en ce cas il ne court point de prescription contre elle son mariage durant.
OuDu Pineau , sur cet Article, dit que le sommaire d’iceluy est que contre telles renonciations faites par la seur noble, au profit de lon frèreainé, mediante dote, aux successions échûës de ses pere et mere, elle est restituable si elle fe pourvoit contre l’acceptation ou renonciation par elle expressément faite dans les dix ans, à compter du jour du contrat de mariage, au cas oû l’acceptation ou renonciation ne soit pas expressément par elle faite.
La Coûtume ayant reduit à si peu de chose la portion des filles, ne paroit-il pas raisonnaple que le frere ne puisse diminuer la legitime de sa seur, et qu’il soit tenu de luy donner tout ce qui luy appartient ; L’acceptation ou la renonciation qu’il exige d’elle nerdoit pas luy aire d’obstacle pour demander un supplément, parce que ces actes ne sont pas toûjours : voontaires : le desir de sortir de dessous l’esclavage d’un frere ou d’une helle-seur, la passion de se marier luy fait consentir tout ce qu’on luy propose ; un mary même souvent y donne les mains, par, la crainte de ne trouver pas ailleurs un si bon party.
Cependant la Coûtume impose silence à toutes les soeurs, elle leur ordonne de se contenter, pourvû qu’elles soient mariées sans les déparager. La Loy présume que le doüaire et les autres avantages dont elle profite par le mariage supplée à ce qui luy défaut ; et l’on a eu principalement égard à prévenir les broüilleries, car il n’y a gueres de maris, ni même de soeurs, qui ne s’imaginassent qu’ils auroient eu beaucoup moins qu’il ne leur appartenoit ; de sorte qu’il en faudroit venir tous les jours à des estimations.
Cela fut jugé de cette manière en la Chambre des Enquêtes le premier d’Aoust 1628. entre Thomas Langeard et Jaqueline Vantigny et Georges de Vantigny ; cette seur prétendoit que son frère en la mariant ne luy avoit pas donné sa part, et elle disoit que son mariage luy êtoit acquis par le decez de son pere, qu’il n’avoit pû luy diminuer, que le mariage des filles doit être avenant ; c’est à dire proportionné à la qualité et aux facultez du pere ; que la legitime est duë aux enfans jure naturae, Novell. 1. in procmio S. 2. de hered. et falcid. et elle ne peut être affoiblie ni diminuée par quelque acte que ce mit, jus consequendi legitimam ut naturale, mutari non potest, dit un Docteur François, sieut enim per pactum non tollitur jus agnationis, nec etiam jus legitima auferri aut minui potest, quia legitima non est beneficium parentis, sed legis ;Molin . Consil. 29. n. 5. sur quoy l’on peut voir le Journal des Audiences, Tome 2. l. 8. c. 49. Le frere répondoit qu’il avoit pleinement satisfait à la Loy et à son devoir l’ayant mariée et dotée sans la déparager : Par l’Arrest la seur fut deboutée de son action. Par Arrest du 23 de Decembre 1551. entre Brunette, Hamelin et Thomas Lasnier, il fut dit qu’une fille ayant été mariée durant la minorité de son frère ne peut pas aprés revenir à partage, bien qu’elle n’ait eu mariage suffisant, s’il n’y a eu reservation.
Si neanmoins il se remarquoit une inégalité extraordinaire entre le mariage qui auroit appartenu à la seur et la somme, donnée par le frère, et que d’ailleurs elle fût déparagée en quelque façon, il seroit jusse d’écouter sa plainte, car aprés tout la legitime est tres-favorable ; mais il faudroit que cette lesion fût apparente et considérable, et sur tout que la con-dition ne fût pas égale, parce qu’en ce cas il ne suffit pas au frère de l’avoir mariée, s’il la déparage ; ce seroit déparager une fille que de la marier à un roturier, et le frère seroit ihexcusable s’il l’avoit si mal pourvûé pour en avoir bon marché ; mais quand la seur transige de sa legitime avec son frère avant son mariage, il n’est pas necessaire que la lesion soit grande pour donner ouverture à la seur de demander ce qui luy appartient, car la Coûtume d’impose silence à la seur que lorsqu’elle a étéamariée, parce qu’en ce cas elle est enquelque sorte recompensée par les avantages qu’elle acquiert par son mariage. Marguerite Vallée poursuivant son frere pour faire regler sa pension, elle transigea avec Charles Vallée pour son mariage. avenant ; depuis ayant été mariée avec Vincent Linant, elle obtint des lettres de récision fondées sur la déception ; et par Arrest du 14 d’Avril 1606. les lettres furent enterinées, et ordonné qu’il seroit fait assemblée de parens pour liquider son mariage avenant.
Argent Le pere ayant reglé la dot de sa fille le frere ne peut la diminuer en la mariant, pourvs que l’arbitration du pere ne soit point excessive, parce qu’en ce cas le droit est acquis à sa fille. Mr d’Argen-ré, sur l’Art. 224. gl. 2. n. 5. Art. 225. gl. 4. n. 8. a remarqué qu’autrefois en Bretagne les filles ne pouvoient rien demander à leurs freres, quand ils les avoient mariées, sed jus immutatumi et tous les Docteurs tiennent fratrem donatione aut maritatione sororem excludere non posse ab hereditate paternâ semel delatâ, et restitutiones dantur si modo non leve est quod fefellit. Un pere par son testament avoit reglé le mariage de sa fille puisnée à huit cens livres, ayant donné pareille somme à son ainée ; aprés la mort du pere ses freres en la matiant à un homme de sa condition ne luy donnerent que cinq cens livres, étant devenuë veuve elle demanda les trois cens livres ; les freres se défendoient en vertu de cet Article et de l’Article 357. Par Arrest de l’1r de Juilet 1662. ils y furent condamnez : on se fonda sur le testament du pere qui avoit reglé le mariage, et que le fils n’avoit contredit, et sur la pauvreté de la femme et le mauvais ménage du mary, plaidans Theroulde et de l’Epiney. Que s’il ne paroissoit point que le frere eût donné quelque chose, soit parce qu’il n’y avoit point de contrat de mariage par écrit ou autrement, la soeur pourroit demander sa legitime, suivant l’Arrest remarqué parBérault . sur cet Article.
La cinquième question a été décidée par plusieurs Arrests ; chacun convenoit que quand les seurs avoient été mariées par leurs peres, tous les freres étoient obligez solidairement, parce que c’étoit une dette de la succession. Il y avoit plus de difficulté lorsqu’elles avoient tté mariées par les freres, car ne s’étant pas obligez solidairement il sembloit raisonnable. qu’ils ne fussent tenus que chacun pour leur part, et leur promesse ne devoit pas être étenduë au de-là de ses termes pour rendre leur condition plus dure que s’ils avoient contracté vec un étranger ; la soeur à l’égard des frères ne doit être considérée que comme un simple creancier ; le beau-frere n’ayant point stipulé de solidité il étoit reputé les avoir acceptez chacun pour leur part : on objectoit au contraire que les soeurs ne sont que simples creancieres sur la succession de leurs peres et meres, que leur condition ne doit point être plus defavantageuse que celle de tous les creanciers qui ont une obligation solidaire contre tous les heri-tiers, que ce n’est point la dette des frères, mais celle du pere, et par consequent les freres la doivent acquitter de la même maniere que toutes les autres, et qu’il, ne seroit pas juste d’engager une pauvre fille qui n’a qu’un mariage avenant à entreprendre autant de procez qu’elle auroit de freres, et à les discuter les uns aprés les autres. Par Arrest en la Cham-re de l’Edit, au Rapport de Mr de Brinon, du 2gede Juin 1654. entre Dartenay et le Roy, sieur de la Barrière, la question étant tonte pure il fut jugé que les freres, quoy qu’en mariant leurs soeurs ils ne se fussent pas obligez folidairement, pouvoient être poursuivis pour le tout.
On avoit jugé la même chose entre les nommez Cabeüil, le S d’Aoust 1621. l’ainé avoir les deux tiers en Caux, et neanmoins les puisnez furent condamnez solidairement. Autre Arrest du 18 d’Aoust 1656. au Rapport de Mr de la Vache. Voyez cet Arrest sur l’Article 364. Autre Arrest du 1é de Juillet 1626. entre le Comte et du Moucel. Autre Arrest du 12 d’Avril 1646 entre François du Bose, sieur de Jourdemare, et Demoiselle Barbe du Bosc. Aurre du 18 d’Aoust 1666. entre Richard Tillais, ayant épousé Elizabeth Etherel et autres. Une mère avec son fils en mariant sa fille luy avoient promis conjointement la somme de quatre mille livres pour sa part aux successions de pere et de mère à par Sentence le frere avoit été condamné par provision solidairement et subsidiairement à toute la somme : Greard, son Avocat, soûtenoit que la mere et le frère ayant promis conjointement chacun ne pouvoit être obligé que poursa part, c’est à dire à proportion de ce que les biens de chacun devoit porter de la legitime, mais qu’il n’y avoit point d’obligation solidaire. Theroulde pour la seur répondoit que les promesses de mariage étant favorables elles devoient être executées solidairement contre tous ceux qui avoient promis : Par Arrest du 27 de Mars 1655. le frere fut déchargé de la condamnation subsidiaire, et par consequent de la solidaire, parce que l’obligation solidaire pro-duit la subsidiaire ; aprés tant d’Arrests on n’en doute plus.
La sixième question n’est pas aussi problematique. Toûtain, Ecuyer, sieur de Limesi, vouloit obliger Jean de Villy, son beau-frere, à luy bailler caution pour la dot qu’il luy vouloit acquitter, et à faute de bailler caution il avoit fait juger que les deniers seroient proclamez.
Sur lappel de Villy, le Févre fon Avocat, disoit qu’il n’étoit point tenu de bailler caution.
Maurry, pour le sieur de Limesi, soûtenoit qu’il avoit cette faculté de se liberer toutefois et quantes, que si un frere ne pouvoit payer la dot à sa seur qu’en demeurant chargé de la garantie, ce seroit un moyen de rendre une rente foncière : Par Arrest du 27 de Novembre 1653. on cassa la Sentence, et il fut dit que le frere continueroit la rente, si mieux il n’aimoit bailler des héritages de la succession au denier vingt, à telle estimation qui seroit faite par les parens, dont les parties conviendroient : Et depuis la même chose a été jugée par plusieurs Arrests, et c’est la disposition du 47 Article du Reglement de 1666. Si toutefois aprés la liquidation du mariage avenant le frere au lieu de bailler des héritages se constituoit en rente, qu’il eût payée durant plusieurs années, il ne seroit pas juste de luy permettre de changer de volonté et de bailler des héritages, cela fut jugé en la Grand-Chambre le 20 de May 1659. plaidans Morlet et Theroulde ; il y avoit cela de particulier que la dot n’étoit que de quatre cens livres, et que les frais d’une estimation eussent été trop grands. La même raison d’équité se rencontreroit si la soeur avoit transporté sa rente, car on l’exposeroit à des interests d’éviction.
On a jugé que si le frère a baillé quelque rente à sa seur pour le payement de sa legitime non seulement il en est garand, mais aussi que si le redevable n’a point de meubles la seur n’est point obligée à la discution de ses immeubles, et que le frere êtoit tenu de reprendre la rente : ainsi jugé par Arrest en la Chambre de l’Edit l’ir d’Avril ré4 et entre les nommez de la Place. La condition des filles est si desavantageuse, qu’il faut toûjours leur faciliter la joüissance et la possession de ce peu qui leur est donné.
CCLII.
Action des filles pour leurs promesses de mariage.
La fille mariée par son pere ou mere ne peut rien demander à ses freres pour son mariage outre ce qui leur fut par eux promis quand ils la marierent ; et si d’ailleurs aucune chole luy a été promise en mariage, ceux qui l’ont promis ou leurs hoirs sont tenus le payer ; encore qu’ils né fussent tenus la doter.
Cet Article semble superslu. L’Article 250. avoit décidé que s’il n’avoit êté rien promis à la fille, elle ne pouvoit rien demander : Il s’ensuivoit assez évidemment qu’elle ne pouvoit avoir d’action contre ses frères ; cependant l’explication de quatre paroles de cet Article a partagé les esprits treslong-temps ; et jamais il ne s’est donné tant d’Arrests contraires sur un même sujet.
De ces paroles donc ( quand ils la marierent ) on a fait naître cette question, si le pere ou la mere pouvoient donner quelque chose à leur fille aprés l’avoir mariée : Bérault a traité cette uestion, et en suite il rapporte ce fameux Arrest de Falla, par lequel aprés un partage en la Chambre de l’Edit, qui fut jugé en la Grand. Chambre, on cassa une donation faite par une mère à sa fille
Ceux qui reprouvoient ces donations s’attachoient à ces termes, lorsqu’ils la marierent, et prétendoient que les peres et meres ne pouvoient donner à leurs filles que in solo actu maritationis, comme les Docteurs estiment que la renonciation faite par la fille à la succession ne vaut que in contractu matrimonii ; la Coûtume de Bretagne ancienne en l’Article 224. portoit que le pere en mariant sa fille luy pouvoit donner : Et suivant l’opinion de M’d’Argentré , le sens de cet Article êtoit que la fille n’étoit pas excluse de la succession en consequence de la donation, mais en consequence du mariage, non excludit filiam abhereditate paternâ à casu donationis, sed â maritatione, ergo maritata excludetur non dotata, consuetudo solam maritationem excludit : si maritaverit excludit etiam si nihii dederit, gl. 4. et la Coûtume de Bourgogne, Rubr. 7. 8. 12. comme aussi plusieurs autres, disposent que fille mariée ne peut retourner à la succession, c’est à dire que le pere a épuisé tout son pouvoir lorsqu’il a marié sa fille, et il ne luy reste plus aucune liberté de luy bien faire : En effet la fille n’est-elle pas assez bien pourvûë, et le pere n’a-t’il pas pleinement saitisfait à son devoir, quand par le moyen du mariage la fille acquiert un doüaire : elle prend part aux meubles et aux acquests de son mary : M d’Argentré , Article 225. gl. 4. n. 11. et enfin l’exclusion des filles ayant pour fondement la conservation des familles, le pere ne peut plus les rappeler par des donations ou reservations à partage ; l’intention de la Coûtume paroit encore en l’Article 268. que le pere peut en mariant ses filles les reserver à sa succession, ce qui témoigne expressément qu’il n’est permis aux peres et aux meres de faire aucun avantage à leurs filles qu’en les mariant.
On opposoit au contraire l’Article 436. celuy qui a fait don par avancement de succession de partie de ses biens, n’est point privé de donner le tiers du reste de ses héritages à personne étrange, et qui n’attend part en sa succession, puis donc que la fille n’attend point de part en la succession du donateur, elle est capable de ce don, si la Coûtumé eût permis simplement de donner à un étranger, on eût pû dire que les enfans du donateur ne pouvoient être mis en ce rang ; mais pour prévenir cette difficulté elle a prudemment ajoûté, et qui n’atiend part en sa successionpuis donc qu’il est generalement permis de donner à ceux qui n’attendent point de part, et qui n’esperent rien à droit successif à l’heredité du donateur, les filles mariées qui en sont excluses sont capables de donation ; aussi ces paroles ne peuvent naturellement s’entendre que des filles car autrement c’étoit assez de permettre de donner à un étranger, mais apparemment la Coûtume les a designées par ces autres paroles, et qui n’attendent part en sa succession, voulant dite qu’encore que les filles ne soient pas une personne étrangere à l’égard du pere et de la mere, neanmoins ils leur peuvent donner, parce qu’elles n’attendent point de part en leur successions quant aux paroles de cet Article, leur véritable sens est que les soeurs n’ont aucune action contre sieurs freres, pour leur demander leur legitime ou le supplément de leur legitime, mais elles ne lient pas les mains au pere, en sorte qu’il ne puisse user envers elles d’aucune liberalité, ni leur faire part à l’avenir de la bonne fortune qui luy est arrivée ; il ne luy doit pas être interdit de changer de volonté, et si d’abord il n’a pas fait justice à sa fille il peut reparer cé manquement par une donation posterieure, pourvû qu’elle n’excede point sa legitime ; comme cette exclusion a été volontaire, il doit avoir la liberté de la revoquer, et bien que ce terme sen la mariant, soit un gerundif, qui semble porter une necessité précise, néanmoins on luy donne un sens beaucoup plus étendu ; par exemple il n’ôte pas au pere le pouvoir d’aibitrer et de regler le mariage de sa fille par un testament ou par quelqu’autre acte entre vifs ; s’il le trouve à propos, pu s’il craint d’être prévenu de la mort avant qu’il la matie ou qu’elle soit parvenue à ses ans nubils ; On ne doute point que cet et arbitration ne soit aussi valable, que si elle avoit été faite par un contrat de mariage, et que le frere ne soit tenu de l’executer, pourvû qu’elle n’excede point les bornes de la portion qui luy appartient, autrement il ne pourroit pas même la reserver à sa succession, quoy que la Coûtume luy donne si expressément ce pouvoir ; aussi toutes les Coû-tumes, qui ne permettent pas à la fille de demander quelque chose au-de-là de ce qui luy a été promis en la matiant, ont néanmoins laissé cette liberté de leur augmenter leur legitime La Coûtume de Bourgogne s’en est exprimée fort nettement, aprés avoir dit au commercement du S. 12. Rubr. 7. que la femme mariée par ses pere et mere, et à laquelle il a été constitué dot, ne retourne point à la succession de ses pere et mère ; ajoûte ces mots, et n’entend on point priver de donation que ses pere et mere luy voudroient faire sans titre d’hoirie. La Coûtume d’Auvergne est pareille.
Dans toutes les Coûtumes où la fille dotée et mariée est excluse par sa renonciation, le pere peut la rappeler à partage, quam pater filiam renuntiatione exclusit, potest rursus admittere : Mr d’Argentré , Art. 225. gl. 4. Il est vray qu’il estime que cela ne se peut faire par la Coûtume pour les nobles qui sont d’un gouvernement avantageux : dans ces renonciations qui sont exigées par les peres inest tacita conditio, si pater in eadem voluntate permanserit : et cette jurisprudence est naturelle et raisonnable, car les filles qui ont renoncé pouvoient être raps elées à la succession, comme elles en ont été excluses par une convention particulière stipulée par le pere, il peut par une convention contraire les rappeler à sa succession, et c’est com-me si nous disions en Normandie qu’un pere ne peut pas reserver sa fille à sa succession aprés l’avoir mariée, mais qu’il peut luy faire une donation jusqu’à la concurrence de sa legitimes en ce cas le pere nihil dat, sed datum legibus significat, et le frère ne s’en peut plaindre, le pere étant encore le maître de son bien, le droit ne luy en est acquis que par espèrances et d’ailleurs c’est une maxime que quoties ad jus quod lex naturae tribuit actio redit, non fit causa rei deterior, sed forma sua redditur. Il est vray que dans les autres Coûtumes les filles étant heritieres, et n’étant excluses de la succession que ex pacto et en consequence de leur renont ciation, il est plus naturel et plus aisé de les y rappeler, et c’est pourquoy leur exemple n’a point de force en Normandie, où les filles ne succedent point par le droit commun et general : mais on répond que l’exclusion des filles n’étant pas absolué, et le pere les pouvant reserver à sa succession par tel acte qu’il luy plaist, il doit avoir la liberté de leur fournir leur legitime toutes les fois qu’il le juge à propos. Et pour montrer que l’on ne peut pas induire de ces paro-les ( en les mariant ) une impuissance de la part des peres et meres d’augmenter la dot de leurs filles, l’Article 254. contient ces mots, si le pere ou mere a donné à sa fille en faveur de mariage ou autrement, &c. D’où il est évident que le pere peut donner à sa fille autrement qu’en faveur mariage et en autre temps, si unus S. pactus. D. pact.Chop . de privil. Rust. Rust. l. 3. c. 7.
Chass Louet Boer . decis. 184. Chass. Rubr. 7. 5. 12. Loiet, l. R. n. 9. Aussi cet Arrest de Falla n’a jamais été suivi ; on avoit même jugé le contraire l’ir de Mars 1605. entre Me Robert de Courcol et
Fleurent de la Mare, mary de Loüise de Courcol. Un pete avoit donné vingt-cinq mille livres à sa fille en la mariant, trois ans aprés il luy donna une Sergenterie noble de valeur annuelle de deux cens livres : Le frère contesta cette donation ; la soeur la soûtenoit valable, parce qu’elle n’excedoit point sa legitime : Par l’Arrest la donation fut confirmée, et néanmoins tout ce qui avoit été donné par le contrat de mariage et par cette donation fut reduit au tiers de la valeur de la succession au temps qu’elle étoit échûé, aux charges de droit ; et incontinent aprés cet Arrest de Falla, à sçavoir. le 18 de Juillet 1614. en la Grand. Chambre, au Rapport de Mi Martel, on confirma une donation que le Brumen avoit faite à ses filles. Autre Arrest du 22 de Juin 1622. entre Bindel et le Pigny, sieur de la Forest : Aprés avoir vû tous les Arrests contraires, et particulièrement celuy de Falla qui est énoncé dans le vû de l’Arrest, on jugea que la donation faite par un pere à sa fille mariée, en supplément de dot, êtoit valable ; ce qui a encore été confirmé par un autre Arrest donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Bonissant, le 17 de Juillet 1629. dont voicy le fait. Par le traité de mariage de Jacques Jolie et Marguerite Gruchet, Marguerite de S. Remy, mère de ladite Gruchet, luy avoit donné la somme de trois cens livres pour toute et telle part qu’elle pouvoit prétendre en sa succesfion, si mieux elle n’aimoit partager avec ses frères ; cette somme n’étoit payable qu’aprés li nort de la mère ; cette clause du contrat ne fut point insinuée. Aprés la mort de ladite S. Remy, olie demanda à Gruchet, son beau-frere, les trois cens livres, ou qu’il le reçût à partage. Gruchet allégua pour défenses que sa seut ayant été mariée une premiere fois par ses pere et mere, elle ne pouvoit plus recevoir d’eux aucune donation ; que ce qu’elle avoit eu lors de son premier mariage luy tenoit lieu de partage ; que quand elle n’auroit rien eu, son pere avoit pû la marier sans luy rien donner ; que suivant l’Article 448. toutes donations faites de pere à fils en faveur de mariage doivent être infinuces ; que cette somme étant à prendre sur les immeubles, l’insinuation étoit necessaire ; qu’en tout cas elle excedoit le partage qui luy auroit appar-senu. Jolie s’appuyoit sur les Articles 258. et 259. suivant lesquels les peres et les meres peuvent reserver leurs filles à partage, et ils peuvent leur donner en les mariant des héritages ou des meubles, la Coûtume n’ayant point fait de distinction entre les premieres et secondes nopces, et ne défendant point de leur donner aprés qu’elles sont mariées ; que l’Article 431. qui défend de donner au décendant en droite ligne, ne s’entend que de l’heritier immediat du donateur décendant de luy : que quand elle fut mariée la premiere fois ses pere et mere ne luy donnerent rien, parce qu’alors ils n’avoient aucun bien ; mais depuis étant échû une succession à sa mere elle avoit crû être obligée de luy en faire quelque part, qu’elle consentoit à la reduction en cas d’excez ; à légard de linsinuation que ce qui étoit donné pour dot à la fille n’étoit point sujet à insinuation, non plus qu’une reservation à partage. Il avoit été dit par la Sentence à tort l’action : Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et Gruchet condamné de payer, sauf à rappeler sa seur à partage. Ce qu’il y avoit de particulier étoit que cette donation avoit été faite lors du second mariage. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr Côté, du 12 de Juillet 1631. entre Me David Jagaut, tuteur des enfans de Benjamin Jagaut, et Daniel juron, et autres créanciers de Michel le Pelletier, et Jacques le Perit, sieur de S. Jean ; ledit e Perit prétendoit faire casser la, donation faite par Michel le Petit son ayeul, à Susanne le Petit, femme de Benjamin Jagaut : Par l’Arrest la donation fut déclarée valable, sauf à la faire reduire en cas d’excez.
Autre Arrest donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de M de Toufreville-le-Roux le 24 de Mars 1642. entre le Tellier et Bomille, par lequel la donation de la somme de mille livres faite par la nommée Roquier, tutrice de Bomille, à chacune de ses trois filles, pour augmentation de dot, fut confirmée.
Autre Arrest en plus forts termes rendu en l’Audience de la Grand. Chambre du 2 de May 651. entre Jacques et Jean le Danois, fils de Jacques le Danois, et heritiers en partie de Pierr et le Danois, appelans de Sentences, par lesquelles il avoit été ordonné qu’au refus desdits le Danois de consentir qu’Eve le Danois, veuve de Pierre Doutremer, et Estienne Bertout, mary d’Anne le Danois, fussent envoyez en la possession de vingt acres de terre à elles données par le testament de Pierre le Danois, lesdites Eve et Anne le Danois seroient reçûës à partage, en rapportant ce qui leur avoit été donné par leurs contrats de mariage ; la Cour, en infirmant les Sentences, déclara le testament valable, jusqu’à la concurrence de la legitime des-dites Eve et Anne le Danois. Autre Arrest donné en l’Audience du 3 de Février 1654. plaidans Basire et Turgis, par lequel sur la question de la validité d’une donation faite à une fille aprés son mariage, la Cour avant que d’y faire droit ordonna que les successions seroient estimées par les parens dont les parties conviendroient, Mr Antoine du Val Contrôleur au Magazin à Sel de Caudebec, et Jacques le Mancel ayant épousé Françoise du Val, et Anne et Jeanne du Val, parties plaidantes. Autre Arrest, au Rapport de Mr de Tremauville-Anber, l’ii de May 1658. entre Gilles du Four et Nicolas Thierrée, ayant épousé Marie du Fout, Pierre Haïs et Antoine Latige, maris de Françoise et Elisabeth Thierrée. Autre Arrest donné en l’Audience du 20 de Juillet 1657. entre Christophe Godefroy, François lgor, et le Recteur du College des Jesuites de Roüen : Ainsi sans s’arrêter aux anciens Arrests on peut dire que multa è duritie veterum melius et laetius mutata sunt. Il est juste que les petes conservent quelque diberté de pouvoir gratifier leurs enfans, pour les retenir dans leur devoir.
Depuis encore quelques-uns ont voulu soûtenir qu’au moins cette donation ne pouvcit valoir que sur les meubles, mais cette distinction est sans apparence. Vide Consil. c6. Decii.
Chop . l. 1. c. 63. de la Coûtume d’Anjou, n. 5. l. qui volebat de hered. Instit. D.
On a fait une seconde difficulté, sçavoir si lon devoit étendre plus loin cette facuité de donner à la fille mariée, et si la donation faite aux enfans de la fille par leur ayeul ou ayeule êtoit valable : Les opinions ont encore été fort partagées sur ce sujet : Une mere en mariant sa fille ainée luy lonna sept mille livres, et à deux autres filles à chacune quinze mille livres ; depuis elle fit une démission de tout son bien en faveur de ses fils, à la réserve de cinq cens livres de rente, dont elle retenoit la disposition, et comme elle avoit donné beaucoup moins à sa fille ainée qu’aux autres, elle voulut reparer cette inégalité par une donation entre vifs de cent livres de rente qu’elle fit à sa petite-fille, sortie de sa fille ainée : aprés sa mort ses fils firent juger cette donation nulle par Sentences du Vicomte et du Bailly d’Andely ; sur lappel Alorge soûtenoit la donation en vertu de l’Article 436. suivant les raisons alléguées cy-dessus, il s’aidoit même de l’Article 43i. quoy qu’il parût luy être contraire : Suivant cet Article une personne âgée de vingt ans peut donner le tiers de son héritage à qui bon luy semble, pourvû que le donataire ne soit poirt heritier immediat du donateur, ou décendant de luy en droite ligne. Il sembleroit d’abord que la donafaire décendant en droite ligne de la donatrice seroit incapable de la donation, mais il ne faut pas entendre cet Article de la fille et de ses enfans ; ces paroles n’ont été employées que pour prévenir les affections déreglées que l’on porte souvent à l’un de ses heritiers au préjudice des autres, et c’est dans cette vué qu’il est dit au commencement de l’Article qu’on ne peut donner à son beritier immediat, et on a même entendu ces mots, qu’on ne peut donner à son heritier immediat que des biens ausquels l’heritier immediat succede en partie ; car on a jugé qu’on pouvoit donner le tiers de ses acquests à son heritier immediat au propre, ce qui recevoit plus de difficulté que la donatien aux enans de la fille : Ainsi par le premier chef de l’Article étant défendu de donner à l’heritier immediat, et nos Reformateurs ayant prévû qu’on feroit fraude à la loy, en donnant aux enfans de cet heritier immediat, ils ont ajoûté et décendant de luy en droite ligne, quia in eandem personan reciderent legatum & hereditas ; et pour entendre parfaitement cet Article il le faut joindre au 436. et dire que par l’Article 431. il n’est pas permis de donner à ses heritiers ni à leurs enfans, mais que par. l’Article 436. il est permis de donner à ceux qui n’attendent aucune part en la succession de donateur : car si cet Article 436. ne s’entendoit que de ceux qui sont vrayement étrangers à une famille, il ne contiendroit qu’une repetition inutile ; car personne ne doute qu’un étranger n’attend rien à une succession à droit successif, mais ces mots ( qui n’attend part en la fuccession. ont été expressément ajoûtez, pour désigner ceux que la Coûtume rendoit incapables de ces donaiions, qui sont les heritiers ab intestat. Valée, pour les intimez, prétendoit que la donation toit nulle, suivant cet Article 431. que ce mot sdécendant de luy en droite ligney devoit s’entendre du donateur et non du donataire, comme quelques-uns ont pensé, et par cette raison la donafaire se trouvoit dans le cas de la prohibition, sans avoir égard à la distinction que l’appelante voit proposée, puisque la Coûtume ne l’avoit point faite, nam ubi lex, &c. chacun des Avocats citoit aussi des Arrests à son avantage : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du s de May 1650. les Sentences furent confirmées, entre Ladvenant mary de Marguerite Dieupart, fille de Catherine le Tisserant, donatrice, appelante, et Jean Bouloche, ayant épousé Marguerite Dieupart, fille de Claude Dieupart et de ladite le Tisserant, intimé.
Mais cet Arrest a eu aussi peu de succez que celuy de Falla, car la même question s’étant offerte en l’Audience de la Grand : Chambre, sur l’appel d’une Sentence qui avoit cassé une pareille donation, Maurty disoit que toute la difficulté procedoit de la mauvaise explication que l’on avoit faite de l’Article 451. qui ne parloit que des donations, mais qu’il ne pouvoit avoir lieu lorsqu’il s’agissoit du mariage et de la legitime des filles ; qu’on ne pouvoit pas Souter que les peres ne pussent donner à leurs filles ou à leurs décendans, pourvû que ce qui avoit ét sonné à la mere et à ses enfans n’excedat point sa legitime, et puisqu’on a jugé que le pete pouvoir donner à ses filles, autrement qu’en les matiant, il n’y a point de raison ni de disposition qui l’emsesche de donner aux enfans de sa fille, la loy présume que le pere consilium capit pro liberi. quand on a confirmé la donation faite à la fille, on a penfé que le pere ne l’avoit pas bien pourvûë et pourquoy ne luy souffrir pas de donner à ses petits enfans pour les mêmes considerations Aprés tout ce n’est pas une donation, c’est un supplément de legitime qui est dûë, jure naturae tion beneficio patris, ce qui ne tombe pas dans la dispofition de l’Article 431. Par Arrest du 20 de Juillet 1657. la Sentence fut cassée et la donation confirmée ; Heuzé plaidoit pour l’intimé, c’est un point dont on ne doute plus au Palais.
On a voulu neanmoins que ces actes de donations ou de supplémens de legitimes fussent parfaits et accomplis en toutes leurs formes, et pour cette raison on jugea le 17 de Juin 1652. que la donation de propre faite par le testament d’un pere à ses filles mariées ne pouvoit subsister, parce que ce pere n’avoit vécu que trois mois aprés son testament, on estima qu’il n’étoit pas juste d’ajoûter faveur sur faveur, bien qu’on luy ait permis cette augmentation de dot, c’esti toûjours une liberalité du pere qui est sujette à toutes les formes et qui ne peut valoir par consequent, si elles ne sont parfaites et accomplies ; cela neanmoins ne me semble pas tout à fait concluant, puisque c’est en effet un supplément de legitime, et que c’est sur ce principe que l’on a fait subsister la donation ; mais on peut dire qu’à l’égard du pere c’est une liberalité qu’il fait nullo jure cogente. L’affaire avoit été partagée en la Chambre des Enquêtes, et en procedant au jugement du partage en la Grand : Chambre, de seize Juges il n’y en eut que quatre d’avis contraire à l’Arrest : M d’Amiens Rapporteur, M de Monfort Compartiteur, à l’avis duquel il passa ; je parleray de cet Arrest sur l’Article 427. où je montre que les deux taisons qui servirent de fondement à l’Arrest ne sont point considérables.
Il est vray que ces donations sont reputées un supplément de legitime : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 28 de Mars 1623. il fut jugé que la donation faite par l’ayeul û sa petite-fille, sortie de sa fille, qu’il avoit mariée et dotée, retournoit aux enfans des mâles aprés la mort de la donataire comme un propre, et non aux collateraux comme un acquest.
Un pere en mariant sa fille luy donna moins que sa legitime, mais il ordonna par son testament qu’elle seroit payée d’une somme de dix mille livres, et en cas que ses heritiers contestassent la donation, il declara qu’il la reservoit à partage : les freres ayant contredit la donation, ils furent condamnez de la payer, si mieux ils ne vouloient recevoir leur seur à parta Maurry, pour les freres appelants, representoit qu’il auroit pû contester ce supplément de egitime en vertu de cet Article, mais en tout cas qu’il n’avoit pû luy donner au-de-là de sa portion ; que suivant l’Article 254. il pouvoit en demander la reduction, que la clause de reservation n’étoit pas civil, le pere ne pouvant reserver sa fille à partage aprés l’avoir mariée Le Sauvage foutenoit pour la seur que l’estimation qu’il faudroit faire du bien pour parvenit à cette reduction seroit impossible, le frère ayant dissipé les biens de la succession, que le pere pouvoit la reserver également depuis le mariage comme auparavant : Par Arrest en la Grand.
Chambre du 2 de May 1651. en infirmant la Sentence on ordonna qu’estimation seroit faite des biens de la succession pour reduire la donation si elle êtoit excessive ; ainsi l’on jugea que le pere pouvoit bien suppléer la legitime, mais qu’il ne pouvoit reserver sa fille à partage.
Cet Arrest et celuy que je rapporteray en suite marquent que l’on doute si peu que les peres et meres ne puissent donner aux enfans de leurs filles par augmentation de dot, qué l’on s’est simaginé qu’à faute par les fils d’executer la volonté du pere ; elle pouvoit être reçûë à partage.
Béranger avoit marié ses deux filles, depuis il donna à leurs enfans, par une donation entre vifs, à chacun vingt et une livres de rente, et quoy qu’il eût revoqué cette donation, Therouf, l’un de ses gendres, demanda à Béranger son beau-frere les arrerages des vingt et une livres de rente, Béranger luy opposa la revocation de la donation, mais Therouf repliquoit que cette donation étant entre vifs et insinuée ne pouvoit être revoquée ; par Sentence du Bailly de Roüen Beranger fut condamné, si mieux il n’aimoit recevoir sa seur à partage : cette dernière clause obliges Béranger à presenter Requête pour faire dire que la donation seroit reduite à la legitime de sa soeur, mais en ayant été évincé, sur son appel je representay que quand on avoit approuvé ces donations, c’étoit à cette condition qu’elles n’excedassent point la legitime, de sorte que es freres avoient toûjours une action pour en faire juger la reduction, mais que cela ne pouvoit servir de pretexte pour forcer les freres à recevoir leurs seurs à partage que l’Article 255. êtoit contraire à cette prétention ; car si lorsque le pere a promis à sa fille, soit qu’elle soit mariéee pu qu’elle ne le soit pas, or ou argent, ou autres meubles qui soient encore dûs, le frere peut faire reduire le don jusqu’à la concurrence du tiers, sans être tenu de la recevoit à partage, à plus forte raison il n’y peut être forcé lorsqu’il s’agit de reduire non une donation faite à la soeur, mais à sesenfans, le droit de revenir à partage par l’Article 254. n’est donné qu’à la seur et non à ses enfans, qui n’ont rien à prétendre sur la succession de leur ayeul, ne leur étant dû aucune legitime lorsque leur mère a été mariée, et cette nécessité de recevoir la seur à partage n’a dieu que pour les héritages dont elle est en possession : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 12 de Février 1671. en reformant la Sentence, on ordonna que la donation seroit reduite au nariage avenant, qui auroit appartenu à la mere. Cloüet plaidoit pour Therouf, intimé Le consentement que le pere ou la mere exigent de leurs fils pour valider ces donations ne les lprive pas de leur action en reduction. Du Val avoit un fils et trois filles, il leur donna trois sit cens livres à chacune, et les fit renoncer aux successions de pere et de mère ; aprés la mort du mary la mere fit plusieurs acquisitions dont elle voulut faire part à ses filles, et le fils signa au con-trat de donation : le fils aprés la mort de la mere obtint des lettres de récision, soûtenant la reduction de la donation : Par Arrest du 3 de Février 1654. on ordonna que le mariage avenant des filles ri seroit arbitré sur les successions de pere et de mere, pour ce fait être pourvû ainsi que de raison.
Aprés avoir expliqué cet Article si favorablement pour les filles, on leur a fait encore cette ta grace dans un cas fort particulier remarqué par Bérault : Une bûtarde ayant été mariée par son Tit pere naturel, et depuis legitimée par un mariage subsequent, a été reçûë à demander mariage ravenant, et il luy fut accordé par l’Arrest
Cette question s’offrit encore entre Fleury du Moustier et Barbe du Moustier femme del Langevin : Cette femme êtoit née avant le mariage de Matthieu du Moustier avec Barbe Masurier, ps sous promesses de mariage ; le pere l’avoit mariée comme sa fille naturelle, et luy avoit donné trois cens livres, n’ayant pas donné davantage à ses autres filles : aprés la naissance de Fleury du Moustier son fils, il accomplit le mariage et le reconnut avec Barbe du Moustier pour ses enfans et legitimes heritiers, et le même jour il acquitta les trois cens livres qu’il avoit promis pour la dot de ladite Barbe du Moustier sa fille ; aprés la mort du pere elle demanda mariage avenant à Fleury du Moustier son frere : Lyout, son Avocat, disoit que la raison de la Coûtume cessoit en cette rencontre, quand elle avoit voulu que les espèrances des filles se rapportassent à la seule volonté de leurs peres ; elle avoit présumé favorablement de leur amour pour leurs enfans legitimes, mais qu’on ne pouvoit pas avoir cette pensée, qu’ils eussont eu les mêmes soins et les mêmes tendresses pour leurs filles naturelles, que si toutefois il efface cette tache de leur naissance, et s’il leur fait tenir le rang et la condition d’enfans legitimes, on ne doit plus considerer ce qu’il a fait pour elles auparavant, et ce n’est que du moment de leur legitimation qu’elles entrent dans sa famille, et s’il n’a tien disposé depuis en leur faveur, il faut les considerer comme des filles qui n’ont point été pourvûes par leur pere ; les enfans legitimez par mariage. ubsequent sont reputez vrayemenr legitimes, joüissans et participans à tous les droits des legitimes, et par consequent elle étoit recevable à demander tous les droits que la Coûtume accorde aux enfans de cette qualité. Je répondois pour Fleury du Moustier que cette presomption étoit favorable, et que l’on pouvoit présumer que s’il l’avoit mariée comme legitime, il luy auroit fait une meilleure part de son bien ; mais il paroissoit par plusieurs actes que sa legitimtaion n’avoit point produit dans le coeur de son pere un accroissement de bonne volonté, parce qu’il avoit épuisé toute l’étenduë de sa liberalité, lorsqu’il l’avoit mariée en luy donnant autant comme s’il l’eûr déja considérée comme sa fille legitime ; qu’il avoit fait paroître son intention, lorsque le même jour il luy paya la dot qu’il luy avoit promise, sans y ajoûter de nouvelles promesses, et par la quittance elle avoit renoncé à demander ni prétendre aucune chose ; que si ce pere dans ce moment où il élevoit cette fille à la qualité de legitime, qu’il la recevoit dans sa famille. i lorsque ses tendresses étoient dans leur plus grande force, il n’avoit pas voulu ajoûter rien à ses promesses, elle n’étoit pas recevable à son action, et on ne peut dire qu’elle ait été mariée comme batarde, puisque dans le temps qu’il luy payoit ce qu’il luy avoit promis en la mariant elle avoit perdu cette qualité, et elle tenoit déja rang de fille legitime ; aprés tout il n’est pas croyable que la Coûtume ait eu l’intention d’autoriser les plaintes d’une fille legitimée, pour trous bler le repos des autres enfans legitimes ; il étoit juste qu’elle portât toûjours quelque marque de l’intemperance de son pere : Il s’observoit autrefois que la legitimation per subsequens matrimonium, n’étoit qu’à l’égard de l’Eglise et pour le repos de la conscience du pere ; mais elle n’avoit point lieu pour les effers civils, le droit Canon ne pouvant avoir de force et d’autorité, vû même qu’il est étrange de voir par ce droit Canon un enfant même adulterin legitimé per subsequens matrimonium : Par Arrest en la Grand : Chambre du premier de Février 1646. on luy ajugea mariage avenant, pour l’arbitration duquel les parties furent renvoyées devant les parens Arrest pareil du Parlement de Paris dans le Journal des Audiences, l. 5. c. 18 La piuspart des Coûtumes qui contiennent une disposition pareille à cet Article ne parlent que du pere, ce qui a fait une dispute entre nos Auteurs, pour sçavoir si la Coûtume ne parlant que du pere, qui peut exclure de sa succession la fille qu’il a mariée et dotée, se doit entendre de l’ayeul : La raison de douter est que expresso Statuto persona in materia exorbitante non xpressas excludunt, sic ut extensio de persona ad personam fieri nequeat, sed casum potius à statuto omism videri volunt. Mr d’Argentré , Article 224. gl. 2. Nôtre Coûtume a prévenu toutes ces difficultez, ayant parlé du pere et de la mère, et dans l’Article suivant elle a usé du mot l’ancesseurs, qui comprend tous les ascendans,
On donne bien cette liberté aux frères de marier leurs seurs de meubles ou d’héritages, mais il ne leur est pas permis de ne leur donner rien, quoy que d’ailleurs elles fussent mariées à une personne d’une condition égale, ce qui se prouve par les paroles de cet Article ; car étant dit qu’il les peut marier de meubles ou d’héritages, il s’ensuit qu’il est tenu de leur donner l’un ou l’autre, et la Coûtume n’a pas dit en cet Article comme dans le précedent, et si rien ne luy a été promis rien n’aura, ce qui est tres-juste, et l’experience confirme assez que l’on ne doit pas se promettre tant d’affection de la part des freres envers leurs seurs.
Sur cet Article on a formé ces trois questions, si la seur mariée par son frere peut demander un mariage plus grand que celuy qui luy a été donné ; La seconde, si les fteres sont obli-gez solidairement au mariage : Et la troisiéme, s’ils peuvent bailler du fonds en payement du nariage avenant qui leur est demandé par leurs seurs
CCLIII.
Fille mariée ne peut rien demander à l’héritage de ses antecesseurs, fors. ce que les hoirs mâles luy donnerent et octroyerent à son mariage.
Cet Article est entièrement inutile, vû qu’il suffisoit de l’Article 250. pour la question que traiteBerault , si les filles sont tenuës aux dettes : Il faut tenit qu’à l’égard des heritiers elles n’y sont aucunement obligées, mais à l’égard du creancier, si on leur avoit baillé quelque effet immobiliaire de la succession pour leur mariage avenant, elles pourroient être poursuivies aypothecairement ; voyez Mr d’Argentré , Article 225. gl. 3. n. 2.
CCLIV.
Revocation des donations excessives faites par les pere et mère à leurs filles.
Si pere et mere ont donné à leurs filles, soit en faveur de mariage ou autrement, héritages excedans le tiers de leur bien ; les enfans mâles le peuvent revo-quer dans l’an et jour du décez de leurdit pere et mere, ou dans l an et jour de leur majorité ; et se doit faire lestimation dudit tiers, eu égard aux biens que le donateur possedoit hors de la donation, et où la donation seroit faite du tiers des biens presens et avenir, l’estimation dudit tiers se fera eu égard aux biens que le donateur a laissez lors de son decez.
On peut dire de cet Article ce que Mr’d’Argentré disoit de l’Article 224. de sa Coûtume, qui contenoit une disposition pareille à la nôtre, que c’étoit une pepiniere de procez, et par cette raison il le fit abolir ; en effet cette matière de la revocation et de la reduction des dons et des promesses faites par les peres à leurs filles en les mariant, est un sujet fort ordinaire de broüillerie.
La Coûtume d’Anjou en l’Article 241. permet, comme la nôtre, au pere noble de ne donner rien à sa fille, et de la marier pour un chapeau de roses, pourvû qu’elle soit emparagée noblement, mais elle luy donne aussi ce pouvoir de luy donner plus grand mariage avenant, et il luy peut donner la tierce partie de sa terre, ou chose immeuble, bien qu’il ne luy en appartint par succession que le quart quint, sixième ; septiéme, plus ou moins en mariage ; puisque la Coûtume remet à la prudence des peres de marier leurs filles sans leur rien donner, parce qu’elle présume qu’il ne sera jamais asses inhumain de la pourvoir desavantageusement, pour se difpenser de luy faire part de son bien et l’user de quelque liberalité envers elle, il eût eté juste de luy laisser cette liberté de faire quelque effort et de leur donner quelque chose au-de-là de ce qui leur appartient pour les placer avec plus d’avantage ; néanmoins la Coûtume reglant la portion des soeurs au tiers de la succession, quelque nombre qu’elles soient, il n’est point permis aux peres d’exceder ces bornes, et leurs fils sont autorisez par cet Article à revoquer ce qu’ils ont fait au de-là de leur pouvoirPour l’explication de cet Article on peut examiner ces points : Premierement, en quel cas les freres peuvent revoquer les donations d’héritages faites par les peres et meresà leurs filles Secondement, si cette liberté est artachée à la personne des frères, et si leurs tureurs s’en peuvent dider : En troisième lieu, dans quel temps se doit faire la revocation : Et enfin si pour connoître l’excez de la donation, l’estimation se doit faire selon les biens que le donateur possedoit au temps. de la donation, ou selon les biens qu’il a laissez lors de son decezS Si la donation de tous biens presens et avenir est bonne ; Voyez Godefroy : Mr d’Argentré , Art. 18. gl. 5. n. 22. et Art. 20. gl. 3.Chenu , 4. 89.Charondas , en ses Réponses, l. 6. c. 57.Loüet , 1. D. n. 10. et 46.
Il est sans doute que la donation d’héritages du pere à sa fille peut être revoquée par le freren lorsqu’elle excede le tiers ; cependant plusieurs Praticiens s’étoient persuadez que le frere ne pouvoit demander cette reduction qu’en donnant à sa soeur la même portion qu’elle auroit euë, si son pere l’avoit expressément reservée à partage, ce qu’ils appeloient rappel a partage : ce fut le sujet d’un grand procez entre Mre Michel Baiberie, sieur de S. Contest, Maître des Requêtes, et les sieurs de Tilly et de Cagny. Tobie Barberie donna par son testament cent mille livres à chacune de ses trois filles ; Jean Blondel, Ecuyer, sieur de Tilly, et Loüis Ménage, Ecuyer, sieur de Cagny, ayans épousé les deux ainées, demanderent au tuteur de Mr de S. Contest sieur frete, les cent mille livres pour chacune, suivant le testament de leur pere ; le tuteur ayant prétendu que le pere avoit donné plus que le tiers de son bien, il se passa un expedient entre luy et les sieurs de Tilly et de Cagny, par lequel ils consentoient que le bien fût estimé : l’estimation ayant été rapportée à la Cour on soûtint qu’il faloit faire une distinction des biens, car comme lorsque la seur est reçûë à partage elle a une part égale à ses freres aux meubles et aux biens situez en bourgage, aussi pour juger de l’excez de la donation il faloit garder la même proportion et discuter, si en donnant aux seurs une part égale à celle du frère aux meubles et aux biens situez en bourgage, et le tiers aux autres biens, cette part ne reviendroit pas à la somme que leur pere avoit arbitrée par son testament, les soeurs soûtenans qu’il en faloir user. de la sorte, ou les rappeser à partage ; car le pere ayant ce pouvoir de les reserver à sa succession, il avoit pû arbitrert leur mariage avenant jusqu’à la concurrence de ce qui leur eût appartenu s’il les avoit reservées à partage, comme il auroit pû le faire, le frère n’étant recevable à contrédire la volonté de son pere qu’à cette condition : Sur cette contestation on donna un Arrest en la Chambre de l’Edit le mois de May 1653. par lequel la donation fut reduite au tiers, tant du meuble que de l’immeuble.
Les sieurs de Cagny et Blondel se pourvfirent contre cet Arrest par Requête civil sous le nom de leurs femmes, qu’ils autoriserent pour cet effet, et depuis-ils se pourvûrent aussi de leur chef eontre cet Arrest qui contenoit plusieurs autres chefs dont ils se plaignoient ; mais toure la conrestation tomba sur ce point, sçavoirsi lefils, qui contredit l’arbitration faite par le pere du ma-riage de ses filles, est tenu de les recevoir à partage, ou s’il doit leur paver seulement le tiers, tant du meuble que de l’immeuble : Alain Avocat difoit pour la Dame de Tilly qu’en cette Province on n’avoit jamais douté que le fils ne pouvoit contester farbitration du mariage de ses seurs faite par le pere, qu’en les rappelant à partage ; car puisque le pere pouvoit la reserver à partage, il nepouvoit être empesché de luy donner autant qu’elle auroit eu par le partage, ce qui n’étoit point contraire aux Articles 254. et 255. quand la Coûtume dispofe que la donation se reduit au tiers, tant du meuble que de limmeuble, cela s’entend des biens qui ne sont point situez en bourgage, et comme il y a fort peu de biens en bourgage, et que les filles reservées à partage n’ont que le tiers aux biens situez hors bourgage, la Coûtume s’étoit expliquée en termes. generaux pour la reduction au tiers, parce qu’ordinairement les filles même reservées n’ont pas davantage ; mais ayant fait depuis une exception en l’Article 270. et donné par iceluy aux filles reservées une part égale aux freres dans les biens de bourgage, on ne pouvoit entendre cet Article pour la reduction au tiers que des biens hors bourgage : et pour montrer que la Coûtume doit s’expliquer de cette sorte, on apprend par l’Article 269. que les soeurs, quelque nom-bre qu’elles soient, ne peuvent avoir que le tiers, et cependant cela n’est pas véritable, car lorsqu’elles sont refervées à partage elles ont la moitié aux biens de bourgage ; comme donc cet Article reçoit une exception par l’Article 270. ainsi les Articles 254. et 255. doivent être expliquez et conciliez par ce même Article, comme étant une exception des precedens. Mautry soûrenoit au contraire pour le sieur de S. Contest, que dans toute létenduë de la Coûtume on ne pouvoit trouver ce rappel à partage, au contraire elle s’étoit nettement expliquée dans l’Article 255 cet Article ayant reduit la donation du pere jusqu’à la concurrence du tiers du meuble et de lim meuble, que tous les mots de l’Article étoient importans ; ces mots Cjusqu’à la concurrence du tiers ) s’entendoient de la valeur du tiers : les seurs donc n’avoient point de partage, mais seulement le tiers, que c’étoit une regle que les seurs ne pouvoient jamais avoir plus qui le tiers, si elles n’étoient reçûës ou reservées à partage, et c’étoit le sens de l’Article 27os s que les seurs partageoient également les héritages en bourgage, au cas où elles fussent reçûës à artage, d’où il s’enfuit qu’elles ne peuvent avoir cette part égale en bourgage, que dans le seul pas de la reservation à partage ; je plaidois pour le sieur et la Dame de Cagny, qui prenoit les mémes conclusions que la Dame de Tilly fa femme : La cause fut appointée au Conseil, et depuis ayant été évoquée et renvoyée en la Chambre de l’Edit du Parlement de Paris, il intervint Arrest qui mit sur la Requête civil les parties hors de Cour ; en ce même temps on plaida cette même question en l’Audience de la Grand-Chambre : De la Mare avoit donné par son testament à une de ses filles sorties de son premier mariage, la somme de cinq mille livres : aprés sa mort sa vereuve, tutrice de leurs enfans, contestoit le payement de cette somme, consentant de payer à toutes les filles le tiers, tant du meuble que de l’immeuble : la seur l’empeschoit par deux raisons la premiere, que la tutrice n’avoit pas le pouvoir de contrédire la volonté du pere, que la Coûtume nedonnoit cette faculté qu’au fils devenu majeur ; et la seconde, que si l’ainé refusoit d’exe-cuter l’arbitration faite par le pere, il faloit la recevoir à partage : Par Arrest du 18 d’Aoust 1654. il fut dit que la somme de cinq mille livres demeureroit entre les mains de la veuve pour en payer l’interest au denier vingt, sauf aprés la majorité du frère à rappeler sa soeur à partage. Cet Arrest semble avoir jugé ces deux questions ; la premiere, que ce n’est point au tuteur à contredire l’arbitration faite par le pere, que cela n’appartient qu’au frère ; et la seconde, qu’il ne suffit par d’offrir le tiers de tout le bien, mais qu’il faut rappeler la seur à partage ; ce qu’il y a de particulier en cet Arrest, c’est qu’il fut donné sur les conclusions de Mr Hué, qui tachoit d’avoir un Arrest qui préjugeât la question en faveur du sieur de Tilly, son parent. Aussi suivant le sentiment commun quand le pere a simplement donné, sans reserver la fille à partage, la donation se reduit au tiers de tout le bien, et les peres prudens ne manquent jamais d’ajoûter qu’en cas que les freres contestent la donation, ils reservent leurs filles à partage.
Et il n’est pas véritable que cette faculté de revoquer soit personnelle au frere, le tuteur peut intenter laction en reduction ; et en effet en l’Arrest du sieur de Saint Contest, laction. avoit été formée par son tuteur, la question s’en offrit en la Grand. Chambre entre Pierre Poret et Denise des Planches. On soûtenoit contre un tuteur qu’il faloit attendre la majorité du frere, illud arbitrio fratris relinquendum, que la pieté naturelle le porteroit à reverer les sentimens de son pere, de sorte qu’encore qu’un tuteur pût exercer cette action, honestè tamen ervanda erat arbitrio pupilli ; par argument de la l. 12. 8. 3. ff. de admin. tutel. cependant comme elle est introduite en faveur du frere il recevroit du préjudice, si durant sa minorité son tureur ne la pouvoit exercer, les interests étant payez d’une promesse excessive : Par Arrest du t4 de Mars 1673. il fut jugé que le tuteur pouvoit revoquer, plaidans de Cahagnes et Greard Il arrive souvent que les freres signent aux contrats de mariage de leurs seurs mariées par le pere, et on a douté si cette signature des freres les excluoit de demander la revocation : Robert du Bois, sieur de Breteville, avoit non seulement signé au contrat de mariage de sa seur avec Auguste de Cairon, il favoit même ratifié volontairement deux jours aprés la mort. du pere et fait quelques payemens ; il obtint en suite des lettres de restitution qui furent enterinées, dont Cairon ayant appelé il opposoit à du Bois que cessant son consentement et son approbation il n’auroit pas contracté mariage : qu’il étoit majeur, et qu’il étoit obligé de s’informer de la valeur des biens de son pere, n’alléguant point de menaces ni de contiainte ; au contraire depuis la mort du pere il avoit ratifié volontairement la donation et entré en payement, ce qui le rendoit non recevable. Du Bois répondoit que sa signature au contrat de mariage ne lengageoit point, parce qu’il ne pouvoit pas sçavoir si la promesse du pere êtoit excessive, ne connoissant pas ses facultez ; et comme le pere ne peut donner à ses filles plus que le tiers de son bien, le consentement du frère durant la vie de son pere ne peut valider ces donations ; que la ratification aprés la mort du pere n’étoit point considérable, ayant été faite deux jours aprés sans connoissance de cause, et lorsqu’il ignoroit les forces de la succession : Par Arrest en la Grand. Chambre du 14 de Mars 1653. la Sentence fut confirmée ; mais il faut que le frere forme l’action en reduction dans l’an et jour, autrement il n’y est plus recevable, suivant l’Arrest remarqué par Berault sur cet Article. On jugea d’une autre manière en la Chambre des Enquêtes sur ce fait particulier entre les nommez Surdebled, au Rapport de Mr de Cambremont, en l’année 1650. Un frère qui avoit du bien en son particulier s’étoit obligé par une promesse faite à part au payement de trois cens livres de rente que le pere donnoit à sa fiile pour son mariage, il fut condamné de faire valoir sa promesse, quoy qu’il offrit de la rappeler à partage, mais le frere êtoit obligé par une promesse separée du contrat.
Pour parvenir à cette revocation la Coûtume impose aux freres cette nécessité, de la declarer dans l’an et jour du décez du pere, ou dans l’an et jour de leur majorité ; mais par l’Article 48. du Reglement de l’an 1666. la Cour y a ajoûté cette autre condition, qu’ils doivent. faire inventaire des écritures et des meubles : Cependant comme on n’ordonne point aux freres d’y appeler leurs soeurs, ou leurs maris, l’on peut revoquer en doute s’ils sont sujets à cette formalité, et si faute par eux de l’avoir gardée ils sont non recevables à revoquer les donations faites par leur pere à leurs seurs ; Il est certain qu’avant le Reglement de l’an 1666. c’étoit une maxime confirmée par plusieurs Arrests, qu’il ne suffisoit pas que les freres eussent fait inventaire des écritures et : des meubles, ils étoient encore indispensablement obligez d’y appeles leurs seurs pour la conservation de leurs interests ; néanmoins la Cour, qui n’ignoroit pas cette jurisprudence, n’ayant point enjoint d’autre condition aux freres que de faire un inventaire, on peut soûtenir avec apparence que cela suffit, et qu’il n’est point necessaire d’interpeller la seur d’y être presente ; mais bien que l’on n’ait pas employé dans l’Article du Reglement que les freres appelleront leurs seurs aux inventaires, et leur designeront le jour auquel elles pourront y assister, il n’est pas vray-semblable que la Cour les ait dispensez de cette obligation, là raison est que la Cour leur prescriroit inutilement de faire un inventaire s’ils pou-servoient y proceder en l’absence de leurs seurs ou de leurs matis, puisque pouvant enlever les meubles les plus precieux et les titres les plus importans, ils rendroient aisément illusoire cette précaution de la Loy : ainsi l’on peut dire que la nécessité de faire inventaire emporte l’obligation d’y appeler les seurs, parce que cette formalité ne leur étant commandée que pour les empescher de se saisir des effets de la succession, pour se mettre à couvert de ce reproche et faire cesser les plaintes des seurs, elles doivent être interpellées d’être les témoins de leur conduire et de leurs actions. Il restoit encore cette difficulté, sçavoir dans quel temps il faut proceder à la confection des inventaires : Du Val en matiant sa fille à Gots luy promit treize mille ivres, il en paya huit mille livres, et son gendre luy donna une promesse de ne demander les éinq mille livres restantes qu’aprés sa mort. Du Val par une espèce de testament pria ses fils de laisserous les meubles à leur mêre, ce qu’ils consentirent : Gots, nonobstant sa promesse, demanda les cinq mille livres, et du Val étant mort le 2é d’Octobre 1661. Rupierre, tuteur des enfans de Gots, fit ajourner les frères le r6 de Decembre suivant pour être payé des cinq mille livres ; il ne se fit presque point de poursuite que le 12 de Mars 1662. et alors les freres déclarerent qu’ils rappeloient à partage les enfans de leur seur. Le tuteur leur opposa la fin de non recevoir, pour n’avoir point fait. d’inventaire incontinent aprés la mort de leur pere. Il fut dit que le tuteur passeroit sa declaration, s’il acceptoit la succession ou s’il y renonçoit ; et par une autre Sentence il fut jugé que l’inventaire seroit fait, ce qui fut confirmé par le Bailly d’AlençonDe Freville, pour le tuteur appelant, soûtenoit que l’inventaire avoit dû être fait incontinent aprés la mort du pere, ce qu’il prouvoit par deux moyens : Le premier, par l’exemple de l’heritier beneficiaire, qui doit aprés quarante jours faire proceder à la confection de l’inventaire : Le second, par l’Article 341. suivant lequel l’ainé doit faire bon et loyal inventaire incontinent aprés le décez du pere. Je répondois pour du Val que comme on faisoit une grace à l’heritier beneficiaire de pouvoir prendre une succession sans être tenu des dettes, outre les forces de la succession, il étoit raisonnable, pour éviter aux substractions, qu’il procedat promptement à la confection des inventaires ; mais l’heritier absulu n’étoit point en obligation de faire d’inventaire s’il ne vouloit que dans la rigueur même les quarante jours ne seroient pas expirez, car le delay ne commence à courir que du jour que les lettres da benefice d’inventaire ont été enterinées, ce qui emporte plus de six mois, ainsi les freres seroient encore dans ce terme-là ; aprés tout que suivant cet Article les freres ont l’an et jour pour revoquer les donations d’héritages faites à leurs. loeurs, et par le suivant il n’y a point de temps préfix : or comme les enfans de leur seur ne demandent que du meuble, l’exception a la même durée que la demande, et ne peut être éludée par la non tonfection d’inventaire, pourvû que les freres n’ayent point mis la main à la chose, et puisqu’on a l’an et jour pour revoquer, à plus forte raison on doit avoir ce temps utile pour proceder à la confection des inventaires, il est vray que par l’Article 341. l’ainé est en obligation de faire inventaire incontinent aprés le decez du pere ; toutefois la Coûtume ne luy impose point de peine pour ne l’avoir pas fait ; mais la raison de cet Article est que la Coûtume luy donnant la saisine de la succession, il est juste que pour la conservation de l’interest de ses freres il fasse un inv en taire, et toutefois l’action pour ne l’avoir pas fait n’appartiendroit qu’aux freres, et non aux soeurs qui ne sont pas heritieres, et à leur égard lorsqu’il s’agit de revoquer les dons qui leur ont été faits, il suffit de garder l’ordre prescrit par cet Article et par les Reglemens, or on n’y trouve point qu’il soit necessaire de proceder aux inventaires dés le moment du decez du pere : Par Ar rest en la Chambre de l’Edit du 17 de Decembre 16é4. on mit sur l’appel hors de Cour.
Cet Article ne parle que des freres. On demande si un ayeul ayant donné à sa petite-flle en la mariant une terre ou des rentes, le pere survivant qui n’y a pas consenti pourroit revoquer la donation faite à sa fille ou la reduire à la legitime : Mr d’Argentré traite cette question sut lArticle 224. de l’ancienne Coûtume, gl. 2. n. 3. et son raisonnement est que ce qui a été donné à la petite-fille est reputé proceder de la substance du pere, ex substantia patris videtur profectum, et par consequent que la fille ne peut avoir que la part qu’il plaist à son pere, à quo neptis prasum otione juris habere videtur, et reverâ habet, cum immediatâ contemplatione ejus habeat, itaque nolent eohabere non potest, quod non nisi ab eo habet, & potest pater qui non corsensit, ad minorem redigere aut aequalem cum cateris, nec avi voluntatem necessario sequetur. Et j’estime que parmy nous l’opition de Mr d’Argentré seroit suivie, encore même que l’ayeul eut donné de l’argent comptanti si le pere donne à sa fille plus que sa legitime il ne peut pas de son vivant revoquer la donation, oi la rendre illusoire en se dépoüillant de son bien pour en faire avancement à ses autres enfans : Un pere étant redevable de plusieurs arrerages à ses gendres pour les rentes dotales qu’il leur avoit promises, se démit de tout son bien sur ses fils, qui déclarerent aussi-tost à leurs seurs qu’ils les recevoient en partage, alléguans que s’ils étoient condamnez de payer les arrerages, elles pourroient decreter le bien de leur pere, ce qui les priveroit de sa succession, et seroit irreparable s’ils attendoient aprés sa mort à former leur action. Les seurs demeuroient d’accord que la reduction pour le principal pouvoit être demandée, mais pour les arrerages que le pere ne pouvoit les en frustrer par cette voye indirecte d’un avancement de tout son bien à ses fils Par Arrest du 1é de May 1é34. il fut permis aux filles d’executer puur les arrerages sur les meubles et les fruits de la succession, sons neanmoins pouvoir decreter les héritages, fauf aux frere aprés la mort du pere à demander la reduction des promesses de mariage. Pareille question fut jugée entre Anquetil et Quevillon. Anquetil luy avoit promis en luy mariant une de ses filles cent livres de rente, étant poursuivi pour les arrerages il declara qu’il abandonnoit tout son bier à ses filles, en luy payant une pension alimentaire, et en même temps il fit presenter ses filles qui n’étoient point mariées pour demander leur legitime, et pour les rendre plus favorables il leur avoit fait un avancement de succession. Quevillon soûtenoit qu’il n’étoit pas récevable à demander la reduction de sa promesse, que cet avancement qu’il faisoit n’étoit que pour éluder l’effer de son obligation la plus favorable du monde, puisqu’il s’étoit marié sous l’esperance d’icelles si néanmoins il vouloit luy abandonner tout son bien, il offroit de le nourrir et de l’entretenir et de payer à son beau-frere les quatorze livres. de rente qu’il leur avoit promises, comme aussi de payer pareille somme aux filles qui n’étoient point mariées :. Par Sentence du Juge de Vallognes on avoit dit à tort l’opposition du pere, et on luy avoit ajugé cinquantelivres par an, dont ayant appelé, par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 18 de Janvier 1670o. la Sentence fut confirmée, si mieux n’aimoit le pere et son premier gendre abandonner le bien Quevillon, lequel en ce cas seroit tenu de nourrir le pere et de payer au gendre les quarorze livres de rente qu’on luy avoit promises, et pour les filles non mariées, qui s’étoient presentées en la Cour, on ordonna qu’il leur seroit pourvû par le Juge, et en attendant qu’elles seroient payées de quatorze livres de rente chacune ; on voyoit une conjuration de toute la famille, afin que Quevillon ne fût point payé, plaidans Poulain pour le pere, Jobard pour les filles, et moy pour Quevillon intimé.
Catherine de la Haye, veuve de Pierre Mautrot, en matiant Catherine Mautrot sa fille à Jean de Bray luy promit dix-sept livres de rente : pour le payement de cind années d’arrerages il fit sommer en decret sa belle-mere, laquelle ayant opposé contre cette sommation. elle avoit été confirmée. Sur l’appel de Catherine de la Haye, Greard concluoit, vs sa declaration qu’elle abandonnoit son bien à ses enfans, que la sommation en decret devoit être cassée, et à elle permis de se faire payer de la provision que la Cour luy ajugeroit, sauf à ses enfans à partager comme ils aviseroient bien. De l’Epiney pour Antoinette et Marguerite Mautrot, autres filles, se joignoient à leur mere et demandoient que partages fussent faits, sans avoir égard aux avancements indirects, n’étans pas ôbligées de payer aucune chose des arrerages échus, De Cahagnes disoit qu’en luy payant ses arrerages il consentoit d’entrer en partage : Par Arres du s de Mars 1671. on mit l’appellation et ce dont, et en rpformant, aprés la déclaration de adite de la Haye qu’elle abandonnoit sa succession, il fut dit qu’elle seroit partagée, et on luj ajugea cinquante livres de pension, sur laquelle il seroit payé à du Bray dix livres par an en déduction de ses arrerages : Il est certain que le gendre ne pouvoit decreter, et qu’il faut toûjours laisser au donâteur dequoy subsister. Autre Arrest du 12 de May 1676. Varin, sieur ne de S. Quentin, donna à Françoise Varin sa fille, en la mariant à du Val, quatre mille deux cens livres, constituées en trois cens livres de rente : cette fille ne pouvant être payée des arrerages de cent vingt livres qui étoient encore dûs par le pere, elle fit saisir ses meubles et ses levées : le pere pour se décharger du payement de ces arrerages fit un avancement de sucression à son fils et à ses filles, à condition de payer toutes ses dettes, dont il y en avoit de posterieures au mariage de la fille ; elle ne voulut point accepter cet avancement, comme étant fait en fraude : Par Sentence il fut dit que sans y avoir égard elle seroit payée : Sur l’appel, Theroulde Avocat du pere ne conclud point l’appel, mais il continua à faire les mêmes offres. Greard répondoit pour la fille, que cet avancement ne pouvoit être accepté par elle, n n’étant pas en état de faire valoir ce qui luy seroit baillé, que c’étoit un artifice. de son frère se pour faire payer des dettes dont il étoit caution ; mais elle consentoit que du nombre des arregages dont elle pourroit se faire payer aprés le payement des dettes anterieures à son mariage, il en fût pris le tiers pour la nourriture de son pere, ce qui fût ainsi jugé La Coûtume en cet Article aprés avoir appris aux fretes ce qu’ils devoient faire pour parvenir à la reduction des promesses excessives du pere en faveur de sa fille., elle declare en suite de quelle maniere on doit faire l’estimation des biens du pere pour connoître fa si-ce qu’il a promis excede le tiers de son bien ; pour cet effet elle fait cette distinction, que i l’estimation du tiers se doit faire eu égard’aux biens possedez par le pere lors de la donation : mais où la donation seroit faite du tiers des biens presens et avenir, l’estimation se fera eue gard aux biens que le donateur possedoit lors de son decez.
C’est une question fort debatue entre nos Docteurs, si pour juger de l’excez d’une donation on doit considerer le temps du contrat ou le temps de la moit du donateur s On a fait une première distinction entre les donations faites à un étranger et celles faites à la fille pour sa dot ; et à l’égard des filles, les opinions sont fort opposées pour sçavoir si la dot de la fille doit être augmentée ou diminuée pour l’accroissement ou pour la diminution des biens du pere EtBoërius , Dec. 62. conclud que filia sufficienter dotata, si pater postea locupletior fiat, non potest petere amplius. Et à l’égard de la donation faite à l’étranger par un contrat, que suivant la l. Rutilia ff. de contract. empt. on considere la valeur des biens au temps du contrat, nec enim actus consummati vitium recipiunt à consequutis. l. Sancimus. S. Siquis autem per diversa C. de Don. le Et sur ce principeBartole , l. si ita. ff. de aug. et arg. leg. à tenu que legitimia postea diminutis b bonis diminui non debet.
Mr d’Argentré , Art. 218. gl. 5. n. 18. et suiv. a fait cette distinction, où l’on a donné un vertain bien, ou une certaine quantité de biens, comme du tiers ou de la moitié, aut donatiè acta est certa rei, certae speciei, dut quotae bonorum, quod in specie donatur per se suis finibus et loco descriptum nec incrementum, nec decrementum recipit. Ainsi pour connoître s’il excede ce que la Coûtume permet de donner, l’estimation en doit être faite selon la valeur au temps de la donation. Il n’en est pas de même quand la donation est faite d’une certaine quotité de biens comme du tiers, du quart, ou du quint ; car en ce cas si la donation n’est expressément restreinte et limitée aux biens que le donateur possede, cette donation sera réglée selon la Jaleur des biens du donateur au temps de sa mort, quia nomen quota augmentum et decrementum recepit bonorum : nam cum prohibitio donandi ultra mortem apponatur respectu heredis, id tempus pectandùm est quo nomen, jus et actiones heredum in actibus exeunt. Il semble d’abord que la Coûtume ait suivi cette distinction : cet Article parle de, certains corps, de certaines especes t de biens, si le pere ou la mere ont donné des héritages excedans le tiers, c’est pourquoy l’estimation en doit être faite selon les biens que le donateur possedoit au temps de la dona-tion. On peut meanmoins induire de cet Article que quand la donation est faite simplement d’une quorité, du tiers ou du quart des biens, cette quotité doit se regler selon les biens que se donateur possedoit au temps de la donation, et il n’est point necessaire d’exprimer que la donation est faite du tiers des biens que le donateur possede presentement, et c’est aussi l’opinion commune des Docteurs qui peut être confirmée par la disposition de cet Article, où pour établir cette distinction il estAûjoûté que si la donation est faite des biens presens et avenir, c l’estimation se fera selon la valeur des biens du donateur au temps de la mort ; d’où il resulte que suivant cet Article quand le donateur donne simplement certains biens ou le tiers de ses biens, l’estimation pour connoître l’excez doit être faite selon la valeur des biens au temps du contrat, si au contraire la donation est faite du tiers de tous les biens presens et avenir, on considère la valeur au temps de la mort du donateur.
L’alienation faite par la seur ou par son mary de l’héritage qu’elle avoit eu de son pere n’empesche point l’action du frere, il peut déposseder l’acquereur qui ne peut luy objecter qu’il est heritier de son père ; car nonobstant cette qualité, le fils peut toûjours faire annuller e que son pere a fait à son préjudice contre la prohibition de la loy.
CCLV.
Et s’ils ont promis au mariage de leurs filles or, argent, ou autres meubles qui soient encores dûs lors de leurs decez, les enfans ne seront tenus les payer aprés la mort desdits pere et mére sinon jusqu’à la concurrence du tiers de la succession, tant en meubles qu’héritages.
Dans l’Article précedent la Coûtume accorde aux freres la revocation des donations d’heri tages faites par les peres et meres à leurs filles, quand elles excedent le tiers des biens du donateur ; par cet Article si les peres et meres oni promis or, argent, ou autres meubles qui soient encores dûs lors de leurs decez, les enfans ne sont tenus de les payer, sinon jusqu’à la concurrence du tiers de la succession, tant en meubles qu’herita : s.
Pour l’explication de cet Aiticle il est utile de discuter ces questions : Si les freres doivent demander cette reduction dans l’an et jour de la mort du pere ou de leur majorité, comme en l’Article précedent : Si les rentes constituées sont comprises fous cet Article : Si les freres peuvent demander la reduction de ce qu’ils ont eux. mêmes promis ; Si cet Article, a lieu contre les filles reservées à partage ; Si l’on peut demander le rapport de l’or, argent, ou meubles qui ont été payez quand ils excedent la valeur du tiers : Et enfin. de quel temps il faut faire l’estimation pour parvenir à cette reduction
La Coûtume n’ayant point limité de temps dans lequel les freres soient tenus de demander ette reduction, comme elle a fait dans l’Article précedent pour la revocation des donations. d’héritages, il faut tenir qu’ils ont une exception pei petuelle pour se défendre du payement de ce que leur pere a promis, ce qui paroit par ce2 paroles ; ne seronu-tenus de payer. Elles marquent que les freres ne sont obligez de se défendre que quand ils sont attaquez, Loysel C’est la jurisprudence des Arrests : Loysel promit à sa fille en la mariant à Rufin deux cens cinquante livres, il en paya cinquante livres comptant, et pour les deux cens livres restants à promit de les payer dans deux fois six mois, et cependant qu’il en payeroit l’interest : son fils étant poursuivi pour les arrerages des quatorze livres de rente demanda la reduction des promesses de mariage ; on luy opposoit qu’il n’avoit point agi dans l’an et jour, et que cet Article ne pouvoit être entendu que des meubles et non des immeubles ; car il ne parle que d’or, d’argent, et de meubles : On avoit ordonné que l’estimation des biens du pere seroit faite eu égard au temps de la donation, la Sentence fut infirmée en ce cher, et il fut dit que l’estimation seroit faite felon la valeur au temps de la mort du pere. Au surplus on disoit qu’aprés l’an et jour les freres ne pouvoient plus revoquer la donation des héritages dont leurs seurs étoient en possession s’agissant de leur profit, et de lucro captando, ils doivent veiller et imputer à leur negligence s’ils laissent écouler le temps fatal ; mais quand il étoit dû quelque chose, soit meuble ou immeuble, les fteres ont une exception préparée, nam que temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum : Par Arrest, en la Chambre des Enquêtes, du Loysel 29 de Mars 1645. au Rapport de Mr de la Place, l’exception de Loysel fut jugée raisonnable.
Il y avoit eu un Arrest pareil, au Rapport de Mr Clement, du mois de Jaillet 1644. entre François de la Grange appelant, et Loüis le Normand intimé. Valeran de la Grange avoit promis au Normand pour le mariage de sa fille trois cens livres, pour le payement de cette somme l s’étoit obligé de l’acquitter de dix-huit livres de rente, ce qu’il ne fit point ; le Normand fut contraint de payer deux années d’arrerages échûës durant la vie de son beau-pere, et la troisième année étant échûë la veuve de Valeran de la Grange luy fit une obligation de cinquante-quatti divres : cette veuve étant arrétée pour cette somme François de la Grange son fils la cautionna, et peu de jours aprés il obtint des lettres de restitution contre ce cautionnement, et demanda la reduction de la dot comme excessive ; on le soûtint non recevable pour avoir en quelque sorte ratifié la donation par son cautionnement, il fut reçû neanmoins à faire réduire cette promiesse de mariage : ainsi il fut jugé qu’encore que les rentes soient immeubles il n’est pas necessaire de demander la reduction dans l’an et jour ; cela me semble sans difficulté, quand les rentes son dûës par la succession du pere, mais si le pere avoit cedé des rentes sur des particuliers pour le payement de la dot de sa fille, je penserois que ces rentes seroient de la même condition que les héritages, et qu’il seroit necessaire d’en demander la reduction dans l’an et jour, car alors le frere n’y viendroit point par exception, mais par action.
La reduction ne peut être demandée par les freres que pour les dons et promesses faites par E leurs peres, car ils ne peuvent venir contre leur propre fait, l’excez qui s’y rencontre n’étant s point considérable, ayant pû donner à leurs seurs plus qu’il ne leur appartenoit, ce qui a été jugé même contre un mineur. Un frere êtoit demandeur en récision contre une donation de sept mille livres, qu’il avoit faite à sa seur en la mariant, il se fondoit sur sa minorité, et offroit de la recevoir à partage : La soeur remontroit qu’elle avoit été mariée du consentement de sa mere et de ses parens, qui avoient estimé son mariage avenant, que le frere ne pouvoit avoir été trompé, ayant donné depuis six mille livres à une autre seur, qui étoit une condition beaucour meilleure, parce qu’elle avoit reçû cette somme ; au contraire il ne luy avoit été rien payéi et que cet Article s’entendoit des peres et non des freres : Par Arrest de l’ir d’Aoust 1612. le frere fut debouté de ses lettres de récision
Cet Arrest, à mon avis, ne peut être tiré en consequence ; on présumoit par le mariage que de frere avoit donné à son autre foeur, que la lesion dont il se plaignoit n’étoit pas considérable, et d’ailleurs le mariage avoit été arbitré par la mere et par les parens, cessant quoy l’on ne pourroit p refuser au mineur le benefice de restitution, sur tout offrant de recevoir sa seur à partage.
Cet Article qui reduit les donations au tiers de la valeur de la succession, tant en meubles e qu’héritages, n’a point lieu contre les filles reservées à partage, en ce cas elles ont une part égale. aux freres aux meubles et aux biens qui sont en bourgage : celles qui ont été mariées et payées de leur dot en argent ou autres meubles, sont pareillement à couvert de cette reduction, ce qui, est clair par les paroles de cet Article, s’ils ont promis or, argent ou meubles, qui soient encore dûsi lors de leur decez : Cette action donc ne peut être formée que pour ce qui reste dû au temps de et la mort du pere, et non point pour ce qui a été payé suivant l’Arrest cité par Berault Pour l’estimation elle doit être faite, ayant égard à la valeur des biens au temps de la mort du pere ; cet Article le décide assez expressément, en disant que la fille ne peut avoir, sinon jusqu’ào a concurrence du tiers de la succession ; ce mot ssuccession, marque que c’est aprés le decez du pere ou de la mere : c’est aussi la jurisprudence des Arrests, comme on l’apprend par celuy de Loysel Loysel rapporté cu-dessus. Autre Arrest du 4 de May 1665. au Rapport de Mr Brice, entre li Demoiselle de Tibermont et ses freres, par lequel il fut dit que l’estimation des biens seroit faite selon la valeur au temps de la mort du pere ; il fut aussi jugé que l’intervention de l’ayeul en la romesse du pere n’empeschoit point l’action des freres. Autre Arrest en la Chambre des Enqueles du 26 d’Aoust 1664. entre Boucher et les Religieuses Ursulines. Pour concilier ces Arrests avec l’Article precedent, il faut dire que pour l’estimation des héritages on considère le temps, de la donation, et pour les autres choses le temps de la mort du pere.
CCLVI.
Part des filles non mariées.
Les filles n’ayant été mariées du vivant de leur pere et mere, pourront demander part audit tiers.
Cet Article n’a été employé que pour prévenir la difficulté qui pouvoit nairre des paroles de l’Article précedent, où le don fait à la fille ou filles mariées est reduit au tiers de toute la succession, d’où l’on pouvoit induire que la reduction ne pouvoit avoir lieu qu’en laissant le tiers entier aux filles mariées : Cet Article ajoûte que les filles non mariées doivent avoir part à ce tiers.
CCLVII.
Fille mariée fait part au profit de ses freres.
Fille mariée avenant que ses soeurs soient reçûës à partage, fait part au profit de ses freres, pour autant qu’il luy en est pû appartenir au tiers dû aux filles pour leur mariage, encore qu’il ne luy fût rien dû lors du decez de ses pere ou mere.
C’est une question fort célèbre entre les Docteurs, an filii qui à parentum successione excluduntur. n nomen filiorum connumerentur in computanda legitimâ aliorum filiorum qui succedunt, et an faciat partem qui ad partem non admittitur : Cette matiere est amplement traitée par Ferrerius sur la Décision 295. de GuyPapé , parBoyer , Décision 104. et parFachin . Controv. l. 4. c. 94. et sed.
Cet Article a décidé la question pour les freres, et Montholon rapporte un Atrest conformé à cet Article, Arrest 58. et l’Article 558. de la nouvelle Coûtume de Bretagne contient une pareille décision.
Les freres ne peuvent se prévaloir de cet Article qu’à cette condition, de rapporter ce que leurs seurs mariées ont eu pour dot, entant qu’il n’excede point ce qui leur appartient pour leur segitime, ce qui augmente la masse de la succession, comme les seurs reservées en partage. rapporteroient ce qui leur auroit été donné ; aussi pour la part qui revient aux freres au droit des soeurs mariées ils sont tenus à ce rapport, suivant les Articles 260. et 359. et l’Arrest des Brice remarqué par Berault sur l’Article 36z. C’est la disposition de l’Article 50. du Reglement, touchant ce rapport des frères, et la manière dont il doit être fait ; j’en parleray sur l’Article 3é4.
Cet Article ne parle que des filles mariées, ce qui a fait douter si la soeur mise en Religion par le pere faisoit part au profit des freres : Il sembloit juste de la comprendre sous la disposition de cet Article, l’entrée des filles en Religion n’est pas gratuite, et pour les personnes dont la fortune n’est pas grande, il en coûte à peu prés autant pourles faire Religieuses que pour les marier, il sembloit par une identité de raisons que cet Article devoit être étendu aux filles Religieuses.
Par l’Atticle 248. de la Coûtume d’Anjou, si noble homme met son fils ou fille en Religion, le fits ainé d’iceluy homme noble prendra en la succession la portion qu’y eût pris ledit fils ou fille Religieux ou Religieuse, s’ils fussent demeurez seculiers.Du Moulin , sur cet Article, dit qu’il ne peut y avoit d’autre raison de cette dispusition, sinon que les enfans mis en Religion non collocantur absque omptu atque reditu, successionem diminuente, et que par consequent la legitime doit revenir à sainé qui est le véritable heritier en cette Coûtume, et que la Coûtume locale de la Châtellenie de Mirebeau rapportée dans ce même Article, qui dispofe que la succession fe partage ainsi que si le Religieux ou Religieuse fussent morts avant leur Profession, doit avoir lieu generalement quand on n’a rien donné au fils ou à la fille, quia tunc pro verè mortuis habentur. Chopin a suivi l’opiniondu Moulin , l. 2. 1. de feud. nobil.. success. n. 22. benignè temperavit ornatissima uria, ut si Cenaebium ingressa sit puclla gravi parentum sumptu & impendio, quod paternas facultates extenuet, runc ea partem faciat in assis hereditarii unciis computantes ceu dotata filiae, & ita primogeniti portionem augeat, sin autem nihil aut pauxillum insumpserit pater in votivam filid Religionem, tunc ejus portio toti adcrescat hereditati.
La Coûtume d’Auvergne dispose expressément au Titre des Successions, Article 14. que le Religieux Prestre n’a fait aucune part au nombre des enfans pour le compte de la legitime, et est reputé personne morte ; néanmoins du Du Moulin a noté que cela n’a lieu que quand le Religieux ou Religieuse n’a rien eu, ou tres peu de chose. Me Gabrieldu Pineau , dernier Commentateur de la Coûtume d’Anjou, prouve au contraire que du Moulin et Chopin ont nal entendu cet Article 248. de la Coûtume d’Anjou, et que sans distinguer si le pere a donné ou non pour la Profession de son fils ou de sa fille, la portion du Religieux ou de la Reli gieuse appartient à l’ainé.
On n’a point fait aussi cette distinction en Normandie, quoy que du temps de la reformation de la Coûtume, l’entrée des Monasteres pour les filles ne fût plus gratuite ; on ne trouus pas à propos, pour n’autoriser pas cet abus, d’obliger les freres à rapporter ce qui avoit été onné à leurs seurs Religieuses : Ce rapport ne fut ordonné que pour les filles mariées, ce ui ne peut s’entendre que du mariage temporel et non du spirituel, puisque pour y parvenit Dieu ne demande point d’autre dot que le coeur. Cela a été jugé par plusieurs Arrests fondez sur cette raison, que la Coûtume ne parle que des filles mariées, et qu’il faloit s’attacher aux termes précis de la Loy : La question fut jugée solennellement en la Grand-Chambre le 9 de Mars 1646. plaidant Baudry pour les Bidou freres, qui soûtenoient que cet Article parlant des filles mariées, s’entendoit aussi des Religieuses, leur Profession étant un mariage spitituel.
Coquerel disoit au contraire pour Fouqueron qui avoit épousé leur seur, que l’on devoit con siderer la capacité de succeder, que les Religieuses en étoient incapables, que la Coûtume d’Anjou dont on fe prévaloit êtoit particulière, suivant le sentiment deChopin , et de Mr d’Argentré , Titre des Donations, et qu’on ne pouvoit plus douter de cette maxime aprés tous les Arrests qui lavoient établie, dont le dernier avoit été donné contre les sieurs de CressanvilleBailleul. Autre Arrest du 4 de Mars 1638. entre le sieur du Plessis-Châtillon et son frère.
Par Arrest, au Rapport de Mr de Vigneral, du 30 de Juillet 1659. entre les Chevalier et autres, il a été jugé que la part d’une Religieuse qui revenoit à ses soeurs, héritières de la dot de leur mere, contribueroit aux frais de son entrée en Religion : si ces frais avoient été payez par le pere de son argent, il ne seroit pas juste d’y faire contribuer les biens maternels, puisu’ils auroient été payez d’un meuble où la mere auroit eu sa part ; mais si le pere s’étoit con-stitué en rente, en ce cas la contribution seroit raisonnable.
I fut jugé par l’Arrest donné au Rapport de Mr Deshommets le 30 de Juin 1655. entre le sieur de Limoges. Saint-Sens, et le sieur de Boisnormand son beau-frere, que les deniers qu’on avoit payez pour l’entrée en Religion de l’une des seurs des sieurs de S. Sens seroient pris sur les meubles appartenant à cette fille, et sur ce qui luy devoit revenir de son mariage. avenant. Autre Arrest au Rapport de M Deshommets du 25 de May 1672. entre Guéronte, Coûturier et Daniel.
CCLVIII.
Cas des reservations des filles à succession.
Le pere peut en mariant ses filles, les reserver à sa succession, et de leur mere pareillement.
J’ay remarqué cy-dessus que par la loy Salique nulla in mulieris hereditate transibat portio, et que cette loy ne plût pas aux Gaulois et aux Romains qui gardoient une Coûtume établie par le droit Romain pour frauder en quelque sorte cette loy, les peres rappeloient ou reservoient leurs filles à partage. ;Marculphe , l. 2. c. 12. et c’est l’origine du rappel et de la reserve à partage. Les Docteurs disent que licet filia per existentiam masculi perdiderit successionem paternam, non perdidit tamen testamenti factionem passivam, ut si pater eam instituisset beredem, non possit ex hereditate habere l. penult. S. si paterna D. bonmlib.Matth. de Afflict . l. 3. Rubr. 22. n. 16.
On peut conclure de cet Article que les filles ne sont pas naturellement incapables de succeder, puisqu’il permet aux peres de les reserver à leur succession, et au contraire la Coû-ume approuve et favorise si fort cette reservation, qu’elle donne cette autorité au pere de les reserver à la succession de leur mère, ce qui est opposé au droit civil, où le pere ne pouvoit donner ni constituer la dot à sa fille des biens de la mere contre sa volonté, l. neque mater C. de jure dot.
Il faut neanmoins que cette reservation se fasse en termes précis et formels, on n’admet point d’équivalence, parce que la Coûtume est toute mâle, et les filles pour être admises à succeder y doivent être réfervées par une volonté expresse du pere. Jeanne de Monpelé en ma-riant Rachel le Sire sa fille avec Jacob Lamy, luy paya douze cens livres que son pere luy voit léguées par son testament, et luy donna encore six cens livres de rente à prendre surq ses héritages et rentes, et ce par forme d’avancement de succession, et sans préjudice à cette fille aprés la mort de sa mere de prendre part en sa succession, suivant la Coûtume du païs oir les héritages de cette mére seroient situez. Rachel le Sire étant devenuë veuve passa en un second mariage avec le Forestier, sieur de Grand : Val, lequel aprés la mort de la mere demanda partage en sa succession, tant aux biens de Normandie qu’en ceux de France, prérendant que ces mots à par avancement de succession ) et les suivants ( sans préjudice ) servoient de-reservation à partage pour les biens de Normandie, autremant ils eussent été superflus, n’étant pas besoin d’une reservation expresse pour ceux de France où la Loy donne part aux filles : Les freres soûtenoient que pour admettre une seur à succeder au bien de Normandie il faut une reservation formelle, ou que les freres les y rappellent : si la mère n’avoit eu des biens qu’en Normandie, les paroles du contrat de mariage paroissoient assez expresses pour valoir de reservation, mais les biens êtant situez en Normandie et en France, la mere avoit laissé a succession dans le droit general, par ces mots ( suivant la Coûtume du pais où les héritages sont situez jainsi les filles n’avant point de part aux biens de Normandie, elle ne pouvoit demander partage qu’aux biens de France ; cette raison porta la Cour à debouter le sieur de Grand-Val de son action, par Arrest en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr de Bonnetot-Boivin, du 5 de Decembre 1644.
Le pere a beaucoup plus de pouvoir que la mere, il peut reserver sa fille non seulement à sa succession, mais aussi à celle de sa mère ; encore qu’elle soit décedée ; mais la mere n’a pas le même pouvoir, elle ne peut pas reserver à la succession du pere.
Pour l’explication de cet Article on a formé plusieurs questions : Premierement, si le pere et la mere peuvent reserver leurs filles autrement qu’en les mariant : Secondement, s’ils peuvent les reserver aprés les avoir mariées : En troisième lieu, si sous ce mot de ( pere on doit com-prendre le second mary de la mere, pour luy donner le pouvoir de reserver la fille du premier si mariage à la succession de sa mère : En quatrième lieu, si en consequence de cet Article, qui permet au pere de reserver la fille à la succession de la mere, il peut user de ce pouvoit aprés le décez de la mere : En cinquième lieu, si cette reservation prive le pere de pouvoir aliener : Et enfin si le pere au lieu de reserver sa fille à partage, arbitre son miariage avenant à une certaine somme, f cette fille sera obligée de s’en contenter :
On ne doute plus au Palais que le pere ne puisse reserver sa fille à partage, quocunque acti. par le contrat de mariage, par acte entre vifs, ou par testament, pourvû neanmoins que ce soit avant ou lors du mariage ; et par l’Arrest de Cauchois, qui sera rapporté dans le suite, on confirma la reservation que le pere avoit faite par testament à la successiun même de la mère décedée, comme on avoit jugé que ces paroles de l’Article 252. ( quand ils la marierentâ ne privoient point le pere de donner à sa fille aprés l’avoir mariée, pourvû que la donation n’excedat point la legitime ; aussi ces mots ( en la mariant ) ont été considèrez comme démonstratifs, et non point comme limitatifs. Ces reservations se faisant le plus souvent au temps du mariage, on a exprimé ce cas comme le plus ordinaire, ce qui n’emportoit pas une exclusion de la pouvoir faire en d’autres cas ou par d’autres actes
Il arrive quelquefois que le pere n’ayant pas le dessein de reserver sa fille à partage il luy limite son mariage, et veut que pour cet effet il luy soit delivré ou une certaine somme d’argent, ou un cettain fonds dont il luy donne la proprieté, et veut qu’elle en prenne la pos-session, ou en cas que ses fils conrestent sa volonté il déclare la reserver à partage. Un pere ayant fait une pareille disposition : Guillaume Raimbourg avoit un fils d’un premier mariage qu’il avoit exheredé pour s’être marié contre sa volonté, et de son second mariage il avoit deux fils et une fille ; désirant établir la condition de ses enfans, et particulierement de sa fille, il ordonna par son testament qu’elle auroit pour sa legitime une certaine ferme avec deux mille livres d’argent, et où ses freres luy en contrediroient la joüissance, il declara que dés lors il la reservoit à partage. Ilane resta que le fils sorty du fils ainé, dont le tuteur quitta à Marie.
Raimbourg la joüissance de cette ferme avec les deux mille livres, sans autre clause neannoins, sauf au mineur à renoncer s’il avisoit que bien fût. Le fils aprés sa majorité sans parler de revocation faifit les fermages de la ferme dont sa tante joüissoit, disant que la donation faite par testament étoit nulle suivant l’Article 427. que la reservation à partage étoit nulle pareilsement, la Coûtume ne permettant de relerver sa fille à partage qu’en la mariant, qu’il ne pouvoit la faire par testament ; que quand elle seroit valable la fille ne pouvoit en avoir la joüissance qu’en se mariant, et en attendant son mariage elle devoit se contenter d’une provision. Pierre le Breton qui avoit épousé en secondes nopces la nièce de Marie Raimbourg, et qui étoit son tuteur, répondoit que le testament du pere ne contenoit aucune donation mais une simple limitation de la legitime de sa fille, afin que quand elle seroit parvenuë à ses Sans nubils elle n’eûr rien à déméler avec ses freres, pieras paterna consilium pro liberis capit : cette arbitration de mariage êtoit favorable et approuvée par le Droit, parentibus arbitrium dividendae hereditatis inter liberos adimendum non est l. parentib. C. de inoff. testam. sur tout quand a volonté se trouve conforme à la disposition de la Loy : et depuis que les enfans ont executé la volonté de leur pere, judicium defuncti agnoverunt, ils ne sont plus recûs à contrédire la demande où son tuteur a executé la volonté du défunt par deux moyens : Le premier, par les partages par lesquels il a laissé à la fille ce qui luy avoit été limité par le pere : Le second, par un Arrest qui a condamné le tuteur à payer les deux mille livres. Quant à la prétention du demandeur qu’elle ne doit avoir la joüissance de son mariage avenant qu’aprés être mariée, on luy répond qu’étant tenu d’executer le testament ou de la recevoir à partage ; s’il prend ce dernier party il ne peut luy empescher cette joüissance ; car en ce cas son partage luy appartient tout entier, comme heritière de son pere : Par Arrest du mois de Decembre 1668. il fut ordonné que le frere viendroit faire son option s’il vouloit recevoir sa seur à partage, ou luy bailler le mariage tel qu’il avoit été limité par le testament de son pere : Ainsi il fut jugé que le pere pouvoit limiter le mariage de sa fille en meuble et héritage, ou reserver sa fille à partage par son testament.
On permet bien au pere d’augmenter la dot de sa fille aprés l’avoir mariéé, mais il ne s’ensuit pas qu’il puisse la reserver à sa succession aprés l’avoir mariée, quoy qu’il le fasse lors d’un second contrat de mariage. Barbe Trubert en mariant Anne le Cauchois sa fille, elle luy donna six cens livres : depuis cette Anne le Cauchois ayant contracté un second mariage, sa mere la reserva à sa succession ; aprés la mort de cette mére Julien Navarre, troisième mary d’Anne le Cauchois, demanda à partager sa succession avec les frères de sa femme, qui contestoient cette reservation comme étant nulle : Le Vicomte de Roüen l’ayant jugée valable, sur l’appel le Bailly cassa la Sentence, dont Navarre ayant appelé, Dehors, son Avocat, remontroit que le peré avoit cette liberté de donner à sa fille, soit en la mariant ou par tel acte qu’il luy plaisoit, soit avant ou aprés le mariage, que par consequent il avoit aussi fa faculté de la réserver en tout temps ; car si l’on prétendoit tirer avantages des paroles de cet Article ( en la mariant ) pour en induire que le pere ne le pouvoit pas, que in actu maritationis, on répondoit qu’il étoit en ces termes, puisque la reservation êtoit faite par le contrat du second mariage de la fille, et qu’il n’y avoit pas d’apparence de restreindre cette liberté au premier mariage, n’y ayant aucune raison de difference, et la loy n’ayant point fait cette distinction de premieres ou secondes nopces, c’étoit assez pour rendre cette reservation valable qu’elle fût faite par un contrat de mariage.
Le Normand au contraire, pour Nicolas le Cauchois et ses coheritiers, soûtenoit que ces termes ( en la mariant ) ne s’entendoient que du premier mariage et non pas du second, parce qu’alors c’étoit la fille qui se remarioit, qu’on ne pouvoit faire force des Arrests qui avoient confirmé les donations faites aux filles depuis leur mariage ; car il y a bien de la difference entre un supément de dor et une reservation à partage : au premier cas les peres et les meres ne peuvent donner que jusqu’à la concurrence du tiers de tout le bien, de quelque nature qu’il soit, mais t en vertu de la reservation à partage la fille a une part égale aux meubles et aux biens de bourgages que si ces reservations aprés le mariage étoient approuvées, elles produiroient du trouble et de la broüillerie dans les familles, faisant rentrer une fille à partage lorsque l’on croyoit qu’elle en êtoit excluse aprés son mariage : Par Arrest en la Grand : Chambre du 18 de Janvier 1655. on mit sur l’appel hors de Cour et de procez. Mr d’Argentré , sur l’Article 225. gl. 4. n. 7 traite la question an filia quae exclusa sit Statuto aut renunciatione expressâ mutatâ patris voluntate readmitti possit à la succession, et aprés avoir cité les Auteurs qui estiment que cela se peut, il conclud que suis moribus fieri non potest ; quia semel exclusâ filiâ per maritationem non potest pater ex eo tempore et quo jus quesitum est filio ullo facto suo illi prajudicare. La véritable et solide raison de nôtre jurisprudence, est qu’il n’y auroit rien d’assuré dans les familles : un pere aprés avoir marié son fils avantageusement pourroit ruiner sa condition, en rappelant à partage ses filles qu’il avoit mariées.
Chassanée Chassanée proposant cette question, si le pere en mariant sa fille, sans la reserver à sa succession pourroit le faire : puis aprés il conclud, par l’autorité d’un Docteur, que le pere ne le peut point Rubr. 7. 8. 12. in verbo, s’il ne luy est expressément reservé.
Cette reservation à partage seroit plus favorable, si le pere et la mère n’ayant rien donné à leur fille en la mariant la premiere fois, ils la reservoient à leur succession lorsqu’elle contracte un second mariage, néanmoins que le pere n’étant point obligé de donner, ce ne pourroit être une cause valable pour faire subsister cette reservation lors d’un second mariage de la fille ; mais il y auroit plus de difficulté pour la mere, car n’ayant point parlé au contrat de mariage, et n’ayant rien donné, il ne seroit pas juste de luy ôter la liberté de donner si elle étoit parvenuë à ine meilleure fortune. Ce fut l’espèce d’un Arrest rendu un la Chambre des Enquêtes le 17 de Juillet 1629. au Rapport de Mr de Bonissant. Marguerite Gruchet avoit été mariée par ses pere et mere, qui ne luy donnerent aucune chose ; depuis en contractant mariage avec Jolis, sa mere luy donna trois cens livres, pour toute et telle part qu’elle pouvoit prétendre en sa succession, si mieux elle n’aimoit partager avec ses fteres. Le frère luy disputa ce partage, parce qu’elle avoir été mariée par ses pere et mere, qu’ils avoient pû la marier sans luy rien donner ; que d’ailleurs suivant l’Article 448. toutes donations d’immeubles faites de pere à fils en faveur de mariage. loivent être insinuées, que celle-cy étant à prendre sur les immeubles étoit nulle, faute d’insi nuation. Jolis soûtenoit que suivant cet Article les pere et mere pouvoient reserver leur fillet en la mariant, que la Coûtume ne distinguoit point entre les premieres et secondes nopces, i qu’ils pouvoient aussi leur donner aprés le mariage, que son pere et sa mere n’ayant aucuns piens ils ne luy avoient rien donné, et étant depuis échû une succession à la mere elle avoir voulu luy en faire part, consentant la reduction en cas d’excez, ou d’être reçûë à partage. le Juge du Neuschâtel ayant dit à tort l’action de Jolis on cassa la Sentence, sauf à Gruchet à rappeler sa iseur à partage.
Pour la troisième question. Suivant cet Article le pere peut reserver sa fille à la succession de sa mere.
On a douté si le second mary pouvoit reserver à la succession de la mère la fille sortie du premier mariage, et si cette reservation étoit valable, la mère n’ayant point signé lors du contrat Barbe le Voleur fut mariée par Grégoire Lafeteur, seçond mary de Guillemette Huaut sa mere, et il la réserva à la succession de cette mère, laquelle étoit presente au contrat, et néanmoins elle n’y signa point ; étant devenuë veuve elle pttesta sa presence et son consentement à cette reservation qu’elle ratifia, et en cas qu’elle n’eûtr pas d’effet elle donnoit à sa fille le tiers de tous ses biens ; lorsque cette fille demanda partage à Denis Lafeteur son frere uterin, il y fut condamné par Sentence, dont ayant appelé, le procez fut partagé en la Chambre des Enquêtes, et par l’Arrest qui intervint sur le partage en la Grand-Chambre, la Sentence fut confirmée Barbe le Voleur se pourvût de letires de Requête civil, et comme il y avoit des moyens d’uuverture on entra au fonds, et on disoit que par les Arrests donnez en explication de cet Article le pere pouvoit reserver ài la succession de la mere, soit qu’elle fût vivante ou qu’elle fût décédée, que la raison êtoit pareille, et même plus forte pour un beau-pere, dont l’affection n’est pas si puissante pour les enfans de sa femme d’un premier lit, et qu’aprés tout cette reservation ne faisoit préjudice qu’à luy et à ses enfans ; que le premier mary n’avoit le droit de faire cette reservation qu’en vertu de l’autorité maritale : or cette autorité étoit égale en la personne du second mary comme du premier, et ce second mary est obligé d’avoir le soin de pourvoir la fille de sa femme, et de la doter ; il doit donc avoir toute la puissance requise pour cet effet, soit en luy donnant simplement le mariage avenant ou la reservant à la succession, qu’il n’avoit soint eu besoin de la signature de sa femme, et neanmoins elle avoiy ratifié le contrat.
Lafeteut répondoit que la faculté donnée au pere par cet Article ne s’entendoit que du véritable viere, et pour les filles qui leur sont communes, le beau-pere est reputé comme étranger. et il n’a point plus d’autorité qu’un tuteur qui ne pourroit ondonner cette reservation, il n’a point plus de puissance sur les biens de sa femme qu’une mere avoit sur ceux de son défunt mary, et c’est pourquoy elle ne peut en mariant ses filles les reserver à la succession de leur pere Article 259. Cette réservation n’est point favorable, parce qu’elle est opposéo à l’esprit universel de la Coûtume. Premierement, les filles ne succedent point tant qu’à y a des mâles : En second lieu, elles ne peuvent demander aucuhe part à l’héritage de leurs pere et mêre, si la Coûtume avoit eu l’intention de donner ce pouvoir au beau-pere, elle s’en seroit expliquée, comme elle a fait pour le tuteur, et ayant précisément reservé cette faculté aux peres et aux meres, elle semble l’avoir déniée à toute autre personne : Sur ées raisons plusieurs trouvoient de la difficulté dans la question generale à approuver cette reservation faite par un beau-pere, puisque la Coûtume n’en parle point, et qu’il pourroit en arriver des inconveniens : Un beaupere, qui n’auroit point d’enfans de son mariage, s’attribuëroit l’autorité de matier les filles de sa femme, et de les reserver contre son gré, ou bien il en tireroit du profit ; mais dans les cireonstancee particulieres on ne fit point de difficulté à casser l’Arrest et à confirmer la Sentence qui condamnoit le frère à gager partage à sa seur ; par Arrest, au Rapport de Mr du Moucel, du mois d’Aoust 1621.
On ne doute plus au Palais que le pere même par un testament ne puisse reserver ses filles à la succession de leur mere morte : outre les Arrests citez parBerault , la question en fut encore décidée, au Rapport de Mr d’Ery, en la Chambre de lEdit le 8 de Janvier 1639. Thierry le Cauchois par son testament reserva ses trois filles non seulement à sa succession, mais aussi à celle de défunte Marguerite Creupel leur mere ; lorsqu’elles demanderent à Richard le Cauchois sieur frère les lettres et écritures pour proceder au partage, il foûtint que le pere n’avoit pû ordonner cette reservation par son testament, mais seulement en mariant ses filles qu’il pouvoit encore moins les reserver à la succession de leur mère morte, parce que le droit en la succession étant acquis aux enfans long-temps auparavant, et le pere n’y pouvant prétendre qu’un simple usufruit, il n’avoit plus de qualité pour en disposer- : il pouvoit bien suivant cet Article reserver ses filles à la succession de leur mere vivante, parce que durant le mariage est quodammodo Dominus rerum dotalium ; mais aprés la dissolution du mariage toute son autorité cesse, et la succession passe aux enfans pleno jure, et sans qu’il leur puisse imposer d’autres loix ni d’autres conditions que celles que la Coûtume prescrit ; suivant l’Article 358. la fille ne peut prendre part qu’en la succession de celuy qui l’a réservée, il s’ensuit que la mere n’ayant point reservé ses filles, ni le pere ne fayant point fait durant la vie de sa femme, il ne le peut plus aprés sa mort. La Coûtume n’a permis au pere de reserver à la succession de la mere que dans cette pensée, que la mere y avoit donné son consentement exprés, où toute cette presomption cesse quand la reservation est faite aprés son decez : Les filles repliquoient que ces mots ( en la mariant ) veulent dire cûm pater cogitat de nuptiis, que les termes de cet Artrcle ne sont point prohibitifs, n’étant dit que le pere ne le peut qu’en les mariant, ce qui xeluroit omnem potentiam juris & facti : Par Sentence du Vicomte et du Bailly de Roüen les filles furent reçûës à partage, ce qui fut confirmé par l’Arrest.
Chassanée Chassanée traite la question, si en consequence de cette reservation le pere est interdit de pouvoir disposer de son bien : Quoy qu’il en soit, par la disposition du Droit il est sans doute que le pere nonobstant icelle demeure le maître absolu de son bien, et que la fille doit prendre la succession en létat qu’elle la trouve, ou se contenter à sa legitime : ce qui ne peut rece-voir de difficulté suivant l’Article 244. par lequel il ne suffit pas de reconnoître quelqu’un pour heritier, il faut aussi ajoûter la promesse de garder la succession, autrement l’alienation n’en est point défenduë.
En consequence de ce pouvoir que la Coûtume accorde aux peres et aux meres de reserver eurs filles à leurs successions, on a souvent agité cette question, si le pere au lieu de reserver sa fille à sa succession, peut arbitrer son mariage, et si la fille est obligée de s’arrêter à cette arbitration : La Coûtume laisse aux peres, à l’égard de leurs filles, une dispensation si libre et si absolué de son bien, qu’il est en sa faculté de leur en faire telle part et distribution qu’il uy plaist : il peut ne leur donner rien en les mariant, et quand il use de cette rigueur contr’elles, il ne leur reste aucune action pour s’en plaindre, et la Loy leur impose un silence perpetuels à plus forte raison elle doit avoir une espérance aveugle pour ses volontez, quand au lieu de sexclure absolument de sa succession, il luy conserve la portion qu’il a crû luy pouvoir apparenir. Elle devoit se persuader que la pieré paternelle luy a inspiré les sentimens qu’il a crûs plus utiles à favantage et au repos de sa famille, et qu’il n’a pas moins conservé son interest qu’il auroit fait en la mariant. Bérault a remarqué sur cet Article l’Arrest donné entre Messieurs Rofstaut et de Brinon, Conseillers en la Cour, qui l’a jugé de la sorte.
Nonobstant iceluy nous tenons une maxime contraire fondée sur ce principe, que la Coûtume ne permet pas au pere de ne donner rien à sa fille, ou de regler ce qu’il luy plaist de donner qu’en la mariant, in solo actu maritationis : La Loy présume en ce cas que le pere fatisfait à son devoir, qu’il l’a pourvué convenablement, et que par ce moyen il luy assure un dloüaire, une part aux meubles et aux, acquests de son mary qui peuvent suppléer au defaut de sa liberalité, hors ce cas l’arbitration que le pere fait du mariage de sa fille n’étant que pour avoir effet aprés. sa mort, elle demeure inutile, et la fille aprés la mort de son pere devient capable de demander à ses freres ce qui luy appartient par la Coûtume, comme il a été jugé par Arrest du mois de Decembre 1623. et par un autre du mois de Janvier 1624. entre la fille du sieur de Villers-Maisons, son oncle, et les creanciers de son frere ; on n’eut point aussi l’égard à l’arbitration faite par Me Pierre Penelle Procureur en la Cour, du mariage de sa fille.
Les freres aussi ne sont pas tenus d’accepter l’arbitration faite par le pere, du mariage ave nant de leurs soeurs.
CCLIX.
La mere aussi aprés le décez de son mary peut en mariant sa fille la reserver à sa succession ; mais elle, ni pareillement le tuteur, ne peuvent bailler part à ladite fille, ni la reserver à la succession de son feu pere ; ains seulement luy peuvent bailler mariage avenant par favis des parens, à prendre sur ladite succesion,
Ces reservations n’ont lieu que pour les successions paternelles et maternelles, et le pere et la mere ne pourroient reserver à une succession collaterale à échoir. En ce cas on peut dire que pactum de hereditate viventis valere non potest. La Coûtume ne faisant point de mention les freres a fait douter s’ils pouvoient reserver leurs seurs, ou les recevoir à partage contre leur volonté quand elles demandent mariage avenant : Il semble que les freres ont cette liberté, le partage étant quelque chose de plus avantageux que le manage avenant, elles n’ont pas sujet de le refuser, puisque leur condition en devient plus avantageuse. Il faut tenir le contraire, suivant les Arrests remarquez sur l’Article 249.
CCLX.
Fille reservée à succession doit rapporter.
Fille reservée à la succession de ses pere ou mere, doit rapporter ce qui luy a êté donné ou avancé par celuy à la succession duquel elle prend part, ou moins prendre.
La fille ne doit pas seulement rapporter ce qui luy a été donné, mais aussi l’interest depuis la succession échûë, comme il a été jugé par Arrest du 2 de Mars 1657. au Rapport de Mr Damiens, sur un partage en la Chambre des Enquêtes.
On demande si c’est assez que la fille rapporte l’action qui luy appartient sur les biens du Tronçon nary : Troncon, sur l’Article 304. cite un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il a été l ugé qu’une fille mariée venant à la succession de ses pere et mere, étoit tenuë de rapporter l ctuellement les deniers de son mariage, ou moins prendre : qu’elle n’étoit recevable à rapporter l’action qui luy appartenoit pour la repetition d’iceux cntre les heritiers de son défunt mary mort insolvable ; encore qu’elle mit en fait qu’elle avoit été mariée durant sa minorité, quia minus est actionem quam rem habere l. minus ff. de regul. jur. Cette difficulté ne pourroit naître en cette Province que dans le seul cas où le pere ne seroit point garand de la dot qu’il auroit payée au mary ; mais quand le pere et les freres sont sujets à cette garantie, la filleà n’est tenuë qu’à céder ses actions à ses freres.
Le rapport ordonné par cet Article, quand la fille ou ses enfans sont rappelez ou reservez fartage, est d’un usage presqu’aussi ancien que cette Monarchie : Nous l’apprenons d’unes Formule deMarculphe , l. 2. c. 10. où un ayeul maternel voyant que ses petits enfans sortis de sa fille étoient exclus de sa succession par le prédecez de sa fille, suivant la loy Salique, qui n’admêtroit aux successions que les plus proches, il les rappela à sa succession à charge de rapporter tout ce que leur mere avoit eu en mariage ; voicy les termes de cette Formule : Dulcissimis nepotibus illis, ille dum & peccatis meis facientibus genitrix vestra filia mea illa, quod non optaveram tempore naturae sux complente ab hac luce discessit : ego vero pensans consanguinitatis. casum, dum & per legem cam cateris filiis avunculis vestris in alode meo accedere minimè poteratis, lein per hanc Epistolam meam, dulcissimi mei nepotes, volo ut in omni alode meo post discessum meum si mihi superstites fueritis hoc est tum terris, domibus, mancipiis, vineis, solvis, campis, pratis, pascuis, aquis, aquarûmve decursibus mobilibus, immobilibus, peculio utriusque sexùs majore vel minore, et quodcumque dici potest ; quidquid supradicta genitrix vestra, si mihi superstes fuisset de alode meâ recipere potuerat, vos contra avuncinos vestros filios meos praefatam portionem recipere faciatis. & dum ipst filiae mez genitrici vestre quando eam nuptam tradidi, in aliquid de rebus méis mobilibus, drappis fabricaturis vel aliqua mancipia solitam dedi vobis hoc in parte vestrâ supputare contra filiis meis faciatis, et si quid amplius de prasidio nostro obvenerit tunc cum filiis meis avunculis vestris portionem ex his debitam recipiatis
Cette ancienne Formule fournit des lumières et des connoissances de nôtre ancien droit François : Premierement, suivant la loy Salique la representation n’étoit pas même reçûë en ligne directe ; car il y a plus d’apparence d’expliquer ces mots de la loy Salique per legem, que Justinien de la loy Romaine, suivant laquelle avant Justinien ( tertia pars ab intestato aviatica successionis nepotibus ex filiâ detrahebatur l. 4. C. Theodos. de legitim. hered. 2. en ce cas de rappel la fille devoit rapporter la dot qu’elle avoit euë, ut dotem mâtris conferant, si ad successionem accedere velint.
Ce qui étoit imité du droit Romain, ut mixtis matrum suarum dotibus hereditatem pro ratâ parte quam lex Divalis censuit cum avunculis partiantur l. 4. C. Theodos. de legitim. hered. et non seulement il faloit rapporter la dot, mais aussi tous les meubles et hardes, cum drappis fabricaturis, et si amplius de presidio nostro obvenerit. M Bignon sur ce mot ( cum presidio nostroy estime que Rpresidii nomine ) pecuniam numeratam, aurum, argentum, & id genus aliâ intelligi, ce qu’il prouve Celsus par l’autorité de Celsus en la l. si Chorus 79. si de leg. 3. ubi ait Proculum referre audisse se rusticos senes ita dicentes pecuniam sine peculio fragilem esse ; peculium appellantes quod presidii causâ seponeretur.
En effet l’argent est le rempart le meilleur et le plus assûré dans les necessitez Il est certain que les filles mariées quand elles n’ont eu que de fargent et des meubles, et qu’elles ne sont point heritieres, ne peuvent être forcées à les rapporter, car laction en rapport ; n’a lieu qu’entre coheritiers. J’ay traité cette question sur l’Article 434. Sur cela Bérault propose cette difficulté, si un pere n’ayant que des filles en marie quelques-unes, et qu’il leur donne de ses biens, et qu’en suite il vienne à mourir sans avoir marié les autres, et sans laisser dequos les pourvoir ces dernieres pourront obliger leurs seurs mariées à remettre en partage ce qui leur a été donné ; Et il conclud que suivant la plus commune opinion cela n’est point sujet à rapport, parce que ce qui leur a êté donné ne peut être reputé un avancement d’herédité, puisqu’elles ne succedent point, et qu’elles renoncent à la succession de leur pere, ce motsde rapporter, ne pouvant être appliqué qu’à une personne qui veut venir à la succession de celuy qui a donné avec ceux qui sont ses cohéritiers ; de sorte que les filles mariées doivent joüir de leur bonne fortune, et qu’il est de linterest public de le juger de la sorte, autrement les filles ne pour roient jamais trouver de maris si leur dot demeuroit toûjours incertaine, et dépendoit de la bonne ou mauvaise fortune du pere.
Pour refoudre cette difficulté, il faut considerer si les filles ont été mariées comme heritieres soit que par leur contrat de mariage elles ayent été reservées à partage, ou qu’on leur ait donné par avancement de succession, en ce cas elles ne peuvent se dispenser de remettre en partage ce qu’elles ont eu, nonobstant leur renonciation à la succession de leur pere ; car suivant l’Article 454. les peres ne peuvent avancer lun de leurs enfans plus que les autres, et toutes donations. faites par les peres et meres à leurs enfans sont reputées avancement de succession, et par l’Art. 45. du. Reglement de l’an 1666. sa promesse de garder la succession faite par le pere à l’un de ses enfans a aussi son effet pour les parts qui doivent revenir aux autres enfans, Si au contraire la fille lors de son mariage avoit des freres, et qu’on ne l’ait point reservée à partage, en ce cas bien qu’au temps de la mort du pere il n’y eût plus de frères, la fille ne peut être forcée de remettre en partage ce qui luy a été donné pour son mariage avenant, parce qu’alors la donation du pere n’est point reputée un avancement de succession, la fille n’étant pas mariée comne héritière, mais comme creanciere, ainsi le pere est reputé n’avoir acquitté qu’une dette Pour une plus grande explication de cet Article je remarqueray une question qui fut agitée dans une espèce singulière le 14 de Juillet 167S. Par le contrat de mariage de Marie Herberon vec Jean Antoine de S. Denis, Ecuyer, sieur de la Touche, son pere luy donna quelques serres qu’il avoit acquises depuis son mariage, et le contrat portoit que le pere et la mere les donnoient par avancement de leurs successions : depuis ils marierent leur autre fille Madeleine Herberon à François de Nollet, et luy donnerent aussi des terres et des rentes par avancement de succession : Le pere étant tombé dans le desordre de ses affaires, sa femme se fit separer de biens, et le pere étant mort ses enfans renoncerent à sa succession, et ses biens ayant été saisis réellement, le sieur de S. Denis demanda la distraction des terres qui luy avoient été données par son contrat de mariage, ce qui ne pût être empesché par le poursuivant criées, parce que sa dette étoit posterieure ; mais à l’égard de l’autre fille étant dépossedée de ce qui uy avoit été donné, elle demanda sa part au tiers coûtumier, qui étoit une moitié, l’autre part demeura au profit des créanciers, et elle fut decretée et ajugée avec le surplus des biens Deux ans aprés Madeleine Herberon, separée de biens d’avec de Nollet son mary, poursuivit te sieur de S. Denis pour avoir part à ce qui luy avoit été donné par son contrat de mariage, et pour partager la succession de la mère ; cette dernière demande ne recût point de contredit, mais à l’égard de la première le sieur de S. Denis soûtint que puisqu’elle avoit eu son tiers coûtumier, elle n’avoit aucun droit sur ce qui luy avoit été donné, parce que ce bien-là avoit été acquis depuis le mariage de son pere, et par consequent il n’étoit point sujet au tiers ooûtumier Cela fut jugé de la sorte par le Juge d’Alencon. Sur l’appel Theroulde tiroit avantage des termes du contrat de mariage, que le pere et la mere avoient donné par avancement de successions d’où il concluoit que suivant cet Article la Dame de S. Denis devoit rapporter tout ce qui luy voit été donné ; il s’aidoit aussi de l’Article 434. et de l’Article 45. du Reglement de l’an 1666. d’où il concluoit que le pere ne pouvant avancer un de ses enfans au préjudice des autres, et’avancement fait à l’un d’iceux profitant à tous les autres, elle pouvoit demander part à cet avancement, en rapportant cette moitié du tiers coûtumier qui luy avoit été ajugée. se répondois pour le sieur de S. Denis que l’on ne pouvoit tirer consequence des termes du ontrat de mariage, parce que l’appelante avoit renoncé à la succession de son pere, et par la même raison elle citoit inutilement cet Article et l’Art. 434. et le Reglement, qui ne parlent que de coheritiers, ce qui paroit par cet Article, qui porte que la fille reservée doit rapporter ce qui luy a été donné ou avancé par celuy à la succession duquel elle prend part, et par l’Article 434. l rapport n’est ordonné qu’entre coheritiers, et c’est aussi de cette maniere qu’il faut entendre l’Article 45. du Reglement ; or il est sans difficulté que l’appelante et l’intimée ne sont point coheritieres, ni même heritieres.
Pour sçavoir quand l’action en rapport doit avoir lieu, on examine la nature et la qualité des biens qu’il faut rapporter, les personnes qui doivent faire ce rapport, et au profit de qui co rapport doit être fait ; on ne peut demander le rapport que des biens ausquels on peut prendre part, car on rapporteroit inutilement des choses où celuy qui les veut faire rapporter n’a point de droit ; les biens dont il s’agit sont de cette qualité : c’étoient des acquests où l’appelante n’a point de part, puisqu’elle a renoncé à la succession de son pere, et elle n’y peut avoir de tiers coûtumier, son pere n’en étant point saisi lors de son mariage le rapport ne peut être demandé que par des coheritiers ; l’appelante et l’intimée ne sont point coheritieres, au contraire leurs qualitez sont incompatibles ; il est sans doute qu’en Normandie on ne peut être heritier et legitimaire, c’est à dire demandeur en tiers coûtumier ; car nous avons deux sortes d’heritiers, l’heritier naturel et l’heritier legal ; l’heritier naturel succede en tous les droits du défunt, mais le droit de l’heritier legal n’est pas d’une si grande étenduë, il ne s’étend que sur ertains biens, et sur une portion limitée ; car le tiers coûtumier que nous appelons aussi legitime, n’est dû que sur les biens dont le pere êtoit saisi lors de son mariage, et il consiste feule-ment au tiers de ces bien-là ; pour obtenir le tiers coûtumier il faut renoncer à la succession du pere et de la mère : Par l’Article 401. de la Coûtume, les enfans ne peuvent accepter le tiers, si tous ensemble ne renoncent à la succession paternelle, et ne rapportent toutes donations et autres avantages qu’ils pourroient avoir ; d’où il resulte qu’il est incompatible que l’on soit heritier ; et legitimaire, puisqu’on ne peut avoir le tiers coûtumier que sous deux conditions, en renonçant et rapportant toutes les donations et avantages que l’on auroit eus, et c’est pourquoy l’appelante demandoit inutilement de prendre part à la donation faite à sa seur ; elle avoit option de renoncer ou de prendre le tiers coûtumier, elle a consommé son droit d’option en prenant le tiers coûtumier, et en ce faisant elle s’est engagée de rapporter même ce qui luy avoit êté donné ; ce seroit donc en vain qu’elle voudroit participer à la donation faite à sa seur, vû qu’elle ne pourroit la conserver, et que les creanciers la forceroient à la leur abandonners ce qu’elle ne pourroit empescher en consequence de cet Article, qui ne permet point aux enfans de prendre leur tiers coûtumier, et de retenir les avantages qui leur ont été faits, ainsi ce qu’elle prét endoit arracher à sa seur luy seroit ôté par les créanciers.
On oppose inutilement l’égalité, que la Coûtume veut être conservée entre les enfans, et que la soeur ainée ne doit point profiter seule de sa bonne fortune, et comme l’appelante veut bien luy faire part de sa moitié du tiers, elle doit l’admettre reciproquement à profiter de l’avancement qui luy avoit été fait par leur pere commun : Il est vray que la condition des filles doit être égale, quand elles possedent les biens de leurs peres et meres à même titre et en même qualité, mais quand leurs droits sont differens on ne considere plus cette égalité, l’appelante est legitimaire, l’intimée doit être considérée à son égard comme une véritable heritière. La Cour en expliquant l’Ar-ticle 401. qui sembloit n’accorder le tiers aux enfans qu’en cas qu’ils renonçassent tous à la succestion, a décidé dans l’Article 89. du Reglement de l’an 1666. que les enfans n’ont pas le tiers entier, si tous n’ont renoncé, mais celuy qui a renoncé n’a que la part audit tiers qu’il auroit euë, si tous avoient renoncé : et suivant cet Article c’est un usage certain qu’encore qu’un des enfans renonce, ou même la plus grande partie des enfans, les autres peuvent accepter la succession et se porter heritiers de leur pere, et quoy que leur part se trouvàt plus grande que celle de ceux qui auroient accepté le tiers, ces legitimaires ne pourroient pas demander aux heritiers qu’ils fissent une masse du tout, pour la partager également entr’eux ; c’est neanmoins la conclusion de l’appelante, car à cause que sa moitié du tiers est d’une moindre valeur que la donation faite à l’intimée, elle veut reduire les choses dans l’égalité, ce qui n’est pas raisonnable, l’intimée étant une veritable heritière à l’égard de l’appelante, parce que toutes donations faites par les peres et meres sont reputées avancement de succession, ainsi quod fuit donatio fit hereditas : la Cour, pour la consequence, appointa les parties à écrire et produire : Les sentimens du Barreau étoient differens, les uns voulans que cet avancement fût rendu commun pour rendre égale la condition des filles ; les autres ne trouvoient pas à propos que l’appelante, qui avoit opté le tiers coûtumier, troublât sa seur dans la possession du bien, où l’appelante n’auroit rien si elle declaroit abandonner son avancement pour s’arrêter à la moitié du tiers coûtumier.
CCLXI.
Les filles sont en la garde du fils aîné.
Aprés le decez du pere les filles demeurent en la garde du fils aîné, et si lors elles ont atreint l’âge de vingt ans, et demandent mariage, les freres les peuvent garder par an et jour pour les marier convenablement, et les pourvoir de mariage avenant.
Suivant cet Article, quoy qu’aprés le decez du pere les filles ayent atteint l’âge de vingt ans, et qu’elles demandent mariage, les frères les peuvent garder par an et jour pour les marier, convenablement.
On ne peut fonderecet Article sur aucun exemple ni sur aucune raison, toutes les loix favorisent le mariage des filles, elles exhortent les peres à les pourvoir de bonne lieure, et s’ils ne s’acquittent pas de ce devoir elles punissent leur negligence : cependant quoy que l’on ne présume jamais tant d’affection et de soin de la part des freres envers leurs seurs, cet Article permet aux freres de differer leur mariage, lors même qu’elles ont atteint vingt ans, et qu’elles ont tres-nubiles ; quand le refus du frère n’auroit d’autre motif que son avatice ou son caprice, on n’auroit rien à luy dire : Il faut neanmoins expliquer cet Article équitablement, et si le frere n’avoit au moins quelque pretexte coloré, la Justice pourroit autoriser la seur à passer outre à son mariage, s’il étoit approuvé par ses autres parens
Mais en examinant les paroles de cet Article, on peut, à mon avis, leur donner ce sens raisonnable, que l’intention de la Coûtume n’a pas été que le frere puisse retarder le mariage de ses seurs pendant un an, quoy qu’il fe presente un party convenable, mais bien que lorsqu’elle demande mariage, c’est à dire la portion qui luy appartient, il peut en ce cas en differer l’atbir tration par an et jour, s’il ne se presente point de party pour la marier.
Et cette explication n’est point détruite par ces paroles, qu’il peut les garder par an et jour pour les marier convenablement ; car cela se doit toûjours entendre avec cette condition, s’il n’y a point lieu de les marier plûtost-
Lorsque la Coûtume donne au frère ainé la garde de ses seurs, ce n’est qu’au defaut de leur mere, à laquelle l’éducation et la garde de ses filles ne peut être ôtée sans cause, nullus enim est affectus qui vincat maternum : cela est sans difficulté lorsqu’elle n’a point passé en de secondes e nopces ; car en ce cas comme l’on ne juge pas si favorablement de ses affections, on ne les laisse ordinairement en sa garde que jusqu’à ce qu’elles soient parvenuës à leurs ans nubils, lorsque les parens y forment de la resistance, et qu’il y a sujet de craindre qu’un beau-pere n’entreprenne de les matier à sa volonté, en ce cas sur les plaintes des parens, et pour une plus grande sûreté, y on leur choisit pour retraite quelque maison Religieuse.
CCLXII.
Estimation du mariage avenant.
Mariage avenant doit être estimé par les parens, eu égard aux biens et charges des successions des pere et mere, ayeul ou ayeule, ou autres ascendans en ligne directe tant seulement, et non des successions échûës d’ailleurs aux freres, et doivent ceux qui feront ladite estimation faire en sorte que la maison demeure en son entier, tant qu’il sera possible.
Nous n’avons rien dans nos Usages et dans nos Coûtumes dont la reformation fût plus utile et plus necessaire que ce qui concerne la legitime ou le mariage avenant des filles : la manière de le regler et d’en faire l’arbitration est si difficile et si embarrassante, que les plus experimentez ont de la peine à la bien comprendre.
Premierement, les termes dont la Coûtume se sert ont besoin d’explication : on ne sçait si ce mot savenant j’a sa relation à la personne et à la condition de la fille, où aux biens de la successions si ce mariage avenant doit être une portion convenable et proportionnée à la condition de la fille, ou aux biens hereditaires, ou si l’on doit avoir ces deux égards en procedant à cette arbitration, et en cette manière on rend les parens en quelque façon les maîtres de cette liquidation ; car la Coûtume n’assignant point aux filles une part certaine, ce mariage avenant, ou cette portion convenable, dépend nécessairement de l’opinion et de l’affection des parens, qui soûtiendront que la portion qu’ils auront reglée est avenante à la fille, et par consequent qu’ils ont suivi l’intention de la Coûtume. Nôtre Coûtume neanmoins n’est pas la seule qui se soit expliquée de la sorte : Par les Coûtumes du Royaume de Sicile, dont apparemment nos Heros de Normandie. nt été les Auteurs, les fillesme succedent point quand il y a des mâles, mais les fils succedent seuls, tant aux fiefs qu’aux biens de bourgage, et ils ne doivent à leurs seurs qu’un mariage tenentur sorores fecundùm paragium maritare ; mais s’il n’y a point d’enfans mâles, les filles succedent en tous les biens de leurs peres et mères, tant nobles que roturiers, tam in feudalibus quam burgensaticis,Matth. de Afflict . Constitut. Neapol. l. 3. Rubr. 23.
La Coûtume en cet Article ordonne que le mariage avenant soit estimé par les parens ; mais elle n’apprend point jusqu’à quelle portion ce mariage avenant doit s’étendre, ni en quoy il doit consister ; elle a disposé dans les Articles precedens qu’elles ne succedent point tant qu’il y a des mâles ; elle prescrit aux parens de regler ce mariage avenant selon les biens et les charges des successions des pere et mere, ayeul ou ayeule, ou autres ascendans en ligne directe seulement, et non des successions échûës d’ailleurs aux fretes : les parens sont encore exhortez, en procedant à cette estination, de faire en forte que la maison demeure en son entier, mais elle ne passe point plus avant ; on oublie d’instruire les parens que leur arbitration ne doit point exceder. telle ou telle portion de la succession.
Il est vray que suivant les Articles 254. et 255. les freres peuvent faire réduire les dons et promesses des peres au tiers de la valeur de leurs successions, et par l’Article 269. les soeurs, quelque nombre qu’elles soient, ne peuvent demander à leurs freres plus que le tiers de la succession : Et quoy que ces dispositions soient assez claires pour informer les Jurisconsultes que les filles ne peuvent avoir que le tiers, il pouvoit y avoir de l’ambiguité, si hors le cas des promesses et des dons faits par les peres et meres, ou quand il n’y avoit que deux freres ou une fille, elle devoit avoir le tiers pour son mariage avenant ; que si la Coûtume a eu cette intention de leur accorder le tiers, il étoit plus à propos qu’elle s’en expliquât en cette sorte que d’user de cette expression étrange et ambigué de mariage avenant, qui donne lieu de croire que ce mariage avenant doit être quelque chose de moins que le tiers ; ainsi le plus ou le moins est au pouvoir des parens : Et quand ils ont usé de cette faculté, comme ils ne sont pas les Juges souverains de cette arbitration, on ne manque point à appeler de leurs jugemens, et alors le plus ou le moins dépend du sentiment des Juges.
Par les Loix des Hebreux les filles ne succedoient point ; on donnoit à la fille qui se marioit la dixième partie des biens du pere ; mais cette dixième partie se payoit d’une manière d fort différente de nôtre usage : quand il y avoit plusieurs filles et que l’ainée avoit eu sa part en la mariant, celle qu’on marioit en suite avoit encore la dixième partie de ce qui restoit au d pere, ex eo quod residuum erat, non ex totius assis summa disumebatur : Par exemple, si le pere avoit laissé trois cens livres et plusieurs filles à marier, on donnoit trente livres à la premiere qui e marioit, qui étoit la dixième partie, et comme il ne restoit plus que deux cens soixante et dix livres, la seconde n’avoit que vingt-sept livres, et la troisième vingt-quatre, ainsi à proportion ;Selden . de Success. ad leg. Hebraor. c. 1o.
Ce n’est pas être fort sçavant que d’être instruit que le mariage avenant consiste au tiers des successions échûës en ligne directe, déduction faite des charges ; la differente nature des g biens, leur situation et leur valeur incertaine, la diverse manière de partager les fiefs, les rotures et les rentes constituées, et la contribution qu’il faut aussi regler entre les freres, causent un tres-grand embarras, quand il faut proceder à cette liquidation par des parens qui igno-rent le plus souvent la Coûtume et les maximes. Cela merite une discution tres-particulière pour la contribution entre les frères, je la remettray sur l’Article 364.
Pour faire exactement cette arbitration il faut distinguer la nature des biens, et leur situation, et proceder en suite à leur estimation selon leurs qualitez.
En Normandie la succession d’un défunt peut consister en meubles, en rotures, en fiefs, et en rentes : Pour les meubles les filles non reservées à partage n’y ont que le tiers ; et quoy que Berault ait été fort irresolu touchant la part qui peut appartenir aux filles dans les meubles, comme on l’apprend par ce qu’il a dit sur cet Article, et sur le 270. c’est une regle certaine di qu’elles n’ont que le tiers quand elles sont reduites au tiers pour leur mariage avenant, Art. 51. lu Reglement de l’an 1666.
si la succession consiste toute en rotures l’arbitration du mariage avenant est plus facile, car les filles ont le tiers quand il n’y a point plus de freres que de soeurs : et dans le nombre des rotures qu’il faut estimer, on comprend même le préciput roturier que la Coûtume generale donne à l’ainé, suivant l’Arrest du 18 de Juin 1669. donné en l’Audience de la Grand. Chambre, entre de Cretot et Langlois, plaidans Everard et Dorville : Il augmente le mariage des soeurs parce que l’ainé en doit recompense, et c’est en quoy ce préciput Roturier de la Coûtume generale. est different du préciput de Caux : Celui-cy n’entre point dans l’estimation des biens pour accroître le mariage des soeurs, mais seulement pour la contribution entre les freres, commeR l a été jugé pour Mie Adrien de Limoges, sieur de S. Saen, contre Charles-Antoine de Valles, sieur de Boisnormand, ayant épousé la seur dudit sieur de Limoges, par un premier sArrest du 2r d’Aoust 1664. au Rapport de M Deshommets ; la raison de cette difference est que le préciput de Caux appartient à l’ainé sans en faire aucune recompense. Or les soeurs n’ayant point plus de droit que les freres, et les freres n’ayant rien sur le préciput, leur condition ne peut pas être plus avantageuse, ce qui sera expliqué plus amplement ailleurs.
Sil y a des biens en bourgage le mariage avenant des filles se regle de la même manière que sur les rotures, car elles n’ont part égale aux biens qui sont en bourgage que quand elles sont reservées ou reçûës à partage.
bli dans la succession outre les rotures il y a un ou plusieurs fiefs, ou que tout le bien de la succession consiste en un seul fief qui soit choisi par préciput, et qu’il y ait plusieurs freres et oeurs, l’arbitration du mariage avenant devient beaucoup plus mal-aisée : je distingueray ces diverses espèces.
S’il y a un fief et des rotures, que le fief soit pris par préciput, et les rotures acceptées par les puisnez, pour parvenir à l’arbitration du mariage avenant des soeurs il faut regler auparavant à quoy se monte la part des puisnez, déduction faite de leur contribution au mariage de leurs seurs, suivant l’Article 269. Par-l’Arrest du sieur de S. Saen, du 30 de Juin 1665. la fille ne peut avoir une plus grande part qu’un puisné : Dans lespece que je viens de proposer, quand il y a un fief et des rotures le mariage avenant de la soeur n’est point estimé, i eu égard à la valeur du fief et des rotures, pour en donner le tiers aux seurs. On en use d’une pi autre manière, chaque seur ne peut avoir qu’autant qu’un puisné, ainsi lorsque les puisnez ont Pû accepté les rotures, pour faire la liquidation du mariage on régarde seulement ce que vaut la part de chaque puisné sur la roture, déduction faite de sa contribution, et de celle de l’ainé à cause de son fief. La question s’offrit entre Mre de Vieuxpont, sieur d’Auxouville, et ses de freres, et une seur : Mré André de Vieuxpont, sieur d’Auzouville, laissa cinq fils et trois filles. m Le sieur d’Auzouville prit par préciput un fief de grande valeur, et les puisnez n’eurent que re quelques rotures : une seur mariée demanda son mariage avenant à ses freres, ils luy accorderent à proportion de la part d’un puisné, et le sieur d’Auzouville offrit d’y contribuer comme à une dette de la succession, pro modo emolumenti, à proportion de la valeur de fon fief. La seur disoit que la Coûtume ne regle et ne limite pas toûjours la legitime des soeeurs à la part des puisnez, quand il n’y a qu’un fief en la succession, il n’appartient qu’une provision à vie aux puisnez : au contraire les seurs ont leur part en proprieté, et par l’Article 364. les freres contribuent au mariage des socurs selon les biens de la succession, ainsi son mariage ne devoit pas être reglé selon la part des puisnez, le fief choisi par préciput devant être dans l’estimation du mariage avenant : Le Bailly avoit debouté la soeur de ses conclusions, qui sembloient être d’autant plus favorables, qu’elle representoit que les puisnez n’avoient accepté les rotures que par intelligence avec leur ainé, et pour luy faire préaudice, parce qu’il leur êtoit beaucoup plus utile d’abandonner les rotures pour prendre leur provision à vie sur le fief, et neanmoins la Sentence fut confirmée par Arrest du 18 de Mars 1642. en l’Audience de la Grand : Chambre
Dans le procez du sieur de S. Saen, le sieur de Valles son beau-frere avoit la même prétentions dans la succession il y avoit des biens en Caux et hors Caux, pour les biens de Caux on jugea que la seur n’auroit qu’autant qu’un puisné, et sur les biens qui étoient dans la Coûtume generale. de sieur de Valles, au droit de sa femme, demandoit que les fiefs entrassent dans l’estimation de son mariage, prétendant qu’il ne pouvoit être reduit à la portion d’un puisné, à quoy le sieur de S. Saen répondoit, qu’encore que les puisnez n’eussent qu’une provision à vie sur le fief, et qu’au contraire les soeurs ayent une part en proprieté, toutefois la part des soeurs ne peut exceder. celle des puisnez ; ce qui fut jugé, au Rapport de Mr Deshommets, par l’Arrest cydessus datté du 30 de Juin 1668. Je parleray souvent de cet Arrest, parce qu’il a terminé plu-sieurs questions importantes.
Si dans l’espèce cy-dessus il n’y avoit eu qu’un fils qui eût choisi le fief par préciput, et que les filles eussent abandonné les rotures pour demander leur provifion sur le fief, elles auroient le tiers du fief en proprieté et non point à vie, comme auroient eu les freres puisnez, parce qu’en ce cas la condition des filles est plus avantageuse que celle des freres : on ne pouvoit en user autrement, les loix qui ont un soin particulier, que les filles puissent être pourvûës en mariage, ont sagement prévû qu’elles ne trouveroient point de party, si elles ne leur donnoient quelque portion en proprieté.
Il faut proposer une nouvelle espèce, quand il y a plusreurs freres et plusieurs seurs, et plules sieurs fiefs dans la succession ; s’il y a plusieurs, fiefs choisis par préciput, et qu’il reste encore et des fiefs et des rotures, qui soient partagez entre les autres frères, les fiefs choisis par préciput n’entreront pas dans l’estimation du mariage avenant, mais ils y contribuëront, et on considerera seulement la valeur de la part d’un cadet pour en donner autant à chacune des filles, suivant l’Arrest du sieur de S. Saen cy-devant datté
Que s’il n’y a qu’un fief en la succession, et plusieurs freres et soeurs, et que l’ainé prenne le fief par préciput, scavoir si les deux tiers demeureront entièrement à l’ainé, et s’il n’est pas quitte, tant du mariage des soeurs que de la provision à vie de ses puisnez, en leur abandonnant le tiers : ou si ce tiers doit appartenir aux puisnez pour en joüir à vie par les puisnez de leur part, et par les soeurs en proprieté : ou bien si ce tiers demeure aux filles à charge de contribuer pour un tiers à la provssion des puisnez, et par l’asné pour les deux autres tiers C’est une maxime. certaine que le frère ainé n’est pas quitte de la provision à vie de ses puisnez, et du mariage de ses seurs en leur abandonnant à tous ensemble le tiers du fief, I est encore obligé à contribuer aux mariages des seurs ; et pour regler les droits ; tant des puisnez que des soeurs, supposons que le fief soit de trois mille livres de rente, et qu’il y ait deux puisnez et deux seurs, la part de chaque seur qui luy appartiendra en proprieté ne pourra être plus grande que la provision à vie de chaque puisné, et c’est pourquoy pour regler la part qui reviendra à chaque fille, il faut sçavoir ce qui restera à chaque puisné aprés sa contribution levée.
Cela posé, on estime le fief au denier vingt à vingt mille écus, qui seront pour le tiers vingt mille livres, qui font mille livres de rente, lesquelles divisées en deux c’est pour chaque cadet cind cens livres de provision, et les faisant contribuer pour leur tiers de cent vingt-cinq livres chacun, il ne leur resteroit que trois cens soixante et quinze livres à chacun, et l’ainé contribuant pour les deux tiers à proportion des puisnez, il doit payer cinq cens livres de rente ; ainsi ce qui reviendroit aux deux seurs pour leur mariage avenant se monte à sept cens cinquante livres de rente, qui étant partagées par moitié, c’est pour chacune trois cens soixante et quinze livres, ce qui rend leur portion égale à celle des puisnez.
Pour les rentes constituées il est sans difficulté que le mariage avenant se regle de la même maniere que pour les rotures, quand la succession est en Normandie et que les debiteurs des rentes y ont aussi leurs biens : Il ne peut y avoir de problême que quand la suc cession échet en Normandie, et que les debiteurs des rentes constituées ont leurs biens sous des Coûtumes où les filles partagent également ; mais il est sans doute que les filles qui ne sont point reservées à la succession de leur pere, mort en Normandie, ne peuvent avoir que mariage avenant sur les rentes constituées sur des personnes dont les biens sont assis hors Normandie ; la raison est que pour être reçû à partager une succession il faut être habile à succe-vier : or en Normandie les filles non reservées nen sont point capables, et par consequent elles ne peuvent avoir, part aux rentes dûës par des personnes domiciliées hors la Province, la différence de nôtre usage et de celuy de Paris pour le partage des rentes constituées a fait faître cette contestation : suivant nôtre usage les rentes constituées se partagent selon les Coûtumes des lieux où les biens des redevables sont situez ; au contraire suivant l’usage du Parle-ment de Paris elles se partagent suivant la Coûtume du domicile du creancier.
Cette question s’offrit en l’Audience de la Chambre de l’Edit : Une femme d’Alençon nommée Bellou laissa des biens en Normandie et quelques rentes constituées à prendre sur des particuliers de la Province du Mayne, qui avoient tous leurs biens en cette Provinoe en procedant au partage de ces biens entre les frères et les seurs, les seurs demeuroient d’accord qu’elles ne pouvoient demander que mariage avenant sur les biens en Normandie, puis-qu’elles n’étoient point reservées à partage : ; mais elles prétendoient entrer en partage pour les rentes dûës en la Province du Mayne ; le Juge d’Alençon les en ayant refusées, sur l’appel Maurry leur Avocat disoit que par l’usage de cette Province les rentes étoient partagées luivant la Coûtume des lieux où les redevables avoient leurs biens, d’où il concluoit que ces rentes étant dans la Province du Mayne où les filles partagent avec leurs freres, on leur avoit refusé sans raison le partage. Carué pour les intimez faisoit la distinction entre succeder et partager ; pour pouvoir partager il faloit être capable de succeder : or la succession étant échûë en Normandie, et l’incapacité de succeder se reglant suivant la Coûtume du lieu où la succession est échûë à l’égard des rentes constituées, les filles étoient excluses des droits succes-sifs ; car si les soeurs vouloient suivre l’usage de Normandie touchant le partage des rentes, elles devoient pareillement s’y conformer pour la capacité de succeder, si au contraire elles prétendoient se prévaloir de la Coûtume du Mayne pour devenir capables de succeder aux rentes qui se trouvent dans son Ressort, elles s’engageoient en même temps à garder l’usage. du Parlement de Paris touchant le partage des rentes, où elles se divisent suivant la Coûtume du domicile du creancier, ce qui les excluoit d’y avoir partage, parce que le crean-cier avoit son domicile en Normandie : Par Arrest du 20 de Février 1652. on mit sur l’appel hors de Cour ; les parties étoient les nommez Hondebourg-all reste à parler des Offices, mais puisqu’ils sont reputez immeubles les soeurs y doivent aussi prendre part, laquelle doit être reglée de la même manière que sur les rotures
Il ne suffit pas de connoître la part que les filles peuvent avoir dans les diffenentes especes de biens que j’ay proposées ; l’estimation des biens, la liquidation et la repartition entre les puisnez et les soeurs, est tres-difficile, sur tout dans la Coûtume de Caux.
Pour l’estimation des héritages elle se fait en cette manière ; les rotures sont estimées au denier vingt, et quoy que les fiefs soient estimez ordinairement au denier vingt-cinq, néanmoins à l’égard des filles, et pour la part qui leur appartient, leur estimation n’excede point le denier vingt, par cette raison que si l’on donnoit la part en essence à la fille, ce ne seroit qu’une roture en sa main : cela fut jugé pour-les Demoiselles de Mongommeri, et depuis pour le sieur de S. Saen, et la Cour en a fait un Reglement, Article 52. du Reglement de l’an 1666.
L’estimation ne se fait aussi que sur le pied du revenu des héritages, sans mettre en conside ration les bois de haute-fûtaye et les batimens, sinon entant qu’ils augmentent le revenu, Aricle 52. du Reglement, et on n’a point suivi l’Arrest remarqué parBérault .
Les biens se doivent aussi estimer suivant leur valeur au temps de la mort du pere, comme Je l’ay remarqué sur l’Article 255.
Cette estimation ne pouvant être faite sans frais, on ordonna par l’Arrest du sieur du Plessis-Châtillon, du 14 de Mars 1638. que l’estimation se feroit conjointement aux dépens des freres et des seurs ; mais pour éviter aux grands frais la Coûtume a prudemment ordonné que cette arbitration fe feroit par les parens, dans cette vûe qu’ils rendroient gratuitement cet office à leurs proches, et par cette raison il fut dit par un Arrest qu’encore que cette, estimation se fasse avec les acquereurs du frere on ne doit y appeler que des parens ; et par Arrest du 18 d’Avril 1667. au Rapport de Mr de la Motte-Labbé, on cassa une Sentence du Bailly. contenant qu’elle seroit faite par des Experts.
La liquidation entre les pulsnez et les leeurs, ou entre les soeurs seulement, produit aussi ces difficulrez,
Quand il n’y a que des rotures, des rentes, et des meubles, on fait une masse du tout pour en donner le tiers aux soeurs si elles sont en plus grand nombre que les frères ; mais on leur donne ne part égale à chaque frere, s’il y a plus de frères que de soeurs.
Sil se rencontre un fief et des rotures qui soient prises par les puisnez au lieu de la provision à vie sur le fief, le mariage avenant sera réglé pareil à la portion qui reste à chaque frere aprés sa contribution aux mariages de ses seurs levée et déduite.
Par exemple, les enfans sont au nombre de sepr, quatre fils et trois filles ; le fief pris par préciput par l’ainé est estimé à trente, six mille livres, et les rotures à douze mille livres : pour liquider le mariage des trois soeurs, il faut connoître ce qui reste aux puisnez leur contribution levée ; en donnant trois mille livres à chaque soeur le mariage des trois soeurs se montera à neuf mille livres, de laquelle somme l’ainé en payera les deux tiers, et les puisnez l’autre tiers, ce qui feroit mille livres pour chaque frère, laquelle levée sur les quatre millaalivres il leur resteroit trois mille livres, et par consequent le mariage de chaque sour doit être réglé à pareille somme. si tout le bien de la succession consiste en un fief, le tiers du fief sera estimé au denier vingt et chaque fille aura en proprieté autant que chaque puisné pour sa provision à vie, lorsque les puiinez et les seurs sont en nombre égal.
Dans la Coûtume de Caux cette liquidation est beaucoup plus embarrassée, quand le mariage des filles ne peut être entièrement payé sur les meubles ; car il faut remarquer que suivant les Art. 56. et 57. du Reglement de l’an 1666. l’ainé doit à cause du manoir et pourpris en Caux à luy déféré par la Coûtume, contribuer aux dettes de la succession et au mariage des filles, et neanmoins le manoir et pourpris n’augmentent point l’estimation du mariage avenant des filles, de sorte qu’il faut exactement distinguer ces deux choses : La première, que dans l’estimation duimariage. des seoeurs on ne comprend point le préciput de l’ainé, et toutefois quand il faut regler la contribution entre les freres, le préciput en Caux entre dans le nombre des biens contribuables Par exemple, il y a cinq enfans, trois fils et deux filles, le bien de la succession est de valeur de douze mille livres, et le préciput de trois mille ; des neuf mille livres les deux tiers appartiennent à l’ainé, et l’autre tiers aux deux puisnez
En procedant à la liquidation du mariage des soeurs, on ne doit pas comprendre le préciput, ainsi leur part ne sera point plus grande que celle des deux puisnez, leur contribution déduite, et cependant quand il faudra regler la contribution entre fainé et les puisnez, le préciput entrera dans l’estimation.
Commençons par la liquidation du mariage des filles ; le bien à leur égard ne consiste qu’en neuf mille livres, il en faut trois mille livres pour le tiers des deux puisnez, ce seroit quinze cens livres à chacun, mais cette somme diminuant par la contribution au mariage de leurs deux soeurs, ce mariage avenant ne pourra se monter qu’à la somme qui restera aux deux puisnez leur contripution levée : pour la trouver il faut liquider le mariage de chaque seur à onze cens vingt-cind vres, ce sera pour les deux soeurs deux mille deux cens cinquante livres, dont l’ainé portera pour ses deux tiers quinze ceus livres, il restera à payer pour chaque puisné trois cens soixante et quinze livres, et de cette manière leur partage sera reduit à onze cens vingt-cinq livres.
Cependant ils ne laisseront pas de demander à leur ainé une contribution à cause de son préciput, or emportant trois mille livres pour son préciput, et six mille livres pour ses deux tiers, qui font les trois quarts de la succession, il payera les trois quarts des deux mille deux cens cinquante livres, montant à seize cens onze livres dix sols.
Pour connoître en quoy consistent les biens de la succession, quand il y a des filles, il tombe en charge aux freres de faire inventaire, autrement si on les reçoit à partage, elles sont reçûës à jurer in litem, si on ne leur accorde qu’un mariage avenant, on leur ajuge ordinairement une somme pareille à celle que leur pere a donnée à la fille qu’il a mariée, si elles veulent s’y contenter : ainsi jugé, au Rapport de Mr de Sainte Foy, sur un partage de la Chambre des Enquêtes, décidé en la Grand. Chambre le 18 d’Aoust 1665. Mr Boulaye Compartiteur.
En attendant le payement le frère doit l’interest au denier vingt jusqu’au mariage, et depuis le mariage au prix du Roy,
CCLXIII.
Le fisc ou autre creancier doit bailler partage.
Le fisc ou autre creancier subrogé au droit des freres ou l’un d’eux, doit bailler partage aux filles, et n’est reçû à leur bailler mariage avenant.
Il eut été tres-injuste d’exclure les filles du partage et du droit de succeder, lorsque le fisc entre en la place du frère : leur exclusion ne procede pas d’une incapacité naturelle, elle est fondée sur cette raison politique de la conservation des familles, de sorte que ce motif venant à cesser il est juste de remettre les choses dans leur ordre naturels C’est par ce même principe que la Coûtume étend ce retour des filles au droit de partage contre le creancier subrogé ; car bien qu’il soit beaucoup plus favorable que le fisc, neanmoins si le frere est un dissipateur et qu’il ruine sa maison, que la Coûtume vouloit conserver, elle le prive et ses créanciers subrogez, des prerogatives qu’elle luy avoit accordées On entend par le creancier subrogé celuy qui dans une succession abandonnée obtient des Lettres pour se faire subroger à tous les droits de son debiteur Mais on a douté fort long-temps si l’acquereur de tous les biens ou des droits universels du frere étoit compris sous la disposition de cet Article, car il y a grande différence entre l’acquereur et le creancier subrogé, si l’acquereur êtoit dépossedé sa garantie et son recours en seroient assurez contre le frere son vendeur, qui se chargeant de son fait ne pouvoit être condamné qu’à bailler mariage avenant, parce qu’autrement il ne pouvoit éviter les interests d’évi ction, et quoy qu’il ne luy restat plus de biens, toutefois cette action de garantie pouvoit être utile à l’acquereur, si le frere parvenoit à une meilleure foftune : mais toutes ces raisons manquent à l’égard du creancier subrogé, qui se faisant subroger à une succession abandonnée n’a plus aucune esperance de recours contre le frere
On répond pour les soeurs que ce pretexte de garantie contre le frere qui a vendu tous ses siens est frivole, que cette raison ne peut valoir qu’en la bouche d’un acquereur de portion des biens ; cette faculté de bailler mariage avenant à la seur est un droit personnel, qui ne peuta être exercé que par le frere seul : la Coûtume a expliqué nettement son intention en cet Article, qui est de rappeler les soeurs à partage, lorsque le frere est un mauvais ménager, et un dissipateur du patrimoine de sa maison.
C’est un ancien usage en cette Province que le decret des biens du frere donne ouverture à la fille pour demander partage ; on le jugea de la sorte le premier de Février 1624. au Rapport de Mr Mallet, sur un partage de la Grand. Chambre, et par l’Arpest rendu sur ce partag. en la Chambre des Enquêtes, il fut dit que les biens du frere étant decretez pour ses dettes, f les soeurs n’étoient pas tenuës de s’arrêter au mariage avenant, et que le partage leur appartenoit. Au procez du sieur du Tronquay, contre ses soeurs, l’on jugea que quand le mariage des soeurs avoit été liquidé et arbitré, bien qu’il ne fût pas payé, les soeurs ne pouvoient en ce cas demander que la somme qui leur avoit été arbitrée, quoy que le bien des freres fût decreté, parce que c’étoit l’interest des freres, dont les dettes étoient payées, et qui pouvoient parvenir à une meilleure fortune.
Il semble que la distinction faite par cet Arrest s’éloigne de l’esprit de nôtre Coûtume Il est sans doute que la Coûtume n’ayant pas voulu que les creanciers ou les acquereurs d’un frere mauvais ménager profitassent de l’avantage qu’elle luy avoit fait au préjudice de ses soeurs, il y avoit une pareille raison à donner le partage aux soeurs, quoy que leur mariage fût arbitré, comme fors il n’étoit point payé, la simple arbitration du mariage avenant qui demeura sans execution, n’étant point une cause valable pour établir cette différence ; il semble neanmoins que la chose étant consumée par l’arbitration du mariage, ce n’est plus qu’une dette que la soeur peut demander sur les biens de son frère, et les créanciers, sur tout ceux qui ont traité avec luy depuis la liquidation de ce mariage, seroient trompez à la bonne foy, parce que voyant que leur debiteur ne devoit qu’une somme certaine à sa seur, ils ont crû pouvoir traiter fûrement avec luy ; c’est neanmoins lusage établi par les derniers Arrests, que soit qu’il y ait arbitration ou nons les filles ont droit de demander part en essence, en cas de decret universel des biens du frère.
On a si fort favorisé la condition des filles qu’on leur a même ajugé leur tiers en essence, encore que les biens fussent saisis et vendus pour les dettes du pere. Apres la mort de Fontaines, sieur de Cardonville, ses biens furent saisis réellement pour ses dettes sur son fils, qui étoit son acritier ; aprés l’interposition du decret, et lorsque l’on êtoit prest de proceder à l’ajudication, les filles qui n’étoient pas mariées opposerent pour avoir leur tiers en essence, les créanciers le contesterent par deux raisons : La premiere, qu’elles n’étoient pas recevables à demander une distraction aprés une ajudication par decret ; et la seconde, que le decret étant fait pour les dettes de leur pere, elles ne pouvoient avoir qu’un mariage avenant ; elles offroient de contribuer au tiers des frais du decret, et de payer le tiers des dettes, ou de bailler caution : Le premier Juge leur avoit accordé seulement mariage avenant ; sur leur appel, par Arrest, au Rapport, de Mr de Fermanel, du 13 d’Aoust 1664. on cassa la Sentence, et on leur ajugea le tiers en essence, en contribuant au tiers des frais du decret, et en payant le tiers des dettes, ou baillant caution Il est donc vray de dire que par le decret, soit qu’il soit fait pour les dettes du pere ou du frere, les filles deviennent capables de demander partage.
Pour l’acquereur de tous les biens du frere le droit des soeurs n’a prévalu qu’aprés une longue contestation, les acquereurs ayant souvent obtenu des Arrests à leur avantage. Par un Arrest lu 2i d’Aoust 1597. entre Horace le Forestier, appelant d’une Sentence qui le condamnoit à bailler partage en essence à Philippine Richer, soeur de Jean Richer, dont il avoit acquis les héritages, et le Prestre, mary de Philippine Richer, intimé, la Sentence fut cassée, et on ajugea mariage avenant, et non partage à ladite Philippine Richer, et on tint que cet Article n’avoit lieu que quand on avoit acquis toute la succession, ou qu’il y avoit decret.
Par un autre Arrest du 4 d’Octobre 1609. entre Jeanne Gosselin, fille de Raoul Gosselin, et Jean Gosselin, son frere, intimé, Jacques Toustain, et Pierre Bouchard, acquereur des héritages de Gosselin, on confirma la Sentenc du Juge de Thury, qui accordoit à la seur le mariage avenant seulement. Autre Arrest du 17 de Decembre 1615. entre Me Alexis Plichon Procureur en la Cour, appelant, et Me Charles Cavé, tuteur d’Anne Cavé, fille de Pierre Cavé, Marie Potier et Jacques Gosselin, intimez, par lequel on cassa la Sentence qui avoit ordonné le partage à ladite Cavé sur des maisons acquises par Plichon, et on luy accorda seulement mariage avenant : en cet Arrest le frere avoit été appelé en garantie, mais il ne voulut point parler, et bien que les droits universels n’eussent pas été vendus, le frere avoit aliené tous les héritages.
Cette jurisprudence a changé depuis, par Arrest du 18 d’Avril 1629. on confirma la Sentence du Bailly de Caen, dont êtoit appelant Michel de Blais, acquereur de la pottion hereditaire de Claude Huc, à condition expresse de bailler partage ou mariage avenant : Par la Sentence on avoit donné le partage en essence. De Blais se prévaloit de la clause de son contrat, qui luy donnoit la liberté de bailler partage ou mariage avenant. Les soeurs s’aidoient au contraire de cette clause, disant que leur frere n’étant point garand, elles étoient beaucoup plus favorables. en leurs demandes. Autre Arrest du 20 de Juin 1631. pour Renée Hebert, à qui la Cour ajugea le tiers d’un fief au préjudice des acquereurs.
Mais comme si le temps avoit effacé le souvenir de tous ces Arrests, on fit renaître cette question en lannée 1663. M. Jean lEpeudry, Greffier au Bureau des Finances à Roüen, acquit tous les héritages de Lambert, et par le contrat Lambert le subrogea à tous ses droits et actions ; étant poursuivi par les soeurs de Lambert pour leur bailler partage, il y fut condamné par Sentence des Requêtes du Palais : Sur son appel de Cahagnes, son Avocat, soûtenoit qu’il y avoit de la difference entre le créancier subrogé et Iacquereur des biens du frere, que le creancier subrogé est celuy qui l’est par Justice, comme au cas du decret, que l’acquereur êtoit à la place du frere par un contrat volontaire, et que le frere êtoit tenu à la garantie envers l’acquereur, qui naturellement étoit subrogé à tous ses droits, qu’en cette rencontre il perdroit les deux tiers de son acquest, parce qu’il étoit en bourgage, et qu’il n’y avoit qu’un frère et deux soeurs, que son vendeur luy devoit trentehuit mille livres, et qu’il n’avoit du bien que pour vingt : quatre mille divres, et pour rendre la cause plus favorable, parce que Lambert son vendeur refusoit de se poindre avec luy, il fit presenter en la cause le tuteur consulaire de la fille de Lambert, qui soûtenoit que l’acquereur pouvant avoir son recours contr’elle, il n’y avoit pas lieu de le consideres comme un creancier subrogé. Heroüet, pour Anne et Marie Lambert, répondoit que la Coûtume en privant les filles du droit de succeder êtoit contraire au droit naturel commun, et qu’il faloit favoriser toutes les dispositions qui les temettent dans le droit general, que c’étoit un privilege attaché à la personne du frere, que l’Epeudry étant un acquereur de tous les biens du frere, il étoit de même condition qu’un creancier subrogé : Par Arrest en la Gtand. Chambre du 1s de Novembre 1663. on mit sur l’appel hors de Cour
Si de deux freres l’un avoit vendu sa portion hereditaire, et l’autre avoit conservé son biens vet acquereur ne seroit pas obligé à donner partage, si l’autre frere offroit mariage avenants c’étoit l’espèce de l’Arrest donné au profit de Mi Antoine Cloüet, Procureur en la Cour ; il avoit acquis la portion d’un frère, la soeeur luy demandoit partage, un autre frere qui devoit contribuer au mariage offroit se mariage avenant : Cloüet fut reçû à bailler le mariage avenant aux filles de Bouteiller, par Arrest en la Grand. Chambre du 23 de Juillet 1643. Le motif de l’Arrest fut l’offre du frere, et l’on ne jugea pas à propos que la soeur eût en partie partage. et mariage avenant en partie.
En consequence des Arrests qui ont condamné l’acquereur à donner partage, on a demandé Ii l’on pouvoit forcer les seurs à prendre les dernieres alienations, comme pour le tiers coûtumier, et en suivant l’ordre des hypotheques, comme aussi à faire les lots. Par Arrest en la Grand : Chambre du 7 d’Avril 1644. on jugea que la soeur n’y êtoit point obligée.
CCLXIV.
Dans quel temps le frere doit marier sa soeur.
Le frère aprés l’an et jour ne peut plus differer le mariage de sa soeur, pourvû qu’il se presente personne idoine et convenable qui la demande, et s’il est refusant d’y entendre sans cause legitime, elle aura partage à la succession de ses pere et mère.
Cet Article devoit suivre immediatement le 261. comme traitant d’un même sujet, il est plus raisonnable que le 261. il oblige le frère à ne plus differer aprés l’an et jour le mariage de sa soeur, et il punit son refus de la marier, quand il se presente un party convenable, en ajugeant partage en la succession de ses pere et mère. J’ay vû douter si en vertu de cet Article, la seeur ayant eu partage, à faute par son frère d’avoir consenti à son mariage, elle doit être reputée heritiere et obligée aux dettes : Quelques-uns soûtenoient la negative, disans que ce partage n’étoit qu’au lieu du mariage avenant, et comme une peine de l’opiniâtreté du frere, ainsi les seurs n’avoient ce partage que comme creancières ; mais l’on dit au contraire que les filles ne sont pas excluses si absolument des droits successifs, qu’elles ne puissent y rentren en plusieurs cas et en plusieurs manieres, quand le pere les reserve, que le frere les reçoit à partage, ou au cas de l’Article précedent. Or comme en toutes ces rencontres la fille est reputée heritière, parce que qui dit partage dit succession, et qui dit succession dit heritier, et que par le droit celuy est heritier qui possede une chose qu’il ne peut avoir citra nomen & jus heredis. Ainsi la fille qui rentre dans le droit de partage par la negligence ou la mauvaise ses pere et mère-
numeur du frere, n’y vient qu’en qualité de fille et d’héritière, ce luy est assez d’avantage que sa condition devienne égale à celle de son frère ; et comme il est obligé solidairement aux dettes elle ne peut se dispenser de cette obligation, puisque d’ailleurs elle a cette liberté de pouvoir prendre son mariage avenant, et par ce moyen s’exempter de l’obligation personnelle aux charges de la succession.
CCLXV.
Contredit des filles à l’avis des parens les prive du partage.
Si la soeur ne veut accommoder son consentement selon l’avis de ses freres et de ses parens, sans cause raisonnable, quelque âge qu’elle puisse par aprés arteindre, elle ne pourra demander partage, ains mariage avenant seulement.
Cet Article est fort raisonnable, et la fille qui ne défere point aux sentimens de ses freres et de ses parens, ne doit pas rendre sa condition meilleure, si au contraire elle se marie sans leur agrément, on demande si les freres seront tenus de luy payer un mariage avenant ? On pourroit distinguer entre le mariage fait avant l’âge de vingt-cinq ans, et celuy contracté aprés1 cet âge ; mais quoy qu’il soit vray que la fille avant vingt-cind. ans ne puisse pas contracter mariage sans le consentement de ses parens, elle ne seroit pas privée de sa legitime pour s’être mariée avant cet âge contre leur agrément.
CCLXVI.
Pendant la minorité des freres comment peuvent être mariées les seurs.
Le mariage de la fille ne doit être différé pour la minorité de ses freres : ains sera mariéé par le conseil des tuteurs et des plus prochains parens et amis, lesquels luy bailleront mariage avenant, sans qu’ils luy puissent bailler partage : et au cas qu’ils feussent baillé, le fils venant en âge le peut retirer, en baillant mariage avenant.
Cet Article est beaucoup plus équitable que le 261. On apprend par la l. 20. de nuptiis, quelles personnes on doit consulter pour le mariage des filles : In conjunctione filiarum in sacris positarum, patris expectatur arbitrium, sed sui juris si puella sit, ipfius quoque assensus exploratur ; si patris auxilio destituta, matris et propinquorum et ipfius quoque adulte requiratur judicium, si utroque orbata parente, sub curatoris defensione constituta sit & intra honestos competitores, matrimonii oriatur certamen, ut queratur cui potissimum puella jungenda sit, si puella cultu verecun-diae propriam noluerit depromere voluntatem, coram positis propinquis, judici deliberare permissum est cui melius societur.
Les sentimens de la mere et du tuteur êtant opposez, on demande lequel doit être suivi Cette question fut autrefois disputée à Rome avec beaucoup de chaleur : une fille d’une maison Plebeienne charma par sa grande beauté deux jeunes gens qui la voulurent épouser, lun qui Etoit de même condition que la fille avoit de son côté les tuteurs qui étoient aussi de même qualité, lautre êtoit noble et d’une naissance illustré, et la beauté de la fille étoit le seul motif de son amour. Il étoit appuyé par le party de la noblesse, et il avoir gagné les bonnes graces de la mere, qui désiroit passionnément une alliance si considérable. Les tuteurs au contraire témoignoient plus d’inclination pour un homme de leur party. L’affaire n’ayant pû s’accorder in jus b ventum est, et audito matris postulatu tutorumque, magistratus fecundùm parentis arbitrium dant li jus nuptiarum. Livius 1. Dec. l. 4. Mais aujourd’huy le mariage de la fille ne dépend pas seulement de la volonté de la mere ou du tuteur, on fait une assemblée de six parens paternels n et de six parens maternels, et le mariage s’acheve ou se rompt, selon le plus grand nombre de voix.
Si le tuteur ou les proches parens contre la défenfe qui leur est faite par cet Article donnent partage à la seeur en la mariant, il semble qu’ils ne peuvent commettre impunément cette faute, sur quoy lon peut former ces deux questions, si le mary peut les rendre garands et les de obliger à faire valoir le partage qu’ils luy ont promis, ou si les freres peuvent conclure conr’eux en leurs interests
Le mary paroit fort favorable ; car quelle excuse le tuteur et les parens peuvent-ils alléguer d’une contravention si formelle : Il est vray que regulierement les parens ne sont point garands. de leurs avis, et s’ils n’avoient fait qu’arbitrer le mariage avenant au de-là de la vraye valeur, on ne pourroit leur imputer de faute, parce que la valeur des biens êtant incertaine, il est mal. aisé de faire une estimation si juste qu’il n’y ait rien à dire, et c’est l’espèce de l’Arrest rapporté parBérault , où le tuteur et les parens n’avoient pas accordé partage à la soeur, le trere fe plaignoit seulement que les promesses étoient excessives, qu’il aimoit mieux recevoir sa seur à partage ; mais quand ils reservent la seur à partage, ils ne peuvent ignorer qu’ils outrepassent leur pouvoir, et qu’ils font une chose qui leur est défenduë par la Coûtume ; s’ils alléguent que le mary s’est trompé volontairement, puisqu’il a dû sçavoir que cette reservation à partage étoit nulle : on répond qu’un tuteur qui ne doit rien faire sans prendre avis, et des parens qui ont de l’experience sont beaucoup moins excusables qu’un jeune homme qui n’écoute que sa passion, et dont l’âge ne luy permet pas de sçavoir les Loix et les Coûtumes, Mais on répond pour le tuteur et les parens que le mary doit s’imputer son ignorance, la Coûtume étant publique il a dû la sçavoir, l’erreur de droit n’excuse personne, et comme il s’agissoit de son feul interest, et que les parens n’en tiroient aucun benefice, il n’a pû exiger d’eux des pactions inciviles et nulles, ce qui me paroit raisonnable.
a l’égard des frères la question est aisée à resoudre, la Coûtume leur donnant la faculté de revoquer ce que le tuteur et les parens ont fait, il est en leur pouvoir de reparer le préjudice qui leur a été fait, et ne le faisant pas ils s’en doivent imputer la faute, et non à ses parens.
Mais il reste encore cette difficulté touchant le temps dans lequel le frere est tenu de rer voquer ; il semble qu’il n’est pas necessaire de fixer un terme certain, parce qu’apparemment un mary ne tarde gueres à poursuivre ses droits ; neanmoins s’il ne le faisoit pas, il ne faudroit pas limiter cette revocation à une année, comme dans l’Article 254. parce que l’on ne doit pas avoir les mêmes égards pour les actions d’un tuteur comme pour celles d’un pere ; mais a au moins le frère est tenu d’agir dans les dix ans, qui est le temps ordonné pour revoquer les donations.
CCLXVII.
Pourvoy des filles pour la negligence du tuteur
Si le tuteur est negligent de marier la soeur de son pupille, étant parvenuë en ses ans nubils, elle peut se marier par l’avis et déliberation des autres parens et amis, encore que ce ne soit du consentement du tuteur ; lesquels aprés avoir ouy ledit tuteur, peuvent arbitrer mariage avenant.
Lorsque le tuteur neglige de marier sa pupille, il est raisonnable de luy donner la liberté de se e marier par favis de ses parens, puis qu’aprés vingt-cinq ans elle le peut sans le consentement de son pere.
CCLXVIII.
Provision de la fille ayant vingt-cinq ans.
Fille ayant atteint lage de vingt-cinq ans, aura provision sur ses freres équipolent au mariage avenant, dont elle joüira par usufruit attendant son maria-ge, et en se mariant elle aura la proprieté.
Cet Article contient deux dispositions : par la premiere, il regle ce que la fille peut demander aprés qu’elle est parvenuë à l’âge de vingt-cinq ans ; et par la seconde, il ne donne qu’un simple usufruit à la fille de la somme qui est arbitrée pour son mariage avenant.
C’est un usage certain qu’avant l’âge de vingt-cinq ans la seur ne peut demander à ses freres qu’une pension, et qu’il suffit qu’ils luy ayent fourni sa nourriture et son entretien ; mais aprés e vingt-cinq ans elles ont une provision qui équipole à l’interest de la somme qui leur appartient pour leur mariage avenant
On apprend par cet Article que les filles ne sont pas seulement excluses des successions, mais aussi qu’elles n’ont qu’un simple usufruit sur la portion qui leur est accordée pour leur legitime jusques à ce qu’elles se marient, et c’est par cette raison qu’elles ne peuvent l’hypothequer ni P’aliener : on peut en faire comparaison avec les fils de famille, qui jure civili, etiam si liberam L habeant peculii administrationem, donare tamen non possunt ; on n’a pas laissé de douter si dans un cas favorable il ne seroit pas raisonnable de laisser à la fille la liberté d’engager toute sa portion, ou partie d’icelle à l’exemple du même fils de famille, lequel bien qu’il ne puisse donner, tamen si justâ ratione motus donat, potest dici locum esse donationi, l. filius 5. 1. ff. de donation. On n’a point donné cette liberté aux filles, quelque favorable que fût la cause de la donation, comme il paroit par les Arrests donnez entre le Pelletier et Richard, Longchamp et le sieur Dincarville Biard, contre les legataires par le testament de sa seur, en l’Audience de la Grand-Chambre du 22 d’Aoust 1662. on plaida cette question, si le frère sercit tenu de payer la somme laquelle on avoit arbitrée pour le mariage avenant de sa serur pour son entrée en Religion ; la cause fut appointée au Conseil, mais auparavant on avoit décidé cette question. Bradechal, Commis au Greffe de la Cour, ayant un fils et plusieurs filles, il arbitra par son testament le mariage de ses filles à chacune deux mille cinq cens livres ; sur la reduction prétenduë par le frère, les parens ugerent qu’il n’y avoit point d’excez en cette arbitration. Françoise Bradechal, l’une des filles, voulant faire Profession de Religion dans le Convent de S. Loüis de Roüen, par un contrat fait en la presence de la pluspart de ses parens, à la réserve de son frère, donna au Convent les deux mille cinq cens livres qu’elle avoit pour sa legitime : Les Religieuses ayant saisi les fermages. du frere pour les arrerages, ils en eurent main-levée, nonobstant son opposition par Sentence les Requêtes : Sur son appel, Dudit, son Avocat, concluoit que la donation êtoit nulle, C. quoniam simoniaca extravag. de Simoniâ, et autres textes qui défendent de prendre aucune chose pour l’entrée en Religion, et le C. si periculoso de statu regul. in 6. défend de recevoir un plus grand nombre de Religieux que le Monastere n’em peut nourrir, ce qui prouve qu’ils ne peuvent pas même prendre une pension. Les Ordonnances d’Orléans, Article 10. et de Blois, Article 28. condamnoient pareillement ces donations ; aussi la Cour par plusieurs Arrests avoit annullé ces sortes de donations, et particulierement par celuy de Favier du 18 de Juin 1649. qe si l’on avoit quelquefois approuvé les pensions, c’étoit lorsqu’elles avoient été promises par le pere ou par les parens, et non pas lorsque la donation est faite par celle qui doit faire Profession.
De Cahagnes, pour la Superieure de S. Louis, prétendoit que cette cause se devoit décider par des circonstances particulières ; la donation êtoit faite tant pour l’entrée en Religion que pour les frais de la reception, et l’ameublement qui luy êtoit necessaire, et pour lequel on avoit déboursé mille livres, suivant le mémoire qui en ctoit representé : de sorte que ne restant plus que quinze cens livres pour luy fournir ses alimens, on consentoit de les remettre en donnant une pension honnête. Mr Hue, Avocat General, conclud à la nullité de la donation, et qu’il fut ajugé deux cens livres aux Religieuses pour les frais de la reception : Par Arrest du 13 de Mars 1650. la donation. fut annullée, le frere fut condamné de payer quatre cens livres pour les frais, et cent vingt livres pour la pension, avec les arrerages depuis l’entrée en Religion. Cette jurisprudence a souvent changé, et les Arrests du Conseil ont confirmé ces sortes de contrats.
J’ay vû souvent consulter cette difficulté ; ceux qui veulent acquerir d’un frère, chargé du mariage de ses soeurs, pensent trouver leur sûreté en faisant intervenir la soeur, et luy payant une somme pour sa legitime, quoy que cela se fasse du consentement du frère, la fille n’est point rivée de demander ce qui luy appartient, ne pouvant avant son mariage dissiper sa legitime et disposer d’une somme dont elle n’a qu’un usufruit, aussi le plus souvent ce n’est qu’une tromperie.
Il faut neanmoins remarquer que cette prohibition d’aliener cesse lorsque la soeur est reçûé à partage, quoy qu’elle ne soit pas mariée ; car toutes les fois que le frere recoit sa seur à partage, ou par sa volonté, ou par punition de sa négligence, elle devient sa coheritiere, et par consequent elle acquiert la proprieté et la libre disposition de tout ce qui tombe dans son partage : La Coûtume ne reduit les filles au simple usufruit que dans le cas du mariage avenant, et comme elle est rigoureuse, il ne faut point l’etendre au-de-là de ses termes, et puisque le rappel à partage semer les filles dans le droit commun, on ne peut leur disputer le titre de propriétaire. Il fut ugé de la forte en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Boivin-de-Montmorel, le p de Juin 1646. Le sieur de Cressanville-Bailleul ayant reçû ses deux seurs à partage, elles eurent la terre de Tournay et cinq mille livres à prendre sur leur frère ; il échût à la puisnée quatre mille cinq cens livres, du prix de la terge de Tournay qu’elles avoient venduë, et pour les cinq mille livres dûs par le frere, sur la demande qu’elle luy en fit, il offrit d’en faire la rente, qu’il avoit interest de luy conserver le principal pour sa nourriture, et qu’il y avoit pareille raison pour le partage que pour le mariage avenant, tous deux faisans la legitime de la fille, qu’il êtoit juste d’en constituer le capital, dont elle ne pouvoit recevoir le rachapt : La fille prétendoit que cet Article ne s’entendoit que du mariage avenant, qu’une fille majeure comme un fils ; pouvoit disposer de son bien, que le mauvais ménage ne se présume point, nemo praesumitura actare suum. Par l’Arrest le frere fut condamné de payer les cinq mille livres dans six semaines.
La même chose fut jugée en la Grand-Chambre le 7 de Juillet 1665. entre François le Roy, appelant du Juge de Bayeux, et Guillaume le Coû, intimé
Mais une vieille fille s’imagina qu’encore qu’elle n’eût pas été admise à partage, elle avoit acquis la liberté de disposer de son mariage par le grand nombre d’années qu’elle avoit vécu.
Le sieur Vautier avoit cinq fils et trois filles, les frères en mariant une de leurs seurs luy donnerent quatre mille livres, et les deux freres ainez avoient pris chacun un fief par préciput, qui valoient les deux tiers de tout le bien, de sorte qu’il ne restoit que le tiers pour les trois autres puisnez, et le frère ainé étant mort, le second frere luy succeda : cette fille qui restoit à pourvoir êtant âgée de soixante et douze ans, presenta Requête à la Cour pour les faire condamner à luy payer quatre mille livres pour son mariage, dont elle auroit la proprieté. Le Tellier, son Avocat, soûtenoit que bien que la Coûtume ne donnât que l’usufruit en attendant le mariage, cela ne s’entendoit que des filles qui sont encore en âge et en état d’être matiées, mais puisque sa partie ne devoit plus avoir d’espérance ni de pensées pour le mariage, il n’y avoit plus de pretexte, le luy refuser la proprieté, le frère ainé étant d’intelligence avec sa seur y donnoit son consentement par Pilastre son Avocat. Caruë, pourles autres freres, répondoit que cette prétention êtoit contraire à cet Article, qu’il étoit ridicule de demander cette proprieté sous pretexte de ses années, et il dit agréablement que si cela êtoit on ne devoit plus lappeler mariage avenant, mais mariage passé ; que si les freres étoient obligez de payer avant le mariage, comme le plus pouvent il ne se paye qu’en deniers, elles le consumeroient et retourneroient à la charge de leurs reres, ce que la Coûtume a sagement prévû ; aussi la Cour avoit déja décidé une pareille question entre de la Fosse et Bouchard. Bouchard avoit marié une de ses seurs avec de la Posse, qui exigea des promesses d’une autre foeur non mariée, qui demeuroit avec luy ; aprés la mort de cette fille il prétendit s’en faire payer sur fon mariage avenant : Bouchard soûtint qu’elle n’avoit pû engager sa legitime, ce qui fut jugé de la forte : Par Arrest du 9 de Decembre 1650. cette vieille fille fut deboutée de sa Requête.
Ce n’est pas dans le seul cas du partage que la fille acquiert la proprieté et qu’elle en peut disposer : on a jugé la même chose pour celle qui avoit obtenu le tiers du bien au préjudice du fisc ou du creancier subrogé, par Arrest en la Chambre des Enquêtes du 24 de May 1659. au Rapport de Mr Clement, ce qui doit avoir lieu en cas de decret.
Au procez d’entre Adrien de Bailleul, sieur de Blangués, appelant, et Charles de Bailleul et Mr de Toufreville-le-Roux Conseiller en la Cour, on agita cette question. Robert de Bailsieul avoit cinq fils et quatre filles, dont une restoit à marier ; par le partage des meubles et des immeubles du pere, il fut arrêté que les deniers des fermages provenans des terres appartenantes aux puisnez leur demeureroient, et pour les autres meubles l’ainé en fut saisi à condition d’en payer quinze mille livres à Aldonce leur seur pour son mariage avenant depuis cette fille donna au sieur de Blangués son second frere quatre mille livres, et à Mrde Toufreville mille livres ; aprés la mort de cette fille sans avoir êté mariée, le sieur d’Angerville contredit la donation en vertu de cet Article : Il s’aidoit aussi de l’Article 431. qui défend de donner à son heritier immediat, et que d’ailleurs cette fille ayant remis l’effet de sa donation aprés sa mort c’étoit une donation à cause de mort, qui étoit nulle suivant l’Article 427. cette somme qui étoit destinée pour son mariage étant un propre, Article 511. on avoit jugé nulle la donation faite audit sieur de Blangués, vû sa qualité d’heritier, et on avoit confirmé celle du sieur de Toufreville : Sur l’appel à la Cour le sieur d’Angerville consentit l’effet de la donation faite à Mr de Toufreville, et pour le sieur de Blangués il maintenoit aussi la donation à luy faite, soit que les quinze mille livres fussent tenus comme un propre et comme un immeuble, ou qu’ils fussent reputez un meuble, et quand elle n’en auroit pas eu la disposition il y devoit avoir part ou par reversion ou par succession, si cette somme étoit meuble elle en pouvoir disposer suivant les Articles 414. 415. et 425. si elle étoit immeuble la donation étoit valable suivant l’Article 431. et pour l’Article 268. il n’étoit point de la Coûtume de Caux et s’entendoit des filles dont le mariage est payé sur les immeubles ; mais en cette rencontre cette somme ayant été tirée de la succession mobiliaire pour la payer à leur seur lors de son mariage, dés ce moment elle luy êtoit acquise définitivement, et quand l’Article auroit lieu dans la Coûtume de Caux, la consequence en seroit contraire à l’intiné ; car si leur seur n’avoit eu qu’un simple usufruit, la proprieté en seroit demeurée à ceux qui l’avoient fournie et qui l’avoient laissée en dépost entre les mains de l’ainé, et aprés la mort de la fille cet usutruit auroit été consolidé à la proprieté, l. 3. et 14. ff. de usufruct. ainsi quand l’appelant ne seroit heritier ni propriétaire il pouvoit repeuar ce qu’il avoit fourni, causâ datâ, causâ non sequuiâ. Il ne resteroit donc que de voir ce qu’il avoit conféré pour composer les quinze mille livres, et en ce faisant on trouveroit que les quatre mille livres n’excederoient point ce qu’il voit contribué du sien, l’Article 303. qui donne à l’ainé en Caux l’ancienne succession des et collateraux ne s’entend point de la succession des freres ni des seurs, comme il paroit par l’Article 300. qui admet les puisnez à la succession du frère décedé sans enfans, d’où il s’ensuit qu’ils doivent aussi succeder à leurs seurs puisque la raison en est pareille, l. illud 32. Ad l. Aquil. casus quos nectit, paritas aequitatis et identitas rationis, non sunt quoad juris dispositionem separandi. nais c’est un meuble qui doit être partagé suivant l’Article 318.
C’intimé pour prouver que c’étoit un immeuble alléguoit l’Article 511. mais cet Article n’avoit point de rapport au fait dont il s’agissoit : pour faire que les deniers donnez à une fille soient un immeuble et un propre, deux choses sont requises ; l’une qu’ils soient donnez pour son mariage, l’autre qu’ils soient destinez pour sa dot ; de sorte que si les deniers sont donnez simplement pour son mariage, sans destination de dot ni destination d’employ en rente ou héritages, ils demeurent toûjours meubles. Bacquet des droits de Justice, c. 21. n. 309. et l’Article 511. faisant un immeuble d’un meuble par une fiction, elle ne peut avoir lieu qu’entre heritiers de diverses lignes
L’intimé s’appuyoit principalement sur les Articles 511. et 303. ausquels il n’étoit dérogé qu’au cas de l’Article 300. sous lequel les seurs n’étant pas comprises il faloit suivre la disposition de l’Article 303.
Pour la resolution de cette question il semble que les deux donations étoient nulles, que ous les freres ne pouvoient rien prétendre à cette somme à droit successif ; ainsi ces questions.
si cette somme êtoit meuble ou immeuble, et comment les successions fe partagent en Caux étoient inutiles, puisque la soeur n’en avoit aucune proprieté, et que les freres en liquidant cette somme n’avoient eu d’autre intention que de luy regler son mariage avenant, ce qui luy ôtoit la liberté d’en disposer ; ils pouvoient donc prétendre cette somme à proportion de ce qu’ils y avoient contribué, comme en étans toûjours les maîtres, et toute la difficulté consistoit à sçavoir d’où elle étoit provenuë : Par la Coûtume de Caux, Article 297. le mariage les filles est pris sur les meubles, et s’ils ne suffisent pas sur les immeubles, ce qui est fort avangageux à l’ainé, qui ne contribué par ce moyen que pour sa part, quoy qu’il ait les deux tiers de limmeuble ; or en cette succession le mariage ayant été pris sur les meubles, tons les freres y avoient contribué également ; il étoit donc raisonnable qu’il leur retournât à proportion, et le dépost qu’ils en avoient fait entre les mains de lainé êtoit à condition de le payer, lors de son mariage, lequel ne s’étant point ensuivi cette somme n’avoit point changé de nature, ce qui fut jugé de la forte au Rapport de M. Labbé, le mois de Decembre 1620.
Comme le mary qui joüit à droit de viduité des biens de sa femme peut se dispenser de remettre le tiers à ses enfans, lorsque d’ailleurs ils ont dequoy subsister, on a demandé si les freres pouvoient se décharger de la provision entière qu’ils doivent à leurs soeurs, lorsqu’elles ont du bien du côté de leur mere : Il fut jugé en la Chambre des Enquêtes le 2 d’Avril 1659. au Rapport de Mr de Guibray, que quoy que des filles sorties d’un premier mariage possedassent des biens du côté de leur mere dont elles pouvoient s’entretenir, leur pension toute-çois devoit être prise et sur le bien des frères, et sur celuy de la mère à proportion et du bien maternel et du mariage avenant. Le tuteur des freres leur avoit mis en dépense la pension entière de leurs seurs : le Juge en avoit alloüé la moitié sur le bien des freres, et l’autre moitié sur celuy de la mère ; sur l’appel des frères la Sentence fut cassée, et en reformant il fut dit que les freres n’en porteroient qu’un tiers, et les deux autres tiers seroient pris sur le bien maternel, ayant égard à la valeur d’iceluy.
CCLXIX.
Partages, portions et droits des soeurs.
Les soeurs, quelque nombre qu’elles soient, ne peuvent demander à leurs freres ni à leurs hoirs plus que le tiers de lheritage, et neanmoins où il y aura plusieurs freres puisnez, et qu’il n’y aura qu’une soeur ou plusieurs, lesdites soeeurs n’auront pas le tiers, mais partageront également avec leurs freres puisnez, et ne pourront contraindre les freres de partager les fiefs ni leur bailler les principales places de la maison ; ains se contenteront des rotures si aucune y en a et des autres biens qu’ils leur pourront bailler, revenans à la valeur de ce qui reur pourroit appartenir.
Cet Article devoit suivre immediatement l’Article 262. pour luy donner l’éclaircissement dont il a besoin, car la Coûtume donne pouvoir aux parens de regler le mariage avenant sans déclarer neanmoins à quelle quotité de la succession on le doit regler : Cet Article ne décide pas précisément que les filles n’auront que le tiers, mais on tire cette induction de ces paroles, que puisqu’elles ne peuvent demander à leurs freres plus que le tiers de l’heritage, quelque nombre qu’elles soient, il ne leur en appartient jamais davantage ; et même on ajoûte qu’elles ne peuvent pas toûpours avoir ce tiers entier : s’il y a plus de freres que de soeurs, en ce cas les frères et les soeurs partagent également. Ceqqui a donné lieu à cette maxime confirmée par les Arrests de Vieuxpont et de S. Saen, que la part de la fille ne peut jamais exceder celle d’un cadet, la condition. des soeurs ne peut être meilleure que celle des puisnez qu’en un seul cas, quand il n’y a qu’un fief en la succession leur portion n’est pas plus forte, mais elle leur appartient en proprieté, et les puisnez ne l’ont qu’à vie.
CCLXX.
Les héritages en bourgage, comment se partagent entre freres et soeurs.
Les freres et les seurs partagent également les héritages qui sont en bourgage par toute la Normandie, mêmes au Bailliage de Caux, au cas que les filles fussent reçûës à partage.
Plusieurs ne considérant que les premieres paroles de cet Article, et ne faisant point de reflexion sur ces dernieres ( au cas qu’elles soient regües à partage ) sont tombez dans cette erreur, que les filles, quoy qu’elles ne soient point reçûës ou reservées à partage, prennent part également avec leurs freres aux héritages qui sont en bourgage ; mais ces mots ( au cas que les filles fissent reçûes à partage ) font bien connoître que les feuts ne partagent point avec leurs freres les biens qui sont en bourgage que quand elles sont reçûës ou reservées à partage : La construction de ce Article eût été plus nette en cette manière ( les seurs, quand elles sont reservées ou recûes à partage, nt part égale avec leurs freres aux biens qui sont en bourgage, ) et parce que cet Article ne donne partage aux filles reservées que dans les héritages qui sont en bourgage, et qu’elle ne fait aucune mention des meubles ; plusieurs sont encore tombez dans cette erreur, que les filles n’y peuvent avoir que le tiers ; c’est le sentiment de Godefroy et deBérault , dont le dernier a changé plusieurs fois d’avis : Sur l’Article 262. il donne aux filles une part égale aux freres, et sur l’Article 362. il rapporte l’Arrest de Voisin et Brice qui l’a jugé de la sorte. Sur cet Article il retracte son opinion et se fonde sur l’Arrest d’Alorge : Il s’est surpris comme plusieurs autres, pour n’avoir pas fait a différence dont je viens de parler. Au fait de l’Arrest d’Alorge les filles n’étoient pas reser vées à partage, elles n’avoient que leur mariage avenant, ainsi elles ne pouvoient avoir que le siers du meuble et de l’immeuble ; mais dans l’espèce de l’Arrest de Voisin elles étoient reservées à partage, et c’est un ancien usage en cette Province, comme on l’apprend de l’Atrest de Ricarville rapporté parTerrien Terrien , Tit. d’Echeance d’héritage en Caux Pour l’éclaircissement de la question : ceux qui donnent aux filles reservées une part égale dans les meubles alléguent que les meubles tiennent la même nature que le bourgage, lorsqu’il s’agit de les partager. Dans la Coûtume de Caux les ainez qui ont les deux tiers n’ont qu’une part égale aux meubles, et par l’Article 361. la fille reservée a sa part en la roture et autres biens, s’il y en a : Terrien Terrien rapporte l’Arrest de Ricarville, par lequel il semble que l’on ait ajugé part égale, et aprés l’Arrest de Voisin on n’a plus douté de cette vérité, et en effet il seroit ridicule de la faire partager également les biens en bourgage, et neanmoins ne luy donner que le tieri aux meubles : on cite au contraire les Articles 255. et 257. qui reduisent la part des filles au tiers, tant du meuble que de l’immeuble ; que si la Coûtume eût voulu leur donner une part égale aux meubles, elle se fût exprimée de la sorte, sinon jusqu’à la concurrence du tiers de l’héritage, et de la part qu’elles peuvent avoir aux meublts. Cet Article 270. restreignant la part égale aux filles. en ce qui est en bourgage, il les exclud de la part égale aux autres biens. Ce seroit une etreur de soûtenir que les meubles tiennent nature de bourgage, parce que situm non habent, et par Arrest en la Chambre des Enquêtes du mois de Mars 1643. au Rapport de Mi de Brevedent, il fut jugé que les seurs admises à partage par les creanciers n’auroient que le tiers, et non part égale : Le fait étoit que le sieur Malherbe avoit laissé un fils et cinq filles, et en moutant il leur lonna dix mille livres, qui étoit à chacune deux mille livres ; le frere mauvais ménager étant decreté, sans avoir payé le mariage des soeurs, elles demanderent les dix mille livres.
Ango decrétant et les créanciers soûtenoient la donation du pere excessive, consentant de les secevoir à partage, ce que les seeurs accepterent en leur donnant part égale aux meubles, sui vant cet Article et l’Arrest de Voisin : Les créanciers s’aidoient de l’Article 255. où les freres revoquant ce que le pere avoit trop donné sont quittes en leur baillant le tiers de l’héritage et des meubles, differans en ce point des filles reservées par le pere, lesquelles ont part égale. ux meubles suivant cet Arrest de Voisin.
l est aisé de concilier l’Article 255. avec l’Arrest de Voisin, en distinguant entre la reservation à partage faite par le pere, et le rappel à partage, ou la reduction demandée per le frère.
La réservation faite par le pere a cet effet de rendre les seurs égales aux freres pour le bourgage et pour les meubles : Le rappel à partage du frere, ou pour mieux dire la reduction qu’il demande ne produit pas cet effet, bien que le don du pere n’excede point ce que la fille auroit eu par le moyen de la reservation, toutefois le pere n’ayant point fait ni témoigné de vouloir faire cette reservation, il est reputé avoir laissé sa fille dans la disposition de cet Article 255. et c’est ce qui fut jugé par l’Arrest de Barberie, rapporté sur l’Article 254. Or l’Article 255. ne parlant point de la fille reservée à partage, il ne prouve pas que la fille réservée par le pere ne doive avoir que le tiers aux meubles, il ne s’entend aussi que des filles à qui le pere a promis quelque chose et qui n’a point été payé, alors la fille n’étant point reservée, et par consequent ne pouvant avoir que mariage avenant, il faut reduire ces promesses au tiers, comme on fit par cet Arrest de Barberie : il n’en est pas de même au cas de la reservation, car en rendant la fille habile à succeder, elle doit avoir une part égale aux meubles, puisque generalement entre tous coheritiers ils se partagent également ; autrement, comme j’ay déja dit, il seroit ridicule qu’elles eussent part égale en bourgage, et non point aux meubles que les loix ne considerent point quorum vilis et abjecta possessio. La Cour a terminé cette difficulté par l’Art. 49. de son Reglement Par un usage local du bourg de Bolbec il est dit que les freres et seurs partagent également les héritages situez dans ce Bourg. Susanne et Ester Gilles demandant leur legitime à leurs freres, une portion des héritages de la succession se trouva située dans Bolbec ; en procedant à l’arbitration du mariage avenant les parens y donnerent part égale aux seurs : Le Vicomte, sans avoi égard à cette arbitration, leur ajugea seulement le tiers de tout le bien. Sur l’appel des soeurs le Sailly cassa la Sentence, dont les freres ayant appelé, ils disoient que cet Article local ne devoi pas s’entendre comme s’il eût rendu les filles heritieres pour les biens dans Bolbec, lorsqu’elles ne sont pas réservées par le pere, parce qu’il seroit incompatible que dans une même succession une fille fût héritière en partie, et qu’en l’autre elle n’eût que mariage avenant ; que cet Article vouloit seulement enseigner qu’il y avoit bourgage dans Bolbec, et que quand la fille étoit reservée à partage elle y avoit part égale. Je répondois pour les seurs que cet usage de Bolbec devoit être considéré comme une Coûtume particuliere, et que s’il n’avoit eu d’autre fin que de donner à connoître qu’il y avoit bourgage dans Bolbec, on ne l’auroit pas employé comme une Coûtume locale ; comme on n’a pas fait mention de tous les autres lieux de la Province où il y a bourgage, que quand il donnoit part égale, c’étoit les appeler à la succession, autrement s’il n’avoit lieu qu’au cas de la reservation à partage, il êtoit superslu de l’employer comme ur usage local, puisque cet Article y avoit suffisamment pourvù : Par Arrest en la Chambre de l’Edit de l’Ir de Janvier 1658. on cassa la Sentence du Bailly, et celle du Vicomte fut confirmée On a douté comment les rentes sur le Roy devoient être partagées, et par Arrest dû à d’Aoust 1681. au Rapport de Mr de Sainte-Heléne, il fut jugé que les soeurs étant reçûës à partage, les rentes sur le Roy se partageroient suivant la Coûtume generale ; la discution pour sçavoir où est le Lien du Roy n’étant pas bienseante, et la Coûtume generale devant plûtost si être suivie, cet Arrest ne semble pas juste, suivant les raisons que j’en ay alléguées sur l’Aricle 329. où je rapporteray des Arrests contraites :. : Il n’en est pas de même des rentes qui a eroient dûës par des particuliers dont tout le bien seroit situé en bourgage, les filles reservées à partage y auroient une part égale à leurs freres.
CCLXXI.
Quand les soeurs ne peuvent rien prendre aux Manoirs.
Les seurs ne peuvent rien demander aux Manoirs et masures logées aux champs, que la Coûtume appeloit anciennement ménages, s’il n’y a plus de ménages que de freres, pourront neanmoins prendre part és maisons assises és veilles et bourgages.
Masure peut venir de Mansus : Mansus dicebatur fundus, hoc est certus agri modus cum structurâ plerumque ad mansionem.Hincmar . Ep. 7. c. 34. quod omnes res comparant et in illis Structuras Sirmond faciunt, & in eisdem mansis feminas recipiunt que domus curam gerant. Italis ( Massa ) Sirmund. apit. de Charl. 1. Ch. Tit. 12. apud Sylviacum.
La premiore observation necessaire à faire sur cet Article est qu’il ne s’entend que des seurs admises à partage, et en explication d’iceluy on a formé ces deux questions : La premiere, si lorsqu’il y a moins de ménages ou de Manoirs que de freres, les freres doivent quelque recompense à leurs seurs des Manoirs qu’ils prennent : Et la seconde, si au contraire lorsqu’il y a plus de Manoirs que de frères, les freres peuvent en prendre chacun un par préciput sans en faire de recompense à leurs soeurs
Berault et Godefroy estiment sur la premiere question que les freres ne sont pas tenus de recompenser leurs seurs des Manoirs qu’ils choisissent, parce que la Coûtume ne les y oblige point, ce qu’elle n’auroit pas oublié d’exprimer si s’avoit été son intention, comme elle l’a fait sur l’Article 356. à quoy j’ajoûte que cet Article portant qu’elles ne peuvent rien demander aux Manoirs et masures, s’il n’y a plus de Manoirs que de frères, c’est les exclure de toute recompense, car elles auroient droit d’y demander quelque chose, si au moins il leur êtoit dû recompense de la valeur intrinseque ou extrinseque, ce qui combat l’intention de la Coûtume : on a sans doute estimé que c’étoit beaucoup. d’avantage aux seurs que d’être admises à partage, lont elles sont excluses par une disposition generale, mais en ce cas il étoit juste, pour ne démembrer, pas tout à fait les biens, que les freres eussent cette prerogative de retenir leurs gogemens, lorsqu’il y avoit moins de Manoirs que de frères ; cela étant ce n’eût pas été faire un avantage aux frères, s’ils avoient été tenus d’en faire recompense, et il me semble que cela se reçoit plus de difficulté aprés l’Arrest de S. Denis qui sera rapporté sur la deuxième questiont On a jugé par iceluy que quand il y avoit plus de Manoirs que de freres, les freres pouvoient prendre un préciput sans en faire recompense
Il est bien vray que par l’Arrest de Cretot et Langlois rapporté sur l’Article 262. on a jugé que la soeur pour son mariage avenant a part sur la recompense que l’ainé doit à cause du préciput roturier ; mais l’Arrest est fondé sur ce que l’ainé doit cette recompense par une disposition expresse en l’Arrticle 356. et comme elle fait partie des biens de la succession, il étoit raisonnable qu’elle entrât dans l’estimation du mariage avenant : ce qui est si véritable que comme le préciput le Caux appartient à l’ainé sans recompense, il n’entre point dans l’estimation des biens pour le. mariage avenant.
La deuxième question a été nettement décidée par l’Arrest dont voicy l’espèce. Jacques de S. Denis, Ecuyer, épousa en premieres nopces Demoiselle Elifabeth Etard, dont naqui Thomas de S. Denis, et du second mariage il eut Susanne de S. Denis, qui fut mariée à Marir
Robillard, Ecuyer, et réservée à partage ; dans la succession de Jacques de S. Denis il y avois trois Manoirs roturiers : Les. Demoiselles Susanne et Marie de S. Denis ayans les dioits de Thomas de S. Denis leur pere, lors du partage de cette succession, prétendirent prendre par préciput un de ces Manoirs ; le sieur Robillard contesta cette prétention, et pour être reglez sur ce different, les parties consentirent d’être renvoyées en la Cour. Les Demoiselles de S. Denis disoient que l’intention de la Coûtume êtoit de donner un logement à l’ainé au préjudice des puisnez, et à tous les freres au préjudice des seurs, parce que non seuloment elles sont confidérées comme étrangeres en la succession, mais aussi parce que l’on présume qu’elles trouvent des logemens chez leurs maris, Article 279. et 356. et particulièrement en cet Article.
Le sieur Robillard, mary de Susanne de S. Denis, seur de Thomas de S. Denis, expliquois cet Article en cette manière, que puisqu’il y avoit plus de Manoirs que de freres en la succession, tous les Manoirs devoient être partagez sans aucun préciput pour le frère ; cela est nett ement décidé par cet Article, les seurs ne peuvent rien demander aux Manoirs et masures, s’il n’y a plus de Manoirs que de freres : D’où il s’ensuit que lorsqu’il y a plus de Manoirs que de freres, les freres n’ont aucun avantage, et les soeurs reservées doivent partager également avec eux. La Coûtume a eu seulement ce dessein de loger les freres au préjudice des seurs, quand il n’y a point de Manoirs pour les uns et les autres, mais lorsqu’ils peuvent trouver tous leurs logemens et sieurs commoditez, il n’y a plus lieu à la disposition de cet Article ; ce que l’on peut confirmen par lexemple du préciput rotutier, dont il est parlé dans l’Article 356. quand il n’y a qu’un Manoir le frere ainé peut le prendre par préciput, la Coûtume ayant jugé qu’il étoit raisonnable que l’ainé de la famille pût retenir la maison paternelle quand il n’y avoit que celle-là, mais la Coûtume luy rétranche cette prerogative, quand il y a plusieurs Manoirs : Il faut dire la méme chose à l’égard des filles, les fils doivent être logez à leur préjudice, s’il n’y a pas assez de Manoirs pour les uns et les autres, mais s’il s’en trouve pour tous le privilege cesse, et voulant que les seurs reservées à partage ayent une part égale à leurs freres dans les roiures, on ne peut changer cette loy, lorsqu’il n’y a plus lieu à cette exception que la Coûtume avoit apportée Elles argumentoient au contraire qu’il êtoit certain que lorsqu’il y a plus de freres que de Manoirs, la Coûtume prive les filles d’y demander part, et quand elle ajoûte ces-hots ( s’il n’y a plus de Manoirs que de freres, ) son intention n’est pas de remettre tous les Manoirs en partage, mais seulement de leur faire avoir part à ce qui abonde, étant juste quand tous leurs freres ont leurs ogemens, s’il en reste qu’elles soient aussi logées ; autrement il pourroit arriver qu’elles disposeroient les partages, en sorte que souvent elles auroient les maisons au préjudice de leurs freres, ainsi l’abondance de la succession seroit desavantageuse aux fteres, leur faisant perdre un préciput qu’ils auroient eu si elle avoit été moins opulente : elles appuyoient ce raisonnement de l’autorité d’un Arrest donné en l’année 1608. entre Nicolas le Barbier et Philippes Aleaume mary de Madeleine le Barbier, par lequel on ajugea trois préciputs à Barbier au préjudice de sa sout, l’un de son chef, l’autre comme heritier de son frère, et le troisième en la succession de sa mere, quoy qu’il y eût plus de Manoirs que de freres : Par Arrest en la Grand-Chambre, au Rapport de Mr Deshommets, du a8 de Juin 1670. on ajugea à Susanne et Marie de S. Denis, au droit de leur pere par préciput, le Manoir et pourpris dont il étoit question ; et depuis les Demoiselles.
Baillard reservées à partage, ayant formé cette même question contre M Baillard leur frere, aprés avoir vâ ces Arrests se départirent de leur prétention.
CCLXXII.
Succession entre filles comment se partage.
Quand la succession tombe aux filles par faute d’hoirs mâles, elles partagent également : et les fiefs-nobles, qui par la Coûtume sont individus, sont partis entre lesdites filles et leurs representans, encores qu’ils fussent mâles.
Les dernieres paroles de cet Article ( et leurs representans encore qu’ils fussent mâles ) ont fatt penser à quelques-uns que les representans d’une fille ayant partagé un fief avec les representans d’une autre fille, cette portion du fief qui leur êtoit échûé pouvoit encore être subdivisée, quoy que ce fussent des mâles et non point des filles. Simon du Busc, Ecuyer, étant décedé sans enfans sa succession échût aux enfans de Marguerite et de Françoise du Buse ses tantes ; Marguerite du Buse avoit eu un fils de son premier mariage avec Mre Jacques du Breüil, Baron de Blangi : Du premier mariage de Françoise du Buse avec Charles le Herici, Ecuyer, elle eut un fils, et un autre fils de son second lit avec Charles de Taillebois, Ecuyer. Le fief de fontenil avoit été divisé entre le Baron de Blangi, representant Marguerite du Buse son ayeule, et Jean le Herici, Ecuyer, sieur de Fierville, et Jean de Taillebois, Ecuyer, sieur de Villiers, representant Françoise du Busc leur ayeule ; mais lorsqu’il fut question de subdiviser la part de Françoise du Buse, le sieur de Taillebois entreprit de separer encore en deux portions cette moitié de fief de Fontenil, se fondant sur les paroles de cet Article qui paroissent expresses en sa faveur, car la Coûtume ne s’est pas arrêtée à dire que les fiefs nobles qui sont individus font part entre filles ; mais elle ajoûte encore qu’ils sont divisibles entre leurs representans, encore qu’ils fussent mâles : ce qui marque évidemment que la Coûtume ne borne pas le pouvoir et la faculté de diviser les fiefs entre les filles seulement, et puisqu’elle déclare en suite qu’ils sont divisibles entre leurs representans, quoy qu’ils soient des mâles, la subdivision donc de la moitié du fief de Fontenil ne pouvoit être empeschée par le sieur le Hetici sur le pretexte de mâles, puisque nonobstant cette qualité les fiefs sont encore divifibles entre les representans des filles.
Le sieur de Fierville remontroit que le sieur de Taillebois comprenoit fort mal le sens de cet Article, qu’il étoit véritable que le fief étoit divisible entre les filles et leurs representans, encore qu’ils fussent mâles, mais par ces representans la Coûtume n’entendoit que ceux qui venoient à la representation d’une fille pour partager avec une autre fille, ou ses representans, car alors les representans n’avoient que le droit de la personne representée, et comme leur mere qu’ils representoient n’auroit pû se défendre de partager le fief avec ses seurs, ses enfans étoient sujets à la même loy ; mais lorsque les enfans succedent à leur mere, ils viennent tous de leur chef et non point par representation.
Ce fief n’étoit divisible que quand il s’agissoit de le partager entre filles, et cela s’étoit observé entre les décendans et les representans de Marguerite et de Françoise du Busc, comme ils ne succedoient qu’à la representation de leurs meres, ils ne pouvoient avoir que les mêmes droits, et puisque le fief étoit divisible entr’elles, il le devoit être entre leurs heritiers qui étoient en leur place ; mais la disposition de cet Article ne s’étend pas aux décendans des filles, lorsque ces filles ont des enfans mâles qui leur succedent : La Coûtume ne permet la division des fiefs qu’entre filles, elle n’ajoûte pas qu’ils sont encore divisibles entre les enfans mâles des filles, de sorte que la division du fief est renfermée dans ce seul cas, lorsqu’il échet à des illes ; mais lorsque des enfans mâles de ces filles viennent à leur succeder, la qualité de leurs meres n’est plus considérable, ce ne sont plus des filles qui partagent, mais des mâles, et puisque par l’Article 337. le fils ainé peut prendre un fief par préciput tant en la succession de la mere p qu’en celle du pere, on ne doit plus regarden si ce fief qui se trouve en la succession maternelle a été autrefois partagé entre filles, il suffit pour donner ouverture au droit de préciput que ce soient des mâles qui soient heritiers : Par Arrest en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr du Fay, du mois de Juin 1645. on cassa la Sentence qui ordonnoit la subdivision du fief.
C’est entre mâles seulement et pour la conservation des maisons, que la Coûtume autorise l’inégalité entre les enfans ; entre filles leur condition est égale, et le droit de choisir est la seule prerogative qui appartient à l’ainée, suivant un ancien Arrest du 13 de Mars 1536. Cettet Coûtume n’est point singulière, lege Hebraorum masculis non extantibus, ipfis neque iis iqui personam eorum jure representationis induebant filiae pariter capiebant hereditatem, nulla in eis la primogeniturae prarogativa, sed quelibet in aquales partes succedebant, quia etiam ex sacra lege.
Deut. c. 21. 8. 17. FirmantSelden . de Succ. Ad leges Hebr. c. 8. Et par l’Article 14. de la Coûtume de Tours, quand il n’y a que filles venant à la succession directe ou collaterale droit d’ai-nesse n’a point lieu, et partagent également ; etdu Moulin , sur cet Article, a dit que quand la Coûtume ne s’en fût pas expliquée, il eût falu en user de la sorte, parce que la Coûtume de Paris, comme la nôtre, n’accordant ce droit de primogeniture qu’à l’ainé, hoc verbum non potest concipere gmininum, nisi per interpretationem extensivam quia ante consuetudo inducens inaequalitatem inter iberos, sic exorbitans non patitur nunc interpretationem extensivam.
CCLXXIII.
Profession de Religion defere et ôte les successions.
Par Profession de Religion l’heritage du Religieux et Religieuse profez vient au plus prochain parent habile à succeder, et dés lors en avant ils sont incapables de succeder, comme aussi est le Monastere à leur droit.
Dans cet Article et dans les deux suivans la Coûtume déclare trois sortes de personnes incaables de succeder, ceux qui ont fait Profession de Religion, les separez pour lépre, et les batards.
Presque toutes les Coûtumes contiennent une disposition conforme à cet Article, et même dans les Provinces où le droit Romain est suivi, on n’observe point les Authentiques, ingressi et sequa mulier C. de Sacr. Eccl. mon dessein n’étant pas de faire un lieu commun, il suffira de marquer ses lieux où toutes les questions qui regardent les Religieux, soit pofsr la difference des ordres soit pour la capacité de succeder, les donations, les dispenses de voux, les Professions, et autres matieres, sont pleinement traitées : Le Prestre Prestre, Centurie 1. c. 28.Chopin , l. 3. de Sacr. polit.
Masuer Masuer, en sa Prat. t. 32. Rebusse, en sa Preface sur les Ordonnances.Loüet , l. C. n. 8.
Tronçon , sur les Articles 276. et 337.Cambolas , l. 5. c. 28. et l. 1. c. 30. Mi d’Argentré , Art. 510. lévret, l. 4. c. 6. n. 11. et suivans.Du Pineau , sur l Article 249. de la Coûtume d’Anjou.
CCLXXIV.
Separez pour lépre ne peuvent succeder.
Celuy qui est jugé et separé pour maladie de lépre ne peut succeder, et neanmoins il retient l’heritage qu’il avoit lorsqu’il fut rendu, pour en joüir par usufruit tant qu’il est vivant, sans le pouvoir aliener.
Cet Article est maintenant superslu, on ne voit plus de gens qui foient separez pour cette maladie de lépre ; aussi tous les lieux destinez pour enfermer cette sorte de malades sont mainrenant ruinez ou changez en d’autres usages. Cette separation neanmoms êtoit fort necessaire, s’il est vray que suivant le sentiment d’Avicenne leprosos inficere sibi proximos per respirationem atris et ractu et convictu. Les anciens Ecossois avoient tant d’horreur de cette maladie que hoc morbo infectos castrabant et mulieres à virorum consortio ablegabant ; et si aliqua concepisset simul cum fetus etiam non edito vivam infodiebant. HectorBoet . Hist.. de priscis mor. Hist. Scot.
Mais pour quelle cause la Coûtume déclare, t’elle ces miserables incapables de succeders Le droit Romain ne les a point exclus des droits successifs non plus que les autres personnes qui naissent imparfaites, quelque hideuse que soit la diformité que causent ces defauts naturels, toutefois pourvû que ces creatures conservent la figure humaine elles sont capables de succeder, impersectio membrorum non vitiat, dummodo non sint monstra, vel portenta ad formam membrorum l. non sunt liberi D. de statu hom. Les futieux et ceux qui ont entierement perdu l’usage de la raison ne perdent point les droits qui leur appartiennent par les Loix naturelles et civil, en un mot personne n’est privé de son bien de quelque infirmité qu’il soit attaqué, soit en son corps. ou en son esprit ; les frenetiques, les furieux succedent à leurs parens, ils sont considèrez comme les absens qui conservent ce qui leur appartient par le droit du sang’ : La substitution exemplaire introduite par le droit Romain en fournit une preuve, puisque par ce moyen on conservoit des biens à des enfans qui n’étoient pas nez et qui pouvoient même venir au monde tres-imparfaits, imbecilles et furieux.
Cette rigoureuse Coûtume fut sans doute apportée du Nort, car nous trouvons une pareille disposition dans l’ancien droit Saxon ; Rheinardus, l. 2. c. 4. de different. jur. civil. et Saxon. et par l’ancien Droit le Roy d’Ecosse avoit la garde des biens des imbecilles et des furieux, sed Jure novissimo agnatis lege dantur tutores ; Skenaeus ; l. 2. c. 46.
En l’année 1636. il parût une cause pour un homme accusé d’être entaché de ce mal : Michel Piquet, Avocat à Carentan, êtoit appelant d’un Mandement accordé au nommé Paris, pour le faire ajourner aux fins de faire ordonner qu’il seroit visité et separé comme lépreux, et cependant défenses d’aller autrement que tesse nuë et la bouche voilée : Par Arrest de l’ir de Mars 1636. il fut dit qu’il seroit visité par six des plus anciens Medecins et quatre Chlturgiens, pour leur rapport fait être pourvû ainsi que de raison, et cependant que Paris bailleroit caution de répondre des interests ; les Medecins et Chirurgiens ayant atresté qu’il étoit sain, le Mandement fut cassé comme injurieux et calomnieux, et decret de prise de corps prononcé contre Paris.
CCLXXV.
Succession de batard. Bâtard ne peut succeder à pere, mere, ou aucun, s’il n’est legitimé par Lettres du Prince, appelez ceux qui pour ce seront à appeler.
Ménage , en ses Origines de la langue Françoise, sur le mot cbâtard, ) dit qu’il vient du mot Allemand boétard, qui signifie la même chose, et qu’il est composé de Boes et d’Ard, qui veut dire la mauvaise naissance ; Mr Cujas en rapporte à peu prés la même étymologie sur la seconde partie de la Novelle 18.
Les Hebreux avoient de trois sortes d’enfans ; les premiers, qui étoient issus de mariages. legitimes ; les seconds, ceux qui étoient nez de concubines ; et les troisiémes, ceux qu’ils avoient engendrez de leurs servantes ou esclaves : Les enfans du premier et du second genre succedoient à leurs peres, car il n’y avoit que cette différence entre les femmes et les concubines, que les premieres étoient épousées solennellement et avec des conventions matrimoniales, mais on prenoit les concubines sans aucunes cérémonies et sans aucunes pactions dorales, pour Selden les enfans du troisième genre ils étoient incapables de succeder, Seldenus de Success. ad leg. Hebr Cela est conforme à ce passage de la Genese, non erit heres filius ancillae. quelques-uns neanmoins ont estimé que les enfans des servantes étoient admis à la succession, et pour la preuve on rapporte lexemple de ce partage fait entre les enfans de Jacob, où les enfans des servantes eurent une part égale avec les enfans de ses femmes legitimes ; mais on ne manque pas d’exemples contraires, car Abraham ne priva de sa succession que les enfans qu’il avoit eus de les servantes, et les enfans de Galaad chasserent Jepthés, parce qu’il étoit issu d’une femme dultere : Pour concilier ces autoritez qui semblent contraires, il faut remarquer que les enfans de Jacob, sortis de ses servantes, ne furent pas considèrez comme des bâtards, parce que les femmes mêmes de Jacob, qui désiroient ardemment d’avoir des enfans, les presenterent a leurs maris, et adopterent en suite pour leurs enfans ceux qu’elles avoient engendrez, de sorte qu’elles les considérerent comme leurs propres enfans
La différence que le droit civil avoit mise entre les enfans naturels et les bâtards inter naturales et spurios, est aujourd’huy tout à fait inutile, et c’est pourquoy il est fort mal-aisé d’appliquer les dispositions du droit Romain à nôtre Usage et à nôtre Coûtume. Ils appeloient sensans naturels ) Constantin reux qui étoient procréez d’une concubine : les Loix depuis Constantin avoient pris quelque soin de leur sûvenir, parce qu’ils étoient nez d’une conjonction que matrimonium imitabatur, et laquelle êtoit permise anciennement : c’est pour cette raison qu’ils étoient capables de la liberalité de leurs peres et ayeuls, Authen. licet C. de nat. lib. mais pour ceux qui naissoient d’une conjonction illicite ex vagae & incertae veneris feti, qu’ils appeloient Spurios et vulgo conceptos, ils n’étoient point considèrez par le droit civil, qui les privoit même des alimens comme enfans de tenebres, MOTGREC & MOTGREC, Nov. 89. cap. ult.
La pureté du Christianisme n’ayant pû souffrir le concubinage, et toutes conjonctions, hors celle du mariage legitime, étant reprouvées, tous les enfans nez hors cette conjonction font de pareille, condition, et aujourd’huy le concubinage non legitimae conjunctioni, sed scortationi deputatur :Cujac .
Obser. l. 5. c. 6. L’EmpereurLeon , en la Nov. 91. parlant de cette loy qui permettoit le concubinage, lex illa in aternum siletoi et Benedicti C. Rainutius in verbocvirum et uxoremyDecis. 5. n. 147. in prasenti regno Franciae ex illius Catholico more Bastardi nonsuccedunt, nec aliud prater alimenta petere possunt, C’est aujourd’huy un usage presque general dans l’Europe que les bâtards ne succedent point Les Anglois et les Ecossois en suite ont reçû cette Coûtume des Normans ;Glanville , 1. 7. c. 13.
Skenaeus de leg. Scot. l. 2. c. 50. Et quoy que par le droit Romain les enfans naturels succedassent à leurs meres ab intestat, néanmoins dans quelques Provinces où le droit Romain a lieu cela ne subsiste point, comme à Tolose : GuyPapé , en sa Question 180. etBonneton , en son Commentaire, disent qu’on garde encore le droit Romain dans le Dauphiné OII sembloit juste aprés avoir déclaré les bâtards incapables de succeder, d’ordonner quelque chose Justinien Constantin touchant leurs alimens ; Justinien, en sa Novelle 89. dit qu’avant Constantin on ne trouvoit aucune loy en faveur des enfans naturels, les Romains ne paroissant pas avoir eu beaucoup de soin et de tendresse pour les enfans de cette qualité. MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC’MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC. : Les peres neanmoins ne laissoient pas de leur donner et même de les instituer Constantin heritiers, mais ils le faisoient volontairement, non legis ullius sollicitudine. Constantin fit une loy fort humaine, et nothorum genti perquam utilem : Elle ne se trouve plus à present, et il ent est fait mention dans la l. Dius Constantini. C. de nat. lib.Herald . quotidian. quest. l. 1. c.
Bien que nôtre Coûtume n’ait rien dit pour les alimens des bâtards, par un temperament équitable on oblige les peres ou leurs meres à leur donner quelque chose par forme de pension alimentaire : Il les doivent élever jusqu’à ce qu’ils leur ayent donné le moyen de gagner leur vie, imitans en cela les autres animaux qui n’abandonnent leurs petits que quand ils peuvent chercher leur pature ; et c’est pourquoy pour se décharger de cette nourriture, non seulement Ils sont tenus de leur faire apprendre mêtier, mais aussi de les en faire passer maîtres, et s’ils ne lont fait de leur vivant, leurs heritiers aprés leur mort doivent fournir tout ce qui est Loüet necessaire pour cet effet, parce que sans la maitrise ils ne pourroient gagner leur vie : Loüer, l. a. fl. 4. Par Arrest du 25 d’Octobre 1661. on confirma la Sentence du Bureau, qui condamnoit le sieur de Gueudeville en cent-cinquante livres de pension envers Jean Caron son fils naturel, et en cent livres pour les frais. Autre. Arrest du 12 de Juillet 1662. le sieur de Freval fut condamné à payer une pension viagere à Jean Bufard, fils naturel de Charles de Frevali à prendre sur sa succession : Et même par un autre Arrest du 4 de Mars 1660. on condamna Pierte Tharel à payer les arrerages de cinquante livres de rente qu’il avoit donnez pour titre à Me Jean Tharel son fils, pour la nourriture de lenfant naturel de ce Prestre.
Il resulte des Arrests précedens que les alimens sont dûs aux bâtards, non seulement par leurs peres, mais aussi par leurs heritiers.
Il y a eu de la difficulté sur ce point, sçavoir si la pension et la nourriture du batard doit être payée par l’heritier aux meubles ou par lheritier aux immeubles, et si la veuve de celuy qui avoit un bâtard et laquelle est depuis devenue heritière de l’enfant issu de leur mariagé, et qui par ce moyen a eu tous les meubles et son doüaire, est tenue de contribuer à la nourriture et à la pension du bataid de son mary
La veuve alléguoit pour défenses que toute pension à vie est une espèce d’usufruit et de charge réelle qui doit être acquitée sur le revenu des immeubles : les meubles ne doivent que les charges mobiliaires, et les immeubles les réelles et annuelles.
Tout ce que la veuve prend aux meubles et immeubles de son mary, c’est jure matrimonii jure societatis, et à lege : mais cette loy ne charge point la veuve de noutrir les bâtards de fon mary, elle ne peut pas même être obligée à la nourriture des enfans legitimes.
Il n’y a rien de plus odieux et de plus intolerable à une femme chaste que l’incontinence de son mary : les enfans qui naissent, de cet infame commerce avec des femmes impudiques sont un perpétuel objet de haine et d’indignation à la femme, cum ad contemptum sui domus-ve suae cum impudicis mulièribus coetum inierit maritus, quod maximè castas exasperat. l. Consensu. C. de repud. Il est si juste que ces honteuses productions soient chassées de la maifon du mary, qu’Abraham ne pût refuser cette fatisfaction à Sara, quand elle luy dit éjice ancillam hanc & filium ejus. Abraham même fut obligé de la chasser par le commandement de Dieu, sans donner poutefois de pension à son bâtard, mais seulement du pain et de leau ; le pere ne luy a rien donné, quoy qu’il pût le faire. Il ne reste donc aucune action que pour les alimens qu’on uy donne, humemitatis intuitu, mais ils doivent être pris sur les revenus des immeubles : Par Arrest de hir de Février 1621. entre Cavelier sieur de Villequier, tuteur des enfans du sieur de Breteville, Jean heritier du feu sieur de Huménil leur oncle, et Demoiselle Geneviéve le Sueur, veuve dudit sieur de Huménil, et héritière aux meubles de l’enfant sorti d’elle et dudit sieur de Huménil, ladite Demoiselle fut déchargée de la nourriture et pension du batard de son mary, qui étoit né durant leur mariage, et même déchargée de la contriontion, et les heritiers aux immeubles condamnez au payement de la pension.
Si le batard êtoit né avant le mariage, en ce cas la veuve n’est pas dispensée de contribuer à la nourriture du batard de son mary. Charles Minfant, fils naturel de Minfant, sieur d’Ancourt, poursuivit les heritiers de son pere pour luy payer une pension alimentaire : les heri-tiers appelerent en la cause la veuve afin d’y contribuer étant legataire et héritière de son mary : Ils opposoient au batard que son pere luy avoit fait apprendre un mêtier, que les alimens n’étant dûs à lege, sed ex naturali aaequitate, non debebantur, et qui aliunde habet undi alatur, qu’étant en âge de gagner sa vie et sçachant un mêtier, on n’étoit plus obligé de luy ayer une pension alimentaire. Le bâtard répondoit que le sieur Dancourt avoit laissé une uccession de vingt mille livres de rente, que des heritiers collateraux étoient mal favorables à disputer une pension à son fils naturel, qui non suo vitio laborabat, sed paterno ; Il étoit vray qu’on luy avoit fait apprendre un mêtier de Passementier, mais qu’on ne luy en avoit pas acquis la maîtrise, ce qui lempeschoit de tenir boutique : La veuve défendoit de son chef, disant qu’il n’y avoit pas de pretexte à l’obliger de nourrir le bâtard de son mary, parce que quand même il agiroit du mariage de sa fille legitime, elle ne pourroit être forcée à y contribuer de son oien, quia paternum est officium dotare filias : Par Arrest du 23 de Janvier 1641. en la Chambre de l’Edit, on ajugea cinq cens livres de pension au bâtard, au payement de laquelle la veuve contribuëroit pour la part qu’elle prenoit en la succession de son mary : voyezLoüet , 1. D. n. 1.
Cette charge de nouirir un bâtard ne doit s’étendre que sur le pere ou ses heritiers, et non pas sur la parenté : Par Arrest du 19 de May 1611. entre les enfans de Romain le Seigneur neritiers de Vincent le Seigneur, et les enfans de défunt Jacques, bâtard dudit Vincent le eigneur, les parens du pere furent déchargez, sauf aux enfans du batard à faire appeler leurs irens au Bureau pour leur donner des alimens. Autre Arrest du 29 de Janvier 1658. en Audience de la Chambre de la Tournelle, une servante nommée Jeanne à l’Epée avoit demeuré trois mois chez une veuve de la ville d’Evreux ; cette servante étant accouchée six mois aprés être sortie hors de la maison de cette veuve, elle donna son enfant à son fils : Il desavoüa que cet enfant fût de ses oeuvres, offrant prouver que cette. Jeanne à Epée étoit une publique qui s’étoit abandonnée à toutes sortes de personnes pendant qu’elle demeuroit dans fa maison, ce qui fut ainsi rapporté par l’information qui en fut faite ; en consequence dequoy le fils fut renvoyé de cette action, comme aussi le Receveur du Bureau qui avoit été appelé en la cause ; mais le nommé à l’Epée et les autres paren de ladite Jeanne furent condamnez à la nourriture de ce bâtard, dont avant appelé, le Bourgeois leur Avocat soûtenoit que des parens collateraux n’étoient point obligez à la houtriture dlu batard de leur parente, parce qu’il n’étoit point leur parent, que les batards nec genus, nec familiam habent, que les Arrests l’avoient ainsi jugé. Bérault rapporte celuy d’Herambourg sur l’Article 426. et 604. Le François plaidoit pour le fils, et remontroit que la mauvaise nie de ceute impudique étant prouvée par l’information on ne pouvoit luy donner cet enfant, quoy qu’elle fût devenue grosse pendant le temps qu’elle demeuroit chez sa mere ; et le Page ae jeune plaidant pour le Receveur du Bureau d’Evreux, concluoit que le maître en la maison luquel la servante étoit devenuë grosse êtoit présumé le pere de l’enfant, en tout cas que les patens de la mete étoient obligez à la nourriture, et qu’encore qu’il fût bâtard la nature le faisant leur parent, ils ne pouvoient l’abandonner. Les Arrests n’étoient pas dans cette espèce, et l’on avoit seulement déchargé les parens du pere, parce qu’ils n’étoient pas tenus à veiller uur sa conduite, mais non les parens de la mere, lesquels étant obligez de prendre garde sut les actions et sur la conduite d’une jeune fille leur parente, sont garands des fautes qu’elle commet, par argument des Articles 101. et 102. de la Coûtume, suivant lesquels les parens sont tenus de prendre garde à ceux qui sont troublez. Mr l’Avocat General le Guerchois ayant fait lecture de l’information, et suivant ses Conclusions, la Cour mit l’appel et ce dont, en ceformant, condamna le Receveur du Bureau à se charger de l’enfant.
En l’anée 1600. du Moutièr eut une batarde de la nommée Bertout sa cousine germaine, le mariage qu’il avoit contracté avec elle fut declaré nul par un Arrest de ce Parlement de l’année 16o8. et par un Arrest du Privé Conseil il fut dit que cet Arrest seroit executé, et neanmoins on jjugea à cette batarde nommée Marie du Moutier quelque fomme à prendre sur les biens du pere, et on la déclara capable de succeder aux biens de sa mere : Les petits enfans de cette batarde, nommez Marc, ayant prétendu la succession du sieur Bertout, elle leur fut. contestée par des nommez Bertout, qui les soûtenoient incapables de succeder aux parens, tant dela ligne paternelle que maternelle, et que l’Arrest du Conseil devoit être restreint à la seule succession de la mere, ne pouvant avoir lieu pour les successions des parens maternels. Ces petits enfans répondoient que Marie du Moutier ayant été déclarée capable de fucceder à sa mere, cette capacité s’étendoit à toute la ligne maternelle, des Bertout, parce qu’étant sa mere elle : luy avoit trans-mis tous ses droits, quia hereditas nihil aliud est quam successio in jus defuncti : Or comme ladite Sertout avoit la capacité de succeder à ses parens, de même ladite du Moutier, qui étoit son deritière, avoit le même droit que sa mere, autrement si elle avoit eu moins de droit, elle n’auroit pas été véritablement son heritiere : En second lieu, que les nommez Bertout, parens maternels, auroient succedé aux biens qui luy étoient échûs du côté de sa mere, et puisque les parens maternels auroient été capables de succeder aux biens maternels de ladite du Moutier, par la même raison elle avoit été aussi capable de leur succeders en effet les parens l’avoient reconnu de la sorte par plusieurs actes durant cinquanteans : Par Arrest du 19 de Février 1665. la succession ut ajugée ausdits Marc, plaidans Freville et Durand. Autre Arrest sur ce fait : Leonard Perdrix aprés la mort de sa femme, arrivée le 15de Decembre 1648. épousa Bunache fa servante le ro de Janvier 1649. elle accoucha le 27 de May, de sorte qu’à compter du jour de son mariage. fet enfant êtoit né quatre mois dix : sept jours aprés, et à compter du jour de la mort de la premiere femme, il étoit né à cinq mois douze jours : Aprés la mort de Perdrix cette femme fit ppeler au Bureau de Roüen les parens de son mary pour nourrir cet enfant, à quoy ayant. été condamnez, sur l’appel ils prouvoient par le temps du mariage et de la naissance que cet enfant êtoit adulterin, et qu’il n’étoit pas juste de charger des parens de la nourriture du bâtard de leur parent : La mere répondoit que la question de l’état de l’enfant devoit être differée jusqu’à sa majorité, cependant que suivant l’Edit Carbon. il faloit luy fournir des alimens ; on repliquoit que cet Edit n’avoit lieu que causâ cognitâ, et si manifesta calumnia apparuerit, non dabatur bonorum possessio : Par Arrest en la Grand. Chambre du 7 de Février 1651. on cassa la Sentence comme lonnée incompetemment, et on déchargea les parens, sauf à la mere à se pourvoir sur les biens du pere. On préjugea que l’enfant n’étoit pas legitime, étant né à quatre mois dix-sept jours, ou au plus à cinq mois douze jours, et ainsi l’on jugea que les parens n’étoient point tenus à la nourriture de ce bâtard. En traitant des alimens qui sont donnez aux bâtards, il ne sera pas hors de propos de parler de la noutriture des enfans exposez. Par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris, les Hauts-Justiciers dans tétenduë de la Haute-Justice, desquels un enfant est exposé, sont tenus de luy pourvoir de nourriture et d’entretenement, Journal des Audiences, seconde partie, l. 1. c. 13. Nous en usons autrement en cette Province dans letenduë de la banlieuë de la ville de Roüen, l’Hopital a été condamné de se charger de la nourriture des enfans xposez. Dans les autres lieux de la Province cette nourriture tombe en charge au Tresor de la Paroisse. Selon la disposition de quelques Conciles de France les enfans exposez étoient nourris par les Ecclesiastiques, des aumones faites à l’Eglise pour la nourriture des pauvres, et depuis les Hopitaux ayant été bâtis, ils ont été tenus de nourrir les enfans exposez ; et dans les lieux où il n’y en a point, comme le Tresor de l’Eglise est composé d’aumones, cette nourriture doit être à sa charge : Les Arrests du Parlement de Paris, qui ont condamné les Hauts-Justiciers à pourvoir à leur nourriture se sont fondez sur cette raison, qu’il faloit considerer ces enfans-li comme une espèce d’espaves ; ; ainsi comme les espaves appartiennent aux Hauts : Justiciers, et même les successions des bâtards décedez sans enfans, ils en devoient souffrir les incommoditez et en demeurer chargez
Bien qu’il soit vray que les bâtards neque gentem, neque agnationem habeant, et que la bâtardise ôte tous les droits successifs, elle n’éteint pas neanmoins les droits du sang, et l’on présume que ce defaut de la naissance n’efface pas absolument les sentimens d’amitié et de protection, de la part des parens du pere du bâtard, et c’est pourquoy quand on a proposé des recusations contr’eux, pour les faire abstenir de connoître des procez où le batard avoit interest, on a trouvé qu’ils étoient recusables : Par Arrest en la Chambre de la Tournelle du 9 d’Avril 1631. il fut jugé que Messieurs Magnard President, du. Val : Coupeauville, et de la Champagne ; Conseillers, s’abstiendroient de connoître du procez du fils bâtard du sieur du Val-Poutrel, dont ils étoient parens en degré éloigné ; Et par un autre Arrest en la Chambre de IEdit de l’année 1629.
Messieurs Bretel President, Côté et Pigné, Conseillers, furent jugez recusables de connoire du procez du batard de Mr de Viquemare ; ces droits du sang subsistent si véritablement, qu’ils empeschent le mariage entre les parens du bâtard et les décendans du bâtard. On a agité cette question, si l’on devoit mettre au rang des bâtards et des enfans incestueux ceux qui étoient issus du mariage d’une grande tante avec son petit-neveu d’alliance, et si la Dispense accordée par le Pape êtoit valable : Auxout épousa en secondes nopces Marguerite Boulier, il avoit un arriere, neveu sorti du fils de sa seur nommé Belay : aprés la mort l’Auzout Boulier sa veuve se prostitua avec Belay, dont elle eut des enfans ; ils obrinrent Dispense pour se marier, et l’Official de Coûtance aprés avoir entendu quelques témoins leur permit de se marier : Aprés la moit de Belay sa succession fut disputée à ses enfans, comme étant issus d’une conjonction incestueuse ; ils obtinrent Sentence à leur benefice : Sur l’appel de enfans de la sour de Belay, qui étoient aussi appelans comme d’abus de l’execution de la Diipense, Dudit, leur Avocat, soûtint que la Dispense n’avoit pû être accordée du premier dégré d’alliance au tiers degré, que comme les ascendans et décendans ne peuvent. contracter mariage, les oncles et les tantes tenans lieu d’ascendans le mariage en êtoit prohibé. De Préfontaine et Greard, pour la Boulier et ses enfans, remontroient qu’il ne s’agissoit que d’alliance, dont l’empes chement êtoit moindre que celuy des cousins germains que si le Pape pouvoit dispenseru second degré, il avoit pouvoir de dispenser au troisième degré : Par Arrest du s de Février 1653. on confirma les Sentences
Un bâtard légitimé par Lettres du Prince, à la requisition de son pere naturel, fut declaré tapable de recueillir le legs universel qui luy avoit été fait par le testament de sondit pere, de tous ses meubles et acquests, en quoy consistoit tout son bien, au préjudice des heritiers colà lateraux, qui soûtenoient que par la Coûtume generale de France les bâtards ne peuvent suc-ceder à leurs pere et mere, et par consequent ne peuvent être logataires universels, puisque le legataire universel est loco heredis.
CCLXXVI.
Bâtard comment peut disposer.
Le bâtard peut disposer de son héritage comme personne libre.
L’ancienne Coûtume de Bretagne en l’Article 453. ne permettoit au batard de donner de ses héritages que sous certaines conditions, et par l’Article 477. il ne peut donner par testament que la moitié de ses meubles, pourvû qu’il ne le fasse pas en haine contre la Seigneurie.
Par cet Article ( il peut disposer de son héritage comme personne libre ) d’où l’on peut conclure qu’il ne peut pas donner davantage. Cependant nous avons vù plaider et juger diverse-nent la question, si le batard qui n’a point d’enfans pouvoit donner tous ses biens ; Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre en l’année 1653. Un nommé Marivel, qui étoit issu d’un bâtard, par une donation entre vifs donna tous ses héritages au sieur le Prevost : Mre de Nonant, Seigneur de Fontaine-du-Recut, dont les héritages étoient mouvans à cause de son fief de Brocourt, soûtint que la donation ne pouvoit valoir que jusqu’à la concurrence du tiers, et demandoit le surplus à droit de deshérance : Mr le Guerchois, qui plaidoit pour le Seigneur, s’aidoit de cet Article : Bigot pour le Prevost donataire disoit que la défense de donner plus que le tiers de ses héritages n’étoit qu’en faveur des parens heritiers, que quand il ne s’en trouvoit point, l’homme retomboit dans sa liberté naturelle pour pouvoir disposer de tout son bien à sa volonié, uti quisque rei sua legassit, jus esto. Il paroissoit évidemment par les Articles 435. et 457. que la prohibition de donner n’étoit fondée que sur l’inte-rest des heritiers ; car. quand il est parlé dans les Articles de revoquer les donations excessives, la Coûtume ne donne le pouvoir qu’aux heritiers : Aussi les loix ne considerent jamais le fisc un seigneur feodal est aussi peu favorable à contrédire la volonté du donateur ; qu’il le seroit à s’opposer à la grace que le Prince voudroit faire à un criminel, et par cette raison lon avoit confirmé la donation d’une femme bâtarde à son mary, suivant le Tit. unde vir & uxor : Par Arrest du 8 d’Aoust 1653. la donation fut confirmée ; mais depuis le contraire fut jugé, suisant l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article 146.
CCLXXVII.
Enfans des condamnez comment succedent.
Les enfans des condamnez et confisquez ne laisseront de succeder à leurs parens, tant en ligne directe que collaterale, pourvû qu’ils soient conçûs lors de la succession échûë.
Il faut avoüer que l’ancienne Coûtume, qui privoit les enfans des condamnez et des confisquez de tous les biens de leur pere, étoit cruelle et barbate, que lors de la reformation de la Coûtume Mr Vauquelin, Avocat General, insista que les heritiers des condamnez à mort pour crime de leze-Majesté, au premier degré, doivent être exautorez du privilege de noblesse, jugez intestables et reléguez dans un Monastere ; leurs veuves privées de leurs doüaires, et les creanciers de leurs dettes sur les biens confisquez ; Procez verbal de la reformation au titre de succession en propre, mais l’atrocité de ce crime mérite des peines extraordinaires. Cette Stanfort ncienne Coûtume fut établie en Angleterre même contre la femme, Stanfoit l. 3. c. 33. d forfaiture del title de donver, si l’amour, dit-il, de sa propre vie ne ponrroit luy cohiber de treason bi la feloni uncar ; l’amour de sa femme et les enfans luy cohiberont queux il fait à part sur soi mischiemens acta destruier en vivre ou autre tiel chose que doit eux susteiner ; mais cette loy est changée, excepré pour les crimes de trahison et de leze-Majesté, et à l’égard des enfans des condamnez pour felome ou rrahison ils ne succedent point ;’idem c. 32.
Justinien Justinien changea tout le droit ancien des confiscations par ses Nov. 17. c. 12. et 134. c. ult. dans la premiere il vent que ceux qui ont commis quelque crime soient punis en leurs personnes, et que leurs biens soient reservez à leurs successeurs legitimes, non enim sunt res que delinquunt, sed qui res possident ; et dans la derniere Authent. Bona deni, c. de bonis proscript. il ordonne que les enfans et les parens jusqu’au troisième degré possedent les biens des condamnez, et que les Juges ne puissent en reserver aucune portion pour eux, que les femmes ne perdent rien de leur dot et de leurs gains nupriaux, et où ils n’auroient rien pris d’elles, il veut qu’une certaine portion de leurs biens leur soit ajugée, ne voulant pas punir la femme et les enfans qui n’ont point failli, l. cum ratio. ff. de Bon. damnat. in crimine verb lese-Majei. statis veteres leges servari jubemus.
Par les Capitulaires de Charlemagne la confiscation ne s’étendoit que sur les acquests et non sur les propres. Tous les enfans d’un condamné et confisqué ne sont pas habiles à succeder ; la Coûtume ne donne cette qualité qu’à ceux qui sont nez et conçûs lors de la succes-sion échûë : de sorte que ceux qui seroient conçûs depuis la condamnation et le droit acquis aux Seigneurs, n’y pourroient rien demander.
C’est une question fort célèbre, si les enfans d’un homme condamné à mort ou banni à perpétuité issus d’un mariage contracté depuis la condamnation, sont capables de succeder avec sles autres enfans nez avant la condamnation, ou au préjudice des heritiers collateraux : Tous nos Auteurs conviennent que la condamnation qui emporte une mort civil est un empeschement au mariage, quoad effectus civil ; et bien que le mariage soit bon, et que les enfans qui en sont issus soient legitimes, néanmoins ils sont incapables de succeder, et c’est en cette rencontre que l’on peut dire que non omnis filius est patris heres : Le nom de fils et d’heritier n’est pas seulement un nom de nature, mais aussi de justice et de loy : de sorte que pour Loüet succeder à son pere, il ne suffit pas d’être son enfant naturel, il faut aussi l’être selon la loyvoyez Loüer etBrodeau , l. fin. 8.Mornac . Ad l. qui in Provincia 57. 81. de rit. nupt. &c. Ad R ult. C. de ritu nupt. etle Bret , en ses Décis. l. 1. c. 6.
CCLXXVIII.
Creanciers sont subrogez à accepter la succession échûë à leur debiteur.
Avenant que le debiteur renonce, ou ne vueille accepter la succession qui luy est échûë, ses créanciers pourront se faire subroger en son lieu et droit pour accepter, et être payez sur ladite succession jusques à la concurrence de leur dû selon lordre de priorité et posteriorité, et s’il reste aucune chose les dettes payées, il reviendra aux autres heritiers plus prochains aprés celuy qui a renonce
La disposition portée par cet Article est singulière, et dans toutes les Coûtumes de France il ne s’en trouve point. de pareille ; elle est neanmoins tres raisonnable, et cet Article est conçû, d’une maniere qui fait cesser tous les inconveniens que lon opposoit au contraire : Le Parlement de Paris fa jugé plus équitable que la jurisprudence de ces Jurisconsultes Roinalns, qui n’estimoient pas qu’un debiteur fasse fraude à ses creanciers, lorsqu’il repudie une succession opulente : Is non videtur facere in fraudem creditorum, qui non utitur occasione adquirendi, sed id tantùm agit ne locupletetur, non etiam ut patrimonium suum diminuat. l. 6. qua in fraud. Si le Droit ne s’êtoit point expliqué davantage, cette loy eût pû être entenduë des acquisitions que le debiteur auroit negligé de faire mais elle ajoûte le cas de renonciation à une succession ; si hereditaiem repudiaverit 5. 2. dicta. l. 8. La raison de cette jurisprudence êtoit que lon ne peut compter entre nos biens ce qui ne nous a point encore appartenu, et les creanciers en prétant leur argent ne peuvent avoir eu en vûë la succession qui pouvoit échoir, puisqu’elle êtoit incertaine, soit que le debiteur fût heritier ab intestat, ou qu’il ne le fût pas, puisque le défunt pouvoit choifir un autre heritier, et disposer de ses biens à sa volonté : C’étoit aussi le sentiment dedu Moulin , que quand le creancier renonçoit simplement à une succession, pour la laisser à celuy qui êtoit le plus proche heritier, en ce cas les créanciers ne pouvoient se plaindre ni empescher leffet de cette renonciation ; que si toutefois on luy avoit denné quelque chose pour faire cette renonciation, les créanciers pouvoient user d’arrest : Secus tamen sdit ce même Auteur ) s’il avoit renoncé en faveur de celuy, qui aliâs non vocatur jure communi vel étatuto loco, nisi renuntians acceptet et transferat in eum aliâs non habiturum, quia ista non est Castro renunciatio, sed aditio, negotium justum & alienatio ; de quo in l. si actionem. Paulus de Castro C. de Pact.Molin . de feud. 8. 1. gl. 3. n. 15. Vide l. in fraudem, que in fraud. credit.
Toutes ces raisons ne sont pas équitables, et nous avons rejetté avec justice cette différence entre bona quesita et bona non quesita ; nous comptons assurément entre les biens d’un debiteur l’esperance d’une succession à échoir, spem futurae hereditatis : Il est vray que nous le faisons avec plus de sûreté que les Romains, parce que l’institution d’heritier est reprouvée par nô tre Coûtume, et que le plus proche et le plus habile parent est toûjours, s’il luy plaist, l’heritier certain et infaillible, c’est pourquoy le creancier peut dire qu’il s’est assuré sur la legitime qui ne pouvoit être ôtée ni diminuée à son debiteur. Daviron a suivi en quelque façon la distinction. du droit civil, lorsqu’il a estimé que cet Article devoit s’entendre des successions de propre et non des acquests ; mais cette opinion n’est pas suivie, puisque la succession des acquests n’est pas moins assurée à l’heritier presomptif que celle des propres, et cet Article étant general il a lieu pour toutes sortes de successions de propres et d’acquests, directes et collaterales ; et bien qu’il soit véritable que nul ne soit heritier qui ne veut, et que d’ailleurs il ne soit pas juste d’engager l’heritier presomptif à toutes les charges d’une succession contre fa volonté, on répond que la Coûtume a sagement prévû à tous ces inconveniens, sans forcer le debiteur à prendre une succession qu’il croit onèreuse ; on permet aux créanciers de se faire subroger en sa place, ainsi il-n’est point necessaire d’emprunter son nom, il ne peut être poursuivi en qualité d’heritier, mais en vertu de la subrogation, ses créanciers exercent tous les droits et les actions hereditaires pour se rembourser seulement de leurs créances, nôtre Coûtume ayant sagement ordonné que s’il reste du bien aprés les dettes acquitées, il retourné au plus proche héritier.
Comme la Coûtume de Paris n’avoit rien disposé sur cette matière, la question s’y est offerte plusieurs fois ; mais nonobstant l’autorité Droit et l’opinion dedu Moulin , qui a tenu que alia est ratio debitorum qui adquirere nolunt, alia eorum qui patrimonium diminuunt, les Arrests sont intervenus conformes à la disposition de cet Article, non seulement pour les successions directes, mais aussi pour les collaterales :Loüet , l. R. n. 19. et 20.Tronçon , sur l’Article 310.
Le Prestre Prestre ; Centurie 1. c. 90.
L’Arrest remarqué parRobert , l. 3. c. 14. rerum ind. ne détruit point cette maxime ; il s’agissoit du legs d’un simple usufruit qu’un mary faisoit à sa femme de tous ses biens, le creancier du fils fut debouté de sa demande, pour obliger le fils à demander sa legitime déchargée de cet usufruit, car outre que l’usufruit s’éteint et se perd, et que la proprieté demeure au debiteur, ce méme Auteur remarque que par un autre Arrest un fils fut obligé de demander sa legitime.
Il faut neanmoins observer que cette subrogation n’appartient qu’aux créanciers anterieurs à a renonciation, et il a été jugé par Arrest du 7 de Juillet 1644. qu’un creancier posterieur à la renonciation ne pouvoit demander de subrogation ; il ne peut se plaindre que la renonciation soit faite à son préjudice, et quand même la succession seroit encore jacenté, le droit en étant acquis à un autre, ne pourroit être aneanti par ce créancier posterieurs Nous sommes fort éloignez d’approuver la rigueur du droit civil, qui favorise plus le droit du fisc que celuy des créanciers legitimes ; un debiteur trompeur, pour frustrer ses créanciers, bandonne une succession qui pourroit liberer sa foy par le payement de ses dettes : La loy Romaine veut neanmoins que ce ne soit point une fraude, et lorsqu’il s’agit de Iinterest du fisc, qui certat de lucro captando, cette même loy repute que c’est une tromperie, si l’on neglige d’accroitre son bien, l. 45. D. de jure fisci-
Nôtre jurisprudence est tout à fait opposée, la renonciation ne nuit point au creancier, qui seut se faire subroger ; mais pour le fise il n’a pas cette prerogative, et par un Arrest en la Chambre de la Tournelle du 21 de Juillet 1635. entre Mr le Duc de Longueville, Madame la Presidente e S. Aubin, et le sieur de Criquetot-Lenneval, qui prétendoient en qualité de Seigneurs feodaux la succession repudiée par le nommé Barentin, prisonnier à Montivilliers, pour vol de grand chemin, et depuis condamné à mort ; il fut jugé que cet Article ne s’étend point au Seigneur confiscataire : ce n’est plus aujourd’huy un problême aprés le Reglement de la Cour, Arricle 53. Jay remarqué plus au long cet Arrest sur l’Article 143.
On ne doute point que le creancier ne puisse demander cette subrogation pour tous les biens ui sont acquis à son debitenr ipfo jure, et sans aucun ministere de fait : On a mêine jugé que l’ayeul ne pouvoit faire avancement de son bien à ses petits-enfans au préjudice de son fils, et à l’effet de frustrer de sa succession les créanciers de son fils : Par Arrest du mois d’Avril 1622. au Rapport de Mr Huë, sans avoir égard à l’avancement, il fut permis aux creanciers du fils de se faire subroger suivant cet Article, il paroissoit de la collusion entre le pere et le fils ; par la l. bumanitatis intuitu. 9. C. de impuberum et aliis substitut. il est permis aux peres et meres, s’ils ont des heritiers presomptifs, qui soient mente capti, relictâ eis legitimâ portione, quos voluérant ubstituere ; mais cela ne se peut faire selon nos Usages, qui n’admettent point les institutions d’heritiers ni les substitutions. On fait difficulté pour les préciputs qui appartiennent à l’ainé, foit en la Coûtume generale ou en celle de Caux ; par la Coûtume l’aine peut prendre par préciput tel fief que bon luy semble en chacune des successions, tant paternelle que maternelle, Article 337 et neanmoins le fisc ou le creancier subrogé de l’ainé n’ont pas ce privilege de prendre ce préciput vant le partage fait, ils ont seulement une part égale avec les autres freres, Article 345.
Le créancier subrogé ne succede point à la prerogative que la Coûtume attache à la personne des freres, en l’Article 263. Les préciputs accordez à l’ainé dans la Coûtume generale, sunt mera facultatis, il peut y renoncer expressément ou tacitement.
Il faut mettre de la difference entre les preciputs dont la Coûtume generale fait mention et le préciput de la Coûtume de Caux : par l’Article, 37. l’ainé peut prendre un fief par préciput au lieu de son partage. ; il faut donc qu’il déclare son intention, s’il veut choisir un préciput ou partager avec ses freres ; quand il n’a point declaré sa volonté, et qu’elle demeure inconnuë et incertaine, ce privilege du préciput ne passe point à ses créanciers, parce qu’il n’étoit acquis à leur debiteur qu’en consequence d’une déclaration qu’il n’a point faite, il faut en dire autant du préciput, dont il est parlé en l’Aiticle 356. si l’ainé ne fait point sa declaration, ses créeanciers e succedent point à son droit qui ne luy est attribué qu’en vertu du choix qu’il doit faire, s’il l’avoit fait cette action seroit transmise à les créanciers, et ces déclarations de l’ainé pour acquerir le préciput sont si neceffaires, que par l’Article 347. les successions paternelles et maternelles étant échûës avant qu’il ait fait sa declaration de prendre un préciput, elles sont reputées confuses à son préjudice
Toutes cearaisons cessent pour le préciput de Caux, par les Articles 279. et 295. l’ainé a ses deux tiers avec le Manoir et pourpris, sans aucune estimation ou recompense ; il luy appartient dés l’instant de la mort du pere, et pour se l’acquerir il ne luy est point necessaire de faire aucune déclaration, de sorte que s’il décede ou confisque avant le partage fait avec ses frères, le créancier e ou le fise succederont à ses droits : ainsi jugé en l’Audience de la Chambre de l’Edit pour un créancier, par Arrest du 20 de Novembre 1624. rapporté par Berault sur l’Article 345.
Quand je dis que le fisc succedera, cela s’entend, pourvû que l’ainé n’ait point renoncé à la succession de son père ; car le préciput ne luy étant dû qu’en qualité d’heritier, le fic n’y peut rien reclamer aprés la renonciation, puisqu’il n’a pas le privilege accordé aux creanciers par cet Article, suivant l’Arrest rapporté cy dessus, les biens de Barentin étant situez en la Coûtume de Caux.
Loyset Apothicaire étant fort endeté, et ne luy restant d’autres biens que la seule espérance de succeder à sa mere, riche de douze cens livres de rente, voulut faire Profession de Religieux acobin, pour faire passer la succession de sa mère à ses enfans ; quelques parens, qui l’avoient nommé tuteur, et qui éroient garands de sa gestion, s’opposerent à sa Profession, alléguans que les Canons défendoient de recevoir Moyne celuy qui n’embrassoit ce genre de vie qu’en fraude de ses créanciers, néanmoins les parens furent deboutez de leur opposition, par Arrest en la Grand : Chambre du 6 de Février 1643. plaidans Eustache pour les parens, et Chrétien pour les Jacobins.