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N apprend dans ce Titre la manière de succeder, tant en ligne directe que collaterale, et de partager les biens qui sont situez dans le Bailliage de Caux, et dans les autres lieux où cette Coûtume s’est étenduë.

On à peu de lumieres touchant l’origine dé cette Coûtume ; et il est malaisé de dire pourquoy elle est si differente de celle qui se garde dans tout le reste de la Normandie.

Nos premiers Conquerans n’ont pas été assurément les premiers Auteurs de ces Loix ; il peut bien être que parmy ces Nations du Nort la condition des ainez êétoit fort avantageuse : Guillaume deJumieges , dans le Livre 1. c. 4. de son Histoire, a écrit que chez les Danois le pere écartoit loin de luy ses fils en âge, hormis un qu’il laissoit heritier de son bien : quod apud Danos pûter filios adultos à se pellebat, prater unum quem sui juris heredem velinquebat. Suivant le témoignage deTacite , les anciens Allemans donnoient, leurs héritages à leur ainé, et leurs meubles à leurs puisnez : cela ne se pratique plus en Allemagne. Dans le partage des successions on divise même les fiefs Imperiaux, à l’exception des Electorats et des Principautez qui y sont annexées par. la Bulle d’or, qui demeurent toûjouts à l’ainé Stenaus a aussi remarqué qu’entre Nobles l’ainé a toute la succession : De leg. Scot. l. 2. c. 27.

Quoy que parmy ces peuples dont les Normans ont tiré leur origine, et parmy leurs voisins la primogeniture eût de si grandes prerogatives, on ne doit point leur attribuer l’établis-sement de la Coûtume de Caux ; car si Raoul avoit apporté les Loix de son païs, il les auroit fait observer dans toute la Province qu’il avoit conquise, et il n’en auroit pas renfermé Jusage. et l’autorité dans cette portion de terre que les anciens Gaulois et les Romains appeloient Caletes, et qui compose aujourd’huy le Bailliage de Caux.

Il faut donc rechercher plus loin la difference de nos Coûtumes : Les Gaules ont toûjours êté divisées en trois peuples, les Celtes, les Belges ; et les Aquitains. La Gaule Celtique étoif separée de la Gaule Belgique par la rivière de Seine, et par consequent le païs de Caux faisoit partie de la Gaule Belgique : Et bien que ces trois peuples s’appelassent du non commun le Gaulois, ils étoient toutefois fort differens en leur langage, en leurs moeurs et en leurs Coûtumes, comme on l’apprend d’Ammian Marcellin , dans le Livre 15. de son Histoire, linguâ, legibus, institutis discrepantes ; ainsi quoy que les Caletes ou Cauchois ne fussent separez des Celtes que par la Seine, ils ne laissoient pas d’avoir un langage, une police et des loix particulieres. Les Belges étoient les plus vaillans, mais ils étoient aussi les plus feroces et les moins polis, parce qu’étant éloignez de la douce maniere de vivre des Romains, et n’étant pas effeminez par les choses delicieuses qu’on leur portât ; ils avoient toûjours la guerre avec les Allemans d’au-de-là du Rhin : ea propter qubd ab humaniore cultu longé discreti, nec adventitiis effeminati deliciis diu cum Germanis certavere Transrhenanis ;Ammianus Marcel . ibid.

Leurs Coûtumes et leurs Loix avoient beaucoup de rapport avec leur manière de vivre ; et comme parmy les Allemans, leurs voisine, tout l’héritage demeuroit à l’ainé, il y a grande apparence que les Belges, et par consequent les Cauchois, en usoient de même ; et ce qui en fait une forte presomption, c’est que dans la Province voisine, qui est la Picardie, et qui faisoit aussi partie de la Gaule Belgique, la condition des ainez est encore plus avantageuse ; au contraire les Celtes qui avoient plus de commerce avec les Romains étoient plus polis, et sieurs Coûtumes avoient plus de conformité avec les loix Romaines, ce qui paroit encore aujourd’huy en plusieurs choses.

Le Duc Raoul ayant trouvé les choses en cet état, comme il avoit dessein de s’acquerir l’affection de ses nouveaux Sujets, il laissa vivre un chacun selon les anciennes Coûtumes ; les Cauchois en userent comme auparavant, et voulurent demeurer les maîtres absoluts de leurs biens, pour retenir leurs puisnez dans un plus grand respect, et ils ont toûjours conservé ces sentimens, comme il parût lors de la reformation de la Coûtume : quelque effort que l’on fit pour leur persuader l’adoucissement de leurs Coûtumes en faveur de leurs puisnez, ils ne leur consentirent la proprieté da tiers qu’à condition d’en pouvoir disposer librement entre leurs puisnez : ce qui fait connoître que nous nous défaisons difficilement des préjugez avantageux que nous avons, pour les moeurs et pour les coûtumes des lieux où nous avons pris naissance, et c’est pourquoy la pensée d’Herodote est tres-véritable, que si l’on donnoit à quelque peuple la liberté de sé choisir une loy, il n’en voudroit point d’autre que celle de son païs, comme l’estimant la plus sage et la plus équitable du monde

L’étenduë du Bailliage de Caux ne sert pas de limite à la Coûtume de Caux, elle s’est établie en plusieurs lieux de la Vicomté de Roüen, et même dans la banlieuë de la Ville, comme il fut jugé pour des héritages assis en la Paroisse de Montigni, dont les deux tiers furent donnez à l’ainé, par Arrest donné, au Rapport de Mr de Croix-Mare, le a d’Aoust 1621. comme tenant nature de Caux, avant. que la Paroisse de Montigni fût enclose dans la banlieuë.

Me Josias Berault a fort bien divisé ce Titre en trois parties ; dans la premières il est traité du pouvoir que les peres ont de disposer du tiers de leur bien en faveur de leurs puisnez, ou de l’un d’iceux, et des conditions sous lesquelles ils peuvent faire cette disposition, et cette partie s’étend jusqu’à l’Article 288. Dans la seconde, jusqu’à l’Article 295. il est parlé de la liberté que les puisnez ont de renoncer à la disposition ou donation que le pere a faite du tiers : Le reste de ce Titre est employé pour regler les droits successifs des enfans, lorsque le pere n’a fait aucune disposition du tiers.