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CCLXXIX.

Disposition du tiers en Caux comment permise au pere et à la mere au profit des puisnez : Les pere, mere, ayeul, ayeule, ou autres ascendans, peuvent disposer dui tiers de leurs héritages et biens immeubles, ou de partie dudit tiers assis au Bailliage de Caux, et lieux tenans nature d’iceluy, à leurs enfans puisnez, ou lun d’eux, sortis d’un même mariage, soit par donation, testament, ou autre disposition solennelle, par écrit entre vifs, ou à cause de mort, à la charge de la provision à vie des autres puisnez non compris en ladite disposition, et de contribuer, tant aux dettes que mariage des filles, au prorata de ce qui leur reviendra de la totale succession, demeufant neanmoins le Manoir et pourpris en son inregrité au profit de lainé, sans qu’il en puisse être disposé à son préjudice, ni qu’il soit tenu en faire recompense ausdits puisnez,

Cet Article comprend cinq notables dispositions ; par la premiere, les peré, mere, ayeul oû ayeule, ou autres ascendans, peuvent disposer du tiers de leurs héritages et biens immeubles, ou dé partie dudit tiers assis au Bailliage de Caux, et lieux tenans nature diceluy, à leurs enfans puisnez ; ous l’un d’eux : Ainsi contre la disposition de la Coûtume generale, qui défend d’avantager un de ses enfans plus que l’autre, il y a lieu à la prédilection dans la Coûtume de Caux, et le pert peut, s’il luy plaist, donner le tiers entier ou partie d’iceluy en usufruit ou en proprieté à celuy de ses puisnez qu’il luy plairà de choisir. Les puifnez possedans ce tiers en vertu de la donation du pere, ont autrefois prétendu que l’acceptation qu’ils en faisoient ne les rendoit pas heritiers, et que l’on ne pouvoit les considerer que comme simples legataires, et qu’en cette qualité ils n’étoient tenus en aucune obligation personnelle envers les creanciers de leur pere ; il est vray que par cet Article les puisnez donataires sont tenus de contribuer aux dettes, mais cette obligation ne les engage qu’hypothecairement, car pour ces paroles ( pour la part qui leur revient en la succession ) elles ont leur relation aux filles dont il est parlé immediatement auparavant, et le sens de ces paroles est que les puisnez contribuent au mariage des filles pour la part qui appartient ausdites filles en la succession de leur pere : Godefroy a expliqué ces paroles de cette manière, et son opinion est que les puisnez n’étant que donataires ils ne sont point tenus personnellement envers les créanciers. Cette question fut décidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 2 de Decembre 1650. Les nommez Orange constituerent une rente au profit d’un Gentilhomme, à la caution de Jean Guerin, qui fut obligé de payer la rente à cause de l’insolvabilité du principal obligé, et aprés son décez son fils ainé la paya aussi quelque temps, mais n’ayant pû la continues le creancier fit saisir les biens de Loüis Guerin, fils puisné de Jean, qui prétendit n’être point obligé personnellement aux dettes de son pere, n’étant point fon heritier, mais simple donataire par son contrat de mariage, et comme il étoit posterieur en datte, il convenoit que le creancier voit son hypotheque sur les choses contenuës en sa donation ; par Sentence du Vicomte il fut dit à bonne cause l’execution : Le Bailly ayant jugé le contsre, sur l’appel du creancier en la Cour, Caruë, son Avocat, foûtenoit qu’un puisné en Caux donataire de son pere étoit personnellement obligé aux dettes d’iceluy ne pouvant joüir de l’effet de la donation qu’en qualité d’heritier, ce qui resultoit même de son contrat de mariage, qui contenoit que la terre et les meubles luy étoient quittez par son pere et son frere ainé, pour toute et telle portion qu’il pouvoit esperer en la succession de son pere, qu’il en avoit joûi plusieurs années avant et depuis le decez de son pere, que son exception de ne les avoir possedées que pro donatos et non point ritulo heredis, n’étoit point valable ; les donations de cette nature ne sont point une veritable donation, mais un pur avancement de succession ; les donations faites par les peres leurs enfans sont reputées une anticipation de leur future succession, elles ont véritablement durant la vie du pere quelque apparence de liberalité, puisque le fils ne joüit des choses données que par la concession gratuite du pere, mais aprés fa mort il ne tient plus ce bien-là de sa graces mais de la loy, non ab homine, sed à lege : aussi la Coûtume en l’Article 436. permet à celuy qui a fait des donations par avancement de succession, de donner le tiers du reste de ses biens à un étranger, ce qui montre qu’elle ne repute pas ces avancemens de successions pour des donations, et par l’Article 434. toutes donations faites par les peres et meres à leurs enfans son réputées avancement d’hoirie ; il est vray que ce même Article ajoûte ces mots ( réservé le tiers en Caux, ) d’où l’on voudroit inferer que la donation du tiers en Caux n’est pas un avancement de succession, mais mme pure donation : cette explication n’est pas véritable, comme Bérauit l’a fort bien remarqué, car ces paroles ( reservé le tiers en Caux ) ne se rapportent pas à ces mots ( avancement d’hoirie, ) mais à la premiere partie de l’Article, que les peres et oneres ne peuvent avancer l’un de leurs enfans au préjudice les uns des autres, à la reserve du tiers en Caux, dont les peres peuvent faire avantage à l’un de leurs ainez plus qu’aux autres, comme il est porté en cet Article 279. de sorte que la donation de ce tiers en Caux est considérée comme un avancement de succession, et produit les mêmes effets que toutes les autres donations de cette nature, et c’est pourquoy il est dit par cet Article que le puisné ou puisnez donataires du tiers sont tenus de contribuer tant aux dettes de la succession qu’au mariage des filles, et l’on soûtiendroit sans raison que cette contribution ne pourroit être executée que par l’action hypothecaire, puisque les puisnez donataires sont obligez personnellement et solidairement au mariage des filles, qui est compris en cette contribution. La défense de ce puisné seroit juste, si son contrat de mariage êtoit anterieur de la dette qui est demandée, car alors n’ayant point fait acte d’heritier.

I joüiroit de sa donation en exemption des dettes que le pere auroit contractées depuis, mais l’appelant ayant une hypotheque anterieure, la donation n’a pû être faite suivant cet Article qu’à la charge de la contribution aux dettes. Lyout, pour Guerin, répondoit qu’il n’avoit poin la qualité d’heritier, mais de donataire, par consequent que le creancier n’avoit que la seule action hypotheaaire, suivant la l. cris alieni C. de Donat. aes alienum quôd ex hereditariâ causâ venit non ejus qui hereditario titulo possidet, sed totius juris successorii onus est : et puisque la Coûtume en l’Article 434. n’a point compris les donations du tiers en Caux sous les avancemens de succession, on ne pouvoit le considerer que comme un donataire, que c’étoit le sentiment de Godefroy sur cet Article, que la contribution où le puisné est sujet n’a lieu qu’hypothecairement pour les dettes, quoy qu’on soit obligé personnellement au mariage des filles : Par Arrest on cassa la Sentence, et l’on condamna l’intimé au payement de la dette, si mieux il n’aimoit rapporter les choses données, et les fruits qu’il en avoit perçûs

La cause recevoit peu de difficulté à légard du puisné, en consequence de la clause employée dans son contrat de mariage ; car la donation luy étant faite expressément à cette condition que les meubles et les héritages luy étoient quittez par son pere et par son frère ainé, pour toute et telle portion qu’il pouvoit esperer en la succession de son pere, on ne pouvoit considerer cette donation que comme une delivrance et un avancement de sa portion hereditaire, et par cette raison il ne la pouvoit posseder qu’à titre d’heritier Mais quand les termes de la donation ne marqueroient pas un véritable avancement de succession, on ne revoque plus en doute que les puisnez donataires du tiers, ne soient de veri-tables heritiers. La Coûtume dans cet Article le déclde expressément, lorsqu’elle dit que les freres contribuent aux dettes et au mariage des filles à proportion de ce qui leur revient de la succession : La seule contribution où la Coûtume les engage en termes generaux suffiroit pour produire contr’eux une obligation personnelle ; mais en reputant cette donation pour la part qui leur appartient en la succession, c’est dire ouvertement que cette donation n’est autre chose que leur portion hereditaire, et l’on ne peut prendre part dans une succession que ce ne soit à tître d’heritier.

L’explication que Godefroy a donnée à cet Article ne peut être soûtenuë, il a pensé que ces paroles ( à proportion de la part qui leur revient en la succession ) se devoient entendre des filles, et qu’elles vouloient dire que les puisnez contribueroient au mariage des filles à proportion de la part qui appartenoit ausdits puisnez en la succession. dais il est évident que cette disposition de la Coûtume ne doit pas être entenduë de cette nanière, il ne s’y agit pas de regler la part que les filles doivent avoir en la succession pour leur mariage ; mais la Coûtume en permettant au pere de disposer du tiers de son bien en faveur de les puisnez, elle y ajoûte cette condition, qu’ils ne pourront avoir ce tiers qu’en contribuant aux dettes et au mariage des filles, et en même temps elle regle cette contribution à proportion de la part qui leur revient en la succession, ainsi ces dernieres paroles ne peuvent avoir leur relation aux filles, parce qu’il ne s’agissoit pas de sçavoir ce qu’elles auroient, dautant que la Coûtume auroit dit inutilement que les soeurs n’autoient mariage qu’à proportion de a part qui leur revient en la succession, puisqu’il n’en êtoit pas question, et que l’on ne doute pas qu’elles ne peuvent jamais en avoir davantage ; mais le sens de cet Article est que chacun des puisnez donataires contribué aux dettes et au mariage des filles, à proportion de la part qui luy revient en la succession

Neanmoins dans la seconde partie de cet Article, la Coûtume donne des bornes à cette disposition du pere ; premierement il ne peut disposer absolument et inégalement de ce tiers, se bi tous les puisnez ne sont sortis d’un même mariage, cette restriction est tres-juste ; elle étoit e même nécessaire, afin qu’une seconde femme n’exigeât point de son mary la donation de ce tiers en faveur seulement des enfans sortis de son mariage.

Dans la troisième partie, la Coûtume déclare que le pere ou la mere pouvoit disposer de ce tiers par donation, testament, ou autre disposition solennelle : On auroit pû douter de la validité de cette donation, lorsqu’elle auroit été faite par un testament, parce que la Coûtume défend de donner de son propre par un acte de derniere volonté.

Suivant la quatrième disposition le puisné donataire du tiers est chargé de fournir la provision à vie des autres puisnez non compris en la donation, et de contribuer tant aux dettes qu’au mariage des filles à proportion de ce qui luy revient de toute la successionEnfin la Coûtume défend au pere de disposer ni de comprendre dans la donation le Manoir et pourpris qu’elle veut être conservé à l’ainé en son integrité, et sans être tenu d’en faire recompense à ses freres puisnez.

Ces deux dernieres dispositions ont fait naître beaucoup de difficultez qui n’ont été terminées qu’aprés de longues contestations, et nos Reformateurs auroient prévenu beaucoup de procez, s’ils s’étoient expliquez plus ouvertement. Sur tout si aprés avoir assujierti les puisnez à cause de leur tiers à contribuer aux dettes et au mariage des filles, ils nous avoient encore appris si ce Manoir et pourpris qui demeure à l’ainé pour son préciput êtoit exempt de toutes ces charges, ou s’il luy appartient en exemption d’icelles : Et cet éclaircissement êtoit d’autant plus requis que les sentimens sont fort differens sur cette matière.

Il est certain que ce préciput en Caux n’est pas de la nature des autres préciputs, dont il est fait mention dans la Coûtume generale ; c’est une part qui appartient si assurément à l’aîné que pour se l’acquerir il ne luy est point necessaire d’en faire l’option, ni de poser aucune declaration, quoy que ces actes soient requis pour les préciputs de la Coûtume generale. C’est pourquoy quand il seroit prévenu de la mort, sans avoir fait aucun acte declaratoire de sa vosonté, non seulement ses heritiers, mais aussi ses créanciers, poutroient le demander comme luy ayant appartenu de plein droit : ce qui fait encore une différence entre ce préciput et celuy de la Coûtume generale, que le fisc ou le creancier subrogé ne peuvent prétendre, si l’ainé meurt avant les partages faits, Article 345.

Il faut aussi remarquer que la confusion de successions dont il est parlé dans l’Article 347 ne fait point perdre à l’ainé son préciput aux successions de ses pere et mere, suivant l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article 347

Lespuisnez, quelque nombre qu’ils soient, se voyant reduits à se contenter d’un tiers de la succession affoiblie d’ailleurs par un préciput considérable, ont souvent tenté par divers moyens d’y donner quelque atteinte, et d’en diminuer la valeur ; ils ont prétendu qu’il devoir entrer à leur décharge dans la contribution aux dettes et aux mariages des seurs. Les ainez au contraire ont fait leurs efforts pour se dispenser de l’un et de l’autre.

Cette question, si le préciput de l’ainé doit contribuer aux dettes est fort problematique, et Tiraquel magna ingenia exercuit ; M Tiraqueau a tenu l’affirmative, parce que l’ainé ne poffede ce préciput ou cet avantpart qu’à droit successif, et non point à droit de prelegs ; consequitur illam partem tanquam heres, jure successivo, non jure pralegati : de jure primogen. d. 35. n. 27. Ainsi bien que par la disposition du droit celuy qui prend quelque chose jure preceptionis, ne soit point tenu de contribuer aux dettes du défunt, toutefois le préciput n’appartenant à l’ainé qu’à droit successif, il doit payer les dettes à proportion de ce qu’il profite de la succession.

Me Charlesdu Moulin , sur le S. 11. de la Coûtume de Paris, a combatu l’opinion d Tiraquel Mr Tiraqueau, et son raisonnement est que l’ainé joüit de son préciput à droit de primogeniture et non point à droit hereditaire, non habet tanquam partem, & quotam hereditariam, sed jur raelegati, et velut quoddam pralegatum à consuetudine introductum titulo singulari, non titulo hereditario : Ce qui l’exempte de la contribution aux dettes, puisque fuivant la l. 1. si cer. les heritiers ne sont obligez aux dertes que pro portionibus hereditariis, non pro modo emolumenti, et bien qu’il ne puisse avoir ce préciput qu’à titre d’heritier, ce n’est pas une consequence, dit ce même Auteur, qu’il le possede jure hereditario vel beneficio patris, sed beneficio legis.

Par l’Article 334. de la Coûtume de Paris, les ainez ne sont tenus des dettes personnelles en plus avant que les autres coheritiers pour le regard de leur ainesse, et Mr d’Argentré , sur l’Art. 543. de l’ancienne Coûtume, gl. 2. n. 2. dit qu’en Bretagne on ne revoque point en doute que l’ainé ne doit que deux parts des dettes mobiliaires, d’où il apparoit que le préciput n’entre point en compte, et qu’on n’y a point d’égard, primogenitum non amplius quâm duas partes debitorum mobilium debere ex quo apparet non venire in computationem debitorum id precipuum, nec rationem ejus haberi. VoyezLoüet , I. D. n. 16. Le Prestre Prestre, Centurie 1. c. 83.Charondas , en ses Réponses, l. 2. c. 19.

Chopin , de pen. rust. l. 3. part. 3. c. 20.Papon , l. 2. Tit. 5. Article 3.Robert , l. 4. c. 13.

Bam . des Successions, l. 8. c. 7. n. 12

Pour la contribution aux dettes par le droit civil les heritiers n’y étoient tenus qu’à proportion de la succession, pro portionibus hereditariis on ne consideroit que le nombre d’heri-tiers et non la valeur de ce que chacun prenoit en la succession ; par exemple, s’il n’y avoit que deux heritiers, dont l’un succedât pour les deux tiers, et l’autre pour un tiers, ils payoient les dettes par moitié, non pas à proportion de l’émolument : mais aujourd’huy dans les païs Coûtumiers, où l’institution d’heritier n’est point permise, il y a peu de difference, si les dettes se payent à proportion de l’émolument, ou à proportion de la succession, pro modo emplumenti, aut pro portionibus hereditariis, à la réserve des successions où les ainez ont des préciputs ; quand on succede également l’émolument et la portion heréditaire est la même chose, emolumentum enim ipsâ est portio hereditaria : Il ne reste donc plus de difficulté que pour les préciputs, ils sont exempts de la contribution aux dettes par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris. et en Bretagne, quoy qu’ils exemptent le préciput de la contribution aux dettes, ils font payer les deux tiers à l’ainé, parce qu’il prend les deux tiers outre le préciput. M’d’Argentré , ibid

Nôtre Usage est contraire, l’ainé contribué pour son préciput, et les dettes se payent toûjours à proportion de l’émolûment, ce qui paroit par cet-Article, où les puisnez sont tenus de contribuer tant aux dettes qu’au mariage des filles au prorata de ce qui leur revient de la totale succession : Ces paroles ( de la totale succession, font assez connoître que quand il s’agit de regler la contribution des puisnez, on doit comprendre dans l’estimation tous les biens de la succession sans en déduire le préciput. Les raisonnemens de du Moulin me semblent plus subrils que solides ; il est vray que bien que ce préciput appartienne à l’ainé comme un cettain droit de prelegs que la Coutume a introduit, tanquam jus aliquod prarogatum à consue-tudine introductum, il ne peut neanmoins le posseder qu’en qualité d’heritier, ce qui prouve que ce n’est pas un simple legs ou prelegs que l’on pouvoit demander sans se rendre heritier l est inutile de dire que c’est à droit de fils jure filii, puisque ce titre et ce droit de fils n’attribué point le préciput, si en même temps il ne se rend heritier ; il est inseparable de cette qualité, et l’ainé renonçant n’y prend rien, ce qu’il feroit, s’il luy étoit donné par la loy comme à un legataires si pour posseder ce préciput il faut être heritier, il est incompatible qu’il ait les biens sans contri buer au payement des dettes, il seroit absurde qu’en une même succession entre coheritiers l’un seul payât les dettes, et que l’autre en fût déchargé : quoy que la Coûtume donne ce préciput à l’ainé, il ne s’ensuit pas qu’il soit exempt de la contribution aux dettes, autrement ce seroit un double prelegs, l’ainé auroit un préciput qui emporteroit peut-être la meilleure partie de la succession, et cependant il seroit encore à couvert des charges : si les dettes du détunt affectent tout son bien, totum patrimonium afficiunt, l’on ne peut en dispenser le préciput, ils ne sont dits biens qu’aprés la déduction des dettes, bona non sunt nisi deducto are alieno, cette déduction se doit faire sur toute la masse du bien, tant à l’égard des coheritiers que des creanciers.

MrLoüet , au lieu préallégué, remarque que quand l’ainé prend part par manière de quotité, per modum quota, un tiers, un quart, ou autre portion, alors cette portion est sujette aux dettes, et que du Moulin a trouvé cette opinion équitable, que quand quelque chose est léguée par manière de quotité, quando quid legatum est per modum quota, il est affecté aux dettes, fecus, sinen per modum quota ; comme s’il n y a que des fiefs alors le corps est prelégué par la loy, tunc corpus raelegatum est à lege, mais de quelque maniere que l’ainé prenne les biens de la succession c est soûjours à droit successif, jure hereditario ; cette question a été long-temps problematique dans le Palais, les mieux versez dans la Coûtume de Caux soûtenoient que par l’ancien Usage. l’ainé ne contribuoit point aux mariages des soeurs à cause de son préciput, mais depuis on a trouvé plus équitable de n’étendre point les avantages de l’ainé au-de-là de la disposition. expresse de la loy, et en consequence on a traité plusieurs questions touchant la contribution au mariage des soeurs ; premierement à l’égard des filles, lorsqu’il n’y a point de puisnez ; secondement entre les puisnez et l’ainé.

Premierement on a demandé si lorsqu’il n’y a qu’une ou plusieurs seeurs, et point de freres puisnez, on doit comprendre dans l’estimation du mariage avenant le préciput de lainé ; Cette question s’offrit entre Me Christophe de Mongoubert, Commis au Greffe de la Cour, ayant épousé Catherine le Maire, et Nicolas le Maire, trère de ladite Catherine le Maire : ce frere soûtenoit que dans lestimation des biens de la succession paternelle, le Manoir et pourpris, qui luy appartenoit pour son préciput, n’y devoit point entret, le contraire ayant été jugé aux Requêtes du Palais, il en appela, se fondant sur lusage observé de tout temps dans la Coûtume de Caux ; neanmoins par Arrest en la Grand. Chambre du 14 d’Aoust 1652. il fut évincé de son appel. Il se pourvût contre l’Arrest, prétendant que le mariage avenant ne pouvoit s’érendre qu’au tiers, en ce non compris le préciput, mais par Arrest du 19 d’Aoust 1653. ilfut debouté de sa Requête civil : on se fondoit sur ces paroles de l’Article 297. qui contient que si les meubles ne sont suffisans, le mariage se payera à proportion de toute la succession. On prétendoit que ces paroles ( à proportion de toute la succession, comprenoient le préciput. Cet Arrest n’étoit point conforme à l’esprit de la Coûtume ; aussi le contraire fut jugé depuis en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Giot, le S d’Avril 1686. entre les nommez Roussel : Il fut dit que dans l’estimation des biens du pere pour l’arbitration du mariage avenant, le préciput n’y entre point pour augmenter le mariage, avenant, quoy qu’il n’y eût que des filles et point de puisnez. Autre Arrest, au Rapport de Mr Deshommets, du 29 de Janvier 1659. Gâteblé avoit recû ses seurs à partage, elles employerent le préciput dans les ots ; il les blama, comme ce préciput luy appartenant sans en faire part à ses freres et seurss e Bailly avoit prononcé à bonne cause les blames, ce qui fut confirmé par l’Arrest. En effet s’il êtoit autrement la condition des seurs seroit plus avantageuse que celle des freres ; quand Il n’y a que des frères, l’ainé prend ce préciput sans leur en faire aucune part ni recompenses et les puisnez n’ont que le tiers du surplus ; les filles, quand elles n’ont qu’un frere, doivent être fatisfaites que leur portion soit égale à celle des puisnez ausoi depuis on a nettement expliqué ce que les seurs peuvent avoir, et quelle est cette contribution où le préciput de l’ainé est obligé : On peut établir pour une doctrine certaine que quand il n’y a qu’un frère et des seurs, le préciput n’entre point en partage si elles y sont reçûës, ni dans l’estimation des biens pour liquider le mariage avenant ; mais pour les dettes, soit qu’il y ait des freres puisnez ou qu’il n’y ait que des seurs, l’ainé y contribué à rause de son préciput, et quand il y a plusieurs frères la seur dans la Coûtume de Caux, comme dans la Coûtume generale, ne peut avoir plus grande part qu’un puisné, et dans l’etimation du mariage le préciput n’y entre point, et neanmoins il contribuë à la décharge des puisnez pour le payement du mariage avenant ; et pour regler cette contribution du préciput, on ne l’estime que sur le revenu : Toutes ces questions furent décidées par l’Arrest du sieur de S. Saen-Limogez, du 21 d’Aoust 1664. au Rapport de Mr Deshommess, et la Cour en a fait depuis un Reglement par les Articles 56. et 57. du Reglement de l’année 1666 Pour faciliter l’estimation du mariage avenant en Caux lorsqu’il n’y a point de meubles, et pour egler en même temps la contribution entre les fteres, on peut proposer cet exemple : La succession consiste en un préciput qui vaut deux cens livres de rente, et en six cens livres de revenu, et il n’y à que deux freres et une soeur, la liquidation du mariage avenant ne se fera que sur les six cens divres de rente ; en faisant contiibuer le puisné de cinquante livres sur les deux cens livres qui luy appartiennent pour son tiers, il ne luy restera plus que cent-cinquante livres, ainsi le nariage de la fille ne sera que de cent-cinquante livres, parce qu’il ne peut exceder la part l’un puisné ; mais pour payer ces cent-cinquante livres l’ainé ne contribuëra pas seulement de cent livres à cause de ces quatre cens livres, mais comme son préciput et les deux tiers valent six cens livres, et la part du puisné deux cens livres, il sera chargé des trois quarts des cent-cinquante livres pour le mariage avenant ; et bien que par ce moyen il reste au puisné ent-soixante-deux livres dix suls de rente, il ne s’ensuit pas que le mariage avenant de la soeur doive aussi monter à cette somme-là, parce que le préciput n’entre point à son égard dans l’estimation.

Feignons en retenant la même espece pour la valeur du bien, qu’il y ait deux puisnez et une seur : pour liquider le mariage avenant de la seur, et le reduire à la part des puisnez, il faut connoître ce qui leur restera des deux cens livres de rente, à quoy se monte leur tiers ; en donnant à la soeur quatre-vingt six livres de rente, l’ainé en payera cinquante-neuf livres six sols huit deniers, et les deux puisnez pour leur tiers vingt-huit livres treize sols quatre deniers, et par ce moyen il leur restera une part égale à leur seur : mais parce que le préciput de l’ainé vaut le quart de la succession du nombre des quatre-vingt-six livres qu’il faut payer à la seur, l’ainé contribuëra de soixante-trois livres dix sols, et les puisnez chacun de dix livres quinze sols, de sorte qu’il restera à chaque paisné quatre-vingt-neuf livres cinq sols.

S’il y avoit plus de freres que de soeurs, par exemple qu’il y eut quatre soeurs et deux freres, les soeurs toutes ensemble ne pourroient demander que le tiers, sans y comprendre le préciput, de sorte qu’il resteroit quatre cens livres pour les deux freres, dont il en faudroit le tiers au puisné, montant à cent-trente-trois livres six sols quatre deniers de rente, mais outre cette fomme le préciput valant le quart de la succession, et étant oblige de contribuer pour ce quart de cinquante livres, la part du puisné seroit de cent-seize livres six lols quatre deniers, et l’on peut sur ce pié dans la Coûtume de Caux faire la liquidation du mariage des soeurs, et la contribution pour le préciput selon le nombre des puisnez et des seurs Voila de quelle manière le préciput de Caux contribué aux dettes et au mariage des filles, ce n’est point pour augmenter la portion des filles, mais pour charger l’ainé d’une plus grande contribution à la décharge et en faveur des puisnez, ce qui peut être fondé sur l’Article 297. qui porte que le mariage se payera à proportion de toute la succession pour la part qui écherra tant à l’aint que puisnez : Les puisnez pour assujettir le préciput à la contribution des charges s’aidoient de ces garoles, que le mariage se payera à proportion de toute la succession, d’où il s’ensuivoit que le préciput y êtoit compris, puisque la Coûtume ne l’avoit point excepté, et que in odiosis non fit extensio. L’ainé soûtenoit que l’exception êtoit assez clairement portée par ces paroles ( pour la part qui êcherra ; ) ce mot lae part ) exclut le préciput, parce qu’il est hors de part, extra partem hereditatis, c’est une portion que la Coûtume luy donne outre son partage.

Les ainez n’ayant pû exempter leur préciput de la contribution au mariage des soeurs, quelquesns se persuaderent qu’ils s’en pouvoient décharger en recevant leurs seurs à partage. Mautice THerminier avoit marié ses filles pour la part qu’elles pouvoient prétendre en sa succession aprés sa mort, son fils ainé poursuivi par ses beaux-freres, pour leur payer leur legitime, leur offrit e partage, et pour cet effet il déclara leur abandonner et à ses puisnez le tiers de la successions retenant les deux autres tiers et son préciput, qu’il soûtenoit en cas de partage être xemp de la contribution à laquelle il n’étoit obligé que lorsqu’il s’agissoit de mariage avenant, mais lorsque les soeurs êtoient reçûës à partage elles ne pouvoient avoir que le tiers avec les puisnez : Les seurs prétendoient qu’en les recevant à partage elles devoient emporter le tiers de tout le bien ; mais les puisnez difoient que l’ainé seul n’avoit pas ce pouvoir de recevoit les soeurs à partage contre la volonté des puisnez, qui n’offroient que le mariage avenant, et qui étoient en plus grand nombre, et qu’aprés tout, soit que l’on baille partage ou mariage avenant, le préciput y doit contribuer. Il fut dit par la Sentence, dont êtoit appel, que lesdits enfans puisnez et les filles apporteroient conjointement des lots des successions de leurs pere et meres pour deux d’iceux être choisis par ledit Pierre lHerminier, et lautre par les puisnez et par les filles, pour être ledit tiers partagé entr’eux : Par Arrest du 25 de May 1663. on cassa la Sentence dont êtoit appel, et en reformant on ajugea partage aux filles reservées à partage par Maurice lHerminier leur pere, et mariage avenant à ses autres filles, ausquels partage et mariage avenant les freres contribueroient à proportion de ce qu’ils prenoient en la succession, à condition néanmoins que la part des filles n’excederoit puint celle des puisnez.

Cet Arrest ne fut pas exactement recueilli ; en ce qu’il est dit que son ajuge partage aux filles reservées à partage par Maurice leur pere ; car il est certain que le pere n’avoit reservé aucune de ses filles à partage, il êtoit seulement porté par leur contrat de mariage que le pere les marioit pour telle part qui leur pouvoit appartenir, aussi par l’exploit de leur demande elles concluoient que leur frere leur devoit bailler partage ou mariage avenant, ainsi l’on ne peut pas dire que la Cour ait décidé cette autre question, sçavoir quelle part les filles reservées à partage par le pere doivent avoit aux biens situez dans la Coûtume de Caux ; Le sieur Baillard, Maître des Comptes à Roüen, par son testament reserva ses filles à sa succession ; cette reservation étoit conçûë en ces termes : Je veux que mes filles soient reçûës à partager ma succession avec leurs freres pour et autani qu’il leur en peut appartenir, suivant la nature et la situation des biens qui seront à partager. Cette succession du sieur Baillard étoit composée de trois sortes de biens ; la premiere consistoit en meubles et immeubles assis en bourgage ; la seconde en l’Office de Maître des Comptes, et en néritages situez dans la Coûtume generale ; et la troisième espèce consistoit en biens situez dans la Coûtume de Caux : En consequence de cette reservation à partage les soeurs, qui étoient au nombre de quatre, partagerent également avec leurs deux frères les meubles et les biens étant en bourgage ; elles eurent aussi le tiers des biens qui étoient sous la Coûtume generale, mais lorsqu’elles demanderent partage aux biens de Caux, Me Michel Baillard, Maître des Comptes à Roüen, prétendit que son pere n’avoit pû dans la Coûtume de Caux reserver ses filles à partage, et qu’en tout cas le frere puisné et les seurs ne pouvoient avoir tous ensemble que le tiers, sans y comprendre le préciput. L’affaire ayant été portée aux Requêtes du Palais, par Sentence du 7 d’Avril 1677. on ajugea au sieur le Telier, au droit de Barbe Baillard sa temme, et à Marie, Catherine, et Marthe Baillard, le tiers en essence des biens situez en Caux, à prendre tant sur les deux tiers dudit sieur Baillard ainé que sur le tiers de Pierre Baillard puisné, avec le tiers des arrerages des rentes et fermages depuis le decez du pere, et qu’à cette fin les freres seroient tenus de faire lots entr’eux, pour être en suite procedé par lesdits le Telier et Baillard à la confection de nouveaux lots.

Mr Baillard ayant appelé de cette Sentence, de Cahagnes, son Avocat, disoit que la Coûtume generale et la Coûtume de Caux ont toûjours êté considérées comme deux Coûtumes distinctes et differentes, tant à l’égard des freres pour leurs partages qu’à l’égard des soeurs pour leurs mariages, lorsqu’il s’agit du droit des filles on en use differemment en l’une et en l’autre

Coûtume, si on leur donne mariage avenant dans la Coûtume generale, il est payé à proportion de ce que chaque frere prend en la succession, tant des meubles que des immeubles, que si elles p sont admises à partage elles partagent également les meubles et les immeubles qui sont en bourgage, mais elles n’ont toutes enfemble qu’un tiers aux héritages qui sont hors bourgage.

Leur condition est differente dans la Coûtume de Caux ; par une disposition expresse les filles doivent être mariées sur les meubles s’ils le peuvent porter, sinon le mariage doit être si payé à proportion de ce que l’ainé et les puisnez prennent en la succession ; cela étant incontestable le pere n’a pû leur donner partage dans les biens de Caux : On ne trouve aucun Ar-ticle dans la Coûtume. de Caux, par lequel les filles puissent être reçûës à partage : au contraire la Coûtume aprés avoir ordonné par l’Article. 297. que les filles seront mariées sur les neubles, elle en ajoûte deux autres qui ne parlent que du mariage avenant, sans faire aucune mention du partage : En effet l’on connoitra fort aisément que la Coûtume n’a point e eu cette intention, si l’on fait reflexion sur l’ancien usage qui étoit gardé avant la reformation de la Coûtume : l’ainé prenoit seulement un préciput et les deux tiers ; pour l’autre tiers les Terrien puisnez n’en avoient que l’usufruit, et la proprieté en appartenoit aux filles ; Tertien, titre d’Echeance au propre de Caux, c. 4. Article 3. Par les premiers Articles qui furent arrêtez lors de la reformation de la Coûtume, en l’année 1583. on trouva à propos de donner la proprieté aux filles, à charge de porter la provision des puisnez, mais paroissant injuste que les puisnez n’eussent qu’un usufruit, on leur accorda la proprieté. Ce changement fit naître plusieurs difficultez pour la contribution au mariage des filles entre l’ainé et les puisnez : pour les regler en quelque façon on fit trois Articles nouveaux, qui sont les 297. 298. et 299. le premier contient que le mariage sera pris sur les meubles, s’ils le peuvent porter, et s’ils ne sont suffisans le mariage sera payé à la proportion de toute la succession, tant en Caux, Bourgage, que hors Caux, pour la part qui écherra tant à l’ainé qu’aux puisnez : par le second des filles aprés vingt : cinq ans fe peuvent marier par l’avis de leurs parens, si leur frere est negligent ; et par le troisième l’ainè a la garde de ses feurs, en contribuant par les puisnez à leur nourriture, au prorata de ce qu’ils auront de la succession. Il paroit donc que toute la reformation qui se fit de Iancien usage se creduisit à ôter aux filles la proprieté du tiers qu’elles avoient auparavant, pour la donner aux puisnez, et à prendre le mariage des filles sur les meubles quand ils étoient suffisans de le porter.

On objecte inutilement que le pere les ayant reservées, cela doit operer quelque chose aussi-bien dans la Coûtume de Gaux que dans la Coûtume generale ; car outre qu’en vertu de cette reservation elles sont reçûës à partager également les meubles et les immeubles, qui sont en bourgage, et le tiers dans les autres biens, il en est de même en ce cas comme de la provision à vie des puisnez qui leur a été donnée par le pere, car en prenant cette provision ils ne peuvent rien demander aux biens qui sont hors Caux ; ainsi la reservation leur donnant des avantages si grands dans la Coûtume generale, elles ne peuvent rien demander aux biens en Caux, ni pour leur partage ni pour leur mariage avenant

En tout cas quand la reservation à partage pourroit s’étendre aux biens en Caux, elle n’autoit d’autre effet que d’admettre les soeurs à partager la succession avec les puisnez ; car il seroit étrange, et contre lintention generale de la Coûtume qui est si favorable à l’ainé, que les puisnez eussent un tiers, et que les soeurs prissent encore un autre tiers ; tant sur les deux tiers de l’ainé que sur le tiers des puisnez : La nouvelle Coûtume permet véritablemecturr pere de disposer du tiers en faveur des puisnez, mais on ne luy a jamais permis de disposes ou de diminuer les portions qui sont reservées à l’ainé, et c’est pourquoy si l’on accorde ce pouvoir au pere de reserver ses filles à partage pour les biens en Caux, en ce cas elles doivent être considérées comme autant dé puisnez, qui ne pourront demander tous ensemble que le tiers de la succession. L’Arrest que l’on prétend avoir décidé la question pour les Demoiselles de Longueil n’est point dans cette espèce, c’étoit un frere ainé qui étoit poursuivi par ses créantiers, qui n’avoient pas le droit de leur bailler mariage avenant comme auroit pû le frère, mais ils étoient obligez suivant l’Article 263. de leur bailler partage. Il fut répondu par de reville, Avocat de Jacques le Telier, mary de Barbe Baillard, et de Demoiselles Marie, Caherine et Marthe Baillard, que la question qui s’offroit à juger êtoit toute generale, à sçavoir si la faculté que la Coûtume donne au pere de reserver ses filles à sa succession, n’a pas son étenduë dans la Coûtume de Caux comme dans la Coûtume generale : L’affirmative est si avorable que quand la reservation n’acquerroit pas aux filles le droit de partage dans les biens le Caux, elle suffiroit au moins pour leur conserver un mariage avenant : Il est vray que l’appelant prétend qu’il seroit incompatible que les filles eussent partage dans la Coûtume generale et mariage avenant en Caux, ne pouvant être heritieres et créancieres en une même succession ; on répond que cela peut être : véritable à l’égard des créanciers étrangers, mais il arrive souvent qu’un heritier est creancier de la même succession. C’est de cette maniere que les filles peuvent être heritieres et créancieres ; elles seront heritieres en consequence de la reservation dans la Coûtume generale, mais elles ne seront que creancières en celle de Caux ; c’est un pur paradoxe de soûtenir que le pere n’a pas le pouvoir de reserver ses filles à partage pour les biens de Caux ; il est certain que cette liberté que la Coûtume donne au pere de pouvoir reserver ses filles à partage, est si favorable, qu’encore que lon pût présumer qu’il ne pouvoit user de ce droit qu’en les mariant, suivant l’Article 258. néanmoins on luy a permis de le faire par toutes sortes de dispositions. Cette jurisprudence est fondée sur la faveur de cet acte, soit qu’on le considére du côté des filles ou du côté de l’interest public, le pere et les freres mêmes peuvent y trouver leur commodité ; c’est une paction favorable à l’égard des filles, puisqu’elle remer les choses dans l’ordre naturel, le pere y trouve fa commodité lorsqu’il n’a point d’argent pour marier ses filles, ou il s’en peut servir comme d’un moyen pour retenir ses fils dans leur devoir ; les freres mêmes y trouvent quelquefois leur avantage, le partage leur étant moins incommode que le payement d’un mariage avenant, et enfin il est de l’interest public de faciliter les moyens de marier les filles ; aprés cela sur quel pretexte pourroit-on retrancher aux peres cette liberté pour les biens de Caux ; Mr Baillard veut tirer avantage de l’ancienne Coûtume, quoy qu’elle luy soit peu favorable, car les filles avoient le tiers en proprieté, et Terrien Terrien par un Arrest rapporté parTerrien Terrien , l’ainé êtoit tenu de contribuer à la provision à vie des puisnezi il est vray que dans les premieres assemblées pour la reformation de la Coûtume, l’on trouva cet usage trop dur, qui ne donnoit aux puisnez qu’une provision à vie ; mais aprés qu’il fût arrêté qu’il leur appartiendroit en proprieté, on contesta long-temps pour sçavoir de quelle naaniere les reres contribuéroient au mariage des soeurs : mais enfin il fut resolu que les freres contribueroient à la nourriture et au mariage des seurs à proportion de ce qu’ils prenoient en la successions ainsi les filles en perdant la proprieté du tiers qu’elles avoient auparavant, furent remises dans le droit general, suivant lequel le pere peut les reserver à sa succession, et l’on ne doit pas avancer qu’il n’y a point d’Article dans la Coûtume de Caux qui donne cette liberté au perespour en conclure qu’il n’en a point le pouvoir : au contraire cette conclusion est plus regulière, que puisque la refer-vation à partage n’est point défenduë dans la Coûtume de Caux, elle doit être admise, car c’est une maxime que la Coûtume generale est suivie en toutes choses dans le païs de Caux, lorsque a Coûtume du lieu n’y à point dérogé : par exemple, les fiefs : nobles y sont indivisible comme dans la Coûtume generale. L’ainé peut choisir un fief par préciput en chacune succession, quand il n’y a qu’un fief l’ainé peut le prendre par préciput, et les puisnez n’y bnt que provision à vie, ce que l’on peut confirmer par plusieurs autres exemples ; mais le pouvoir des peres est suffisamment établi par l’Article 270. qui contient que les filles reservées partagent égale. ment les biens qui sont en bourgage, même au Bailliage de Caux, d’où il resulte que le pere peut reserver ses filles dans le Bailliage de Caux ; s’il étoit vray qu’en Caux les filles ne pussent jamais avoir que le mariage avenant, et qu’en aucun cas elles ne pussent être reçûës à partage. avec les freres, il est certain que ce droit seroit acquis aux creanciers irrevoeablement, et de la même manière que le préciput, de sorte que le frere ne pourroit pas même les recevoir à partage. et cependant par l’Arrest donné au profit des Demoiselles de Longueil la Cour confirma la transaction, par laquelle le frere avoit consenti qu’elles fussent admises à partage : ce qui sert de réponse à l’échapatoire de l’appelante, que le creancier subrogé ne peut bailler mariage. avenant ; la question tomboit sur ce point, sçavoir si le frere avoit pû consentir le partage à ses soeurs au préjudice de ses créanciers ( et les créanciers soûtenoient que dans la Coûtume de Caux les soeurs ne peuvent être reçûës à partage, néanmoins la Cour jugea le contraire : La cause fut appointée au Conseil. 1

Il est sans doute que le Manoir et pourpris doivent demeurer à l’ainé, sans en faire aucune recompense à ses puisnez ; mais si ce Manoir et pourpris fait tout le bien de la succession, l’ainé pourra t’il le retenir sans en faire aucune part ou recompense à ses puisnez ; Sil n’y avoit qu’un Manoir et pourpris dans toute la succession, l’équité ne souffriroit pas que l’ainé l’emortât seul, la legitime des autres enfans étant plus favorable que ce droit d’ainesse : Dans la succession d’un nommé la Moliere, il ne se trouva qu’une masure ou enclos, l’ainé qui avoit un trere et une soeur prétendoit la retenir pour son préciput, sans en faire recompense, et c’est le sentiment deCharondas , l. 4. c. 11.Papon , l. 2. Tit. 5. Art. 2.Loüet , l. F. n. 1. Le frère et la soeur répondoient que la legitime êtoit un droit plus ancien que celuy des ainez, que quand la Coûtume avoit déchargé l’ainé de faire une recompense, elle avoit présupposé qu’il restoit d’autres biens, car s’il n’y a d’autres biens, il ne pouvoit y avoir d’avantpart ni de préciput.

L’ancienne Coûtume de Bretagne, Article 543. s’étoit exprimée fort prudemment sur ce sujet. car en donnant, comme celle de Caux, les deux tiers et le principal Manoir à l’ainé, elle ajoûte cette condition, pouroù qu’il restât si grande quantité d’heritage que portion en pût être faite entre frères et seurs, la legitime comme dûë par un droit naturel est preferée à ces prerogatives xcessives, ce qui est si véritable, qu’encore que du Moulin ait estimé que si le Manoir avec le gardin et son cireuit et enclos enferme tout le fief, et qu’il n’y ait point d’autres fiefs en la succession, l’ainé par préciput aura le fief entier ; si mansio cum horto & ambitu suo et clausurâ otum integrum feudum includat, & nulla sint alia feuda in successione, totum et solidium feudum primogenitum jure pracipuo habiturum : Toutefois il limite son opinion en ce cas, que s’il n’y avoit point d’autres biens pour la legitime des autres enfans, avant toutes choses on doit déduire la legitime qui leur est dûë par droit de nature, parce qu’elle precede et a l’avantage ; si non superessent alia bona ad legitimam reliquorum filiorum, ante omnia deduci deber legitima filiorum jure naturae debita, quia precedit et vincit jus primogeniturae. S. 13. gl. 4. n. 5. et 6. VideTiraquellum , de jure primogenit. Quest. 7a. M’d’Argentré , ad Artic. 544. Barri, de Success. l. 8. t. 2. n. 1.

La Coûtume de Paris, Article 17. lorsqu’il n’y a qu’un fief, fait perdre au Manoir qu’elle donne à l’ainé ( dit Ricard ) sa véritable qualité de fief, pour faire que l’ainé ne le prenne pas entièrement par préciput, et que la legitime demeure aux puisnez Par Arrest en la Grand.-Chambre du 14 de Février 1667. la Cour regla le préciput comme un fief, et jugea qu’il appartiendroit à l’ainé, à charge de la provision à vie du puisné, qui seroit renu de contribuer à proportion au mariage avenant de la soeur, laquelle en cette rencontre, comme au cas d’un fief, est d’une condition plus avantageufe que les freres, plaidans Hautot, le Févre, et le Carpentier. Si la succession du pere consistoit en terres nuës, sans aucune habiation, Manoir ou pourpris, ni enclos, faudroit-il neanmoins delivrer un préaiput à l’ainci On pourroit dire en sa faveur que puisque l’on donne une legitime aux freres et aux seeurs sur le préciput, lorsque toute la succession consiste en un seul Manoir, quoy que la Coûtume l’attribué si expressément à l’ainé, on doit pareillement suppléer en ce cas ce que la Coûtume a ômis, et luy conserver un préciput dans la succession, lors même qu’il ne s’y trouve aucun bien de la qualité de celuy qui doit ordinairement composer le préciput : Mais on répond que ce droit n’étant pas si favorable que la legitime, et l’ainé prenant encore les deux tiers, il ne doit point se faire d’extension ni suppléer ce que la Coûtume n’a point declaré Ce Manoir et pourpris peut être choisi sur un fief aussi-bien que sur une roture, la Coûtume ne déclare point en quoy doit confister ce Manoir et pourpris, ce qui produit souvent des differens entre les frères, mais cette question tombe ordinairement plus en fait qu’en droit, et cette matière sera traitée sur l’Article 356.


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ARTICLE CCLXXIX. Page 532. ligne 41.

J Ay remarqué sur l’Article 279. la question qui fut mûë entre Mr Baillard, Maître des Comptes à Roüen, et les Demoiselles ses seurs, touchant le droit et la part des filles reservées à partage sur les biens situez en la Coûtume de Caux, mais la cause ayant été appointée au Conseil, elle a été jugée depuis au Rapport de Mr Deshommets le 3r de Mars 1678. et par l’Arrest la Sentence des Requêtes du Palais dont ledit sieur Baillard êtoit appelant a été cassée, et en reformant lesdites Demoiselles Baillard furent privées de prendre part sur les immeubles en Caux, autres que ceux situez en bourgage, sauf à elles à prendre mariage avenant à elles avisent que bien soit, au lieu de partage sar les biens de la succession de leur pere, tant dans la Coûtume generale qu’en celle de Caux, ce qu’elles seront tenuës de déclarer dans la huitaine.

On peut dire véritablement que cet Arrest fut donné multis et magni nominis Senatoribus contradicentibus, et contre le sentiment de tout le Barreau : a l’ouverture du procez les Juges étoient de trois opinions differentes, les uns étoient d’avis de confirmer la Sentence, les autres de considerer les filles reservées comme des puisnez, et leur donner seulement à toutes ensemble le tiers du bien ; le sentiment des autres étoit de priver les filles reservées de prendre part aux immeubles, étant en Caux : les Juges qui tenoient ce party se fonderent principalement sur ces raisons, que dans la Coûtume de Caux il n’étoit point dit que le pere pouvoit reserver ses filles à partage, et que par consequent le cas non exprimé devoit passer pour ômis, casus non expressus habebatur pro omisso, et ce qui faisoit presumer que les Reformateurs n’avoient point eu cette intention, étoit que par l’ancienne Coûtume le tiers du bien appartenoit aux filles, et que cela ayant été changé, et le tiers leur ayant été ôté pour le donner aux puisnez, il n’y avoit pas d’apparence que l’on eût laissé aux peres et meres le pouvoir de les rendre heritières ; mais sur tout ils tiroient une puissante induction de ce que par l’Article 264. de la Coûtume generale, lorsque le frere refuse sans cause legitime d’entendre au mariage de sa soeur elle a partage en la succession de ses pere et mère, mais il n’en est pas de même en la Coûtume de Caux ; car par l’Article 298. quoy que les freres soient negligens de marier leurs seurs, elles peuvent bien se marier aprés vingt-cinq ans par l’avis de leurs parens et amis, à condition toutefois qu’ils ne pourront estimer le mariage avenant de chaque fille à plus qu’une des portions des puisnez : d’où l’on conclud que si dans la Coûtume de Caux il étoit permis de recevoir ou de reserver les filles à partage, on n’auroit pas manqué de punir la negligence des freres comme dans la Coûtume generale, mais tant s’en faut qu’en ce cas les soeurs puissent être reçûës à partage, que la Coûtume de Caux défend expressément aux parens d’estimer le mariage à plus haut que la portion d’un puisné.

Mais nonobstant ces raisons, on avoit tenu jusqu’à present que dans la Coûtume de Caux comme dans la Coûtume generale, les peres et meres peuvent reserver leurs filles à leurs successions, et quoy qu’il soit vray que l’Arrest de Lherminier n’a pas décidé la question, parce qu’il n’e avoit point de filles reservées, néanmoins il paroit par la prononciation de l’Arrest que l’on ne revoquoit point en doute que le pere ne l’esr pû faire ; car c’est une maxime que toutes les dispositions de la Coûtume generale sont observées dans celle de Caux en tous les cas où il n’y a point été dérogé, celle-cy n’étant à vray dire qu’une Coûtume Locale à l’égard de la Coûtume generale, et bien que la seur que les freres ont négligé de matier ne puisse avoir partage comme dans la Coûtume generale, suivant l’Article 298. il ne s’ensuit pas que de pere ne puisse avoir cette faculté, et la difference est tres-grande entre ces deux cas ; dans le premier il s’agit d’une peine, et l’on n’a pas trouvé à propos de punir si rigoureusement les freres dans la Coûtume de Caux, et sur tout les puisnez que l’on avoit déja assez mal-traitez : dans l’autre cas on remet les choses dans l’ordre naturel, de sorte que pour ôter ce pouvoir au pere, il seroit besoin d’une disposition expresse, et pour confirmer ce raisonnement, on se sert de lArticle 363. par lequel les seurs mariées ne font part au profit de l’ainé au prejudice du tiers que les puisnez ont par provision, ou en proprieté en Caux, et cependant par l’Article precesent, les filles mariées dans la Coûtume generale font part au profit des freres, ce qui fait voir que quand la Coûtume dans l’Article 298. n’a point admis les seurs à partage, bien que leurs freres ayent été negligens de les matier, elle n’a eu pour but que de n’agraver pas les puisnez. L’on proposa de faire publier cet Arrest pour servir de Reglement, mais ceux qui ne l’approuvoient pas l’empescherent.