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CCLXXXII.

Le donateur peut stipuler un droit d’accretion au profit des puisnez.

Le donateur ou testateur pourra, si bon luy semble, ordonner que la portion d’un puisné mourant sans enfans accroitra aux autres puisnez, sans que l’aîné y prenne part.

On demande si le donateur ayant employé cette clause dans sa disposition, que la part d’un puisné mourant sans enfans accroîtra aux autres enfans, équipolle à une substitution ou à un fideicommis, en sorte que ce puisné ne puisse disposer de sa portion, ni l’aliener ou hypothequers C’est une regle en droit que l’heritier chargé de restituer une succession ou un bien n’en peut disposer, l. ult. 8. sed quia : et Authent. Res que Com. de leg. C. Res que restitutioni subjacet alienari prohibetur. Mais les paroles de cet Article n’emportent aucune substitution ou fideicommis, et quand le pere ordonne que la portion du mourant accroitra aux autres, cela ne veut pas dire que le fils soit interdit de disposer de sa portion, mais seulement que ce que ce puisné possedera non au temps de la donation, mais au temps de sa mort, retourne aux autres puisnez ; c’est à peu prés l’espèce de la I. Titius 54. Ad Senat. Consult. Trebell. quidquid ex hereditate supersuerit volo Mavio restituas, sans neanmoins que suivant cette loy his verbis insit boni viri arbitrium, pour empescher que cet heritier ne puisse pas dissiper les biens sujets au fideicommis, profundere, dilapidare bona fideicom. misso obnoxia : car le puisné n’est sujet à rien, et il faut prendre sa succession en l’état qu’elle se trouve, les puisnez ne pouvant avoir que ce qu’il laisse. Les Reformateurs n’eurent pour but que de fa-voriser les puisnez en donnant ce pouvoir au pere d’exclure son ainé de prendre part à ce tiers en cas de mort de l’un des puisnez, et parce que dans l’Article precedent le pere avoit ce pouvoir de forcet ses puisnez à se contenter de sa disposition, ou de n’avoir qu’une provision à vies pour les recom penser on permit au pere de leur conserver la part de ceux des puisnez qui mourroient sans enfans.

Le pere ne peut aller au-de-là de ce premier degré de substitution, il ne peut ordonner que les enfans des puisnez succederont les uns aux autres, quoy qu’il pût employer cette substitution n la donation qu’il feroit à un étranger ; cependant comme cet Article ne donne pouvoir que de substituer entre les puisnez et non entre les enfans des puisnez, on ne doit pas l’etendre aule-là de ces termes. Par exemple, le pere a donné le tiers à tous ses puisnez, et les a substituez les uns aux autres, un d’eux mourant laisse un enfant qui meurt purs aprés aussi sans enfans, nullis relictis liberis, on demande si les autres puisnez luy succederont en vertu de la substitution du pere, ou bien l’ainé en vertu de l’Artiele 3o3 ; ou au contraire si l’un des puisnez mouroit, e fils d’un autre puisné luy succederoit, ou le frère ainé : Il faut répondre que l’oncle puisné ne peut succeder à son neveu, parce qu’il n’est substitué qu’au cas que son frere meure sans enfans : Or bien loin que cette condition soit arrivée, il y a eu un enfant, ainsi la substitution est finies d’ailleurs cet oncle puisné n’ayant pas ôté substitué aux enfans de son frere, il ne peut venir à sieur succession qu’ab intestat, et non en vertu de la donation ou substitution du pere, et en ce cas il est exclus par l’ainé ou les enfans de l’ainé en consequence de l’Article 303. Il faut en dire autant du neveu, fils de l’un des puisnez, qui seroit exclus par le frere ainé, suivant ce même Article T’ay dit que cet Article n’emporte point de substitution ni de fideicommis, qui prive le puisné de disposer de son bien. De-là il nait une grande difficulté, si ce puisné ayant vendu sa part en Caux, et l’ayant remplacée hors de Caux, l’ainé y prendra part, nonobstant la substitution ordonnée par le pere ; On propose en faveur de l’ainé qu’un chacun peut changer la nature de son bien et établir le siege de sa fortune où il luy plaist ; que toutes successions se doivent partager en létat qu’elles se trouvent, lorsqu’elles sont déferées. On allégue au contraire que bien que l’on puisse transferer son bien d’une Coûtume à l’autre, c’est toutefois sous cette condition, si les loix ou les conventions particulieres n’y resistent point : Et quoy qu’un pere puisse mettre hors Caux ce qui êtoit en Caux, ou au contraire remplacer en Caux ce qu’il avoit dans la Coûtume generale, il n’en est pas de même pour les successions collaterales en ligne directe, il n’y a qu’une sorte d’heritiers qui n’ont droit à la succession que quans elle est arrivée : En la collaterale comme il y a diversité d’heritiers, il faut faire une separation de biens, et cette Coûtume a favorisé si fort les heritiers aux propres, que les heritiers aux acquests n’ont rien qu’aprés le remploy des propres, autrement on pourroit dépoüiller les heritiers aux propres pour avancer l’heritier aux acquests et changer létat des successions. Les suc-cessions collaterales doivent donc se considerer non au temps de leur écheance, et non selon les lieux où elles sont situées, mais selon qu’elles sont lorsqu’elles furent dévolutes à droit successif, comme Mr Cujas l’a fort bien remarqué sur la l. 22. de leg. 2. si maritus res proprias vendidit, constante matrimonio & ex his alias comparaverit, he quoque censebantur propriae : idemque est judicium pecuniae redactae rerum propriarum, alioquin sepe ita venderetur animo donandi viro aui uxori, si haberentur pro communibus non propriis. Il en faut autant dire du tiers en Caux, que le pere a voulu être réservé aux puisnez à l’exclusion de l’ainé, car cette disposition empesche qu’un puisné ne fasse tomber sa part à l’ainé, on l’auroit jugé de la sorte par l’Arrest de Sercus s’il avoit été donné de la manière que Berault l’a cité sur l’Article 341. mais il n’est pas aux termes que cet Auteur l’a rapporté : et puisqu’il est cettain que cet Article ne contient aucune prohibition C d’aliener, si un puisné vendoit son bien et le remplaçoit hors Caux, l’autre puisné ne le pourroit avoir en vertu de cet Article, il se partageroit entre les freres selon la Coûtume des lieux où il seroit situé, suivant le Reglement de la Cour de l’année 1666 ; Article 67.

Puisque le pere peut ordonner que la portion d’un puisné mourant sans enfans accroitra aux autres, il semble que le pere a aussi la liberté de disposer que le mariage qu’il donne à ses filles, en cas qu’elles meurent sans enfans ; appartiendra aux puisnez au préjudice de l’ainé. On a jugé le contraire par un Arrest du 30 de Juin 1638. au Rapport de M Toufreville-le-Roux : Un pere qui avoit donné dix mille livres à sa fille en argent, avoit ordonné par son testament que sa fille mourant sans enfans, les puisnez luy succederoient. Cette disposition fut declarée nulles aussi il y a bien difference entre les filles et les puisnez ; le mariage des seurs ne se prenant point sur la portion feule des puisnez, et l’ainé y contribuant pour la meilleure part, il ne doit pas être exclus de leur succession, et d’ailleurs ce cas n’étant point exprimé par la Coûtume, habetur pro omisso.