Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.
DE SUCCESSION EN PROPRE AU BAILLIAGE DE CAUX, ET AUTRES LIEUX TENANS NATURE D’ICELUY.
N apprend dans ce Titre la manière de succeder, tant en ligne directe que collaterale, et de partager les biens qui sont situez dans le Bailliage de Caux, et dans les autres lieux où cette Coûtume s’est étenduë.
On à peu de lumieres touchant l’origine dé cette Coûtume ; et il est malaisé de dire pourquoy elle est si differente de celle qui se garde dans tout le reste de la Normandie.
Nos premiers Conquerans n’ont pas été assurément les premiers Auteurs de ces Loix ; il peut bien être que parmy ces Nations du Nort la condition des ainez êétoit fort avantageuse : Guillaume deJumieges , dans le Livre 1. c. 4. de son Histoire, a écrit que chez les Danois le pere écartoit loin de luy ses fils en âge, hormis un qu’il laissoit heritier de son bien : quod apud Danos pûter filios adultos à se pellebat, prater unum quem sui juris heredem velinquebat. Suivant le témoignage deTacite , les anciens Allemans donnoient, leurs héritages à leur ainé, et leurs meubles à leurs puisnez : cela ne se pratique plus en Allemagne. Dans le partage des successions on divise même les fiefs Imperiaux, à l’exception des Electorats et des Principautez qui y sont annexées par. la Bulle d’or, qui demeurent toûjouts à l’ainé Stenaus a aussi remarqué qu’entre Nobles l’ainé a toute la succession : De leg. Scot. l. 2. c. 27.
Quoy que parmy ces peuples dont les Normans ont tiré leur origine, et parmy leurs voisins la primogeniture eût de si grandes prerogatives, on ne doit point leur attribuer l’établis-sement de la Coûtume de Caux ; car si Raoul avoit apporté les Loix de son païs, il les auroit fait observer dans toute la Province qu’il avoit conquise, et il n’en auroit pas renfermé Jusage. et l’autorité dans cette portion de terre que les anciens Gaulois et les Romains appeloient Caletes, et qui compose aujourd’huy le Bailliage de Caux.
Il faut donc rechercher plus loin la difference de nos Coûtumes : Les Gaules ont toûjours êté divisées en trois peuples, les Celtes, les Belges ; et les Aquitains. La Gaule Celtique étoif separée de la Gaule Belgique par la rivière de Seine, et par consequent le païs de Caux faisoit partie de la Gaule Belgique : Et bien que ces trois peuples s’appelassent du non commun le Gaulois, ils étoient toutefois fort differens en leur langage, en leurs moeurs et en leurs Coûtumes, comme on l’apprend d’Ammian Marcellin , dans le Livre 15. de son Histoire, linguâ, legibus, institutis discrepantes ; ainsi quoy que les Caletes ou Cauchois ne fussent separez des Celtes que par la Seine, ils ne laissoient pas d’avoir un langage, une police et des loix particulieres. Les Belges étoient les plus vaillans, mais ils étoient aussi les plus feroces et les moins polis, parce qu’étant éloignez de la douce maniere de vivre des Romains, et n’étant pas effeminez par les choses delicieuses qu’on leur portât ; ils avoient toûjours la guerre avec les Allemans d’au-de-là du Rhin : ea propter qubd ab humaniore cultu longé discreti, nec adventitiis effeminati deliciis diu cum Germanis certavere Transrhenanis ;Ammianus Marcel . ibid.
Leurs Coûtumes et leurs Loix avoient beaucoup de rapport avec leur manière de vivre ; et comme parmy les Allemans, leurs voisine, tout l’héritage demeuroit à l’ainé, il y a grande apparence que les Belges, et par consequent les Cauchois, en usoient de même ; et ce qui en fait une forte presomption, c’est que dans la Province voisine, qui est la Picardie, et qui faisoit aussi partie de la Gaule Belgique, la condition des ainez est encore plus avantageuse ; au contraire les Celtes qui avoient plus de commerce avec les Romains étoient plus polis, et sieurs Coûtumes avoient plus de conformité avec les loix Romaines, ce qui paroit encore aujourd’huy en plusieurs choses.
Le Duc Raoul ayant trouvé les choses en cet état, comme il avoit dessein de s’acquerir l’affection de ses nouveaux Sujets, il laissa vivre un chacun selon les anciennes Coûtumes ; les Cauchois en userent comme auparavant, et voulurent demeurer les maîtres absoluts de leurs biens, pour retenir leurs puisnez dans un plus grand respect, et ils ont toûjours conservé ces sentimens, comme il parût lors de la reformation de la Coûtume : quelque effort que l’on fit pour leur persuader l’adoucissement de leurs Coûtumes en faveur de leurs puisnez, ils ne leur consentirent la proprieté da tiers qu’à condition d’en pouvoir disposer librement entre leurs puisnez : ce qui fait connoître que nous nous défaisons difficilement des préjugez avantageux que nous avons, pour les moeurs et pour les coûtumes des lieux où nous avons pris naissance, et c’est pourquoy la pensée d’Herodote est tres-véritable, que si l’on donnoit à quelque peuple la liberté de sé choisir une loy, il n’en voudroit point d’autre que celle de son païs, comme l’estimant la plus sage et la plus équitable du monde
L’étenduë du Bailliage de Caux ne sert pas de limite à la Coûtume de Caux, elle s’est établie en plusieurs lieux de la Vicomté de Roüen, et même dans la banlieuë de la Ville, comme il fut jugé pour des héritages assis en la Paroisse de Montigni, dont les deux tiers furent donnez à l’ainé, par Arrest donné, au Rapport de Mr de Croix-Mare, le a d’Aoust 1621. comme tenant nature de Caux, avant. que la Paroisse de Montigni fût enclose dans la banlieuë.
Me Josias Berault a fort bien divisé ce Titre en trois parties ; dans la premières il est traité du pouvoir que les peres ont de disposer du tiers de leur bien en faveur de leurs puisnez, ou de l’un d’iceux, et des conditions sous lesquelles ils peuvent faire cette disposition, et cette partie s’étend jusqu’à l’Article 288. Dans la seconde, jusqu’à l’Article 295. il est parlé de la liberté que les puisnez ont de renoncer à la disposition ou donation que le pere a faite du tiers : Le reste de ce Titre est employé pour regler les droits successifs des enfans, lorsque le pere n’a fait aucune disposition du tiers.
CCLXXIX.
Disposition du tiers en Caux comment permise au pere et à la mere au profit des puisnez : Les pere, mere, ayeul, ayeule, ou autres ascendans, peuvent disposer dui tiers de leurs héritages et biens immeubles, ou de partie dudit tiers assis au Bailliage de Caux, et lieux tenans nature d’iceluy, à leurs enfans puisnez, ou lun d’eux, sortis d’un même mariage, soit par donation, testament, ou autre disposition solennelle, par écrit entre vifs, ou à cause de mort, à la charge de la provision à vie des autres puisnez non compris en ladite disposition, et de contribuer, tant aux dettes que mariage des filles, au prorata de ce qui leur reviendra de la totale succession, demeufant neanmoins le Manoir et pourpris en son inregrité au profit de lainé, sans qu’il en puisse être disposé à son préjudice, ni qu’il soit tenu en faire recompense ausdits puisnez,
Cet Article comprend cinq notables dispositions ; par la premiere, les peré, mere, ayeul oû ayeule, ou autres ascendans, peuvent disposer du tiers de leurs héritages et biens immeubles, ou dé partie dudit tiers assis au Bailliage de Caux, et lieux tenans nature diceluy, à leurs enfans puisnez ; ous l’un d’eux : Ainsi contre la disposition de la Coûtume generale, qui défend d’avantager un de ses enfans plus que l’autre, il y a lieu à la prédilection dans la Coûtume de Caux, et le pert peut, s’il luy plaist, donner le tiers entier ou partie d’iceluy en usufruit ou en proprieté à celuy de ses puisnez qu’il luy plairà de choisir. Les puifnez possedans ce tiers en vertu de la donation du pere, ont autrefois prétendu que l’acceptation qu’ils en faisoient ne les rendoit pas heritiers, et que l’on ne pouvoit les considerer que comme simples legataires, et qu’en cette qualité ils n’étoient tenus en aucune obligation personnelle envers les creanciers de leur pere ; il est vray que par cet Article les puisnez donataires sont tenus de contribuer aux dettes, mais cette obligation ne les engage qu’hypothecairement, car pour ces paroles ( pour la part qui leur revient en la succession ) elles ont leur relation aux filles dont il est parlé immediatement auparavant, et le sens de ces paroles est que les puisnez contribuent au mariage des filles pour la part qui appartient ausdites filles en la succession de leur pere : Godefroy a expliqué ces paroles de cette manière, et son opinion est que les puisnez n’étant que donataires ils ne sont point tenus personnellement envers les créanciers. Cette question fut décidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 2 de Decembre 1650. Les nommez Orange constituerent une rente au profit d’un Gentilhomme, à la caution de Jean Guerin, qui fut obligé de payer la rente à cause de l’insolvabilité du principal obligé, et aprés son décez son fils ainé la paya aussi quelque temps, mais n’ayant pû la continues le creancier fit saisir les biens de Loüis Guerin, fils puisné de Jean, qui prétendit n’être point obligé personnellement aux dettes de son pere, n’étant point fon heritier, mais simple donataire par son contrat de mariage, et comme il étoit posterieur en datte, il convenoit que le creancier voit son hypotheque sur les choses contenuës en sa donation ; par Sentence du Vicomte il fut dit à bonne cause l’execution : Le Bailly ayant jugé le contsre, sur l’appel du creancier en la Cour, Caruë, son Avocat, foûtenoit qu’un puisné en Caux donataire de son pere étoit personnellement obligé aux dettes d’iceluy ne pouvant joüir de l’effet de la donation qu’en qualité d’heritier, ce qui resultoit même de son contrat de mariage, qui contenoit que la terre et les meubles luy étoient quittez par son pere et son frere ainé, pour toute et telle portion qu’il pouvoit esperer en la succession de son pere, qu’il en avoit joûi plusieurs années avant et depuis le decez de son pere, que son exception de ne les avoir possedées que pro donatos et non point ritulo heredis, n’étoit point valable ; les donations de cette nature ne sont point une veritable donation, mais un pur avancement de succession ; les donations faites par les peres leurs enfans sont reputées une anticipation de leur future succession, elles ont véritablement durant la vie du pere quelque apparence de liberalité, puisque le fils ne joüit des choses données que par la concession gratuite du pere, mais aprés fa mort il ne tient plus ce bien-là de sa graces mais de la loy, non ab homine, sed à lege : aussi la Coûtume en l’Article 436. permet à celuy qui a fait des donations par avancement de succession, de donner le tiers du reste de ses biens à un étranger, ce qui montre qu’elle ne repute pas ces avancemens de successions pour des donations, et par l’Article 434. toutes donations faites par les peres et meres à leurs enfans son réputées avancement d’hoirie ; il est vray que ce même Article ajoûte ces mots ( réservé le tiers en Caux, ) d’où l’on voudroit inferer que la donation du tiers en Caux n’est pas un avancement de succession, mais mme pure donation : cette explication n’est pas véritable, comme Bérauit l’a fort bien remarqué, car ces paroles ( reservé le tiers en Caux ) ne se rapportent pas à ces mots ( avancement d’hoirie, ) mais à la premiere partie de l’Article, que les peres et oneres ne peuvent avancer l’un de leurs enfans au préjudice les uns des autres, à la reserve du tiers en Caux, dont les peres peuvent faire avantage à l’un de leurs ainez plus qu’aux autres, comme il est porté en cet Article 279. de sorte que la donation de ce tiers en Caux est considérée comme un avancement de succession, et produit les mêmes effets que toutes les autres donations de cette nature, et c’est pourquoy il est dit par cet Article que le puisné ou puisnez donataires du tiers sont tenus de contribuer tant aux dettes de la succession qu’au mariage des filles, et l’on soûtiendroit sans raison que cette contribution ne pourroit être executée que par l’action hypothecaire, puisque les puisnez donataires sont obligez personnellement et solidairement au mariage des filles, qui est compris en cette contribution. La défense de ce puisné seroit juste, si son contrat de mariage êtoit anterieur de la dette qui est demandée, car alors n’ayant point fait acte d’heritier.
I joüiroit de sa donation en exemption des dettes que le pere auroit contractées depuis, mais l’appelant ayant une hypotheque anterieure, la donation n’a pû être faite suivant cet Article qu’à la charge de la contribution aux dettes. Lyout, pour Guerin, répondoit qu’il n’avoit poin la qualité d’heritier, mais de donataire, par consequent que le creancier n’avoit que la seule action hypotheaaire, suivant la l. cris alieni C. de Donat. aes alienum quôd ex hereditariâ causâ venit non ejus qui hereditario titulo possidet, sed totius juris successorii onus est : et puisque la Coûtume en l’Article 434. n’a point compris les donations du tiers en Caux sous les avancemens de succession, on ne pouvoit le considerer que comme un donataire, que c’étoit le sentiment de Godefroy sur cet Article, que la contribution où le puisné est sujet n’a lieu qu’hypothecairement pour les dettes, quoy qu’on soit obligé personnellement au mariage des filles : Par Arrest on cassa la Sentence, et l’on condamna l’intimé au payement de la dette, si mieux il n’aimoit rapporter les choses données, et les fruits qu’il en avoit perçûs
La cause recevoit peu de difficulté à légard du puisné, en consequence de la clause employée dans son contrat de mariage ; car la donation luy étant faite expressément à cette condition que les meubles et les héritages luy étoient quittez par son pere et par son frère ainé, pour toute et telle portion qu’il pouvoit esperer en la succession de son pere, on ne pouvoit considerer cette donation que comme une delivrance et un avancement de sa portion hereditaire, et par cette raison il ne la pouvoit posseder qu’à titre d’heritier Mais quand les termes de la donation ne marqueroient pas un véritable avancement de succession, on ne revoque plus en doute que les puisnez donataires du tiers, ne soient de veri-tables heritiers. La Coûtume dans cet Article le déclde expressément, lorsqu’elle dit que les freres contribuent aux dettes et au mariage des filles à proportion de ce qui leur revient de la succession : La seule contribution où la Coûtume les engage en termes generaux suffiroit pour produire contr’eux une obligation personnelle ; mais en reputant cette donation pour la part qui leur appartient en la succession, c’est dire ouvertement que cette donation n’est autre chose que leur portion hereditaire, et l’on ne peut prendre part dans une succession que ce ne soit à tître d’heritier.
L’explication que Godefroy a donnée à cet Article ne peut être soûtenuë, il a pensé que ces paroles ( à proportion de la part qui leur revient en la succession ) se devoient entendre des filles, et qu’elles vouloient dire que les puisnez contribueroient au mariage des filles à proportion de la part qui appartenoit ausdits puisnez en la succession. dais il est évident que cette disposition de la Coûtume ne doit pas être entenduë de cette nanière, il ne s’y agit pas de regler la part que les filles doivent avoir en la succession pour leur mariage ; mais la Coûtume en permettant au pere de disposer du tiers de son bien en faveur de les puisnez, elle y ajoûte cette condition, qu’ils ne pourront avoir ce tiers qu’en contribuant aux dettes et au mariage des filles, et en même temps elle regle cette contribution à proportion de la part qui leur revient en la succession, ainsi ces dernieres paroles ne peuvent avoir leur relation aux filles, parce qu’il ne s’agissoit pas de sçavoir ce qu’elles auroient, dautant que la Coûtume auroit dit inutilement que les soeurs n’autoient mariage qu’à proportion de a part qui leur revient en la succession, puisqu’il n’en êtoit pas question, et que l’on ne doute pas qu’elles ne peuvent jamais en avoir davantage ; mais le sens de cet Article est que chacun des puisnez donataires contribué aux dettes et au mariage des filles, à proportion de la part qui luy revient en la succession
Neanmoins dans la seconde partie de cet Article, la Coûtume donne des bornes à cette disposition du pere ; premierement il ne peut disposer absolument et inégalement de ce tiers, se bi tous les puisnez ne sont sortis d’un même mariage, cette restriction est tres-juste ; elle étoit e même nécessaire, afin qu’une seconde femme n’exigeât point de son mary la donation de ce tiers en faveur seulement des enfans sortis de son mariage.
Dans la troisième partie, la Coûtume déclare que le pere ou la mere pouvoit disposer de ce tiers par donation, testament, ou autre disposition solennelle : On auroit pû douter de la validité de cette donation, lorsqu’elle auroit été faite par un testament, parce que la Coûtume défend de donner de son propre par un acte de derniere volonté.
Suivant la quatrième disposition le puisné donataire du tiers est chargé de fournir la provision à vie des autres puisnez non compris en la donation, et de contribuer tant aux dettes qu’au mariage des filles à proportion de ce qui luy revient de toute la successionEnfin la Coûtume défend au pere de disposer ni de comprendre dans la donation le Manoir et pourpris qu’elle veut être conservé à l’ainé en son integrité, et sans être tenu d’en faire recompense à ses freres puisnez.
Ces deux dernieres dispositions ont fait naître beaucoup de difficultez qui n’ont été terminées qu’aprés de longues contestations, et nos Reformateurs auroient prévenu beaucoup de procez, s’ils s’étoient expliquez plus ouvertement. Sur tout si aprés avoir assujierti les puisnez à cause de leur tiers à contribuer aux dettes et au mariage des filles, ils nous avoient encore appris si ce Manoir et pourpris qui demeure à l’ainé pour son préciput êtoit exempt de toutes ces charges, ou s’il luy appartient en exemption d’icelles : Et cet éclaircissement êtoit d’autant plus requis que les sentimens sont fort differens sur cette matière.
Il est certain que ce préciput en Caux n’est pas de la nature des autres préciputs, dont il est fait mention dans la Coûtume generale ; c’est une part qui appartient si assurément à l’aîné que pour se l’acquerir il ne luy est point necessaire d’en faire l’option, ni de poser aucune declaration, quoy que ces actes soient requis pour les préciputs de la Coûtume generale. C’est pourquoy quand il seroit prévenu de la mort, sans avoir fait aucun acte declaratoire de sa vosonté, non seulement ses heritiers, mais aussi ses créanciers, poutroient le demander comme luy ayant appartenu de plein droit : ce qui fait encore une différence entre ce préciput et celuy de la Coûtume generale, que le fisc ou le creancier subrogé ne peuvent prétendre, si l’ainé meurt avant les partages faits, Article 345.
Il faut aussi remarquer que la confusion de successions dont il est parlé dans l’Article 347 ne fait point perdre à l’ainé son préciput aux successions de ses pere et mere, suivant l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article 347
Lespuisnez, quelque nombre qu’ils soient, se voyant reduits à se contenter d’un tiers de la succession affoiblie d’ailleurs par un préciput considérable, ont souvent tenté par divers moyens d’y donner quelque atteinte, et d’en diminuer la valeur ; ils ont prétendu qu’il devoir entrer à leur décharge dans la contribution aux dettes et aux mariages des seurs. Les ainez au contraire ont fait leurs efforts pour se dispenser de l’un et de l’autre.
Cette question, si le préciput de l’ainé doit contribuer aux dettes est fort problematique, et Tiraquel magna ingenia exercuit ; M Tiraqueau a tenu l’affirmative, parce que l’ainé ne poffede ce préciput ou cet avantpart qu’à droit successif, et non point à droit de prelegs ; consequitur illam partem tanquam heres, jure successivo, non jure pralegati : de jure primogen. d. 35. n. 27. Ainsi bien que par la disposition du droit celuy qui prend quelque chose jure preceptionis, ne soit point tenu de contribuer aux dettes du défunt, toutefois le préciput n’appartenant à l’ainé qu’à droit successif, il doit payer les dettes à proportion de ce qu’il profite de la succession.
Me Charlesdu Moulin , sur le S. 11. de la Coûtume de Paris, a combatu l’opinion d Tiraquel Mr Tiraqueau, et son raisonnement est que l’ainé joüit de son préciput à droit de primogeniture et non point à droit hereditaire, non habet tanquam partem, & quotam hereditariam, sed jur raelegati, et velut quoddam pralegatum à consuetudine introductum titulo singulari, non titulo hereditario : Ce qui l’exempte de la contribution aux dettes, puisque fuivant la l. 1. si cer. les heritiers ne sont obligez aux dertes que pro portionibus hereditariis, non pro modo emolumenti, et bien qu’il ne puisse avoir ce préciput qu’à titre d’heritier, ce n’est pas une consequence, dit ce même Auteur, qu’il le possede jure hereditario vel beneficio patris, sed beneficio legis.
Par l’Article 334. de la Coûtume de Paris, les ainez ne sont tenus des dettes personnelles en plus avant que les autres coheritiers pour le regard de leur ainesse, et Mr d’Argentré , sur l’Art. 543. de l’ancienne Coûtume, gl. 2. n. 2. dit qu’en Bretagne on ne revoque point en doute que l’ainé ne doit que deux parts des dettes mobiliaires, d’où il apparoit que le préciput n’entre point en compte, et qu’on n’y a point d’égard, primogenitum non amplius quâm duas partes debitorum mobilium debere ex quo apparet non venire in computationem debitorum id precipuum, nec rationem ejus haberi. VoyezLoüet , I. D. n. 16. Le Prestre Prestre, Centurie 1. c. 83.Charondas , en ses Réponses, l. 2. c. 19.
Chopin , de pen. rust. l. 3. part. 3. c. 20.Papon , l. 2. Tit. 5. Article 3.Robert , l. 4. c. 13.
Bam . des Successions, l. 8. c. 7. n. 12
Pour la contribution aux dettes par le droit civil les heritiers n’y étoient tenus qu’à proportion de la succession, pro portionibus hereditariis on ne consideroit que le nombre d’heri-tiers et non la valeur de ce que chacun prenoit en la succession ; par exemple, s’il n’y avoit que deux heritiers, dont l’un succedât pour les deux tiers, et l’autre pour un tiers, ils payoient les dettes par moitié, non pas à proportion de l’émolument : mais aujourd’huy dans les païs Coûtumiers, où l’institution d’heritier n’est point permise, il y a peu de difference, si les dettes se payent à proportion de l’émolument, ou à proportion de la succession, pro modo emplumenti, aut pro portionibus hereditariis, à la réserve des successions où les ainez ont des préciputs ; quand on succede également l’émolument et la portion heréditaire est la même chose, emolumentum enim ipsâ est portio hereditaria : Il ne reste donc plus de difficulté que pour les préciputs, ils sont exempts de la contribution aux dettes par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris. et en Bretagne, quoy qu’ils exemptent le préciput de la contribution aux dettes, ils font payer les deux tiers à l’ainé, parce qu’il prend les deux tiers outre le préciput. M’d’Argentré , ibid
Nôtre Usage est contraire, l’ainé contribué pour son préciput, et les dettes se payent toûjours à proportion de l’émolûment, ce qui paroit par cet-Article, où les puisnez sont tenus de contribuer tant aux dettes qu’au mariage des filles au prorata de ce qui leur revient de la totale succession : Ces paroles ( de la totale succession, font assez connoître que quand il s’agit de regler la contribution des puisnez, on doit comprendre dans l’estimation tous les biens de la succession sans en déduire le préciput. Les raisonnemens de du Moulin me semblent plus subrils que solides ; il est vray que bien que ce préciput appartienne à l’ainé comme un cettain droit de prelegs que la Coutume a introduit, tanquam jus aliquod prarogatum à consue-tudine introductum, il ne peut neanmoins le posseder qu’en qualité d’heritier, ce qui prouve que ce n’est pas un simple legs ou prelegs que l’on pouvoit demander sans se rendre heritier l est inutile de dire que c’est à droit de fils jure filii, puisque ce titre et ce droit de fils n’attribué point le préciput, si en même temps il ne se rend heritier ; il est inseparable de cette qualité, et l’ainé renonçant n’y prend rien, ce qu’il feroit, s’il luy étoit donné par la loy comme à un legataires si pour posseder ce préciput il faut être heritier, il est incompatible qu’il ait les biens sans contri buer au payement des dettes, il seroit absurde qu’en une même succession entre coheritiers l’un seul payât les dettes, et que l’autre en fût déchargé : quoy que la Coûtume donne ce préciput à l’ainé, il ne s’ensuit pas qu’il soit exempt de la contribution aux dettes, autrement ce seroit un double prelegs, l’ainé auroit un préciput qui emporteroit peut-être la meilleure partie de la succession, et cependant il seroit encore à couvert des charges : si les dettes du détunt affectent tout son bien, totum patrimonium afficiunt, l’on ne peut en dispenser le préciput, ils ne sont dits biens qu’aprés la déduction des dettes, bona non sunt nisi deducto are alieno, cette déduction se doit faire sur toute la masse du bien, tant à l’égard des coheritiers que des creanciers.
MrLoüet , au lieu préallégué, remarque que quand l’ainé prend part par manière de quotité, per modum quota, un tiers, un quart, ou autre portion, alors cette portion est sujette aux dettes, et que du Moulin a trouvé cette opinion équitable, que quand quelque chose est léguée par manière de quotité, quando quid legatum est per modum quota, il est affecté aux dettes, fecus, sinen per modum quota ; comme s’il n y a que des fiefs alors le corps est prelégué par la loy, tunc corpus raelegatum est à lege, mais de quelque maniere que l’ainé prenne les biens de la succession c est soûjours à droit successif, jure hereditario ; cette question a été long-temps problematique dans le Palais, les mieux versez dans la Coûtume de Caux soûtenoient que par l’ancien Usage. l’ainé ne contribuoit point aux mariages des soeurs à cause de son préciput, mais depuis on a trouvé plus équitable de n’étendre point les avantages de l’ainé au-de-là de la disposition. expresse de la loy, et en consequence on a traité plusieurs questions touchant la contribution au mariage des soeurs ; premierement à l’égard des filles, lorsqu’il n’y a point de puisnez ; secondement entre les puisnez et l’ainé.
Premierement on a demandé si lorsqu’il n’y a qu’une ou plusieurs seeurs, et point de freres puisnez, on doit comprendre dans l’estimation du mariage avenant le préciput de lainé ; Cette question s’offrit entre Me Christophe de Mongoubert, Commis au Greffe de la Cour, ayant épousé Catherine le Maire, et Nicolas le Maire, trère de ladite Catherine le Maire : ce frere soûtenoit que dans lestimation des biens de la succession paternelle, le Manoir et pourpris, qui luy appartenoit pour son préciput, n’y devoit point entret, le contraire ayant été jugé aux Requêtes du Palais, il en appela, se fondant sur lusage observé de tout temps dans la Coûtume de Caux ; neanmoins par Arrest en la Grand. Chambre du 14 d’Aoust 1652. il fut évincé de son appel. Il se pourvût contre l’Arrest, prétendant que le mariage avenant ne pouvoit s’érendre qu’au tiers, en ce non compris le préciput, mais par Arrest du 19 d’Aoust 1653. ilfut debouté de sa Requête civil : on se fondoit sur ces paroles de l’Article 297. qui contient que si les meubles ne sont suffisans, le mariage se payera à proportion de toute la succession. On prétendoit que ces paroles ( à proportion de toute la succession, comprenoient le préciput. Cet Arrest n’étoit point conforme à l’esprit de la Coûtume ; aussi le contraire fut jugé depuis en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Giot, le S d’Avril 1686. entre les nommez Roussel : Il fut dit que dans l’estimation des biens du pere pour l’arbitration du mariage avenant, le préciput n’y entre point pour augmenter le mariage, avenant, quoy qu’il n’y eût que des filles et point de puisnez. Autre Arrest, au Rapport de Mr Deshommets, du 29 de Janvier 1659. Gâteblé avoit recû ses seurs à partage, elles employerent le préciput dans les ots ; il les blama, comme ce préciput luy appartenant sans en faire part à ses freres et seurss e Bailly avoit prononcé à bonne cause les blames, ce qui fut confirmé par l’Arrest. En effet s’il êtoit autrement la condition des seurs seroit plus avantageuse que celle des freres ; quand Il n’y a que des frères, l’ainé prend ce préciput sans leur en faire aucune part ni recompenses et les puisnez n’ont que le tiers du surplus ; les filles, quand elles n’ont qu’un frere, doivent être fatisfaites que leur portion soit égale à celle des puisnez ausoi depuis on a nettement expliqué ce que les seurs peuvent avoir, et quelle est cette contribution où le préciput de l’ainé est obligé : On peut établir pour une doctrine certaine que quand il n’y a qu’un frère et des seurs, le préciput n’entre point en partage si elles y sont reçûës, ni dans l’estimation des biens pour liquider le mariage avenant ; mais pour les dettes, soit qu’il y ait des freres puisnez ou qu’il n’y ait que des seurs, l’ainé y contribué à rause de son préciput, et quand il y a plusieurs frères la seur dans la Coûtume de Caux, comme dans la Coûtume generale, ne peut avoir plus grande part qu’un puisné, et dans l’etimation du mariage le préciput n’y entre point, et neanmoins il contribuë à la décharge des puisnez pour le payement du mariage avenant ; et pour regler cette contribution du préciput, on ne l’estime que sur le revenu : Toutes ces questions furent décidées par l’Arrest du sieur de S. Saen-Limogez, du 21 d’Aoust 1664. au Rapport de Mr Deshommess, et la Cour en a fait depuis un Reglement par les Articles 56. et 57. du Reglement de l’année 1666 Pour faciliter l’estimation du mariage avenant en Caux lorsqu’il n’y a point de meubles, et pour egler en même temps la contribution entre les fteres, on peut proposer cet exemple : La succession consiste en un préciput qui vaut deux cens livres de rente, et en six cens livres de revenu, et il n’y à que deux freres et une soeur, la liquidation du mariage avenant ne se fera que sur les six cens divres de rente ; en faisant contiibuer le puisné de cinquante livres sur les deux cens livres qui luy appartiennent pour son tiers, il ne luy restera plus que cent-cinquante livres, ainsi le nariage de la fille ne sera que de cent-cinquante livres, parce qu’il ne peut exceder la part l’un puisné ; mais pour payer ces cent-cinquante livres l’ainé ne contribuëra pas seulement de cent livres à cause de ces quatre cens livres, mais comme son préciput et les deux tiers valent six cens livres, et la part du puisné deux cens livres, il sera chargé des trois quarts des cent-cinquante livres pour le mariage avenant ; et bien que par ce moyen il reste au puisné ent-soixante-deux livres dix suls de rente, il ne s’ensuit pas que le mariage avenant de la soeur doive aussi monter à cette somme-là, parce que le préciput n’entre point à son égard dans l’estimation.
Feignons en retenant la même espece pour la valeur du bien, qu’il y ait deux puisnez et une seur : pour liquider le mariage avenant de la seur, et le reduire à la part des puisnez, il faut connoître ce qui leur restera des deux cens livres de rente, à quoy se monte leur tiers ; en donnant à la soeur quatre-vingt six livres de rente, l’ainé en payera cinquante-neuf livres six sols huit deniers, et les deux puisnez pour leur tiers vingt-huit livres treize sols quatre deniers, et par ce moyen il leur restera une part égale à leur seur : mais parce que le préciput de l’ainé vaut le quart de la succession du nombre des quatre-vingt-six livres qu’il faut payer à la seur, l’ainé contribuëra de soixante-trois livres dix sols, et les puisnez chacun de dix livres quinze sols, de sorte qu’il restera à chaque paisné quatre-vingt-neuf livres cinq sols.
S’il y avoit plus de freres que de soeurs, par exemple qu’il y eut quatre soeurs et deux freres, les soeurs toutes ensemble ne pourroient demander que le tiers, sans y comprendre le préciput, de sorte qu’il resteroit quatre cens livres pour les deux freres, dont il en faudroit le tiers au puisné, montant à cent-trente-trois livres six sols quatre deniers de rente, mais outre cette fomme le préciput valant le quart de la succession, et étant oblige de contribuer pour ce quart de cinquante livres, la part du puisné seroit de cent-seize livres six lols quatre deniers, et l’on peut sur ce pié dans la Coûtume de Caux faire la liquidation du mariage des soeurs, et la contribution pour le préciput selon le nombre des puisnez et des seurs Voila de quelle manière le préciput de Caux contribué aux dettes et au mariage des filles, ce n’est point pour augmenter la portion des filles, mais pour charger l’ainé d’une plus grande contribution à la décharge et en faveur des puisnez, ce qui peut être fondé sur l’Article 297. qui porte que le mariage se payera à proportion de toute la succession pour la part qui écherra tant à l’aint que puisnez : Les puisnez pour assujettir le préciput à la contribution des charges s’aidoient de ces garoles, que le mariage se payera à proportion de toute la succession, d’où il s’ensuivoit que le préciput y êtoit compris, puisque la Coûtume ne l’avoit point excepté, et que in odiosis non fit extensio. L’ainé soûtenoit que l’exception êtoit assez clairement portée par ces paroles ( pour la part qui êcherra ; ) ce mot lae part ) exclut le préciput, parce qu’il est hors de part, extra partem hereditatis, c’est une portion que la Coûtume luy donne outre son partage.
Les ainez n’ayant pû exempter leur préciput de la contribution au mariage des soeurs, quelquesns se persuaderent qu’ils s’en pouvoient décharger en recevant leurs seurs à partage. Mautice THerminier avoit marié ses filles pour la part qu’elles pouvoient prétendre en sa succession aprés sa mort, son fils ainé poursuivi par ses beaux-freres, pour leur payer leur legitime, leur offrit e partage, et pour cet effet il déclara leur abandonner et à ses puisnez le tiers de la successions retenant les deux autres tiers et son préciput, qu’il soûtenoit en cas de partage être xemp de la contribution à laquelle il n’étoit obligé que lorsqu’il s’agissoit de mariage avenant, mais lorsque les soeurs êtoient reçûës à partage elles ne pouvoient avoir que le tiers avec les puisnez : Les seurs prétendoient qu’en les recevant à partage elles devoient emporter le tiers de tout le bien ; mais les puisnez difoient que l’ainé seul n’avoit pas ce pouvoir de recevoit les soeurs à partage contre la volonté des puisnez, qui n’offroient que le mariage avenant, et qui étoient en plus grand nombre, et qu’aprés tout, soit que l’on baille partage ou mariage avenant, le préciput y doit contribuer. Il fut dit par la Sentence, dont êtoit appel, que lesdits enfans puisnez et les filles apporteroient conjointement des lots des successions de leurs pere et meres pour deux d’iceux être choisis par ledit Pierre lHerminier, et lautre par les puisnez et par les filles, pour être ledit tiers partagé entr’eux : Par Arrest du 25 de May 1663. on cassa la Sentence dont êtoit appel, et en reformant on ajugea partage aux filles reservées à partage par Maurice lHerminier leur pere, et mariage avenant à ses autres filles, ausquels partage et mariage avenant les freres contribueroient à proportion de ce qu’ils prenoient en la succession, à condition néanmoins que la part des filles n’excederoit puint celle des puisnez.
Cet Arrest ne fut pas exactement recueilli ; en ce qu’il est dit que son ajuge partage aux filles reservées à partage par Maurice leur pere ; car il est certain que le pere n’avoit reservé aucune de ses filles à partage, il êtoit seulement porté par leur contrat de mariage que le pere les marioit pour telle part qui leur pouvoit appartenir, aussi par l’exploit de leur demande elles concluoient que leur frere leur devoit bailler partage ou mariage avenant, ainsi l’on ne peut pas dire que la Cour ait décidé cette autre question, sçavoir quelle part les filles reservées à partage par le pere doivent avoit aux biens situez dans la Coûtume de Caux ; Le sieur Baillard, Maître des Comptes à Roüen, par son testament reserva ses filles à sa succession ; cette reservation étoit conçûë en ces termes : Je veux que mes filles soient reçûës à partager ma succession avec leurs freres pour et autani qu’il leur en peut appartenir, suivant la nature et la situation des biens qui seront à partager. Cette succession du sieur Baillard étoit composée de trois sortes de biens ; la premiere consistoit en meubles et immeubles assis en bourgage ; la seconde en l’Office de Maître des Comptes, et en néritages situez dans la Coûtume generale ; et la troisième espèce consistoit en biens situez dans la Coûtume de Caux : En consequence de cette reservation à partage les soeurs, qui étoient au nombre de quatre, partagerent également avec leurs deux frères les meubles et les biens étant en bourgage ; elles eurent aussi le tiers des biens qui étoient sous la Coûtume generale, mais lorsqu’elles demanderent partage aux biens de Caux, Me Michel Baillard, Maître des Comptes à Roüen, prétendit que son pere n’avoit pû dans la Coûtume de Caux reserver ses filles à partage, et qu’en tout cas le frere puisné et les seurs ne pouvoient avoir tous ensemble que le tiers, sans y comprendre le préciput. L’affaire ayant été portée aux Requêtes du Palais, par Sentence du 7 d’Avril 1677. on ajugea au sieur le Telier, au droit de Barbe Baillard sa temme, et à Marie, Catherine, et Marthe Baillard, le tiers en essence des biens situez en Caux, à prendre tant sur les deux tiers dudit sieur Baillard ainé que sur le tiers de Pierre Baillard puisné, avec le tiers des arrerages des rentes et fermages depuis le decez du pere, et qu’à cette fin les freres seroient tenus de faire lots entr’eux, pour être en suite procedé par lesdits le Telier et Baillard à la confection de nouveaux lots.
Mr Baillard ayant appelé de cette Sentence, de Cahagnes, son Avocat, disoit que la Coûtume generale et la Coûtume de Caux ont toûjours êté considérées comme deux Coûtumes distinctes et differentes, tant à l’égard des freres pour leurs partages qu’à l’égard des soeurs pour leurs mariages, lorsqu’il s’agit du droit des filles on en use differemment en l’une et en l’autre
Coûtume, si on leur donne mariage avenant dans la Coûtume generale, il est payé à proportion de ce que chaque frere prend en la succession, tant des meubles que des immeubles, que si elles p sont admises à partage elles partagent également les meubles et les immeubles qui sont en bourgage, mais elles n’ont toutes enfemble qu’un tiers aux héritages qui sont hors bourgage.
Leur condition est differente dans la Coûtume de Caux ; par une disposition expresse les filles doivent être mariées sur les meubles s’ils le peuvent porter, sinon le mariage doit être si payé à proportion de ce que l’ainé et les puisnez prennent en la succession ; cela étant incontestable le pere n’a pû leur donner partage dans les biens de Caux : On ne trouve aucun Ar-ticle dans la Coûtume. de Caux, par lequel les filles puissent être reçûës à partage : au contraire la Coûtume aprés avoir ordonné par l’Article. 297. que les filles seront mariées sur les neubles, elle en ajoûte deux autres qui ne parlent que du mariage avenant, sans faire aucune mention du partage : En effet l’on connoitra fort aisément que la Coûtume n’a point e eu cette intention, si l’on fait reflexion sur l’ancien usage qui étoit gardé avant la reformation de la Coûtume : l’ainé prenoit seulement un préciput et les deux tiers ; pour l’autre tiers les Terrien puisnez n’en avoient que l’usufruit, et la proprieté en appartenoit aux filles ; Tertien, titre d’Echeance au propre de Caux, c. 4. Article 3. Par les premiers Articles qui furent arrêtez lors de la reformation de la Coûtume, en l’année 1583. on trouva à propos de donner la proprieté aux filles, à charge de porter la provision des puisnez, mais paroissant injuste que les puisnez n’eussent qu’un usufruit, on leur accorda la proprieté. Ce changement fit naître plusieurs difficultez pour la contribution au mariage des filles entre l’ainé et les puisnez : pour les regler en quelque façon on fit trois Articles nouveaux, qui sont les 297. 298. et 299. le premier contient que le mariage sera pris sur les meubles, s’ils le peuvent porter, et s’ils ne sont suffisans le mariage sera payé à la proportion de toute la succession, tant en Caux, Bourgage, que hors Caux, pour la part qui écherra tant à l’ainé qu’aux puisnez : par le second des filles aprés vingt : cinq ans fe peuvent marier par l’avis de leurs parens, si leur frere est negligent ; et par le troisième l’ainè a la garde de ses feurs, en contribuant par les puisnez à leur nourriture, au prorata de ce qu’ils auront de la succession. Il paroit donc que toute la reformation qui se fit de Iancien usage se creduisit à ôter aux filles la proprieté du tiers qu’elles avoient auparavant, pour la donner aux puisnez, et à prendre le mariage des filles sur les meubles quand ils étoient suffisans de le porter.
On objecte inutilement que le pere les ayant reservées, cela doit operer quelque chose aussi-bien dans la Coûtume de Gaux que dans la Coûtume generale ; car outre qu’en vertu de cette reservation elles sont reçûës à partager également les meubles et les immeubles, qui sont en bourgage, et le tiers dans les autres biens, il en est de même en ce cas comme de la provision à vie des puisnez qui leur a été donnée par le pere, car en prenant cette provision ils ne peuvent rien demander aux biens qui sont hors Caux ; ainsi la reservation leur donnant des avantages si grands dans la Coûtume generale, elles ne peuvent rien demander aux biens en Caux, ni pour leur partage ni pour leur mariage avenant
En tout cas quand la reservation à partage pourroit s’étendre aux biens en Caux, elle n’autoit d’autre effet que d’admettre les soeurs à partager la succession avec les puisnez ; car il seroit étrange, et contre lintention generale de la Coûtume qui est si favorable à l’ainé, que les puisnez eussent un tiers, et que les soeurs prissent encore un autre tiers ; tant sur les deux tiers de l’ainé que sur le tiers des puisnez : La nouvelle Coûtume permet véritablemecturr pere de disposer du tiers en faveur des puisnez, mais on ne luy a jamais permis de disposes ou de diminuer les portions qui sont reservées à l’ainé, et c’est pourquoy si l’on accorde ce pouvoir au pere de reserver ses filles à partage pour les biens en Caux, en ce cas elles doivent être considérées comme autant dé puisnez, qui ne pourront demander tous ensemble que le tiers de la succession. L’Arrest que l’on prétend avoir décidé la question pour les Demoiselles de Longueil n’est point dans cette espèce, c’étoit un frere ainé qui étoit poursuivi par ses créantiers, qui n’avoient pas le droit de leur bailler mariage avenant comme auroit pû le frère, mais ils étoient obligez suivant l’Article 263. de leur bailler partage. Il fut répondu par de reville, Avocat de Jacques le Telier, mary de Barbe Baillard, et de Demoiselles Marie, Caherine et Marthe Baillard, que la question qui s’offroit à juger êtoit toute generale, à sçavoir si la faculté que la Coûtume donne au pere de reserver ses filles à sa succession, n’a pas son étenduë dans la Coûtume de Caux comme dans la Coûtume generale : L’affirmative est si avorable que quand la reservation n’acquerroit pas aux filles le droit de partage dans les biens le Caux, elle suffiroit au moins pour leur conserver un mariage avenant : Il est vray que l’appelant prétend qu’il seroit incompatible que les filles eussent partage dans la Coûtume generale et mariage avenant en Caux, ne pouvant être heritieres et créancieres en une même succession ; on répond que cela peut être : véritable à l’égard des créanciers étrangers, mais il arrive souvent qu’un heritier est creancier de la même succession. C’est de cette maniere que les filles peuvent être heritieres et créancieres ; elles seront heritieres en consequence de la reservation dans la Coûtume generale, mais elles ne seront que creancières en celle de Caux ; c’est un pur paradoxe de soûtenir que le pere n’a pas le pouvoir de reserver ses filles à partage pour les biens de Caux ; il est certain que cette liberté que la Coûtume donne au pere de pouvoir reserver ses filles à partage, est si favorable, qu’encore que lon pût présumer qu’il ne pouvoit user de ce droit qu’en les mariant, suivant l’Article 258. néanmoins on luy a permis de le faire par toutes sortes de dispositions. Cette jurisprudence est fondée sur la faveur de cet acte, soit qu’on le considére du côté des filles ou du côté de l’interest public, le pere et les freres mêmes peuvent y trouver leur commodité ; c’est une paction favorable à l’égard des filles, puisqu’elle remer les choses dans l’ordre naturel, le pere y trouve fa commodité lorsqu’il n’a point d’argent pour marier ses filles, ou il s’en peut servir comme d’un moyen pour retenir ses fils dans leur devoir ; les freres mêmes y trouvent quelquefois leur avantage, le partage leur étant moins incommode que le payement d’un mariage avenant, et enfin il est de l’interest public de faciliter les moyens de marier les filles ; aprés cela sur quel pretexte pourroit-on retrancher aux peres cette liberté pour les biens de Caux ; Mr Baillard veut tirer avantage de l’ancienne Coûtume, quoy qu’elle luy soit peu favorable, car les filles avoient le tiers en proprieté, et Terrien Terrien par un Arrest rapporté parTerrien Terrien , l’ainé êtoit tenu de contribuer à la provision à vie des puisnezi il est vray que dans les premieres assemblées pour la reformation de la Coûtume, l’on trouva cet usage trop dur, qui ne donnoit aux puisnez qu’une provision à vie ; mais aprés qu’il fût arrêté qu’il leur appartiendroit en proprieté, on contesta long-temps pour sçavoir de quelle naaniere les reres contribuéroient au mariage des soeurs : mais enfin il fut resolu que les freres contribueroient à la nourriture et au mariage des seurs à proportion de ce qu’ils prenoient en la successions ainsi les filles en perdant la proprieté du tiers qu’elles avoient auparavant, furent remises dans le droit general, suivant lequel le pere peut les reserver à sa succession, et l’on ne doit pas avancer qu’il n’y a point d’Article dans la Coûtume de Caux qui donne cette liberté au perespour en conclure qu’il n’en a point le pouvoir : au contraire cette conclusion est plus regulière, que puisque la refer-vation à partage n’est point défenduë dans la Coûtume de Caux, elle doit être admise, car c’est une maxime que la Coûtume generale est suivie en toutes choses dans le païs de Caux, lorsque a Coûtume du lieu n’y à point dérogé : par exemple, les fiefs : nobles y sont indivisible comme dans la Coûtume generale. L’ainé peut choisir un fief par préciput en chacune succession, quand il n’y a qu’un fief l’ainé peut le prendre par préciput, et les puisnez n’y bnt que provision à vie, ce que l’on peut confirmer par plusieurs autres exemples ; mais le pouvoir des peres est suffisamment établi par l’Article 270. qui contient que les filles reservées partagent égale. ment les biens qui sont en bourgage, même au Bailliage de Caux, d’où il resulte que le pere peut reserver ses filles dans le Bailliage de Caux ; s’il étoit vray qu’en Caux les filles ne pussent jamais avoir que le mariage avenant, et qu’en aucun cas elles ne pussent être reçûës à partage. avec les freres, il est certain que ce droit seroit acquis aux creanciers irrevoeablement, et de la même manière que le préciput, de sorte que le frere ne pourroit pas même les recevoir à partage. et cependant par l’Arrest donné au profit des Demoiselles de Longueil la Cour confirma la transaction, par laquelle le frere avoit consenti qu’elles fussent admises à partage : ce qui sert de réponse à l’échapatoire de l’appelante, que le creancier subrogé ne peut bailler mariage. avenant ; la question tomboit sur ce point, sçavoir si le frere avoit pû consentir le partage à ses soeurs au préjudice de ses créanciers ( et les créanciers soûtenoient que dans la Coûtume de Caux les soeurs ne peuvent être reçûës à partage, néanmoins la Cour jugea le contraire : La cause fut appointée au Conseil. 1
Il est sans doute que le Manoir et pourpris doivent demeurer à l’ainé, sans en faire aucune recompense à ses puisnez ; mais si ce Manoir et pourpris fait tout le bien de la succession, l’ainé pourra t’il le retenir sans en faire aucune part ou recompense à ses puisnez ; Sil n’y avoit qu’un Manoir et pourpris dans toute la succession, l’équité ne souffriroit pas que l’ainé l’emortât seul, la legitime des autres enfans étant plus favorable que ce droit d’ainesse : Dans la succession d’un nommé la Moliere, il ne se trouva qu’une masure ou enclos, l’ainé qui avoit un trere et une soeur prétendoit la retenir pour son préciput, sans en faire recompense, et c’est le sentiment deCharondas , l. 4. c. 11.Papon , l. 2. Tit. 5. Art. 2.Loüet , l. F. n. 1. Le frère et la soeur répondoient que la legitime êtoit un droit plus ancien que celuy des ainez, que quand la Coûtume avoit déchargé l’ainé de faire une recompense, elle avoit présupposé qu’il restoit d’autres biens, car s’il n’y a d’autres biens, il ne pouvoit y avoir d’avantpart ni de préciput.
L’ancienne Coûtume de Bretagne, Article 543. s’étoit exprimée fort prudemment sur ce sujet. car en donnant, comme celle de Caux, les deux tiers et le principal Manoir à l’ainé, elle ajoûte cette condition, pouroù qu’il restât si grande quantité d’heritage que portion en pût être faite entre frères et seurs, la legitime comme dûë par un droit naturel est preferée à ces prerogatives xcessives, ce qui est si véritable, qu’encore que du Moulin ait estimé que si le Manoir avec le gardin et son cireuit et enclos enferme tout le fief, et qu’il n’y ait point d’autres fiefs en la succession, l’ainé par préciput aura le fief entier ; si mansio cum horto & ambitu suo et clausurâ otum integrum feudum includat, & nulla sint alia feuda in successione, totum et solidium feudum primogenitum jure pracipuo habiturum : Toutefois il limite son opinion en ce cas, que s’il n’y avoit point d’autres biens pour la legitime des autres enfans, avant toutes choses on doit déduire la legitime qui leur est dûë par droit de nature, parce qu’elle precede et a l’avantage ; si non superessent alia bona ad legitimam reliquorum filiorum, ante omnia deduci deber legitima filiorum jure naturae debita, quia precedit et vincit jus primogeniturae. S. 13. gl. 4. n. 5. et 6. VideTiraquellum , de jure primogenit. Quest. 7a. M’d’Argentré , ad Artic. 544. Barri, de Success. l. 8. t. 2. n. 1.
La Coûtume de Paris, Article 17. lorsqu’il n’y a qu’un fief, fait perdre au Manoir qu’elle donne à l’ainé ( dit Ricard ) sa véritable qualité de fief, pour faire que l’ainé ne le prenne pas entièrement par préciput, et que la legitime demeure aux puisnez Par Arrest en la Grand.-Chambre du 14 de Février 1667. la Cour regla le préciput comme un fief, et jugea qu’il appartiendroit à l’ainé, à charge de la provision à vie du puisné, qui seroit renu de contribuer à proportion au mariage avenant de la soeur, laquelle en cette rencontre, comme au cas d’un fief, est d’une condition plus avantageufe que les freres, plaidans Hautot, le Févre, et le Carpentier. Si la succession du pere consistoit en terres nuës, sans aucune habiation, Manoir ou pourpris, ni enclos, faudroit-il neanmoins delivrer un préaiput à l’ainci On pourroit dire en sa faveur que puisque l’on donne une legitime aux freres et aux seeurs sur le préciput, lorsque toute la succession consiste en un seul Manoir, quoy que la Coûtume l’attribué si expressément à l’ainé, on doit pareillement suppléer en ce cas ce que la Coûtume a ômis, et luy conserver un préciput dans la succession, lors même qu’il ne s’y trouve aucun bien de la qualité de celuy qui doit ordinairement composer le préciput : Mais on répond que ce droit n’étant pas si favorable que la legitime, et l’ainé prenant encore les deux tiers, il ne doit point se faire d’extension ni suppléer ce que la Coûtume n’a point declaré Ce Manoir et pourpris peut être choisi sur un fief aussi-bien que sur une roture, la Coûtume ne déclare point en quoy doit confister ce Manoir et pourpris, ce qui produit souvent des differens entre les frères, mais cette question tombe ordinairement plus en fait qu’en droit, et cette matière sera traitée sur l’Article 356.
CCLXXX.
La disposition dudit tiers faite ausdits puisnez ne les exclud de prendre part et portion aux biens situez tant en bourgage qu’autres lieux, étans hors la Coûtume de Caux, si le contraire n’est declare par ladite disposition.
La premiere partie de cet Article est fort équitable, car les Coûtumes étant renfermées dans seur Territoire, la donation du tiers faite aux puisnez ne les devoit pas exclure de prendre encore la part que la Coûtume generale leur donnoit dans les biens situez sous sa disposition, mais les habitans de Caux voulurent demeurer fi abfolument les maîtres du tiers de leur bien, qu’il falut tonsentir qu’ils pourroient en disposer sous telles conditions qu’il leur plairoit, et que si les puisez rénonçoient à leur droit, non seulement ils ne pourroient demander qu’une pension à vie, nais ils seroient encore forcez, s’ils vouloient avoir part dans les biens situez hors la Coûtume de Caux, de renoncer à la provision à vie sur le tiers en Caux, comme il se verra dans la suite ; et c’est pourquoy aprés qu’il fut arrêté que la disposition du tiers faite aux puisnez ne les excluoir pas de prendre part aux biens situez tant en bourgage qu’aux autres lieux situez hors la Coûtume de Caux, il falut ajoûter cette clause, si le contraire n’étoit declaré par ladite difposition.
CCLXXXI.
Le pere ne peut faire la condition des enfans d’un lit meilleure que celle des autres.
Et où ledit donateur ou testateur convoleroit en secondes nopces, ou auroit enfans de divers lits, en ce cas il ne pourra faire la condition des enfans d’un lit meilleure que celle des autres lits.
Cet Article paroit d’abord inutile, puisque par l’Article 279. la Coûtume avoit ordonné que de pere ne pouvoit donner le tiers à ses puisnez, ou l’un d’eux, s’ils n’étoient sortis d’un même nariage, ce qui exprimoit assez l’intention de la Coûtume de ne permettre point ces donations, que quand les enfans sont sortis d’un même mariage, pour éviter les suggestions d’une seconde femme ; mais on auroit pû penser que la Coûtume n’auroit permis au pere la disposition du tiers que quand tous les enfans étoient sortis d’un même mariage, mais qu’il n’avoit pas ce pouvoir lorsqu’il avoit des enfans de divers lits : Pour lever cette ambiguité la Coûtume déclare en cet Article que si le donateur convoloit en secondes nopces, ou qu’il esit des enfans de divers lits, en ce cas il ne pourroit faire la condition des enfans d’un lit meilleure que celle des autres lits.
La loy Mosaique contient une disposition pareille, Deut. c. 21. il n’étoit pas permis au pere de changer l’ordre naturel, quand il avoit des enfans de diverses femmes ; il ne pouvoit user Je prédilection envers les enfans de la femme qu’il cherissoit plus tendrement au préjudice de Painé, issu d’une autre femme qu’il aimoit avec moins de tendresse, comme les secondes affections l’emportent sur les premieres, les puisnez sortis d’un second mariage auroient toûjours eu la meilleure part en la disposition du pere.
CCLXXXII.
Le donateur peut stipuler un droit d’accretion au profit des puisnez.
Le donateur ou testateur pourra, si bon luy semble, ordonner que la portion d’un puisné mourant sans enfans accroitra aux autres puisnez, sans que l’aîné y prenne part.
On demande si le donateur ayant employé cette clause dans sa disposition, que la part d’un puisné mourant sans enfans accroîtra aux autres enfans, équipolle à une substitution ou à un fideicommis, en sorte que ce puisné ne puisse disposer de sa portion, ni l’aliener ou hypothequers C’est une regle en droit que l’heritier chargé de restituer une succession ou un bien n’en peut disposer, l. ult. 8. sed quia : et Authent. Res que Com. de leg. C. Res que restitutioni subjacet alienari prohibetur. Mais les paroles de cet Article n’emportent aucune substitution ou fideicommis, et quand le pere ordonne que la portion du mourant accroitra aux autres, cela ne veut pas dire que le fils soit interdit de disposer de sa portion, mais seulement que ce que ce puisné possedera non au temps de la donation, mais au temps de sa mort, retourne aux autres puisnez ; c’est à peu prés l’espèce de la I. Titius 54. Ad Senat. Consult. Trebell. quidquid ex hereditate supersuerit volo Mavio restituas, sans neanmoins que suivant cette loy his verbis insit boni viri arbitrium, pour empescher que cet heritier ne puisse pas dissiper les biens sujets au fideicommis, profundere, dilapidare bona fideicom. misso obnoxia : car le puisné n’est sujet à rien, et il faut prendre sa succession en l’état qu’elle se trouve, les puisnez ne pouvant avoir que ce qu’il laisse. Les Reformateurs n’eurent pour but que de fa-voriser les puisnez en donnant ce pouvoir au pere d’exclure son ainé de prendre part à ce tiers en cas de mort de l’un des puisnez, et parce que dans l’Article precedent le pere avoit ce pouvoir de forcet ses puisnez à se contenter de sa disposition, ou de n’avoir qu’une provision à vies pour les recom penser on permit au pere de leur conserver la part de ceux des puisnez qui mourroient sans enfans.
Le pere ne peut aller au-de-là de ce premier degré de substitution, il ne peut ordonner que les enfans des puisnez succederont les uns aux autres, quoy qu’il pût employer cette substitution n la donation qu’il feroit à un étranger ; cependant comme cet Article ne donne pouvoir que de substituer entre les puisnez et non entre les enfans des puisnez, on ne doit pas l’etendre aule-là de ces termes. Par exemple, le pere a donné le tiers à tous ses puisnez, et les a substituez les uns aux autres, un d’eux mourant laisse un enfant qui meurt purs aprés aussi sans enfans, nullis relictis liberis, on demande si les autres puisnez luy succederont en vertu de la substitution du pere, ou bien l’ainé en vertu de l’Artiele 3o3 ; ou au contraire si l’un des puisnez mouroit, e fils d’un autre puisné luy succederoit, ou le frère ainé : Il faut répondre que l’oncle puisné ne peut succeder à son neveu, parce qu’il n’est substitué qu’au cas que son frere meure sans enfans : Or bien loin que cette condition soit arrivée, il y a eu un enfant, ainsi la substitution est finies d’ailleurs cet oncle puisné n’ayant pas ôté substitué aux enfans de son frere, il ne peut venir à sieur succession qu’ab intestat, et non en vertu de la donation ou substitution du pere, et en ce cas il est exclus par l’ainé ou les enfans de l’ainé en consequence de l’Article 303. Il faut en dire autant du neveu, fils de l’un des puisnez, qui seroit exclus par le frere ainé, suivant ce même Article T’ay dit que cet Article n’emporte point de substitution ni de fideicommis, qui prive le puisné de disposer de son bien. De-là il nait une grande difficulté, si ce puisné ayant vendu sa part en Caux, et l’ayant remplacée hors de Caux, l’ainé y prendra part, nonobstant la substitution ordonnée par le pere ; On propose en faveur de l’ainé qu’un chacun peut changer la nature de son bien et établir le siege de sa fortune où il luy plaist ; que toutes successions se doivent partager en létat qu’elles se trouvent, lorsqu’elles sont déferées. On allégue au contraire que bien que l’on puisse transferer son bien d’une Coûtume à l’autre, c’est toutefois sous cette condition, si les loix ou les conventions particulieres n’y resistent point : Et quoy qu’un pere puisse mettre hors Caux ce qui êtoit en Caux, ou au contraire remplacer en Caux ce qu’il avoit dans la Coûtume generale, il n’en est pas de même pour les successions collaterales en ligne directe, il n’y a qu’une sorte d’heritiers qui n’ont droit à la succession que quans elle est arrivée : En la collaterale comme il y a diversité d’heritiers, il faut faire une separation de biens, et cette Coûtume a favorisé si fort les heritiers aux propres, que les heritiers aux acquests n’ont rien qu’aprés le remploy des propres, autrement on pourroit dépoüiller les heritiers aux propres pour avancer l’heritier aux acquests et changer létat des successions. Les suc-cessions collaterales doivent donc se considerer non au temps de leur écheance, et non selon les lieux où elles sont situées, mais selon qu’elles sont lorsqu’elles furent dévolutes à droit successif, comme Mr Cujas l’a fort bien remarqué sur la l. 22. de leg. 2. si maritus res proprias vendidit, constante matrimonio & ex his alias comparaverit, he quoque censebantur propriae : idemque est judicium pecuniae redactae rerum propriarum, alioquin sepe ita venderetur animo donandi viro aui uxori, si haberentur pro communibus non propriis. Il en faut autant dire du tiers en Caux, que le pere a voulu être réservé aux puisnez à l’exclusion de l’ainé, car cette disposition empesche qu’un puisné ne fasse tomber sa part à l’ainé, on l’auroit jugé de la sorte par l’Arrest de Sercus s’il avoit été donné de la manière que Berault l’a cité sur l’Article 341. mais il n’est pas aux termes que cet Auteur l’a rapporté : et puisqu’il est cettain que cet Article ne contient aucune prohibition C d’aliener, si un puisné vendoit son bien et le remplaçoit hors Caux, l’autre puisné ne le pourroit avoir en vertu de cet Article, il se partageroit entre les freres selon la Coûtume des lieux où il seroit situé, suivant le Reglement de la Cour de l’année 1666 ; Article 67.
Puisque le pere peut ordonner que la portion d’un puisné mourant sans enfans accroitra aux autres, il semble que le pere a aussi la liberté de disposer que le mariage qu’il donne à ses filles, en cas qu’elles meurent sans enfans ; appartiendra aux puisnez au préjudice de l’ainé. On a jugé le contraire par un Arrest du 30 de Juin 1638. au Rapport de M Toufreville-le-Roux : Un pere qui avoit donné dix mille livres à sa fille en argent, avoit ordonné par son testament que sa fille mourant sans enfans, les puisnez luy succederoient. Cette disposition fut declarée nulles aussi il y a bien difference entre les filles et les puisnez ; le mariage des seurs ne se prenant point sur la portion feule des puisnez, et l’ainé y contribuant pour la meilleure part, il ne doit pas être exclus de leur succession, et d’ailleurs ce cas n’étant point exprimé par la Coûtume, habetur pro omisso.
CCLXXXIII.
Solennitez requises en ces donations ou testamens.
La disposition est reputée solennelle, en laquelle est observé ce qui est prescrit par les premier et second Articles du Tître des testamens.
Dans cet Article et dans le suivant la Coûtume prescrit la forme qu’il faut garder pour la donation du tiers : mais lorsqu’elle dit que la difposition est reputée solennelle, en laquelle l’on a observé tout ce qui est prescrit par les premier et second Articles du Titre des testamens, il ne faut pas s’imaginer qu’une donation ne soit pas solennelle, si l’on n’y a point gardé toutes les solennitez qui sont requises pour les testamens, cela ne s’entend que des dispositions testamen-taires ; car dans l’Article précedent la Coûtume a déclaré que ces donations peuvent être faites par donation, testament, ou autre diçposition solennelle par écrit entre vifs : de sorte que si le pere ou la mére disposent du tiers autrement que par testament, il suffit que la disposition soit en la forme ordinaire des donations entre vifs ; mais parce que l’on pouvoit douter de quelle maniere on devoit faire cette disposition par testament, cet Article nous apprend ce qu’il suffit pour la rendre valable.
CCLXXXIV.
La disposition et donation du tiers, ou partie dudit tiers faite à tous les puisnez est bonne en quelque temps qu’elle soit faite : mais si tous les puisnez n’y sont compris, elle ne sera estimée valable au profit des donâtaires, si elle n’est faite quarante jours auparavant la mort du donateur, et en reviendra le profit à tous les puisnez ensemble.
La Coûtume a voulu prévenir les suggestions et les surprises que l’on pourroit faire à un nomme mourant : Un pere peut assurément disposer de ce tiers en faveur de tel de ses puisnez qu’il voudra choisir ; mais en ce cas afin que l’on puisse connoître s’il a fait ce choix avec ine meure déliberation et sans suggestion, la Coûtume désire qu’il le fasse quarante jours avant son decez, afin que l’on soit assuré de sa perseverance, les actes qui se font au moment du decez étant toûjours suspects d’induction et de surprise ; mais lorsque le pere ne fait point pa roître de predilection, et qu’il témoigne une affection égale à tous ses puisnez, en ce cas où ne prescrit aucun temps pour faire valoir une disposition si équitable.
CCLXXXV.
Ces donations sont aussi permises aux femmes.
La même liberté accordée aux hommes est pareillement concedée aux femmes, encore qu’elles soient en la puissance du mary, et ne se soient reservées permission de tester par leur contrat de mariage, et en pourront disposer sans le consentement de leur mary.
Cet Article nous fournit encore une preuve de l’attachement et de l’opiniâtreté des habitans de Caux, pour maintenir leurs anciennes Coûtumes. Ils ont voulu demeurer si absolu-ment les maîtres de ce tiers, qu’il a falu permettre même aux femmes matiées d’en pouvoir disposer ; et ce qui est encore plus surprenant, quoy qu’en toutes choses elles soient entierement soûmises à l’autorité de leurs maris, et qu’elles ne puissent faire aucune disposition en s faveur de leurs filles que de leur consentement, néanmoins quand il s’agit de la disposition de ce tiers les maris renoncent volontairement à tous leurs droits, et quoy qu’elles ne se foient poin reservées la permission de tester par leur contrat de mariage, elles pelvent en disposer sans le consentement de leurs maris. iOn trouveroit à peine un exemple semblable, car si les maris n’avoient pas tant de jalousie pour la disposition de ce tiers, ils auroient aisément empesché l’introduction de cette nouvelle Coûtume qui leur êtoit si desavantageuse et si contraire au droit commun, n’étant pas permis à la femme de faire aucune chose sans le consentement et Fautonité de son mary.
CCLXXXVI.
Insinüation de ces donations.
La disposition faite entre vifs n’est sujette à l’insinüation du vivant du donaceur : mais soit entre vifs ou à cause de mort, il faut qu’elle soit insinuée six mois aprés la mort, à peine de nullité, et sert linsinuation d’acceptation.
Cette difposition que le pere fait d’un tiers en faveur de ses puisnez n’étant pas une veritable donation, mais une efpèce de partage, on n’a pas estimé qu’il fût necessaire d’y garder les solennitez requises pour les donations : Cet Article est aussi fondé sur cette consideration qu’il l’étoit pas à propos que ces dispofitions fussent publiques et notoires, sur tout lorsque tous des puisnez n’y étoient point compris, pour éviter la dissention d’entre les freres, et pour empescher ceux qui n’y auroient point de part, d’imporiuner leur pere, et c’est pourquoy le pere sieut tenir sa disposition fecrette, n’étant pas même nécessaire qu’elle soit connuë à celuy en faveur de qui elle est faite, puisqu’il n’a pas besoin de l’accepter durant la vie de son pere Cet Article en toute sa teneur est contraire au droit commun, car les donations doivent être insinüées et arceptées du vivant du donateur, et l’acceptation est tellement de l’essence de la donation qu’elle ne peut être suppleée par l’insindation.
CCLXXXVII.
L’acceptation de cette donation prive l’acceptant de la provision à vie.
Le püisné ou puisnez au profit desquels aura êté fait donation ou disposition dudit tiers ou de partie d’iceluy, en acceptant icelle ne pourra demander provition à vie sur le surplus, laquelle provision appartiendra aux autres puisnez non compris en ladite, disposition, qui retournera aprés leur mort au frere ainé et ses heritiers.
Dans cet Article, et dans les deux suivans, jusqu’à l’Art. 295. la Coûtume exerce de continuel. les rigueurs contre les puisnez ; le pere peut disposer du tiers d’une telle manière que non seulement il peut ne leur donner qu’une provision à vie : il peut encore les reduire à cette facheuse necessité, qu’en renonçant à la donation ils sont forcez de se contenter d’une provision, et s’il y a des biens en Caux et hors Caux, s’ils acceptent la provision à vie sur le tiers des biens qui sont en Caux, ils se privent de la part qui leur appartient dans les biens qui sont situez ailleurs, ce qui paroitra par la discution particulière de ces Articles.
Bien que la donation faite par le pere au profit d’un puisné, d’une partie du tiers, soit beaucoup moindre que la part qu’il auroit euë au tiers, cessant la disposition du pere, toutefois s’il l’accepte il ne peut pas même demander ume provision à vie pour le supplément du surplus, de sorte qu’il peut arriver que la donation du pere n’est pas un benefice, mais une diminution de ce qui auroit appartenu au donataire, si le pere avoit laissé les choses dans le droit commun, et c’est pourquoy Me Jacques Godefroy a eu raison de dire que cet Article est contraire à l’Article 295. et qu’il avoit de la peine à les concilier ; mais cette conciliation se fait aisément, en remarquant que cet Article est dans le cas où le pere a disposé du tiers, et que l’Article 295. n’a lieu que quand le pere n’en a point disposé, ayant laissé les choses dans le droit commun.
Cette provision à vie, que le puisné qui accepte la donation ne peut demander, appartient aux autres puisnez non compris en la donation, mais elle ne leur appartient qu’à vie, car aprés leur mort la proprieté toute entière en retourne à l’ainé ; ce qui montre qu’encore que le tiers appartienne en proprieté aux puisnez, néanmoins le pere peut en disposer de telle manière, qu’aprés la mort des puisnez la proprieté en rétourne toute entière à l’ainé.
CCLXXXVIII.
Mais si les puisnez donataires veulent renoncer à leur don ou disposition, ils auront leur provision à vie avec les autres puisnez.
J’ay déja remarqué que dans le Bailliage de Caux les peres et meres ne se sont pas conservez la faculté de disposer du tiers pour en favoriser leurs puisnez, mais plûtost pour les en privers en effet lorsqu’ils n’ont point dessein de leur faire tort il leur est inutile d’en disposer, de sorte qu’ils ne peuvent faire ces dispositions que pour faire avantage à lun ou à plusieurs de leurs puisnez, au préjudice des autres, ou pour frustrer leurs puisnez de la proprieté du tiers en tout ou partie pour le donner à l’ainé. Il n’y a qu’un seul cas où la disposition du pere peut être utile aux uisnez et desavantageuse à l’ainé, sçavoir lorsque tous les puisnez sont compris dans la disposition, qu’il leur donne le tiers entier, et qu’il ordonne que la portion d’un puisné mourant sans enfans accroitra aux autres puisnez, sans que l’alné y prenne part.
Puisque le pere ne peut donner que tres-peu de chose aux puimez, et que neanmoins il ne peut pas les contraindre d’accepter sa donation, il étoit necessaire de regler ce que les puisnez donataires pouvoient demander en cas qu’ils renonçassent à la donation qui leur est faite, et c’est la seconde partie de ce Titre : Cet Article contient que si les puisnez donataires veulent renoncer à leur don, ils auront leur provision à vie avec les autres puisnez
CCLXXXIX.
Et en ce cas le frere ainé a la succession de son pere et mere, ayeul, ayeule, et autres ascendans, sans en faire aucune part ou portion hereditaire à ses freres puisnez.
Il paroit par cet Article que l’on gagna peu de chose en faveur des puisnez, en leur faisant donner le tiers en proprieté, puisque le pere peut éluder cette disposition, en les forçant de renoncer au don qui leur est fait, pour les reduire par ce moyen à une provision à vie, et auquel cas le frère ainé à la succession de ses pere, mere, ayeul, ayeule, et autres ascendans, sans en faire part ou portion hercditaire à ses freres puisnez.
CCXC.
Les puisnez renonçans à cette donation n’ont que provision à vie.
Les freres puisnez renonçans à ladite donation ou disposition ne peuvent demander partage à leur frere ainé, ains se doivent contenter de la provision à vie, qui n’est que la troisième partie en l’usufruit des héritages delaissez aprés la mort du pere, mere, ayeul ou ayeule, et consequemment de tous autres afcendans en ligne directe.
Quelque rigoureuse que soit cette Coûtume, elle est neanmoins exactement observée : Mr Côté, sieur de S. Suplix, Maître des Comptes à Roüen, n’ayant que deux fils, disposa d’une petite portion du tiers de son bien qui êtoit en Caux, au profit de Charles Côté son fils puisnés aprés la mort ce puisné donataire refusa d’accepter cette donation, et demanda non seulement la proprieté du tiers des biens en Caux, mais aussi son partage dans les biens situez dans la Coûtume generale. Mr Me Pierre Côté, sieur du Ménil, fils ainé, soûtenoit que suivant cet Artiele et les deux précedens, si son puisné donataire ne vouloit pas accepter la disposition du pere, il ne pouvoit avoir le tiers que par provision à vie, et qu’en ce cas toute la succession de leur pere luy appartenoit, sans être tenu d’en faire aucune part ou portion hereditaire à son puisné ; et pour les biens qui étoient hors Caux son frere ne pouvoit y demander part, que suivant l’Arts 294. c’est à dire en renonçant à la provision à vie sur les biens en Caux : Par Sentence donnée aux Requêtes du Palais, il fut dit que le testament du pere seroit executé ; ce qui fut confirmé par Arrest du 3 d’Aoust 1641.
CCXCI.
Tous les puisnez ensemble ne peuvent audit cas demander plus d’un tiers pour leur provision, laquelle aprés le decez de tous les puisnez retourne à l’aîné, sans que leurs enfans y puissent prétendre aucune chose.
Tous les puisnez, quelque nombre qu’ils soient, ne peuvent demander que le tiers pour leur provision à vie ; la proprieté aprés leur mort retournant à l’ainé, leurs enfans n’y peuvent rien prétendre : Bérault estime qu’il y a lieu d’accroissement entre les puisnez pour cette provision à vie, et que si l’un d’eux vient à mourir, la portion dont il joüissoit ne sera pas éteinte au profit de l’ainé, mais qu’elle accroitra aux autres puisnez. Ce qu’il induit de ces paroles ( aprés le decez de tous les puisnez, ) ce qui veut dire que la proprieté du tiers dont les puisnez joüissent ne retourne à l’ainé qu’aprés le decez de tous les puisnez ; mais on oppose au contraire que ce n’est pas le sens de cet Article, et qu’il est bien vray que le tiers dont tous les puisnez joüissent par provision, ne retourne entièrement à l’ainé qu’aprés le decez de tous les puisnez, mais qu’il ne s’ensuit pas qu’en attendant, la portion du puisné qui décede ne retourne à l’ainé comme étant éteinte, puisque chaque puisné a sa portion separée, ce qui empesche le droit d’accroissement, car entre les alinentaires et les legitimaires le droit d’accroissement n’a point de lieu, 1. Dominus 8i. D. de usuf.
Brodeau sur sur Mr Loüet, 1. D. n. 44. L’opinion de Berault est fort équitable, mais dans la rigueur elle ne seroit pas suivie.
CCXCII.
La provision à vie se paye par l’ainé de tels biens qu’il veut.
Ne peuvent les puisnez pour leur provision contraindre le frere ainé ou ses enfans à partager les fiefs, mais se contenteront de rotures, et de tous autres biens qu’il leur pourra bailler, revenans neanmoins à la valeur qui leur peut appartenir.
On ne peut douter que l’ainé ne soit obligé de fournir en essence aux puisnez leur provision à vie, mais il a cette faculté de leur bailler tel bien qu’il luy plaist, et les puisnez sont contraints de s’y contenter, pourvû que ce qu’il leur baillera revienne à la valeur de ce qui leur appartient.
CCXCIII.
Avantage de l’ainé, quand il y a biens assis en Caux et hors Caux.
Si en ladite succession y a héritage assis partie en lieux où l’on use de la Coûtume de Caux, et partie hors la disposition d’icelle, l’aîné prend tout ce qui est en Caux ; et outre il partage avec les freres les biens qui sont hors Caux, et a le choix par préciput, si bon luy semble, tout ainsi que s’il n’y avoit point de biens en Caux.
CCXCIV.
En ce cas les puisnez ont le choix de demander provision aux biens situez sous la Coûtume de Caux, ou bien prendre partage aux biens situez hors ladite Coûtume, en l’un des six autres Bailliages : et en prenant l’un ils perdent l’autre. encore que le partage fût sis en bourgage.
On acheve dans ces deux Articles de rendre la condition des puisnez fort dure et fort facheuse lorsqu’ils refusent d’accepter la disposition de leur pere, si dans la succession il y a des biens en Caux et hors Caux, les puisnez n’ont point de provision sur les biens en Caux, l’ainé prend tout Je qui est en Caux, et il partage encore avec ses freres les biens qui sont hors l’etenduë de la Coûtume de Caux, et même s’il n’y avoit qu’un fief il pourroit le prendre par préciput, ainsi que sil n’y avoit point de biens en Caux.
Il est vray qu’en ce cas les puisnez ont le choix de demander provision sur les biens situez sous la Coûtume de Caux, ou de prendre partage aux biens situez hors ladite Coûtume, mais en prenant l’un ils perdent l’autre, ainsi le pere peut rendre leur condition fort mauvaise.
C’étoit assez de permettre aux peres la pleine disposition de ce tiers, mais au moins on devoit renfermer l’effet de cette disposition dans la Coûtume de Caux ; cependant il peut disposer, en sorte que ses puisnez sont forcez d’abandonner la part qui leur appartient dans les biens situez dans la Coûtume generale, ou de perdre leur provision à vie sur les biens en Caux.
On excuse cette grande rigueur par cette raison, que dans l’ancienne Coûtume le pere t avoit l’entière disposition de ce tiers, et qu’il pouvoit le donner en tout ou partie, comme il luy plaisoit : On n’a point trouvé jusqu’à present de moyen d’adoucir une loy si dure, et quoy que dans la cause de Mr Côté il s’en presentât un sujet tres-favorable, parce que l’on voyoit un ouisné reduit à un partage tres, mediocre, ou à se contenter d’une provision à vie, et de à l’autre part un ainé qui recueilloit une opulente succession en vertu de la disposition testamentaire du pere, néanmoins la loy s’expliquoit si ouvertement en faveur de l’ainé que l’on ne pût y donner atreinte.
CCXCV.
Quand le pere ou autres ascendans n’ont disposé du tiers, comment se partage la succession.
Mais si lesdits pere, mere, ou autres ascendans décedent sans disposition ou restament, le tiers de toute la succession appartiendra proprietairement aux puisnez ; demeurant neanmoins à l’aîné le Manoir et pourpris, sans aucune estima-tion ou recompense.
Dans cet Article la condition des puisnez commence à devenir meilleure, car quand le pere n’a point disposé du tiers la proprieté en appartient aux puisnez, et c’est ce qui compose la troisième partie de ce Titre.
Par cet Article on a corrigé la rigueur de lancienne Coûtume qui ne donnoit que le tiers à vie ; mais la condition des puisnez êtoit encore plus dure au comencement, parce qu’ils n’avoient rien du tout que ce qu’il plaisoit aux ainez de leur donner ; ss en étoient quittes en les nourrissant à leur discretion, et plûtost comme des valets que comme des freres. On observoit une loy semblable dans la Bretagne, suivant l’Assise du Duc Godefroy de l’année 1185.
Artus, premier Duc de Bretagne ; touché par les desordres que cette loy rigoureuse faisoit naître, ordonna que le tiers des biens seroit affecté aux puisnez à vie : Et en cette Province par un ancien Arrest du Parlement du 24 de Janvier 1521. on commença d’adoucir la dureté de nôtre Coûtume, on ordonna que les puisnez auroient le tiers à vie, déduction faite de la portion des filles ; et enfin par cet Article on leur a donné le tiers en proprieté, Bibliothec. lu Droit François, in verbo ( Doüaire ) p. 1049.
Ce n’est point une question douteuse en cette Province que le pere peut changer la nature de son bien, même depuis la naissance de ses enfans, et qu’il est en sa liberté de mettre hors B Caux ce qui êtoit en Caux, ou au contraire de placer en Caux ce qui n’y étoit pas, jugé en c la Chambre des Enquêtes le 1o de Juin 1833. entre les nommez Coupel, et par un autre E Arrest précedent du s de Février 1626. entre du Bois et le Boucher. Bérault écrit sur cet Article que les puisnez ont le tiers en pioprieté, tant sur les fiefs que sur les rotures ; cela est vray si l’ainé n’a point pris un fief par préciput, car il le peut fairé comme en la Coûtume renerale a auquel cas s’il n’y avoit point d’autres biens les puisnez n’auroient que le tiers à vie.
CCXCVI.
Dans quel temps, et par quel prix l’aîné peut retirer le tiers des puisnez.
L’aîné pourra retirer ledit tiers un an aprés le décez de son pere, s’il est majeur, ou s’il est mineur, un an aprés sa majorité, en payant le denier vingt pour les terres roturières, et le denier vingt-cinq pour les fiefs-nobles : ce que pareillement pourront faire les tuteurs des enfans de l’aïné, s’il décede devant son pere, ou auparavant que d’avoir fait ladite déclaration, sans pour ce payer reliefs ne treixième.
Par cet Article l’ainé, lorsqu’il est majeur, ou s’il est miheur un an aprés sa majorité peut vetirer le tiers appartenant à ses puisnez : On a douté si les enfans de l’ainé pouvoient avoir cette faculté ; la raison de douter étoit qu’en la seconde partie de cet Article on ne donne ce pouvoir qu’au tuteur des enfans de l’ainé, et non aux enfans dont on ne parle point ; que si l’intention de la Coûtume eût été d’accorder ce privilege, tant à l’ainé qu’à ses enfans, elle eût repeté premièrement comme en la clause précedente, que non seulement le tuteur des enfans de l’ainé, mais aussi les enfans devenus majeurs pouvoient rembourser ce tiers, ce qui n’étant point sjoûté il faut s’attacher aux termes, vû que c’est la rigueur du droit ; verbis est inherendum cum statuta sint stricti juris, ce qui peut être soûtenu par ces exemples : En succession de freres l’ainé a préciput tant en propres qu’aux acquests, Articles 243. et 318. mais son fils venant par representation avec son oncle n’a pas cette prerogative en la succession aux acquests ; et entre neveux et arriere, neveux les décendans de l’ainé n’ont aucun préciput, Article 320. mais I faut dire que casus quos nectit paritas rationis et identitas aequitatis non sunt separandi quoad uris difpositionem. l. Item 22. 5. ait Senatus de petend. hered. D. Que si cette faculté est donnée aux tuteurs des enfans mineurs, elle ne peut être refusée aux enfans majeurs. On a formé cette question, si dans le Bailliage de Caux les enfans de l’ainé succedans à leur ayeul sont obligez de retirer le tiers appartenant en proprieté à leur oncle, frere puisné de leur pere dans l’an et jour du décez de leur ayeul, comme leur pere, s’il avoit survécu, et qu’il eur té mineur auroit eu le temps de sa majorité, ses enfans doivent avoir le même temps de leur majorité ; Le sieur de Groménil. Canonville laissa deux fils, Gabriel qui avoit épousé Dame Madeleine, et Antoine, intimé. L’ainé mort avant son pere laissa des enfans, dont la mere fut insti-tuée tutrice ; le sieur de Groménil mourut le 13 de Mars 1618. le 2é d’Avril ensuivant on quitta à l’intimé pour son tiers la terre d’Oudale, à condition de la pouvoir remettre aux mineurs, en luy payant vingt-deux mille cinq cens livres dans le temps porté par la Coûtume.
La tutrice ne la retira point dans l’an et jour du decez du pere : Antoine de Canonville ayant rendu les bois étans sur cette terre, fut permis de les livrer nonobstant l’opposition de la tutrice, dont appel. Elle disoit que la Coutume de Caux ayant donné cette faculté à l’ainé dans l’an de sa majorité, quand il est mineur lors de la succession échûé la même faculté appartient aux enfans de l’ainé, s’ils sont mineurs. L’intimé répondoit que la Coûtume nouvelle tempéré la rigueur de l’ancienne ; cette prolongation de temps, quand l’ainé est mineur, est personnelle pour luy et non pour les siens, ce qui est sagement ordonné, parce que si l’ainé est mineur, ses puisnez le sont aussi necessairement, et pour rétirer le tiers il faudroit vendre de son bien, et il pourroit arriver que ce qui auroit été vendu luy seroit moins utile que ce qui auroit été rétiré, et ogroit aussi en peine de rembourser les deniers des puisnez provenans de leur tiers ; c’est pourquoy la Coûtume a remis la faculié de retirer aprés la majorité de l’ainé, parce qu’alors il est en âge de discretion pour user de son droit s’il y rencontre de l’avantage. mais les puisnez étant majeurs, si l’ainé est vivant, comme il est necessairement majeur, la Coûtume ne luy donne que l’an du décez du pere ; que s’il est mort et ses enfans mineurs, comme ils ne viennent qu’à sa representation ; il n’est pas juste que les puisnez majeurs attendent la majorité de leurs neveux, et qu’ils soient privez de la liberté de disposer de leur bien jusqu’aprés leur majorité : La Coûtume s’est assez nettement expliquée par ces paroles, ce que parcille ment pourront faire les tuteurs des enfans de l’ainé, s’il décede avant son pere, ou avant que d’avoir fait la déclaration de vouloir retirer le tiers ; d’où il s’enfuit que l’ainé décedant et laissant des mineurs, les tuteurs sont tenus de le retirer dans l’an et jour de la succession échûë Si les enfans de l’ainé avoient cette faculté, et qu’elle fût prorogée jusqu’à l’an de leur majorité, inutilement la Coûtume auroit dit que leurs tuteurs le pourroient faire ; car quand ils seroient majeurs, ils clameroient et rembourseroient eux-mêmes et non leurs tuteurs, dont il s’ensuit que si les tuteurs des enfans de l’ainé ne se servent de cette faculté dans l’an du decez ils n’y sont plus recevables.
Que si la raison de l’appelante avoit lieu, un puisné n’auroit jamais la libre joüissance de son bien, puisque si les enfans de son ainé n’étoient âgez que d’un ou deux ans, il faudroit atrendre vingi ans, et s’ils laissoient des enfans mineurs, il faudroit encore attendre leur majorité.
La Coûtume en l’Article 254. permet aux enfans mâles dans l’an et jour du decez du pere ou mece, de revoquer les donations par eux faites en faveur de mariage, qui excedent le tiers, ou dans l’an de leur majorité s’ils sont majeurs ; si les enfans mâles décedoient avant leur pere et mere, et u’ils laissassent des mineurs, il ne seroit pas raisonnable que les tantes attendissent la majorité des neveux pour la validité de leurs donations en faveur de mariage.
La même Coûtume, Article 457. dit que l’an et jour du retrait court aussi-bien contre le mineur que contre le majeur, sans espèrance de restitution ; il n’y a point de différence entre le retrait lignager et ce retrait du tiers en Caux, l’an et jour court donc aussi-bien contre les mineurs que contre les majeurs, réservé le cas exprimé par la Coûtume pour la personne de l’ainé qui est mineur.
Les prescriptions legales et coûtumieres obligent les majeurs, et courent à leur préjudice aussipien que des mineurs, s’ils ne sont réservez par la loy ; c’est pourquoy la Coûtume de Paris. les excepte nommément
Les mineurs sont favorisez par la loy, quand il s’agit de leur bien ou de leur faire souffrir quelque perte ; mais quand il s’agit de leur profit ils ne sont non plus favorisez que les majeurs, et en ce cas ils ne meritent point de faveur interpretative, et il en est de même que pour la déclaration de préciput, si l’ainé est mineur et que son tuteur permette la confusion des successions pa-cernelles et maternelles, avant que d’avoir fait sa declaration d’option de préciput, il en est privé, fauf son recours sur son tuteur, Article 349.
En cela le mineur n’est point favorable, la loy n’a point voulu attendre sa majorité, c’est une occasion d’acquerir, s’il ne s’en est pas servi il en est privé et n’y peut revenir.
Par la loy Pupillus qui heres extieit majori quae à majore finita sunt in disceptationem revocare non duber, il n’a point plus de faveur à l’égard des contrats et actes faits par le défunt qu’il avoit de sa personne ; la condition de ceux qui tombent en affaire avec les mineurs, à raison de la suc ession d’un majeur, ne doit point être changée ni renduë plus mauvaise en faveur du mineur qui n’a le privilege de la restitution que pour les actes et contrats qui sont faits avec luy, dans vesquels il a été surpris par l’imbecillité de lon âge, l. 2. Cod. de his quibus ut indionis hered. Par la loy AEmilius ff. de minoribus, les tuteurs d’une mineure ayant laissé perdre un héritage acquis par son pere, en consequence d’une Loy Commissoire qui tomboit dans le temps de sa minorité, quoy que le Jurisconsulte Paulus estimât qu’il avoit été bien jugé de l’avoir refusée de la restitution en entier, toutefois l’Empereur fut d’un sentiment contraire, quia Lex Commissoria lisplicebat et, pronuntiaoit in integrum restituendam, & quia tutores suspecti pronuntiati érant, qu non restitui desiderassent, lequel decret fut donné par l’Empereur à cause de la perte qu’eût faite la mineure par la rigueur de la Loy Commissoire, ou par la faute de ses tuteurs.
On dit pour les enfans de lainé que la Coûtume luy donnant cette faculté dans l an de sa minorité, il la transmet à ses enfans et heritiers quand Ils sont mineurs.
La cause plaidée le 27 de May 1622. fut appointée au Conseil, et depuis terminée par accord entre les parties.
La question que Berault avoit agitée sans en rapporter de décision, sçavoir si l’ainé en vertu de cet Article peut rembourser le tiers aux puisnez donataires, a été depuis décidée. Il avoit été jugé le 3 de Février 1633. au profit de Me Nicolas le Boulanger Avocat en la Cour, que la donation du tiers faite aux puisnez ne privoit point lainé du droit qu’il a de le remboutserr mais cet Arrest fut donné sur des circonstances particulieres, et c’est pourquoy cette même question s’étant offerte entre les sieurs de Ricarville, elle fut reglée sur la These generale le 13 d’Aoust 1665. en l’Audience de la Grand. Chambre, plaidans Theroulde et Maurry, et il fut dit que l’ainé ne pouvoit rembourser le tiers quand les puisnez en sont donataires. On avertit les Avocats de n’en douter plus, et depuis on en a fait un Reglement, Article 58. duE Reglement de l’année 1666. On s’est fondé sur ce que cet Article suit immediatement celuy P qui porte que si le pere décede sans avoir fait aucune difposition, le tiers appartient aux enfans : à D’où l’on infere qu’en cet Article la Coûtume ne donne ce privilege à l’ainé que quand le vèere n’a point disposé du tiers, et non pas lorsqu’il l’a donné, en ce cas les puisnez ne doivent pas être de pire condition qu’un étranger, qui ne pourroit être forcé par l’ainé de reces voir le remboursement de la donation qui luy seroit faite. On n’accorda ce privilege aux ainez que pour les recompenser de la proprieté du tiers que l’on donnoit aux puisnez, un cas que de pere n’en eût pas disposé. On disoit pour les ainez que cette Coûtume les favorisant par toutes ses dispositions, il faloit dans les choses douteuses suivre cette inclination qu’elle avoit pour eux et les expliquer à leur avantage, et puisqu’elle n’accordoit tant de prerogatives aux ainez que pour conserver les familles, on ne pouvoit mieux executer ses intentions qu’en empeschant le démembrement des terres ; que cet Article n’avoit pas lieu seulement au cas que le pere n’eût point disposé du tiers, ce mot sledit tiers ) ne se référant pas seulement à l’Article récedent, mais generalement au tiers en Caux : Les parties étoient Nicolas de Ricarville ainé, et François de Ricarville, et un autre frere puisné, donataires du tiers. Si la mere êtoit décedée, bien que le pere joüit de tout le bien à droit de viduité, l’ainé voulant rembourser le tiers de la succession maternelle à ses puisnez, seroit tenu d’agir dans l’an et jour.
Aprés le remboursement fait par l’ainé si les puisnez acquierent d’autres héritages en Caux, et qu’aprés ils décedent sans enfans, on demande de quelle nature on reputera ces biens acquis ; si ce sera un acquest pour être partagé également entre l’ainé et les puisnez, ou un propre dont l’ainé auroit les deux tiers ; Il ne faut point douter que ces acquisitions ne tiennent nature de propre, comme étant un remploy du tiers, et que par consequent ils ne doivent pas se parta ger selon la Coûtume do lieu de leur situation : Il faut dire le même, si le pere avoit donné et limité à ses puisnez une somme d’argent pour leur legitime, et que l’ayant acceptée ils l’eussent puis aprés remployée en Caux, en tous ces cas l’ainé y auroit les deux tiers : Si au contraire les puisnez l’avoient remplacée hors Caux, on le partageroit selon la Coûtume du lieu sans considerer sa premiere origine, Article 67. du Reglement.
Cet Article regle le prix du remboursement au denier vingt pour les rotures, et au denier ingt-cinq pour les fiefs : Cela ne fait pas une regle pour toutes estimations, mais comme ce remboursement est permis à lainé pour son avantage, il est juste qu’il paye les choses selon leur véritable et ordinaire valeur.
CCXCVII.
Mariage des filles sur quels biens doit être pris.
Les filles seront mariées sur les meubles delaissez par les pere, mere, et autres ascendans, s’ils le peuvent porter : et où ils ne seroient suffisans, le mariage se payera à la proportion de toute la succefsion, tant en Caux, Bourgeoisie, que hors Caux, pour la part qui écherra tant à l’aîné que puifnez
La Coûtume de Caux a favorisé lainé en toutes rencontres, pour le décharger de la contribution au mariage de ses soeurs ; elle ordonne qu’il sera pris for les meubles qui doivent être partagez également entre les freres, et par ce moyen sa contribntion en est beauooup moindre, car si le mariage eût été levé sur toute la masse de la fuccession il en auroit payé la plus grande part, à cause de son préciput et de ses deux tiersa
Il fe mût question entre les sieurs de civil freres, pour fçavoir fi lorsqu’il y a plusieurs seurs à marier et quand les meubles ne peuvent porter que le mariage de l’ainée, ils doivent être emp ployez pour le payement de son mariage : ou si étans trois filles on prendroit la tierce partie sur les meubles et le reste sur l’immeuble ; L’affaire ayant été partagée en la Chambre de l’Edit, et depuis départagée en la Grand-Chambre, il fut dit que le mariage de l’ainée seroit pris entie rement sur les meubles, sauf à prendre le mariage des autres sours sur les immeubles : Mr Châlons Rapporteur, M de Toufreville-le-Roux Compartiteur, à l’avis duquel il passa, par Arrest du mois d’Avril 1651
Cet Article étant placé dans le Titre de la Coûtume de Caux, sa disposition doit être renfermée dans son Térritoire : ce n’est qu’en ce lieu-là que le mariage des soeurs doit être pris sur les meubles ; car dans la Coûtume generale les freres partagent les meubles également, et suivant l’Article 364. ils contribuent aux mariages de leurs seurs, selon qu’ils prennent plus ou moins en la succession
Il faut donc pour donner lieu à l’execution de cet Article que le pere eût lors de son decez son s domicile en un lieu où la Coûtume de Caux fût observée, parce que les meubles suivent la loy du domicile de celuy à qui ils appartiennent.
Cependant comme dans l’etenduë du Bailliage de Caux il y a plusieurs villes et plusieurs lieux en bourgage, on a fait souvent cette question, si l’ainé peut se prévaloir de cet Article lorsque le pere décede en un lieu de bourgage : L’ainé prétend que cette disposition pour les meubles étant generale ; elle doit être observée sans distinction dans tous les lieux qui sont situez dans le Bailliage de Caux, que les lieux de bourgage n’étant point exceptez, il faut suivre la loy generale qui est établie pour tout le Territoire dans lequel ils sont renfermez ; mais on répond pour les puisnez qu’il y a une loy generale établie pour le partage des biens en bourgage, tant meubles qu’immeubles, à laquelle on n’a point dérogé par aucun Article de la Coûtume de Caux : Suivant cette Coûtume l’ainé a les deux tiers des héritages qui sont situez dans l’etenduë. de son Territoire, et neanmoins quoy que cette disposition soit generale, les ainez n’ont jamais prétendu les deux tiers des biens qui sont en bourgage bien qu’ils soient dans les limites de la Coûtume de Caux. Il faut dire pareillement que l’on n’a point dérogé par cet Article à la loy du partage pour les meubles que l’on repute être en bourgage, et y avoir leur situation, lorsque celuy qui les possedoit avoit son domicile en un lieu de bourgage ; il n’y a pas d’apparence que les héritages assis en des lieux qui font partie du Bailliage de Caux soient partaez également lorsqu’il y a bourgage, et que les meubles qui se trouvent dans les mêmes lieux, et qui sont reputez de même nature, fussent partagez comme ceux qui sont sous la disposition de la Coûtume de Caux, et cela me paroit sans difficulté.
CCXCVIII.
Pourvoy des filles ayant vingt-cinq ans contre leurs freres negligens de les marier.
Et où lesdits freres seroient negligens de les marier, elles se pourront marier ayant atteint l’age de vingt. cinq ans, par favis de leurs parens et amis, qui ne pourront estimer le mariage de chacune fille à plus que l’une des portions des puisnez.
CCXCIX.
Les soeurs sont en la garde de l’aîné, et les puisnez contribuent à la nourriture.
Le fils ainé aura la garde de ses soeurs jusques à ce qu’elles se marient, en contribuant par les puisnez à la nourriture et entretenement, au prorata de ce qu’ils auront de la succession.
CCC.
Comment l’aîné succede au puisné.
Si aucun des puisnez décede sans enfans, l’aîné aura les deux tiers aux biens de la succession paternelle, et les puisnez l’autre tiers.
Il y a beaucoup d’apparence qu’autrefois dans toute la Normandie l’ainé avoit la succession entiere du puisné qui mouroit sans enfans ; carLithleton , l. 1. 8. 5. rapporte nôtre ancienne Coûtume en cette manière. Item si soient trois freres, et le minin frere pourchasse terre en fersimple et deuy sans issué, leigné frere avera la terre qui décend, et nemi le puisné pur ceo que leigné est plus digne de sang.
Quelques-uns ont estimé que pour donner lieu à la disposition de cet Article, il faloit qu’il restât un des freres puisnez en vie, pour empescher l’ainé de prendre la succession entière du frere puisné qui seroit mort sans enfans, et pour cet effet on se sert des dernieres paroles de cet Article, qui portent que l’ainé a les deux tiers et les puisnez l’autre tiers ; d’où l’on argumentoit que cet Article étoit au benefice seul des puisnez et non point de leurs enfans. Cela Et naître un procez entre les nommez le Poulletier. Me le Poulletier, Curé d’Estouteville, étant mort, sa succession fut prétenduë par les enfans d’un frere puisné d’une part, et par son frère ainé, qui soûtenoit que cet Article n’avoit lieu que quand il restoit des freres n puisnez vivans, et ayant obtenu Sentence aux Requêtes du Palais, sur lappel des enfans du frere puisné la cause fut appointée au Conseil : Les mieux versez dans la Coûtume de Caux ne doutent pas que quand il reste un frere vivant, l’ainé ne peut avoir que les deux tiers dans la succession du puisné, parce qu’en ce cas il s’agit véritablement de partager la succession d’un frère. f La Coûtume ne parlant que des puisnez, on a douté si la dot d’une seur décedée sans enfans devoit être partagée comme celle d’un puisné, pour y donner les deux tiers à l’ainé, et aux puisnez l’autre tiers : La raison de doutor êtoit que suivant l’Article 297. la sour avoit été mariée n de meubles, qui se partagent également entre les frères, mais cette question se décide par cette raison, que cette dot est un immeuble remplacé sur les imieubles du mary ; que si ses biens sont situez en Caux, c’est une rente qui se partage selon la loy du domicile du maty debiteur l comme les autres rentes ; que si ses biens sont en bourgage ou dans la Coûtume generale, la rente est divisible également entre les freres : ainsi jugé en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr de Toufreville-le-Roux, entre les sieurs du Bourguer, le 30 de Juin 1655.
On pouvoit dire qu’il faloit distinguer lorsque le mariage avoit été pris sur les immeubles, et qu’en ce cas la rente dotale se partageoit selon la nattre des biens du mary ; mais quand il avoit été payé des meubles de la succession, comme les freres y avoient contribué également, cette dot leur devoit retourner à proportion, ne leur retournant pas à droit successif, mais par un droit de reversion : mais la succession d’une feur n’est pas d’autre nature que celle des freres, et puisqu’en celle-cy l’ainé n’a que les deux tiers, il ne peut demander plus grande parti en celle de la soeur. Pour les acquests l’ainé n’y a point davantage, ils se divisent également entre les freres, et par Arrest du 12 de May 1659. entre de Beaucousin et autres, il fut jugé que les acquests de l’oncle situez en Caux se partagent par teste entre les neveux, fils des freres puisnez, et les filles de l’ainé.
Cette distinction seroit bonne si la soeur n’avoit point êté mariée, en ce cas les freres ne luy devant qu’une provision, et la proprieté ne luy appartenant point, par sa mort il se feroit une extinction de cette provision, et par ce moyen chaque frère demeureroit déchargé de la portion ù laquelle l’ainé contribuoit : Ce qui fut jugé de la sorte par l’Arrest du sieur de Bailleul, rapporté sur l’Article 268. et les parties en cet Arrest étoient domiciliées en Caux ; mais quand la seur par son mariage a acquis la proprieté de sa dot, comme elle pouvoir, ou son mary, la remplacer en tel lieu qu’il leur auroit semblé bon, cette dot doit être partagée selon la Coûtume des lieux où elle est dûë-
Autre Arrest, au Rapport de Mr de Vigneral, du 14 d’Aoust 1656. par lequel il fut jugé qu’un pere nyant constitué une rente sur ses biens, qui étoient tous situez en Caux, pour la dor de sa fille, le frere ainé succedoit aux deux tiers de la rente dotale de cette fille morte sans enfans. Il fut aussi jugé par le même Arrest que la part qui revenoit de cette rente à un puisné aprss la mort de ce puisné sans enfans, retournoit à l’ainé comme d’une ancienne succession collaterale Cette question s’offrit entre Mr Bouchard, Conseiller en la Cour, et le sieur de Côtecôte son neveu, fils de son frere, pour la reversion de la dot de la Demoiselle de Chefderuë que edit sieur de Côtecôte, fils du frère ainé, prétendoit avoir entièrement, comme ayant été consignée sur les biens du sieur de Chefderuë tenans nature de Caux : Il se fondoit sur ces deux maximes ; la premiere, que les rentes constituées se partagent selon la nature des biens des obligez ; et la seçonde, que par l’Article 303. le frère ainè a l’ancienne succession de ses parens collateraux, sans en faire part à ses puisnex. Le sieur Bouchard répondoit qu’ayant payé la moitié du mariage de la soeur, il faloit en partager également la reversion, qu’il n’étoit pas raisonnable qu’il en eût payé la moitié pour en faire une constintion sur le mary au profit de son frere. La Coûtume de Caux attribué entièrement à lainé lancienne succession des collateraux, mais la reversion de dot ne peut être appelée ancienne succession aparce qu’en Nor-mandie les filles ne sont point heritieres lorsqu’il y a des mâles, et n’ont rien d’ancienne succession ; ce que leur pere ou leurs freres leur donnent pour leur dot, qu’elles prennent ordi-nairement sur leurs meubles, ne peut être reputé ancienne succestion, ces mots peuvent être entendus des héritages et immeubles qui sont faits propres en la famille, et qui s’y sont conser-vez long-temps. Par la disposition du droit la dot retourne à celuy qui l’a donnée ; dos à parre profecta, si in matrimonio decesserit mulier filia-familias, ad patrem rédire debet. l. dos à patre. C soluto matrimonio. Dos quemadm. pet. il n’étoit point question de partager une rente, le mars n’étoit debiteur aux frères de sa femme que d’un denier qu’il avoit reçû d’eux également, et Je rendant aprés la dissolution du mariage, il doit être partagé également. jur cette question d’entre les sieurs Bouchard, par Sentence des Requêtes du 1é d’Aoust 1619. il fut ordonné que les parties auroient delivrance chacune par moitié des deniers consignez, et au principal reglez à écrite ; mais j’ay appris que par Arrest les deux tiers furent ajugez à l’ainé, ce qui a été aussi jugé par l’Arrest des sieurs du Bourguet dont je viens de parler.
On a fait cette question, si le pere ayant disposé du tiers en Caux en faveur des puisnez, et les ayant substituez les uns aux autres, aprés la mort du pere et les partages faits entre les puisnez, l’un d’eux mourant sans enfans la succession sera divisée également entre les puisnez ou si l’ainé des puisnez y aura les deux tiers ; La raison des puisnez est que cette succession leur est déférée par la disposition du pere et non par celle de la loy ; or cette substitution appelloit tous les puisnez sans distinguer pour quelle part elle leur appartient, jure accrescendi non jure hereditario : On dit au contraire que cette disposition du pere pour le tiers n’a d’autre but que d’en exclure l’ainé, pour faire succeder reciproquement les puisnez les uns aux autres, que cela neanmoins n’empesche pas que la Coûtume ne soit suivie ; on peut même douter si le pere l’aurois pû, mais qu’en tout cas ne l’ayant point fait il faut en demeurer dans le droit commun. Le pere étant le maître absolu de ce tiers, et pouvant le donner à l’un au préjudice des autres, ou le laisser s’également à tous, lorsqu’il en a fait une donation à tous les puisnez, et qu’il les a substituez les l uns aux autres, puisqu’il les a rendus égaux en l’institution, ils le doivent être dans la substitution, et la presomption que son intention a été telle est favorable, parce qu’elle conserve et continuë. à l’égalité qu’il avoit luy : même établie d’abord entre ses enfans :
CCCI.
Part des puisnez, tant en Caux que hors Caux.
Les puisnez ayans ledit tiers en proprieté, pourront neanmoins prendre part aux biens situez hors la Coûtume de Caux.
Il n’y a qu’un seul cas où les puisnez soient exclus de prendre past aux biens qui sont situez hors la Coûtume de Caux, sçavoir lorsqu’ils renoncent à la donation qui leur a été faite par leur pere : quand ils l’acceptent ils ont part aux biens qui sont tant en bourgage que dans la Coûtume generale, ils la prennent aussi suivant cet Article, lorsqu’ils ont le tiers en proprieté par la disposition de la loy-
J’ay remarqué sur l’Article 280. qu’encore que les puisnez soient substituez les uns aux autres, cette lubstitution ne leur lie point les mains, et qu’ils peuvent changer la qualité et la situation de leurs biens ; mais autrefois on a revoqué en doute si le pere avoit cette même liberté, la raison de douter êtoit qu’il ne peut avancer l’un de ses enfans plus que l’autre, ce qu’il feroit neanmoins fort aisément s’il convertissoit une roture en fief ; ou s’il remplaçoit dans la Coûtume de Caux les héritages qu’il possedoit dans la Coûtume generale : Suivant l’Arrest de la Masure, rapporté par Me JosiasBérault , on a jugé que le pere pouvoit avec liberté disposer de son bien selon qu’il le jugeoit à propos. La même chose fut jugée en la Chambre des Enquêtes le 14 de Juin 1633. Le fait étoit que Robert Coupel ayant vendu le bien de Madeleine de la Lande sa femme, qui étoit situé dans la Province du Mayne, il le remplaça sur les biens qu’il avoit en Normandie. Madeleine, Marie, et Marguerite Coupel aprés le decez de leurs pere et mère demanderent partage en ces biens, prétendans que la sente et le remplacement qui en avoit été fait en Normandie ne leur avoit point fait changer de nature, et qu’ils devoient être reputez à leur égard comme biens du Mayne, ce qui leur fut contesté par Loüis Coupel leur frere. L’affaire portée en la Cour, par l’Arrest sur l’action en partage, les parties furent mises hors de Cour. On vit sur le Registre un autre Arrest pareil, donné en. l’Audience de la Grand-Chambre le s’de Février 1626. entre du Bois et le Boucher. C’est maintenant une jurisprudence certaine que les héritages se partagent selon la Coûtume des lieux où ils sont situez lors de la succession échûë, et non selon la Coûtume des lieux où étoient situez ceux ausquels ils sont subrogez, Article 67. du Reglement de l’année 1666.
CCCII.
La part des puisnez, quand il ny a qu’un fief-noble.
S’il n’y a qu’un fief-noble en ladite succession sans rotures, les puisnez n’y auront que leur tiers à vie, suivant la disposition de la Coûtume generale, et outre ont part és autres lieux-
La soeur ainée n’auroit pas ce même avantage, mais la fille du fils ainé auroit les mêmes prerogatives en Caux que dans la Coûtume generale. En explication de cet Article on a demandé si en Caux l’ainé prenant un fief par préciput, et les puisnez luy abandonnans les rotures pour avoir le tiers à vie, le Manoir et pourpris du fief pouvoit être levé par l’ainé, avant que de faire Le delaissement du tiers aux puisnez ?
Quand il n’y a qu’un fief en la succession il appartient à l’ainé suivant la Coûtume generale, et suivant cet Article, en celle de Caux ; quelques-uns sont d’opinion que les puisnez étoient obligez de prendre les rotures, quelque mediocre qu’en fût la valeur, mais cette opinion n’est pas équitable : La question est plus difficile, si l’ainé peut distraire le Manoir et pourpris Sans le comprendre dans l’evaluation du fief : si l’ainé prenant le fief en quoy toute la sucression consiste par préciput, et si l’on en distrait encore le Manoir et pourpris, il aura an double avantage et un double préciput dans une même succession ; Par cet Article s’il n’y a qu’un fief, noble en Caux sans roture, les puisnez n’y auront que le tiers à vie suivant la Coûtume generale. Or la Coûtume generale ne fait point de distraction du Manoir et pourpris avant que de bailler le tiers aux puisnez, et ces paroles ( suivant la Coûtumegenerale ) semblent voir été ajoûtées pour prévenir cette difficulté ; car lorsque la Coûtume veut exempter le Manoir et pourpris, soit de la disposition du pere, soit du partage, elle y apporte toûjours cette exception ; par l’Article 279. elle permet au pere de disposer du tiers, c est à cette condition. que le Manoir et pourpris demeurera en intégrité à l’ainé, et en l’Article 295. en accordant le tiers en proprieté aux puisnez, elle ajoûte que le Manoir et pourpris demeureront neanmoins à l’alné : D’où l’on doit conclure que la Coûtume n’ayant point apporté cette exception en cet Article, au contraire étant dit expressément que l’ainé prenant le fief par préciput, les puisnez ont leur provision à vie, suivant la Coûtume generale ils la doivent avoir, et par toutes les dispositions de ce Titre jamais les puisnez n’ont le tiers en proprieté que l’on ne fasse distraction du Manoir et pourpris n faveur de l’ainé, et comme la Coûtume s’en est expliquée si précisément par tout, il n’étoit pas necessaire d’en faire une exception particulière en ce lieu, et ces paroles ( les puisnez ont le tiers à vie selon la Coûtume generale ) signifient seulement qu’ils n’ont rien en proprieté, mais seulement un tiers vie suivant la Coûtume generale : Pour resolution il faut dire que quand il n’y a qu’un fief en la succession sans rotures, et que l’ainé le prend par préciput, on en use dans la Coûtume de Caux comme dans la Coûtume generale, et l’ainé ne peut distraire le Manoir et pourpris pour affoiblir le tiers des puisnez : Le préciput de Caux n’est qu’un avantpart que l’ainé ne doit avoit que quand il entre en partage avec ses puisnez, mais lorsqu’il n’y a qu’un fief qu’il retient par préciput, il ne peut pas demander un second préciput. Mais pour ne laisser point d’ambiguité la Coûtume a voulu dire que l’ainé auroit le fief entier, à charge de la provision à vie des puisnez sur le tiers ; on oppose au contraire pour l’ainé que la provision ne doit pas être plus forte que s’ils avoient le tiers en proprieté, que quand ils ont cette proprieté on distrait le Manoir et pourpris au profit de l’ainé ; mais on répond qu’en ce cas ayant le tiers en proprieté, leur condition est plus avantageuse.
CCCIII.
Comment se partage l’ancienne succession des collateraux.
Le frère aîné a l’ancienne succession de ses parens collateraux, sans en faire part ou portion à ses freres puisnez.
On a douté si cet Article s’entendoit des frères, et si l’ainé mourant sans enfans le second auroit toute la succession sans en faire part à ses autres puisnez ; Cet Article est de l’ancienne Coûtume, comme on l’apprend du Style de proceder, Chap. des Successions, Art. 10 comme aussi l’Art. 289. Style de proceder, Chap. 10. Art. 3. L’Article 289. est pour les successions directes, et celui cy pour les collaterales ; de ces deux Articles, lors de la premiere reformation, nos Reformateurs n’en firent qu’un, qui est l’a rticle 279. de la Coûtume imprimée en l’année 1586. lont voicy les mots, le frère ainè a la succession de ses parens collateraux sans en faire part à ses puisnez Depuis la Coûtume ayant été reformée plus exactement, de cet Article 279. on en fit deux, sçavoir l’Article 289. pour les Successions Directes, et l’Article 303. pour les Collaterales : L’Article 289. nous represente l’ancien usage, car si les puisnez ne veulent se contenter de ce qui leur a été donné, l’ainé est saisi de toute la succession en donnant à ses puisnez seulement une provision à vie, mais s’il n’y a point de disposition de la part des pere et mere, les puisnez ont le tiers en proprieté, Article 295. qui est une exception de l’Article 289. On peut dire la même chose de l’Article 300. qui parle des successions collaterales ; bien qu’il soit le premier en ordre, il contient une exception de l’Article 303. comme si l’on avoit écrit que l’ainé a toute ancienne succession de ses parens collateraux, à la réserve de celle de ses freres puisnez, à laquelle il n’a que les deux tiers : En la succession de l’ainé il ne paroit pas raisonnable que le premier puisne pour devenir ainé emporte plus que les deux tiers en la succession de son ainé, que si la Coûtume n’a pas exclud les puisnez, il n’est pas vray-semblable qu’elle ait voulu les priver, il seroit trange que la condition de ce premier puisné fût plus avantageuse que celle de lainé même que la Coûtume favorise en tant de manieres, et qui neanmoins ne prend que les deux tiers en la succession d’un puisné ; noncbstant ces raisons la cause s’étant presentée en l’Audience de la Grand : Chambre, plaidans Giot et Coquerel, entre les nommez Cabeüil, la Cour ordonna.
qu’il en seroit déliberé, et en suite il fut jugé le premier d’Aoust 1624. que le plus ancien des puisnez auroit la succession entière de son ainé sans en faire part à ses puisnez : la même chose fut jugée en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr de Brevedent, le 22 de Novembre de la même année, et depuis la Cour en a fait un Reglement, Article 60. du Reglement de l’année 1666.
Sous ce mot ( d’ancienne succession ; on ne comprend pas la dot ou le mariage des soeurs, comme je l’ay remarqué sur l’Article 300.
Ces paroles ( l’ainè a l’ancienne succession ) semblent donner pretexte à l’ainé de demander la succession entière des puisnez décedans sans enfans, car cette succession n’étant composée que des biens de leurs pere, mère ; ayeul ou ayeule, on peut avec raison lappeler une ancienne succession, qui doit par consequent appartenir entièrement à lainé : mais quand l’Article 300. n’auroit pas décidé le contraire, cet Article combat ouvertement cette prétention ; car si sous ces paroles ( l’ancienne succession de ses parens collateraux ) on eût voulu comprendre la succession des freres, la Coûtume ne se seroit pas expliquée en ces termes, ells n’auroit pas appelé la succession d’un frère la succession d’un parent collateral, puisqu’elle ajoûte que l’ainè a cette succession sans en faire part à ses freres puisnez : Mais elle auroit dit que l’ainè auroit eu l’anciennt succession de ses freres puisnez, sans en faire part à ses autres freres.
Si un puisné mourant sans enfans n’a pour heritiers que les enfans de son frère ainé et les enfans d’un autre frere puisné, on peut faire cette difficulté sur le partage de cette succession, sçavoir si les enfans du frere puisné peuvent avoir quelque part en la succession de leur oncle ; Leur prétention pourroit être fondée sur cette raison, qu’il s’agit de la succession du frère de leur pere, et que par consequent suivant l’Article 300. ils sont capables de succeder pour un tiers ; mais ils en doivent être exclus par les enfans de l’ainé, comme étant une ancienne succession d’un oncle, et l’on ne peut pas dire que ce soit la succession d’un frere, puisqu’il l’y a plus de freres vivans, qu’il s’agit de partager la succession d’un oncle, et que les coheritiers sont ses neveux et non point ses freres.
ARTICLE CCLXXIX. Page 532. ligne 41.
J Ay remarqué sur l’Article 279. la question qui fut mûë entre Mr Baillard, Maître des Comptes à Roüen, et les Demoiselles ses seurs, touchant le droit et la part des filles reservées à partage sur les biens situez en la Coûtume de Caux, mais la cause ayant été appointée au Conseil, elle a été jugée depuis au Rapport de Mr Deshommets le 3r de Mars 1678. et par l’Arrest la Sentence des Requêtes du Palais dont ledit sieur Baillard êtoit appelant a été cassée, et en reformant lesdites Demoiselles Baillard furent privées de prendre part sur les immeubles en Caux, autres que ceux situez en bourgage, sauf à elles à prendre mariage avenant à elles avisent que bien soit, au lieu de partage sar les biens de la succession de leur pere, tant dans la Coûtume generale qu’en celle de Caux, ce qu’elles seront tenuës de déclarer dans la huitaine.
On peut dire véritablement que cet Arrest fut donné multis et magni nominis Senatoribus contradicentibus, et contre le sentiment de tout le Barreau : a l’ouverture du procez les Juges étoient de trois opinions differentes, les uns étoient d’avis de confirmer la Sentence, les autres de considerer les filles reservées comme des puisnez, et leur donner seulement à toutes ensemble le tiers du bien ; le sentiment des autres étoit de priver les filles reservées de prendre part aux immeubles, étant en Caux : les Juges qui tenoient ce party se fonderent principalement sur ces raisons, que dans la Coûtume de Caux il n’étoit point dit que le pere pouvoit reserver ses filles à partage, et que par consequent le cas non exprimé devoit passer pour ômis, casus non expressus habebatur pro omisso, et ce qui faisoit presumer que les Reformateurs n’avoient point eu cette intention, étoit que par l’ancienne Coûtume le tiers du bien appartenoit aux filles, et que cela ayant été changé, et le tiers leur ayant été ôté pour le donner aux puisnez, il n’y avoit pas d’apparence que l’on eût laissé aux peres et meres le pouvoir de les rendre heritières ; mais sur tout ils tiroient une puissante induction de ce que par l’Article 264. de la Coûtume generale, lorsque le frere refuse sans cause legitime d’entendre au mariage de sa soeur elle a partage en la succession de ses pere et mère, mais il n’en est pas de même en la Coûtume de Caux ; car par l’Article 298. quoy que les freres soient negligens de marier leurs seurs, elles peuvent bien se marier aprés vingt-cinq ans par l’avis de leurs parens et amis, à condition toutefois qu’ils ne pourront estimer le mariage avenant de chaque fille à plus qu’une des portions des puisnez : d’où l’on conclud que si dans la Coûtume de Caux il étoit permis de recevoir ou de reserver les filles à partage, on n’auroit pas manqué de punir la negligence des freres comme dans la Coûtume generale, mais tant s’en faut qu’en ce cas les soeurs puissent être reçûës à partage, que la Coûtume de Caux défend expressément aux parens d’estimer le mariage à plus haut que la portion d’un puisné.
Mais nonobstant ces raisons, on avoit tenu jusqu’à present que dans la Coûtume de Caux comme dans la Coûtume generale, les peres et meres peuvent reserver leurs filles à leurs successions, et quoy qu’il soit vray que l’Arrest de Lherminier n’a pas décidé la question, parce qu’il n’e avoit point de filles reservées, néanmoins il paroit par la prononciation de l’Arrest que l’on ne revoquoit point en doute que le pere ne l’esr pû faire ; car c’est une maxime que toutes les dispositions de la Coûtume generale sont observées dans celle de Caux en tous les cas où il n’y a point été dérogé, celle-cy n’étant à vray dire qu’une Coûtume Locale à l’égard de la Coûtume generale, et bien que la seur que les freres ont négligé de matier ne puisse avoir partage comme dans la Coûtume generale, suivant l’Article 298. il ne s’ensuit pas que de pere ne puisse avoir cette faculté, et la difference est tres-grande entre ces deux cas ; dans le premier il s’agit d’une peine, et l’on n’a pas trouvé à propos de punir si rigoureusement les freres dans la Coûtume de Caux, et sur tout les puisnez que l’on avoit déja assez mal-traitez : dans l’autre cas on remet les choses dans l’ordre naturel, de sorte que pour ôter ce pouvoir au pere, il seroit besoin d’une disposition expresse, et pour confirmer ce raisonnement, on se sert de lArticle 363. par lequel les seurs mariées ne font part au profit de l’ainé au prejudice du tiers que les puisnez ont par provision, ou en proprieté en Caux, et cependant par l’Article precesent, les filles mariées dans la Coûtume generale font part au profit des freres, ce qui fait voir que quand la Coûtume dans l’Article 298. n’a point admis les seurs à partage, bien que leurs freres ayent été negligens de les matier, elle n’a eu pour but que de n’agraver pas les puisnez. L’on proposa de faire publier cet Arrest pour servir de Reglement, mais ceux qui ne l’approuvoient pas l’empescherent.