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OUS rentrons maintenant dans une Coûtume generale qui a son étenduë. dans toute la Province, et même dans le Bailliage de Caux.

Nous apprenons dans ce Titre le droit de succeder aux meubles et acquests, et la manière de les partager : Elle est fort differente de celle des propres ; et s’il est vray que le premier et lunique objet d’une loy prudente et équitable doit être d’empescher les procez, en rétranchant tout ce qui en peut servir de matiere, on auroit travaillé beaucoup plus heureusement pour le repos des peuples si l’on n’avoit point introduit ces diverses qualitez d’heritiers, et si l’on n’avoit pas tabli tant de différences entre les biens d’une même personne lorsqu’il s’agit de les partager.

L’ancien Droit Romain ignoroit toutes ces differences, il n’y avoit qu’un seul patrimoine, unicum erat hominis patrimonium, sans distinction ni separation de biens, et sans consideration d’estoc et de ligne, et l’on ne donnoit point deux divers patrimoines à un même homme, I. juris Peritos. 33. de excus. tut. l’heritier ab intestat qui étoit toûjours le plus proche parent succedoit à tous les biens du défunt, tant à ceux qu’il avoit acquis qu’à ceux qui luy étoient échûs de ses ancêtres : c’étoit la loy des douze Tables que les Decemvirs avoient empruntée deSolon , proximus agnatus familiam habeto.

Il est vray que dans la suite des temps cette loy reçût beaucoup de changemens, et Justinien dans son Code, en ses Institutes et en ses Novelles, a refait tant de fois l’ordre de succeder, que les Interpretes les plus éclairez ont de la peine à le démélet.

Nôtre loy Salique appeloit à la succession le plus proche parent, agnatum proximiorem, Tit. 62. de Alodis, S. 5. elle rejettoit même la representation tant en ligne directe que collaterale.

Combien de contestations naissent tous les jours pour sçavoir celuy qui doit succeder aux meubles et acquests : Avec quelle application faut : il étudier l’estoc, le ramage, la ligne, le degré, lorsque contre la regle ordinaire on veut exclure le plus proche du ventre ; Quel embarras ne cause point le droit des uterins pour avoir seulement ajoûté tant d’exceptions à cette regle, qu’en parité de degré les paternels sont preferez aux maternels : On renverse une loy generalement établie dans la Normandie, à sçavoir celle qui prive les filles du droit de sueceder tant qu’il y a des mâles ou décendans des mâles, lorsque l’on fait succeder les tantes avec leurs neveux, enfans de leurs freres

Et quand la qualité des heritiers est reglée, on n’a pas moins de peine à discerner la nature des biens, si c’est un propre ou un acquest, ce qui a produit une infinité de questions qui sont remarquées dans la Bibliotheque du Droit François, sur le mot Acquest : Et bien qu’à cause de cette generale inclination de la Coûtume pour conserver et pour accroître les propres il y ait beaucoup moins de difficulté sur ce sujet parmy nous qu’ailleurs, neaninoins ce discernement se fait encore avec peine, sur tout lorsqu’il s’agit de juger à queile ligne de la paternelle ou de la maternelle doivent retourner les acquests qui sont devenus propres : Ce n’est pas assez de sçavoir la qualité des heritiers et la nature des biens, la difficulté est encore grande pour le partage des acquests : autre est le droit de l’ainé, autre est celuy de ses onfans ; autre celuy des oncles, des neveux, et arrière-neveux ; tantost on partage par souches, et tantost par testes. Et enfin la Coûtume admettant aussi les femmes à prendre part aux conquests faits constant leur mariage, leur condition est differente selon la situation des biens que la Coûtume fait aussi de differente nature.

Il est vray que contre cette loy qui donnoit toute la succession du défunt au plus proche parent sans distinction de ligne et de nom, on allégue avec justice que les femmes apportent des biens à leurs maris, il n’en faut pas faire une perpetuelle et generale confusion, et qu’il est raisonnable de restituer aux parens maternels ce qui est procedé de leur côté, et c’est pourquoy lon changea Iancien droit, et on mit de la difference entre les biens paternels et ma-ternels, qui ne s’étendoit point neanmoins au de-là des freres, l. de emancipatis. C. de legisim. hered. et l. ult. C. Comm. de success. et MrCujas , Cons. 22. dit que cette regle paterna paternis, et materna maternis, établie pour les freres, non extenditur ad gradum ulteriorem ; mais que les Coûtumes de France ad omnes cognatos protraxerunt : et parce qu’il étoit rigoureux que le frère du défunt succedât seul au préjudice des enfans d’un autre frere, on intro-duisit la representation en ce premier degré, mais il faloit en demeurer la Pour regler les droits successifs et le partage des biens avec moins d’embarras et d’abus, on peut dire néanmoins que nôtre Coûtume s’est expliquée sur cette matière beaucoup plus clairement que les Coûtumes voisines

Pour l’éclaircissement de ce Titre on le peut diviser en deux parties ; par la premiere on déclare cordre de succeder, et quels parens sont preferez ; dans l’autre on établit la manière de partager les acquests, non seulement à l’égard des parens heritiers, mais aussi à l’égard des femmes avant que d’entrer en la discution particulière des Articles de ce Titre, il ne sera pas inutile de remarquer que quand il nait de la difficulté sur la qualité de propre ou d’acquest, c’est une regle cettaine parmy nous que tous biens sont reputez propres, et que l’heritier aux acquests doit justifier sa prétention : l’opinion de plusieurs Docteurs est contraire sur la I. questus : D. pro socio, qui ne fait rien à leur avantage, et la raison que Benedicti en donne sur le C. Rainutius est ridicule, quia, dit-il, homines nndi veniunt in terram ; mais cela n’empesche pas que a plus grande partie des biens que nous possedons ne nous soit échûë de nos peres et de nos ayeuls, et la faveur de l’heritier aux propres fait présumer qu’ils procedent plûtost du bon ménage de nos ancêtres que de nôtre travail et de nôtre industrie. Du Moulin qui a pareilsement estimé sur la sin de son Conseil 53. que sans doute les biens sont présumez une nou-velle acquisition, et non une succession ancienne, sine dubio bona presumuntur nova acquisitio et non vetus heredium, cite la l. à defunctis. C. arbitrio tutelae ; mais l’espèce de cette loy n’a point le rapport à cette question ; celuy qui avoit été en tutelle vouloit se saisir des biens de son défunt tuteur, sur ce pretexte que quand il avoit commencé d’administrer la tutelle il n’avoit aucuns biens, d’où ce demandeur concluoit que ces biens-là ne pouvoient provenir que de sa tutelle : mais l’Empereur répond que la donation n’est pas une marque que ni le tuteur, ni sa femme, n’ayent rien possedé avant l’administration de la tutelle ; car il ne faut pas ôter aux pauvres l’industrie ou l’augmentation de leur patrimoine, non idoneum continet indicium quos neque tutor, neque uxor ejus quidquam ante administrationem habuerint : nec enim pauperibus industria vel augmentum patrimonii interdicendum est. Cette loy prouve bien que l’on peut augmenter son patrimoine par son industrie et par son travail, il ne s’ensuit pas neanmoins que la presomption soit toûjours pour les acquests plûtost que pour l’ancien patrimoine : et afin qu’on n’en doutât plus on en a fait un Reglement, Article 46. du Reglement de l’année 1666.