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CCCXXIV.

L’héritage en Caux. donné par le pere aux puisnez est reputé propre.

Donation faite par un pere à son fils puisné, d’héritage assis en Caux, est propre et non acquest.

Ces deux Articles sont transposez, il étoit de lordre de parler premietement de la donation faite par le pere, et puis de la donation faite par le frère ; ils sont d’ailleurs mal conçûs.

il étoit sans doute à propos de parler des donations d’héritages assis en Caux faites par les peres ou freres ainez à leurs puisnez, puisqu’on vouloit changer l’ancien usage qui mettoit ces donations au nombre des acquests, mais il ne faloit pas faire mention d’elles seulement, comme s’il n’y avoit que cette espèce de donation qui tint nature de propre, on devoit plûtost établir une loy generale ; car bien que la donation d’un pere à ses enfans puisnez ne soit permise que dans le Bailliage de Caux, et que par consequent il semble qu’il ne fût necessaire que de parler de et donation de biens en Caux, neanmoins puisque le frere ainé peut dans la Coûtume generale. se liberer de la provision à vie, qui appartiendroit à ses puisnez sur le fief qu’il auroit pris par préciput, il n’eût pas été superslu de concevoir cet Article 323. dans les termes d’une disposition generale, au lieu qu’il est composé d’une maniere qui peut persuader que la seule donation d’un ainé à ses puisnez de biens assis en Caux est un propre, mais que la donation faite de biens situez ailleurs est un conquest, puisque la Coûtume a excepté seulement la donation des biens en Caux, car l’exception donne autorité à la regle, nam exceptio firmat E regulam.

l est sans doute neanmoins que la donation d’un ainé à ses puisnez pour les recompenser de leur provision à vie sur le fief situé hors la Coûtume de Caux tient nature de propre, parce qu’elle est au lieu de la legitime, elle procede plûtost d’une obligation de la nature que d’une pure liberalité du donateur ; ex debito naturae potius quam ex mera liberalitata donantis : Toutes donations faites en ligne directe par pere, mere, ou autres ascendans, sont présumées faites en avancement d’heredité, c’est une succession anticipée pour faire posseder presentement au donataire ce qu’il ne possedoit que par espèrance ; et bien que ce soit un frere qui donne, tou-tefois donnant à ses freres pour leur legitime, par cette liberalité il s’acquitte d’une obligation de la nature, sub hac liberalitate naturae debitum solvit, et la donation est reputée faite en ligne directe, comme à celuy qui doit succeder, tanquam successuro : On peut dire que la raison pour aquelle ces donations du tiers en Caux étoient reputées acquests dans l’ancienne Coûtumes êtoit parce que le pere êtoit le maître de ce tiers, et les enfans ne le tenoient que de sa pure liberalité, et c’est pourquoy dans les Coûtumes où il n’y a qu’un seul heritier, comme en celle de Ponthieu où les puisnez sont reputez comme étrangers, parce qu’ils n’ont aucune part en la succession du pere, ce qui leur est donné par luy est reputé acquest.Brodeau , l. a. n. 2.

Bouguier , 1. D. n. 10. Par la nouvelle Coûtume les puisnez ayant le tiers en proprieté, dont neanmoins le pere peut disposer à sa volonté, la donation qu’il en fait n’est pas une pure libealité, parce qu’il n’a la liberté d’en disposer qu’en faveur des puisnez ; ainsi c’est véritable-ment une donation faite à l’heritier futur, futuro heredi, en ligne directe qui est toûjours présumée propre.

C’est une grande question dans les autres Coûtumes, si la donation faite à l’heritier presomptif doit être reputée un propre ou un acquest : et on a fait distinction entre l’heritier en ligne directe et l’heritier en ligne collaterale. En ligne directe ces donations sont transfuses au droit de successions futures, transfunduntur in jus futurae successionis, c’est un avantpart de la succession future, delibatio futurae hereditatis, et le pere de son vivant semble pourvoir à l’heritier futur, vivus parens videtur heredi futuro providere : Par un Arrest du 24 de Mars 1623. que l’ay remarqué ailleurs, entre Lécolier et Marseille, une donation faite par un ayeul maternel à son petit-fils fut reputée propre, et l’heritier aux acquests évincé. Chassanée pour la donation en succession collaterale beaucoup ont approuvé la distinction de Chassanée, Rubrig. 4. des droits appartenant à gens mariez, S. 2. in verbo ( et acquests ) 4. 2. que our la portion à laquelle le donataire auroit succedé, ce fût un propre et un acquest pour le surplus : mais le Parlement de Paris a jugé qu’en ligne collaterale les donations faites à Pheritier presomptif sont reputées acquests. Les Arrests sont fondez sur ces deux raisons, qu’en ligne collaterale il n’est point dû de legitime, et que pareillement le rapport n’y a point dieu, de sorte que toutes donations, soit entre vifs ou testamentaires, procedent d’une pure diberalité. Brodeau neanmoins dit que cette regle n’est gardée que pour les propres naissans et non pour les anciens propres, parce qu’un ancien propre donné par un parent à un autre parent de la ligne dont il procede, s’unit bien plûtost avec les autres propres qu’il y rencontre en retenant sa qualité primitive, que de passer à une autre espèce de biens differente, et s’y porte luy-même comme dans son centre. Mr d’Argentré , sur sa Coûtume, Article 418. gl. 1. n. é dit aussi que regulari jure inter acquestus est donatio, par droit régulier la donation est reputée entre les acquests ; et combatant la distinction que l’on fait entre les donations faites à l’heritier presomptif en ligne directe et collaterale, est d’avis que toutes donations faites, soit par peres, meres, ou quelques parens heritiers que ce soit, sont des acquests ; censet donationes omnes sive à parentibus, sive à consanguineis quibuscunque heredibus esse acquestus Toutes ces difficultez ne peuvent naître parmy nous en ligne directe, le pere ne peut faire aucune disposition ni donation entre ses enfans que du tiers en Caux, et en ligne collaterale il n’est point permis de donner de ses immeubles à un de ses heritiers presomptifs, et une telle donation seroit sujette à rapport, ce qui s’observe aussi en Bretagne : toutes ces questions, dit Mr d’Argentré , selon le droit de nôtre païs, ne peuvent recevoir aucun doute, puisqu’on ne peut faire aucune donation à l’heritier presomptif ; jure nostro patrio dubitationem habere non possunt, quando nulla donatio heredi prasumpto fieri potest, Art. 4i8. gl. 1. n. 11. Et comme nôtre Coûtume est plus jalouse que pas une autre Coûtume de la France de conserver les propres dans les familles, et de les affecter à la ligne dont ils procedent, et que par ce principe, et pour les augmenter plus aisément, nous n’avons point reçû la distinction de propres anciens et naissans, mais nous reputons un vray propre tout ce que l’on possede à droit successif, nou nous porrons naturellement à rendre les biens propres ; ce qui est gardé et observé parmy ous depuis si long-temps, que par un ancien Arrest du 16 de May 15i8. il fut dit que si un homme avoit acquis un héritage de celuy dont il seroit le plus proche heritier, soit par donation ou acquest, qu’il auroit fait de son frère ou de son oncle, cela ne seroit pas reputé acquest, mais un propre et un véritable avancement de succession : pour la donation, si celuy qui n’a qu’un heritier luy donnoit tous ses biens, comme il luy est permis, Article 472. il est sans difficulté qu’une telle donation seroit présumée une succession anticipée ; mais si un des heritiers presomptifs avoit acquis et payé le prix, comme cet héritage acquis de bonne foy ne seroit point sujet à rapport, il faudroit le reputer de la même nature que les autres biens qu’il autoit acquis d’un étranger ; car pour les acquisitions faites d’un parent dont on ne seroit point heritier resomptif, on ne pourroit les faire passer pour des propres, bien que le vendeur et l’acquereur fussent d’une même ligne : Il y a neanmoins un cas où les choses données ne sont point repuées acquests, sçavoir à l’égard de la femme, Article 3o8. suivant lequel la femme ne peut aboi loüaire ni conquest sur les biens donnez à son mary, ce qui marque en passant combien sur ce sujet. nos Maximes sont opposées à celles du Parlement de Paris, où toutes donations faites à l’un des conjoints pendant le mariage, à la reserve des directes, entrent en cemnunauté, mêmes les donations tant ntre vifs que testamentaires faites à l’heritier presomptif, si la condition pour demeurer propre au donataire n’y est expressément employée ; Coûtume de Paris, Article 246. et 161.Ricard ,Brodeau , l. a. n. 2.

Nôtre Coûtume dispose au contraire, que sans distinction la femme ne peut avoir doüaire ni conquest sur les biens donnez à son mary : Quelques-uns ont voulu inferer que la Coûtume repute outes donations être un propre, puisque la fen-me est excluse d’y prendre part à droit de conquest.

Mais on répond que la Coûtume a trouvé raisonnable que la femme n’eût point de part à ce qui ne provenoit point de sa collaboration, et que l’on ne devoit reputer conquest que ce qui étoit t amassé par l’industrie commune d’elle et de son mary, car acquest signifie ce qui procede du travail de quelqu’un ; questus enim intelligitur qui ex operâ alicujus descendit, l. questus. D. pro socio, é en la loy suivante le Jurisconsulte n’a point mis entre les choses qui entrent en la societé, ni l’heredité, ni le legs, ni la donation à cause de mort, parce que toutes ces choses peuvent arriver avec cause, et partant être la recompense de quelque service, nec hereditatem, nec legatum, nec donationem causâ mortis, quia fortassis non sine toi cà clveniunt, sed ideb ob meritun aliquod accidunt. Entre les heritiers aux acquests et au propie on ne considere point le motif de la donation, c’est assez pour en exclure les derniers que le défunt ne possede point ce bienlà à droit successif, et la Coûtume en l’Article 498. considere ces donations pour recompense de services plûtost comme une vente que pour une donation, puisqu’elle y admet le retrait lignager et feodal.