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CCCXXV.

L’ordre de succeder entre pere et mere, ayeul et ayeule à leurs décendans.

Le pere prefère la mere en la succession des meubles, acquests et conquests de leurs fils ou filles, et la mere prefère les ayeuls ou ayeules paternelles et maternelles.

La manière dont la Coûtume s’est expliquée pour appeler les peres à la succession de leurs enfans, mérite d’être observée ; elle n’a point dit comme celle de Paris, Article 311. que les peres et meres succedent à leurs enfans, elle s’exprime en ces termes, le pere prefere la mere, passant sous silence cette lugubre succession, comme les enfans doivent succeder à leurs peres suivant le voeu commun de la nature, et non les peres à leurs enfans, elle n’a point voulu marquer expressément cette dernière manière de succeder, conue étant contre l’ordre naturels Moise Moise nous fournit un pareil exemple, suivant l’observation dePhilon , l. 3. de vitâ Mosis ; car dans le reglement general qu’il fait pour les successions, il ne dit point que les peres leuvent succeder à leurs enfans : En premier lieu, dit-il, Dieu a appelé à la succession les fils ; en second lieu les filles ; en troisième lieu les freres ; en quatiième litu les oncles ou freres du peres en suite que les peres pouvoient aussi devenir heritiers de leurs fils : car enfin il seroit plus croyable que la succession du petit-fils est concédée à l’oncle, à cause de la consanguinité paternelle, mais qu’elle seroit ôtée au pere même : Primo filios, inquit, in successionem vocaxit Deus Optimus Max. dein filias ; tertio fratres ; quarto patruos, sen patris fraires, subinde etiam ratres fieri posse heredes filiorum ; ultimùm enim verius foret crédere patruo concedi hereditatem, epotis ol cognationem paternamiipsi vero patri eam auferri. On ne doit pas penser, ditPhilon , l. 3. de vitâ Mosis, qu’en donnant la succession à l’oncle aprés la mort des freres il eût oublié le pere : mais comme la loy de la nature veut que les enfans succedent aux peres, et non les peres à leurs enfans, il a passé cela sous silence, comme contraire aux desirs des peres et des neres. Parmy les Hebreux le pere succedoit à celuy de ses enfans qui mouroit sans laisser de postérité ; n’y ayant oint d’enfans du défunt, ni de postérité d’iceux, la succession de la ligne de l’un et de’autre sexe retournoit au pere, à moins que le frere du défunt n’intervint qui prit, selon la oy, en mariage sa veuve ; non extantibus ex desuncto liberis, neque ex hisce posteris, revertebatur a hereditas ab utriusque sexùs prole ad pattem, nisi interveniret frater qui defuncti uxorem ex lege duceret.

Selden . ad leg. Hebraeor. c. 12.

Cette succession lugubre des enfans appartient si absolument à leurs peres, qu’il n’est pas en leur liberté de les en priver ; les peres peuvent exhereder leurs enfans, mais les enfans ne peuvent user de cette rigueur contie leurs peres. Le fils par la nature est debiteur à son pere, et il est permis à un créancier de remettre la dette à son debiteur, mais le debiteur ne peur faire tort à son créancier ; tout ce que le fils dunne à son pere est toûjours moindre que ce qu’il a reçû de luy, il luy doit même ce pouvoir et ce moyen qu’il a de donner, et le pere ne peut être vaincu par le bien-fait de son fils, quidquid est quod patri dat filius, utique minus est, quia hanc ipsam dandi facudtatem patri debei, numquam beneficio vincitur. Seneca de Benef. l. 3. c. 29.

Cet Article fait succeder le pere, et en suite la mere aux meubles et acquests ; mais on doute souvent si un bien doit être reputé piopre ou acquest ; La nommée Benoist, tutrice de sa fille unique, héritière de pere et de mère, en la matiant fit employer dans son contrat de mariage, que de la somme de dix-neuf mille livres provenant de la vente des meubles du pere, il y en avoit neuf cens livres pour le don mobil, et le surplus fut constitué en dot pour tenir le nom, ôté et ligne de cette fille : Aprés sa mort sans enfans, cette mére demandoit cette rente comme un acquest, les parens paternels nommez Gilles la prétendoient avoir comme un propre, le Bailly de CaEn la leur avoit ajugée par provision : Sur lappel de la mere, Heroüet, son Avocat, disoit que la Coûtume avoit nettement défini que l’on ne pouvoit reputer propre que ce que l’on possedoit à droit successif, que cette rente n’étoit point de cette qualité, n’ayant été créée par la mere que des meubles échûs à sa fille de la succession de son pere, et il s’aidoit de Arrest de Pollet rapporté par Berault sur cet Article. Maurry pour Gilles s’attachoit à l’Article 511. suivant lequel les deniers donnez pour mariage de filles par pere, mere ou autres ascendans, ou par les freres, où destinez pour être leur dot, sont reputez immeubles et propres à la fille, que cette rente étoit de cette nature, ayant été donnée à la fille pour sa dot et constituée pour enir son nom, côté et ligne. On répondoit que cet Article 511. s’entendoit des deniers donnez pir le pere ou la mère, mais que la mete n’avoit rien donné : elle avoit seulement payé à sa fille ce qu’elle luy devoit comme sa tutrice, que ces deniers auparavant étoient un pur meuble, que le don que l’on en avoit fait par un contrat de mariage n’en avoit point changé la nature, puisqu’ils ne tenoient pas lieu de legitime à la fille, auquel cas seulement on eût pû les reputer un immeuble et un propre : La Cour ordonna qu’il en seroit déliberé, et il se trouva un Arrest qui avoit jugé la question conformément à la Sentence, de sorte qu’elle fut onfirmée par Arrest en la Grand. Chambre le 20 d’Avril 1660. voyez des Arrests pareils sur. l’Article 511.

Depuis cette autre question fut aussi plaidée : Lucas avoit deux filles, Marie et Anne ; aprés sa mort sa veuve contractant un second mariage avec du Couesil, elle stipula que sur les deniers mobiliers provenans de son premier mary, il payeroit à Marie Lucas cinquante livres pour sa egitime, mais cette fille étant morte sans avoir êté mariée, il y eut question pour ces cinquante livres, son frere uterin les prétendoit comme un acquest ou un menble ; Fossé qui avoit épousé Anne Lucas maintenoit que c’étoit un propre, et s’aidoit de l’Arrest cy : dessus pour conclure lappel qu’il avoit interjetté d’une Sentence qui l’avoit évincé de sa demande : du Couesil intimé representoit qu’il n’étoit point dans l’espèce de l’Article 511. que cette fille n’ayant point été nariée on ne luy avoit rien donné pour sa dot, que cette simple stipulation de la mere ne thangeoit point la qualité de la succession, sur tout puisque cette stipulation n’avoit point été executée, la fille étant morte sans avoir été mariée : Par Arrest en la Grand-Chambre du 12 de Janvier 1662. la Sentence fut confirmée, plaidans Thomas et Everard.