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CCCXXIX.

Quelle part la femme aprés la mort du mary prend aux conquests.

La femme aprés la mort du mary a la moitié en proprieté des conquests faits en bourgage constant le mariage, et quant aux conquests faits hors bourgage, la femme a la moitié en proprieté au Bailliage de Gisors, et en usufruit au Bailliage de Caux, et le tiers par usufruit aux autres Bailliages et Vicomtez.

Pontanus , sur l’Article 161. de la Coûtume de Blois, explique ce qui doit être compris par le mot d’acquests.Du Moulin ,. S. 45. n. 1687. dit que nous avons deux sortes de feud propres ; par une feule et principale manière, selon les échéances qui viennent de la succession des predecesseurs ; par un autre incident pour le tout, et il ne tombe point en la communauté des biens qui est entre le mary et la femme, uno & principali modo pro obventis ex successione predecessorum, alio et incidenti modo pro omnibus, et non cadunt in societatem bonorum, que est inter virum & uxorem. M Bignon en ses Notes, sur le c. 17. l. 3. des Formul. de Marculphe a remarqué que la femme pouvoit avoir la troisième partie, tertiam partem habere poterat ; que ces Nations qui sont venuës de l’Allemagne s’établir dans les Gaules donnoient à leurs femmes a troisième partie des choses que les maris avoient acquises pendant leur mariage, gentes illa que ex Germaniâ in Galliis sedes posuerunt uxoribus tertiam partem concedebant rerum quas mariti tante conjugio adquisierant, leg. Burg. t. 42. et t. 62. Le fils unique aprés la mort de son pere êtoit obligé de laisser l’usufruit de la-troisième partie du bien à sa mere, si elle ne se rematioit pas, filius unicus defuncto patre tertiam partem facultatis matri utendam relinquat, si tamen ea maritum alium non acceperit ; vide plura

Puisque les gens mariez contractent une société de tous droits divins et humains, il sembloit uste que ce qu’ils acqueroient par leur commune industrie et par leur collaboration entrai aussi dans cette communion. Plusieurs sages Politiques ont néanmoins estimé qu’il n’étoit pas utile aux familles de rendre la condition des femmes si avantageuse, l’experience ayant fait voir que le plus souvent cette riche dépoüille de leurs premiers maris ne servoit qu’à les faire passer plus promptement dans un second mariage, où elles perdent bien-tost tout le souvenir de leurs premieres affections ; et c’est pourquoyJean Faber , avec une naiveté digne de son siècle, dans sa Preface, sur le Tit. de Nupt. aux Institutes, donnant des avis à celuy qui se veut matier, ne manque pas de luy conseiller s’il contracte mariage en un païs où la femme prend part aux meubles et conquests, de luy limiter sa portion, de peur que prédecedant elle ne dépoüille tes fils, et n’enrichisse un autre mary de tes travaux ; ne si prae moriens filios tuos spoliet et de tuis laboribus alium ditet virum. Ce qui a été suivi parBenedicti , in verb. ( & uxorem ). 3e4. aquelle communauté à la vérité est souvent cause de la desolation et de l’appauvrissement des enfans, pour entichir un autre mary ; quae quidem consuetudo interdum est causa Spoliationis et lepauperationis liberorum, et dotandi alium maritum. Mais cet Auteur s’est trompé, lorsqu’il a ensé trouver des vestiges et des preuves de l’antiquité de la Coûtume de Paris dans les Cesar Commentaires Cesar, de bello Gall. en ce qu’elle donne la moitié des conquests aux femmes. viri quantas pecunias acceperunt tantas ex suis bonis aStimatione factâ cum dotibus communicant, qujus omnis pecuniae ratio conjunctim habetur, fructusque servantur, uter eorum vitâ sapervixerit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit ; ce passage sert plûtost à montret quel étoit le doüaire ou la portion que la femme gagnoit sur les biens de son mary, et il ne peut être appliqué aux conquests faits durant le mariage et des biens qu’ils possedoient alors ; on peut recueillir de ce même lieu que le survivant avoit tous les meubles, puisque les fruits uy demeuroient : l’usage ancien de la France êtoit contraire à la Coûtume de Paris, car nous apprenons des Capitulaires de Charlemagne et de Loüis le Debonnaire, l. 4. 1. 9. que les emmes n’avoient que le tiers aux acquests : Nous voulons que les femmes aprés la mort de eurs maris reçoivent la troisième partie de la collaboration qu’ils ont employée ensemble à leur profit, comme aussi des choses qu’un d’eux a profitées ou acquises, ou qui luy ont été données par ses amis, viennent tant à leurs pupilles qu’à leurs femmes : Volumus ut uxores defunctorum post obitum maritorum tertiam partem collaborationis, quam simul in beneficio collaboraverunt, accipiant de his rebus quas is qui beneficium habuit, aliunde adduxit vel comparavit, vel ei ab amicis suis collatum est, volumus tam ad orphanos defunctorum quâm ad uxores pervenire.

Il n’étoit pas toutefois raisonnable de priver entièrement les femmes du fruit de leurs peines, Il arrive souvent que par leurs soins et leur bon ménage elles ne contribuent pas moins que leurs maris à l’accroissement de leur fortune, comme cette societé est d’une institution divine, et qu’elle a cette prerogative sur toutes les autres, qu’elle n’est dissoluble que par la mort ; toutes les Loix leur ont donné une portion en ces biens nouvellement acquis, mais les plus prudens ont pensé que c’étoit assez les favoriser de ne la leur donner que par usufruit pour conserver a proprieté à leurs enfans.

Nous avons conservé l’usage de cette loy dans cette partie de la Normandie, qui faisoit partie de la Gaule Celtique ; la loy des Saxons avoit plus de relation à la Coûtume de Paris. parce que la femme prend la moitié de ce que le mary et la femme ont acquis ensemble, de eo quod vir et mulier simul conquésiérant mulier mediam portionem accipiat, in leg. Sax. t. 8. le quest. 5. unico.

Toutes les Coûtumes ont donné part aux conquests à la femme, mais d’une differente manière ; nôtre Coûtume regle en cet Article la portion qui luy appartient, mais il eût été fort necessaire de regler quelles sortes de biens doivent être mis au nombre des acquests et conquests elle a bien défini par l’Article 334. que tous acquests sont faits propres en la personne de celuy qui les possede à droit successif : mais cette définition n’est pas parfaite, car nous avons plusieurs espèces de biens, lesquels quoy qu’on ne les possede pas à droit successif, et que méne on les ait acquis constant le mariage, ne tiennent pas neanmoins nature de conquests.

Il ne sera donc pas super flu de remarquer ces espèces de biens où la femme n’a point de part, bien que son mary ne les possede point à droit successif, pour expliquer en suite cette part que la femme prend aux véritables conquests.

Mais avant que d’entamer cette matiere, il est important d’éclaircir une difficulté qui arrive pouvent lorsque le mary et la femme n’ont pas pris origine dans un même païs, et qu’ils ne sont pas domiciliez sous une même Coûtume ; car l’on ne convient pas quelle Coûtume il faut suivre, quand il s’agit de regler leurs conventions matrimoniales : plusieurs estiment que le contrat ayant été passé au domicile de la femme, et les pactions en ayant été arrêtées selon la Coûtume du lieu, on doit s’y attacher exactement, parce que la femme n’a contracté que sous cette espérance, que ce que son mary luy promettoit seroit executé religieusement, et que le changement de lomicile ni le lieu de la dissolution du mariage, ne peuvent donner atteinte aux pactions qui ont Chassanée été faites de bonne foy : Mais l’opinion la plus commune et la plus suivie est qu’il faut considerer la loy du domicile du mary, quia, dit Chassanée, 5. 2. 1it. des droits appartenans à gens mariez, dés le temps que la femme est passée en la maison du mary elle n’a plus d’autre domicile, et elle en doit suivre les loix, ex eo quod uxor est traducta in domum mariti, est effecta de domicilio mariti, & ejus domicilium sequi debet.

Goerius, sur la Coûtume de Berry, Tit. des Mariages et Doüaires, S. 4. distingue ces trois cas, que le lieu où le contrat a été passé n’est considérable que pour la forme et la solennité, que lorsque le mary aprés la celebration du mariage retourne a son domicile, et que la dissolution du mariage arrive en ce lieu-là, les droits de la femme doivent être reglez par la Coûtume du domicile du mary, parce que la femme êtoit obligée de suivre son mary ; mais si aprés cela le mary change de domicile et qu’il décede, on considère le lieu où le contrat de mariage a eu sa principale destination, et non pas la loy du domicile où le mariage est resolu, attenditu. consuetudo loci, in quo fuit contractus persectus et destinatus, non autem consuetudo domicilii, in quo dissolvitur matrimonium. La loy exigere l. 5. de judic. D. décide expressément que la femme pour la repetition de ses droits doit agir au lieu du domicile de son mary, et non au lieu où le contrat a été passé, nec enim id genus contractus est, ut eum locum potius Spectari oporteat, in que instrumentum factum est, quêm eum in cujus domicilium & ipsa mulier per conditionem matrimoni erat reditura. Cela fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand. Chambre le 14 d’Aoust 1é46 De Lastre qui étoit domicilié à Roüen épousa une femme à Valenciennes, et par une clause du contrat de mariage la femme devoit avoir tous les meubles, en cas que son mary la prédecedût. a prés avoir demeuré quelque temps à Valenciennes de Lastre ramena sa femme à Roüen, ou étant décedé elle demanda tous les meubles suivant la clause de son contrat de mariage, ce qui luy fut contesté par Vignier, tuteur de la fille sortie de leur mariage ; elle prétendoi que le contrat ayant été passé à Valenciennes où son mary demeuroit alors, il n’avoit pû par un changement de domicile ruiner et rendre illusoire les pactions portées par son contrat de mariage, à quoy il fut reparti que de Lastre n’avoit jamais eu de véritable domicile à Valenciennes, nec perpetuae mora causâ ibi fuerat, qu’il demeuroit auparavant à Roüen, où quelque temps aprés fon mariage il avoit fait son retour ; par l’Arrest il fut dit que la succession seroit partagée également.

Nous sommes fort éloignez de donner aux conquests une définition si étenduë, comme Masuer Masuer a fait, Tit. des Associez, qui veut que l’on repute conquests les biens qui durant le mariage surviennent au mary, même par succession, legs, donation, ou à quelqu’autre titre que ce soit, à la réserve de la permutation.

Nous retranchons au contraire du nombre des conquests à l’égard des femmes tout ce qui échet au mary par succession ou donation, et pour user des termes de M’d’Argentré , Article 418. gl. 1. n. 5. et suivans, tous biens qui appartiennent à l’un des deux mariez patrimoniaux et propres, à droit de sang, de lignage, d’heredité ; tous biens acquis par l’un des deux avant le mariage, soit à droit pur ou conditionnel, ou refoluble, même aussi tous biens necessaire. ment déférez à l’un des deux constant le mariage à titre patrimonial, omnia quae alterius conjugum patrimonialia et propria sunt, jure sanguinis, gente, hereditatibus, omnia ab altero ante matrimonium quesita, sive jure puro, sive conditionali, aut resolubili ; omnia etiam constante matrinonio, à causa & titulo alterius patrimoniali necessario delata ad alterum. Cela merite une discu-tion plus particulière.

Pour les successions cela ne reçoit point de difficulté, l’Article 3o8. a aussi décidé la question pour les donations : Il faut neanmoins remarquer que bien que la femme n’ait pas droit de conquests sur les héritages donnez, il n’en seroit pas de même si-l’on avoit donné quelques deniers au mary, et que depuis il les eût employez en acquisition d’héritages, car comme elle auroit eu part en ces deniers, il est juste qu’elle conserve quelque droit sur les héritages qui en sont acquis ; ainsi jugé en l’Audience de la Grand.-Chambre le 2 de Juin 1603. entre Me Heniv Avocat, tuteur de la fille de Me Jacques Henry et de-Jeanne Daclou, et il fut dit que les acquests faits des deniers provenus d’une donation faite au défunt êtans en bourgage seroient pariagez par moitié, quoy que le tuteur soûtint que les deniers ayant été donnez au défunt pour sa seule consideration, la veuve ne devoit point y avoir part. Par l’Article 483. ce qui est retire à droit de lignage est aussi reputé propre et non acquest, parce que la cause immediate de l’acquisitionvient du sang et du hignage, et par un droit patrimonial attaché personnellement à celuy à qui appartient le droit de retrait, quia causa immediata acquisitionis est à sanguine et gente alterius, et jure patrimoniali personalissimè affecto personae retrahentis ; M’d’Argentré , eod. glos-n. 8. Et bien que la Coûtume n’ait point parlé du retrait feodal, on a pareillement jugé, et la Cour en a fait un Regle. nent, Art. 108. du Reglement de l’année 1666. que l’héritage reüni par retrait seodal au fiefqui tenoit nature de propre est un propre : ce qui sert à resoudre ces auires grandes questions, si ce qui est reuni au fief à droit de commise, confiscation, reversion, extinction de ligne, emphytheose, et autres voyes naturelles et ordinaires de consolidation, doit être reputé propre ?Joannes Faber , sur le S. sicui de leg. aux Institutes, a été le premier qui a estimé que toutes ces consolidations ne tenoient point de la nature du fief, mais qu’on les considere, et qu’elles subsistent abstractive-nent, sed per se et abstracte considerari & Stare, et son opinion avoit été approuvée par plusieurs Tiraquel Auteurs qui sont citez par Tiraqueau, de retr. gent. 8. 19. et 8. 32. n. 72. voyez de laLande , Article186. de la Coûtume d’Orléans, Tit. 10. Il y a différence entre ce que le seigneur acquiert mouvant de son fief, et ce qu’il retire à droit feodal : au premier cas la femme y a droit de conquest, et au second elle n’y peut rien avoir, ni à droit de doüaire, ni à droit d’acquest ; car quoy que l’Article 108. n’ait pas dit précisément que la femme n’y a point de droit, néanmoins en declaant propre l’héritage rétiré à droit feodal, elle exclud le droit de conquest, et pour le doüaite elle ne le peut prétendre, parce qu’elle n’en a pas trouvé son mary saisi. Du Moulin ayant été d’un sentiment contraire a été generalement approuvé, S. 2c. 4. 30. n. 75. de feud. ce que Mr d’Argentré a pareillement tenu par ces raisons, que toutes les fois qu’une chose est consolidée à la partie dont autrefois elle avoit été détachée en vertu d’une paction employée dans l’infeodation, cette chose reprend sa premiere condition, et la reünion s’en fait aux mémes qualitez, de sorte qu’elle est considérée comme si jamais elle n’en avoit été distraite.

Il est vray que du Moulin en avoit excepté la Commise, mais M’d’Argentré aprés avoir montré qu’il a été d’une opinion contraire, en un autre endroit prouve fort bien que ce qui est acquis du Seigneur-pour le profit de la Commise, en qualité de Seigneur, n’est pas justement dit acquis au Seigneur d’une cause extrinseque, vû que cela provient en vertu de la concession feodale, et de la nature de l’action même, à cause du serment de fidelité violé, quod ex delicto commitvitur Domino in qualitate Domini, non recté dicitur acquiri Domino ab extrinsecâ causâ, cum formalites à causâ & concessione feudali et ipfius actûs naturà proveniat, ob violatum sacramentum fidelitatis, &c.

Il est donc vray de dire que tout ce qui s’acquiert à cause de la Commise est patrimonial du fief du Seigneur, et que rien ne s’y acquiert pour sa femme, parce que cela dépend d’un ancien lroit et de la concession feodale, quodcumque à causâ commissi queratur patrimoniale esse Domini feudi, vec quidquam acquiri alteri conjugi, quippe quod ab antiquo jure et concessione feudali dependeat.

Mr d’Argentré en ce même lieu estime que ce seroit autre chose en la succession des bâtards. parce, dit-il, qu’elle ne retoutne pas au Seigneur en vertu de la concession feodale ; mais il a pris ce parti, parce que suivant la Coûtume de Bretagne les successions des bâtards appartiennent aux Hauts-Justiciers et non aux Seigneurs feodaux. Cette raison cessant en nôtre Coû-tume, qui met au nombre des droits fecdaux celuy de bâtardise, il est sans difficulté que ce qui retourne au Seigneur à droit de bâtardise, est un propreLa question est plus douteuse, si le confisqué ayant été restitué contre la condamnation par la grace du Prince, et étant rentré en la possession de ses biens, ils demeurent en leur première nature : On ne doute point que si l’accusé se justifie et qu’il fasse cesser le jugement par les voyes de Justice, les choses ne demeurent en leur premier état ; mais quand il n’est rétapli que par la pure grace du Prince et par son autorité absolué, il semble que par cette abos dition du crime il possede son bien par un nouveau titre et que c’est un acquest, et que ce qui êtoit perdu auparavant se rétablit du jour de la grace du Prince, novus titulus et acquestus putatur, & ex die concessionis acquiritur ante perditum.

Les biens de ce confisqué retiennent, à mon avis, leur premiere nature, et il en entre en possession avec les mêmes qualitez qu’ils avoient auparavant. La grace du Prince est une dispense parfaite qui ne guerit pas seulement le mal, mais qui rétablit aussi les choses dans les termes de sieur premier principe ; si elle a cette vertu de luy conserver l’honneur et la vie, elle peut bien b avoir cet effet à l’égard de ses biens. C’est un ouvrage parfait, un rétablissement entier qui e détruit cette incapacité momentanée laquelle ayant duré si peu ne peut avoir changé a nature du bien de celuy qui est pleinement rétabli : La confiscation n’est qu’une suite et une peine du crime, mais ce crime étant remis il ne peut produire aucun effet : en effaçant la mémoire du crime, on efface la marque entière de la peine, et les choses sont considérées comme si lles n’étoient jamais arrivées : La restitution du Prince a un effet retroactif, elle efface l’offense qu’elle pardonne, quoy qu’il y ait condamnation contradictoire ou par contumace, et que la confiscation soit executée, l’abolition survenante est une restitution achevée, et en a ce cas il n’y a pas de confiscation au profit du Roy, non pas mêmes au profit des autres Seigneurs, parce que le crime étant éteint en sa racine, pardonné dans sa source, la confiscation cesse ainsi, et il ne s’est fait aucune mutation dans la terre ni dans la personne qui la possede.

Mais quand cette giace du Prince seroit reputée une action de liberalité, et non pas unt restitution parfaite, que l’accusé ne possederoit à lavenir son bien que comme un bien-fait et comme un acquest, la femme trouveroit encore son exclusion dans l’Article de la Coûtume qui luy ôte le droit d’acquest sur les donations faites à son mary.

Il y a bien de la différence entre la remise du crime faite à l’accusé, et la donation faite aux heritiers ; au premier cas la restitution est entière ; mais quand la justice a été exercée que le criminel a été puni, et que le Roy fait grace non pas à l’accusé, mais à ses proches, qu’il ne pardonne pas le crime, mais qu’il a compassion des innocens, ce sont deux actions. distinctes, qui procedans de differens principes doivent aussi produire de differens effets ; en ce cas on peut dire que lorsqu’il n’y a point de restitution, point de remise de la confiscation, il y a grace, liberalité, donation, qui change la condition et la qualité du bien Cette question a été diversement jugée au Parlement de Paris, si les terres confisquées, données et remises par le Roy aux heritiers du condamné, tiennent lieu d’acquests ou de propres i On a fait différence entre les enfans et les heritiers collateraux. Dans la premiere partie du purnal des Audiences, l. 3. 4. 27. l’Auteur dit que c’est un usage qui est aussi attesté par Aile Bret , en son Traité de la Souveraineté, l. 3. c. 15. et parBrodeau , sur l’Article 183. de la Coûtume de Paris, que les biens sont reputez propres aux enfans pour appartenir à ceux de leur côte et ligne, car la raison naturelle comme une certaine loy tacite accorde aux enfans les biens des peres, en les appelant à la succession, nam ratio naturalis, quasi lex quedam tacita liberis parentum hereditatem addicit, ad debitam successionem eos vocando, l. 1. ff. de portion. que lib. damn.

Pour les collateraux que la même chose fe pratiquoit aussi autrefois, comme on l’apprend par un Arrest rapporté parChopin , sur la Coûtume d’Anjou, l. 1. Article 42. n. 5. mais que depuit vray-semblablement le Parlement de Paris s’est départi de cet usage par l’Airest donné entre es heritiers de la Dame de Vatan, sur les conclusions de M’l’Avocat General Talon, par lequel il a été jugé que les terres confisquées et données par le Roy sont un acquest et non un propre, la confiscation étant une alienation parfaite et necessaire qui dépoüille le proprietaire ; que à grace et la liberalité du Roy est un acte de clemence qui ne détruit pas celuy de sa justices que pour favoriser l’intention de l’heritier au propre il faudroit admettre l’une de ces leux fictions, que le condamné n’a point été condamné, que la confiscation ne fasse pas le Roy proprietaire, ou que l’heritier ait succedé, car il n’y a point de propre en France que par succession.Du Moulin , sur l’Article 43. Tit. des Fiefs, gl. 1. n. 105. traite la question, si le Seigneur remettant à son vassal la commise où il étoit tombé par son desaveu, le fief doit être reputé propre ou acquest ; et il dit que tous les Glossateurs et les Feudistes, sur la loy Imperialem, 5. insuper, in verbo ( privetur ) tiennent que feudum remanet antiquum : mais queCastre Balde , Paul de Castre, et plusieurs autres, sur la l. 4. 8. si are D. de pecul. font cette distinction, que si le vassal est privé de son fief de plein droit et par Sentence, en ce cas c’est un nouveau nef, comme n’étant acquis que par la remife que le Seigneur en a faite, le premier droit du vassal étant entierement perdu ; que si le vassal n’étoit point dépoüillé de son fief de plein droit, quoy que par sa faute il eût mérité de le perdre, s’il en demeure possesseur, le fief retient son ancienne qualité.

Dans nôtre usage cette question ne feroit pas de peine à l’égard de la femme, établissant ce principe, que l’heritier ne possede le bien de son parent confisqué que par le bien-fait et la grace du Prince, parce qu’elle n’a point de part aux donations faites à son mary ; mais entre les heritiers aux propres et aux acquests elle produiroit plus de difficulté : je serois neanmoins de ce sentiment, que la remise faite par le Roy ne change point la nature du bien, l’heritier ne le possede à la vérité que par la grace du Prince, mais le sang et la parenté en ont êté le motif et le Roy peut remettre son droit, il peut y renoncer, quoy que le crime ait été puni et la Justice fatisfaite ; par une fiction favorable on peut dire qu’il n’y a point eu de confiscations et que le Roy a laissé agir le droit de la nature, en n’acceptaut point la proprieté des biens qui luy sont déferez et en y renonçant : Voyez ce que je dis sur l’Article 334. etBalde , l. sur. in fine de rev. don. C. quand on dit que le vassal qui a été condamné pour felonnie est privé de pleih droit, cela s’entend si le seigneur le veut.

Si le mary constant le mariage acheve de payer l’héritage qu’il avoit acquis auparavant, ce payement ne donne pas droit de conquest sur iceluy à la femme ; on considère le temps du contrat ui avoit rendu le mary proprietaire, et ce cas est décidé par l’Article 396. lorsque le mari echarge ses héritages de quelque rente, la femme a le tiers entier pour son doüaire, exempt Je ces rentes ausquelles elle auroit contribué cessant ce rachapt. Mr d’Argentré tient que le temps du payement n’est point considérable, mais celuy du contrat qui a été parfait, substantialibus intervenientibus, scilicet mercede & pretio & traditione secutâ, Article 4i8. gl. 3. n. 2.

Loüet Loüer, l. a. n. 3. et en consequence du doüaire qu’elle prend sur cet héritage, elle ne peut demander part aux deniers qui ont été payez.

Il en est de même du supplément que le mary auroit fait en consequence de la récision pour deception cbtenuë par le vendeur la femme n’a point de part à l’héritage ni au prix qu’on a suppleé, elle est recompensée par le doüaire qu’elle y prend ;Tiraquel . de retr. gent. 5. 32. n. 56.

E Mr d’Argentré , Article 4i8. où il traite plusieurs questions, touchant les biens où la femme peut demander part à droit de conquest.

On a jugé que la femme n’avoit point de part à un héritage rétiré à droit de Lettre lûë.

Un homme avoit fait quelques acquests durant son premier mariage, et pendant le second à fut dépossedé de ses acquests par une saisie réelle pour les dettes de son vendeur ; il les retita à droit de Lettre luë : aprés sa mort il se mût question entre ses heritiers et cette seconde femmes elle maintenoit que par le decret il avoit été parfaitement dépoüillé de la proprieté de son acquest, que ce retrait étoit une seconde vente dont il avoit payé le prix entièrement, et cela s’étant fait pendant son mariage, on ne pouvoit luy disputer sa part : Les heritiers au contraire faisoient voir que le droit de retrait leur appartenoit pour une moitié, que le mary n’ayant pû rentret en la possession de son fonds qu’en vertu de cette faculté elle n’en pouvoit profiter, et qu’en tout cas il luy appartenoit seulement la moitié du prix qui avoit été déboursé : Elle demeuroit l’accord que les enfans avoient le droit de retrait, mais elle soûtenoit que par leur negligence son mary l’ayant exercé, elle en pouvoit profiter : Par Arrest en la Grand : Chambre, au Rapport de Mr Salet, du 27 de Mars 1662. on ajugea la moitié des deniers à la femme, parce que les héritages étoient en bourgage ; les parties étoient de Rouvre et de Caux.

Si le mary êtoit troublé dans la possession de quelque bien qu’il auroit en bourgage, et que pour s’en rendre paisible possesseur il baillât quelque argent, la femme n’auroit part que sur la moitié des deniers déboursez, et non point sur l’héritage. Le nommé Elie durant son premier mariage prit à bail d’héritage une maison située dans un Fauxbourg de cette Ville, par quarante livres de rente, rachétable par six cens livres. Durant son second mariage il racheta cette rente ; sur la contestation arrivée aprés sa mort, touchant la part que la femme prétendoit en cette maison, il fut dit par Sentence que sur une moitié de cette maison elle auroit doüaire déchargé de la rente, et pour fautre moitié prétenduë par le fils du premier lit au droit de sa mere, comme d’une acquisition en bourgage, on avoit ordonné que cette femme auroit en deniers la valeur de la moitié de cette autre portion de maison : Le fils ayant appelé de ce dernier chef, Greard soûtenoit que cette seconde moitié n’étoit point un conquest fait constant le mariage, bien que durant iceluy la rente eût été rachetée, la liberation d’une dette n’étant point reputée un acquest suivant l’Article 306. que le pere ayant rachété la moitié de cette rente qu’il pouvoit devoir, c’étoit un don qu’il luy avoit fait qui n’étoit point sujet à rapport, ce que les peres employent pour les affaires de leurs enfans étant reputé donné, s’il ne paroit d’une volonté contraire, la pieté paternelle donnant force à cette presomption, l. 4. de neg. gest. l. alimenta. l. nescimus, Appolinaris eod. qu’aprés tout son pere n’avoit fait ce rachapr que du revenu de sa mere dont il avoit eu la joüissance. Theroulde répondoit qu’il faloit considerer cette moitié de maison comme un acquest fai durant le second mariage, puisque le prix en avoit été payé durant iceluy, à quoy elle avoit contribué par son bon ménage : Par Arrest du a8 de Novembre 1652. on cassa la Sentence, et en reformant le fils fut déchargé de la demande de la veuve. Ainsi l’on jugea que le pere avoit pû faire ce profit à son fils, et son présuma qu’il luy avoit fait don de ces deniers, ne paroissant point qu’il eût eu la volonté de les repeter. On verra dans la suite un Arrest qui semble contraire, et on ne peut soûtenir cet Arrest que par cette raison que c’étoit une extinction de rente, et que le pere n’avoit point témoigné de vouloir repeter les deniers.

Un mary ayant des enfans de sa femme, retira des héritages au nom d’icelle. Depuis il contracta un second mariage, et mourut sans avoir repeté de ses enfans la moitié des deniers déboursez pour ce retrait d’héritages ; sa seconde femme demandoit la moitié de ces denierslà, parce que lon mary avoit pû s’en faire rembourser : les enfans se défendoient de cette prétention, vû que le pere avoit pû leur remettre cette repetition, que son filence declaroit son intention, et qu’elle n’étoit pas favorable à faire cette demande : néanmoins en l’année 1655. par Arrest rendu en la Grand. Chambre au Rapport de Mr de Montenay, entre les nommez Chefdeville, la moitié des deniers luy fut ajugée

On a long-temps douté du droit que les femmes avoient aux Offices dont leurs maris avoient été revétus durant leurs mariages, leurs qualitez étant différentes il étoit difficile d’établir sur iceux une jurisprudence certaine et generale : mais enfin les Offices étant devenus par leur aleur excessive la partie la plus considérable du bien des familles, on s’est porté fort aisément à les déclater immeubles, à leur imprimer les qualitez, les conditions, et les loix qui s’observent pour le partage ou Iacquisition des autres immeubles, bien qu’il semblat que nôtre Coû-tume les mit au nombre des meubles, puisqu’en l’Article 514. elle ne les repute immeubles qu’aprés qu’ils sont saisis ; on les juge si parfaitement immeubles que si le mary est pourvû d’un Office avant son mariage, la vente qu’il en fait depuis est sujette à remploy, tant à l’égard de la femme qu’à l’égard des enfans pour leur tiers coûtumier, ainsi jugé au Rapport de Mr de Sainte-Heléne, le 18 de Decembre 1656. pour Barbe Ango, femme de Guillaume du Four, Maître des Eaux et Forests à Argentan. Autre Arrest en la Chambre des Enquêtes du e de Mars 1657. au Rapport de M Buquet, pour Mr de Préfontaines Avocat General, contre Hauchemail, Ecuyer, sieur des Parts, et enfin en la Grand-Chambre, au Rapport de M’du Houley, le r2 de Juin 1660. pour le frent Alorge-Dardanville.

Il est vray qu’on y faisoit autrefois grande difficulté, comme il parût au procez du sieur de Escarde : Le 18 de Janvier 1632. Jacques Auvray, sieur de lEscarde, Tresorier au Bureau des Finances à Caen, vendit. son Office à Jean Fortin, sieur de Beau-Pré, par trente-deux mille deux cens livres, et cinquante pistoles de vin ; mais il en retint la joüissance avec tous les gages durant sa vie : De cette somme Fortin en paya vingt-deux mille deux cens livres et le vin, et le surplus ne devoit être payé qu’aprés la mort du sieur de l’Escarde, et il êtoit encore stipulé que si le Droit annuel étoit revoqué et que la Charge fût perduë, on rendroit au sieur Tortin ce qu’il avoit payé : Peu de temps aprés le sieur de l’Escarde étant mort, sa veuve et le sieur de Coulombiers, son second mary, demandoient la moitié de cette obligation de trois mille livres, comme étant un pur meuble ; les heritiers au contraire concluoient que le remploy du prix de l’Office devoit être fait sur cette obligation, que le sieur de lEscarde en êtoit mort saisi, qu’il en étoit le véritable proprietaire, puisque si le Droit annuel avoit été revoqué et qu’il fût mort en perte d’Office, le sieur Fortin êtoit quitte de son obligation. La cause ayant été partagée en la Chambre de l’Edit, Mr Côté Rapporteur, M de Frequiennes contredisant, il y eût Arrest en la Grand-Chambre le mois d’Avril 1636. par lequel la moitié de l’obligation fut ajugée à la veuve : Il n’étoit plus question de l’Office, mais de l’obligation.

Mais aujourd’huy on ne suivroit pas cet Arrest, et il ne seroit pas raisonnable de le pratlquer de la sorte, aprés les Arrests qui ont ajugé doüaire à la veuve sur l’Office dont son mary êétoit pourvù lors de son mariage. Et en effet avant cet Arrest de l’Escarde, le 3r de Janvier 1630. un homme ayant vendu un Office qu’il possedoit lorsqu’il se maria, et en ayant acheté un autre, sur ce que la veuve y demandoit la moitié comme d’un conquest fait en bourgage, et les heritiers l’ayant contredit et soûtenu qu’à l’égard de la femme c’étoit un propre qui devoit être remplacé : Par. Arrest du 3 de Janvier 1630. il fut jugé qu’il n’appartenoit point à la femme de droit de conquest, plaidans Radul et Coquerel : Et par un autre Arrest du 17 de Juin 1633. en l’Audience de la Grand. Chambre, Hamon ayant vendu son Office de Procureur en la Cour, et constitué une rente du prix de son Office ; les nommez Turgis frères de sa femme, ayant fait juger aux Requêtes du Palais qu’ils auroient part à cette rente, sur l’appel de Hamon la Sentence fut cassée, et les héritiers de la femme furent deboutez de leur prétention. On ne doit pas s’étonner qu’on ait donné des Arrests contraires sur cette matière, parce que la nature des Offices n’étoit pas certaine et reglée ; maintenant il ne faut point douter que quand le remploy n’auroit pas été fait de l’Office vendu par le mary, et qu’il possedoit quand il se maria, il ne dût être fait avant que la femme prit part aux meubles et acquests ; ce remploy ne se pratique pas seulement entre la veuve et les heritiers, mais entre les coheritiers même.

Pour les Offices acquis constant le mariage, comme ils ne sont pas tous de même nature, et que d’ailleurs nôtre Coûtume fait une distinction de biens en bourgage et hors bourgage, cela a produit plusieurs difficultez :

Pour l’éclaircissement d’icelles il faut remarquer que l’on faisoit autrefois distinction entre les Offices hereditaires et Domaniaux, et ceux qui ne le sont point, comme sont tous les Offices de Judica-ture ; les Offices Domaniaux et hereditaires sont les Tabellionnages, les Greffes de toutes sortes de urisdictions, et autres pareils Offices dont la fonction et l’exercice ne sont point attachez à la pertionne ; comme ils ont en quelque façon un être réel, une assiette ferme et une subsistance perpe-tuelle en un lieu, ils se partageoient suivant la Coûtume du lieu où l’exercice s’en faisoit, et par ce moyen les femmes y avoient moitié, si l’exercice de ces Greffes et autres pareils Offices se faisoit en bourgage : Il fut ainsi jugé pour Marguerite Donnet, veuve de Me François le Mercher, vivant Greffier en chef aux Requêtes du Palais, et propriétaire des petits-Seaux de la Vicomté du Pontautou et du Ponteaudemer, à laquelle on ajugea la moitié en proprieté pour les petits. Seaux, pour en joüir en essence et de toutes les augmentations d’iceux, par Arrest en la Grand-Chambre du 13 d’Aoust 1647. En quoy l’on ne fit point de différence entre les droits anciens et ceux de nouvelle attribution, comme on en a fait au Parlement de Paris suivant les Arrests remarquez parBrodeau , l. R. n. 31. où l’on a fait distinction entre Iancien et nouveau Domaine, et l’on a jugé que pour le partage de ces droits Domaniaux de nouvelle creation, il faut suivre la Coûtume du domicile du propriétaire. Les Offices de Controleurs des Titres d’Alençon et de Marqueurs de Cuirs à Louviers ont été partagez suivant la Coûtume de Paris, et non point suivant celle de Normandie, quoy que l’exercice de ces Offices se fit seulement en Normandie ; Journal des Audiences, l. 2. c. 26. de limpression de l’année 1652. Cette distinction ne seroit pas reçûë en Normandie, et les droits nouveaux comme les anciens seroient divisez de la même sorte, mais aujourd’huy l’on ne donne plus aux temmes que le tiers par usufruit, comme on le verra dans la suite.

Pour les Offices de Judicature, mêmes de Jurisdictions extraordinaires, on a douté fort longsemps de la part que les femmes y pouvoient avoir, lorsque l’exercice s’en faisoit en des Villes et autres lieux de bourgage. Les femmes y prétendoient la moitié en proprieté, car ces Offices n’ayant point d’être et de situation réelle, on ne pouvoit leur en assigner une plus convenable que le lieu de leur exercice : mais on n’a pas trouvé juste de recevoir cette fiction pour augmenter la condition des femmes, et l’on a jugé qu’elles n’y pouvoient avoir que le tiers par usutruit ; car la fonction de ces Charges n’étant point limitée en un certain lieu, mais ayant eur étenduë par tout leur district, il étoit plus raisonnable que, comme dans la plus grande partie de leur térritoire les femmes n’ont qu’un tiers par usufruit sur les immeubles, leur portion sur les Offices ne pût exceder ce tiers. On le jugea de la sorte contre Demoiselle Claude Asselin, reuve de Mr Guillaume le Rouge, Avocat du Roy en l’Election d’Avranches, pour laquelle je plaidois, contre le sieur le Rouge heritier du mary, défendeur ; elle demandoit la moitié en proprieté à cette Charge de Procureur du Roy, que son mary avoit acquise pendant leur mariage, et par Arrest en la Grand. Chambre du 1s de Juillet 1642. on luy ajugea seulement le tiers par usufruit,

Mais comme dans ce siecle on a fait plusieurs taxes sur les Offices des Jurisdictions. extraordinaires, à cause desquelles on leur a attribué plusieurs droits, il s’est mû souvent question pour sçavoir si ces droits qui étoient réels devoient être partagez comme l’Office, ou les reputer comme les Greffes et autres Offices Domaniaux, pour y donner à la femme la moitié en proprieté s Cette difficulté s’offrit en l’Audience de la Grand : Chambre le 20 de May 1639. sur le partage de la succession de Me Bourdon, Elû en l’Election du Ponteaudemer, les neritiers de la veuve ayant prétendu contre ceux de Bourdon que la moitié des droits, des taxations. et d’autres attributions depuis unis à cet Office d’Elû, luy appartenoit, bien que ces droits eussent êté depuis convertis en rente par Declaration du Roy, ce qui les rendoit un véritable conquest en bourgage ; mais par l’Arrest elle en fut deboutée, et il fut jugé que ces nouvelles attributions ayant été unies à l’Office n’étoient qu’un accessoire qui tenoit la nature de son principal, de sorte que n’ayant qu’un doüaire sur cet Office, elle ni ses heritiers ne pouvoient rien avoir en la proprieté. Autre Arrest en la Grand. Chambre du 12 de Juillet 1649. entre Jean le Perit mary d’Ester le Fauconnier, héritière de Leonard le Fauconnier vivant Receveur des Tailles en l’Election de Mortain, et Jacques Dauray, ayant épousé Jeanne du Moustier, veuve du sieur le Fauconnier, par lequel on debouta cette veuve non seulement de la moitié en proprieté en l’Office de Receveur des Tailles, mais aussi des droits en l’Election, es taxations et d’autres profits attribuez à cet Office, et il fut dit qu’elle joüiroit seulement du tiers par usufruit. Autre Arrest en la Grand. Chambre du 7 de Janvier 1665. par lequel on a jugé que Demoiselle Françoise Bauquet, veuve de Me Nicolas Martin, auroit doüaire sur l’integrité des Offices de Greffier, Controleur en l’Election de Contance et de Gavray, et sur les gages et lroits qui y étoient attribuez

Par l’Arrest de Bourdon on avoit jugé que les droits attachez à l’Office étoient de la nature de l’Office, et par consequent que les femmes n’avoient qu’un tiers par usufruit ;’on a depuis jugé qu’elles n’y pouvoient avoir davantage, quoy qu’ils en fussent separez. Nicole en vendant son Office avoit retenu tous les droits hereditaires qui y étoient attribuez, et il les avoit possedez quelque temps ; aprés sa mort Charlote Poupinel sa veuve, tutrice de leurs enfans, en avoit aussi joui, et aprés la majorité de ses enfans dans les partages qu’elle en fit avec eux, elle en avoit eu la moitié : ils se pourvûrent par Lettres de récision qui furent entérinées par Sentence, qui ajugea à la veuve le tiers par usufruit seulement. Il y avoit encore une autre contestation entre la mere et les enfans. Le Roy en lannée 1634. avoit créé des Offices de Controleurs, conservateurs hereditaires des Aydes, qui furent supprimez en lannée 1648. et au lieu de rembour-sement le Roy se constitua en quatre cens dix-huit livres de rente ; Cette veuve prétendoit aussi une moitié en cette rente, vû que les Offices avoient été créez héreditaires, et par Sentence on ne luy en donna qu’un tiers seulement par usufruit, dont ayant appelé, par Arrest au Rapport de Mr Brice du ro de Juin 1664. les Sentences furent confirmées : l’avois écrit pour cette veuve, et par cet Arrest on a jugé deux questions ; la premiere, que ces droits hereditaires, bien qu’ils soient distraits et détachez de lOffice, ne laissent point de tenir la même nature, ce qui fait que la femme n’y prend qu’un tiers par usufruit ; la seconde, qu’il n’y a proprement d’Offices hereditaires que les Domaniaux, comme les Greffes et les Tabellionnages, et bien que les autres par leur creation soient qualifiez hereditaires, on ne les repute point de cette qualité lorsqu’il s’agit de regler les droits entre la veuve et les heritiers.

L’Arrest du sieur Dauray a jugé que la femme n’avoit qu’un tiers par usufruit sur un Office de Receveur des Tailles, encore qu’à proprement parler ce ne soit pas un Office de Judicature : La même chose a été jugée pour un Office de Receveur des Decimes en l’Audience de la GrandChambre le 12 de May 1650. entre Catherine Marc, veuve de de la Ruë, Receveur des Decimes, d’une part, et Charles de la Ruë son fils, d’autre part ; la veuve s’aidoit des Arrests renduë pour les Greffes, les droits de Parisis, les petits-Seaux, et autres qui ont ajugé la moitié à la veuve quand ils avoient été acquis constant le mariage, qu’il y avoit même raison pour l’Office de Receveur des Decimes qui est héreditaire : De la Ruë s’aidoit des Arrests donnez pour les Offices de Receveurs des Tailles, suivant lesquels on les avoit distinguez d’avec les Greffes et les autres droits Domaniaux, qui avoient été alienez par le Roy, et qui pouvoient être exercez p et perçûs sans provision, et possedez comme les autres biens du Domaine ; mais les Offices e de Receveurs des Tailles et des Decimes ont été créez par le Roy, pour être exercez par les personnes ausquelles il en donne le titre, qui ne peut être communiqué aux femmes, et qui S ne peuvent les exercer ni posseder : Par l’Arrest le tiers par usufruit fut ajugé à la veuve, plaidans Castel pour la mere, et Lyout pour le fils. Autre Arrest du 17 de Février 1650. n pour l’Office de Procureur de feu Basire, Procureur au Parlement, par lequel la veuve n’eur qu’un tiers par usufruit sur le prix de l’Office.

Le partage des rentes constituées a produit aussi plusieurs difficultez touchant les droits des femmes, tant pour les rentes dûës sur les particuliers que pour celles qui sont dûës par le c Roy : nous ne reglons pas celles-là par la Coûtume du domicile du creancier, mais par celle les lieux où les biens du debiteur sont assis. C’est un usage certain parmy nous contraire à celuy de Paris, où les rentes se partagent selon la loy du domicile du creancier, de sorte qu’une rente dûë à un Bourgeois de Paris sur des biens situez en Normandie se partage selon la Coûtume de Paris, Journal des Audiences, l. 1. c. 53.Loüet , l. R. n. 31. Nôtre usage. est fort ancien, et il est établi par deux Arrests, l’un du 25 d’Aoust 1546. et l’autre du 4 de Juin 1603. donné au profit de Guillaume de Saldaigne : et quand il faut diviser ces rentes pour connoître la nature des biens de l’obligé, on s’en rapporte à son certificat, et il n’est point permis de faire des preuves contre sa déclaration, ce qui est conforme à la disposition de la l. 1. c. l. 10. quando & quibus quarta debetur ex bonis Decurionum, qui porte que pour tirer cette quatrième part on ne doit pas produire au jour ni divulguer tous les droits et les titres d’une personne, mais prenant à serment les heritiers, aprés qu’ils auront diligemment fait l’estimation de leurs acultez, et à quoy elles se montent, nous voulons qu’ils soient crûs : car il est rigoureux et innumain de découvrir la pauvreté d’une personne en divulguant son bien et ses facultez, et d’exposer ses richesses à l’envie, non debent omnia jura et instrumenta in medium proferri et dioulgari, sed juratis uccessoribus, cum apud se diligenter existimaverint, que, quantique sint facultates, credi oportere : vecernimus : durum est enim & inhumanum publicatione rerum familiarium & paupertatis detegi vilitatem, & invidiae exponere divitias. Cette forme fut gardée pour connoître quels biens les debiteurs des rentes constituées durant le mariage du sieur de Huménil. Jean, et de Demoiselle Geneviéve le Sueur sa femme, pouvoient posseder en bourgeoisie. Deux de ces debiteurs étoient Officiers, l’un Lieutenant du Bailly, l’autre du Vicomte, qui déclarerent que la cinquième partie de leurs biens êtoit en bourgeoisie, en y comprenant leurs Offices qu’ils met-oient entre leurs immeubles. L’heritier du sieur de Huménil blama cette déclaration, disant que les Offices ne devoient point y être compris, parce qu’ils ne sont point susceptibles d’hypotheques, ne pouvant même être saisis ni diseutez par decret, et sur tout les Offices de Judica-ture : La veuve soûtenoit au contraire qu’ils étoient immeubles, et affectez aux dettes de ceux qui les possedoient, c’est un droit incorporel qui produit du revenu, et qui par le moyen du Droit annuel est rendu comme hereditaire, et il fait aujourd’huy une partie con sidérable du bien des familles : Nos Offices ont du rapport avec les milices des Romains, qui étoien entre lours biens immeubles, et étoient susceptibles d’une espèce d’hypotheque, l. super hypo vhecis. 27. c. de pignor. et hp. Creditores ab his qui militarint exigere vel tantum ab his efflagitare quanti vendi eadem militia possit, quod generaliter sancimus ; que si les debiteurs avoient acquis ces milices, liceat creditoribus adhuc viventium debitorum jure hypothecae vindicare militias, nisi sibi fatis fiat. Cette loy a été pratiquée en France, où les Officiers sont condamnez, et par corps, à passer procuration pour resigner et pour vendre, pour en être le prix discuté entre les créanciers.

Ceux qui baillent leur argent à un homme pourvû d’un Office consideruble, et qui peut être assuré à sa famille, se fondent sor cette espèrance, que cet Office leur devient hypothequé ; or de juger qu’ils ne doivent point être compris dans la declaration des biens, cela seroit d’une perilleuse consequence : Par Arrest du 12 de May 1622. au Rapport de Mr de civil, Il fut jugé que les Offices, comme étant reputez immeubles, seroient comptis en la supputation des biens de l’obligé, pour donner assiette aux rentes constituées à propottion de la valeur des Offices. On peut mettre au nombre des biens, où la femme peut prendre part à droit de conquest, les fiefs. et les héritages étant en Franc : Aleu ; car quoy que le fief soit indivisible il peut être licité, et la qualité de Franc-Aleu n’empesche point le droit de la femme.

Mais quand une succession échet en cette Province, et qu’il se trouve des rentes dûës par des perfonnes dont les biens sont situez hors cette Province, comme ces rentes n’ont point d’assiette, on a eu de la peine à décider par quelle Coûtume le partage s’en devoit regler, et quelle part les femmes y pouvoient avoir. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 30 de Juillet 167r Charles Martel, Ecuyer, sieur du Bouley, mary de Marie le Pelletier, avoit son domicile à Alençons il acquit plusieurs rentes sur des particuliers qui avoient leur domicile et leurs biens sous la Coutume de Châteauneuf en Timerais ; comme il n’avoit point d’enfans, et qu’il pouvoit vendre ces sentes, il fit un accord avec les heritiers presomptifs de sa femme, par lequel ils consentoient qu’en cas de prédecez de leur seur, il joüit de toutes ces rentes durant sa vie : aprés la mort de leur seeur ils se pourvûrent de Lettres de récision contre cet accord, dont neanmoins ils se départirent depuis moyennant certaines conditions ; mais le sieur Martel ayant épousé Marie.

Bonvoust, cette femme aprés la mort de son mary soûtint que les Pelletier, heritiers de la premiere femme, n’avoient aucun droit sur les rentes dûës en la Coûtume de Châteauneuf en Timerais, et obtint des Lettres de récision contre les accords faits avec son mary : La cause ayant été portée en la Cour sur des recusations, Maurry pour ladite Bonvoust concluoit au principal par ces raisons, que les rentes étant dûës par des personnes domiciliées en la Coûtume de Châteauneuf en Timerais, où la femme n’a rien qu’en vertu de la communauté, cette premiere femme n’y avoit acquis aucun droit, parce que la communauté n’étoit point reçûë en cette Province, que l’on ne pouvoit établir une communauté sur l’usage local de la Châtellenie d’Alençon, qui donne la moitié des acquests aux femmes, quia clauditur territorio, et ne pouvoit valoir hors son étenduë. Je répondois pour lesdits sieurs le Pelletier que quand on n’auroit point égard aux fins de non recevoir, qui resultoient des transactions faites avec ledit feu sieur Martel, il n’y avoit point de difficulté dans la question generale ; que ladite le Pelletier n’avoit point besoin de la communauté ni de l’usage local d’Alencon pour prendre part aux acquests, parce qu’elle luy appartenoit en vertu du droit general et cettain de la Proveince, et qu’en quelque lieu que le feu sieur Martel eût eu son domicile en Normandie, si femme pouvoit avoir moitié aux acquests faits en tous les lieux où la communauté avoit lieuIl est bien vray que la communauté n’est point reçûë en Normandie entre le mary et la femme, quoy que pourtant il y ait une espèce de communauté qui en donne à la femme presque tous les avantages, mais qu’il suffit que la femme soit capable de prendre part aux acquests selon la Coûtume des lieux où ils sont situez, et que les rentes se partagent selon la nature et la qualité des biens du debiteur de ces rentes, et qu’enfin lorsqu’il s’agit d’une succession échûe en Normandie pour partager les rentes qui font partie de cette succession, on considère si celuy lequel y veut prendre part est capable pour cet effet, et lorsqu’il est capable de succeder ou de prendre part, alors on les partage selon la loy du domicile des debiteurs, ce qui est si raisonnable, que bien que par Jusage de Paris pour le partage des rentes constituées on suive la Coûtume du domicile du creancier, néanmoins on regle auparavant la capacité de succeder. Le sieur de Lesseville depuis qu’il avoit été pourvù à l’Evéché de Contance avoit acquis des rentes sur des habitans de Paris, aprés sa mott ses soeurs y demanderent part, mais les freres les en firent debouter par cette raison, que pour la capacité de succeder au sieur de Lesseville elle devoit se regler par la Coûtume de Normandie, où cet Evéque êtoit reputé avoir son domicile, suivant l’Arrest donné au Parlement de Paris le 8 de Mars 1667. entre Mre Claude le Clerc de Lesseville et consorts appelans, et Dame Manrie le Clerc de Lesseville, reuve de Mre François le Gras, Conseiller et Maître des Requêtes ordinaires de son Hôtel, heritiere pour un cinquième dudit feu sieur Evéque de Contance, intimée ; par lequel la Cour faisant droit au principal, ordonna que les meubles dudit défunt Evéque de Contance et hérit ages en fief seroient delaissez aux appelans, et que les héritages en roture et les rentes constituées ailleurs que dans letenduë du Parlement de Normandie, seroient partagez également entre les appelans et l’intimée : on reputa que le sieur Eveque de Contance avoit son domicile en son Evéché, et par cette raison les meubles et les rentes constituées dans l’etenduë de Normandie furent partagez selon la Coûtume de cette Province : et pour montrer combien la prétention de ladite Bonvoust êtoit injuste, si elle fixoit ces rentes sous la Coûtume de Châteauneuf, il faudroit à même temps suivre la Coûtume de ce païs-là pour le partage, en quoy faisant on suivroit la loy du domicile du creancier ; or le creancier ayant son domicile à Alençon, où les femmes ont moitié aux acquests, la femme auroit eu moitié ausdites rentes : Il est donc vray de dire que ce n’est point en vertu de la communauté que ledit le Pelletier prenoit part aux acquests, mais en vertu de l’usage teneral de Normandie, par lequel les femmes êtans capables de prendre part aux acquests, elles prennent part aux rentes selon la nature des biens des obligez, et pour bien décider ces c questions, lorsqu’une succession est échûë il faut distinguer entre la capacité de succeder et la nanière de partager les rentes, et en suite pour regler si l’on est capable de succeder, et comnent l’on doit partager, il faut distinguer deux domiciles, celuy de la personne à laquelle on succede, et celuy des debiteurs des rentes, si par exemple les femmes étoient privées de prendre part aux acquests en quelque lieu que les debiteurs eussent leurs biens, elles n’y auroient aucune part, car pour partager il faut être habile à demander partage : Il faut dire la même chose pour les filles, car n’étans point capables de succeder, elles n’ont point d’action pour demander partage, et c’est ce qui fut jugé par l’Arrest donné entre les nommez Hourdebourg, heritiers d’Anne Billon, que j’ay rapporté ailleurs ; comme au contraire lorsque les filles sont, eçûës à partage, elles sont habiles a demander part ausdites rentes, suivant l’Arrest de Duval que j’ay remarqué sur l’Article 434. Il en est de même pour les femmes qui sont capables de rendre part aux acquests et aux rentes ; or puisque pour le partage de ces rentes on considere a nature des biens des obligez, et que quand ils sont situez en bourgage ou dans le Bailliage de nisors la femme y a la moitié, elles doivent avoir la même part lorsque les biens sont situez en des lieux où les femmes ont pareillement la moitié, et cette question fut décidée de la sorte en l’année 1653. entre Hamon et Boiville, héritiers de la nommée Hayer, femme dudit Hamons par l’Artest, sans avoir égard aux Letttes de récision, il fut dit que les rentes seroient partagées selon la Coûtume de Châteauneuf, et que lesdits heritiers y auroient moitié. pour les rentes qui sont dûës par le Roy et constituées sur les Receptes, comme elles ont un fonds et une assiette certaine aux lieux où le Bureau est établi pour la Recepte du fonds destiné pour le payement d’icelles, on les partage et on les regle à Paris suivant la Coûtume du lieu où le Bureau est établi, comme ces rentes étans réelles, perpetuelles, fixes, permanentes, et Bérault rapporte un Arrest qui l’a jugé de cette manière : Cependant j’ay remar-qué un Arrest sur l’Article 270. qui semble avoir changé cette jurisprudence, ayant ugé que les soeurs êtant reservées à partage, ces rentes sur le Roy se partageroient suivant la Coûtume generale, et on se fonda sur cette raison que la discution pour sçavoir où étoient les biens du Roy n’étoit point seante, et que la Coûtume generale devoit être plûtost suivie.

On peut soûtenir cet Arrest par l’exemple des Offices dont le partage ne se regle pas selon la Coûtume du lieu principal de leur exercice ; mais cet exemple ne doit point être étendu. aux rentes dûës par le Roy, car étant particulièrement affectées sur crtains Bureaux où le fonds destiné pour leur payement est établi, il est vray de dire que ces rentes sont en quelque orte réelles, et qu’on ne leur peut fixer une situation plus naturelle que celles des Bureaux sur lesquels elles sont assignées, et c’est aussi de cette maniere que l’on a toûjours partagé ces sortes de rentes. Arrest du 23 d’Aoust 1546. entre Marguerite le Normand, veuve de Nicolas de S. Maurice, et Marion de S. Maurice, par lequel on ajugea à cette veuve la moitié de quatre-vingr cinq livres de rente acquise par son mary constant son mariage, sur la Recepte les Aydes d’Arques, et quinze livres de rente sur le Grenier à Sel. Par ce même Arrest on jugea qu’à l’égard du remploy demandé par ladite veuve de ces rentes dont son mary avoit recû le rachapt, sans diminution de son doüaire ni de son meuble, et de la part qu’elle avoir aux conquests, le remploy seroit pris sur la part des acquests revenant à ladite Marion de S. Maurice, et en cas qu’ils ne pussent suffire, sur le propre J’ay proposé plusieurs espèces de biens où les femmes sont excluses de prendre part : I y en a d’autres où ce droit leur a été ajugé, nonobstant le dessein et les efforts des maris pour les en frustrer. Un mary achétant une maison située en bourgage, il déclara que les deniers provenoient d’une succession collaterale qui luy étoit échûé, afin de rendre cet acquest propre à ses enfans, et par ce moyen en priver sa femme, à laquelle neanmoins il en laissoit la joüissance entière duuant sa vie ; mais on n’eut point d’égard à cette déclaration, et par Sentence du Bailly de Roüen on luy en ajugea la moitié. Lizore et Maurice ayant épousé les filles de Poulain, héritières de Nicolas Bigot, disoient que le droit d’acquest n’est accordé à la femme qu’en consideration de sa collaboration, mais quand ces acquests ont été faits de deniers donnez au mary, ou qui proviennent de quelque succession qui luy est échûë, comme elle n’y a point contribué de ses soins, et que ce sont bona profectitia, il n’est point juste de luy en faire part, et le mary avoit pû en faire la distinction, que cette déclaration n’avoit point été faite en fraude de sa femme, étant vray que la succession de son frere étoit échûè en même temps, en laquelle il y avoit un Office dont il avoit reçù les deniers, ce qui luy avoit donné le moyen de faire cette acquisition pour ses enfans, et pour tenir leur nom, côté et ligne : Sa prévoyance étoit legitime et favorable, prospexit liberis, puisque l’on sçavoit d’où les meubles provenoient, il avoit pû stipuler qu’ils tiendroient le nom, côté et ligne d’où ils étoient venus, autrement la volonté du défunt seroit frustrée ; il avoit pû acquerir en un lieu où femme n’auroit eu aucune part en proprieté, il pouvoit même revendre cet acquest et le re mettre en lieu où la femme n’auroit point de part, et s’étant assuré sur la vérité de sa declaation il feroit injuste de l’annuller en un temps où il ne pouvoit plus y donner remede ; qu si le mary est obligé de remplacer la moitié des meubles échûs à sa femme constant le mariage, pourquoy le mary ne pourra-t’il pas aussi remployer ceux qui luy sont échûs au nom de se enfans, pour empescher qu’ils ne passent au nom, côté et ligne de la femme :. Pouvant le dissiper, il doit avoir la liberté de les remplacer à sa volonté. La Coûtume ordonne le remploy pour les meubles qui viennent à la femme, pour y obliger le mary ; mais elle n’a point parlé de ceux qui échéent au mary, parce qu’étant le maître de ses actions, il étoit raisonnable de luy laisser la liberté de les remplacer comme il voudroit, et sans luy donner d’autre regle que a volonté ; et partant ayant acquis pour ses enfans et de ses deniers, sa femme n’y pouvoi tien demander. Les heritiers de la femme répondoient que la part de la fêmme aux conquests est reglée par la Coûtume, à laquelle on ne peut déroger, pactis privatorum jus publi-a cum immutari non potest ; que le droit de succeder dépend des loix et non de la volonté des parties ; que la Coûtume ne fait point de distinction entre les meubles acquis et ceux qui roviennent de succession, et les uns ni les autres ne sont point sujets à remploy, l’on ne doit point s’informer d’où ils procedent, pourvû qu’il n’y ait point de remploy à faite ; que relles déclarations étoient en fraude du droit des femmes et que les maris ne les pouvoient priver de la part que la Coûtume leur donne aux conquests : Par Arrest du 24 de Novembre 1633. la Sentence fut confirmée, plaidans Coquerel et Giot. Berault sur cet Article traite la question, si le mary peut acquerir au nom de ses enfans en fraude de sa femme ; il tient l’affirmative contreGodefroy , et il se fonde sur deux Arrests qui ne décident point la questions ; je la toucheray sur l’Article 482.

Il a été aussi jugé que l’achapt fait par un frère du partage de son frere êtoit un acquest oi la femme avoit part. Jacob et Matthieu Bunel acquirent de Jean Bunel leur frere une maison située à Roüen et une loge à Guibray, à condition d’acquiter deux petites parties de rente qu’il devoit, et de luy faire une rente sa vie durant : aprés la mort de Jacob Bunel, Barbe Russi sa veuve prétendit à droit de conquest le quart de cette maison et de cette loge, c’est à dire la moitié de ce qui en revenoit à son mary, comme étant un acquest en bourgage ; le Vicomte de Roüen luy avoit ajugé sa demande ; le Bailly avoit cassé la Sentence dont appel par ladite Ruffi : Dehors, son Avocat, disoit que cette question fe décidoit par les termes du contrat, qu’il paroissoit que c’étoit une pure vente que Jean Bunel avoit faite à ses frères de son pargage, et par consequent comme le mary avoit pris les denters de sa bourse, ausquels ladite Ruffi auroit eu part si on ne les avoit pas employez en acquisition d’héritages, il étoit raisons nable de luy donner part ausdits acquests. Maurry, pour Jean et Matthieu Bunel intimez, répondoit qu’il ne falost pas considerer ce contrat comme une vente, mais comme un avancement de succession, et pour le prouver il alléguoit que Jean Bunel étoit un esprit imbecille, qu’on ne luy avoit pas voulu laisser toucher les meubles, mais on en avoit constitué les deniers en rentes, et pour ses immeubles pour en empescher la disposition on luy en avoit fait faire un contrat d’avancement sous le nom de vente, et cela paroissoit en ce que la pluspart du pex étoit converti en une pension viagete, sans déboursement de deniers que d’une somme de cent livres : Par Arrest en la Grand. Chambre du premier d’Aoust 1658. la Sentence du Bailly fut cassée, et elle du Vicomte confirmée. Arrest au Rapport de Mi Mahaut du é de Mars 1630. confirmatif de Sentence des Requêtes, entre les heritiers de l’Epine et de Larcannier, par lequel des deniers destinez pour la dot et rentes qui en avoient été acquises furent ajugez aux heritiers au propre-Dans les Coûtumes qui admettent la communauté entre gens mariez, l’on pouvoit revoquer en doute si le mary pouvoit disposer de la moitié des meubles et des conquests faits constant le mariage, qui eût appartenu à sa femme, car la communauté semble acquerir de plein droit la proriété à la femme, et c’est une regle certaine qu’entre des associez et consorts, chaque ssocié ne doit avoir la libre disposition que de sa part, et il ne peut contre la volonté de son. consort, vendre entièrement les choses dépendantes de leur societé, l. nemo 68. D. pro socio.

I n’y a pas eu neanmoins diversité d’opinions sur ce point, et presque toutes les Coûtumes disposent que le mary est le maître de la communauté, et qu’il en peut user, à sa volonté, les rendre, aliener et hypothequer sans le consentement de sa femme, pourvû qu’il ne le fasse pas dans un dessein prémedité de fraude, et la cause de cette libre et absolué disposition. des biens de la communauté qui est accordée au maty, procede de ce qu’il n’est pas un imple associé, au contraire il est le maître de la communauté : Or suivant la disposition de droit un chacun est maître de son bien et en dispose à sa volonté, quiliber est arbiter & moderator rei sua, l. 4. 2. re. C. mand. et cette Coûtume est gardée depuis tres-long-temps par toute la France. Philippes de Beaumanoir qui écrivoit en l’année 1282. en fait mention en ces termes : Si-tost come mariage est fei, li bien de l’un et de l’autre est commun par lavertu du mariage, mais voirs est que tant come ils vivent ensemble, li hons en est main bournissiere, et convient que la semme suefre et obeisse de tant come il appartient alors meubles et as dépeüilles de leurs heritages.

Mais la difficulté à tombé sur les Donations, soit entre vifs ou testamentaires ; car quelque grand que soit le pouvoir du mary sur les biens de la communanté, l’on a douté si sous cette permission generale d’aliener l’on devoit comprendre les donations ; La raison de douter êtoit que in generali et liberâ rerum administratione, donandi facultas non continetur, l. contra. 29. 8. ult.

Je pact. l. filius famil. D. de Donat.. Tous ceux qui ont une pleine et entière disposition de leurs biens n’ont pas toûjours neanmoins la liberté de donner, parce que la donation ressent de plus souvent la dissipation et la prodigalité, et c’est pourquoy le fils de famille quoy qu’il ait la libre disposition de son pecule ne peut donner l. filiusfamil. et les Docteurs sur la l. Procurator C. de Procur. disent que le procureur ou le mandataire quelque ample et general que soit son pouvoir ne ipeut faire de liberalitez

Il est certain neanmoins qu’il est permis au mary de donner entre vifs des effets de la communauté ; plusieurs Coûtumes le disposent expressément, Paris, Article 2 25. lemary est seigneur des meubles et conquests immeubles par luy faits conctant le mariage de luy et de sa femme, en telle maniere qu’il les peut vendre, altener et hpothequer, et en faire et difposer par donation ou autre disposition faite entre vifs à son plaisir et volonté, sans le consentement de sa femme à personne capable, et sans fraude : Celle d’Orléans est conforme, Article 193. Bourgogne, Tit. des Droits appartenans à gens mariez, S. 3. Nivernois, des Droits de gens matiez, Article 3. Berry, de l’état des personnes, Article 18.

dais ces donations doivent être faites sans fraude, parce qu’elles sont toûjours exceptées, quelque faculté que l’on puisse avoir de faire quelque chose, le mary ne devant pas abuser du pouvoir qui luy est donné par la loy, l. elegant. D. de dolo ; il y en a une décision singulière en la loy Creditor. 60. 5. 1. D. mand. Un particulier avoit donné une commission fort ample et fort generale, on demanda si ce mandataire ayant mal agi dans sa commission on Commettant en seroit responsable : Quxsitum est fiquid non administrandi animo, sed fraudandi. animo alienasset, vel mandasfet, an valeret : Regpondi eum de quo quereretur plenè quidem, sed quatenus res ex fide agenda effet mandasse : Ainsi quoy que la Coûtume le rende maître de la communauté, il doit en disposer raisonnablement, la fraude est présumée lorsque le mary dispose par un contrat d’alienation generale ; car ces contrats sont suspects, l. omnes S. Lucius que in fraudem credit. On tire encore une conjiture de fraude, lorsque le mary enrichit ses parens aux dépens de la communauté.

Mais cette liberté de donner entre vifs ne doit pas être étenduë aux donations testamentaires, et à cause de mort, parce que le testament n’ayant la force et son effet qu’aprés la mort du mary, c’est un. temps où la puissance maritale a cessé, et où le droit est pleinement acquis la femme, et l’on en fait comparaison avec l’affranchi, lequel par le droit Romain peut donner entre vifs, mais qui ne peut disposer par testament de la portion qu’il doit laisser à son Patrons l. 9. si quidem fraud. Patron. D. La Coûtume de Bourgogne en a fait une disposition expresse, Article 74. Tit. des Droits appartenans à gens mariez, et c’est le sentiment dePontanus , sur l’Article 178. deRicard , sur l’Article 225. de la Coûtume de Paris, et de laLande , ur l’Article 193. de la Coûtume d’Orléans.

En Normandie où la Coûtume n’admet aucune communauté entre gens matiez, on ne peut douter que le mary ne soit le maître des meubles et des acquests, et qu’il n’en puisse disposer usqu’à la quantité qui luy est permise par la Coûtume ; cela se prouve par l’Article 389. qui contient que les conjoints ne sont communs en biens, et que la femme n’a rien aux meubles et conquests qu’aprés le decez de son mary, de sorte que n’y ayant ouverture au droit de la femme qu’aprés la mort de son mary, elle ne peut avoir d’action pour revoquer les donations entre vifs faites par son mary : D’ailleurs il est d’autant plus raisonnable d’accorder cette liberté au mary, qu’il ne luy est pas loisi ple de disposer de tous les acquests, mais d’un tiers feustment ; pour les donations testamentaires l’usage luy en est défendu par les raisons cy-devant remarquées. Par Arrest du 20 de Juillet 167o. eil fut jugé qu’une donation de cent livres de rente faite par le sieur de Reux seroit prise sur la part des conquests qui retournoient à ses heritiers, et non sur celle de la veuve.

On ne doute point que la femme prenant part aux conquests ne soit contribuable à toutes les dettes contractées par son défunt mary ; mais si la femme prédécede son mary, ses heritiers ayant part pour une moitié aux conquests ne seront obligez solidairement aux dettes, et n’y contribuëront que jusqu’à la concurrence de la valeur des conquests : par la Coûtume de Paris la femme qui prend part à la communauté et qui a fait inventaire, n’est obligée aux dettes qu’à pro rata de ce qu’elle a eu. Il est certain en cette Province que si la femme avoit survécu son mary, ses heritiers pourroient être poursuivis solidairement, mais quand les conquests sont separez des meubles, comme il arrive lorsque la femme meurt avant son mary, tous les meubles en ce cas demeurans au mary, comme les heritiers de cette femme n’y ont point de part, et qu’il ne peut tomber de presomption de substraction, les heritiers ne sont tenus que jusqu’à la concurrence de ce qui leur est revenu ; ainsi jugé en la Chambre de l’Edit le mois de Février 1607. entre le Roux et Loquet,

Ce n’est pas assez d’avoir remarqué quelques espèces de biens sur lesquels la femme a droit de conquest, et quelques autres où elle n’en a point, il faut encore sçavoir la portion qui luy appartient, et si c’est en proprieté ou par usufruit

Dans les Coûtumes qui autorisent la communauté, la moitié en proprieté est la portion ordinaire et certaine de la femme ; mais la communauté n’étant point reçûë en cette Province, on pouvoit croire que la femme est excluse d’y avoir aucune part, car luy donner part aux conquests, soit en usufruit ou en proprieté, c’est établir en quelque sorte la communauté.

Nôtre Coûtume néanmoins, bien que peu favorable aux femmes, a estimé qu’il n’étoit pas juste qu’elles fussent entierement privées du fruit de leurs peines, et qu’elles ne participassent point à un bien, pour Iacquisition duquel elles pouvoient avoir beaucoup contribué par leur bon ménage.

C’est par cette raison qu’en cet Article elle regle leurs droits, et qu’à cause des differens isages elle leur donne la moitié en proprieté des conquests faits en bourgage constant le mariage, et pour les conquests faits hors bourgage elles ont aussi la moitié en proprieté au Bail-iage de Gisors, et en usufruit au Bailliage de Caux, et le tiers par usufruit aux autres Bailliages et Vicomtez de cette Province.

Il eût été beaucoup plus utile au public d’établir une loy generale et un usage uniforme dans teute la Province, que d’autoriser dans un même Article quatre differentes ma-nières de partager les acquests ; la difficulté du discernement et de la distinction de ces diverses espèces de biens causent une infinité de procez ; mais il faut croire que nos Reformateurs ne pûtent vaincre lopiniâtreté des peuples, ni leur ôter ces opinions et ces pré-jugez avantageux que tous les hommes ont naturellement pour leurs anciennes Coûtumes, bien que mauvaises et injustes. On se détache fort difficilement de ses premieres habitudes, et toute l’autorité de nos Rois ne seroit point assez grande pour faire accepter à leurs sujets. une loy generale ; leur humeur et leur inclination n’étant point conformes, ils ne se peuvent conduire par les mêmes principes ; et lors de la reformation de la Coûtume, outre les differens usages marquez par cet Article, il falut encore conserver à plusieurs Villes et Bourgs leurs usages particuliers et locaux,

La Coûtume établissant une espèce de biens qu’elle appelle Bourgage, elle devoit expliquer ce que c’est que bourgage : Il faut avoir recours à l’ancienne Coûtûme, elle dit au troisième Chapitre de la tenûre par bourgage, que les conditions et les qualitez des héritages en bourgage sont qu’ils fe peuvent vendre comme les meubles sans le consentement des Seigneurs, et que par cette raison il n’en est point dû de treiziéme, que ces mêmes tenemens ne doivent point de relief ni d’aides coûtumiers : Et encore que dans les Bourgs il y ait plusieurs choses qui sont renuës par hommage, cela n’est pas par l’établissement des Bourgs, mais par des convenances faites entre ceux qui les tiennent ; et bien qu’ils doivent garder ces convenances ils sont toûjours tenus pour bourgage, s’il n’y a point été dérogé par quelque paction expresse Ragueau orsque le bourgage fut reçû. Rageau dans ses Indices Royaux cite cette ancienne Coûtume, et suivant icelle en ce Chapitre il estime que les bourgages sont les Masures, Manoirs, et Héritages qui sont dans les Bourgs et qui sont tenus sans fief, qui gardent et qui payent les Coûtumes des Bourgs et les rentes aux termes accoûtumez, sans être sujets à d’autres services ni rédevances.

Il y a neanmoins des Paroisses et des Villages où les femmes ont la moitié aux acquests, comme au contraire il y a des Villes et Bourgs où les femmes n’emportent pas une moitié : et c’est pourquoy on employa les uns et les autres dans le Procez verbal de la Reformation, et on en a composé des Usages Locaux : ainsi lon peut établir cette regle pour-les bourgages. que la femme a la moitié aux acquests qui se font dans les Villes et Bourgage, à la reserve des lieux exceptez par le Procez verbal des Usages Locaux, et qu’au contraire elle n’acquiert a proprieté aux héritages situez dans les Villages et Paroisses, que dans ceux qui sont exceptez par ce Procez verbals

La femme n’a pas seulement la moitié aux héritages en bourgage, elle a un pareil droit dans le Bailliage de Gisors, et apparemment le voisinage de ce Bailliage avec les païs où la communauté a lieu, a introduit cet usage.

Pour le Bailliage de Caux, on a douté si cette Coûtume de donner la moitié par usufruit aux acquests devoit se renfermer dans letenduë du Bailliage de Caux, ou s’il faloir la pratiquer areillement dans les lieux où cette Coûtume s’étend hors ce Bailliage pour les successions car on disoit que quand la Coûtume a parlé des successions dans le Bailliage de Caux, elle a ajoûté et autres lieux tenans nature d’iceluy ; en cet Article elle a parlé seulement du Bailliage de Caux, mais on a décidé cette question par l’Arrest du 10 ou 11 de Juillet 1630. remar-qué parBérault .

Pour l’éclaircissement de cette difficulté, ceux qui soûtiennent que la femme ne doit avoitr que le tiers aux conquests faits dans la Vicomté de Roüen, disent que cet Article regle la part des femmes aux conquests suivant les Bailliages, que dans celuy de Caux elle l’a limitée à la moitié par usufruit, elle ne peut donc avoir cette moitié hors ce Bailliage, car la Coûtume semble s’être exprimée encore plus clairement par ces paroles, le tiers par usufruit aux autres Bailliages et Vicomtez

On allégue pour l’opinion contraire que le Titre des successions en Caux contient ces mots, le successions en propre au Bailliage de Caux et autres lieux où ladite Coûtume s’étend dans la Vicomté de Ronon : Ce qui exprime nettement que cette Coûtume s’étend non seulement dans le Bailliage de Caux, mais aussi dans les lieux qui tiennent nature de Caux.

Le Titre des successions collaterales aux meubles et acquests, fuit immediatement celuy des successions de propre en Caux ; D’où l’on infere que les Articles qui disposent des acquests et con-uests en Caux, ont une liaison et une suite avec le Titre des successions en Caux, et lieux tenans nature d’iceluy.

L’Article de l’Usage Local de la Vicomté de Roüen, qui contient une exception à cette regle, éclaircit la difficulté ; car la Coûtume aprés avoir reglé que les femmes ont une moitié par usufruit aux conquests dans le Bailliage de Caux, elle dispose qu’elles ont la moitié en proprieté aux acquisitions d’héritages franchement tenus en la Paroisse deJumieges , qui est de la Vicomté de Roüen, mais dans le Bailliage de Caux. Dans l’Article 427. qui défend de disposer par testament de ses immeubles, il n’est parlé que du Bailliage de Caux, et toutefois cêtte disposition s’étend dans tous les lieux de la Vicomté de Roüen qui tiennent nature de Caux.

L’Article 318. est plus décisif, il contient que les freres partagent entr’eux egalement la succession aux meubles et acquests, encore qu’elle soit située en Caux et lieux tenans nature d’iceluy : Cette question fut traitée en deux Audiences, les 18 et 19 de Novembre 1621. entre Demoiselle Geneviéve le Sueur, veuve de François-Jean, sieur de Huménil, et Mr Cavelier, sieur de Villequier, Maître des Comptes, ayant épousé la veuve du sieur de Breteville, et François-Jean, tuteur des enfans du sieur de Breteville ; la cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest du 2 de May 1622. au Rapport de Mr de civil, il fut ordonné qu’il seroit informé par Tourbes de l’Usage dans les trois Sergenteries de la Vicomté de Roüen qui sont dans le païs de Caux, mais depuis la question a été décidée par l’Arrest du ro ou 11 de Juillet 1630. remarqué par Berault sur cet Article.

Cette Coûtume de donner à la femme la moitié par usufruit aux acquests faits en Caux, est fondée principalement sur un Arrest du 8 de Mars 1517. donné pour la Dame d’Etouteville, prés une Enquête par Tourbes de la Coûtume du païs, touchant les conquests.