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CCCXXX.

Quelque accord ou convenant qui ait été fait par contrat de mariage, et en faveur d’iceluy, les femmes ne peuvent avoir plus grand part aux conquests faits par le mary que ce qui leur appartient par la Coûtume, à laquelle les contractans ne peuvent déroger.

Il n’y a pas de difficulté que quand les contrats de mariage ont été passez en cette Province, toutes les clauses contraires et dérogatoires à cet Article sont de nul effet, mais quand ils ont été passez à Paris, et qu’il y a clause dérogatoire à toutes les autres Coûtumes, l’on prétend qu’en vertu de la communauté la femme a la moitié aux acquests faits en cette Province, par cette raison que le mary n’a pû détruire cette communauté en acquerant en des lieux où elle n’est point reçûë ; mais quand la question s’agite en ce Parlement où nous reputons les Coûtumes réelles, nous suivons la disposition de cet Article, et on n’a point d’égard à toutes ces dérogations ; et par Arrest en la Grand. Chambre du 19 d’Aoust 1646. entre Vignier, tuteur de la fille de Lastre, et la veuve dudit de Lastre, il fut jugé que nonobstant la clause portée par un contrat. de mariage passé à Valenciennes où les mariez étoient domiciliez, par laquelle la femme en cas de prédecez de son maty devoit avoir tous les meubles, toutefois parce qu’ils étoient venus demeurer à Roüen où le mariage avoit été dissolu, la succession seroit partagée comme en Normandie, vide l. exigere dotem. D. de judic. et les Docteurs sur la loy 1. C. de summâ tran. Mi d’Argentré , Article 2i8a gl. 6. n. 33. où il combat l’opihion dedu Moulin Loüet , l. C. n. 15. Je toucheray plus amplement cette matière sur l’Article 380 Bérault rapporte un Arrest par lequel l’on a jugé que la stipulation par laquelle une femme avoit obligé son mary d’employer les deniers qu’elle luy portoit en acquisition d’héritages où elle auroit la moitié, étoit civil et valable ; en effet la donation n’étant faite qu’à cette ondition, il étoit raisonnable de la suivre, autrement la femme n’auroit point donné ; mais hors le cas de la donation la stipulation qui engageoit le mary de n’acquerir qu’en des lieux où-la femme prendroit la moitié seroit incivile, le mary n’ayant pû s’imposer cette necessité : la paction seroit encore plus mauvaise si elle contenoit que la femme autoit moitié à ces acquests, parce qu’il doit avoir la liberté d’en user comme il luy plaist.

Sien que la femme ne puisse pas stipuler une condition meilleure que celle qui est prescrite par cet Article, on peut au contraire la faire consentir à prendre une moindre part à l’exemple du doüaire ; il est permis de stipuler que la femme aura moins que le tiers en doüaire, bien qu’on ne puisse pas luy donner un doüaire qui excede le tiers, ainsi puisqu’on ne peut accorder une plus grande part aux acquests que celle qui est limitée par cet Article, il n’est pas défendu de diminuer sa part aux acquests, cela se peut faire dans les lieux mêmes où la communauté a lieu : les mariez peuvent convenir en contractant qu’il n’y aura point entr’eux de communauté, ni d’une certaine part, ni de certains corps ou quotité ; car la disposition de la loy cede aux conventions des hommes dans les choses qui tombent dans le consen-tément des particuliers, si la loy de la nature n’y repugne, ou les constitutions politiques pour rinterest public : Convenire possunt conjuges in contrahendo, ne ulla futura sit communio, ne certa partis, ne certorem corporum aut locorum, aut quotae ; cedit enim legis diçpositio hominum conoentionibus in his quae in privatorum consensum cadunt, si naturae lex alia non repagnat aut politicae con.

Stitutiones ob publicam causam : Mr d’Argentré , Article 418. gl. 1. n. 5. Cette question a été décidée par Arrest, au Rapport de Mr de Breuedent, en lannée. 161a. elle se presenta encore en l’Audience de la Grand-Chambre le 4 de Juillet 1652

Il est vray que la communauté où la portton que la femme pent prendre en la succession a été établie par la Coûtume, et qu’il n’est pas au pouvoir des particuliers de changer les Loix qui sont établies, ni d’empescher par leurs pactions qu’elles ne soient gardées et executées l. nemo potest de leg. et l’on objecte encore que l’execution de cette paction se rencontrant dans le temps du mariage, elle est inutile suivant la loy quod sponsa C. de sponsMais on répond que cette maxime que les particuliers ne peuvent pas alterer l’ordre établi par la Coûtume, n’est véritable que pour les Loix qui regardent l’interest public, mais quand elles l’ont en vûë que le bien des particuliers, il n’est point défendu de s’en éloigner on de contracter d’une autre manière qu’elles n’ont ordonné, l. pacisci D. de pact. L’autre objection n’est pas plus forte, car ces pactions ne peuvent être considérées comme des donations, an contraire la femine remet et abandonne les avantages qui luy étoient accordez par la loy, et d’ailleurs tant s’en faut que l’execution de ces pactions se rencontre dans le temps du mariage, que li demande n’en est ouverte qu’aprés la dissolution d’iceluy ; et c’est aussi le sentiment dePontanus . sur l’Artide 82. de la Coûtume de Blois, que ces conventions sont legitimes et valables.

Guerout ayant dessein de se remarier, sans faire préjudice à dix enfans qu’il avoit, stipuls par son contrat de mariage avec la nommée Gucrente, que pour son doüaire elle n’aumit que deux cens livres de rente sans pouvoir prétendre aucine autre chose ; néanmoins depuis par son testament il luy donna cinq cens livres : cette veuve ayant survécu peu de temps son mary, es enfans du sieur Guerente, et Marie Guèrente sa soeur, demanderent part aux meubles et conquests de Guenout, ce qui leur fut accordé par Sentence du Vicomte de Roüen, mais on les priva de la part aux meubles : Appel devant le Bailly qui appointa les parties au Conseil, dont lesdits Gurrente ayant appelé, Baudry, leur Avocat, soûtenoit que la clause du contrat de matiage ne s’entendoit que du doüaire, et qu’il faloit rapporter les paroles suivantes aux premieres, c’est à dire au doüaire seulement ; qu’il n’y avoit point de renonciation de la part de la femme aux meubles et acquests, et que s’il y avoit quelque ambiguité dans cette clause on la devoit expliquer contre le mary ; mais quand la clause y seroit expresse qu’elle étoit nulles que la femme n’auroit pû renoncer à un droit que la Coûtume luy donne, disertis & civilibus verbis.

L’Article précedent est conçû en termes absoluts et dispositifs, il declare que la fomme a part, Il ne dit pas qu’elle doit on peut avoir part, et par cet Article quelque convenant qu’on ait fait, la femme ne peut avoir plus grande part que celle qui luy est donnée par la Coûtume, a laquelle les contractans ne peuvent déroger : d’où l’on conclud que les femmes ne peuvent renoncer ni déroger à ce qui leur est donné par la loy, que si l’on objecte que la femme ne peut avoir plus grand doüaire que le tiers, mais qu’elle peut avoir moins, et que par la même raison elle peut avoir moins aux conquests, on répond que la Coûtume est de droit étroit, et qu’il ne faut point l’étendre, sur tout étant dit que pour les conquesti on ne peut y déroger, et le contraire est décidé pour le doüaire ; aussi il y a grande différence, le doüaire se gagne au coucher sans que la femme y contribuë, et pour cette raison la loy laisse aux maris la liberté de le regler, mais les conquests se font autant des biens de la femme que du mary, de son industrie que de celle du mary ; la femme ne prend part aux meubles et acquests qu’à droit successif, parce qu’il n’y a point de communauté en Normandie ; or on ne peut renoncer à la suocession d’une personne vivante. Carué pour les enfans de Guerout remontroit que la renonciation êtoit expresse, puisqu’elle ne pouvoit avoir que deux cens livres pour doüaite pour toute chose, tant sur les meubles que sur les immeubles, presens et avenir ; qu’on ne pouvoit présumer que Guerour qui prenoit cette vieille plûtost pour avoir soin de son ménage que pour son profit, puisqu’elle n’avoit que cent livres de dot, ayant dix enfans, eût voulu luy donner part en ses meubles qui valoient plus de soixante mille livres, et aux acquests qu’il feroit par son bon ménages que pour la question, si la femme peut renoncer aux acquests, elle est sans difficulté : il ef vray qu’on ne peut renoncer à la succession d’un homme vivant, mais ce n’est pas à droit successif ; que la femme a part aux conquests, c’est par une grace particulière de la Coûtume, on peut même quelquefois renoncer à la succession d’une persome vivante, pourvû que re soit de son consentement ; en effet les filles renoncent tous les jours à la succession de leurs peres et méres ; mais pour la femme c’est avant le mariage, et avant qu’elle ait droit d’aspirer ùà cette succession, ce droit ne luy est acquis que par le mariage posterieur à la renonciation : quant aux Articles de la Coûtume, quand il est dit que l’on ny pourra déroger, c’est parce qu’elle défend de donner plus grande part, et quoy que la Coûtume n’ait pas dit comme au doüaire, que la femme y puisse avoir moins, c’est la même raison, le doüaire n’étant pas moins favorable, puisqu’il est destiné pour les alimens de la femme ; que ces clauses de renonclation de la part des femmes sont assez ordinaires, le mariage n’eût été fait sans cette condition. Guivant a jurisprudence du Parlement de Paris, on peut par le contrat de mariage faire renoncer la emme à la communauté : Par Arrest du 4 de Juillet 1652. on confirma la Sentence du Vicomte qui privoit la femme de la part aux meubles, et qui luy donnoit part aux conquests, qui n’étoient que de deux cens livres de rente ; la Cour pour donner cette part aux acquests estima que la clause de renonciation n’étoit pas assez expresse, et d’ailleurs les acquests étoient de getite consequence, car autrement il ne faut pas douter que l’on ne puisse valablement stipuler par un contrat de mariage, que la femme ne prendra point part aux acquests mi aux meubles pourvû que la renonciation de la femme soit précise et expresse.