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CCCXXXII.
Retrait du mary et de ses heritiers aux conquests pour le droit de la femme.
Le mary et ses heritiers peut retirer la part des conquests ayant appartenu en propriéré à sa femme, en rendant le prix de ce qu’elle a coûté, ensemble des augmentations, dans trois ans du jour du décez de ladite femme.
Il n’est pas necessaire que le mary ait eu des enfans de sa femme pour avoir la joüissance de la part aux acquests qui appartient à la femme, cette espèce est fort differente du droit de viduité, car la femme n’a part aux conquests que par la grace de la loy ; le mary en êtoit le maître. et il pouvoit en priver sa femme, et c’est pourquoy la Coûtume luy donne cet usufruit, sans y ajoûter la condition contenuë en l’Article 382. mais il ne perd pas même cet usufruit lorsqu’il se remarie.
Les heritiers du mary ayant rétiré la part des conquests, qui a appartenu en proprieté à la femme, elle devient un propre paternel en la personne des heritiers qui la retirent, le droit qu’ils ont eu de la retirer leur est venu à droit successif du côté du mary ; mais si le mary l’avoit retitée luy-même durant son second mariage, ce seroit une nouvelle acquisition à laquelle la seconde femme auroit part, le droit et l’action change de nature en la main de ses heritiers : ainsi jugé e 22 de Février 1674. au Rapport de Mr Salet, entre le Bachelier et Malherbe.
Ces paroles ( la part des acquests ) doivent s’entendre en nom collectif, c’est à dire toute le part êchûè à la femme ; comme le mineur est tenu de reconnoître toute l’administration du tureur, ou de la repudier en tout, quand il se plaint de l’administration de son tuteuts gotam tutoris administrationem agnoscere tenetur, aut in totum repudiare, l. cum querebatur de administ. autrement il pourroit arriver que des héritages ayant été vendus cherement et les autres à bor marché, la garantie des uns étant bonne et des autres mauvaise, le mary et ses heritiers ne retireroient que ce qui leur seroit profitable ; il faut donc qu’il rembourse le tout, suivant l’Arrest donné sur ce fait le 19 de Juillet 1652. entre les hcritiers de défunt le sieur Abraham et Forest, heritiers de la veuve d’Abraham. Abralam avoit acquis une maison à Roüen proche la Ctosse, et deux autres en la rué Perchere ; aprés sa mort son heritier déclata qu’il vouloit rembourser suivant cet Article, à l’héritier de la veuve la moitié du prix et des augmentations de la maison située proche la Crosse : on soûtint qu’il étoit tenu de faire le retrait de la part entière de la veuve, la Coûtume n’ayant pas donné cette faculté au mary ou à ses heritiers de retirer seulement la part des conquests qu’il leur plairoit, et ces paroles ( la part des conquestsy comprennent tout ce qui appartenoit à la femme ; par l’Arrest l’heritier du mary fut debouté de son action, sinon en remboursant la moitié de tous les acquests.
Mais comme par l’Article précedent le mary doit joüir durant sa vie de la part de sa femnie, et que d’ailleurs par cet Article il est obligé, s’il le veut, de retiter cette part des conquests dans un temps fatal, comme son droit d’usufruit est favorable, il sembloit juste qu’il le pûti conserver nonobstant le remboursement qu’il feroit aux heritiers de sa femme : On a jugé neanmoins le contraire par l’Arrest rapporté parBérault , et peu auparavant la même question avoit été décidée, et Mr le Premier President fit avertir les Avocats qu’ils ne devoient plus en douter : Par ce même Arrest qui fut. prononcé le 28 de Février 1619. on agita cette autre question, s’il suffiroit de former l’action dans les trois ans, et si le remboursement devoit aussi être fait dans le même temps : L’Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre entre Christophs le Maître, appelant du Bailly de Gisors à Vernon, et Claude Hantier intimé, en interpretation de lArticle 352. de la Coûtume, sur la question, sçavoir si le mary ayant rétiré la part des conquests, ayant appartenu en proprieté à sa femme, le dernier jour des trois ans du decez, sans avoir fait aucun garnissement, étoit recevable à poursuivre ce retrait : Le Vicomte et le Bailly avoient declaré le mary non recevable, faute d’avoir rendu ou actuellement garni la moitié du prix des contrats. L’appelant disoit qu’il luy suffisoit d’avoir intenté son action dans les temps, qu’il n’étoit pas obligé de garnir un prix incertain, parce que sur les conquests il faloi remplacer le propre aliené avant toutes choses, et davantage que la Coûtume donnant au mary fusufruit des conquests sa vie durant, il auroit garni ou remboursé inutilement, et que s’il étoit obligé de le faire il faudroit luy payer finterest des deniers sa vie durant, autremen il acheteroit lusufruit qui luy est acquis par la Coûtume. L’intimé disoit qu’il faloit prendre la Coûtume en toute sa disposition, qu’elle donnoit pouvoir de retirer dans trois ans du jour du decez, qu’il ne suffisoit pas d’avoir intenté action, mais qu’il faloit necessairement avoir fait le retrait dans le temps ; davantage que la Coûtume portoit, en rendant dans les trois ans, co terme de gerundif emportoit une necessité précise de rendre et de rembourser actuellement dans Chassanée les trois ans. Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne, Article 1. Tit. des Retraits, interpretant ce mot sen rendant ) dit, prenez garde qu’il doit offrir le prix, et pour son refus, le consigner et mettre aux mains de la Justice ; aaverte quod offerre debet pretium, et ob ejus recusationem, consignare et deponere in manibus Justitiae : Que les termes de retirer et en rendant sont inclus dans ces termes, dans les trois ans du jour du decez de la femme, qui font voit clairement qu’il faut que le remboursement et le retrait soient faits et parfaits dans ce temps, que le mary ou ses heritiers ayent executé tout ce qui est requis par la Coûtume. Le terme de trois ans est assez long pour donner le loisir au mary de se preparer, et pour faire liquider ce qu’il faut rembourser ; c’est un terme legal qui ne peut être prorogé par qui que ce soit, et pas un Juge n’a pouvoir de le faire ; que pour le retrait lignager la Coûtume avoit exprimé qu’il étoit suffisant que laction fût intentée dans l’an et jour, encore que l’assignation échût aprés l’an et jour ; mais c’étoit une exception qui confirmoit la regle pour les cas non exceptez ; pour fusufruit du mary s’il s’en vouloit contenter, on ne luy vouloit point contrédire, mais s’il touloit acquerir la proprieté et lafsurer pour les siens, ou pour en disposer par vente, par échange ou hypotheque, il étoit obligé de rendre et de rembourser dans les trois ans, en quoy le mary peut faire un grand profit, parce qu’il est obligé de rembourser seulement la moitié du prix des contrats, et il peut revendre cette moitié davantage que ce qu’il a retité, les héritages ayant augmenté de prix depuis les contrats, et c’est pourquoy il ne peut prétendre d’interest de ses deniers ; et le mary allégue mal à propos que le prix qu’il faloit rembourser êtoit incertain. parce que la Coûtume le regle à la moitié du prix de ce que les héritages ont coûté, qui est certain par les contrats d’acquests. La Cour confirma les Sentences du Bailly et du Vicomte, et condamna lappelant aux dépens, et avertit les Avocats de ne douter plus en consultation de cette question, par Arrest du 2é de Février 16to. Ils ne sont pas tenus de rembourser rintegrité des conquests, quand le mary ou ses heritiers leur abandonneroient leur part, et leur en feroient un delaissement ; ce qui a été jugé par Arrest du 30 d’Aoust 1664 aubin le Cauchois étant mort sa veuve eut la moitié aux conquests, l’autre moitié et les propres furent partagez entre Jean et Guillaume le Cauchois, freres du défunt, 8 Françoise le Cauchois leur niéce, fille de Nicolas, autre frère du défunt. La veuve étant morte dans les trois ans, Jean et Guillaume le Cauchois formerent action pour retirer la moitié des conquests ; Loüis et Pierre Davaré, enfans de Françoise le Cauchois, offrirent aussi de rem bourser pour la portion que leur mere auroit euë en ces conquests : Les Cauchois les contredirent, disans que les actions en retrait se reglent comme les successions, que la succession aux cquests appartient au plus proche parent, et que puisqu’ils étoient les plus proches, ces arriereneveux étant hors le cas de la representation, ils n’étoient point admissibles à ce retrait.
Davaré répondoit qu’il ne s’agissoit pas de retrait, mais d’une faculté particulière donnée par la Coûtume au mary ou à ses heritiers, que cette faculté ne pouvoit subsister qu’en la personne de ceux qui avoient partagé l’autre moitié, et les droits étoient acquis ; or leur mere qui étoit vivante ayant succedé au mary et partagé avec eux, comme l’heredité comprend tous les droits et actions, celle-cy qui en étoit une avoit été transmise par elle à ses enfans, bien que l’action n’en eût pas été formée par elle, étant motte avant la veuve, mais qu’il suffisoit qu’elle eût le droit et l’action pour retirer l’ouverture de ce droit avenant, elle avoit eu droit à la chose, jus ad rem, et ses enfans ayant succedé à ce droit, ils de voient concurrer pour la part de leur mere : Par Arrest du 3 d’Avril 1635. tous les heritiers furent reçûs à retirer, plaidans Laloüel et Caruë.
Cerf, Procureur en la Cour, remboursa la part de la veuve, et aussi-tost il déposseda les ferniers qui demanderent leur dédommagement, à quoy le sieur Barbé fit condamner les heri-tiers par Sentence des Requêtes du Palais : Sur l’appel des heritiers, Pilastre leur Avocat, disoit que ce bail ayant été fait de bonne foy par des gens qui avoient droit de le faire, il étoit tenu de le souffrir, autrement la femme et ses heritiers n’auroient pas la liberté de joûir de leur bien, que la disposition leur en étoit permise, puisqu’ils en étoient véritables propriétaires, ue la faculté portée par cet Article ne les privoit pas de le bailler à ferme, et qu’en cas de étrait les heritiers du mary devoient le prendre en létat qu’il étoit, que leur condition êtoit pien meilleure que celle d’une doüairière, parce que le doüaire devoit finir necessairement un pour, mais il n’étoit pas certain si le mary ou ses heritiers voudroient se servir de la faculté qui leur est donnée par cet Article. Carue répondoit que les parties étoient comme des vendeurs et des acquereurs, que l’intimé tenoit lieu d’acquereur, qu’ainsi il n’étoit pas obligé d’en-tretenir le bail, puisqu’il pouvoit rembourser la part de la femme, la joüissance pleine et entiere luy en appartenant : Par Arrest en la Grand. Chambre du 30 de Juillet 1646. la Sentence fut cassee, et les heritiers déchargez du dédommagement.