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CCCXXXIII.

Confiscation du mary ne préjudicie à la femme.

Avenant que le mary confisque, la femme ne laisse d’avoir sa part aux meubles et conquests telle que la Coûtume luy donne, comme si le mary n’avoit confisqué.

L’ancienne Coûtume êtoit dure et barbare : Quand le mary étoit confisqué pour crime, la femme êtoit privée de sa part aux meubles et acquests, elle perdoit même son doüaire ; voyez de laLande , Coûtume d’Orléans, Article 209. Et en lEchiquier tenu à Caen en l’année 1237. il fut dit que la femme que Thomas de Gorges avoit abandonnée, n’auroit point de dot, c’est à dire de doüaire sut la terre dudit Thomas, parce que ce Thomas qui étoit homme : lige du Roy son seigneur ; et en garnison, avoit livré le Château du Roy son Seigneur aux mains de ses ennemis, et s’étoit retiré en Angleterre contre le Roy son seigneur, quod relicta Thoma de Gorges non habebit dotem, de terra dicti Thome, cum ipse Thomas, qui erat homo-ligius Domini Regis, et in garnisione tradidit Castellum Domini Regis in manus inimicorum suorum, & abiit n Angliam contra Dominum Regem

Nos Loix sont devenuës plus humaines, et cet Article a terminé cette grande question, si par la confiscation du mary la femme êtoit privée de la part aux acquests ou à la communauté, a raison de douter étoit que le mary durant sa vie est le maître absolu des meubles et des acquests, mais cette puissance de pouvoir aliener et disposer doit s’entendre civilement ; ces alienations ne peuvent être faites que par des contrats, et sous ce mot de contrats les crimes et les délicts ne sont point compris, delicta sunt extra societatem, nulla horum societas : le mary n’étoit le maître de la communauté que durant sa vie, inter vivos. Or la confiscation n’avoit son effet que par la Sentence de condamnation, qui ne peut être mise au nombre des contrats Chassanée qui se passent entre vifs. Cette matière est traitée par Mi d’Argentré , Article 422. par Chassanée, des Droits appartenans à gens mariez, S. 3. Rubr. 4. l. Res uxoria, C. de donat. inter virum & uxorem :Loüet , l. C. n. 52.Chopin ,, l. 1. c. 7. n. 13. Coûtume Nivernois, Article 3. Tit. des Confisc.Pontanus , sur la Coûtume de Domanio Blois, Article 178. Puisque la com-munauté n’a point lieu en Normandie il seroit inutile de traiter cette question, si pour le crime de la femme sa part en la communauté peut être confisquée, et pour la question, comment l’amende et ses interests se reglent

Il faut neanmoins faire différence entre les confiscations où le délict commis empotte la mort naturelle et civil, en consequence dequoy la société est rompué, dissolvitur societas, ou bien cette confiscation ne détruit point la societé, mais elle se termine à quelque condamnation qui emporte quelque reparation ou la perte de l’héritage : Au premier cas de la mort naturelle et civil. e crime du mary ne blesse point les droits de la femme : Au second cas la femme perd la part qu’elle pouvoit avoir aux acquests ; par exemple, si le mary ayant acquis un héritage tombe en commise pour felonie, ou pour avoir desavoüé mal à propos son Seigneur, il est sans doute ue la commise a lieu, même au préjudice de la femme : C’est l’opinion dedu Moulin , Art. 43. laCoûtume de Paris , n. 88. Respectu conquestuum solius mariti negatio aut felonia facit feudum in totum & perpetuo commitii, et acquiri Patrono etiam in praejudicium uxoris, quia maritus constante matrimonio est pleno jure Dominus omnium conquestuum et non uxor, licet ipsa habeat dominium mediae partis in habitu sed infirmum et resolubile : Solus maritus fidelitatem prestare potest, capas fidelitatis, capax feloniae, ideo potest denegando Patronum, feudum amittere, quum hoc procedat magis ex natura et conditione rei huic oneri affecta quam ex punitione delicti.

La femme en prenant part aux meubles et acquests n’est point neanmoins obligée aux inte rests, comme il fut jugé en la Chambre de la Tournelle le 21 de Mars 1656. Samson, Maître de la Pomme de Pin, fut accusé d’avoir tué le petit-fils de fa femme, sorti d’une sienne fille, la mère de renfant avoit rendu plainte contre luy ; il moutut pendant l’instruction du procez, integri ctatùs ; on continua les procedures contre Samson son neveu et contre sa veuve, qui avoit moitié aux meubles et acquests : Elle s’en défendoit en vertu de cet Article et de l’Article 544. qui exempte les biens du mary des interests jugez pour le délict de sa femme, et par la même raison ceux de la femme ne pouvoient être obligez pour le crime du mary, ne uxor pro marito ; voyezLoüet , l. D. n. 22. que d’ailleurs elle étoit l’ayeule de l’homicidé, et qu’au defaut de la mere elle auroit elle, même poursuivi la vengeance de sa mort, et que l’on ne pouvoit sans cruauté luy faire payer les interests de la mort de son petit : fils.

Cloüet pour Samson soûtenoit qu’elle étoit dans les termes de cet Article, puisqu’il n’y avoit point eu de confiscation ; que l’accusé étoit mort integri statùs ; que ses heritiers avoient profité de sa succession, et la veuve avoit eu sa part aux meubles et acquests ; que c’étoit une dette de la succession à laquelle elle étoit contribuable comme à toutes les autres ; que les Arrests donnez dans les Coûtumes où il y a communauté ne faisoient point de consequence, au contraire ils étoient décisifs contre la veuve :Loüet , ibid. On ajugea définitivement main-levée à l’ayeule.