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DES SUCCESSIONS COLLATERALES AUX MEUBLES ET ACQUESTS.
OUS rentrons maintenant dans une Coûtume generale qui a son étenduë. dans toute la Province, et même dans le Bailliage de Caux.
Nous apprenons dans ce Titre le droit de succeder aux meubles et acquests, et la manière de les partager : Elle est fort differente de celle des propres ; et s’il est vray que le premier et lunique objet d’une loy prudente et équitable doit être d’empescher les procez, en rétranchant tout ce qui en peut servir de matiere, on auroit travaillé beaucoup plus heureusement pour le repos des peuples si l’on n’avoit point introduit ces diverses qualitez d’heritiers, et si l’on n’avoit pas tabli tant de différences entre les biens d’une même personne lorsqu’il s’agit de les partager.
L’ancien Droit Romain ignoroit toutes ces differences, il n’y avoit qu’un seul patrimoine, unicum erat hominis patrimonium, sans distinction ni separation de biens, et sans consideration d’estoc et de ligne, et l’on ne donnoit point deux divers patrimoines à un même homme, I. juris Peritos. 33. de excus. tut. l’heritier ab intestat qui étoit toûjours le plus proche parent succedoit à tous les biens du défunt, tant à ceux qu’il avoit acquis qu’à ceux qui luy étoient échûs de ses ancêtres : c’étoit la loy des douze Tables que les Decemvirs avoient empruntée deSolon , proximus agnatus familiam habeto.
Il est vray que dans la suite des temps cette loy reçût beaucoup de changemens, et Justinien dans son Code, en ses Institutes et en ses Novelles, a refait tant de fois l’ordre de succeder, que les Interpretes les plus éclairez ont de la peine à le démélet.
Nôtre loy Salique appeloit à la succession le plus proche parent, agnatum proximiorem, Tit. 62. de Alodis, S. 5. elle rejettoit même la representation tant en ligne directe que collaterale.
Combien de contestations naissent tous les jours pour sçavoir celuy qui doit succeder aux meubles et acquests : Avec quelle application faut : il étudier l’estoc, le ramage, la ligne, le degré, lorsque contre la regle ordinaire on veut exclure le plus proche du ventre ; Quel embarras ne cause point le droit des uterins pour avoir seulement ajoûté tant d’exceptions à cette regle, qu’en parité de degré les paternels sont preferez aux maternels : On renverse une loy generalement établie dans la Normandie, à sçavoir celle qui prive les filles du droit de sueceder tant qu’il y a des mâles ou décendans des mâles, lorsque l’on fait succeder les tantes avec leurs neveux, enfans de leurs freres
Et quand la qualité des heritiers est reglée, on n’a pas moins de peine à discerner la nature des biens, si c’est un propre ou un acquest, ce qui a produit une infinité de questions qui sont remarquées dans la Bibliotheque du Droit François, sur le mot Acquest : Et bien qu’à cause de cette generale inclination de la Coûtume pour conserver et pour accroître les propres il y ait beaucoup moins de difficulté sur ce sujet parmy nous qu’ailleurs, neaninoins ce discernement se fait encore avec peine, sur tout lorsqu’il s’agit de juger à queile ligne de la paternelle ou de la maternelle doivent retourner les acquests qui sont devenus propres : Ce n’est pas assez de sçavoir la qualité des heritiers et la nature des biens, la difficulté est encore grande pour le partage des acquests : autre est le droit de l’ainé, autre est celuy de ses onfans ; autre celuy des oncles, des neveux, et arrière-neveux ; tantost on partage par souches, et tantost par testes. Et enfin la Coûtume admettant aussi les femmes à prendre part aux conquests faits constant leur mariage, leur condition est differente selon la situation des biens que la Coûtume fait aussi de differente nature.
Il est vray que contre cette loy qui donnoit toute la succession du défunt au plus proche parent sans distinction de ligne et de nom, on allégue avec justice que les femmes apportent des biens à leurs maris, il n’en faut pas faire une perpetuelle et generale confusion, et qu’il est raisonnable de restituer aux parens maternels ce qui est procedé de leur côté, et c’est pourquoy lon changea Iancien droit, et on mit de la difference entre les biens paternels et ma-ternels, qui ne s’étendoit point neanmoins au de-là des freres, l. de emancipatis. C. de legisim. hered. et l. ult. C. Comm. de success. et MrCujas , Cons. 22. dit que cette regle paterna paternis, et materna maternis, établie pour les freres, non extenditur ad gradum ulteriorem ; mais que les Coûtumes de France ad omnes cognatos protraxerunt : et parce qu’il étoit rigoureux que le frère du défunt succedât seul au préjudice des enfans d’un autre frere, on intro-duisit la representation en ce premier degré, mais il faloit en demeurer la Pour regler les droits successifs et le partage des biens avec moins d’embarras et d’abus, on peut dire néanmoins que nôtre Coûtume s’est expliquée sur cette matière beaucoup plus clairement que les Coûtumes voisines
Pour l’éclaircissement de ce Titre on le peut diviser en deux parties ; par la premiere on déclare cordre de succeder, et quels parens sont preferez ; dans l’autre on établit la manière de partager les acquests, non seulement à l’égard des parens heritiers, mais aussi à l’égard des femmes avant que d’entrer en la discution particulière des Articles de ce Titre, il ne sera pas inutile de remarquer que quand il nait de la difficulté sur la qualité de propre ou d’acquest, c’est une regle cettaine parmy nous que tous biens sont reputez propres, et que l’heritier aux acquests doit justifier sa prétention : l’opinion de plusieurs Docteurs est contraire sur la I. questus : D. pro socio, qui ne fait rien à leur avantage, et la raison que Benedicti en donne sur le C. Rainutius est ridicule, quia, dit-il, homines nndi veniunt in terram ; mais cela n’empesche pas que a plus grande partie des biens que nous possedons ne nous soit échûë de nos peres et de nos ayeuls, et la faveur de l’heritier aux propres fait présumer qu’ils procedent plûtost du bon ménage de nos ancêtres que de nôtre travail et de nôtre industrie. Du Moulin qui a pareilsement estimé sur la sin de son Conseil 53. que sans doute les biens sont présumez une nou-velle acquisition, et non une succession ancienne, sine dubio bona presumuntur nova acquisitio et non vetus heredium, cite la l. à defunctis. C. arbitrio tutelae ; mais l’espèce de cette loy n’a point le rapport à cette question ; celuy qui avoit été en tutelle vouloit se saisir des biens de son défunt tuteur, sur ce pretexte que quand il avoit commencé d’administrer la tutelle il n’avoit aucuns biens, d’où ce demandeur concluoit que ces biens-là ne pouvoient provenir que de sa tutelle : mais l’Empereur répond que la donation n’est pas une marque que ni le tuteur, ni sa femme, n’ayent rien possedé avant l’administration de la tutelle ; car il ne faut pas ôter aux pauvres l’industrie ou l’augmentation de leur patrimoine, non idoneum continet indicium quos neque tutor, neque uxor ejus quidquam ante administrationem habuerint : nec enim pauperibus industria vel augmentum patrimonii interdicendum est. Cette loy prouve bien que l’on peut augmenter son patrimoine par son industrie et par son travail, il ne s’ensuit pas neanmoins que la presomption soit toûjours pour les acquests plûtost que pour l’ancien patrimoine : et afin qu’on n’en doutât plus on en a fait un Reglement, Article 46. du Reglement de l’année 1666.
CCCIV.
Representation en ligne collaterale.
En succession de meubles, acquests, et conquests immeubles en ligne collaterale, representation a lieu entre les oncles et tantes, neveux et niéces, au premier degré tant seulement.
Le droit de representation a été introduit, afin que ceux qui ne peuvent succeder de leur chef puissent entrer en la place d’une autre personne qui êtoit capable de succeder, si elle êtoit vivante la representation est appelée l’image presente de la personne absente, reprasentatio dicitur absenti alicujus prasens imago.Hottoman . Controv. nepot. et patrui argum. 3. C’est un benefice pour succeder seulement et non pour exclure, parce qu’autrement on feroit concurrer deux graces singulieres et une double fiction.
Justinien Elle n’étoit point reçûe par l’ancien Droit Romain, Justinien l’établit en faveur des enfans des freres, mais elle ne passoit point plus loin ; et in Authen. post fratris filios. C. de legit. hered. ultra fratris filios reprasentationi non est locus.Cujac . in paratlit. ad Nov. 118.
La representation ne peut être que d’une personne morte et non d’une personne vivante,Tronçon , sur les Articles 319. et 322. Nota, dit du Du Moulin sur l’Article 241. de la Coûtume du Mayne, quod representatio nunquam est de persona vivente, sed tantum de parente mortuo naturaliter vel civiliter, l. 5. quâ penâ, de his qui sunt sui juris vel alieni : et c’est le sentiment de tous nos Auteurs, et la jurisprudence du Parlement de Paris est que la representation ne se fait jamais d’un homme vivant et habile à succeder, si le pere est vivant, si vivat adhuc & sit integri Status, bien qu’il renonce à la succession échûë, son fils ne prendra point sa place et n’entrera point en ses droits successifs, pour prendre part aux biens du défunt avec les autres heritiers plus proches en degré, et l’un des heritiers presomptifs renonçant, sa part accroit à ceux du même degré qui acceptent la succession, l. 51. pluribus. S. D. de suis et leg. Ce qui a lieu à plus forte raison en n digne collaterale ;Loüet , l. T. n. 41.Bacquet , des Droits de Justice, c. 21. n. 359.Chenu , E Centurie 2. 4. 23.Mornac , sur la l. si qua penâ, de his qui sunt sui juris vel alieni. De laLande , sur l’Article 304. de la Coûtume d’Orléans.
Me Josias Berault et M’Jacques Godefroy ont touché cette question sur cet Article : ce dernier a suivi la doctrine de nos Auteurs François, et la jurisprudence du Parlement de Paris pour les successions collaterales, pour lesquelles il n’admet point la representation d’une personne vivante ; mais pour la succession directe il estime, suivant l’autorité d’un Arrest qu’il a remarqué sur l’Art. 235. et que Berault a cité sur l’Art. 90. que par la renonciation du pere la succession a été transmise à ses enfans. Berault au contraire a été de ce fentiment, que la representation d’une personne vivante avoit lieu, et que le fils nonobstant la renonciation de sun pere êtoit admissible à succeder avec un plus proche, quasi subductâ personâ patris è medio. si l’on suit la raison, il est sans doute que la representation ne peut avoir lieu d’une personne vivante ; car étant une maxime cettaine que le plus proche exclud le pius éloigné, et la representation étant un privilege en vertu duquel un parent plus éloigné peut entrer en la place d’une personne qui n’est plus, et qui êtoit capable de succeder, il est impossible dé prendre cette place lorsque la personne est vivante, et qu’elle renonce à son droit ; ainsi ce parent étant plus éloigné, et ne pouvant être raproché par le benefice de la representation, parce que le degré est rempli par la personne vivante, il est absolument exclus par le plus proche parent du défunt, Il est vray qu’en ligne directe la representation a lieu à l’infini, mais cela s’entend dans le veritable cas de la representation, lorsque la personne que l’on veut representer est décedée ou morte civilement
L’on objecteroit inutilement que le droit du pere est transmis aux enfans, car outre que sul vant la disposition du droit, l’heredité déférée et non prise ne se transmet pas hereditas delata, non adita, non transmittitur, il y a grande différence entre le droit de representation et le droit de transmission, la transmission ne donne que le droit de celuy qui l’a transmis ; or celuy qui renonce n’ayant jamais rien eu à la succession, il ne peut l’avoir transmise à ses enfans, au contraire par la representation il prend la place de celuy qu’il represente, il entre dans tous ses droits, et il succede in gradum verius quam in locum, et remotivée non transmissivé, et parce que suivant le témoignage d’Hottoman , de Controv. nepotis & patrui, argum. 4. du Moulin a le mieux expliqué les differences de la representation et de la transmission, je rapporteray ses paroles : Dans la transmission l’on succede mediatement, et par le moyen de celuy qui transmet : dans la repre-sentation celuy qui succede immediatement vient à la succession de son propre chef et de sa personne, et ne reçoit rien du droit de celuy qu’il represente, in transmissione qui succedit mediati et ex personâ transmittente succedit : In reprasentatione qui succedit immediatè ex capite proprio et ex personà propriâ venit, et nihil juris accipit ab eo quem representat.Molin . de feud. 5. 22. n. 103. Il faut donc pour donner lieu à la transmission que la chose ait appartenu, et qu’elle ait subsisté quelque temps en la personne de celuy qui transmet.
L’Arrest de Revel que Me Jacques Godefroy a cité n’a pas jugé cette question, comme on e peut voir par les raisons que j’en ay rapportées sur l’Article 235. où j’ay aussi remarqué cet Arrest ; il s’agissoit de sçavoir si Laurens Revel ayant repudié la succession de son pere pouvoit la prendre sous le nom de son fils, qui n’étoit né ni conçû au temps de l’écheance d’icelle, mais qui la trouvoit encore jacente par benefice d’inventaire, au préjudice de Pierre Revel qui l’avoit acceptée : Pierre Revel ne pouvoit pas exclure le fils de Laurens Revel, comme étant le plus proche, parce qu’il n’étoit qu’un parent collateral, et l’autre demandoit la succession de son ayeul, de sorte qu’il venoit de son chef, et il n’avoit pas besoin de representer son pere pour exelure Pierre Revel, parce qu’il étoit encore plus habile à succeder que Pierre Revel, ainsi Godefroy ne devoit pas considerer cet Arrest, comme sil avoit jugé qu’en ligne directe l’on peut cepresenter une personne vivante.
En Normandie, suivant l’opinion la plus commune, il suffit, tant en ligne directe que collaterale, que l’on soit capable de venir par representation, et sans distinguer si la personne repre-sentée est morte ou vivante : la representation a toûjours le même effet, l’on confond ensemble les operations de la transmission et de la representation, et celuy qui peut representer un autre et entrer en sa place a les mêmes avantages qui luy eussent appartenu, si celuy qui renonce fût décedé avant l’écheance de la succession.
Car puisque suivant la plus grande partie des Loix et des Coûtumes, le droit de represens tation a parû si équitable, que dans la ligne directe il a été étendu à l’infini, et dans la ligne Collaterale au premier degré pour les meubles et acquests, afin que les enfans ne fussent pas privez par la mort prématurée de leur pere de ce qui luy eût appartenu, il n’est pas juste de restreindre un droit si favorable, et de ne luy donner lieu que dans le seul cas du decez de celuy que l’on veut representer ; c’est mal expliquer l’intention des Loix et contrevenir à leur fin : La representation n’est introduite que par un principe d’équité, pour mettre les enfans en la place de leur pere, que si le pere vivant ne veut point se prévaloir de son droit, il ne doit point faire li d’obstacle à ses enfans, et quoy que la representation ne se fasse ordinairement que d’une personne absente ou qui n’est plus, neanmoins celuy qui ne veut point être heritier ne doit plus être considéré en cet égard que comme s’il n’étoit plus dans l’être des choses.
Neanmoins le contraire a été jugé en la Chambre de l’Edit le 23 de Juillet 1654. et même pour une succession directe. Henry, Pierre et Michel de Bauquemare étoient frères ; aprés le decez de Henry sans enfans, Michel se déclara heritier, mais Pierre renonça à la succession, et comme créancier il fit saisir les biens de la succession. Aprés sa mort Tobie, son fils, demanda part en la succession de Henty son oncle : la veuve et les enfans de Michel luy opposerent qu’il ne pouvoit venir à la representation de son pere, puisqu’il étoit vivant lorsque la succession fut ouverte, et qu’il n’y avoit jamais de representation d’une personne vivante, que son pere ayant renoncé et étant son heritier il étoit tenu de ses faits, que son pere avoit pû ne prendre pas la succession qui luy étoit échûë, et qu’il n’avoit point d’action pour s’en plaindre. ur tout ne venant demander cette succession qu’apres vingt ans que son pere l’avoit repudiée. lobie de Bauquemare répondoit que s’agissant d’une succession de propres, il y avoit representation à linfini, que le pere par sa renonciation étoit reputé comme mort, celuy qui renonce est censé comme s’il n’avoit jamais été, abstinens censetur tanosssim si nunquam fuisset, dit du Moulin ; et comme son pere n’auroit pû faire préjudice à ses créanciers par sa renontiation, il pouvoit beaucoup moins faire tort à ses enfans : Tobie de Bauquemare avoit été debouté par le Bailly des Lettres de restitution qu’il avoit obtenuës, par l’Arrest la Sentence uut confirmée : On peut douter si par cet Arrest la Cour a décidé la question, car en conse uence de la renonciation faite par Pierre de Bauquemare, Michel avoit pris la succession entière, et le fils de Pierre ne venoit qu’aprés vingt ans de paisible possession que Michel avoir euë, de sorte que son filence faisoit présumer qu’il auroit abandonné son droit quand même il eût été capable de succeder.
La connoissance de la ligne et du dégré étant si necessaire pour le partage des meubles et des acquests, il ne sera pas inutile d’expliquer ce que les Jurisconsultes appellent ligne et degré en matière de successions.
La proximité procede de la consanguinité ou de l’affinité, en l’une et l’autre l’on considère la ligne et le degré, la ligne est un dénombrement des personnes conjointes par la consanguinité, et qui décendent d’une même fouche, et qui contient divers degrez : Linea est ordinata collecti personarum consanguinitate conjunctarum et ab eodem stipite descendentium gradus continens diversos Zepperus Cepperus, in explanat. Legum Mosaic Mosaic. l. 4. c. 19.
Il y a trois lignes differentes ; la première, des ascendans ; la seconde, des décendans ; et la troisième, des collateraux : La ligne des ascendans est celle qui remonte du fils au pere, à l’ayeul au bisayeul, et autres ascendans : La ligne des décendans, au fils et petit-fils : La collaterale. se separe tantost d’un côté et tantost de l’autre, que ex opposito latere nunc seorsum, nunc deorsun spectat, et elle est double, égale ou inégale. Elle est égale lorsque les degrez sont également éloignez de la souche commune, comme le frère et la soeur, le cousin germain paternel, et le cousin germain maternel. Elle est inégale lorsqu’une personne est plus proche que l’autre, ou qu’elles sont inégalement éloignées de la souche commune.
Le degré fait connoître en quelle distance d’agnation ou de cognation deux personnes se touchent. Les Canonistes définissent le degré en cette manière, c’est un état des personnes distantes par lequel on connoit de quelle distance d’agnation et de cognation deux personnes sont éloignées entr’elles, est habitudo distantium personarum, quâ dignoscitur quotâ agnationis vel cognationis distantiâ duae persona inter se differant. Les Docteurs du Droit civil disent que le degré n’est rien autre chose que la generation, en sorte que l’ordre des degrez est la suite des generations, gradus nihil aliud est quâm generatio, ut graduum ordo sit generationum series, et c’est pourquoy le Droit Canon et le Droit civil comprent les degrez si differemment ; ils conviennent dans la ligne des ascendans et des décendans qu’il y a autant de degrez que de per-sonnes, en n’y comprenant point la souche, ce qui a donné lieu à cette regle de Droit, comptez les generations et vous avez trouvé les degrez, numera generationes & gradus invenisti mais ils sont fort differens dans la ligne collaterale pour la supputation des degrez, le Droit civil compte les personnes, et le Droit Canon les generations ; et pour ne s’y tromper pas dans la ligne égale les Canonistes ont établi cette regle, que d’autant de degrez qu’une des deux personnes est distante de la souche commune, elles sont éloignées entr’elles d’autant de degrez, in lineâ aquali quoto gradu distat altera persona à communi stipite, toto gradu inter se distant
Dans la ligne collaterale inégale, le Droit Canon et le Droit civil sont presque semblables ; les Canonistes posent pour principe, que du même degré que la plus éloignée de deux personnes s’est distante de la souche commune, elles sont éloignées entr’elles du même degré, quo gradu remotior distat à communi stipite, eodem etiam inter se distant.
On compte les degrez tant pour l’affinité que pour la consanguinité : les personnes sont conjointes par la consanguinité lorsqu’elles décendent d’une même fouthe, la consanguinité est un lien de personnes décendantes de la même souche, formé par la copulation de la chair et s’appelle comme une unité de sang, consanguinitas est vinculum personarum ab eodem stipite desrendentium carnali copulatione contractum, & dicitur quasi sanguinis unitas, et l’on appelle souche la personne dont tous les autres ont tiré leur origine.
La consanguinité est double, l’agnation et la cognation ; l’agnation est entre ceux qui sont conjoints du côté du pere, et la cognation entre ceux qui sont conjoints du côté de la mère.
L’affinité est une proximité de personnes qui procedent d’un mariage legitime, et elle est ainsi appelée, quasi duorum ad unicum finem unitas ; mais l’affinité n’est point considerée pour les uccessions, par le droit d’affinité aucune succession n’est pei mise, affinitatis jure nulla permittitura successio.
C’est une regle qu’en succession d’acquests on ne régarde point à la ligne, si elle est paternelle ou maternelle, on considere seulement la personne qui est la plus proche, mais en parité de degré les paternels sont preferez aux maternels
Mais bien qu’il soit vray que pour succeder aux acquests on ne considere point la ligne paternelle ou maternelle, mais la seule proximité, il y a neanmoins trois exceptions à cette regle : la première, que dans la ligne des décendans les ascendans, nonobstant la proximité, sont soûjours exclus par les décendans : la seconde est fondée sur la representation ; et la troisième sur l’Article 310. qui préfere les paternels en parité de degré, à la reserve des exceptions portées par les Articles suivaus.
La premiere exception merite qu’on y fasse de la reflexion, surtout parce que nôtre Coûtume est contraire à la pluspart des autres, qui ajugent aux peres et meres la succession de leurs enfans au préjudice des freres et seurs du défunt ; on la comprendra plus aisément par les exemples suivans.
SOEURS.
Madeleine Safray.
Catherine Safray mariée à Cyprian
Auvray, de ce mariage nâquirent
Jacques Auvray, sieur de
l’Escarde.
Madeleine Auvray, femme de
Germain Alain.
Cardine Alain, femme de Pierre
Voisvenel.
acques, Germain, Pierre, et Made-
leine Voisvenel, arrière-neveux de
Jacques Auvray.
Il étoit question de la succession aux meubles et acquests de Jacques Auvray : Marguerite Auvray, sa tante maternelle, la prétendoit : Jacques, Germain, et Pierre Voisvenel, ses petitsneveux, soûtenoient qu’elle leur appartenoir : La tante alléguoit cette regle, que la succession aux meubles et acquests est toûjours déferée au plus proche, que les arrière-neveux ne pouservoient se prévaloir de la representation, puisqu’elle n’a lieu qu’au premier degré et quand ils soûtiennent qu’en effet ils ne viennent point du chef de leur mère, mais par leur propre droit et du chef de leurs personnes ; on répond que la Coûtume par les six premiers Articles de ce Titre, déclare expressément qu’elle ne connoit point d’autre moyen pour succeder en un degré plus éloigné, que par celuy de la representation de la personne qui faisoit le degré plus proche, et c’est par cette raison que les enfans venans au droit de leur pere succedent par souches et non par testes ; la representation ne raproche que pour le premier degré, conformément à l’Authentique de hered. ab intestat. Nous avons donné ce privilege aux fils du frère et de la seur, venans à la succession en la place de leurs premiers parens ; êtans au troisième degré ils sont appelez à la succession avec ceux qui sont au second, venientibus fratris & sororis filiis tale dedimus privilegium, ut in priorum parentum locum succedentes in tertio constituti gradu, cum iis qui sunt in secundo ad hereditatem vocentur ; mais ce privilege ne s’étend point plus outre : Elle s’aidoit de l’Arrest de Sandouville rapporté par Berault sur l’Art. 310. par lequel la succession des meubles et acquests de Jean de Bavent fut ajugée à Pierre de Sandouville son oncle maternel, au préjudice de Pierre de Bavent son cousin germain : Elle citoit aussi celuy de Caillot, remarqué par le même Auteut sur l’Article 248. par lequel la succession des meubles et acquests fut ajugée à Bethencourt au préjudice d’un cousin germain.
La même Authentique ajoûte, mais si le défunt n’a laissé ni fteres ni fils de freres, nous appelons en suite à la succession les collateraux, selon la prerogative de lun et fautre degré, si vero neque fratres neque filios fratrum defunctus reliquerit, omnes deinceps à latere cognatos ad hereditatem vocamus, fecundum utriusque gradus prarogativam : Enfin la Coûtume ancienne et nouvelle n’ont point fait de distinction entre le mâle et la femme, considerant seulement la pro-ximité du degré, à quoy la Coûtume de Paris est conforme, Art. 325. et 329.
Les arrière-neveux répondoient qu’encore que la Coûtume n’eût point expressément décidé cette question, elle est neanmoins assez expliquée par l’ordre de succeder qu’elle a prescrit, pere, mere, ayeul et ayeule, tant qu’il y a quelqu’un décendu d’eux, ne peuvent succeder à’un de leurs enfans, et bien que les Articles qui établissent cette loy soient compris sous le Titre de Succession au Propre, on ne doute point qu’ils ne s’observent pour celle des meubles et acquests, parce qu’il n’y a aucune raison de difference, et qu’il n’y a point d’Article contraire dans le Titre des Successions Coûaterales ; c’est encore une vérité incontestable que l’Article 242. par lequel les peres et meres excluent les oncles et tantes de la succession de leurs enfans, s’entend également des acquests comme des propres : D’où il resulte que si Catherine Safray, mère de Jacques Auvray, vivoit, elle ne pourroit succeder au préjudice de ses petits enfans, suivant à l’Article 241. et néanmoins elle auroit cette même succession au préjudice de Marguerite Safray, suivant l’Article 242. Il est donc vray de dire que tant qu’il y a des freres et seurs, ou de leurs décendans, la succession ne peut remonter aux oncles, tantes ou autres ascendans. La Coûtume a appelé, tant en la ligne directe qu’en la collaterale, tous les décendans avant que de retourner à aucun ascendant ; cela paroit par l’ordre de succeder établi par ce Titre, où l’on regle la manière de succeder par les freres et soeurs, les neveux, arrière-neveux, et auires collateraux, ou collateralement décendans, avant que de toucher au droit des pere, mere, ayeul ou ayeule et en dernier lieu celuy des oncles et des tantes. Si la succession aux meubles et acquests appartenoit toûjours au plus proche parent, la mère seroit preferée aux neveux et arrière-neveux, et neanmoins elle est excluse par eux : La proximité du degté ne confond point la ligne des décendans avec celle des ascendans, c’est la distinction que l’on fait en l’Arrest de Gladain cité par Berault sur l’Article 310. où une niéce mâternelle fut preferée à une tante paternelle par cette consideration, que le pere et la mere du défunt eussent été exclus par la niéce, et lesquels pere et mere eussent êté de leur part preferez à la tante : et pour les Arrests de Caillot et de Bethencourt, ils n’avoient point de rappoit à la question, c’étoit un oncle que l’on jugeoit plus proche qu’un cousin germain, mais on ne parloit point d’un neveu ou arlière-neveu de celuy dont on disputoit la succession ; le cousin ne nous est conjoint que par l’ayeul, d’où il s’ensuit qu’il est nôtre parent en la ligne des ascendans aussi-bien que nôtre oncle ; or êtans tous deux en la ligne des ascendans, et l’oncle plus proche d’un degré, la succession luy appartenoit sans difficulté, mais on n’a jamais jugé qu’un de la ligne des décendans soit exclus par un des ascendans, quelque proche qu’il soit : Quand on a jugé par les Arrests de Caillot et de Bethencourt que les oncles étoient preferables aux cousins en la succession de leurs neveux, on s’est fondé lur cette raison, que les cousins ne pouvoient concutrer avec leurs oncles que par le benefice de la representation, mais elle ne pouvoit leur servir, parce qu’ils étoient hors le premier degré, ainsi si ces arrière-neveux n’aspiroient à cette succession que par cette voye, elle leur seroit fermée, mais ils la de mandent de leur chef au defaut des freres et des neveux du défunt qui n’en a point laissé. Cette affaire ayant été partagée en la Grand. Chambre et en celle des Enquêtes, et le partage ayant été décidé les Chambres assemblées le 21 de Février 1633. la succession aux meubles et acquests fut ajugée aux arriere, neveux.
Cet Arrest de l’Escarde a fait de la peine à plusieurs qui n’en pouvoient faire la distinction, comme il parût en cette rencontre.
Margderite Guerin, seur de
Marie, demande la succession
aux meubles et acquests de
Pierre Duchemin.
Pierre Duchemin,
nary de Marie.
Guerin.
Nicolas Duchemin.
Pierre Duchemin,
de la succession du-
quel il s’agit.
Abraham et Jacob Duche-
min, demandans la suc-
ession des meubles et ac-
quests de Pierre Duche-
min.
Marguerite Guerin demandoit la succession, parce que c’étoit une regle qu’en la succession collaterale des meubles et acquests, hors le premier degré où la representation est re-çûë, celuy qui se trouve le plus proche parent, sans distinction du paternel ou maternel,’est le plus habile à succeder ; or étant tante paternelle elle excluoit les Duchemin, qui n’étoient que cousins germains du défunt, et par consequent hors le dégré de la representation : L’affaire ayant été portée en la Chambre des Enquêtes, elle y fut jugée aprés avoir consulté la Grand. Chambre à cause de la diversité de quelques Arrests, et notamment de celuy du sieur de l’Escarde ; et par Arrest du 21 de Mars 1659. au Rapport de Mi Bretel, la succession aux meubles et acquests fut ajugée à Marguerite Guerin, à l’exclusion d’Abraham et Jacob Duchenin, et aprés avoir vû un Arrest pareil donné au Rapport de Mr Côté. La différence de cet Arrest d’avec celuy de l’Escarde, est que Marguerite Safray, grand tante du sieur de l’Escarde, quoy que plus proche parente, ne luy êtoit neanmoins conjointe que par la bisayeule des arrière.
neveux, lesquels au contraire quoy que plus éloignez étoient conjoints au défunt par Marie.
Safray sa mere, et leur ayeule qui étoit leur souche commune, et par cette raison comme ils étoient dans la ligne des décendans ils furent preferez à leur grand-tante, et par consequent il faudroit que les Duchemin pour être dans l’espèce de ces arrière-neveux fussent décendus de Marie Guerin ; car alors décendant d’elle aussi-bien que Pierre Duchemin, ils auroient exclus la tante, nonobstant la proximité, parce qu’ils se seroient trouvez dans la ligne des décendans. mais n’étant conjoints à Pierre Duchemin, de la succession duquel on disputoit, que par Nicolas Duchemin, ils étoient dans la regle ordinaire des collateraux, où le plus proche l’emporte sans distinction de ligne
Cette question s’offrit en la Grand. Chambre Prr de Mars 1653. Mathurin Jean eut un fils et deux filles, du fils sortit une fille, et de l’une des filles un garçon ; aprés la mort de Pierre, fils de Mathurin Jean, sa fille étant morte et ayant laissé quelques acquests, sa succession fut prétenduë par sa tante qui êtoit soeur de son pere, et par son cousin germain fils de son autre tante : La question étoit de sçavoir si la tante en la succession des meubles et acquests de sa niéce excluroit son neveu, cousin germain de la défunte. Le Vicomte et le Bailly d’Orbec avoient jugé qu’ils succederoient également : Sur lappel de la tante, Cavelande, son Avocat, se prévaloit de sa proximité, et puis-que, cet Article n’admet la representation qu’au premier degré, le cousin germain ne pouvoit venir à la succession de son cousin germain, car sa mere n’étoit pas au premier degré, mais au second imparfait, qui ne peut être representé ; la tante est en pareil dégré que la mere du cousin ermain qui auroit exclud son fils : or suivant la maxime, si je concutre avec celuy qui vous devance, par la même raison je vous devance, si concurro cum vincente te, pari ratione vinco tes et ce qui confirme que l’oncle et le neveu, l’oncle et la niece sont plus proches que le cousin germain, c’est que le Pape peut dispenser entre ceux-cy et non pas entre ceux-là, vide l. avunculo. C. communia de Succ. Lyout soûtenoit que le cousin germain y venoit de son chef, que le premier degré en ligne collaterale ne pouvoit être que suivant la supputation canonique, qui ne fait qu’un degré de deux personnes : La cause fut appointée au Conseil, et depuis la question a été décidée par l’Arrest de Quillet, dont je rapporteray l’espece.
TABLEAU DE GENEALOGIE.
D’André Quiller et de Catherine Farcy étoient issus trois fils et trois filles.
Jeremie décedé a
aissé
Jean décedé avoit laissé
André décedé
à laissé
Jeremie, et autres
enfans.
André, de la succession aux
meubles duquel est question.
André et Jean-
Cilles d’André Guiller et de Catherine Farcy.
Marie décedée a
jaissé
Madeleine vivante, qui est
la demanderesse.
Renée décedée
a laissé
François et Guil-
laume.
Loüis et Fran-
çois.
Entre Madeleine Quillet, veuve de défunt Me Michel du Perche, sieur de la Bretonniere, demanderesse en ajournement en vertu du Mandement de la Cour du seizième jour de Mars dernier, present M. François du Perche, sieur des Essars, Conseiller Assesseur au Bailliage. et Vicomté d’Alençon, son petit-fils ; et par Me Jacques Baril son Procureur, d’une part, et Me Jeremie Quillet Prestre, Prieur de S. Gilles ; Louis, Michel, Nicolas Brice, et Jean Quillet, fils de défunt Me Jeremie Quillet, sieur de la Croix-Christ ; Me André Quillet, sieur de Vaurattier, Conseiller au Bailliage et Siege Presidial dudit Alençon ; et Jean Quillet, sieur de la Guitonnière, fils de défunt Me André Quillet ; Me François Richer, Tresorier de France en la Genéralité dudit Alençon, et Guillaume Richer Prestre, Curé de Condé, enfans de défunte Demoiselle Marie Quillet ; et Mes Loüis et François du Perche, ensans de défunte Renée Quillet, presens lesdits Jean Quillet, fils de Jeremie ;. et Me André Quillet, fils d’André, défendeurs, et par Me Jacques Robert leur Procureur, d’autre part ; en la presence de Julien du Bois, par Me Hervé Bloche son Procureur, d’autre part, ouis. Me Loüis Greard, Avocat pour ladite demanderesse, qui a dit qu’il est question de la succession aux meubles et acquests de défunt André Quillet, son neveu, fils de Jean son frere, qu’ayant irvécu Jeremie, ledit Jean, André, Mafie, et Renée, ses freres et seurs, tous sortis d’Andre Quiller et de Catherine Farcy leurs pere et mére communs, elle est la plus proche parente dudit défunt son neveu, seule dans son degré, et vient à ladite succession des meubles et acquests de son neveu par préference aux défendeurs ses arrière-neveux : Pour parvenir à le delivrance desdits meubles et acquests, dont les défendeurs, heritiers aux propres paternels, se seroient emparez aprés le decez dudit défunt, ladite demandéresse les fit convenir devant de Vicomte d’Alençon, et à son assignation joignit les Lettres de restitution par elle obtenues en la Chancellerie de la Cour le douzième de Février dernier, aux fins de lever l’objection de quelques actes que les parties averses luy avoient fait pratiquer pendant les quarante jours du decez, sçavoir de s’être jointe avec eux à une Requête, pour obtenir des Censures Ecclesiastiques contre ceux qui auroient pillé ladite succession, à la confection de linventaire, d’avoir fouffert qu’ausdits actes ils eussent pris qualité d’habiles à succeder, et consenti qu’ils prissent part à quelques grains trouvez dans les greniers, et en consequence aprés finstruction faite du procez ne s’étant trouvé de Juges audit Alençon à raison de leurs parentelles avec les parties, en vertu dudit Mandement de la Cour la demanderesse auroit fait donner assignation ausdits défendeurs à ladite Cour pour y être jugez ou reglez : comme il ne s’y agit que d’un point de Coûtume, dont il a été conféré à Messieurs les Gens du Roy, laffaire est en état d’être jugée définitivement au principal : Il est donc soûtenu que ladite demanderesse, comme plus proche parente dudit défunt que les défendeurs, doit être preférée dans la succestion des meubles et acquests, que la representation de leurs peres et meres n’est point admissible pour prétendre participer, et que la question est décidée par la Cour et par les Arrests Que la demanderesse soit la plus proche parente du défunt, il n’est pas possible de le contester, puisqu’elle est tante et tient encore du premier degré sur le défunt, au lieu que les dé-fendeurs ne sont que cousins germains, partant seulement au second degré, et hors le cas de la representation renfermée par l’Article 304. de la Coûtume au premier degré seulement, c’est à dire pour la succession d’un oncle, suivant les Articles 305. 306. et 307. qui en font s’exposition ; c’a toûjours été par la plus immediate proximité que s’est reglée en cette Province, la preference de succeder aux meubles et acquests en ligne collaterale, l’ancienne Coûtume n’y admettoit aucune representation ; la nouvelle en a introduit une par ledit Article 304. au seu cas de la succession d’un frère, à laquelle la tante, sour du défunt, rappelleroit les enfans de ses freres et seurs décedez, qui representeroient leurs peres et meres au premier degré, auquel ils auroient été avec le défunt, et cette disposition est restreinte au premier degré, si bien que dans la succession d’un neveu uhe tante, telle que la demanderesse, à l’égard des défenleurs, leurs neveux, rentre dans llusage de la regle generale pour les exclure absolument.
Or la dignité des mâles ne donne aucune preference aux défendeurs, effans des freres, n’5 ayant pas d’autre regle de succeder en telle rencontre que la plus grande proximité du défunt au vivant, sans distinction de sexe ni de ligne, soit paternelle, soit maternelle, hors le cas de parité de degré, dans lequel les paternels sont preferez aux maternels, les frères, les soeurs, les décendans des frères et des soeurs, par les Articles 310. et 317. ainsi le décendu d’une seur precede le décendant du décendu d’un frère, comme il fut jugé par Arrest au sujet de la succession du sieur Chevalier Prestre, rapporté sur ledit Article 317. En effet les oncles et les tantes son mis en pareil ordre par lesdits Articles 304. et 308. pour succeder par les tantes, lorsqu’elles n’en sont point empeschées par leurs freres vivans, sur tout aux meubles et acquests d’un neveu, au préjudice des cousins germains, par la même raison pour laquelle les nommez Sandouville et dethencourt, oncles maternels, ont par deux Arrests rendus en divers temps été prefèrez dans les successions de meubles et acquests de neveux aux cousins germains paternels du défunt, arce que les deux cousins germains paternels étoient dans un plus grand éloignement que esdits oncles, et hors le cas de la representation ; car s’ils avoient été au cas de la representation du degré de leur pere, comme paternels, ils auroient préféré lesdits maternels par l’Article 31oII ne se peut cotter ni Article de Coûtume, ni Arrest qui resiste à ces maximes : Les défendeurs mêmes tombent d’accord par leur éciit de réponse que ledit Dubois, oncle maternel du défunt, les eût exclus desdits meubles et acquests, si la demanderesse fût décedée, et comme elle exclud ledit Dubois, oncle maternel dudit défunt, qui les eût exclus, il en faut conclure qu’elle en exclud les défendeurs, si je prefere celuy qui vous prefere, à plus forte raison vous preférée je ; si vinco vincentem te, fortiori ratione vinco te. Au reste c’est une erteur fort grosçiere aux défendeurs d’avoir soûtenu que le premier dégré ne s’entend pas de l’éloignement qui est entre le défunt et son heritier mais de celuy qui se trouve entre ceux qui succedent ou prétendent succeder ; car par lesdits Articles 305. 3c6. et 307. il paroit que le frère est le terme de la capacité de succeder au cas y reféré, il se doit entendre de même des autres cas, et il s’ensuivroit autrement que des personnes éloignées du défunt de cinq degrez et d’un degré entr’eux succederoient par souches et par representation, ce qui est absurde et contraire aux Articles 317. et 320. de la Coûtume ; davantage si ladite representation de l’Article 304. avoit lieu ailleurs que dans la succession d’un oncle, il s’ensuivroit qu’elle auroit lieu jusques à un infini ; car le fils diroit qu’il representeroit son pere, et ce seroit abroger l’Article 304 ce seroit détruire la regle generale qui attribué hors le cas de representation au premier degré cette succession à la personne plus proche du défunt, l’expression de ladite representation qui ne peut avoir effet qu’en succession d’oncle est donc l’exclusion des défendeurs dans la succession de défunt leur cousin, aux termes mêmes de l’Article 243. de la Coûtume, les oncles et tantes exeluent les cousins en la succession de leurs neveux et niéces, que plusieurs entendent de ladite exclusion des neveux par la tante, jugeant que ledit Article auroit été transposé et mal lacé au Titre de Succession en Propre, où il ne peut pas avoir de sens bien naturel et conforme à la Coûtume, il ne se peut rien opposer à des maximes si constantes et si bien établies ; car quand les défendeurs objecteroient comme ils firent lors de la conference du Parquer, que par Arrest du 21 de Février 1633. la succession aux meubles et acquests du sieur de l’EscardeAuvray fut ajugée à ses arriere, neveux par prefetence à une tante du défunt, la difference s’y trouve bien grande, en ce que la tante du sieur de l’Escarde ne luy étoit jointe que par sa mère ; la demanderesse est jointe au défunt son neveu par André Quillet et Catherine Farcy ses pere et mere, ayeul et ayeule : En second lieu dans la ligne dudit sieur de l’Escarde sesdits arrière-neveux luy renoient lieu de décendans, étant petits-fils de Madeleine Auvray sa soeurs les défendeurs ne sont pas sortis et décendus de soeurs ou niéces du défunt, le défunt les avoit tous survécu, ils ne sont que cousins germains ; l’Arrest ne vient donc nullement au cas de cette question, mais il est tres-conforme à l’esprit de la Coûtume, qui ne donne point de succession aux ascendans que lorsque la ligne des décendans est épuisée, à quoy il seroit nutile aux défendeurs de répondre qu’ils tiennent lieu de décendans au défunt, car ils ne le peuvent montrer, et il n’est pas vray, ne leur êtant joints que par leur ayeul et ayeule commune, et ainsi en ligne d’ascendans aussi-bien que la demanderesse, laquelle neanmoins les prefere dans cette ligne d’ascendans ; parce qu’elle est plus proche qu’eux, qui au respect d’André Quillet et de Catherine Farcy ne seroient qu’au troisième degré. Pour ces raisons est concludS ce qu’il soit dit que ladite Madeleine Quillet demanderesse sera remise en tel état qu’elle étoit avant les actes mentionnez ausdites Lettres, qu’à ce moyen elle aura delivrance des meubles et acquests dudit défunt à lexclusion des défendeurs, avec dépens de la contestation De Cahagnes pour les sieurs Quillet maintenoit que si la prétention de Madeleine Quillet avoir dieu, et qu’elle seule succedût à son neveu pour les meubles et acquests, il faudroit effacer de la Coûtume les Articles 305. 306. et 307. qui disposent que les tantes ne sont excluses par les neveux, comme elles leussent été par leurs peres, mais qu’ils succedent par southes avec leurs tantes.
La disposition de ces Articles étant précise, la demanderesse linterprete à sa mode, et dit que tes Articles ne doivent être entendus qu’au cas de la succession d’un oncle et non du cousin, qui est une interpretation qu’elle fait à sa mode, contraire aux termes précis de la Coûtume, qui ne distingue point, mais qui parle en termes generaux, et dispose pour les successions collaterales, Aussi la demanderesse pour établir cette distinction fait une supposition, et dit que lesdits sieurs Quillet sont reculez d’un degré et hors la representation, ce qui n’est pas véritable, les peres desdits sieurs défendeurs seroient venus de leur chef à la succession dudit André, quand lesdits sieurs Quillet viennent à cette succession à la representation de leurs peres, c’est au prenier degré
Il est bien vray que si les enfans desdits sieurs défendeurs venoient à demander la succession dont il s’agit à la representation de leurs peres, étant en un degré plus éloigné, in gradu remotiori ils seroient hors le degré de representation
La prétention de la demanderesse seroit d’une étrange consequence la Coûtume de Normandie est pour les mâles et les décendans des mâles, elle les prefere aux femelles ou à leurs dé-cendans ; cependant cette tante qui n’est plus de la famille veut exclure les enfans de ses freres, ce qui a lieu aussi-bien en succession collaterale que directe, et ce qui paroit par l’Arrest rendu par la Cour, les Chambres assemblées, le 21 de Février 1633. où les Arrests de Bethencourt et Sandouville rapportez par le Commentateur, et dont la partie averse fait force, sont induits, par lequel Arrest la tante est excluse de la succession de son neveu par des arrière-neveux, Cette question est tres-bien expliquée et tres-bien resolue par feu Mr l’Avocat General le Guerchois, dans son Plaidoyer inseré à la fin de la Coûtume commentée parBerault , de l’Edithion. de l’année 1648. quand il dit que les successions sont comparées à des ruisseaux qui coulent toûjours et ne remontent jamais, et qui par un voeu commun de la nature doivent toûjours tomber aux enfans ou à ceux qui tiennent lieu d’enfans : ainsi telles successions doivent être reglées par l’Article 241. de la nouvelle Coûtume conforme en cet égard à l’ancienne, qui dispose que l’héritage doit décendre à celuy qui est le plus proche en lignage, sans faire distinction ni de ligne directe ni de collaterale : et comme dans la ligne directe aussi-bien qu’en la ligne collaterale il y a un degré superieur et un degré inferieur, si la prétention de la demanderesse avoit lieu, ce seroit déroger non seulement aux droits de la nature, à la disposition de ces anciennes Coûtumes et nouvelles, mais encore à l’interest public, qui ne permet pas de ransporter les biens en des familles étrangeres, au préjudice de legitimes heritiers du nom ou digne de ceux dont l’héritage est procedé.
quant aux Arrests de Bethencourt et de Sandouville rapportez sur les Articles citez, et dont la demanderesse fait tout le fondement de sa prétention, ils ne sont nullement au cas de la question dont il s’agit par trois raisons particulieres.
Premierement, il est constant qu’il y a de deux sortes de supputations de degrez, sçavoit la supputation civil et la Canonique ; par la supputation civil autant de personnes sont autant de degrez, quot persona tot gradus : Or comme André Quillet semble être décendu d’un degré, et par consequent in remotiori, et ulteriori gradu, si ces degrez se comptent par celuy qui décede, il est certain que la prétention de la demanderesse est incontestable Mais si l’on considère la supputation Canonique qui est la regle des successions, et la supputation que l’on suit, il est cettain que la demanderesse n’est point dans un degré plus proche du défunt que les défendeurs, puisqu’il faut deux personnes pour faire un seul degré. pur quoy l’on doit faire encore une consideration, qui est que la demanderesse n’a point quitté le premier degré sur son neveu de la succession duquel il s’agit.
Or comme il ne s’agit pas de representer la personne décedée dont la succession aux meubles est en litige, mais ceux qui seroient venus à cette succession, et qui en auroient exclus le lemanderesse s’ils avoient été vivans, et qui seroient aussi bien qu’elle encore au premier degré avec le défunt suivant la supputation Canonique comme sont les peres des défendeurs, il n’y a pas lieu de dire que les défendeurs soient hors le cas de la representation comme ils le font suivant la supputation civil
La seconde raison pour laquelle lesdits Arrests de Bethencourt et de Sandouville ne sont l’aucune consideration, resulte de ce que Bethencourr et Sandouville étoient les oncles mater nels de Bavent et Caillot, et par consequent dans une branche et dans une ligne étrangere. dans laquelle ils ne pouvoient rappeler ni Bavent ni Caillot
Mais cecy ne se rencontre pas dans la question qui se presente, puisque la demanderesse à dans sa ligne des neveux qu’elle rappelle, ayant toûjours conservé le premier degré sur André Quillet décedé, et qui ont encore plus de droit qu’elle dans la succession dont il s’agit, non seulement parce qu’ils representent leurs peres qui l’auroient excluse, mais encore par la raison de la dignité de leur sexe, par la faveur de l’ancienne et nouvelle Coûtume, et par la maxime generale qui veut que succession ne remonte point tant qu’il y a des mâles où décendani de mâles, sans distinction de ligne directe ou collaterale, comme il a été dit cy-devant suivant l’Article 248
Enfin la troisième raison pour laquelle lesdits Arrests ne font aucune décision est en ce qu’ils ont été rendus, non pas sur la consideration de Bethencourt et de Sandouville, mais suivant l’Article 243. de la Coûtume, qui dispofe que les oncles et les tantes excluent les cousins en la succession de leurs neveux : Ce terme s de consins ) qui faisoit pour lors une disposition tenerale et d’une execution nécessaire, mais qui depuis lesdits Arrests ayant été interpreté, a été restreint aux enfans des oncles et des tantes, étant naturel et raisonnable que les oncles et les tantes ne preferassent que leurs propres enfans dans la succession de leurs neveux ou niéces : Par Arrest en la Grand-Chambre du 23 de Juillet 1672. la succession fut ajugée à Madeleine Duillet.
On peut apprendre par ces exemples qu’on ne doit pas faire de confusion entre la ligne et le degré, et que la proximité de degré ne donne pas toûjours le droit de succeder, les décendans tant toûjours preferez aux ascendans, quoy que plus proches
La secondé exception contre la regle generale qui donne les acquests au plus proche parent, est établio par cet Article, par le moyen de la representation qu’elle approuve au premier degré seulement. La Coûtume de Paris s’est expliquée fort nettement en l’Article 325. en ligne colla. terale la representation a lieu quand les neveux viennent à la succession de leurs oncles avec les freres lu décedé et non autrement.
La representation est un privilege introduit contre l’ordre naturel des successions, qui saisit toûjours le plus proche parent des biens du défunt, pour raprocher la personne éloignée et la mettre en pareil degré que celuy qui est representé, et c’est pourquoy in Synopsi Basil. elle est appelée fort proprement MOTGREC, comme un degré qui fait remonter celuy qui étoit décendu.
Par l’ancien Droit de la France elle n’étoit point reçûë ni en ligne directe ni en collaterale, et plusieurs Coûtumes s’attachant à cet ancien usage n’admettent aucune representation, f elle n’est stipulée par un contrat de mariage, mais comme elle est favorable, sur tout au premier degré, on a trouvé moyen de l’introduire en réservant ou rappelant à la succession la personne éloignée, et qui êtoit hors le degré de succeder, et ce rappel, tant en ligne directe que collaterale, est d’un usage tres-ancien en France, mais il ne poutroit valoir parmy nous pour rendre heritier celuy qui seroit hors le dégré de la representation.
Par les Arrests que j’ay rapportez on apprend que la representation étant limitée au premier s degré, les oncles et tantes en la succession de leurs neveux et niéces excluent les cousins gern mains de la succession de leurs cousins germains ; la Coûtume de Paris en a fait un Article exprés, qui est le 338. Cela fut encore jugé en une espèce remarquable. De quatre freres nommez le Roy, deux étoient morts, ayant laissé chacun un fils, l’un d’iceux étant aussi mort, les deux oncles vivans demanderent sa succession à l’exclusion de leur autre neveu ; ces oncles neanmoins ignorans d’abord leur droit avoient admis leur neveu à partager avec eux par une tran-saction, contre laquelle ils se pourvûrent de Lettres de récision : Heroüet, Avocat du neveu, seconnoissoit que son exclusion êtoit incontestable, comme étant hors le degré de represen tation, mais il soûtenoit que les oncles ayant bien voulu renoncer à cet avantage, ils n’étoient plus recevables à se retracter, siquis sciens non debere solvit, cessat repetitio, l. 1. D. de condict. indib.
Cette décision fondée sur la presomption que habet animum donandi, que d’ailleurs ignorantia uris nemini prodest l. 9. de jur. et facti ignor. Cloüet representoit pour les oncles que la transaction étoit pleine d’erreur, et que s’agissant d’une succession on pouvoit se faire restituer en out temps ; si post divisionem factam testamenti vitium in lucem emerserit exhis, quae per ignorantiam acta, sunt prae judicium tibi non comparabitur, et en la l. Majoribus. C. Communia utriusque jud. majoribus etiam per fraudem, vel dolum, vel perperam sine judicio, factis divisionibus solet subveniri, quia in bonae fidei judiciis quod inaequaliter factum esse constiterit, in melius reformabitur : Par Arrest en la Grand. Chambre du 20 de May 1650. le neveu fut condamné de rapporter ce qu’il avoit perçûDe trois freres l’ainé eut un fils et deux filles, ce fils mourut et laissa un fils ; aprés la mort lu second frere qui étoit Curé, le troisième demanda tous ses meubles et acquests, parce que le fils du frère ainé étant mort, et le petit-fils plus éloigné d’un degré, il n’étoit point dans le cas de cet Article, mais les filles du frere ainé prétendoient succeder par representation de leur pere avec leur onclé, ce qu’il contestoit par cette raison, que pour être capable de cette representation il faloit être capable de succeder, que ces filles ne pouvoient succeder à leur pere en étant excluses par leur frere : Pour resolution de cette question on peut dire que leur frere étant mort, et se trouvant plus proche que leur neveu, elles étoient devenuës capables de venir par representation à la succession de leur oncle.
Une succession de meubles et acquests fut disputée entre un grandoncle et un cousin remué de germain ; le grand-oncle se disoit plus proche, et que par la supputation civil il étoit au quatrième degré, et le cousin au sixiéme, que par la supputation Canonique ils étoient au troisième degré, mais que in lineâ inaequali ; on régarde celuy qui est le plus éloigné, que pour admettre ce cousin germain il faudroit que ce fût par representation, qui n’a point lieu en ligne collaterale au-de-là du premier degré : Le cousin remué de germain répondoit qu’il étoit décendant, et que tant qu’il y a des décendans, les ascendans ne succedent point : Par Arrest du 7 de Février 1634. au Rappoit de Mr Rocques, la succession fut ajugée au grand-oncle.
Pour faire succeder, suivant cet Article, les neveux et niéces avec les soeeurs et tantes, il n’est point necessaire que leur pere fût frère de pere et de mére du défunt, le double lien qui rest établi par le Droit civil et par quelques Coûtumes de France, n’est point suivi parmy nous, quoy qu’autrefois il y fût en usage, comme on l’apprend deLithleton , lib. 1. n. 6. et l’on a jugé que des enfans du frère du pere pouvoient succeder par representation avec leurs oncles, qui étoient frères de pere et de mere, de celuy de la succession duquel il s’agissoit.
Martel avoit été marié deux fois, il eut deux fils de son premier mariage, et un autre du second ; celui-cy laissa des enfans, et depuis un des freres du premier lit étant mort sans enfans, sean Martel son frere prétendit avoir seul la succession des meubles et acquests au préjudice des enfans de son frère de pere seulement, le Bailly de Roüen ayant ordonné que la succession seroit partagée entre les freres et les enfans du frère de pere, ledit Jean Mattel s’en rendit appelant ; Greard, son Avocat, se prévaloit de l’avantage du double lien introduit par Justinien Justinien, en sa Novelle 118. et pour la Coûtume il disoit qu’en cet Article la Coûtume avoit bien reglé que representation avoit lieu en la succession de meubles et acquests au premier degré, et que les enfans des freres succedoient avec leurs oncles, mais que cet Article ne devoit s’enrendre que des neveux sortis des freres conjoints du côté de pere et de mere, et pour le prou-ver il citoit l’Article 311. qui porte que le frere de pere succede également avec le frère de pere et de mere, d’où il concluoit que la Coûtume avoit bien marqué par cet Article qu’elle mettoit le la difference entre ceux qui étoient conjoints par ce double lien, puisqu’autrement il êtoit superflu, dautant qu’il suffisoit. de l’Article 304. Or comme en cette matière de successions il ne faisoit point d’extension, et que l’on avoit jugé que les enfans du frere uterin ne succedoignt point avec leurs oncles, parce que la Coûtume ne l’avoit point declaré, il falpit conclure que puisque la Coûtume s’étoit contentée d’ordonner que le frere de pere succedoit avec le frera de pere et de mere, et n’avoit point ajoûté que les enfans du frère succederpient avec leurs oncles, on devoit suivre la même regle que l’on avoit établie pour les enfans du frere uterins Theroulde pour les intimez répondoit que le double lien n’étoit point considéré en cette Province, que la Coûtume ayant disposé par cet Article que les neveux succedoient par representa, tion avec leurs oncles, il devoit s’entendre aussi-bien des neveux sortis du frère du pere feulement, comme des neveux du frère de pere et de mére, parce qu’ils avoient jus agnationis & consanguinitatis, et qu’il y avoit grande différence entr’eux et les uterins, qui n’étoient que semifratres, que l’Article 311. n’étoit point considérable, et que pour tous les autres suivans ils n’étoient qu’une exception à l’Article 310. lequel ayant préferé les paternels aux maternels en parité de degré, on avoit ajoûté pour exception les Articles suivans, mais que cela ne détruisoit point l’Article 304. que cette question avoit été décidée par l’Arrest du Veau, et bien qu’en l’espèce de cet Arrest c’étoient des tantes qui vouloient exclure les enfans du frère de pere, que, l’on s’étoit neanmoins fondé sur cette même raison, que les enfans du frère de pere seulement avoient le droit de representation : Par Arrest, en l’Audience de la Grand. Chambre, du sde Mars 1667. on mit sur l’appel les parties hors de Cour et de procez.
Il n’en est pas de même des enfans du frere uterin, qui ne peuvent pas succeder avec les freres de pere du défunt, comme il a été jugé par l’Arrest de Theodabs, rapporté sur l’Article 312. La Coûtume admet bien en cet Article la representation entre l’oncle et le neveu, mais ce n’est qu’aux successions où il n’y a que la seule difference du degré Mais les tantes d’un nommé le Veau eurent une prétention ridicule, elles s’imagineren qu’elles pouvoient exclure les enfans de leurs freres de la succession de leur frère de pere et de mère ; Nicolas le Veau eut des fils d’un premier mariage, et il eut de son second mariage.
Nicolas le Veau et des filles : aprés la mort de ce Nicolas le Veau fils, sa succession fut conrentieuse entre ses soeurs de pere et de mére d’une part, et les enfans de ses freres de pere seulement ; elles soûtenoient qu’en vertu du double lien elles étoient preférables, étant d’ailleurs plus proches au défunt, et puisque l’on avoit jugé que les enfans du frere uterin ne pou-voient succeder avec leurs oncles, frères de pere et de mére de celuy de la succession duquel il l’agissoit, par la même raison les enfans du frère de pere étoient exclus par leurs tantes, sours de pere et de mére du défunt. Le Vicomte de Roüen l’avoit jugé de la sorte : Sur l’appel Theroulde s’aidoit de cet Article, qui admet la representation au premier degré, que la Coûtume ne connoissoit point le double lien, et qu’il y, avoit bien de la difference entre les freres de pere et les frères de mere seulement, car à ceux-cy le degré ne manque pas seulement, mais aussi la ligne : Par Arrest en la Grand-Chambre du 15 de May 1664. la Sentence fut cassée, et ordonné que la succession seroit partagée par souches entre les neveux et les tantes On apprend par ces Arrests que les enfans du frère de pere peuvent venir par representation, pour succeder avec leurs oncles qui étoient frères de pere et de mére du défunt, et qu’à plus forte raison ils doivent succeder avec leur tante, soeur de pere et de mère du défunt Par l’Article dernier des usages locaux, des vingt : quatre Paroisses qui sont au : de-là de la riviere d’Epte, il est porté qu’en ligne collaterale representation a lieu jusques au second degré nclusioement, surquoy on a donné un Arrest en la Chambre des Enquêtes le 8 d’Avril 163 au Rapport de Mr de Galentine, entre de S. Oüen, de Malnoue, et autres, par lequel on a admis farriere-neveu avec le neveu à la succession de l’oncle, comme étant l’arrière-neveu au second degré de representation, quoy qu’il soit au troisième degré de parenté, autrement cet Article de l’usage local n’eût rien dit davantage que la Coûtume generale, quoy qu’il étende la representation plus qu’aucune autre Coûtume de la France ; car en effet le frère ne represente versonne : Il est de son chef au premier degré, et le neveu bien qu’il vienne à la succession de son chef, néanmoins comme il ne peut être reputé aussi proche parent que le frere du défunt, qu’en feignant qu’il represente son pere, il est le premier qui a besoin du secours de la representation, ainsi il fait le premier degré et l’arriere, neveu le seconde
CCCV.
Comment succedent les neveux avec les tantes.
Les neveux et niéces venans à la representation de leur pere ou mère, succedent par souches avec leurs oncles et tantes, et n’ont tous les representans ensemble non plus que leur pere ou mere eût pû avoir.
La raison de cet Article qui fait succeder les neveux par souches et nonpoint par testes ; est que le privilege et l’effet de la representation n’est pas pour augmenter le droit de ceux qui viennent par representation, mais seulement de conserver la portion qui eût appartenu à la personne qu’ils representent, autrement ils auroient un double benefice, ils seroient rappelez à une succession dont ils étoient exclus comme plus éloignez, et ils auroient encore autant de portions qu’ils feroient de testes, et c’est pourquoy la Coûtume n’admet à succeder par testes que ceux qui sont en parité de degré ; car alors comme ils viennent à la succession de leur chef, et ex propriâ personâ, cette condition est égale. Cela se pratiquoit aussi par le Droit Romain, les neveux venans à la representation de leurs peres partageoient la succession avec leurs oncles par souches et non par testes, per stirpes et non per capita, 5. cum filius in fine de heredit. qua ab intestat. Aux Instit. et Nov. 118.
CCCVI.
La tante succede avec les enfans des freres.
Et où il n’y aura qu’une ou plusieurs soeurs du défunt survivantes, les enfans des freres décedez ne les excluront de la succession, comme eussent fait leurs
peres, s’ils étoient vivans, mais succederont par souches avec leursdites tantes, auquel cas les enfans des soeurs décedées succederont à la representation de leurs meres par souches, comme les enfans des freres.
Il est bien vray qu’en la succession des propres tant qu’il y a des mâles ou décendans des mâles, les filles ne succedent point, cela ne se pratique point pour les meubles et acquests en succession collaterale, suivant cet Article, où les enfans des freres décedez n’ont pas le droit n d’exclure leurs tantes, quoy que ces tantes eussent été excluses par leurs freres, peres de ces enfans. La representation qui est une fiction de la loy, ne peut rien contre la vérité de la nature, elle ne peut pas faire en une succession collaterale que celuy qui repudie soit en pareile degré que le representé, ainsi le neveu representant étant en un degré plus éloigné que la tante qui vient succeder de son chef, et par consequent ne pouvant succeder qua par le benefice de la representation, il n’a pas droit d’exclure sa tante qui lauroit exclus si la representation’avoit pas eu lieu : le neveu ne peut pas representer le dégré de son pere qui seroit la seule et véritable cause de lexclusion, parce que le degré est un ordre établi par la nature, qui est el que la generation d’une personne ajoûte toûjours un degré, semper generata persona gradum e adiicit, il ne fait point le degré de son pere quoy qu’il le represente, c’est par grace qu’il succede, mais cette grace et cette prerogative n’opere point l’exclusion de la tante qui n’a lieu qu’en parité de degré en la succession collaterale pour les acquests.
La Coûtume en cet Article repare en quelque sorte linjure qu’elle a faite aux femmes, en les excluant de la succession aux propres, lorsqu’elle les déclare capables de succeder aux meubles et acquests, lorsqu’elles sont soeurs du défunt, et par consequent plus proches que les enfans de leurs freres. Cette regle que la succession aux meubles et acquests doit toûjours appartenir au plus proche parent, sans distinction de sexe, est si generale et si ancienne, qu’on ne peut l’abolir quelque inclination que l’on eût de favoriser les mâles ; mais on trouve moyen d’affoiblir les droits des seurs du défunt en admettant la representation, et en appelant par ce moyen les enfans des soeurs décedées.
CCCVII.
Cas auquel les enfans des soeurs succedent.
Les enfans des soeurs décedées ne succedent à la representation de leurs meres avec leurs oncles, freres du défunt, mais bien succedent avec leurs tantes, s’il n’y a frère du défunt vivant
Cet Article est fort juste, car les soeurs étant excluses par la loy generale tant qu’il y a des mâles ou décendans des mâles, elles ne sont appelées à la succession des acquests qu’en vertu de la proximité, de sorte que leurs enfans étant plus éloignez ne peuvent jamais succeder avec leurs oncles, parce qu’ils ne peuvent plus se prévaloir de la proximité, qui seule donne le droit de succeder aux meubles et acquests.
CCCVIII.
En succession de meubles, acquects et conquests, il n’y a préciput.
Les enfans des freres aînez venans par representation de leur pere, ne prendront aucun préciput ou droit d’ainesse en ladite succession de meubles, acquests et conquests en ligne collaterale, au préjudice de leurs oncles ou tantes.
Cet Article a le même principe que l’Article 305. c’est assez de prerogative aux enfans de l’ainé de pouvoir succeder avec leurs oncles qui devoient avoir toute la succession des acquests comme plus proches, suivant la regle generale du Royaume, sans avoir encore l’avantage de or endre un préciput, ce qui souvent priveroit les oncles ou les tantes de toute la successions ; C’est assez que la representation le raproche pour succeder, et prendre part égale sans aucune prerogative d’ainesse. Suivant ces raisons Mr Cujas a fait différence entre succeder à droit de representation, jure repraesentationis, et succeder à droit de proximité et de primogeniture, jure proximitatis et primogeniturae ; la representation a véritablement cette puissance de faire succeder les enfans des freres avec leurs oncles par representation de leurs peres, mais non pas d’exclurs es oncles pour leur donner toute la succession. jus reprasentationis hanc tantùm vim habet, ut eo jure fretus remotior cum proximiore in successione concurrat, non etiam ut proximiorem prorsùs excludat.
VideCujac . l. 2. de feud. t. 11.Hottom . Quest. Illust. 3. et 4.
Par cette raison on concilie aisément cette contrarieté que Me Jacques Godefroy s’imaginoi être entre cet Article et l’Article 318. suivant lequel l’ainé peut prendre un préciput lorsqu’il y a un ou plusieurs fiefs, nobles. En cet Article on n’a pas trouvé raisonnable que les enfans de l’ainé eussent un préciput, parce qu’ils ne succedoient que par grace et par le benefice de la representation, mais quand l’ainé y vient de son chef et de sa propre personne, et ex propriâ persona, on ne faisoit rien contre le droit commun en luy donnant un préciput en la succession des acquests, comme il en a en la succession au propre.
Cependant la Coûtume ne laisse pas de conserver quelques avantages dans la succession aux acquests à ceux qui representent l’ainé, lorsqu’il y a des fiefs ; si les partages ne peuvent être faits également, on en fait l’estimation au denier vingt, et il est au choix des representans de lainé de prendre le fief en payant aux autres leur part de l’estimation ; ce qui n’a pas lieu seulement entre les neveux et arriere-neveux quand ils partagent par testes, mais aussi entre les on cles et tantes, et leurs neveux, comme il fut jugé par l’Arrest rapporté par Berault sur cet Ar ticle, par leqel il fut aussi jugé que la tante êtoit obligée de faire les partages.
CCCIX.
Ordre de succeder entre frères et seurs à leurs décendans.
Les freres excluent les soeurs, et les décendans des freres excluent les décendans des soeurs, êtans en pareil degré.
Les soeurs n’étant appelées à la succession aux meubles et acquests que quand elles sont plus proches, elles ne concurrent jamais avec les mâles en parité de degré.
CCCX.
Les paternels preferent les maternels en parité de degré.
Cette preférence est dûë au côté paternel comme le plus digne, mais cette regle est limitée par l’Article 312. et les suivans jusqu’au 317.
CCCXI.
Le frère de pere succede également avec le frère de pere et de mère.
Par l’Authen. itaque C. communia de Success. in eos solos transmittitur hereditas, qui ex utroque atere connexi sunt. Sur quoyChopin , de la proprieté des biens d’Anjou, l. 3. t. 1. a remarqué que cela ne s’observe point aux païs Coûtumiers, au moins pour les biens propres qui retournent aux parens de la ligne d’où ils sont sortis, et en Anjou lon ne considere point le lien de cognation en la succession des acquests, et c’est une maxime au Parlement de Paris qu’en toutes les Coûtumes qui ne disposent point du double lien, il n’a pas lieu aux acquests et conquests, et, sur l’Article186. de la Coûtume du Moulin Mayne, soûtient qu’il a été rétranché par la pluspart des Coûtumes ;Tronçon , Article 340.
L’ancien droit Romain n’avoit point égard à la proximité du côté de la femme, agnati proximiores admittebantur S. 3. 1n8t. de leg. agnat. Succ. et au S. 1. agnati autem sunt cognati per virilis sexus personas cognatione conjuncti, quasi à patre connati. Itaque ex eodem patre nati fratres agnati sunt, qui et consanguinei dicuntur, nec requiritur etiam ut eandem matrem habuerint : Ainsi le lien du côté de la mere n’étoit point considérable à quoy la Coûtume de Tolose, dit MrCambolas , l. 1. c. 43. est conforme, quoy que le droit Romain soit observé hors le gardiage. de Tolose, et le même MrCambolas , c. 23. rapporte les Arrests qui ont jugé que les oncles succedent également au neveu, sans considerer la pluralité des liens, parce que le double lien n’étoit considérable qu’en la personne des frères et de leurs enfans, mais qu’aux oncles et tantes Justinien il étoit tout à fait indifferent, puisque la Novelle de Justinien ne parloit point d’eux, mais seulement des frères et de leurs enfans ; elle ne devoit point être étenduë hors ce cas ; c’est aussi le sentiment de MrCujas , l. 2. c. 12. de feud. en France il ne s’étend point ultra filios fratrum.
Mais parce que la Coûtume a dit seulement que le frère de pere succede également avec le frera de pere et de mere, et qu’elle n’a point parlé des enfans du frere de pere, on revoquoit en doute s’ils pouvoient succeder ; quelques-uns estimoient qu’à l’exemple des enfans du frere uterin, ils ne pouvoient venir par representation : mais le contraire fut jugé par l’Arrest de Martel, rapporté sur l’Article 304.
Cet Article étoit peu necessaire, car ne considérant aucunement le double lien, on n’eût mais douté que le frere de pere ne succedat également avec le frère de pere et de mere, et parce que la Coûtume en a fait une disposition expresse, quelques-uns se sont imaginez que le frere de pere ne succedoit que par privilege, et que par consequent ses enfans ne pouvoient se prévaloir de la representation pour succeder avec leurs oncles.
CCCXII.
Le frere uterin succede également avec le frère de pere et de mere.
Cet Article a toûjours fort déplû en cette Province, ce grand panchant que nous avons à conserver non seulement les propres, mais aussi les meubles et les acquests dans les familles d’oû ils procedent, a fait trouver fort étrange que les meubles et les acquests d’un mineur, qui ne pouvoient avoir été faits que du bien provenant de son pere, fussent partagez également entre e frère de pere et de mère de ce mineur, et un frere uterin : La mere en se remariant avoit fait assez de préjudice à ses enfans du premier lit, sans entichir encore de leur dépoüille ceux l’un second mariage ; ce double lien unit plus étroitement les freres tara est gratia fratrum,
Matre diversorum, ainsi Joseph avoit plus de tendresse pour Benjamin, et luy faisoit donner une plus grande portion ; il est vray qu’il luy devoit être aussi plus cher, parce qu’il n’étoit pas coupable ni complice de la barbatie de ses autres frores, et c’est peut-être de-là que la loy du dou-ple lien a pris son origine.
Cependant comme en l’Article precedent on s’étoit déja départi du double lien on a eu moins de peine à recevoir les uterins au partage de ces biens, qui n’ont point encore fait souche comme les meubles et les acquests.
On appelle uterins les freres et sours qui sont nez d’une même mere, ex eodem utero nati, non a d’un même pere, comme au contraire consanguinei & germani sunt fratres ex eodem patre nati, a l. 1. 5. penult. de suis et leg. hered. consanguineos effe qui sanguine inter se conjuncti sunt, sic accipiendum est ( sanguine. ) idest semine, eodem.Cujac . Ad l. Adoptivus, de adopt.
Par l’aversion que l’on avoit contre les uterins, on voulut limiter leur droit de succeder aux meubles seulement acquis par le défunt ; car il sembloit injuste qu’ils prissent part avec ceux qui étoient provenus de leur pere. Berault sur cette question a remarqué deux Arrests, celuy d’Alorge dans l’espece qu’il en propose, a jugé que les meubles venans du pere appartiennent aux freres de pere et de mere seulement, et que les uterins sont exclus d’y prendre part : Au contraire il fut dit par l’autre Arrest que les uterins succedoient sans distiuction aux meubles avec les frrres de pere et de mêre-
Pour l’éclaircissement de cette matiere et pour concilier ces deux Arrests ; il faut en recherther la difference et les motifs sur lesquels celuy d’Alorge peut avoir été fondé, on en allégue trois ; le premier, qu’il n’y avoit aucun immeuble en la succession d’Alorge, et que ces meubles qu’il avoit laissez tenoient lieu de propre aux mineurs ; le second, que Marie Toustain leur mere et leur tutrice ; avant que de se remarier en secondes nopces au Testier, avoit eu longtemps en ses mains les deniers des mineurs sans en faire un remploy en fonds, et ainsi étant de-meurez meubles par sa negligence, il n’étoit pas juste que les enfans de son second mariage en profitassent : mais cette raison a peu de poids, car quand le remploy eût été fait, c’auroit été un acquest, auquel les uterins auroient succedé comme aux meubles. Le motif le plus consiérable fut que Marie Toustain avoit eu le tiers des meubies d’Alorge son premier mary, et par consequent le tiers de tous ses biens, puisqu’il n’avoit que des meubles, et les ayant portez u Testier son second mary, il eût été dur que deux enfans du premier lit étant depuis décedes nineurs, les enfans du Testier eussent pris part à leurs meubles, c’eût été un double profit que de Testier et ses enfans eussent fait sur les biens du défunt Alorge.
Il est certain que cessant ces considerations l’Arrest d’Alorge seroit contraire à la Coûtume en cet Article ; aussi la même question avant été renouveléerentre Dubuse appelant, et Guillaume et Michel le Picard intimez, la Cour jugea le contraire. Jeanne Langlois épousa en remieres nopces Michel le Picard, et de ce mariage nâquirent Guillaume et Michel le Picard. lle contracta un second mariage avec Robert Dubusc, dont elle eut trois enfans qui partagerent la succession de leur père ; six mois aprés Gefroy Dubusc l’un de ces enfans, étant mort, Guillaume et Michel le Picard, ses freres uterins, demanderent part à ses meubles, les Juges de Louviers les en ayant réfusez, sur leur appel aux Hauts. Jours de l’Archeveché de Roüen, ils obrinrent Sentence à leur profit, dont Robert Dubusc ayant appelé, il prétendit qu’il faloit faire distinction entre les meubles que le défunt avoit acquis par son industrie et ceux qui luy étoient échûs de son pere ; pour les premiers les freres uterins pouvoient être admis au partage d’iceux, mais pour les meubles qui appartenoient au défunt de la succession de son pere, et qui étoient encore en essence, ils tenoient lieu de propre, et il seroit injuste que des uterins eussent part à ce qui procedoit de leur pere, et que ce paternel passât en une autre famille, sieur pere n’auroit travaillé que pour d’autres, ils emporteroient le fruit de ses peines, et leur mere leur feroit encore ce préjudice par son second marlage. Ils appuyoient ces raisons sur l’auorité des choses jugées, et s’aldoient de l’Arrest d’Alorge qui avoit nettement décidé la question à leur avantage, nonobstant toutes les differences que l’on s’efforçoit d’y trouver, à quoy ils ajoûtoient encore la faveur du double lien, et que par la disposition de droits les conjoints ex utroque latere, sont preferez aux uterins ; Authent. itaque mortuo. C. communia de Success.
Les intimez répondoient que la loy étant expresse, il n’en faloit point chercher les motifs, que suivant cet Article le Jrere uterin succede avec le frère de pere et de mere, et par le suivant les enfans même du frere uterin succedent avec les enfans de pere et de mere ; que l’Arrest d’Aloige. ne pouvoit être tiré en consequence, ayant été rendu sur des circonstances particulieres, mais que leur cause êtoit favorable, leur mere aprés la mort de leur pere ayant emporté tous leurs meubles qui luy furent laissez outre sa part par les parens à tres-vil prix, qu’elle a portez à un second mary avec un grand doüaire, de sorte que les intimez peuvent dire que les meubles dont il s’agit ont été acquis de leur propre bien : au surplus la Coûtume ne fait point de distinction des meubles, elle ne dit point qu’il y ait des meubles propres et des meubles acquests, et neanmoins suivant le raisonnement de l’appelant il faudroit necessairement admettre cette distinction. La Coûtume dans le Titre des Successions au Propre a parlé de la succession au propre, tant en ligne directe que collaterale, sans faire aucune mention du meuble, et dans ce Titre des Successions Collaterales aux meubles et acquects, elle a joit les meubles aux acquests, pour montrer qu’on succede aux uns et aux autresaen une même manière ; s’il y avoit des meubles tenant nature de propres et des meubles tenant nature d’acquests, quand un homme laisseroit des meubles et divers heritiers, il faudroit lever sur ses meubles ceux qui seroient provenus du pere ou des parens paternels, avant que l’heritier aux meubles pût avoir delivrance d’aucuns neubles : les meubles se perdent, se changent et se consument, ils n’ont point de situation fixe et certaine, par consequent on ne peut leur faire prendre fouche dans une famille, ils n’ont point de suite, et les heritiers au propre n’ont point d’action pour en demander le remploy, et cependant en admettant cette distinction de meubles propres et de meubles acquests, I faudroit fairé un remploy de meubles sur des meubles : On tomberoit encore dans cette absurdité, que les meres seroient privées de la succession aux meubles de leurs propres enfans, car si les meubles d’un mineur procedans de la succession de son pere luy tiennent lieu de ropre, s’il prédecede sa mere, ils retourneront aux parens paternels contre la Coûtume et l’Ordonnance.
La raison qui porta nos Législateurs à donner part aux uterins en la succession de leurs freres, fut que les meubles des freres venus de la succession de leur pere n’ont pas été acquis par leur pere seul, mais aussi par la mère, par le travail commun, par l’industrie et le soin de l’un et de l’autre constant leur mariage, ex collaboratione, ex industria, ex solertia utriusque constante matrimonio.
Il est donc juste que les uterins conjoints par le côté de la mere en profitent aussi-bien que les frères de pere et de meres
Mr d’Argentré , Article 661. de la Coûtume de Bretagne, a touché cette question ; il dit avoir été jugé que les meubles appartiennent aux parens paternels, cum constabat per inventaria, ea pervenisse ad filium de successione paterna, aut materna, ajoûtant parem esse rationem mobilium et immobilium : Mais la Coûtume de Bretagne he dispose pas expressément comme la nôtre, que le frere uterin succede avec le frère de pere et de mere aux meubles et acquests. Par la loy quod scitis. C. de bon. que lib. in por. pat. const. dominium eorum que à matre vel ab ejus lineâ pervenerint ud nepotem non ad avum, sed ad patrem pertinet, usufructu tûmen avo reservato.
La raison peut être pareille que les meubles venus du côté du pere appartiennent à la mere ou à ceux qui sont conjoints au défunt du côté de la mère-
Par Arrest du 7 de Mars 1617. le frere uterin fut reçû à partager avec son frere uterin les meubles venus du côté du pere.
La même chose a été encore jugée depuis. Aubert Marchand à Roüen laissa un fils et une fille, tout son bien consistoit en meubles sans aucuns immeubles, dont sa veuve nommée Dugay eut le tiers, les deux autres tiers furent pour les enfans mineurs : du second mariage de cette veuve avec Alexandre nâquirent deux filles ; le fils du premier lit étant mort en minorité. e tuteur de la soeur de pere et de mère demanda tous les meubles appartenans à son frère conjoint ex utroque latere, comme procedans de la succession de leur pere : Alexandre, pere des soeurs uterines, soûtenoit qu’ils devoient être partagez également avec les soeurs uterines, le Vicomte ajugea la succession à la soeur de pere et de mêre ; le Bailly ordonna au contraire que les seurs uterines y auroient part égale : Sur l’appel de la seur de pere et de mere l’intimé répondoit que la Sentence étoit conforme à la Coûtume ; puisque la seur uterine succede également axec a seur de pere et de mere, Article 316. qu’il n’y avoit aucune distinction entre les meubles par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 17 de Juillet 1636. on mit sur l’appel nors de Cour ; les parties étoient Raulin Aubert et Alexandre, plaidans Deschampts et de Cahagnes.
bien que la representatlon ait lieu au premier degré, néanmoins puisque le droit des uterins n’est point favorable, on ne rétend point au-de-là des dispositions formelles et expresses de la Coûtume, c’est par cette raison que l’on a jugé que les enfans du frere uterin ne peuvent s’éjoüir du benefice de la representation pour succeder avec leurs oncles.
Jeanne Limare, femme en premieres
nopces de Guillaume Cavelier
Et en secondes nopces de
Nicolas Theodale.
Nicolas Cavelier, Estienne Cavelier.
Nicolas demande la succession de son
frere Estienne.
Michel Theodale.
Charlote Theodale qui pré-
tend avoir part égale à la
succession d’Estienne son on-
cle uterin.
La Coûtume en l’Article 310. établit une regle generale, qu’en parité de degré les paternels preferent les maternels ; elle y apporte une exception en l’Article 312. ou elle fait concurrer le frere uterin qui n’est que parent maternel, avec le frère de pere et de mère, mais elle en demeure là, et n’admet point le neveu maternel en concurrence avec oncle qui le précede de ligne et de degré : La representation introduite en l’Article 304. n’a lieu qu’aux successions où l’on est appelé. directement, et où il n’y a que la seule difference du degré, mais en cette espèce il s’en remarque deux, l’une que l’on feindroit les enfans du frere uterin ejusdem stemmatis. Pour être dispensez de l’Article 310. où le paternel précede le maternel, et par l’autre on feindroit encore qu’elle seroit en même ligne, comme representant son pere ; or il est impossible que deux, fictions concurrent à la même chose, impossibile est autem duas fictiones concurrere circa idem. Par cette raison Charlote Theodale fut deboutée de sa demande, et la succession des meubles et acquests d’Estienne Cavelier ajugée à Nicolas son frère, par Arrest au Rapport de Mr le Brun, du 23 de Mars 1637. Pareil Arrest sur ce fait : Jean Germain avoit un frère de pere et de mere, et un autre frère de mere seulement, nommé Halbout ; Jean Germain étant mort, le fils de Halbout prétendit partager sa succession avec son oncle, frère de pere et de mere ; pour soûtenir son droit il alléguoit que la Coû-tume admet la representation au premier degré, et puisque la Coûtume appelle les enfans des freres uterins pour succeder avec les enfans de pere et de mere, à plus forte raison les enfans des uterins pouvoient venir à la representation de leur pere, que la difference entre les personnes conjointes par un double lien, et celles qui ne l’étoient pas n’étoint point reçûës Loüet en cette Province, non plus qu’à Paris, Loüer etBrodeau , l. 5. n. 12. sublatum erat duplicis vinculi beneficium. Germain répondoit qu’on n’avoit. apporté que deux exceptions à la regle generale établie par l’Article 310. la premiere pour les uterins, et la seconde pour les enfans des uterins ; hors ces deux cas il s’en faloit tenir à la regle, sans en faire une extention pour un sujet défavorable, comme sont les uterins : Par Arrest en la Grand. Chambre du 23 d’Aoust 1647. la succession fut ajugée à Germain, plaidant pour luy Coquerel, et le Févre pour Halbout.
Au procez d’entre Me François Vautier Prestre, et Jean Vautier, contre Me Guillaume Grip Assesseur à Valloigne, on jugea qu’aprés dix-neuf ans lesdits Vautier n’étoient pas recévables à se pourvoir contre un partage, par lequel on avoit admis les. enfans d’un frere uterin à succeder avec leur oncle frère depere et de mère, de celuy de la succession duquel il s’agissoit.
Sur cette matière de la succession des uterins, cette question singuliere s’offrit en l’Audience de, la. Tournelle le 24 de May 1624. les sieurs de Creulet, de Couvert, et le Prieur de S. Gabriel, étoient frères de pere et de mère, et le sieur de Meautix êtoit leur frere uterin. ce Prieur de S. Gabriel ayant été tué, les sieurs de Creulet et de Couvert, ses freres, poursuivirent la vengeance de sa mort, et obtinrent une condamnation d’interests contre les cou-pables : le sieur de Cpuvert étant mort, Meautix prétendoit part à cette portion d’interests qui eût appartenu au sieur de Couvert, comme à un droit qu’il avoit transmis à ses heritiers, I. qui injuriarum. ff. de injur. qu’il ne faloir plus considerer la cause et l’origine de ses interests, que ce n’étoit plus le prix du sang, pretium sanguinis, mais un pur meuble en fétat qu’il se trouvoit lors de la succession échûë ; le sieur de Greulet répondoit que cet interest ne regarloit que ceux de la famille, donc le sieur de Meautix n’en étant point il ne pouvoit y prendre art, l. quesitum D. de sepulehro,Molin . il fut dit par l’Arrest que les sommes ajugées pour les provisions et frais funeraires seroient partagées également, et pour les interests de hhomicide Meautix en fut debouté. Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 17 de De-cembre 1649. un frere uterin a été préféré en la succession des meubles et acquests au pere, et déchargé de rapporter les meubles dont il étoit saisi : l’Arrest fondé sur cette raison, que succedant avec le frère de pere et de mere il doit exclure le pere, parce que le frere uterin excluant la soeur paternelle, et icelle excluant le pers, il le doit aussi exclure ; car si je suis reféré à celuy qui vous est preferé, à plus forte raison vous suis-je preferé, nam si vinco vincentem te, potiori ratione vinco te, plaidans Coquerel et Mr Giot, maintenant Conseiller en la Grand. Chambre.
CCCXIII.
Les enfans du frere uterin en premier degré, succedent avec les enfans du frère de pere et de meres.
On a demandé si la disposition de cet Article qui rend les enfans du frere uterin capables de succeder avec les enfans du frère de pere et de mere, doit être étenduë aux enfans de la soeeur uterine pour succeder avec les enfans de la soeur de pere et de mère ; Cette cause s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre entre André de l’Epine appelant du Bailly de Caen, et Loüis et Pierre Bonnet, intimez : : Je dis pour l’appelant que quoy que la Coûtume n’eûr point repeté pour les enfans de la soeur uterine ce qu’elle avoit dit pour les enfans du frere uterin, ce cas neanmoins devoit être suppleé, puisque la raison est égale ; la Coûtume en l’Article 316. a donné aux soeurs uterines l’aptitude et la capacité pour succeder avec les seurs de pere et de mére ; le frere uterin n’a point d’avantage tur la soeur uterine, chacun joüit parmy ceux de son fexe d’une condition égale, la soeur de pere et de mere n’a point aussi de rerogative sur la soeur de mere seulement : la condition donc de ces personnes êtant pareille et la Coûtume n’y mettant aucune différence, le cas omis doit être aisément suppleé par l’identité de raison et de faveur, cum in aliquâ causâ sententia legis manifesta est, is qui Jurisdiction. praest, ad similia procedere atque ita jus dicere debet. C’est là proprement le devoir et la fonction la plus importante des Juges Souverains, qui ne doivent pas s’attacher scrupuleusement à la lettre, mais examiner les motifs de la loy, et entrer dans son esprit et l’appliquer et l’étendre à tous les cas où la raison de décider se trouve pareille, ne jus in litera potius quam in ratione consistere videatur : Comme les faits sont infinis, il seroit impossible aux Législateurs de les prévoir et de les déclarer tous dans leurs loix, neque leges, neque Senatusconsulta ita scribi possunt. t omnes casus qui quandoque inciderint comprehendantur ; sed sufficit ea que plerumque accidunt contineri 10. ff. de leg. que si cela s’est dit des Loix Romaines, dont neanmoins nous avons tant de volumes, ce supplément d’un cas à l’autre doit être permis dans une Coûtume qui contient si peu de matieres. Durand répondoit que les enfans des soeurs uterines n’étant point exceptez s de la regle generale contenuë en l’Article 310. il faloit s’y arrêter, ces dispositions qui appellent les freres et les soeurs uterines à succeder avec les freres et les soeurs de pere et de mere n’étans point favorables ; et c’est pourquoy on ne les avoit jamais étenduës d’un cas à un autre, et si c’eût été la pensée des Reformateurs, aprés avoir parlé des enfans du frere uterin, on n’auroit pas manqué d’ordonner la même chose pour les enfans de la soeeur uterine, mais on ne voulut pas déroger en tant de manieres à la regle generale établie par l’Article 310. Par Arrest du 43 de Février 1662. on mit sur l’appel hors de Cour.
CCCXIV.
Le frère de pere ou de mère seulement prefere les soeurs de pere et de mere.
On a souvent reclamé contre cet Article, car on trouvoit fort étrange que les soeurs de pere et de mere fussent excluses par des uterins des biens qui provenoient de leur pere et mère ; néanmoins cet Article est si contraire à leur prétention que lon n’a pû juger en leur faveur, comme on l’apprend par l’Arrest de Seheut et d’Alexandre que j’ay remarqué sur l’Article 312.
CCCXV.
La seur de pere succede également avec la soeur de pere et de mere,
Cet Article n’est pas defavorable à cause de l’agnation qui est entre la soeur de pere, et la soeur de pere et de mère.
CCCXVI.
La soeur uterine succede également avec la seur de pere et de mere.
Puisque le frere uterin êtoit admis à succeder avec le frère de pere et de mere, il y avoit beaucoup moins d’inconvenient à faire succeder la soeur uterine avec la soeur de pere et de mere, qui n’étoit pas si favorable que le frere du pere et de mère.
CCCXVII.
Les mâles preferent les femelles en parité de degré.
En ladite succession il y a representation de sexe : et les décendans des freres prefereront les décendans des soeurs êtans en pareil degré.
Les filles ou soeurs ne sont point appelées à succeder que quand elles sont plus proches que les mâles, comme on l’apprend par l’Article 30S. mais en parité de degré il y a representation de sexe, et c’est pourquoy les décendans des mâles sont toûjours preferez aux décendansti des soeurs.
Il suffit d’être décendu d’un frere pour exclure le décendant de la soeur, cette prerogative l’est point artachée au fexe du mâle, de sorte qu’une fille décenduë d’un frère l’emporte même ur un mâle décendu d’une soeur, lorsqu’elle est en pareil degré ; car. la Coûtume a dit en termes generaux que les décendans des freres, sans distinguer s’ils sont mâles ou femelles, preferent les décendans des seurs êtans en pareil degré : ce qui se pratique même en succession aux tropres, où la fille de l’ainé a les mêmes avantages que son pere auroit eus-
CCCXVIII.
Partages des acquests entre freres.
Les freres partagent entr’eux également la succession des meubles, acquests, et conquests immeubles, encore qu’elle soit située en Caux, et lieux tenans nature d’iceluy : sauf toutefois le droit de préciput appartenant à l’aîné, où il y auroit un ou plusieurs fiefs-nobles.
CCCXIX.
Acquests n’augmentent le préciput de l’aîné.
Et si en ladite succession il y a propres qui soient partables entre mêmes heritiers, lainé ne pourra prendre qu’un préciput sur toute la masse de la succession.
Pour comprendre les Articles 318. et 319. il faut les joindre ensemble, et voicy leur sens La succession d’un frere défunt qui se partage entre freres consiste en meubles et acquests seulement, où il y a des acquests et des propres de même nature divisibles entre tous ces freres qui sont des heritiers de même qualité, entisdem naturae : Au premier cas les freres partagent également, s’il n’y a quelque fief, en ce cas l’ainé peut le prendre par préciput, et c’est la disposition de l’Article 318. mais si dans cette succession il y a des propres partables et des acquests, l’ainé ne pourra prendre un prréciput au propre et un préciput ou une parr aux acquests, ou bien prendre un préciput au x acquests et une part au propte, il ne peut avoir qu’un préciput sur toute la masse de la succession, et en prenant ce préciput, ou sur le propre, ou sur les acquests, il n’a plus rien au reste. Berault sur cet Article 318. cite un Arrest qui doit avoir jugé que l’ainé prenant uti préciput en la succession au propre, pouvoit encore prendre part aux acquests du frère déced’é, mais il n’a pas entendu cet Arrest ; il fut rendu entre Guy de Neufville, Ecuyer, sieur de Cleray et de Mesange, c’étoient des freres uiterins, qui par consequent n’étoient pas de mêêmes heritiers ejusdem naturae, car les freres uterins ne pouvoient avoir de part au propre, Riais seulement aux acquests, si bien que l’on n’étoit pas aux termes de cet Article 319. qui cotitient ces termes, s’il y a propres qui soient partables entre mêmes heritiers : Or comme les uterins prennent part dans les acquosts, il n’étoit pas raisonnable que l’ainé des freres de pere n’y eût rien, quoy qu’il eût pris un préciput au propre, parce que son exclusion eût profité non seulement à ses frères de pere et de mere, mais aussi à son frere uterin, et voila la véritable espèce de l’Arrest cité parBérault , qui ne juge pas comme il l’a écrit, que l’ainé qui prend préciput au propre peut encore prendre part aux acquests ; mais on jugea qu’entre des frerts de pere et de mere, et des uterins, on pouvoit avoir préciput au propre et part aux acquests, et tant s’en faut qu’on ait jugé ce que Berault avoit dit, que le contraire a été depuis décidé tentre les sieurs de Desson, au Rapport de Mr du Plessis. Puchot, le 30 de Juillet 1670. Il fut dit par cet Arrest que l’ainé qui avoit pris prériput au propre en une succession collaterale n’avoit rien aux acquests, et l’on cassa une Sentence arbitrale renduë par Mr le President d’Estalleviille, qui avoit prononcé au contraire, et lors de cet Arrest la Cour vit sur le Régistre celuy quie Berault avoit cité, qui ne se trouva pas conforme à ce qu’il dit entre François Desson apppelant, et Claude Desson.
On ne peut revoquer en doute que quand la succession des propres et des acquests échet à de mêmes heritiers, qui ont un même titre et un même droit, et que les propres sont divisibles entr’eux, on ne la considere en ce cas que comme une feule et même succession La Coûtume s’en est expliquée ouvertement par cet Article, en disant que s’il y a propres qui soient partables entre mêmes heritiers, l’ainé ne pourra prendre qu’un préciput sur toute la masse de la succession.
Mais il est mal-aisé de comprendre le sens due ces paroles, s’il y a propres qui soient partables entre mêmes heritiers ; car puisqu’il y a des peopres partables entre mêmes heritiers, il faut absolument qu’il y ait des propres qui ne soient point partables : d’où il s’ensuit aussi necefsairement que si lorsque les propres sont partables, l’ainé ne peut prendre qu’un préciput sur toute la masse de la succession, lorsque les propres ne sont point partables, sa condition doit être plus avantageuse, autrement la Coûtume feroit inutilement et mal à propos cette distinction. entre les propres partables et non partables : Si la condition de l’ainé êtoit toûjours égale, soit que les propres soient divisibles ou non divisibles, comme on ne peut dire que ces paroles soient super fluës, il faut necessairement leur trouver un sens qui foit raisonnable, et rechercher comment et quand il peut y avoir dans une succession des propres partables et des propres non partables, et comment encore ceux qui succedent à une personne peuvent être reputez mêmes. heritiers, ejusdem forma et naturae, pour user des termes deBartole , sur la I. quoties. C. de bered. Inst Nous trouvons aisément quand et comment les propres sont divisibles ; cela arrive lorsque la succession du pere a été partagée également entre les freres, et que l’ainé n’a point pris de réciput, car alors un frere mourant sans enfans, les propres sont partables entre l’ainé et ses freres, et c’est en ce cas que s’il y a des propres et des acquests, l’ainé ne peut avoir qu’un préciput sur toute la masse de la succession.
Suivant l’Article 341. l’ainé ou autre ayant pris préciput, avenant la mort de l’un des puisnez, ne luy peut succeder en quelque chose que ce soit ; et par l’Article suivant il est porté que si neanmoins il y avoit un fief partagé avec les autres biens de la succession, sans avoir été choisi par préciput avenant la mort sans enfans de celuy au lot duquel il est échâ, l’ainé ou ses representans succede en ce qui est noble, et peut prendre le fief par préciput.
Aprés cela pour l’éclaircissement de cette matière, supposons que la succession d’un pere soit échüë à quatre freres, dont l’ainé ait pris un préciput, et que le reste ait été partagé entre les trois autres frères ; depuis l’un de ces puisnez décede sans enfans, et laisse entre ses proprei un fief et des rotures, ou des rotures seulement ; il laisse aussi des acquests qui consistent en frefs et en rotures, ou en rotures seulement.
Il est sans doute que si dans les propres il n’y a que des rotures, l’ainé n’y peut prendre aucune part suivant l’Article 341. voila véritablement des propres non partables, mais assurément la Coûtume n’a point entendu parler de cette sorte de propres, parce qu’autrement sa distinction de propres partables, pour empescher l’ainé de prendre préciput sur le propre et sur les acquests, seroit inutile : La raison est que l’ainé qui a pris préciput n’ayant rien au propre, quand il consiste en rotures, l’on distingueroit inutilement entre les propres partables et non partables, puisque quand ils ne sont point partables l’ainé n’a jamais le pouvoir ni le droit de prendre un préciput ou une part aux propres, et un préciput ou une part aux acquests ; mais en ce cas il ne succede qu’aux acquests, sur lesquels s’il y a un fief il peut prendre préciput.
Il faut donc necessairement chercher d’autres propres non partables, et en suite examiner. si lorsqu’il y a des propres non partables, la condition de l’ainé est plus avantageuse que quand Il n’y en a point.
On peut dire que le propre non partable consiste entièrement en ce fief, que par l’Article 42. l’ainé peut prendre quand il n’a point été partagé, et avenant la mort sans enfans du puisné au lot duquel il étoit échû. L’on peut appeler avec justice ce fief un propre non partable, parce que l’ainé est obligé de le prendre et de s’y contenter, quelque petite qu’en soit a valeur ; il n’est pas à son choix ou de prendre ce fief ou de rentrer en partage des autres propres avec ses puisnez ; il est un heritier singulier, an certum genus bonorum ; et sa capacité de succeder se termine à pouvoir prendre un fief s’il y en a dans les biens propres, hors cela il est purement étranger en la succession au propre, et il peut avoir ce desavantage que son fief sera de tres-petite valeur, et que le reste des propres sera d’un tres-grand prix ; de sorte qu’en cette rencontre le party des puisnez peut être meilleur que celuy de l’ainé ; mais il n’a pas sujet de se plaindre, parce qu’il est recompensé par le préciput avantageux qu’il a choisi en la succession du pere ou de la mere
Puis donc que nous trouvons un propre non partable, et que la Coûtume n’exclud l’ainé e prendre deux préciputs que quand il y a des propres partables, on peut conclure pour faire galoir la distinction établie par la Coûtume de propres partables et non partables, que quand les propres ne sont point partables et que l’ainé est contraint de se contenter au fief qu’il trouve, il peut prendre ou part ou préciput dans les acquests, ce qui est fondé sur les paroles expresses de cet Article ; car puisque l’ainé ne peut avoir qu’un préciput, lorsque les propres sont partables et que ce sont mêmes heritiers, l’on peut conclure que quand les propres ne sont point partables et que ce ne sont point mêmes heritlers ; l’ainé peut avoir son préciput dans le propre, et prendre encore un préciput ou une part dans les acquests, puisque les deux conditions equises pour n’ajuger qu’un préciput à l’ainé, cessent à son égard. Car à l’égard de la premiere, il est certain que les propres ne sont point partables, et à l’égard de la seconde on ne peut pas le reputer un même heritier, puisqu’il ne peut succeder au propre que lorsqu’il s’y rencontre un fief, et qu’il n’a pas le droit d’entrer en partage avec ses freres : Par le droit Romain il y a deux sortes d’heritiers, les premiers sout nommez heritiers universels, parce qu’ils succedent en tous les droits du défunt, l. heres c. 37. de acquir.
vel omitt. hered. l. hereditas de regul. jur. on appelle les autres successeurs singuliers, successores juris, parce qu’ils ne succedent que pour certaines parts et pour certaines choles, l. ex facto de hered. nstit. La difference entre ces heritiers étoit grande, on pouvoit intenter contre les premiers toutes les actions hereditaires, parce qu’ils étoient de véritables heritiers, et étoient contraints d’exercer les actions hereditaires et de les souffrir, veri heredes, et actiones hereditarias exercere, et pati cogebantur. Les successeurs pour certaine part ne pouvoient faire lun ni fautre, ils n’étoient considerez que comme des legataires en tous les droits du défunt, neque convenire quemquam, neque conveniri poterant :Cujac . Ad l. quoties. C. de hered. Instit.
Aussi nôtre Coûtume fait de deux sortes d’heritiers en la succession au propre, sçavoir des heritiers qui succedent, in jus universum defuncti, ce sont les puisnez qui succedent à tous les s droits de leur frere puisné, parce qu’ils avoient partagé également avec luy la succession du q ere ou de la mere : fainé qui a pris préciput est un heritier singulier, parce qu’il ne succede qu’à une certaine espèce de biens, à sçavoir à ce qui est noble.
Ce sont donc divers heritiers, et l’on ne peut soûtenir que ce soit une même succession, elle peut véritablement être considérée comme une même succession à l’égard de celuy qui la aisse, mais elle a diverses qualirez et divers effets à l’égard de ceux à qui elle échet ; car les puisnez succedent à tous les droits in jus universum du défunt, sans distinction de propres et d’acquests, ce qui rend leur condition égale : mais l’ainé qui a pris préciput ne succede qu’à une certaine espece de biens, à sçavoir au noble, ce qui fait qu’il n’est pas un même heritier avec ses puisnez bi la Coûtume avoit laissé en la liberté de l’ainé ou des puisnez de confondre ce droit, et de rendre l’ainé égal aux puisnez ; en ce cas en prenant préciput en l’une des successions, il ne pourroit le prendre en l’autre ; mais puisque cela n’est pas, et qu’au contraire la Coûtume a fait des propres partables et non partables, que l’ainé n’a point part aux propres partables, et qu’il n’est point un même heritier avec ses puisnez, quoy qu’il succede au noble ; suivant l’Article 342. il n’est point exclus de prendre part ou préciput aux acquests, parce qu’il n’est un même heritier avec ses freres que dans la seule succession aux acquests.
Me Jacques Godefroy nous apprend sur cet Article que cette question s’offrit entre les sieurs de Beuzeville et de Brevant : Le fait étoit qu’Antoine de la Luzerne eut trois fils, Jacques, Pierre et Julien ; Jacques avoit choisi par préciput le fief de Beuzeville, Pierre et Julien avoient partagé le surplus de la succession, et par les partages la terre de Brevant échût à Pierre, et celles du Lorey et de S. Hilaire à Julien. Julien mourut et laissa dans sa succession ces deux verres, et plusieurs acquests considérables ; Antoine, fils de Jacques, prit la terre de Lorey par réciput, et prétendit encore avoir une part égale aux acquests, ce qui luy fut contredit par le sieur de Brevant : la cause fut plaidée et appointée, et les opinions des Juges ayant été partatées, les parties transigerent moyennant huit mille livres que le sieur de Beuxeville donna au sieur de Brevant pour être reçû au partage des acquests. Godefroy êtoit de ce sentiment que les success sions étoient confuses, et que le fils de l’ainé ne pouvoit avoir préciput et partage, et qu’il étoit tenu de se contenter de l’un ou de l’autre, et c’étoient les raisons du sieur de Brevant qu’il n’étoi question que d’une feule et même succession divisible entre mêmes heritiers, en laquelle l’ainé ne pouvoit avoir préciput et partage ; que la distinction des biens n’étoit considérable qu’entre divers heritiers, mais qu’entre mêmes heritiers il y avoit confusion de biens ; que cet Article Etoit une exception du précedent, car la Coûtume ayant dit que les conquesls se partagent égaement entre frères, sauf le préciput de l’ainé : elle ajoûte que si en la succession il y a propres qui soient partables entre mêmes heritiers, l’ainè ne pourra prendre qu’un préciput sur toute la succession.
Il faut avoüier que nos Législateurs ont établi en cet Article une loy imparfaite et défectueuse, car aprés avoir parlé de ce que l’ainé ne peut prétendre dans le cas où il y a des acquests et les propres qui sont partables entre mêmes heritiers, on ne devoit pas oublier de declarer quel est le droit de l’ainé dans l’autre cas, lorsque la succession est composée d’acquests et de propres non partables.
Les raisons dont Godefroy se sert pour soûtenir son opinion ne sont pas décisives, bien loin qu’il se fasse une confusion de biens, au contraire la Coûtume fait une separation de propres, et elle les distingue en propres partables et non partables, ce qui induit necessairement une différente manière de les partager et une distinction d’heritiers.
Tay remarqué cy-dessus que nous n’avons que de deux sortes de propres non partables, a première est lorsque l’ainé a pris préciput, et que le propre qui se trouve dans la succession consiste entièrement en rotures ; mais cette espèce de propres ne peut jamais faire naître de difficulté, et la décision portée par cet Article n’y peut être appliquée ; car l’ainé étant exclus de prendre part en ces propres, et par consequent n’ayant part qu’aux acquests, il n’est pas en pouvoir de prendre préciput ou part aux propres, et préciput ou part aux acquests.
Il ne reste donc plus que cette autre espèce de propre qui puisse causer de l’ambiguité, sçavoir lorsque l’ainé succede seulement à ce qui est noble, suivant l’Article 342. N’estI pas vray que ce fief qui appartient à l’ainé est un propre non partable, puisque cette portion luy est indispensablement limitée, qu’il est forcé de s’y contenter, et qu’il n’a pas la faculté de le remettre en partage pour diviser également les propres avec ses autres freres : Et n’est-il
CCCXX.
Les neveux et autres êtans en pareil degré comment succedent.
Les neveux, arriere-neveux, et autres êtans en semblable degré, succedent à leurs oncles et tantes par testes ; et non par souches, tellement que l’un ne prend non plus que l’autre, sans que les décendans des aînez puissent avoir droit de préciput à la representation de leurs peres : et font les soeurs part au profit de leur frere, ou freres, soient mariées ou non, à la charge de les marier si elles ne le sont.
Autrefois cette question a été fort agitée entre les Docteurs, tant anciens que modernes, si les neveux ou arrière-neveux devoient succeder par testes ou par souches ( De la Lande sur l’Article 319. de la Coûtume d’Orleans. Enfin sopinion d’Aso qui est conforme à nôtre Coûtume a été suivie et avec raison, parce que les neveux ne succedant point avec un oncle, mais avec leurs cousins germains, ne sont point dans le cas de la representation, mais ils viennent tous de leur chef à cette succession ; ainsi leur droit étant égal, leur partage doit aussi Justinien cire égal. La Novelle 118. de Justinien ne s’étend point en ce cas, mais bien quand les neveux ou nièces concurrent avec leurs oncles ;Charond . l. 3. c. 17. de ses Pandectes : Ita demùm parris personam sustinent, si cum patruis concurrerent ad successionem. VideCujac . de feud. l. 2. c. 11.
Tiraquel . de ret. gent. 5. 11. gl. 11. Le Prestre Prestre, Controv. 2. c. 15. Cela avoit lieu même aux fiefs, ausquels les petits-fils en ligne directe et les enfans des freres succedoient par representation.
Le Parlement de Paris a confirmé cette jurisprudence par plusieurs Arrests rapportez par de la Lande au même lieu. Ce même Auteur est de ce sentiment que ce partage entre neveux par testes et non par souches se fait non seulement lorsqu’il ne se rencontre aucun frère du défunt, mais aussi lorsqu’il y en a quelqu’un de survivant qui repudie purement et simplement la succession, c’est comme s’il étoit mort, parce que la renonciation est comparée à la mort, et qui partem non capit, partem non facit ; & ejus persona non numeratur in partibus non faciendis. l. etsi ex modicâ. S. si filius. S. si liber. Mais suivant l’opinion de ceux qui admettent la repreentation d’une perlonne vivante, le fils entrant en la place de son pere vivant, qui êtoit frere plu défunt, la succession fe partagera par souches et non par testes : que si le frere renonçoit à cause du legs qui luy auroit été fait par le défunt de quelque immeuble, en ce cas commed si cette donation luy tiendroit lieu de portion hereditaire, il n’y a pas de difficulté que la succession fe partageroit encore par souches,
La Coûtume dispose en cet Article que les décendans de l’ainé ne prennent point de préciput lorsque la succession échet à plusieurs neveux ou cousins de diverses fouches ; mais cela ne se pratique pas de la sorte, si la succession entière échet à plusieurs neveux ou cousins sortis d’une seule souche : par exemple si Titius avoit plusieurs neveux décendans de son frere, ou plusieurs cousins sortis de son oncle, l’ainé pourra prendre un préciput, l’Article 318. ne faisant point de distinction de frere, oncle ou cousin, mais son intention semble être que toute succession collaterale écheant à des freres soit partagée également sans préjudice du préciput, appartenant à l’ainé. Elle dispose autrement en cet Article de la succession qui se partage par testes, les décendans de l’ainé n’y ont aucun avantage.
CCCXXI.
Option et estimation au denier vingt.
Et si les partages ne peuvent être faits également à la raison des fiefs qui de leur nature sont individus, estimation d’iceux doit être faite au denier vingt, et sera au choix des representans fainé de prendre le fief en payant aux autres leur part de lestimation ; et où ils en seroient refusans, le fief sera à celuy qui fera la condition des autres meilleure : et s’il n’y a que des filles, elles partageront le fief selon la Coûtume.
Les fiefs étans indivisibles entre mâles, et dans l’espèce de cet Article, l’ainé ne le pouvant pas prendre par préciput, il étoit necessaire de regler l’estimation ; dans cet Article on ne l’a fixée qu’au denier vingt, quoy qu’elle se fasse ordinairement au denier vingt : cind, nais la Coûtume a voulu faire quelque avantage à ceux qui representent l’ainé pour les recompenser de ce qu’elle les avoit exclus de prendre un préciput. Godefroy dit qu’en procedant à l’estimation on ne doit considerer que le revenu annuel et non point la valeur des bâtimens et des bois, et que pour faire cette estimation, quand les parties ne conviennent point d’estimateurs, le Juge en doit nommer qui soient de condition noble ; mais puisque la Coûtume a voulu que la condition des neveux et arrière-neveux qui sucredent par testes fût absolument égale, et que les décendans de l’ainé n’eussent aucun préciput, mais seulement qu’ils pussent rendre le fief au denier vingt, on ne doit pas à mon avis l’estimer seulement sur le pied du revenu, mais sur la valeur intrinseque ; que si les enfans de l’ainé n’y trouvent pas leur avantage, ils ne sont pas forcez de leprendre suivant cette estimation, mâis ils peuvent le laisser pour être pris par celuy qui fera la condition des autres meilleure ; et pour montrer que la Coûtume n’a pas eu intention de faire d’autre avantage aux ainez que de le leur donner au denier vingt, lorsque les representans de l’ainé ont voulu prendre le fief et bailler recomsense à leurs coheritiers, quoy qu’il y eût d’autres biens pour fournir les autres lots, on a jugé suivant les Arrests remarquez par Berault qu’ils n’y étorent pas recevables.
CCCXXII.
Avantage de l’aîné aux fiefs en Caux.
S’il n’y a qu’un fief assis en Caux, l’aîné selon la Coûtume generale le peut prendre par préciput, et s’il y a plusieurs fiefs les freres partagent selon la Coûtume generale.
Cet Article est tres-obseur ou tres-inutile, car comme l’a remarqué Godefroy l’on peut douver s’il parle de l’ainé des freres, ou s’il parle de l’ainé des cousins ; s’il parle de l’ainé des freres il est inutile, et il ne dit rien de nouveau, l’Article 318. contenant une loy generale, ue l’ainé des freres peut prendre un préciput : s’il le veut entendre de l’ainé des cousins, il sera directement contraire aux Articles 308. et 321. de la Coûtume, par lesquels les enfans des freres, ses neveux et arrière-neveux sont exclus de prendre aucun préciput en la succession des acquests et l’on ne peut dire aussi que la Coûtume ait eu intention d’établir une loy particulière en Caux en faveur de l’ainé des cousins, quoy que cet Article soit mis aprés l’Artcle 320. par lequel entre les neveux et arrière, neveux les representans de l’ainé n’ont point de préciput, c’est neanmoins le sens le plus apparent qu’on luy peut donner, et qui neanmoins n’est point reçûs car la Coûtume ayant ordonné par l’Article 318. que les acquests se partagent egalement entre freres, soit en Caux ou hors Caux, sauf le préciput de l’ainé s’il y avoit des fiefs, cet Article étoit superslu ; mais on peut dire que la Coûtume ayant dit simplement sauf le préciput de l’ainé, lon pouvoit douter si cela avoit lieu en Caux, et l’on ne peut douter que cet Article ne parle que de l’ainé des freres, et non point de l’ainé des cousins, puisqu’elle ajoûte, s’il y a plusieurs fiefs les freres partagent selon la Coûtume generale, et cette Coûtume generale dont on entend parler est contenuë dans l’Article 339. mais cet Article a été transposé, comme aussi les deux suivans.
CCCXXIII.
Ce que l’ainé donne en recompense de la provision à vie est reputé propre.
Donation faite par un frère ainé à ses puisnez, en recompense de la provision à vie qu’ils eussent pû demander sur la succession directe assise en Caux, est reputée propre et non acquest.
La Coûtume d’Anjou, Article 250. contient une pareille disposition ; et cette Coûtume, dit du Du Pineau sur le même Article, a eu tel égard à la conservation de la ligne de laquelle il est parti, que si le pere ou le frère noble donne aucune chose immeuble à son fils ou frere puisné noble, encore que dans la ligne directe il ne soit pas véritablement heritier, suivant l’Article 228. neanmoins tel don n’est point reputé acquest, cette Coûtume ne distinguant point entre la ligne directe et la collaterale.
dôtre Coûtume ne fait point aussi cette distinction, et elle ne peut avoir lieu au cas de cet Article ; car les Docteurs ne fondent cette difference entre les donations faites à l’heritier resomptif en ligne directe, et les donations en ligne collaterale, que sur cette raison, que la donaon en ligne directe est une dette naturelle, est debitum naturae, ce n’est pas tant une donation que de payement et la liberation d’une obligation naturelle, et par consequent les choses doivent tenit nature de propre : mais comme en la ligne collaterale il n’est point dû de legitime, la donation est purement lucrative, ce qui lavrend un véritable acquest, parce qu’elle procede non tant d’une obligation de nature que de la pure liberalité du donateur ; non tam ex naturae debito, quam ex nera donantis liberalitate ; mais ces difficultez ne peuvent naître parmy nous, parce que la Coûtume défend de donner à son heritier presomptif, tant en ligne directe que collaterale, et d’ailleurs la donation faite par un frère ainé à ses puisnez au lieu de la provision à vie qu’ils luy pouvoient demander n’est pas une liberalité, mais l’acquit d’une dette, et pour user des ermes de cet Article une recompense qui doit tenir la même nature de la chose à laquelle elle est subrogée ; et bien que cette disposition ne parle que des biens en Caux et de la succession en Caux, elle peut être étenduë aux donations que feroit un ainé à ses puisnez, pour recompense de la provision à vie qu’ils pourroient prétendre sur son fief, et c’est aussi le entiment de Berault ; et Godefroy ajoûte que quand même cette recompense seroit baillée en leniers, le fonds acquis de ces deniers tiendroit nature de propre, ce que j’estime véritable.
CCCXXIV.
L’héritage en Caux. donné par le pere aux puisnez est reputé propre.
Donation faite par un pere à son fils puisné, d’héritage assis en Caux, est propre et non acquest.
Ces deux Articles sont transposez, il étoit de lordre de parler premietement de la donation faite par le pere, et puis de la donation faite par le frère ; ils sont d’ailleurs mal conçûs.
il étoit sans doute à propos de parler des donations d’héritages assis en Caux faites par les peres ou freres ainez à leurs puisnez, puisqu’on vouloit changer l’ancien usage qui mettoit ces donations au nombre des acquests, mais il ne faloit pas faire mention d’elles seulement, comme s’il n’y avoit que cette espèce de donation qui tint nature de propre, on devoit plûtost établir une loy generale ; car bien que la donation d’un pere à ses enfans puisnez ne soit permise que dans le Bailliage de Caux, et que par consequent il semble qu’il ne fût necessaire que de parler de et donation de biens en Caux, neanmoins puisque le frere ainé peut dans la Coûtume generale. se liberer de la provision à vie, qui appartiendroit à ses puisnez sur le fief qu’il auroit pris par préciput, il n’eût pas été superslu de concevoir cet Article 323. dans les termes d’une disposition generale, au lieu qu’il est composé d’une maniere qui peut persuader que la seule donation d’un ainé à ses puisnez de biens assis en Caux est un propre, mais que la donation faite de biens situez ailleurs est un conquest, puisque la Coûtume a excepté seulement la donation des biens en Caux, car l’exception donne autorité à la regle, nam exceptio firmat E regulam.
l est sans doute neanmoins que la donation d’un ainé à ses puisnez pour les recompenser de leur provision à vie sur le fief situé hors la Coûtume de Caux tient nature de propre, parce qu’elle est au lieu de la legitime, elle procede plûtost d’une obligation de la nature que d’une pure liberalité du donateur ; ex debito naturae potius quam ex mera liberalitata donantis : Toutes donations faites en ligne directe par pere, mere, ou autres ascendans, sont présumées faites en avancement d’heredité, c’est une succession anticipée pour faire posseder presentement au donataire ce qu’il ne possedoit que par espèrance ; et bien que ce soit un frere qui donne, tou-tefois donnant à ses freres pour leur legitime, par cette liberalité il s’acquitte d’une obligation de la nature, sub hac liberalitate naturae debitum solvit, et la donation est reputée faite en ligne directe, comme à celuy qui doit succeder, tanquam successuro : On peut dire que la raison pour aquelle ces donations du tiers en Caux étoient reputées acquests dans l’ancienne Coûtumes êtoit parce que le pere êtoit le maître de ce tiers, et les enfans ne le tenoient que de sa pure liberalité, et c’est pourquoy dans les Coûtumes où il n’y a qu’un seul heritier, comme en celle de Ponthieu où les puisnez sont reputez comme étrangers, parce qu’ils n’ont aucune part en la succession du pere, ce qui leur est donné par luy est reputé acquest.Brodeau , l. a. n. 2.
Bouguier , 1. D. n. 10. Par la nouvelle Coûtume les puisnez ayant le tiers en proprieté, dont neanmoins le pere peut disposer à sa volonté, la donation qu’il en fait n’est pas une pure libealité, parce qu’il n’a la liberté d’en disposer qu’en faveur des puisnez ; ainsi c’est véritable-ment une donation faite à l’heritier futur, futuro heredi, en ligne directe qui est toûjours présumée propre.
C’est une grande question dans les autres Coûtumes, si la donation faite à l’heritier presomptif doit être reputée un propre ou un acquest : et on a fait distinction entre l’heritier en ligne directe et l’heritier en ligne collaterale. En ligne directe ces donations sont transfuses au droit de successions futures, transfunduntur in jus futurae successionis, c’est un avantpart de la succession future, delibatio futurae hereditatis, et le pere de son vivant semble pourvoir à l’heritier futur, vivus parens videtur heredi futuro providere : Par un Arrest du 24 de Mars 1623. que l’ay remarqué ailleurs, entre Lécolier et Marseille, une donation faite par un ayeul maternel à son petit-fils fut reputée propre, et l’heritier aux acquests évincé. Chassanée pour la donation en succession collaterale beaucoup ont approuvé la distinction de Chassanée, Rubrig. 4. des droits appartenant à gens mariez, S. 2. in verbo ( et acquests ) 4. 2. que our la portion à laquelle le donataire auroit succedé, ce fût un propre et un acquest pour le surplus : mais le Parlement de Paris a jugé qu’en ligne collaterale les donations faites à Pheritier presomptif sont reputées acquests. Les Arrests sont fondez sur ces deux raisons, qu’en ligne collaterale il n’est point dû de legitime, et que pareillement le rapport n’y a point dieu, de sorte que toutes donations, soit entre vifs ou testamentaires, procedent d’une pure diberalité. Brodeau neanmoins dit que cette regle n’est gardée que pour les propres naissans et non pour les anciens propres, parce qu’un ancien propre donné par un parent à un autre parent de la ligne dont il procede, s’unit bien plûtost avec les autres propres qu’il y rencontre en retenant sa qualité primitive, que de passer à une autre espèce de biens differente, et s’y porte luy-même comme dans son centre. Mr d’Argentré , sur sa Coûtume, Article 418. gl. 1. n. é dit aussi que regulari jure inter acquestus est donatio, par droit régulier la donation est reputée entre les acquests ; et combatant la distinction que l’on fait entre les donations faites à l’heritier presomptif en ligne directe et collaterale, est d’avis que toutes donations faites, soit par peres, meres, ou quelques parens heritiers que ce soit, sont des acquests ; censet donationes omnes sive à parentibus, sive à consanguineis quibuscunque heredibus esse acquestus Toutes ces difficultez ne peuvent naître parmy nous en ligne directe, le pere ne peut faire aucune disposition ni donation entre ses enfans que du tiers en Caux, et en ligne collaterale il n’est point permis de donner de ses immeubles à un de ses heritiers presomptifs, et une telle donation seroit sujette à rapport, ce qui s’observe aussi en Bretagne : toutes ces questions, dit Mr d’Argentré , selon le droit de nôtre païs, ne peuvent recevoir aucun doute, puisqu’on ne peut faire aucune donation à l’heritier presomptif ; jure nostro patrio dubitationem habere non possunt, quando nulla donatio heredi prasumpto fieri potest, Art. 4i8. gl. 1. n. 11. Et comme nôtre Coûtume est plus jalouse que pas une autre Coûtume de la France de conserver les propres dans les familles, et de les affecter à la ligne dont ils procedent, et que par ce principe, et pour les augmenter plus aisément, nous n’avons point reçû la distinction de propres anciens et naissans, mais nous reputons un vray propre tout ce que l’on possede à droit successif, nou nous porrons naturellement à rendre les biens propres ; ce qui est gardé et observé parmy ous depuis si long-temps, que par un ancien Arrest du 16 de May 15i8. il fut dit que si un homme avoit acquis un héritage de celuy dont il seroit le plus proche heritier, soit par donation ou acquest, qu’il auroit fait de son frère ou de son oncle, cela ne seroit pas reputé acquest, mais un propre et un véritable avancement de succession : pour la donation, si celuy qui n’a qu’un heritier luy donnoit tous ses biens, comme il luy est permis, Article 472. il est sans difficulté qu’une telle donation seroit présumée une succession anticipée ; mais si un des heritiers presomptifs avoit acquis et payé le prix, comme cet héritage acquis de bonne foy ne seroit point sujet à rapport, il faudroit le reputer de la même nature que les autres biens qu’il autoit acquis d’un étranger ; car pour les acquisitions faites d’un parent dont on ne seroit point heritier resomptif, on ne pourroit les faire passer pour des propres, bien que le vendeur et l’acquereur fussent d’une même ligne : Il y a neanmoins un cas où les choses données ne sont point repuées acquests, sçavoir à l’égard de la femme, Article 3o8. suivant lequel la femme ne peut aboi loüaire ni conquest sur les biens donnez à son mary, ce qui marque en passant combien sur ce sujet. nos Maximes sont opposées à celles du Parlement de Paris, où toutes donations faites à l’un des conjoints pendant le mariage, à la reserve des directes, entrent en cemnunauté, mêmes les donations tant ntre vifs que testamentaires faites à l’heritier presomptif, si la condition pour demeurer propre au donataire n’y est expressément employée ; Coûtume de Paris, Article 246. et 161.Ricard ,Brodeau , l. a. n. 2.
Nôtre Coûtume dispose au contraire, que sans distinction la femme ne peut avoir doüaire ni conquest sur les biens donnez à son mary : Quelques-uns ont voulu inferer que la Coûtume repute outes donations être un propre, puisque la fen-me est excluse d’y prendre part à droit de conquest.
Mais on répond que la Coûtume a trouvé raisonnable que la femme n’eût point de part à ce qui ne provenoit point de sa collaboration, et que l’on ne devoit reputer conquest que ce qui étoit t amassé par l’industrie commune d’elle et de son mary, car acquest signifie ce qui procede du travail de quelqu’un ; questus enim intelligitur qui ex operâ alicujus descendit, l. questus. D. pro socio, é en la loy suivante le Jurisconsulte n’a point mis entre les choses qui entrent en la societé, ni l’heredité, ni le legs, ni la donation à cause de mort, parce que toutes ces choses peuvent arriver avec cause, et partant être la recompense de quelque service, nec hereditatem, nec legatum, nec donationem causâ mortis, quia fortassis non sine toi cà clveniunt, sed ideb ob meritun aliquod accidunt. Entre les heritiers aux acquests et au propie on ne considere point le motif de la donation, c’est assez pour en exclure les derniers que le défunt ne possede point ce bienlà à droit successif, et la Coûtume en l’Article 498. considere ces donations pour recompense de services plûtost comme une vente que pour une donation, puisqu’elle y admet le retrait lignager et feodal.
CCCXXV.
L’ordre de succeder entre pere et mere, ayeul et ayeule à leurs décendans.
Le pere prefère la mere en la succession des meubles, acquests et conquests de leurs fils ou filles, et la mere prefère les ayeuls ou ayeules paternelles et maternelles.
La manière dont la Coûtume s’est expliquée pour appeler les peres à la succession de leurs enfans, mérite d’être observée ; elle n’a point dit comme celle de Paris, Article 311. que les peres et meres succedent à leurs enfans, elle s’exprime en ces termes, le pere prefere la mere, passant sous silence cette lugubre succession, comme les enfans doivent succeder à leurs peres suivant le voeu commun de la nature, et non les peres à leurs enfans, elle n’a point voulu marquer expressément cette dernière manière de succeder, conue étant contre l’ordre naturels Moise Moise nous fournit un pareil exemple, suivant l’observation dePhilon , l. 3. de vitâ Mosis ; car dans le reglement general qu’il fait pour les successions, il ne dit point que les peres leuvent succeder à leurs enfans : En premier lieu, dit-il, Dieu a appelé à la succession les fils ; en second lieu les filles ; en troisième lieu les freres ; en quatiième litu les oncles ou freres du peres en suite que les peres pouvoient aussi devenir heritiers de leurs fils : car enfin il seroit plus croyable que la succession du petit-fils est concédée à l’oncle, à cause de la consanguinité paternelle, mais qu’elle seroit ôtée au pere même : Primo filios, inquit, in successionem vocaxit Deus Optimus Max. dein filias ; tertio fratres ; quarto patruos, sen patris fraires, subinde etiam ratres fieri posse heredes filiorum ; ultimùm enim verius foret crédere patruo concedi hereditatem, epotis ol cognationem paternamiipsi vero patri eam auferri. On ne doit pas penser, ditPhilon , l. 3. de vitâ Mosis, qu’en donnant la succession à l’oncle aprés la mort des freres il eût oublié le pere : mais comme la loy de la nature veut que les enfans succedent aux peres, et non les peres à leurs enfans, il a passé cela sous silence, comme contraire aux desirs des peres et des neres. Parmy les Hebreux le pere succedoit à celuy de ses enfans qui mouroit sans laisser de postérité ; n’y ayant oint d’enfans du défunt, ni de postérité d’iceux, la succession de la ligne de l’un et de’autre sexe retournoit au pere, à moins que le frere du défunt n’intervint qui prit, selon la oy, en mariage sa veuve ; non extantibus ex desuncto liberis, neque ex hisce posteris, revertebatur a hereditas ab utriusque sexùs prole ad pattem, nisi interveniret frater qui defuncti uxorem ex lege duceret.
Selden . ad leg. Hebraeor. c. 12.
Cette succession lugubre des enfans appartient si absolument à leurs peres, qu’il n’est pas en leur liberté de les en priver ; les peres peuvent exhereder leurs enfans, mais les enfans ne peuvent user de cette rigueur contie leurs peres. Le fils par la nature est debiteur à son pere, et il est permis à un créancier de remettre la dette à son debiteur, mais le debiteur ne peur faire tort à son créancier ; tout ce que le fils dunne à son pere est toûjours moindre que ce qu’il a reçû de luy, il luy doit même ce pouvoir et ce moyen qu’il a de donner, et le pere ne peut être vaincu par le bien-fait de son fils, quidquid est quod patri dat filius, utique minus est, quia hanc ipsam dandi facudtatem patri debei, numquam beneficio vincitur. Seneca de Benef. l. 3. c. 29.
Cet Article fait succeder le pere, et en suite la mere aux meubles et acquests ; mais on doute souvent si un bien doit être reputé piopre ou acquest ; La nommée Benoist, tutrice de sa fille unique, héritière de pere et de mère, en la matiant fit employer dans son contrat de mariage, que de la somme de dix-neuf mille livres provenant de la vente des meubles du pere, il y en avoit neuf cens livres pour le don mobil, et le surplus fut constitué en dot pour tenir le nom, ôté et ligne de cette fille : Aprés sa mort sans enfans, cette mére demandoit cette rente comme un acquest, les parens paternels nommez Gilles la prétendoient avoir comme un propre, le Bailly de CaEn la leur avoit ajugée par provision : Sur lappel de la mere, Heroüet, son Avocat, disoit que la Coûtume avoit nettement défini que l’on ne pouvoit reputer propre que ce que l’on possedoit à droit successif, que cette rente n’étoit point de cette qualité, n’ayant été créée par la mere que des meubles échûs à sa fille de la succession de son pere, et il s’aidoit de Arrest de Pollet rapporté par Berault sur cet Article. Maurry pour Gilles s’attachoit à l’Article 511. suivant lequel les deniers donnez pour mariage de filles par pere, mere ou autres ascendans, ou par les freres, où destinez pour être leur dot, sont reputez immeubles et propres à la fille, que cette rente étoit de cette nature, ayant été donnée à la fille pour sa dot et constituée pour enir son nom, côté et ligne. On répondoit que cet Article 511. s’entendoit des deniers donnez pir le pere ou la mère, mais que la mete n’avoit rien donné : elle avoit seulement payé à sa fille ce qu’elle luy devoit comme sa tutrice, que ces deniers auparavant étoient un pur meuble, que le don que l’on en avoit fait par un contrat de mariage n’en avoit point changé la nature, puisqu’ils ne tenoient pas lieu de legitime à la fille, auquel cas seulement on eût pû les reputer un immeuble et un propre : La Cour ordonna qu’il en seroit déliberé, et il se trouva un Arrest qui avoit jugé la question conformément à la Sentence, de sorte qu’elle fut onfirmée par Arrest en la Grand. Chambre le 20 d’Avril 1660. voyez des Arrests pareils sur. l’Article 511.
Depuis cette autre question fut aussi plaidée : Lucas avoit deux filles, Marie et Anne ; aprés sa mort sa veuve contractant un second mariage avec du Couesil, elle stipula que sur les deniers mobiliers provenans de son premier mary, il payeroit à Marie Lucas cinquante livres pour sa egitime, mais cette fille étant morte sans avoir êté mariée, il y eut question pour ces cinquante livres, son frere uterin les prétendoit comme un acquest ou un menble ; Fossé qui avoit épousé Anne Lucas maintenoit que c’étoit un propre, et s’aidoit de l’Arrest cy : dessus pour conclure lappel qu’il avoit interjetté d’une Sentence qui l’avoit évincé de sa demande : du Couesil intimé representoit qu’il n’étoit point dans l’espèce de l’Article 511. que cette fille n’ayant point été nariée on ne luy avoit rien donné pour sa dot, que cette simple stipulation de la mere ne thangeoit point la qualité de la succession, sur tout puisque cette stipulation n’avoit point été executée, la fille étant morte sans avoir été mariée : Par Arrest en la Grand-Chambre du 12 de Janvier 1662. la Sentence fut confirmée, plaidans Thomas et Everard.
CCCXXVI.
L’ayeul paternel prefere le maternel en ladite succession.
Me Jacques Godefroy sur cet Article propose cette question, si le pere, ou la mere, ou l’ayeul ne prenans la succession de leurs enfans que par benefice d’inventaire, peuvent être exclus par des parens collateraux, se portans heritiers purs et simples : et son sentiment est que si la contestation n’arrivoit que du chef des collateraux seuls, il inclineroit du côté des peres et meres en faveur de la pieté paternelle ; mais que si les creanciers se joignoient avec le parent qui se porteroit heritier pur et simple, il leur donneroit la preference, parce que l’heritier beneficiaire n’est admissible que quand il ne se presente aucun heritier pur et simple ; mais puisque suivant nos maximes l’heritier absolut en ligne directe n’exclud point les déaendans qui ne se declarent heritiers que par benefice d’inventaire, la faveur n’étant pas moindre pour les ascendans, t un collateral ne les doit pas exclure, quoy que les creanciers soient joints avec luy, et c’est la jurisprudence du Parlement de Paris.
CCCXXVII.
L’ayeule paternelle prefere l’ayeul et l’ayeule maternelle.
CCCXXVIII.
Soeur uterine du pere prefere l’oncle et la tante en la succession du neveu.
Les soeurs uterines du pere sont tantes paternelles de leurs neveux et niéces, et en cette qualité excluent les oncles et tantes maternels du défunt, en la succession de meubles, acquests et conquests immeubles.1
CCCXXIX.
Quelle part la femme aprés la mort du mary prend aux conquests.
La femme aprés la mort du mary a la moitié en proprieté des conquests faits en bourgage constant le mariage, et quant aux conquests faits hors bourgage, la femme a la moitié en proprieté au Bailliage de Gisors, et en usufruit au Bailliage de Caux, et le tiers par usufruit aux autres Bailliages et Vicomtez.
Pontanus , sur l’Article 161. de la Coûtume de Blois, explique ce qui doit être compris par le mot d’acquests.Du Moulin ,. S. 45. n. 1687. dit que nous avons deux sortes de feud propres ; par une feule et principale manière, selon les échéances qui viennent de la succession des predecesseurs ; par un autre incident pour le tout, et il ne tombe point en la communauté des biens qui est entre le mary et la femme, uno & principali modo pro obventis ex successione predecessorum, alio et incidenti modo pro omnibus, et non cadunt in societatem bonorum, que est inter virum & uxorem. M Bignon en ses Notes, sur le c. 17. l. 3. des Formul. de Marculphe a remarqué que la femme pouvoit avoir la troisième partie, tertiam partem habere poterat ; que ces Nations qui sont venuës de l’Allemagne s’établir dans les Gaules donnoient à leurs femmes a troisième partie des choses que les maris avoient acquises pendant leur mariage, gentes illa que ex Germaniâ in Galliis sedes posuerunt uxoribus tertiam partem concedebant rerum quas mariti tante conjugio adquisierant, leg. Burg. t. 42. et t. 62. Le fils unique aprés la mort de son pere êtoit obligé de laisser l’usufruit de la-troisième partie du bien à sa mere, si elle ne se rematioit pas, filius unicus defuncto patre tertiam partem facultatis matri utendam relinquat, si tamen ea maritum alium non acceperit ; vide plura
Puisque les gens mariez contractent une société de tous droits divins et humains, il sembloit uste que ce qu’ils acqueroient par leur commune industrie et par leur collaboration entrai aussi dans cette communion. Plusieurs sages Politiques ont néanmoins estimé qu’il n’étoit pas utile aux familles de rendre la condition des femmes si avantageuse, l’experience ayant fait voir que le plus souvent cette riche dépoüille de leurs premiers maris ne servoit qu’à les faire passer plus promptement dans un second mariage, où elles perdent bien-tost tout le souvenir de leurs premieres affections ; et c’est pourquoyJean Faber , avec une naiveté digne de son siècle, dans sa Preface, sur le Tit. de Nupt. aux Institutes, donnant des avis à celuy qui se veut matier, ne manque pas de luy conseiller s’il contracte mariage en un païs où la femme prend part aux meubles et conquests, de luy limiter sa portion, de peur que prédecedant elle ne dépoüille tes fils, et n’enrichisse un autre mary de tes travaux ; ne si prae moriens filios tuos spoliet et de tuis laboribus alium ditet virum. Ce qui a été suivi parBenedicti , in verb. ( & uxorem ). 3e4. aquelle communauté à la vérité est souvent cause de la desolation et de l’appauvrissement des enfans, pour entichir un autre mary ; quae quidem consuetudo interdum est causa Spoliationis et lepauperationis liberorum, et dotandi alium maritum. Mais cet Auteur s’est trompé, lorsqu’il a ensé trouver des vestiges et des preuves de l’antiquité de la Coûtume de Paris dans les Cesar Commentaires Cesar, de bello Gall. en ce qu’elle donne la moitié des conquests aux femmes. viri quantas pecunias acceperunt tantas ex suis bonis aStimatione factâ cum dotibus communicant, qujus omnis pecuniae ratio conjunctim habetur, fructusque servantur, uter eorum vitâ sapervixerit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit ; ce passage sert plûtost à montret quel étoit le doüaire ou la portion que la femme gagnoit sur les biens de son mary, et il ne peut être appliqué aux conquests faits durant le mariage et des biens qu’ils possedoient alors ; on peut recueillir de ce même lieu que le survivant avoit tous les meubles, puisque les fruits uy demeuroient : l’usage ancien de la France êtoit contraire à la Coûtume de Paris, car nous apprenons des Capitulaires de Charlemagne et de Loüis le Debonnaire, l. 4. 1. 9. que les emmes n’avoient que le tiers aux acquests : Nous voulons que les femmes aprés la mort de eurs maris reçoivent la troisième partie de la collaboration qu’ils ont employée ensemble à leur profit, comme aussi des choses qu’un d’eux a profitées ou acquises, ou qui luy ont été données par ses amis, viennent tant à leurs pupilles qu’à leurs femmes : Volumus ut uxores defunctorum post obitum maritorum tertiam partem collaborationis, quam simul in beneficio collaboraverunt, accipiant de his rebus quas is qui beneficium habuit, aliunde adduxit vel comparavit, vel ei ab amicis suis collatum est, volumus tam ad orphanos defunctorum quâm ad uxores pervenire.
Il n’étoit pas toutefois raisonnable de priver entièrement les femmes du fruit de leurs peines, Il arrive souvent que par leurs soins et leur bon ménage elles ne contribuent pas moins que leurs maris à l’accroissement de leur fortune, comme cette societé est d’une institution divine, et qu’elle a cette prerogative sur toutes les autres, qu’elle n’est dissoluble que par la mort ; toutes les Loix leur ont donné une portion en ces biens nouvellement acquis, mais les plus prudens ont pensé que c’étoit assez les favoriser de ne la leur donner que par usufruit pour conserver a proprieté à leurs enfans.
Nous avons conservé l’usage de cette loy dans cette partie de la Normandie, qui faisoit partie de la Gaule Celtique ; la loy des Saxons avoit plus de relation à la Coûtume de Paris. parce que la femme prend la moitié de ce que le mary et la femme ont acquis ensemble, de eo quod vir et mulier simul conquésiérant mulier mediam portionem accipiat, in leg. Sax. t. 8. le quest. 5. unico.
Toutes les Coûtumes ont donné part aux conquests à la femme, mais d’une differente manière ; nôtre Coûtume regle en cet Article la portion qui luy appartient, mais il eût été fort necessaire de regler quelles sortes de biens doivent être mis au nombre des acquests et conquests elle a bien défini par l’Article 334. que tous acquests sont faits propres en la personne de celuy qui les possede à droit successif : mais cette définition n’est pas parfaite, car nous avons plusieurs espèces de biens, lesquels quoy qu’on ne les possede pas à droit successif, et que méne on les ait acquis constant le mariage, ne tiennent pas neanmoins nature de conquests.
Il ne sera donc pas super flu de remarquer ces espèces de biens où la femme n’a point de part, bien que son mary ne les possede point à droit successif, pour expliquer en suite cette part que la femme prend aux véritables conquests.
Mais avant que d’entamer cette matiere, il est important d’éclaircir une difficulté qui arrive pouvent lorsque le mary et la femme n’ont pas pris origine dans un même païs, et qu’ils ne sont pas domiciliez sous une même Coûtume ; car l’on ne convient pas quelle Coûtume il faut suivre, quand il s’agit de regler leurs conventions matrimoniales : plusieurs estiment que le contrat ayant été passé au domicile de la femme, et les pactions en ayant été arrêtées selon la Coûtume du lieu, on doit s’y attacher exactement, parce que la femme n’a contracté que sous cette espérance, que ce que son mary luy promettoit seroit executé religieusement, et que le changement de lomicile ni le lieu de la dissolution du mariage, ne peuvent donner atteinte aux pactions qui ont Chassanée été faites de bonne foy : Mais l’opinion la plus commune et la plus suivie est qu’il faut considerer la loy du domicile du mary, quia, dit Chassanée, 5. 2. 1it. des droits appartenans à gens mariez, dés le temps que la femme est passée en la maison du mary elle n’a plus d’autre domicile, et elle en doit suivre les loix, ex eo quod uxor est traducta in domum mariti, est effecta de domicilio mariti, & ejus domicilium sequi debet.
Goerius, sur la Coûtume de Berry, Tit. des Mariages et Doüaires, S. 4. distingue ces trois cas, que le lieu où le contrat a été passé n’est considérable que pour la forme et la solennité, que lorsque le mary aprés la celebration du mariage retourne a son domicile, et que la dissolution du mariage arrive en ce lieu-là, les droits de la femme doivent être reglez par la Coûtume du domicile du mary, parce que la femme êtoit obligée de suivre son mary ; mais si aprés cela le mary change de domicile et qu’il décede, on considère le lieu où le contrat de mariage a eu sa principale destination, et non pas la loy du domicile où le mariage est resolu, attenditu. consuetudo loci, in quo fuit contractus persectus et destinatus, non autem consuetudo domicilii, in quo dissolvitur matrimonium. La loy exigere l. 5. de judic. D. décide expressément que la femme pour la repetition de ses droits doit agir au lieu du domicile de son mary, et non au lieu où le contrat a été passé, nec enim id genus contractus est, ut eum locum potius Spectari oporteat, in que instrumentum factum est, quêm eum in cujus domicilium & ipsa mulier per conditionem matrimoni erat reditura. Cela fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand. Chambre le 14 d’Aoust 1é46 De Lastre qui étoit domicilié à Roüen épousa une femme à Valenciennes, et par une clause du contrat de mariage la femme devoit avoir tous les meubles, en cas que son mary la prédecedût. a prés avoir demeuré quelque temps à Valenciennes de Lastre ramena sa femme à Roüen, ou étant décedé elle demanda tous les meubles suivant la clause de son contrat de mariage, ce qui luy fut contesté par Vignier, tuteur de la fille sortie de leur mariage ; elle prétendoi que le contrat ayant été passé à Valenciennes où son mary demeuroit alors, il n’avoit pû par un changement de domicile ruiner et rendre illusoire les pactions portées par son contrat de mariage, à quoy il fut reparti que de Lastre n’avoit jamais eu de véritable domicile à Valenciennes, nec perpetuae mora causâ ibi fuerat, qu’il demeuroit auparavant à Roüen, où quelque temps aprés fon mariage il avoit fait son retour ; par l’Arrest il fut dit que la succession seroit partagée également.
Nous sommes fort éloignez de donner aux conquests une définition si étenduë, comme Masuer Masuer a fait, Tit. des Associez, qui veut que l’on repute conquests les biens qui durant le mariage surviennent au mary, même par succession, legs, donation, ou à quelqu’autre titre que ce soit, à la réserve de la permutation.
Nous retranchons au contraire du nombre des conquests à l’égard des femmes tout ce qui échet au mary par succession ou donation, et pour user des termes de M’d’Argentré , Article 418. gl. 1. n. 5. et suivans, tous biens qui appartiennent à l’un des deux mariez patrimoniaux et propres, à droit de sang, de lignage, d’heredité ; tous biens acquis par l’un des deux avant le mariage, soit à droit pur ou conditionnel, ou refoluble, même aussi tous biens necessaire. ment déférez à l’un des deux constant le mariage à titre patrimonial, omnia quae alterius conjugum patrimonialia et propria sunt, jure sanguinis, gente, hereditatibus, omnia ab altero ante matrimonium quesita, sive jure puro, sive conditionali, aut resolubili ; omnia etiam constante matrinonio, à causa & titulo alterius patrimoniali necessario delata ad alterum. Cela merite une discu-tion plus particulière.
Pour les successions cela ne reçoit point de difficulté, l’Article 3o8. a aussi décidé la question pour les donations : Il faut neanmoins remarquer que bien que la femme n’ait pas droit de conquests sur les héritages donnez, il n’en seroit pas de même si-l’on avoit donné quelques deniers au mary, et que depuis il les eût employez en acquisition d’héritages, car comme elle auroit eu part en ces deniers, il est juste qu’elle conserve quelque droit sur les héritages qui en sont acquis ; ainsi jugé en l’Audience de la Grand.-Chambre le 2 de Juin 1603. entre Me Heniv Avocat, tuteur de la fille de Me Jacques Henry et de-Jeanne Daclou, et il fut dit que les acquests faits des deniers provenus d’une donation faite au défunt êtans en bourgage seroient pariagez par moitié, quoy que le tuteur soûtint que les deniers ayant été donnez au défunt pour sa seule consideration, la veuve ne devoit point y avoir part. Par l’Article 483. ce qui est retire à droit de lignage est aussi reputé propre et non acquest, parce que la cause immediate de l’acquisitionvient du sang et du hignage, et par un droit patrimonial attaché personnellement à celuy à qui appartient le droit de retrait, quia causa immediata acquisitionis est à sanguine et gente alterius, et jure patrimoniali personalissimè affecto personae retrahentis ; M’d’Argentré , eod. glos-n. 8. Et bien que la Coûtume n’ait point parlé du retrait feodal, on a pareillement jugé, et la Cour en a fait un Regle. nent, Art. 108. du Reglement de l’année 1666. que l’héritage reüni par retrait seodal au fiefqui tenoit nature de propre est un propre : ce qui sert à resoudre ces auires grandes questions, si ce qui est reuni au fief à droit de commise, confiscation, reversion, extinction de ligne, emphytheose, et autres voyes naturelles et ordinaires de consolidation, doit être reputé propre ?Joannes Faber , sur le S. sicui de leg. aux Institutes, a été le premier qui a estimé que toutes ces consolidations ne tenoient point de la nature du fief, mais qu’on les considere, et qu’elles subsistent abstractive-nent, sed per se et abstracte considerari & Stare, et son opinion avoit été approuvée par plusieurs Tiraquel Auteurs qui sont citez par Tiraqueau, de retr. gent. 8. 19. et 8. 32. n. 72. voyez de laLande , Article186. de la Coûtume d’Orléans, Tit. 10. Il y a différence entre ce que le seigneur acquiert mouvant de son fief, et ce qu’il retire à droit feodal : au premier cas la femme y a droit de conquest, et au second elle n’y peut rien avoir, ni à droit de doüaire, ni à droit d’acquest ; car quoy que l’Article 108. n’ait pas dit précisément que la femme n’y a point de droit, néanmoins en declaant propre l’héritage rétiré à droit feodal, elle exclud le droit de conquest, et pour le doüaite elle ne le peut prétendre, parce qu’elle n’en a pas trouvé son mary saisi. Du Moulin ayant été d’un sentiment contraire a été generalement approuvé, S. 2c. 4. 30. n. 75. de feud. ce que Mr d’Argentré a pareillement tenu par ces raisons, que toutes les fois qu’une chose est consolidée à la partie dont autrefois elle avoit été détachée en vertu d’une paction employée dans l’infeodation, cette chose reprend sa premiere condition, et la reünion s’en fait aux mémes qualitez, de sorte qu’elle est considérée comme si jamais elle n’en avoit été distraite.
Il est vray que du Moulin en avoit excepté la Commise, mais M’d’Argentré aprés avoir montré qu’il a été d’une opinion contraire, en un autre endroit prouve fort bien que ce qui est acquis du Seigneur-pour le profit de la Commise, en qualité de Seigneur, n’est pas justement dit acquis au Seigneur d’une cause extrinseque, vû que cela provient en vertu de la concession feodale, et de la nature de l’action même, à cause du serment de fidelité violé, quod ex delicto commitvitur Domino in qualitate Domini, non recté dicitur acquiri Domino ab extrinsecâ causâ, cum formalites à causâ & concessione feudali et ipfius actûs naturà proveniat, ob violatum sacramentum fidelitatis, &c.
Il est donc vray de dire que tout ce qui s’acquiert à cause de la Commise est patrimonial du fief du Seigneur, et que rien ne s’y acquiert pour sa femme, parce que cela dépend d’un ancien lroit et de la concession feodale, quodcumque à causâ commissi queratur patrimoniale esse Domini feudi, vec quidquam acquiri alteri conjugi, quippe quod ab antiquo jure et concessione feudali dependeat.
Mr d’Argentré en ce même lieu estime que ce seroit autre chose en la succession des bâtards. parce, dit-il, qu’elle ne retoutne pas au Seigneur en vertu de la concession feodale ; mais il a pris ce parti, parce que suivant la Coûtume de Bretagne les successions des bâtards appartiennent aux Hauts-Justiciers et non aux Seigneurs feodaux. Cette raison cessant en nôtre Coû-tume, qui met au nombre des droits fecdaux celuy de bâtardise, il est sans difficulté que ce qui retourne au Seigneur à droit de bâtardise, est un propreLa question est plus douteuse, si le confisqué ayant été restitué contre la condamnation par la grace du Prince, et étant rentré en la possession de ses biens, ils demeurent en leur première nature : On ne doute point que si l’accusé se justifie et qu’il fasse cesser le jugement par les voyes de Justice, les choses ne demeurent en leur premier état ; mais quand il n’est rétapli que par la pure grace du Prince et par son autorité absolué, il semble que par cette abos dition du crime il possede son bien par un nouveau titre et que c’est un acquest, et que ce qui êtoit perdu auparavant se rétablit du jour de la grace du Prince, novus titulus et acquestus putatur, & ex die concessionis acquiritur ante perditum.
Les biens de ce confisqué retiennent, à mon avis, leur premiere nature, et il en entre en possession avec les mêmes qualitez qu’ils avoient auparavant. La grace du Prince est une dispense parfaite qui ne guerit pas seulement le mal, mais qui rétablit aussi les choses dans les termes de sieur premier principe ; si elle a cette vertu de luy conserver l’honneur et la vie, elle peut bien b avoir cet effet à l’égard de ses biens. C’est un ouvrage parfait, un rétablissement entier qui e détruit cette incapacité momentanée laquelle ayant duré si peu ne peut avoir changé a nature du bien de celuy qui est pleinement rétabli : La confiscation n’est qu’une suite et une peine du crime, mais ce crime étant remis il ne peut produire aucun effet : en effaçant la mémoire du crime, on efface la marque entière de la peine, et les choses sont considérées comme si lles n’étoient jamais arrivées : La restitution du Prince a un effet retroactif, elle efface l’offense qu’elle pardonne, quoy qu’il y ait condamnation contradictoire ou par contumace, et que la confiscation soit executée, l’abolition survenante est une restitution achevée, et en a ce cas il n’y a pas de confiscation au profit du Roy, non pas mêmes au profit des autres Seigneurs, parce que le crime étant éteint en sa racine, pardonné dans sa source, la confiscation cesse ainsi, et il ne s’est fait aucune mutation dans la terre ni dans la personne qui la possede.
Mais quand cette giace du Prince seroit reputée une action de liberalité, et non pas unt restitution parfaite, que l’accusé ne possederoit à lavenir son bien que comme un bien-fait et comme un acquest, la femme trouveroit encore son exclusion dans l’Article de la Coûtume qui luy ôte le droit d’acquest sur les donations faites à son mary.
Il y a bien de la différence entre la remise du crime faite à l’accusé, et la donation faite aux heritiers ; au premier cas la restitution est entière ; mais quand la justice a été exercée que le criminel a été puni, et que le Roy fait grace non pas à l’accusé, mais à ses proches, qu’il ne pardonne pas le crime, mais qu’il a compassion des innocens, ce sont deux actions. distinctes, qui procedans de differens principes doivent aussi produire de differens effets ; en ce cas on peut dire que lorsqu’il n’y a point de restitution, point de remise de la confiscation, il y a grace, liberalité, donation, qui change la condition et la qualité du bien Cette question a été diversement jugée au Parlement de Paris, si les terres confisquées, données et remises par le Roy aux heritiers du condamné, tiennent lieu d’acquests ou de propres i On a fait différence entre les enfans et les heritiers collateraux. Dans la premiere partie du purnal des Audiences, l. 3. 4. 27. l’Auteur dit que c’est un usage qui est aussi attesté par Aile Bret , en son Traité de la Souveraineté, l. 3. c. 15. et parBrodeau , sur l’Article 183. de la Coûtume de Paris, que les biens sont reputez propres aux enfans pour appartenir à ceux de leur côte et ligne, car la raison naturelle comme une certaine loy tacite accorde aux enfans les biens des peres, en les appelant à la succession, nam ratio naturalis, quasi lex quedam tacita liberis parentum hereditatem addicit, ad debitam successionem eos vocando, l. 1. ff. de portion. que lib. damn.
Pour les collateraux que la même chose fe pratiquoit aussi autrefois, comme on l’apprend par un Arrest rapporté parChopin , sur la Coûtume d’Anjou, l. 1. Article 42. n. 5. mais que depuit vray-semblablement le Parlement de Paris s’est départi de cet usage par l’Airest donné entre es heritiers de la Dame de Vatan, sur les conclusions de M’l’Avocat General Talon, par lequel il a été jugé que les terres confisquées et données par le Roy sont un acquest et non un propre, la confiscation étant une alienation parfaite et necessaire qui dépoüille le proprietaire ; que à grace et la liberalité du Roy est un acte de clemence qui ne détruit pas celuy de sa justices que pour favoriser l’intention de l’heritier au propre il faudroit admettre l’une de ces leux fictions, que le condamné n’a point été condamné, que la confiscation ne fasse pas le Roy proprietaire, ou que l’heritier ait succedé, car il n’y a point de propre en France que par succession.Du Moulin , sur l’Article 43. Tit. des Fiefs, gl. 1. n. 105. traite la question, si le Seigneur remettant à son vassal la commise où il étoit tombé par son desaveu, le fief doit être reputé propre ou acquest ; et il dit que tous les Glossateurs et les Feudistes, sur la loy Imperialem, 5. insuper, in verbo ( privetur ) tiennent que feudum remanet antiquum : mais queCastre Balde , Paul de Castre, et plusieurs autres, sur la l. 4. 8. si are D. de pecul. font cette distinction, que si le vassal est privé de son fief de plein droit et par Sentence, en ce cas c’est un nouveau nef, comme n’étant acquis que par la remife que le Seigneur en a faite, le premier droit du vassal étant entierement perdu ; que si le vassal n’étoit point dépoüillé de son fief de plein droit, quoy que par sa faute il eût mérité de le perdre, s’il en demeure possesseur, le fief retient son ancienne qualité.
Dans nôtre usage cette question ne feroit pas de peine à l’égard de la femme, établissant ce principe, que l’heritier ne possede le bien de son parent confisqué que par le bien-fait et la grace du Prince, parce qu’elle n’a point de part aux donations faites à son mary ; mais entre les heritiers aux propres et aux acquests elle produiroit plus de difficulté : je serois neanmoins de ce sentiment, que la remise faite par le Roy ne change point la nature du bien, l’heritier ne le possede à la vérité que par la grace du Prince, mais le sang et la parenté en ont êté le motif et le Roy peut remettre son droit, il peut y renoncer, quoy que le crime ait été puni et la Justice fatisfaite ; par une fiction favorable on peut dire qu’il n’y a point eu de confiscations et que le Roy a laissé agir le droit de la nature, en n’acceptaut point la proprieté des biens qui luy sont déferez et en y renonçant : Voyez ce que je dis sur l’Article 334. etBalde , l. sur. in fine de rev. don. C. quand on dit que le vassal qui a été condamné pour felonnie est privé de pleih droit, cela s’entend si le seigneur le veut.
Si le mary constant le mariage acheve de payer l’héritage qu’il avoit acquis auparavant, ce payement ne donne pas droit de conquest sur iceluy à la femme ; on considère le temps du contrat ui avoit rendu le mary proprietaire, et ce cas est décidé par l’Article 396. lorsque le mari echarge ses héritages de quelque rente, la femme a le tiers entier pour son doüaire, exempt Je ces rentes ausquelles elle auroit contribué cessant ce rachapt. Mr d’Argentré tient que le temps du payement n’est point considérable, mais celuy du contrat qui a été parfait, substantialibus intervenientibus, scilicet mercede & pretio & traditione secutâ, Article 4i8. gl. 3. n. 2.
Loüet Loüer, l. a. n. 3. et en consequence du doüaire qu’elle prend sur cet héritage, elle ne peut demander part aux deniers qui ont été payez.
Il en est de même du supplément que le mary auroit fait en consequence de la récision pour deception cbtenuë par le vendeur la femme n’a point de part à l’héritage ni au prix qu’on a suppleé, elle est recompensée par le doüaire qu’elle y prend ;Tiraquel . de retr. gent. 5. 32. n. 56.
E Mr d’Argentré , Article 4i8. où il traite plusieurs questions, touchant les biens où la femme peut demander part à droit de conquest.
On a jugé que la femme n’avoit point de part à un héritage rétiré à droit de Lettre lûë.
Un homme avoit fait quelques acquests durant son premier mariage, et pendant le second à fut dépossedé de ses acquests par une saisie réelle pour les dettes de son vendeur ; il les retita à droit de Lettre luë : aprés sa mort il se mût question entre ses heritiers et cette seconde femmes elle maintenoit que par le decret il avoit été parfaitement dépoüillé de la proprieté de son acquest, que ce retrait étoit une seconde vente dont il avoit payé le prix entièrement, et cela s’étant fait pendant son mariage, on ne pouvoit luy disputer sa part : Les heritiers au contraire faisoient voir que le droit de retrait leur appartenoit pour une moitié, que le mary n’ayant pû rentret en la possession de son fonds qu’en vertu de cette faculté elle n’en pouvoit profiter, et qu’en tout cas il luy appartenoit seulement la moitié du prix qui avoit été déboursé : Elle demeuroit l’accord que les enfans avoient le droit de retrait, mais elle soûtenoit que par leur negligence son mary l’ayant exercé, elle en pouvoit profiter : Par Arrest en la Grand : Chambre, au Rapport de Mr Salet, du 27 de Mars 1662. on ajugea la moitié des deniers à la femme, parce que les héritages étoient en bourgage ; les parties étoient de Rouvre et de Caux.
Si le mary êtoit troublé dans la possession de quelque bien qu’il auroit en bourgage, et que pour s’en rendre paisible possesseur il baillât quelque argent, la femme n’auroit part que sur la moitié des deniers déboursez, et non point sur l’héritage. Le nommé Elie durant son premier mariage prit à bail d’héritage une maison située dans un Fauxbourg de cette Ville, par quarante livres de rente, rachétable par six cens livres. Durant son second mariage il racheta cette rente ; sur la contestation arrivée aprés sa mort, touchant la part que la femme prétendoit en cette maison, il fut dit par Sentence que sur une moitié de cette maison elle auroit doüaire déchargé de la rente, et pour fautre moitié prétenduë par le fils du premier lit au droit de sa mere, comme d’une acquisition en bourgage, on avoit ordonné que cette femme auroit en deniers la valeur de la moitié de cette autre portion de maison : Le fils ayant appelé de ce dernier chef, Greard soûtenoit que cette seconde moitié n’étoit point un conquest fait constant le mariage, bien que durant iceluy la rente eût été rachetée, la liberation d’une dette n’étant point reputée un acquest suivant l’Article 306. que le pere ayant rachété la moitié de cette rente qu’il pouvoit devoir, c’étoit un don qu’il luy avoit fait qui n’étoit point sujet à rapport, ce que les peres employent pour les affaires de leurs enfans étant reputé donné, s’il ne paroit d’une volonté contraire, la pieté paternelle donnant force à cette presomption, l. 4. de neg. gest. l. alimenta. l. nescimus, Appolinaris eod. qu’aprés tout son pere n’avoit fait ce rachapr que du revenu de sa mere dont il avoit eu la joüissance. Theroulde répondoit qu’il faloit considerer cette moitié de maison comme un acquest fai durant le second mariage, puisque le prix en avoit été payé durant iceluy, à quoy elle avoit contribué par son bon ménage : Par Arrest du a8 de Novembre 1652. on cassa la Sentence, et en reformant le fils fut déchargé de la demande de la veuve. Ainsi l’on jugea que le pere avoit pû faire ce profit à son fils, et son présuma qu’il luy avoit fait don de ces deniers, ne paroissant point qu’il eût eu la volonté de les repeter. On verra dans la suite un Arrest qui semble contraire, et on ne peut soûtenir cet Arrest que par cette raison que c’étoit une extinction de rente, et que le pere n’avoit point témoigné de vouloir repeter les deniers.
Un mary ayant des enfans de sa femme, retira des héritages au nom d’icelle. Depuis il contracta un second mariage, et mourut sans avoir repeté de ses enfans la moitié des deniers déboursez pour ce retrait d’héritages ; sa seconde femme demandoit la moitié de ces denierslà, parce que lon mary avoit pû s’en faire rembourser : les enfans se défendoient de cette prétention, vû que le pere avoit pû leur remettre cette repetition, que son filence declaroit son intention, et qu’elle n’étoit pas favorable à faire cette demande : néanmoins en l’année 1655. par Arrest rendu en la Grand. Chambre au Rapport de Mr de Montenay, entre les nommez Chefdeville, la moitié des deniers luy fut ajugée
On a long-temps douté du droit que les femmes avoient aux Offices dont leurs maris avoient été revétus durant leurs mariages, leurs qualitez étant différentes il étoit difficile d’établir sur iceux une jurisprudence certaine et generale : mais enfin les Offices étant devenus par leur aleur excessive la partie la plus considérable du bien des familles, on s’est porté fort aisément à les déclater immeubles, à leur imprimer les qualitez, les conditions, et les loix qui s’observent pour le partage ou Iacquisition des autres immeubles, bien qu’il semblat que nôtre Coû-tume les mit au nombre des meubles, puisqu’en l’Article 514. elle ne les repute immeubles qu’aprés qu’ils sont saisis ; on les juge si parfaitement immeubles que si le mary est pourvû d’un Office avant son mariage, la vente qu’il en fait depuis est sujette à remploy, tant à l’égard de la femme qu’à l’égard des enfans pour leur tiers coûtumier, ainsi jugé au Rapport de Mr de Sainte-Heléne, le 18 de Decembre 1656. pour Barbe Ango, femme de Guillaume du Four, Maître des Eaux et Forests à Argentan. Autre Arrest en la Chambre des Enquêtes du e de Mars 1657. au Rapport de M Buquet, pour Mr de Préfontaines Avocat General, contre Hauchemail, Ecuyer, sieur des Parts, et enfin en la Grand-Chambre, au Rapport de M’du Houley, le r2 de Juin 1660. pour le frent Alorge-Dardanville.
Il est vray qu’on y faisoit autrefois grande difficulté, comme il parût au procez du sieur de Escarde : Le 18 de Janvier 1632. Jacques Auvray, sieur de lEscarde, Tresorier au Bureau des Finances à Caen, vendit. son Office à Jean Fortin, sieur de Beau-Pré, par trente-deux mille deux cens livres, et cinquante pistoles de vin ; mais il en retint la joüissance avec tous les gages durant sa vie : De cette somme Fortin en paya vingt-deux mille deux cens livres et le vin, et le surplus ne devoit être payé qu’aprés la mort du sieur de l’Escarde, et il êtoit encore stipulé que si le Droit annuel étoit revoqué et que la Charge fût perduë, on rendroit au sieur Tortin ce qu’il avoit payé : Peu de temps aprés le sieur de l’Escarde étant mort, sa veuve et le sieur de Coulombiers, son second mary, demandoient la moitié de cette obligation de trois mille livres, comme étant un pur meuble ; les heritiers au contraire concluoient que le remploy du prix de l’Office devoit être fait sur cette obligation, que le sieur de lEscarde en êtoit mort saisi, qu’il en étoit le véritable proprietaire, puisque si le Droit annuel avoit été revoqué et qu’il fût mort en perte d’Office, le sieur Fortin êtoit quitte de son obligation. La cause ayant été partagée en la Chambre de l’Edit, Mr Côté Rapporteur, M de Frequiennes contredisant, il y eût Arrest en la Grand-Chambre le mois d’Avril 1636. par lequel la moitié de l’obligation fut ajugée à la veuve : Il n’étoit plus question de l’Office, mais de l’obligation.
Mais aujourd’huy on ne suivroit pas cet Arrest, et il ne seroit pas raisonnable de le pratlquer de la sorte, aprés les Arrests qui ont ajugé doüaire à la veuve sur l’Office dont son mary êétoit pourvù lors de son mariage. Et en effet avant cet Arrest de l’Escarde, le 3r de Janvier 1630. un homme ayant vendu un Office qu’il possedoit lorsqu’il se maria, et en ayant acheté un autre, sur ce que la veuve y demandoit la moitié comme d’un conquest fait en bourgage, et les heritiers l’ayant contredit et soûtenu qu’à l’égard de la femme c’étoit un propre qui devoit être remplacé : Par. Arrest du 3 de Janvier 1630. il fut jugé qu’il n’appartenoit point à la femme de droit de conquest, plaidans Radul et Coquerel : Et par un autre Arrest du 17 de Juin 1633. en l’Audience de la Grand. Chambre, Hamon ayant vendu son Office de Procureur en la Cour, et constitué une rente du prix de son Office ; les nommez Turgis frères de sa femme, ayant fait juger aux Requêtes du Palais qu’ils auroient part à cette rente, sur l’appel de Hamon la Sentence fut cassée, et les héritiers de la femme furent deboutez de leur prétention. On ne doit pas s’étonner qu’on ait donné des Arrests contraires sur cette matière, parce que la nature des Offices n’étoit pas certaine et reglée ; maintenant il ne faut point douter que quand le remploy n’auroit pas été fait de l’Office vendu par le mary, et qu’il possedoit quand il se maria, il ne dût être fait avant que la femme prit part aux meubles et acquests ; ce remploy ne se pratique pas seulement entre la veuve et les heritiers, mais entre les coheritiers même.
Pour les Offices acquis constant le mariage, comme ils ne sont pas tous de même nature, et que d’ailleurs nôtre Coûtume fait une distinction de biens en bourgage et hors bourgage, cela a produit plusieurs difficultez :
Pour l’éclaircissement d’icelles il faut remarquer que l’on faisoit autrefois distinction entre les Offices hereditaires et Domaniaux, et ceux qui ne le sont point, comme sont tous les Offices de Judica-ture ; les Offices Domaniaux et hereditaires sont les Tabellionnages, les Greffes de toutes sortes de urisdictions, et autres pareils Offices dont la fonction et l’exercice ne sont point attachez à la pertionne ; comme ils ont en quelque façon un être réel, une assiette ferme et une subsistance perpe-tuelle en un lieu, ils se partageoient suivant la Coûtume du lieu où l’exercice s’en faisoit, et par ce moyen les femmes y avoient moitié, si l’exercice de ces Greffes et autres pareils Offices se faisoit en bourgage : Il fut ainsi jugé pour Marguerite Donnet, veuve de Me François le Mercher, vivant Greffier en chef aux Requêtes du Palais, et propriétaire des petits-Seaux de la Vicomté du Pontautou et du Ponteaudemer, à laquelle on ajugea la moitié en proprieté pour les petits. Seaux, pour en joüir en essence et de toutes les augmentations d’iceux, par Arrest en la Grand-Chambre du 13 d’Aoust 1647. En quoy l’on ne fit point de différence entre les droits anciens et ceux de nouvelle attribution, comme on en a fait au Parlement de Paris suivant les Arrests remarquez parBrodeau , l. R. n. 31. où l’on a fait distinction entre Iancien et nouveau Domaine, et l’on a jugé que pour le partage de ces droits Domaniaux de nouvelle creation, il faut suivre la Coûtume du domicile du propriétaire. Les Offices de Controleurs des Titres d’Alençon et de Marqueurs de Cuirs à Louviers ont été partagez suivant la Coûtume de Paris, et non point suivant celle de Normandie, quoy que l’exercice de ces Offices se fit seulement en Normandie ; Journal des Audiences, l. 2. c. 26. de limpression de l’année 1652. Cette distinction ne seroit pas reçûë en Normandie, et les droits nouveaux comme les anciens seroient divisez de la même sorte, mais aujourd’huy l’on ne donne plus aux temmes que le tiers par usufruit, comme on le verra dans la suite.
Pour les Offices de Judicature, mêmes de Jurisdictions extraordinaires, on a douté fort longsemps de la part que les femmes y pouvoient avoir, lorsque l’exercice s’en faisoit en des Villes et autres lieux de bourgage. Les femmes y prétendoient la moitié en proprieté, car ces Offices n’ayant point d’être et de situation réelle, on ne pouvoit leur en assigner une plus convenable que le lieu de leur exercice : mais on n’a pas trouvé juste de recevoir cette fiction pour augmenter la condition des femmes, et l’on a jugé qu’elles n’y pouvoient avoir que le tiers par usutruit ; car la fonction de ces Charges n’étant point limitée en un certain lieu, mais ayant eur étenduë par tout leur district, il étoit plus raisonnable que, comme dans la plus grande partie de leur térritoire les femmes n’ont qu’un tiers par usufruit sur les immeubles, leur portion sur les Offices ne pût exceder ce tiers. On le jugea de la sorte contre Demoiselle Claude Asselin, reuve de Mr Guillaume le Rouge, Avocat du Roy en l’Election d’Avranches, pour laquelle je plaidois, contre le sieur le Rouge heritier du mary, défendeur ; elle demandoit la moitié en proprieté à cette Charge de Procureur du Roy, que son mary avoit acquise pendant leur mariage, et par Arrest en la Grand. Chambre du 1s de Juillet 1642. on luy ajugea seulement le tiers par usufruit,
Mais comme dans ce siecle on a fait plusieurs taxes sur les Offices des Jurisdictions. extraordinaires, à cause desquelles on leur a attribué plusieurs droits, il s’est mû souvent question pour sçavoir si ces droits qui étoient réels devoient être partagez comme l’Office, ou les reputer comme les Greffes et autres Offices Domaniaux, pour y donner à la femme la moitié en proprieté s Cette difficulté s’offrit en l’Audience de la Grand : Chambre le 20 de May 1639. sur le partage de la succession de Me Bourdon, Elû en l’Election du Ponteaudemer, les neritiers de la veuve ayant prétendu contre ceux de Bourdon que la moitié des droits, des taxations. et d’autres attributions depuis unis à cet Office d’Elû, luy appartenoit, bien que ces droits eussent êté depuis convertis en rente par Declaration du Roy, ce qui les rendoit un véritable conquest en bourgage ; mais par l’Arrest elle en fut deboutée, et il fut jugé que ces nouvelles attributions ayant été unies à l’Office n’étoient qu’un accessoire qui tenoit la nature de son principal, de sorte que n’ayant qu’un doüaire sur cet Office, elle ni ses heritiers ne pouvoient rien avoir en la proprieté. Autre Arrest en la Grand. Chambre du 12 de Juillet 1649. entre Jean le Perit mary d’Ester le Fauconnier, héritière de Leonard le Fauconnier vivant Receveur des Tailles en l’Election de Mortain, et Jacques Dauray, ayant épousé Jeanne du Moustier, veuve du sieur le Fauconnier, par lequel on debouta cette veuve non seulement de la moitié en proprieté en l’Office de Receveur des Tailles, mais aussi des droits en l’Election, es taxations et d’autres profits attribuez à cet Office, et il fut dit qu’elle joüiroit seulement du tiers par usufruit. Autre Arrest en la Grand. Chambre du 7 de Janvier 1665. par lequel on a jugé que Demoiselle Françoise Bauquet, veuve de Me Nicolas Martin, auroit doüaire sur l’integrité des Offices de Greffier, Controleur en l’Election de Contance et de Gavray, et sur les gages et lroits qui y étoient attribuez
Par l’Arrest de Bourdon on avoit jugé que les droits attachez à l’Office étoient de la nature de l’Office, et par consequent que les femmes n’avoient qu’un tiers par usufruit ;’on a depuis jugé qu’elles n’y pouvoient avoir davantage, quoy qu’ils en fussent separez. Nicole en vendant son Office avoit retenu tous les droits hereditaires qui y étoient attribuez, et il les avoit possedez quelque temps ; aprés sa mort Charlote Poupinel sa veuve, tutrice de leurs enfans, en avoit aussi joui, et aprés la majorité de ses enfans dans les partages qu’elle en fit avec eux, elle en avoit eu la moitié : ils se pourvûrent par Lettres de récision qui furent entérinées par Sentence, qui ajugea à la veuve le tiers par usufruit seulement. Il y avoit encore une autre contestation entre la mere et les enfans. Le Roy en lannée 1634. avoit créé des Offices de Controleurs, conservateurs hereditaires des Aydes, qui furent supprimez en lannée 1648. et au lieu de rembour-sement le Roy se constitua en quatre cens dix-huit livres de rente ; Cette veuve prétendoit aussi une moitié en cette rente, vû que les Offices avoient été créez héreditaires, et par Sentence on ne luy en donna qu’un tiers seulement par usufruit, dont ayant appelé, par Arrest au Rapport de Mr Brice du ro de Juin 1664. les Sentences furent confirmées : l’avois écrit pour cette veuve, et par cet Arrest on a jugé deux questions ; la premiere, que ces droits hereditaires, bien qu’ils soient distraits et détachez de lOffice, ne laissent point de tenir la même nature, ce qui fait que la femme n’y prend qu’un tiers par usufruit ; la seconde, qu’il n’y a proprement d’Offices hereditaires que les Domaniaux, comme les Greffes et les Tabellionnages, et bien que les autres par leur creation soient qualifiez hereditaires, on ne les repute point de cette qualité lorsqu’il s’agit de regler les droits entre la veuve et les heritiers.
L’Arrest du sieur Dauray a jugé que la femme n’avoit qu’un tiers par usufruit sur un Office de Receveur des Tailles, encore qu’à proprement parler ce ne soit pas un Office de Judicature : La même chose a été jugée pour un Office de Receveur des Decimes en l’Audience de la GrandChambre le 12 de May 1650. entre Catherine Marc, veuve de de la Ruë, Receveur des Decimes, d’une part, et Charles de la Ruë son fils, d’autre part ; la veuve s’aidoit des Arrests renduë pour les Greffes, les droits de Parisis, les petits-Seaux, et autres qui ont ajugé la moitié à la veuve quand ils avoient été acquis constant le mariage, qu’il y avoit même raison pour l’Office de Receveur des Decimes qui est héreditaire : De la Ruë s’aidoit des Arrests donnez pour les Offices de Receveurs des Tailles, suivant lesquels on les avoit distinguez d’avec les Greffes et les autres droits Domaniaux, qui avoient été alienez par le Roy, et qui pouvoient être exercez p et perçûs sans provision, et possedez comme les autres biens du Domaine ; mais les Offices e de Receveurs des Tailles et des Decimes ont été créez par le Roy, pour être exercez par les personnes ausquelles il en donne le titre, qui ne peut être communiqué aux femmes, et qui S ne peuvent les exercer ni posseder : Par l’Arrest le tiers par usufruit fut ajugé à la veuve, plaidans Castel pour la mere, et Lyout pour le fils. Autre Arrest du 17 de Février 1650. n pour l’Office de Procureur de feu Basire, Procureur au Parlement, par lequel la veuve n’eur qu’un tiers par usufruit sur le prix de l’Office.
Le partage des rentes constituées a produit aussi plusieurs difficultez touchant les droits des femmes, tant pour les rentes dûës sur les particuliers que pour celles qui sont dûës par le c Roy : nous ne reglons pas celles-là par la Coûtume du domicile du creancier, mais par celle les lieux où les biens du debiteur sont assis. C’est un usage certain parmy nous contraire à celuy de Paris, où les rentes se partagent selon la loy du domicile du creancier, de sorte qu’une rente dûë à un Bourgeois de Paris sur des biens situez en Normandie se partage selon la Coûtume de Paris, Journal des Audiences, l. 1. c. 53.Loüet , l. R. n. 31. Nôtre usage. est fort ancien, et il est établi par deux Arrests, l’un du 25 d’Aoust 1546. et l’autre du 4 de Juin 1603. donné au profit de Guillaume de Saldaigne : et quand il faut diviser ces rentes pour connoître la nature des biens de l’obligé, on s’en rapporte à son certificat, et il n’est point permis de faire des preuves contre sa déclaration, ce qui est conforme à la disposition de la l. 1. c. l. 10. quando & quibus quarta debetur ex bonis Decurionum, qui porte que pour tirer cette quatrième part on ne doit pas produire au jour ni divulguer tous les droits et les titres d’une personne, mais prenant à serment les heritiers, aprés qu’ils auront diligemment fait l’estimation de leurs acultez, et à quoy elles se montent, nous voulons qu’ils soient crûs : car il est rigoureux et innumain de découvrir la pauvreté d’une personne en divulguant son bien et ses facultez, et d’exposer ses richesses à l’envie, non debent omnia jura et instrumenta in medium proferri et dioulgari, sed juratis uccessoribus, cum apud se diligenter existimaverint, que, quantique sint facultates, credi oportere : vecernimus : durum est enim & inhumanum publicatione rerum familiarium & paupertatis detegi vilitatem, & invidiae exponere divitias. Cette forme fut gardée pour connoître quels biens les debiteurs des rentes constituées durant le mariage du sieur de Huménil. Jean, et de Demoiselle Geneviéve le Sueur sa femme, pouvoient posseder en bourgeoisie. Deux de ces debiteurs étoient Officiers, l’un Lieutenant du Bailly, l’autre du Vicomte, qui déclarerent que la cinquième partie de leurs biens êtoit en bourgeoisie, en y comprenant leurs Offices qu’ils met-oient entre leurs immeubles. L’heritier du sieur de Huménil blama cette déclaration, disant que les Offices ne devoient point y être compris, parce qu’ils ne sont point susceptibles d’hypotheques, ne pouvant même être saisis ni diseutez par decret, et sur tout les Offices de Judica-ture : La veuve soûtenoit au contraire qu’ils étoient immeubles, et affectez aux dettes de ceux qui les possedoient, c’est un droit incorporel qui produit du revenu, et qui par le moyen du Droit annuel est rendu comme hereditaire, et il fait aujourd’huy une partie con sidérable du bien des familles : Nos Offices ont du rapport avec les milices des Romains, qui étoien entre lours biens immeubles, et étoient susceptibles d’une espèce d’hypotheque, l. super hypo vhecis. 27. c. de pignor. et hp. Creditores ab his qui militarint exigere vel tantum ab his efflagitare quanti vendi eadem militia possit, quod generaliter sancimus ; que si les debiteurs avoient acquis ces milices, liceat creditoribus adhuc viventium debitorum jure hypothecae vindicare militias, nisi sibi fatis fiat. Cette loy a été pratiquée en France, où les Officiers sont condamnez, et par corps, à passer procuration pour resigner et pour vendre, pour en être le prix discuté entre les créanciers.
Ceux qui baillent leur argent à un homme pourvû d’un Office consideruble, et qui peut être assuré à sa famille, se fondent sor cette espèrance, que cet Office leur devient hypothequé ; or de juger qu’ils ne doivent point être compris dans la declaration des biens, cela seroit d’une perilleuse consequence : Par Arrest du 12 de May 1622. au Rapport de Mr de civil, Il fut jugé que les Offices, comme étant reputez immeubles, seroient comptis en la supputation des biens de l’obligé, pour donner assiette aux rentes constituées à propottion de la valeur des Offices. On peut mettre au nombre des biens, où la femme peut prendre part à droit de conquest, les fiefs. et les héritages étant en Franc : Aleu ; car quoy que le fief soit indivisible il peut être licité, et la qualité de Franc-Aleu n’empesche point le droit de la femme.
Mais quand une succession échet en cette Province, et qu’il se trouve des rentes dûës par des perfonnes dont les biens sont situez hors cette Province, comme ces rentes n’ont point d’assiette, on a eu de la peine à décider par quelle Coûtume le partage s’en devoit regler, et quelle part les femmes y pouvoient avoir. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 30 de Juillet 167r Charles Martel, Ecuyer, sieur du Bouley, mary de Marie le Pelletier, avoit son domicile à Alençons il acquit plusieurs rentes sur des particuliers qui avoient leur domicile et leurs biens sous la Coutume de Châteauneuf en Timerais ; comme il n’avoit point d’enfans, et qu’il pouvoit vendre ces sentes, il fit un accord avec les heritiers presomptifs de sa femme, par lequel ils consentoient qu’en cas de prédecez de leur seur, il joüit de toutes ces rentes durant sa vie : aprés la mort de leur seeur ils se pourvûrent de Lettres de récision contre cet accord, dont neanmoins ils se départirent depuis moyennant certaines conditions ; mais le sieur Martel ayant épousé Marie.
Bonvoust, cette femme aprés la mort de son mary soûtint que les Pelletier, heritiers de la premiere femme, n’avoient aucun droit sur les rentes dûës en la Coûtume de Châteauneuf en Timerais, et obtint des Lettres de récision contre les accords faits avec son mary : La cause ayant été portée en la Cour sur des recusations, Maurry pour ladite Bonvoust concluoit au principal par ces raisons, que les rentes étant dûës par des personnes domiciliées en la Coûtume de Châteauneuf en Timerais, où la femme n’a rien qu’en vertu de la communauté, cette premiere femme n’y avoit acquis aucun droit, parce que la communauté n’étoit point reçûë en cette Province, que l’on ne pouvoit établir une communauté sur l’usage local de la Châtellenie d’Alençon, qui donne la moitié des acquests aux femmes, quia clauditur territorio, et ne pouvoit valoir hors son étenduë. Je répondois pour lesdits sieurs le Pelletier que quand on n’auroit point égard aux fins de non recevoir, qui resultoient des transactions faites avec ledit feu sieur Martel, il n’y avoit point de difficulté dans la question generale ; que ladite le Pelletier n’avoit point besoin de la communauté ni de l’usage local d’Alencon pour prendre part aux acquests, parce qu’elle luy appartenoit en vertu du droit general et cettain de la Proveince, et qu’en quelque lieu que le feu sieur Martel eût eu son domicile en Normandie, si femme pouvoit avoir moitié aux acquests faits en tous les lieux où la communauté avoit lieuIl est bien vray que la communauté n’est point reçûë en Normandie entre le mary et la femme, quoy que pourtant il y ait une espèce de communauté qui en donne à la femme presque tous les avantages, mais qu’il suffit que la femme soit capable de prendre part aux acquests selon la Coûtume des lieux où ils sont situez, et que les rentes se partagent selon la nature et la qualité des biens du debiteur de ces rentes, et qu’enfin lorsqu’il s’agit d’une succession échûe en Normandie pour partager les rentes qui font partie de cette succession, on considère si celuy lequel y veut prendre part est capable pour cet effet, et lorsqu’il est capable de succeder ou de prendre part, alors on les partage selon la loy du domicile des debiteurs, ce qui est si raisonnable, que bien que par Jusage de Paris pour le partage des rentes constituées on suive la Coûtume du domicile du creancier, néanmoins on regle auparavant la capacité de succeder. Le sieur de Lesseville depuis qu’il avoit été pourvù à l’Evéché de Contance avoit acquis des rentes sur des habitans de Paris, aprés sa mott ses soeurs y demanderent part, mais les freres les en firent debouter par cette raison, que pour la capacité de succeder au sieur de Lesseville elle devoit se regler par la Coûtume de Normandie, où cet Evéque êtoit reputé avoir son domicile, suivant l’Arrest donné au Parlement de Paris le 8 de Mars 1667. entre Mre Claude le Clerc de Lesseville et consorts appelans, et Dame Manrie le Clerc de Lesseville, reuve de Mre François le Gras, Conseiller et Maître des Requêtes ordinaires de son Hôtel, heritiere pour un cinquième dudit feu sieur Evéque de Contance, intimée ; par lequel la Cour faisant droit au principal, ordonna que les meubles dudit défunt Evéque de Contance et hérit ages en fief seroient delaissez aux appelans, et que les héritages en roture et les rentes constituées ailleurs que dans letenduë du Parlement de Normandie, seroient partagez également entre les appelans et l’intimée : on reputa que le sieur Eveque de Contance avoit son domicile en son Evéché, et par cette raison les meubles et les rentes constituées dans l’etenduë de Normandie furent partagez selon la Coûtume de cette Province : et pour montrer combien la prétention de ladite Bonvoust êtoit injuste, si elle fixoit ces rentes sous la Coûtume de Châteauneuf, il faudroit à même temps suivre la Coûtume de ce païs-là pour le partage, en quoy faisant on suivroit la loy du domicile du creancier ; or le creancier ayant son domicile à Alençon, où les femmes ont moitié aux acquests, la femme auroit eu moitié ausdites rentes : Il est donc vray de dire que ce n’est point en vertu de la communauté que ledit le Pelletier prenoit part aux acquests, mais en vertu de l’usage teneral de Normandie, par lequel les femmes êtans capables de prendre part aux acquests, elles prennent part aux rentes selon la nature des biens des obligez, et pour bien décider ces c questions, lorsqu’une succession est échûë il faut distinguer entre la capacité de succeder et la nanière de partager les rentes, et en suite pour regler si l’on est capable de succeder, et comnent l’on doit partager, il faut distinguer deux domiciles, celuy de la personne à laquelle on succede, et celuy des debiteurs des rentes, si par exemple les femmes étoient privées de prendre part aux acquests en quelque lieu que les debiteurs eussent leurs biens, elles n’y auroient aucune part, car pour partager il faut être habile à demander partage : Il faut dire la même chose pour les filles, car n’étans point capables de succeder, elles n’ont point d’action pour demander partage, et c’est ce qui fut jugé par l’Arrest donné entre les nommez Hourdebourg, heritiers d’Anne Billon, que j’ay rapporté ailleurs ; comme au contraire lorsque les filles sont, eçûës à partage, elles sont habiles a demander part ausdites rentes, suivant l’Arrest de Duval que j’ay remarqué sur l’Article 434. Il en est de même pour les femmes qui sont capables de rendre part aux acquests et aux rentes ; or puisque pour le partage de ces rentes on considere a nature des biens des obligez, et que quand ils sont situez en bourgage ou dans le Bailliage de nisors la femme y a la moitié, elles doivent avoir la même part lorsque les biens sont situez en des lieux où les femmes ont pareillement la moitié, et cette question fut décidée de la sorte en l’année 1653. entre Hamon et Boiville, héritiers de la nommée Hayer, femme dudit Hamons par l’Artest, sans avoir égard aux Letttes de récision, il fut dit que les rentes seroient partagées selon la Coûtume de Châteauneuf, et que lesdits heritiers y auroient moitié. pour les rentes qui sont dûës par le Roy et constituées sur les Receptes, comme elles ont un fonds et une assiette certaine aux lieux où le Bureau est établi pour la Recepte du fonds destiné pour le payement d’icelles, on les partage et on les regle à Paris suivant la Coûtume du lieu où le Bureau est établi, comme ces rentes étans réelles, perpetuelles, fixes, permanentes, et Bérault rapporte un Arrest qui l’a jugé de cette manière : Cependant j’ay remar-qué un Arrest sur l’Article 270. qui semble avoir changé cette jurisprudence, ayant ugé que les soeurs êtant reservées à partage, ces rentes sur le Roy se partageroient suivant la Coûtume generale, et on se fonda sur cette raison que la discution pour sçavoir où étoient les biens du Roy n’étoit point seante, et que la Coûtume generale devoit être plûtost suivie.
On peut soûtenir cet Arrest par l’exemple des Offices dont le partage ne se regle pas selon la Coûtume du lieu principal de leur exercice ; mais cet exemple ne doit point être étendu. aux rentes dûës par le Roy, car étant particulièrement affectées sur crtains Bureaux où le fonds destiné pour leur payement est établi, il est vray de dire que ces rentes sont en quelque orte réelles, et qu’on ne leur peut fixer une situation plus naturelle que celles des Bureaux sur lesquels elles sont assignées, et c’est aussi de cette maniere que l’on a toûjours partagé ces sortes de rentes. Arrest du 23 d’Aoust 1546. entre Marguerite le Normand, veuve de Nicolas de S. Maurice, et Marion de S. Maurice, par lequel on ajugea à cette veuve la moitié de quatre-vingr cinq livres de rente acquise par son mary constant son mariage, sur la Recepte les Aydes d’Arques, et quinze livres de rente sur le Grenier à Sel. Par ce même Arrest on jugea qu’à l’égard du remploy demandé par ladite veuve de ces rentes dont son mary avoit recû le rachapt, sans diminution de son doüaire ni de son meuble, et de la part qu’elle avoir aux conquests, le remploy seroit pris sur la part des acquests revenant à ladite Marion de S. Maurice, et en cas qu’ils ne pussent suffire, sur le propre J’ay proposé plusieurs espèces de biens où les femmes sont excluses de prendre part : I y en a d’autres où ce droit leur a été ajugé, nonobstant le dessein et les efforts des maris pour les en frustrer. Un mary achétant une maison située en bourgage, il déclara que les deniers provenoient d’une succession collaterale qui luy étoit échûé, afin de rendre cet acquest propre à ses enfans, et par ce moyen en priver sa femme, à laquelle neanmoins il en laissoit la joüissance entière duuant sa vie ; mais on n’eut point d’égard à cette déclaration, et par Sentence du Bailly de Roüen on luy en ajugea la moitié. Lizore et Maurice ayant épousé les filles de Poulain, héritières de Nicolas Bigot, disoient que le droit d’acquest n’est accordé à la femme qu’en consideration de sa collaboration, mais quand ces acquests ont été faits de deniers donnez au mary, ou qui proviennent de quelque succession qui luy est échûë, comme elle n’y a point contribué de ses soins, et que ce sont bona profectitia, il n’est point juste de luy en faire part, et le mary avoit pû en faire la distinction, que cette déclaration n’avoit point été faite en fraude de sa femme, étant vray que la succession de son frere étoit échûè en même temps, en laquelle il y avoit un Office dont il avoit reçù les deniers, ce qui luy avoit donné le moyen de faire cette acquisition pour ses enfans, et pour tenir leur nom, côté et ligne : Sa prévoyance étoit legitime et favorable, prospexit liberis, puisque l’on sçavoit d’où les meubles provenoient, il avoit pû stipuler qu’ils tiendroient le nom, côté et ligne d’où ils étoient venus, autrement la volonté du défunt seroit frustrée ; il avoit pû acquerir en un lieu où femme n’auroit eu aucune part en proprieté, il pouvoit même revendre cet acquest et le re mettre en lieu où la femme n’auroit point de part, et s’étant assuré sur la vérité de sa declaation il feroit injuste de l’annuller en un temps où il ne pouvoit plus y donner remede ; qu si le mary est obligé de remplacer la moitié des meubles échûs à sa femme constant le mariage, pourquoy le mary ne pourra-t’il pas aussi remployer ceux qui luy sont échûs au nom de se enfans, pour empescher qu’ils ne passent au nom, côté et ligne de la femme :. Pouvant le dissiper, il doit avoir la liberté de les remplacer à sa volonté. La Coûtume ordonne le remploy pour les meubles qui viennent à la femme, pour y obliger le mary ; mais elle n’a point parlé de ceux qui échéent au mary, parce qu’étant le maître de ses actions, il étoit raisonnable de luy laisser la liberté de les remplacer comme il voudroit, et sans luy donner d’autre regle que a volonté ; et partant ayant acquis pour ses enfans et de ses deniers, sa femme n’y pouvoi tien demander. Les heritiers de la femme répondoient que la part de la fêmme aux conquests est reglée par la Coûtume, à laquelle on ne peut déroger, pactis privatorum jus publi-a cum immutari non potest ; que le droit de succeder dépend des loix et non de la volonté des parties ; que la Coûtume ne fait point de distinction entre les meubles acquis et ceux qui roviennent de succession, et les uns ni les autres ne sont point sujets à remploy, l’on ne doit point s’informer d’où ils procedent, pourvû qu’il n’y ait point de remploy à faite ; que relles déclarations étoient en fraude du droit des femmes et que les maris ne les pouvoient priver de la part que la Coûtume leur donne aux conquests : Par Arrest du 24 de Novembre 1633. la Sentence fut confirmée, plaidans Coquerel et Giot. Berault sur cet Article traite la question, si le mary peut acquerir au nom de ses enfans en fraude de sa femme ; il tient l’affirmative contreGodefroy , et il se fonde sur deux Arrests qui ne décident point la questions ; je la toucheray sur l’Article 482.
Il a été aussi jugé que l’achapt fait par un frère du partage de son frere êtoit un acquest oi la femme avoit part. Jacob et Matthieu Bunel acquirent de Jean Bunel leur frere une maison située à Roüen et une loge à Guibray, à condition d’acquiter deux petites parties de rente qu’il devoit, et de luy faire une rente sa vie durant : aprés la mort de Jacob Bunel, Barbe Russi sa veuve prétendit à droit de conquest le quart de cette maison et de cette loge, c’est à dire la moitié de ce qui en revenoit à son mary, comme étant un acquest en bourgage ; le Vicomte de Roüen luy avoit ajugé sa demande ; le Bailly avoit cassé la Sentence dont appel par ladite Ruffi : Dehors, son Avocat, disoit que cette question fe décidoit par les termes du contrat, qu’il paroissoit que c’étoit une pure vente que Jean Bunel avoit faite à ses frères de son pargage, et par consequent comme le mary avoit pris les denters de sa bourse, ausquels ladite Ruffi auroit eu part si on ne les avoit pas employez en acquisition d’héritages, il étoit raisons nable de luy donner part ausdits acquests. Maurry, pour Jean et Matthieu Bunel intimez, répondoit qu’il ne falost pas considerer ce contrat comme une vente, mais comme un avancement de succession, et pour le prouver il alléguoit que Jean Bunel étoit un esprit imbecille, qu’on ne luy avoit pas voulu laisser toucher les meubles, mais on en avoit constitué les deniers en rentes, et pour ses immeubles pour en empescher la disposition on luy en avoit fait faire un contrat d’avancement sous le nom de vente, et cela paroissoit en ce que la pluspart du pex étoit converti en une pension viagete, sans déboursement de deniers que d’une somme de cent livres : Par Arrest en la Grand. Chambre du premier d’Aoust 1658. la Sentence du Bailly fut cassée, et elle du Vicomte confirmée. Arrest au Rapport de Mi Mahaut du é de Mars 1630. confirmatif de Sentence des Requêtes, entre les heritiers de l’Epine et de Larcannier, par lequel des deniers destinez pour la dot et rentes qui en avoient été acquises furent ajugez aux heritiers au propre-Dans les Coûtumes qui admettent la communauté entre gens mariez, l’on pouvoit revoquer en doute si le mary pouvoit disposer de la moitié des meubles et des conquests faits constant le mariage, qui eût appartenu à sa femme, car la communauté semble acquerir de plein droit la proriété à la femme, et c’est une regle certaine qu’entre des associez et consorts, chaque ssocié ne doit avoir la libre disposition que de sa part, et il ne peut contre la volonté de son. consort, vendre entièrement les choses dépendantes de leur societé, l. nemo 68. D. pro socio.
I n’y a pas eu neanmoins diversité d’opinions sur ce point, et presque toutes les Coûtumes disposent que le mary est le maître de la communauté, et qu’il en peut user, à sa volonté, les rendre, aliener et hypothequer sans le consentement de sa femme, pourvû qu’il ne le fasse pas dans un dessein prémedité de fraude, et la cause de cette libre et absolué disposition. des biens de la communauté qui est accordée au maty, procede de ce qu’il n’est pas un imple associé, au contraire il est le maître de la communauté : Or suivant la disposition de droit un chacun est maître de son bien et en dispose à sa volonté, quiliber est arbiter & moderator rei sua, l. 4. 2. re. C. mand. et cette Coûtume est gardée depuis tres-long-temps par toute la France. Philippes de Beaumanoir qui écrivoit en l’année 1282. en fait mention en ces termes : Si-tost come mariage est fei, li bien de l’un et de l’autre est commun par lavertu du mariage, mais voirs est que tant come ils vivent ensemble, li hons en est main bournissiere, et convient que la semme suefre et obeisse de tant come il appartient alors meubles et as dépeüilles de leurs heritages.
Mais la difficulté à tombé sur les Donations, soit entre vifs ou testamentaires ; car quelque grand que soit le pouvoir du mary sur les biens de la communanté, l’on a douté si sous cette permission generale d’aliener l’on devoit comprendre les donations ; La raison de douter êtoit que in generali et liberâ rerum administratione, donandi facultas non continetur, l. contra. 29. 8. ult.
Je pact. l. filius famil. D. de Donat.. Tous ceux qui ont une pleine et entière disposition de leurs biens n’ont pas toûjours neanmoins la liberté de donner, parce que la donation ressent de plus souvent la dissipation et la prodigalité, et c’est pourquoy le fils de famille quoy qu’il ait la libre disposition de son pecule ne peut donner l. filiusfamil. et les Docteurs sur la l. Procurator C. de Procur. disent que le procureur ou le mandataire quelque ample et general que soit son pouvoir ne ipeut faire de liberalitez
Il est certain neanmoins qu’il est permis au mary de donner entre vifs des effets de la communauté ; plusieurs Coûtumes le disposent expressément, Paris, Article 2 25. lemary est seigneur des meubles et conquests immeubles par luy faits conctant le mariage de luy et de sa femme, en telle maniere qu’il les peut vendre, altener et hpothequer, et en faire et difposer par donation ou autre disposition faite entre vifs à son plaisir et volonté, sans le consentement de sa femme à personne capable, et sans fraude : Celle d’Orléans est conforme, Article 193. Bourgogne, Tit. des Droits appartenans à gens mariez, S. 3. Nivernois, des Droits de gens matiez, Article 3. Berry, de l’état des personnes, Article 18.
dais ces donations doivent être faites sans fraude, parce qu’elles sont toûjours exceptées, quelque faculté que l’on puisse avoir de faire quelque chose, le mary ne devant pas abuser du pouvoir qui luy est donné par la loy, l. elegant. D. de dolo ; il y en a une décision singulière en la loy Creditor. 60. 5. 1. D. mand. Un particulier avoit donné une commission fort ample et fort generale, on demanda si ce mandataire ayant mal agi dans sa commission on Commettant en seroit responsable : Quxsitum est fiquid non administrandi animo, sed fraudandi. animo alienasset, vel mandasfet, an valeret : Regpondi eum de quo quereretur plenè quidem, sed quatenus res ex fide agenda effet mandasse : Ainsi quoy que la Coûtume le rende maître de la communauté, il doit en disposer raisonnablement, la fraude est présumée lorsque le mary dispose par un contrat d’alienation generale ; car ces contrats sont suspects, l. omnes S. Lucius que in fraudem credit. On tire encore une conjiture de fraude, lorsque le mary enrichit ses parens aux dépens de la communauté.
Mais cette liberté de donner entre vifs ne doit pas être étenduë aux donations testamentaires, et à cause de mort, parce que le testament n’ayant la force et son effet qu’aprés la mort du mary, c’est un. temps où la puissance maritale a cessé, et où le droit est pleinement acquis la femme, et l’on en fait comparaison avec l’affranchi, lequel par le droit Romain peut donner entre vifs, mais qui ne peut disposer par testament de la portion qu’il doit laisser à son Patrons l. 9. si quidem fraud. Patron. D. La Coûtume de Bourgogne en a fait une disposition expresse, Article 74. Tit. des Droits appartenans à gens mariez, et c’est le sentiment dePontanus , sur l’Article 178. deRicard , sur l’Article 225. de la Coûtume de Paris, et de laLande , ur l’Article 193. de la Coûtume d’Orléans.
En Normandie où la Coûtume n’admet aucune communauté entre gens matiez, on ne peut douter que le mary ne soit le maître des meubles et des acquests, et qu’il n’en puisse disposer usqu’à la quantité qui luy est permise par la Coûtume ; cela se prouve par l’Article 389. qui contient que les conjoints ne sont communs en biens, et que la femme n’a rien aux meubles et conquests qu’aprés le decez de son mary, de sorte que n’y ayant ouverture au droit de la femme qu’aprés la mort de son mary, elle ne peut avoir d’action pour revoquer les donations entre vifs faites par son mary : D’ailleurs il est d’autant plus raisonnable d’accorder cette liberté au mary, qu’il ne luy est pas loisi ple de disposer de tous les acquests, mais d’un tiers feustment ; pour les donations testamentaires l’usage luy en est défendu par les raisons cy-devant remarquées. Par Arrest du 20 de Juillet 167o. eil fut jugé qu’une donation de cent livres de rente faite par le sieur de Reux seroit prise sur la part des conquests qui retournoient à ses heritiers, et non sur celle de la veuve.
On ne doute point que la femme prenant part aux conquests ne soit contribuable à toutes les dettes contractées par son défunt mary ; mais si la femme prédécede son mary, ses heritiers ayant part pour une moitié aux conquests ne seront obligez solidairement aux dettes, et n’y contribuëront que jusqu’à la concurrence de la valeur des conquests : par la Coûtume de Paris la femme qui prend part à la communauté et qui a fait inventaire, n’est obligée aux dettes qu’à pro rata de ce qu’elle a eu. Il est certain en cette Province que si la femme avoit survécu son mary, ses heritiers pourroient être poursuivis solidairement, mais quand les conquests sont separez des meubles, comme il arrive lorsque la femme meurt avant son mary, tous les meubles en ce cas demeurans au mary, comme les heritiers de cette femme n’y ont point de part, et qu’il ne peut tomber de presomption de substraction, les heritiers ne sont tenus que jusqu’à la concurrence de ce qui leur est revenu ; ainsi jugé en la Chambre de l’Edit le mois de Février 1607. entre le Roux et Loquet,
Ce n’est pas assez d’avoir remarqué quelques espèces de biens sur lesquels la femme a droit de conquest, et quelques autres où elle n’en a point, il faut encore sçavoir la portion qui luy appartient, et si c’est en proprieté ou par usufruit
Dans les Coûtumes qui autorisent la communauté, la moitié en proprieté est la portion ordinaire et certaine de la femme ; mais la communauté n’étant point reçûë en cette Province, on pouvoit croire que la femme est excluse d’y avoir aucune part, car luy donner part aux conquests, soit en usufruit ou en proprieté, c’est établir en quelque sorte la communauté.
Nôtre Coûtume néanmoins, bien que peu favorable aux femmes, a estimé qu’il n’étoit pas juste qu’elles fussent entierement privées du fruit de leurs peines, et qu’elles ne participassent point à un bien, pour Iacquisition duquel elles pouvoient avoir beaucoup contribué par leur bon ménage.
C’est par cette raison qu’en cet Article elle regle leurs droits, et qu’à cause des differens isages elle leur donne la moitié en proprieté des conquests faits en bourgage constant le mariage, et pour les conquests faits hors bourgage elles ont aussi la moitié en proprieté au Bail-iage de Gisors, et en usufruit au Bailliage de Caux, et le tiers par usufruit aux autres Bailliages et Vicomtez de cette Province.
Il eût été beaucoup plus utile au public d’établir une loy generale et un usage uniforme dans teute la Province, que d’autoriser dans un même Article quatre differentes ma-nières de partager les acquests ; la difficulté du discernement et de la distinction de ces diverses espèces de biens causent une infinité de procez ; mais il faut croire que nos Reformateurs ne pûtent vaincre lopiniâtreté des peuples, ni leur ôter ces opinions et ces pré-jugez avantageux que tous les hommes ont naturellement pour leurs anciennes Coûtumes, bien que mauvaises et injustes. On se détache fort difficilement de ses premieres habitudes, et toute l’autorité de nos Rois ne seroit point assez grande pour faire accepter à leurs sujets. une loy generale ; leur humeur et leur inclination n’étant point conformes, ils ne se peuvent conduire par les mêmes principes ; et lors de la reformation de la Coûtume, outre les differens usages marquez par cet Article, il falut encore conserver à plusieurs Villes et Bourgs leurs usages particuliers et locaux,
La Coûtume établissant une espèce de biens qu’elle appelle Bourgage, elle devoit expliquer ce que c’est que bourgage : Il faut avoir recours à l’ancienne Coûtûme, elle dit au troisième Chapitre de la tenûre par bourgage, que les conditions et les qualitez des héritages en bourgage sont qu’ils fe peuvent vendre comme les meubles sans le consentement des Seigneurs, et que par cette raison il n’en est point dû de treiziéme, que ces mêmes tenemens ne doivent point de relief ni d’aides coûtumiers : Et encore que dans les Bourgs il y ait plusieurs choses qui sont renuës par hommage, cela n’est pas par l’établissement des Bourgs, mais par des convenances faites entre ceux qui les tiennent ; et bien qu’ils doivent garder ces convenances ils sont toûjours tenus pour bourgage, s’il n’y a point été dérogé par quelque paction expresse Ragueau orsque le bourgage fut reçû. Rageau dans ses Indices Royaux cite cette ancienne Coûtume, et suivant icelle en ce Chapitre il estime que les bourgages sont les Masures, Manoirs, et Héritages qui sont dans les Bourgs et qui sont tenus sans fief, qui gardent et qui payent les Coûtumes des Bourgs et les rentes aux termes accoûtumez, sans être sujets à d’autres services ni rédevances.
Il y a neanmoins des Paroisses et des Villages où les femmes ont la moitié aux acquests, comme au contraire il y a des Villes et Bourgs où les femmes n’emportent pas une moitié : et c’est pourquoy on employa les uns et les autres dans le Procez verbal de la Reformation, et on en a composé des Usages Locaux : ainsi lon peut établir cette regle pour-les bourgages. que la femme a la moitié aux acquests qui se font dans les Villes et Bourgage, à la reserve des lieux exceptez par le Procez verbal des Usages Locaux, et qu’au contraire elle n’acquiert a proprieté aux héritages situez dans les Villages et Paroisses, que dans ceux qui sont exceptez par ce Procez verbals
La femme n’a pas seulement la moitié aux héritages en bourgage, elle a un pareil droit dans le Bailliage de Gisors, et apparemment le voisinage de ce Bailliage avec les païs où la communauté a lieu, a introduit cet usage.
Pour le Bailliage de Caux, on a douté si cette Coûtume de donner la moitié par usufruit aux acquests devoit se renfermer dans letenduë du Bailliage de Caux, ou s’il faloir la pratiquer areillement dans les lieux où cette Coûtume s’étend hors ce Bailliage pour les successions car on disoit que quand la Coûtume a parlé des successions dans le Bailliage de Caux, elle a ajoûté et autres lieux tenans nature d’iceluy ; en cet Article elle a parlé seulement du Bailliage de Caux, mais on a décidé cette question par l’Arrest du 10 ou 11 de Juillet 1630. remar-qué parBérault .
Pour l’éclaircissement de cette difficulté, ceux qui soûtiennent que la femme ne doit avoitr que le tiers aux conquests faits dans la Vicomté de Roüen, disent que cet Article regle la part des femmes aux conquests suivant les Bailliages, que dans celuy de Caux elle l’a limitée à la moitié par usufruit, elle ne peut donc avoir cette moitié hors ce Bailliage, car la Coûtume semble s’être exprimée encore plus clairement par ces paroles, le tiers par usufruit aux autres Bailliages et Vicomtez
On allégue pour l’opinion contraire que le Titre des successions en Caux contient ces mots, le successions en propre au Bailliage de Caux et autres lieux où ladite Coûtume s’étend dans la Vicomté de Ronon : Ce qui exprime nettement que cette Coûtume s’étend non seulement dans le Bailliage de Caux, mais aussi dans les lieux qui tiennent nature de Caux.
Le Titre des successions collaterales aux meubles et acquests, fuit immediatement celuy des successions de propre en Caux ; D’où l’on infere que les Articles qui disposent des acquests et con-uests en Caux, ont une liaison et une suite avec le Titre des successions en Caux, et lieux tenans nature d’iceluy.
L’Article de l’Usage Local de la Vicomté de Roüen, qui contient une exception à cette regle, éclaircit la difficulté ; car la Coûtume aprés avoir reglé que les femmes ont une moitié par usufruit aux conquests dans le Bailliage de Caux, elle dispose qu’elles ont la moitié en proprieté aux acquisitions d’héritages franchement tenus en la Paroisse deJumieges , qui est de la Vicomté de Roüen, mais dans le Bailliage de Caux. Dans l’Article 427. qui défend de disposer par testament de ses immeubles, il n’est parlé que du Bailliage de Caux, et toutefois cêtte disposition s’étend dans tous les lieux de la Vicomté de Roüen qui tiennent nature de Caux.
L’Article 318. est plus décisif, il contient que les freres partagent entr’eux egalement la succession aux meubles et acquests, encore qu’elle soit située en Caux et lieux tenans nature d’iceluy : Cette question fut traitée en deux Audiences, les 18 et 19 de Novembre 1621. entre Demoiselle Geneviéve le Sueur, veuve de François-Jean, sieur de Huménil, et Mr Cavelier, sieur de Villequier, Maître des Comptes, ayant épousé la veuve du sieur de Breteville, et François-Jean, tuteur des enfans du sieur de Breteville ; la cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest du 2 de May 1622. au Rapport de Mr de civil, il fut ordonné qu’il seroit informé par Tourbes de l’Usage dans les trois Sergenteries de la Vicomté de Roüen qui sont dans le païs de Caux, mais depuis la question a été décidée par l’Arrest du ro ou 11 de Juillet 1630. remarqué par Berault sur cet Article.
Cette Coûtume de donner à la femme la moitié par usufruit aux acquests faits en Caux, est fondée principalement sur un Arrest du 8 de Mars 1517. donné pour la Dame d’Etouteville, prés une Enquête par Tourbes de la Coûtume du païs, touchant les conquests.
CCCXXX.
Quelque accord ou convenant qui ait été fait par contrat de mariage, et en faveur d’iceluy, les femmes ne peuvent avoir plus grand part aux conquests faits par le mary que ce qui leur appartient par la Coûtume, à laquelle les contractans ne peuvent déroger.
Il n’y a pas de difficulté que quand les contrats de mariage ont été passez en cette Province, toutes les clauses contraires et dérogatoires à cet Article sont de nul effet, mais quand ils ont été passez à Paris, et qu’il y a clause dérogatoire à toutes les autres Coûtumes, l’on prétend qu’en vertu de la communauté la femme a la moitié aux acquests faits en cette Province, par cette raison que le mary n’a pû détruire cette communauté en acquerant en des lieux où elle n’est point reçûë ; mais quand la question s’agite en ce Parlement où nous reputons les Coûtumes réelles, nous suivons la disposition de cet Article, et on n’a point d’égard à toutes ces dérogations ; et par Arrest en la Grand. Chambre du 19 d’Aoust 1646. entre Vignier, tuteur de la fille de Lastre, et la veuve dudit de Lastre, il fut jugé que nonobstant la clause portée par un contrat. de mariage passé à Valenciennes où les mariez étoient domiciliez, par laquelle la femme en cas de prédecez de son maty devoit avoir tous les meubles, toutefois parce qu’ils étoient venus demeurer à Roüen où le mariage avoit été dissolu, la succession seroit partagée comme en Normandie, vide l. exigere dotem. D. de judic. et les Docteurs sur la loy 1. C. de summâ tran. Mi d’Argentré , Article 2i8a gl. 6. n. 33. où il combat l’opihion dedu Moulin Loüet , l. C. n. 15. Je toucheray plus amplement cette matière sur l’Article 380 Bérault rapporte un Arrest par lequel l’on a jugé que la stipulation par laquelle une femme avoit obligé son mary d’employer les deniers qu’elle luy portoit en acquisition d’héritages où elle auroit la moitié, étoit civil et valable ; en effet la donation n’étant faite qu’à cette ondition, il étoit raisonnable de la suivre, autrement la femme n’auroit point donné ; mais hors le cas de la donation la stipulation qui engageoit le mary de n’acquerir qu’en des lieux où-la femme prendroit la moitié seroit incivile, le mary n’ayant pû s’imposer cette necessité : la paction seroit encore plus mauvaise si elle contenoit que la femme autoit moitié à ces acquests, parce qu’il doit avoir la liberté d’en user comme il luy plaist.
Sien que la femme ne puisse pas stipuler une condition meilleure que celle qui est prescrite par cet Article, on peut au contraire la faire consentir à prendre une moindre part à l’exemple du doüaire ; il est permis de stipuler que la femme aura moins que le tiers en doüaire, bien qu’on ne puisse pas luy donner un doüaire qui excede le tiers, ainsi puisqu’on ne peut accorder une plus grande part aux acquests que celle qui est limitée par cet Article, il n’est pas défendu de diminuer sa part aux acquests, cela se peut faire dans les lieux mêmes où la communauté a lieu : les mariez peuvent convenir en contractant qu’il n’y aura point entr’eux de communauté, ni d’une certaine part, ni de certains corps ou quotité ; car la disposition de la loy cede aux conventions des hommes dans les choses qui tombent dans le consen-tément des particuliers, si la loy de la nature n’y repugne, ou les constitutions politiques pour rinterest public : Convenire possunt conjuges in contrahendo, ne ulla futura sit communio, ne certa partis, ne certorem corporum aut locorum, aut quotae ; cedit enim legis diçpositio hominum conoentionibus in his quae in privatorum consensum cadunt, si naturae lex alia non repagnat aut politicae con.
Stitutiones ob publicam causam : Mr d’Argentré , Article 418. gl. 1. n. 5. Cette question a été décidée par Arrest, au Rapport de Mr de Breuedent, en lannée. 161a. elle se presenta encore en l’Audience de la Grand-Chambre le 4 de Juillet 1652
Il est vray que la communauté où la portton que la femme pent prendre en la succession a été établie par la Coûtume, et qu’il n’est pas au pouvoir des particuliers de changer les Loix qui sont établies, ni d’empescher par leurs pactions qu’elles ne soient gardées et executées l. nemo potest de leg. et l’on objecte encore que l’execution de cette paction se rencontrant dans le temps du mariage, elle est inutile suivant la loy quod sponsa C. de sponsMais on répond que cette maxime que les particuliers ne peuvent pas alterer l’ordre établi par la Coûtume, n’est véritable que pour les Loix qui regardent l’interest public, mais quand elles l’ont en vûë que le bien des particuliers, il n’est point défendu de s’en éloigner on de contracter d’une autre manière qu’elles n’ont ordonné, l. pacisci D. de pact. L’autre objection n’est pas plus forte, car ces pactions ne peuvent être considérées comme des donations, an contraire la femine remet et abandonne les avantages qui luy étoient accordez par la loy, et d’ailleurs tant s’en faut que l’execution de ces pactions se rencontre dans le temps du mariage, que li demande n’en est ouverte qu’aprés la dissolution d’iceluy ; et c’est aussi le sentiment dePontanus . sur l’Artide 82. de la Coûtume de Blois, que ces conventions sont legitimes et valables.
Guerout ayant dessein de se remarier, sans faire préjudice à dix enfans qu’il avoit, stipuls par son contrat de mariage avec la nommée Gucrente, que pour son doüaire elle n’aumit que deux cens livres de rente sans pouvoir prétendre aucine autre chose ; néanmoins depuis par son testament il luy donna cinq cens livres : cette veuve ayant survécu peu de temps son mary, es enfans du sieur Guerente, et Marie Guèrente sa soeur, demanderent part aux meubles et conquests de Guenout, ce qui leur fut accordé par Sentence du Vicomte de Roüen, mais on les priva de la part aux meubles : Appel devant le Bailly qui appointa les parties au Conseil, dont lesdits Gurrente ayant appelé, Baudry, leur Avocat, soûtenoit que la clause du contrat de matiage ne s’entendoit que du doüaire, et qu’il faloit rapporter les paroles suivantes aux premieres, c’est à dire au doüaire seulement ; qu’il n’y avoit point de renonciation de la part de la femme aux meubles et acquests, et que s’il y avoit quelque ambiguité dans cette clause on la devoit expliquer contre le mary ; mais quand la clause y seroit expresse qu’elle étoit nulles que la femme n’auroit pû renoncer à un droit que la Coûtume luy donne, disertis & civilibus verbis.
L’Article précedent est conçû en termes absoluts et dispositifs, il declare que la fomme a part, Il ne dit pas qu’elle doit on peut avoir part, et par cet Article quelque convenant qu’on ait fait, la femme ne peut avoir plus grande part que celle qui luy est donnée par la Coûtume, a laquelle les contractans ne peuvent déroger : d’où l’on conclud que les femmes ne peuvent renoncer ni déroger à ce qui leur est donné par la loy, que si l’on objecte que la femme ne peut avoir plus grand doüaire que le tiers, mais qu’elle peut avoir moins, et que par la même raison elle peut avoir moins aux conquests, on répond que la Coûtume est de droit étroit, et qu’il ne faut point l’étendre, sur tout étant dit que pour les conquesti on ne peut y déroger, et le contraire est décidé pour le doüaire ; aussi il y a grande différence, le doüaire se gagne au coucher sans que la femme y contribuë, et pour cette raison la loy laisse aux maris la liberté de le regler, mais les conquests se font autant des biens de la femme que du mary, de son industrie que de celle du mary ; la femme ne prend part aux meubles et acquests qu’à droit successif, parce qu’il n’y a point de communauté en Normandie ; or on ne peut renoncer à la suocession d’une personne vivante. Carué pour les enfans de Guerout remontroit que la renonciation êtoit expresse, puisqu’elle ne pouvoit avoir que deux cens livres pour doüaite pour toute chose, tant sur les meubles que sur les immeubles, presens et avenir ; qu’on ne pouvoit présumer que Guerour qui prenoit cette vieille plûtost pour avoir soin de son ménage que pour son profit, puisqu’elle n’avoit que cent livres de dot, ayant dix enfans, eût voulu luy donner part en ses meubles qui valoient plus de soixante mille livres, et aux acquests qu’il feroit par son bon ménages que pour la question, si la femme peut renoncer aux acquests, elle est sans difficulté : il ef vray qu’on ne peut renoncer à la succession d’un homme vivant, mais ce n’est pas à droit successif ; que la femme a part aux conquests, c’est par une grace particulière de la Coûtume, on peut même quelquefois renoncer à la succession d’une persome vivante, pourvû que re soit de son consentement ; en effet les filles renoncent tous les jours à la succession de leurs peres et méres ; mais pour la femme c’est avant le mariage, et avant qu’elle ait droit d’aspirer ùà cette succession, ce droit ne luy est acquis que par le mariage posterieur à la renonciation : quant aux Articles de la Coûtume, quand il est dit que l’on ny pourra déroger, c’est parce qu’elle défend de donner plus grande part, et quoy que la Coûtume n’ait pas dit comme au doüaire, que la femme y puisse avoir moins, c’est la même raison, le doüaire n’étant pas moins favorable, puisqu’il est destiné pour les alimens de la femme ; que ces clauses de renonclation de la part des femmes sont assez ordinaires, le mariage n’eût été fait sans cette condition. Guivant a jurisprudence du Parlement de Paris, on peut par le contrat de mariage faire renoncer la emme à la communauté : Par Arrest du 4 de Juillet 1652. on confirma la Sentence du Vicomte qui privoit la femme de la part aux meubles, et qui luy donnoit part aux conquests, qui n’étoient que de deux cens livres de rente ; la Cour pour donner cette part aux acquests estima que la clause de renonciation n’étoit pas assez expresse, et d’ailleurs les acquests étoient de getite consequence, car autrement il ne faut pas douter que l’on ne puisse valablement stipuler par un contrat de mariage, que la femme ne prendra point part aux acquests mi aux meubles pourvû que la renonciation de la femme soit précise et expresse.
CCCXXXI.
Droits et avantages du mary aprés la mort de sa femme.
Le mary doit joüir par usufruit sa vie durant de la part que sa femme a euë en proprieté aux conquests par luy faits constant leur mariage, encore qu’il se remarie.
CCCXXXII.
Retrait du mary et de ses heritiers aux conquests pour le droit de la femme.
Le mary et ses heritiers peut retirer la part des conquests ayant appartenu en propriéré à sa femme, en rendant le prix de ce qu’elle a coûté, ensemble des augmentations, dans trois ans du jour du décez de ladite femme.
Il n’est pas necessaire que le mary ait eu des enfans de sa femme pour avoir la joüissance de la part aux acquests qui appartient à la femme, cette espèce est fort differente du droit de viduité, car la femme n’a part aux conquests que par la grace de la loy ; le mary en êtoit le maître. et il pouvoit en priver sa femme, et c’est pourquoy la Coûtume luy donne cet usufruit, sans y ajoûter la condition contenuë en l’Article 382. mais il ne perd pas même cet usufruit lorsqu’il se remarie.
Les heritiers du mary ayant rétiré la part des conquests, qui a appartenu en proprieté à la femme, elle devient un propre paternel en la personne des heritiers qui la retirent, le droit qu’ils ont eu de la retirer leur est venu à droit successif du côté du mary ; mais si le mary l’avoit retitée luy-même durant son second mariage, ce seroit une nouvelle acquisition à laquelle la seconde femme auroit part, le droit et l’action change de nature en la main de ses heritiers : ainsi jugé e 22 de Février 1674. au Rapport de Mr Salet, entre le Bachelier et Malherbe.
Ces paroles ( la part des acquests ) doivent s’entendre en nom collectif, c’est à dire toute le part êchûè à la femme ; comme le mineur est tenu de reconnoître toute l’administration du tureur, ou de la repudier en tout, quand il se plaint de l’administration de son tuteuts gotam tutoris administrationem agnoscere tenetur, aut in totum repudiare, l. cum querebatur de administ. autrement il pourroit arriver que des héritages ayant été vendus cherement et les autres à bor marché, la garantie des uns étant bonne et des autres mauvaise, le mary et ses heritiers ne retireroient que ce qui leur seroit profitable ; il faut donc qu’il rembourse le tout, suivant l’Arrest donné sur ce fait le 19 de Juillet 1652. entre les hcritiers de défunt le sieur Abraham et Forest, heritiers de la veuve d’Abraham. Abralam avoit acquis une maison à Roüen proche la Ctosse, et deux autres en la rué Perchere ; aprés sa mort son heritier déclata qu’il vouloit rembourser suivant cet Article, à l’héritier de la veuve la moitié du prix et des augmentations de la maison située proche la Crosse : on soûtint qu’il étoit tenu de faire le retrait de la part entière de la veuve, la Coûtume n’ayant pas donné cette faculté au mary ou à ses heritiers de retirer seulement la part des conquests qu’il leur plairoit, et ces paroles ( la part des conquestsy comprennent tout ce qui appartenoit à la femme ; par l’Arrest l’heritier du mary fut debouté de son action, sinon en remboursant la moitié de tous les acquests.
Mais comme par l’Article précedent le mary doit joüir durant sa vie de la part de sa femnie, et que d’ailleurs par cet Article il est obligé, s’il le veut, de retiter cette part des conquests dans un temps fatal, comme son droit d’usufruit est favorable, il sembloit juste qu’il le pûti conserver nonobstant le remboursement qu’il feroit aux heritiers de sa femme : On a jugé neanmoins le contraire par l’Arrest rapporté parBérault , et peu auparavant la même question avoit été décidée, et Mr le Premier President fit avertir les Avocats qu’ils ne devoient plus en douter : Par ce même Arrest qui fut. prononcé le 28 de Février 1619. on agita cette autre question, s’il suffiroit de former l’action dans les trois ans, et si le remboursement devoit aussi être fait dans le même temps : L’Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre entre Christophs le Maître, appelant du Bailly de Gisors à Vernon, et Claude Hantier intimé, en interpretation de lArticle 352. de la Coûtume, sur la question, sçavoir si le mary ayant rétiré la part des conquests, ayant appartenu en proprieté à sa femme, le dernier jour des trois ans du decez, sans avoir fait aucun garnissement, étoit recevable à poursuivre ce retrait : Le Vicomte et le Bailly avoient declaré le mary non recevable, faute d’avoir rendu ou actuellement garni la moitié du prix des contrats. L’appelant disoit qu’il luy suffisoit d’avoir intenté son action dans les temps, qu’il n’étoit pas obligé de garnir un prix incertain, parce que sur les conquests il faloi remplacer le propre aliené avant toutes choses, et davantage que la Coûtume donnant au mary fusufruit des conquests sa vie durant, il auroit garni ou remboursé inutilement, et que s’il étoit obligé de le faire il faudroit luy payer finterest des deniers sa vie durant, autremen il acheteroit lusufruit qui luy est acquis par la Coûtume. L’intimé disoit qu’il faloit prendre la Coûtume en toute sa disposition, qu’elle donnoit pouvoir de retirer dans trois ans du jour du decez, qu’il ne suffisoit pas d’avoir intenté action, mais qu’il faloit necessairement avoir fait le retrait dans le temps ; davantage que la Coûtume portoit, en rendant dans les trois ans, co terme de gerundif emportoit une necessité précise de rendre et de rembourser actuellement dans Chassanée les trois ans. Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne, Article 1. Tit. des Retraits, interpretant ce mot sen rendant ) dit, prenez garde qu’il doit offrir le prix, et pour son refus, le consigner et mettre aux mains de la Justice ; aaverte quod offerre debet pretium, et ob ejus recusationem, consignare et deponere in manibus Justitiae : Que les termes de retirer et en rendant sont inclus dans ces termes, dans les trois ans du jour du decez de la femme, qui font voit clairement qu’il faut que le remboursement et le retrait soient faits et parfaits dans ce temps, que le mary ou ses heritiers ayent executé tout ce qui est requis par la Coûtume. Le terme de trois ans est assez long pour donner le loisir au mary de se preparer, et pour faire liquider ce qu’il faut rembourser ; c’est un terme legal qui ne peut être prorogé par qui que ce soit, et pas un Juge n’a pouvoir de le faire ; que pour le retrait lignager la Coûtume avoit exprimé qu’il étoit suffisant que laction fût intentée dans l’an et jour, encore que l’assignation échût aprés l’an et jour ; mais c’étoit une exception qui confirmoit la regle pour les cas non exceptez ; pour fusufruit du mary s’il s’en vouloit contenter, on ne luy vouloit point contrédire, mais s’il touloit acquerir la proprieté et lafsurer pour les siens, ou pour en disposer par vente, par échange ou hypotheque, il étoit obligé de rendre et de rembourser dans les trois ans, en quoy le mary peut faire un grand profit, parce qu’il est obligé de rembourser seulement la moitié du prix des contrats, et il peut revendre cette moitié davantage que ce qu’il a retité, les héritages ayant augmenté de prix depuis les contrats, et c’est pourquoy il ne peut prétendre d’interest de ses deniers ; et le mary allégue mal à propos que le prix qu’il faloit rembourser êtoit incertain. parce que la Coûtume le regle à la moitié du prix de ce que les héritages ont coûté, qui est certain par les contrats d’acquests. La Cour confirma les Sentences du Bailly et du Vicomte, et condamna lappelant aux dépens, et avertit les Avocats de ne douter plus en consultation de cette question, par Arrest du 2é de Février 16to. Ils ne sont pas tenus de rembourser rintegrité des conquests, quand le mary ou ses heritiers leur abandonneroient leur part, et leur en feroient un delaissement ; ce qui a été jugé par Arrest du 30 d’Aoust 1664 aubin le Cauchois étant mort sa veuve eut la moitié aux conquests, l’autre moitié et les propres furent partagez entre Jean et Guillaume le Cauchois, freres du défunt, 8 Françoise le Cauchois leur niéce, fille de Nicolas, autre frère du défunt. La veuve étant morte dans les trois ans, Jean et Guillaume le Cauchois formerent action pour retirer la moitié des conquests ; Loüis et Pierre Davaré, enfans de Françoise le Cauchois, offrirent aussi de rem bourser pour la portion que leur mere auroit euë en ces conquests : Les Cauchois les contredirent, disans que les actions en retrait se reglent comme les successions, que la succession aux cquests appartient au plus proche parent, et que puisqu’ils étoient les plus proches, ces arriereneveux étant hors le cas de la representation, ils n’étoient point admissibles à ce retrait.
Davaré répondoit qu’il ne s’agissoit pas de retrait, mais d’une faculté particulière donnée par la Coûtume au mary ou à ses heritiers, que cette faculté ne pouvoit subsister qu’en la personne de ceux qui avoient partagé l’autre moitié, et les droits étoient acquis ; or leur mere qui étoit vivante ayant succedé au mary et partagé avec eux, comme l’heredité comprend tous les droits et actions, celle-cy qui en étoit une avoit été transmise par elle à ses enfans, bien que l’action n’en eût pas été formée par elle, étant motte avant la veuve, mais qu’il suffisoit qu’elle eût le droit et l’action pour retirer l’ouverture de ce droit avenant, elle avoit eu droit à la chose, jus ad rem, et ses enfans ayant succedé à ce droit, ils de voient concurrer pour la part de leur mere : Par Arrest du 3 d’Avril 1635. tous les heritiers furent reçûs à retirer, plaidans Laloüel et Caruë.
Cerf, Procureur en la Cour, remboursa la part de la veuve, et aussi-tost il déposseda les ferniers qui demanderent leur dédommagement, à quoy le sieur Barbé fit condamner les heri-tiers par Sentence des Requêtes du Palais : Sur l’appel des heritiers, Pilastre leur Avocat, disoit que ce bail ayant été fait de bonne foy par des gens qui avoient droit de le faire, il étoit tenu de le souffrir, autrement la femme et ses heritiers n’auroient pas la liberté de joûir de leur bien, que la disposition leur en étoit permise, puisqu’ils en étoient véritables propriétaires, ue la faculté portée par cet Article ne les privoit pas de le bailler à ferme, et qu’en cas de étrait les heritiers du mary devoient le prendre en létat qu’il étoit, que leur condition êtoit pien meilleure que celle d’une doüairière, parce que le doüaire devoit finir necessairement un pour, mais il n’étoit pas certain si le mary ou ses heritiers voudroient se servir de la faculté qui leur est donnée par cet Article. Carue répondoit que les parties étoient comme des vendeurs et des acquereurs, que l’intimé tenoit lieu d’acquereur, qu’ainsi il n’étoit pas obligé d’en-tretenir le bail, puisqu’il pouvoit rembourser la part de la femme, la joüissance pleine et entiere luy en appartenant : Par Arrest en la Grand. Chambre du 30 de Juillet 1646. la Sentence fut cassee, et les heritiers déchargez du dédommagement.
CCCXXXIII.
Confiscation du mary ne préjudicie à la femme.
Avenant que le mary confisque, la femme ne laisse d’avoir sa part aux meubles et conquests telle que la Coûtume luy donne, comme si le mary n’avoit confisqué.
L’ancienne Coûtume êtoit dure et barbare : Quand le mary étoit confisqué pour crime, la femme êtoit privée de sa part aux meubles et acquests, elle perdoit même son doüaire ; voyez de laLande , Coûtume d’Orléans, Article 209. Et en lEchiquier tenu à Caen en l’année 1237. il fut dit que la femme que Thomas de Gorges avoit abandonnée, n’auroit point de dot, c’est à dire de doüaire sut la terre dudit Thomas, parce que ce Thomas qui étoit homme : lige du Roy son seigneur ; et en garnison, avoit livré le Château du Roy son Seigneur aux mains de ses ennemis, et s’étoit retiré en Angleterre contre le Roy son seigneur, quod relicta Thoma de Gorges non habebit dotem, de terra dicti Thome, cum ipse Thomas, qui erat homo-ligius Domini Regis, et in garnisione tradidit Castellum Domini Regis in manus inimicorum suorum, & abiit n Angliam contra Dominum Regem
Nos Loix sont devenuës plus humaines, et cet Article a terminé cette grande question, si par la confiscation du mary la femme êtoit privée de la part aux acquests ou à la communauté, a raison de douter étoit que le mary durant sa vie est le maître absolu des meubles et des acquests, mais cette puissance de pouvoir aliener et disposer doit s’entendre civilement ; ces alienations ne peuvent être faites que par des contrats, et sous ce mot de contrats les crimes et les délicts ne sont point compris, delicta sunt extra societatem, nulla horum societas : le mary n’étoit le maître de la communauté que durant sa vie, inter vivos. Or la confiscation n’avoit son effet que par la Sentence de condamnation, qui ne peut être mise au nombre des contrats Chassanée qui se passent entre vifs. Cette matière est traitée par Mi d’Argentré , Article 422. par Chassanée, des Droits appartenans à gens mariez, S. 3. Rubr. 4. l. Res uxoria, C. de donat. inter virum & uxorem :Loüet , l. C. n. 52.Chopin ,, l. 1. c. 7. n. 13. Coûtume Nivernois, Article 3. Tit. des Confisc.Pontanus , sur la Coûtume de Domanio Blois, Article 178. Puisque la com-munauté n’a point lieu en Normandie il seroit inutile de traiter cette question, si pour le crime de la femme sa part en la communauté peut être confisquée, et pour la question, comment l’amende et ses interests se reglent
Il faut neanmoins faire différence entre les confiscations où le délict commis empotte la mort naturelle et civil, en consequence dequoy la société est rompué, dissolvitur societas, ou bien cette confiscation ne détruit point la societé, mais elle se termine à quelque condamnation qui emporte quelque reparation ou la perte de l’héritage : Au premier cas de la mort naturelle et civil. e crime du mary ne blesse point les droits de la femme : Au second cas la femme perd la part qu’elle pouvoit avoir aux acquests ; par exemple, si le mary ayant acquis un héritage tombe en commise pour felonie, ou pour avoir desavoüé mal à propos son Seigneur, il est sans doute ue la commise a lieu, même au préjudice de la femme : C’est l’opinion dedu Moulin , Art. 43. laCoûtume de Paris , n. 88. Respectu conquestuum solius mariti negatio aut felonia facit feudum in totum & perpetuo commitii, et acquiri Patrono etiam in praejudicium uxoris, quia maritus constante matrimonio est pleno jure Dominus omnium conquestuum et non uxor, licet ipsa habeat dominium mediae partis in habitu sed infirmum et resolubile : Solus maritus fidelitatem prestare potest, capas fidelitatis, capax feloniae, ideo potest denegando Patronum, feudum amittere, quum hoc procedat magis ex natura et conditione rei huic oneri affecta quam ex punitione delicti.
La femme en prenant part aux meubles et acquests n’est point neanmoins obligée aux inte rests, comme il fut jugé en la Chambre de la Tournelle le 21 de Mars 1656. Samson, Maître de la Pomme de Pin, fut accusé d’avoir tué le petit-fils de fa femme, sorti d’une sienne fille, la mère de renfant avoit rendu plainte contre luy ; il moutut pendant l’instruction du procez, integri ctatùs ; on continua les procedures contre Samson son neveu et contre sa veuve, qui avoit moitié aux meubles et acquests : Elle s’en défendoit en vertu de cet Article et de l’Article 544. qui exempte les biens du mary des interests jugez pour le délict de sa femme, et par la même raison ceux de la femme ne pouvoient être obligez pour le crime du mary, ne uxor pro marito ; voyezLoüet , l. D. n. 22. que d’ailleurs elle étoit l’ayeule de l’homicidé, et qu’au defaut de la mere elle auroit elle, même poursuivi la vengeance de sa mort, et que l’on ne pouvoit sans cruauté luy faire payer les interests de la mort de son petit : fils.
Cloüet pour Samson soûtenoit qu’elle étoit dans les termes de cet Article, puisqu’il n’y avoit point eu de confiscation ; que l’accusé étoit mort integri statùs ; que ses heritiers avoient profité de sa succession, et la veuve avoit eu sa part aux meubles et acquests ; que c’étoit une dette de la succession à laquelle elle étoit contribuable comme à toutes les autres ; que les Arrests donnez dans les Coûtumes où il y a communauté ne faisoient point de consequence, au contraire ils étoient décisifs contre la veuve :Loüet , ibid. On ajugea définitivement main-levée à l’ayeule.
CCCXXXIV.
Acquests quand sont faits propres.
Tous acquests sont faits propres à la personne de l’heritier qui premier les possede à droit successif.
Suivant cet Article les acquests sont faits propres en la personne de celuy qui premier les possede à droit successif ; cette définition n’est pas bonne comme nous l’avons montré ailleurs : Par exemple, ce qui est retiré à droit lignager est propre quoy qu’il ne soit pas possedé à droit successif : On demande si en procedant au partage des biens d’une succession, et se faisant une licitation entre les coheritiers, si ces biens dont un coheritier se rend ajudicataire sont un cquest pour le tout, ou un propre seulement pour la part pour laquelle il est heritier en la chose licitée, quoy que le prix entier ait été payé aux autres heritiers pour les rendre égauxi Cette question est amplement traitée dans le second Titre du Journal des Audiences du Parlement de Paris, l. 3. c. 24. et il fut jugé que c’étoit un acquest pour la part qu’il n’étoit point heritier, et un propre pour la part seulement qui luy appartenoit comme heritier : on disoit qu’il faloit faire difference de ce qui étoit échû à titre de partage ou à titre de succession, que le partage étoit un contrat mixte, et que la pluspart des Coûtumes en parlant des choses qui nous étoient propres, parloient des choses qui nous étoient échûës à droit successif et titre d’heritier, et non point par licitation : Il semble que par cet Article les acquests ne cessent d’être acquests que quand on les possede à droit successif ; mais en la question proposée comme nous n’avons qu’une espece de propre, si la licitation n’avoit été faite qu’entre les coheritiers, et pour éviter l’incommodité du partage, j’estime que la portion des autres coheritiers ne seroit point un acquest. On peut bailler de l’argent au lieu de partage en essence alteri rem, alteri pretium, et quand cela se fait en procedant au partage, cela n’est point reputé un acquest, et il n’en seroit dû aucuns droits Seigneuriaux.
Du mariage de Hirard avec Agasse Coupé il sortit un fils qui fit des acquests, ausquels sa mere succeda ; aprés la mort de cette mere un parent de Hirard prétendit ces acquests, comme procedans de Hirard : Les heritiers de cette femme soûtenoient qu’il n’y avoit rien, étant devenus propres à ladite Coupé, et que pour y succeder il faloit être son parent et de son côté, ce que Hirard n’étoit pas ; le Juge de Vallognes avoit jugé pour Hirard, sur l’appel on caffa la Sentence, et ces biens-là furent ajugez aux soeurs de ladite Coupé, par Arrest en la GrandChambre du 30 de Juin 1651. plaidans Caruë et Dudit.
ARTICLE CCCXXVIII.
E N consequence de cet Article, qui porte que les seurs uterines de pere sont tantes paternelles de leurs neveux et niéces, et en cette qualité excluent les oncles et tantes maternels du défunt n la succession des meubles et acquests, un oncle uterin pretendit exclure la tante de pere et de mere en la succession des meubles et acquests de son neveu, et parce que l’Arrest qui fut rendu sur ce sujet en l’Audience de la Gtand : Chambre le 22 de Mars 1678. contient le fait et les raisons : Je le rapporteray en toute sa teneur.
EXTRAIT DES REGISTRES DE LA COUR DE PARLEMENT.
U vingt deuxième jour de Mars 1678. à Roüen en la Cour de Parlement : Entre Philippes Allix, cy-devant tuteur de défunt David Lucas fils ; Pierte demandeur en ajournement, suivant le Mandement de la Cour du 3i Octobre 1674. par luy obtenu pour être reglé de Juges entre le Vicomte de Gauray, pardevant lequel Anne Lucas sa mere et héritière dudit David Lucas l’avoit poursuivi, fait condamner à luy rendre compte de la gestion par Sentence du dernier jour d’Aoust audit an, et le Vicomte de Caen où David le Chapelain oncle uterin dudit défunt David Lucas, et se pretendant son heritier l’avoit aussi fait condamner à luy rendre compte par Sentence du vingt-deuxième dudit mois d’Octobre audit an, n’étant pas ledit tuteur obligé de rendre deux comptes en deux diverses Jurisdictions, obeissant neanmoins proceder devant Juge qu’il plaira à la Cour ordonner, comparent par Mr Guillaume Corbin son Procureur d’une part, ledir David le Chapelain ajourné en vertu dudit Mandement, et demandeur en Requête à ce qu’il soit fait droit au principal, present en personne, et par Me Gilles le Maître son Procureur d’autre parti ladite Aune Lucas pareillement ajournée sur ledit Mandement, et défendéresse de ladite Requête, comparente par Me Jean le Maignen son Procureur, encor d’autre ; sans prejudice des qualitez : Oüis Durand, Avocat pour ledit Allix, lequel a conclu aux fins de sondit Mandement, avec dépens sur celle des parties qui décherra de cause. Necl, Avocat pour ledit Chapelain, lequel a dit que s’agissant de la succession mobiliaire de David Lucas, neveu desdits Chapelain et Anne Lucas, oncle et tante en pareil degré, il doit preferer ladite Lucas par deux raisons, l’une que la Coûtume prefere les mâles aux femmes, étant en pareil degré, par l’Article 309. et l’autre que la pneference donnée aux paternels au prejudice des maternels par l’Article 310. n’exclud point ledit Chapelain, puisqu’au terme de l’Article 328. il est oncli paternel dudit David Lucas ; il est vray qu’Anne Lucas étant seur de pere et de mere de Pierre Lucas, père de celuy de la succession duquel il s’agit, elle est tante paternelle, au lieu que ledit Chapelain étant seulement frere uterin dudit Pierre Lucas, est oncle paternel maternel, mais le double lien n’est considéré dans la Coûtume de la Province : Quant à la poursuite faite entre esdits Allix fils et Anne Lucas sa mere, elle doit être blamée, et n’a été faite que pour le ubstraire de la Jurisdiction du Vicomte de Caen, Juge de la tutelle et du domicile du décedé et de son père, c’est pourquoy il conclud à ce qu’il plaise à la Cour, sans s’arrêter au Mandement en Reglement de Juges, faisant droit au principal, ajuger la succession dudit David Lucas audit le Chapelain, et renvoyer les parties proceder sur la reddition de compte devant le Vicomte le Caen, avec dépens. Le Quesne, Avocat pour ladite Lucas, lequel a dit que pour bien décider la cause, il faut sçavoir la Genealogie : Une femme nommée de Frestel a été matiée deux fois, elle avoir épousé en premieres nopces Gilles le Chapelain, dont est forti David le Chapelain partie averse, et en secondes nopces elle épousa Isaac Lucas, et de ce mariage sont sortis deux enfans, Pierre Lucas et Anne Lucas sa partie, et de Pierre Lucas est sorti David Lucas, de la succession mobiliaire duquel il s’agit, que ladite Lucas pretend luy apparteniru prejudice dudit le Chapelain, attendu qu’elle est la tante paternelle du défunt, et que ledit Chapelain n’est que son oncle maternel, suivant la disposition de l’Article 310. de la Coûtume, qui porte que les paternels preferent les maternels en parité de degré, sans faire aucune distinction. de sexe, parce que l’agnation l’emporte sur la masculinité, et c’est mal à propos que ledit le Chapelain veut icy appliquer l’Article 309. car il n’est que pour ceux qui sont sortis de même pere et mere : quant à l’Article 328. c’est aussi mal à propos que ledit Chapelain en veut inferer qu’il est oncle paternel dudit défunt, sous pretexte qu’il porte que les seurs uterines du pere sont tantes paternelles de leurs neveux et niéces ; car il porte que ce n’est qu’à l’effer d’exclure les oncles et tantes maternels, mais non pas pour priver les parens paternels comme est ladite Lucas, étant considérable que la Cour n’a jamais étendu les dispositions de la Coûtume en aveur des uterins au-de-là des cas singuliers exprimez en ladite Coûtume, c’est ce qui resulte de l’Arrest rendu en faveur des nommez Cavelier contre Charlotte Teodalle, par lequel la Cour a jugé que la fille du frere uterin ne pouvoit pas succeder comme auroit fait son pere vec le frère de pere et de mére : Par un autre Arrest rendu entre les nommez de l’Epiney et Bonnet, on a jugé que les enfans de la seur uterine ne pouvoient pas succeder avec les enfans de la seur de pere et de mere, ce qui est aussi décidé par l’Article 62. du Reglement de 1666. et la raison en est qu’en matière de Coûtume nunquam fit extensio de casu ad casum ex aritate rationis, ainsi la Coûtume ne s’étant point expliquée en faveur dudit Chapelain par aucune disposition particulière, et la question étant décidée en faveur de ladite Lucas par l’Arficle 310. la succession en question ne luy peut être contestée ; pour ce qui est de la procedure elle est dans l’ordre, ladite Lucas. et ledit Allix tuteur sont tous deux domiciliez sous la Vicomté du Gauray, quoy que le Juge de Caen fût le Juge de la tutelle, néanmoins ce n’étoit point une necessité de proceder devant luy, puisque par l’Ordonnance nouvelle on peut même onvenir d’arbitres pour la reddition de compte de tutelles, c’est pourquoy il conclud à ce qu’il oit dit, sous le bon plaisir de la Cour, faisant droit sur le Mandement et au principal, que la succession mobiliaire dudit David Lucas sera ajugée à ladite Anne Lucas, avec dépens, et que sur le compte les parties seront renvoyées devant le Vicomte de Gauray, et de Préfonsames Avocat General pour le Procureur General du Roy : LA C O U R faisant droit sur ledit Mandement, et principal trouvé en état de juger, a ajugé ladite succession à ladite Lucas, dépens compensez entr’elle et ledit Chapelain, et a condamné ledit Chapelain aux dépens. envers ledit Allix ; et sur le compte, renvoyé lesdits Lucas et Allix proceder pardevant ledit Vicomte de Gauray. Fait comme dessus.
Signé, SUARD, avec paraphe.