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CCCXXXVI.

Fiefs-nobles individus, en quel cas peuvent être divisez.

Tous fiefs nobles sont impartables et individus : neanmoins quand il n’y a que des filles heritières, le fief de Haubert peut être divisé jusques en huit parties, chacune desquelles huit parties peuvont avoir droit de court et usage, jurisdiction et gage-plege.

Les fiefs ne sont individus qu’à l’égard des mâles, mais entre filles ils sont tellement divisibles, qu’ils peuvent être separez jusques en huit parties. Nôtre Coûtume est encore au-purd’huy observée en Anglererre ; car les soeurs, au defaut des mâles, y succedent égaement au fief, apud Anglos sorores masculis deficientibus aequaliter in feudo succedunt ;Couvell . onstit. Instit. jur. Angl. l. 2. 5. n. 11. Elle s’est même établie en Ecosse : les fiefs s’y divisent entri illes, soit qu’elles foient nobles ou de condition rotutière, sive pater fuerit miles, sive soccoannus, c’est ainsi qu’ils appellent les Roturiers, et en Angleterre aussi, parce qu’ordinairement ls mettent la main à la charué ; c’est la même origine que nous donnons à nôtre mot roturier à ruptura, parce qu’ils rompent la terre, comme je l’ay remarqué plus amplement ailleurs. Il est vray qu’en Ecosse la fille ainée a cet avantage qu’elle retient le manoir principal, salus tamen messuagio capitali, c’est ainsi qu’ils ont traduit en Latin nôtre mot de menage, dont ils se servent en leur langue, comme aussi les Anglois.

La Coûtume permettant en termes generaux de diviser tous fiefs entre filles, on demande si les fiefs de dignité, comme les Duchez et les Paîtrres, les Marquisats et les Comtez, sont compris sous cette loy generale :

Par le droit des fiefs il n’y avoit que les grands fiefs qui ne pouvoient être divisez, comme les Duchez, les Comtez, et les Marquisats, c. 1. 8. praterea Ducatus, de prohib. feud. alien ver Fridericum, et Cap. 1. omnes filii, si de feudo defunct. controv. sit.

Plusieurs Coûtumes au contraire permettent la division des fiefs de dignité. Par celle du Touraine, au Tit. comment Baronnie se doit departir ; La Baronnie est indivisible seulement lorsque iné peut bailler recompense à ses puisnez en châtel ou châtellenie de la même succession.

Mais il y a grande différence entre les anciens Marquifats et Comtez, et ceux de nouvelle creation. Ces dignitez qui n’étoient point divisibles par le droit des fiefs, étoient au commencement des gouvernemens de Provinces et de Villes frontières ; mais aujourd’huy que ces dignitez ont perdu leur éclat pour être devenuës trop communes, et que le plus souvent elles sont attachées à des fiefs de peu d’importance, dont la mouvance est de nulle étenduë, et et droits Seigneuriaux tres-mediocres, il n’y a pas d’apparence de distinguer des autres fiefs ces Marquisats et ces Comtez de nouvelle creation, et de les excepter de la loy generale. établie par cet Article, que tous fiefs sont divisibles entre filles. Il faudroit changer l’ordre de partager les fiefs, vù les creations frequentes qui se font tous les jours de ces nouvelles dignitez, et cela seroit sans aucune raison. Il est vray que le Roy peut a-corder ces titres, mais en les accordant il n’entend pas déroger aux Loix et aux Coûtumes de chaque païs : que si nos anciennes Baronnies, dont les Seigneurs n’ont point eu cette vanité d’en changer les titres, bien qu’elles soient composées de grandes mouvances et de beaux droits Seigneuriaux, sont neanmoins divisibles, il n’y a pas d’apparence que contre la disposition si expresse de la Coûtume on attribuë ce privilege d’être individuës à ces nouvelles dignitez, qui n’ont rien qui les leve au dessus de la qualité ordinaire des fiefs que des Lettres du Sceau. L’ancienne Coûtume, au TItre de Partage d’heritage, parlant des biens qui ne sont point partables entre freres, compte les fiefs de Haubert, les Comtez et les Baronnies ; d’où il s’enfuit que les Comtez et les Batonnies, non plus que les Fiefs de Haubert, ne sont indivisibles qu’entre filles, et c’est aussi le sentiment deTerrien Terrien -

On ne peut approuver cette maxime, qu’en renversant entièrement l’ordre de partager que la Coûtume a établi entre les fiiles, elles ne partageroient plus également, car lorsque la succession seroit composée d’un seul Marquisat, elles seroient forcées de prendre leur part en deniers, et il ne seroit plus véritable que tous fiefs sont divisibles entre filles, puisqu’il se treuve n si grand nombre de Marquisats et de Comtez, et qu’il se fait encore tous les jours tant de pouvelles creations, qu’il ne resteroit que peu de fiefs où la disposition de cet Article pût voir lieu : mais sans renverser la Coûtume, lorsque ces Dignitez peuvent tomber à des filles, il est aisé de les conserver en aitachant la Dignité à une portion du fief, comme on a fait aux anciennes Baronnies. Il est vray que par Arrest donné en la Chan-bre des Enquêtes, au Rapport de Mr Scot, le 27 d’Aoust 1677. on cassa la Sentence qui deboutoit le sieur de Pirou de les Lettres de récision contre le partage, et l’on declata le Marquifat de Pirou indivisible, et l’on a entériné les Lettres de récision obtenuës par Me Claude de Vassi contre les partages qu’il avoit faits avec la Dame Comtesse de Creance sa coheritière, par : lesquels ce nouveau Marquisat avoit été divisé, mais cet Arrest ayant été donné par forclusion, il ne fait point de regle ni de décision.

Les fiefs sont divisibles entre filles, ils peuvent être encore partagez lorsque les enfans de ces filles, soit mâles ou femelles, viennent à la representation de leurs meres à la succession de leur ayeul ou ayeule ; mais la portion qui échet à l’une des filles ne se divise plus entre ses d enfans, s’il y a des mâles, suivant l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article 272. Par l’ancien a usage des fiefs les filles ne succedoient point, ils étoient toûjours dévolus aux mâles les plus proches, décendus de celuy qui avoit acquis le fief, Tit. de Success. feud. Cet usage fut aboli par l’Empereur Frederic pour les Royaumes de Sicile et de Naples, n’y ayant point de mâles, la fille succede tant aux fiefs qu’aux biens en bourgage : non extantibus filiis, filia succedit tam in feudalibus quam Burgensaticis, MatthausMatthaeus de Afflict . l. 3. Rubr. 26.