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CCCXXXVII.

Préciput de l’aîné aux fiefs.

Le fils aîné au droit de son aînesse peut prendre et choisir par préciput tel fief ou terre noble que bon luy semble, en chacune des successions tant paternelles que maternelles.1

avant que de traiter des prerogatives de la primogeniture, il ne sera pas inutile de donner la définition de la primogeniture : M Charles du Moulin la définit en ces termes, la primogeaiture est un droit de premier âge, et une compétence honoraire et utile attachée à l’ainés primogenitura est jus prioris atatis, honorificum et utile competens filio qui primus est in ordine nascendi, Article 13. de la Coûtume de Paris.

Les prerogatives de la primogeniture sont incomparablement plus grandes qu’elles n’étoient avant l’établissement des fiefs ; depuis ce temps presque toutes les Coûtumes donnent le fief entier à l’ainé, ou sameilleure partie d’iceluy ; il y a même des Loix qui affectent particulierement certains fiefs aux ainez des maisons, Spelmannus les appelle fiefs des premiers en naissance, feuda genearchica, parce que le chef et le premier auteur de la famille a voulu qu’ils demeurassent perpesuellement à l’ainé de la maison :Spelman , in verb. feudum. Les Espagnols les appellent des majorasques, et les Anglois des fiefs à taille, feudum talliatum.

Cette Coûtume qui permet à l’ainé de prendre un fief par préciput est fort ancienne en Normandie, et il y a beaucoup d’apparence que les Normans l’ont établie dans les Royaumes d’Angleterre, de Sicile et de Naples ; en Angleterre le fils ainé d’un pere noble succedoit seul au fief :Glanville , 1. 7. c. 3. Quand il est parlé dans les Constitutions Neapolitaines de certains peuples, chez lesquels on vit selon le Droit des François, in quibus vivitur jure Francorum, Il faut entendre ces paroles des Normans par cette raison, que les conquêtes des Normans ayant precedé celles des François dans les Royaumes de Sicile et de Naples, ils y ont aussi établi les premiers leurs Loix et leurs Coûtumes ; cela paroit par la conformité que ces Loix, qu’ils appellent Droits des François, jura Francorum, ont avec l’ancienne Coûtume de cette Province : MatthaiisMattaeus de Afflictis , en ses Constitutions Neapolitaines, l. 3. Rubrique 17. de adjutoriis pro militia, et en la Rubrique 23. de successione Nobilium, expliquant ce que c’est que succeder aux fiefs, jure Francorum, dit que c’est lorsque l’ainé succede seul aux fiefs, et qu’il n’est tenu de donner à ses puisnez que leurs alimens et un employ à la guerre, victum & militiam : Or cette Coûtume a beaucoup plus de rapport avec la nôtre qu’avec celle de France, qui ne donne pas au fils ainé le fief entier.Hottoman , in Controversia nepotis & patrui, a entendu ces paroles, jure Francorum, dans le même sens ; car rapportant une Lettre de l’Empereur Frederic Il. qui contient ces termes, qu’il reconnoisse immediatement le fief de nôtre Cour, vivant selon le Droit des François, sçavoir en ce que l’ainé ayant exclus ses puisnez succede au fief toûjours indivisible entr’eux, Castrum à Curia nostra immediatè recognoscat vivens jure Francorum, il ajoûte vivens jure Francorum, in eo videlicet quod major natu exclusis minoribus fratribus in Castro succedat inter illos nullo tempore dividendo : Il y a neanmoins cette difference que le pere ne pouvoit aliener au préjudice de son fils ainé ces espèces de fiefs où l’on vivoit selon le Droit des François, in quibus vivebatur jure Francorum.

Mais aujourd’huy suivant nos Usages le pere est maître de son bien, il peut non seulement en disposer, mais aussi en changer la nature jusqu’au dernier soûpir de sa vie, soit pour augmenter les droits de son ainé ou pour les affoiblir en faveur de ses puisnez ; et je ne sçay en uel lieu Me Charles du Moulin a lû qu’en Normandie il y a des fiefs qui sont tellement iffectez au droit d’ainefse que le pere n’en peut disposer, de feud. 5. 13. gl. 3. n. 3. Les fiefi étant devenus patrimoniaux comme les autres biens, l’on peut égalemennt disposer des uns et des autres, et le préciput que l’ainé choisit ne luy appartenant qu’à droit hereditaire, il est tenu de prendre la succession en l’état qu’il la trouve. Il y a de la difference entre la legitime et le préciput, celle-là ne peut être ôtée, parce que c’est un benefice de la loy, et c’est pouruoy on peut fort bien la nommer la legitime de la loy et non la legitime du pere ; mais le préciput n’appartient à l’ainé que quand dans la succession il se trouve des biens de la qualité requise pour donner lieu au préciput, et les alienations sont même reputées favorables lorsque le Godefroy pere rétablit l’égalité entre ses enfans, et qu’il ne le fait que par le motif d’une tendresse paternelle qui le porte à les cherir également : Godeftoy sur cet Article a tenu que le pere ne pouvoit vendre le fief au préjudice de son ainé, mais le contraire a été jugé de la sorte sur ce fait. Catherine de Moulins durant la maladie dont elle mourut échangea son fief de Berou contre huit acres de terre en roture avec le nommé le Franc, qui acheta le même jour le Domaine non fieffé moyennant sept mille livres constituées en cinq cens livres de rente, au profit de cette Demoiselle, qui retint la joüissance des choses venduës jusqu’à la S. Micheli elle mourut neuf jours aprés ces contrats, nonobstant lesquels Pierre Damours, son fils ainé. prit possession du bien, et obtint des Lettres de récision contre les contrats, comme étant rauduleux, et ayant été exigez de sa mere lorsqu’elle étoit à l’extrémité, pour le frustrer de son préciput, car elle n’avoit aucune necessité de vendre, et en effet elle n’avoit reçû aucun argent, et même elle étoit morte en la possession de son bien, et l’acquereur n’en étoit point entré en oüissance : Les puisnez se défendoient de la suggestion qui leur êtoit imputée par leur frere ainé, et qu’au surplus leur mere n’étant point interdite de disposer de son bien, leur frère ainé devoit prendre la succession en l’état que leur mere l’avoit laissée, que l’on ne pouvoit blamer l’intention qu’elle avoit euë de remettre les choses dans le droit commun, en rendant ses enfan égaux, et cette cause, ditdu Moulin , 5. 13. gl. 3. n. 23. par laquelle le pere a été mû à faire cela n’a pas été une haine injuste ou une fraude, mais un amour égal et une pieté envers tous ses enfans, convenable au droit et à l’équité naturelle, hec causa quâ pater motus est ad hoc faciendum, non fuit iniquum odium, vel fraus, sed aqualis amor et pietas in omnes liberos, juri et aequitati naturali conveniens. L’acquereur soûtenoit de son chef que ses contrats étant véritables et non simulez, l’ainé ne leur pouvoit donner atteinte par la seule raison de son interest : Par Arrest du 20 de Juillet 1629. sans avoir égard aux Lettres de récision, les contrats furent confirmez ; comme le pere peut ôter le préciput à son ainé en alienant le fief, il peut au contaire accroître son préciput par la reünion de plusieurs fiefs, et Me Jacques Godefroy sur cet Article s’est trompé, lorsqu’il dit que le pere ne pouvoit reünir ses fiefs au préjudice de ses puisnez qui étoient nez :

Du Moulin au lieu préallégué a été de ce sentiment, que si la vente êtoit faite dans la seule vûë de faire préjudice à l’aine, il seroit bien fondé à revoquer les alienations, soit qu’elles fussent faites à titre onereux ou lucratif ; mais si l’on fait consister la fraude en ce que le pere voulu affoiblir ou ôter entierement le préciput à son ainé, ce ne seroit pas un moyen valable pour aneantir la disposition du pere, et pour faire casser la vente que le pere auroit faite à un étranger à titre onereux, puisque d’ailleurs cette vente a eu pour motif l’égalité si convenable au droit commun et naturel.

Le pere ne pourroit pas neanmoins par une donation ou par un contrat de mariage faire des avantages aux puisnez au préjudice du droit primogeniture,Molin . de feud. 5. 13. gl. 13. n. 7. et sequent.Loüet , l. E. n. 7. Il n’est pas au pouvoir du pere de changer l’ordre de la nature, elle est maîtresse en ce point, et le pere est contraint de luy obeir, en conservant les droits de primogeniture à celuy auquel ils sont acquis incommutablement. Nous apprenons dans le Genefe que Joseph vit avec quelque déplaisir la preference que Jacob donnoit à Ephraim fut Manassé, et pour l’en détoutner, ou plûtost présumant qu’il le faisoit par erreur, il luy remontra que ce qu’il faisoit n’étoit pas dans l’ordre ; mais ce pere, dont les actions étoient conduites par des mouvemens secrets de la Providence luy répondit sagement qu’il n’ignoroit pas la Coûtume : ce fut par un semblable motif que David fit monter sur son Trone Salomon au lieu d’Adonias son ainé : Mais ces exemples ne font pas de loy, et nos Coûtumes ont établi des dispositions contraires.

Puisque le pere est le maître de son bien, et qu’il peut en changer la nature, si désirant rendre égale la condition de tous ses enfans, et pour éviter la vente ou un changement qu’il pourtoit faire de son bien, l’ainé renonce volontairement à son droit d’ainesse, cette renontiation sera-t’elle valable ; Plusieurs Docteurs l’ont estimée valable, parce que durant la vie de son pere ce droit ne luy est pas incommutablement acquis, il renonce seulement à une espérance que son pere auroit pû rendre vaine et sans effet, s’il n’avoit pas donné son consentement.

Mais quelque liberté apparente que le fils pût avoir, on doit toûjours présumer que cette renonciation n’a point été entièrement volontaire, car on ne présume jamais que l’on renonce sans quelque contrainte à l’esperance presque certaine d’un bien à venir ; ces renonciations sont. un effet de la crainte et du respect paternel : L’exemple d’Efaù ne doit point être imité, c’étoit un profane qui se rendit indigne d’une si noble prerogative, et même les circonstances de cette histoire marquent assez que cette cession n’étoit pas legitime, puisque Jacob obligea son frère de la confirmer par un serment solennel, jura mihi juxta hunc diem, suivant la Paraphrase Chaldaique, c’est à dire certâ et liquidâ, comme Fagius l’a remarqué dans ses Notes sur ce passage. Aussi il a été jugé au Parlement de Paris que bien qu’un ainé eûr quitté tout son droit d’ainesse en faveur de son puisné, pour luy procurer un marlage. avantageux, et moyennant de grands benefices que son pere luy avoit obtenus, toutefois cet ainé s’étant marié depuis, ses enfans furent reçûs à demander la part qui appartenoit à leur pere suivant les Coûtumes des lieux, nonobstant sa renonciation, le pere n’ayant pû luy ôter son droit de primogeniture, et tous les actes qu’il avoit faits au préjudice du droit non échû étant de nulle valeur, car bien que ce droit de succeder ne soit pas en être devant la succession dévoluë, et que ce ne soit pas encore un droit formé, toutefois n’étant pas un benefice du pere, mais de la loy, le pere ne peut l’ôter, le transferer ou diminuer, ou en disposer autrement au préjudice de l’ainé, soit entre vifs ou en sa derniere volonté, nam et si jus illud succedendi ante successionem devolutam non sit in esse, nec sit jus formatum, attamen cum non sit beneficium patris, sed legis, non potest à parre auferri, transferri, diminui, vel aliter disponere in orajudicium primogeniti, sive inter vivos, sive in ultima voluntate.Molin . de feud. 8. 13. gl. 3. n. 7. et sequent.Loüet , l. E. n. 7.

Il faudroit dire autrement, à mon avis, si le pere achetoit un fief sous la promesse solennelle de son fils ainé, de le partager également avec ses freres, car ce bien n’appartenant point auere, lon ne peut dire que lainé ait renoncé à un droit qui luy êtoit acquis, et n’étant acheté que sur cette assurance, il ne seroit pas raisonnable qu’il profitât de sa fraude et de sa mauvaise foy ; ces sortes de contrats d’un pere avec son fils ne doivent point être reprouvez, pourvû qu’il soit majeur, et que sa volonté ait été ontièrement libre : Il y a différence entre la renonciation à un bien acquis et possedé par le pere, et la renonciation à un bien que le pere ne veut acquerir qu’à cette condition ; au premier cas le pere ne peut changer l’ordre établi par la loy nais au dernier le fils n’est point reputé blesser son droit d’ainesse, lorsqu’il renonce à s’en prévaloir sur un bien que son pere n’auroit pas acquis, s’il ne l’avoit consenti de la sorte. l est vray que regulierement le temps de la mort du pere regle la loy du partage, mais cela ne se doit entendre que quand les enfans n’y ont point dérogé par des actions legitimes.

Mais bien que le ffils ne puisse renoncer à son droit d’ainesse durant la vie de son pere, n’a-t’il pas au moins le pouvoir de le vendre ou de le céder, pourvû que ce soit du consentenent de son pere ; Du Moulin a fait distinction entre le titre et le droit de primogeniture, et les effets de la primogeniture, inter jus ipsum primogeniturae in se, quoad titulum et honores primogeniturae et effectus primogeniturae, et il estime que le droit et l’honneur de la primogeniture ne pouvans appartenir qu’à celuy qui possede naturellement ce titre et cette qualité, ils ne peuvent être cédez ; mais quant aux effets du droit d’ainesse, comme le droit de prendre un fief par préciput, que l’ainé en peut disposer, mais il me semble que sans distinction, ces cessions ne peuvent valoir pour les mêmes raisons que les renonciations ont été reprouvées, car au lieu d’exiger une renonciation, on pourroit aisément dépoüiller un ainé de son droit d’ainesse par le moyen d’une cession.

Il est si mal-aisé de donner atteinte à ce droit d’ainesse durant la vie du pere, que ni l’avan cement de succession, ni le partage que les enfans en auroient fait, ne priveroient pas l’ainé de choisir un nouveau préciput, ou de ne le prendre point, si les choses ne se trouvoient pas au même état au temps de l’écheance de la succession, et que sa condition fût devenuë meilleure qu’elle n’étoit lors de l’avancement de succession : Le Forestier, sieur d’Ouzeville, ayant fait in avancement de succession à ses enfans l’ainé choisit un fief par préciput, mais un puisné étant mort avant le pere, lorsque la succession du pere fut ouverte l’ainé demanda à proceder de nouveaux partages, et l’affaire ayant été portée à la Cour, je soûtenois pour luy que tout ce qui s’étoit fait dutant la vie du pere n’étoit que provisoire, que les droits successifs ne devoient point être reglez suivant l’état où les biens êtoient lors de l’avancement, mais suivant leur condition au temps où la succession êtoit échûë, parce que la qualité d’heritier ne commençoit qu’à prendre son être, et les droits successifs ne devenoient incommutables que de ce temps-là. Maurry pour les intimez répondoit qu’en consequence de l’avancement de succession qui leur avoit été fait par leur pere, ils en étoient devenus propriétaires incommutables, et chacun des freres étoit si absolument maître de son partage, qu’il en pouvoit diposer avec toute iberté, de sorte que l’ainé ayant confommé son droit d’option et pris un préciput, il ne pouvoit plus varier ni renoncer à son choix pour rentrer en partage avec ses puisnez : Cette cause ayant été appointée au Conseil, par Artest, au Rapport de Mr de Brinon, l’ainé fut reçû à demander de nouveaux partages.

Aprés la mort du pere l’ainé peut renoncer au droit qui luy est échû et acquis, mais en ce cas de renonciation on a demandé si ce droit d’ainesse passe au second fils, ou s’il accroit aux autres frères : Par l’Article 310. de la Coûtume de Paris, et par l’Article 359. de la Coûtume n’Orléans, le droit et part de l’enfant qui s’abstient, et renonce à la succession de ses pere G mere, accroit aux autres enfans et heritiers, sans aucune prerogative dainesse de la part qui accroit.

Du Moulin , sur le Titre des Fiefs, Article 13. gl. 1. n. 27. et suivans, est de ce sentiment que tous les enfans y succedent également, et que le pere étant mort l’ainé peut renoncer à son droit d’ainesse ; mais il dit que ce droit ne passe pas alors au second fils, mais qu’il s’éteint entierement, et qu’il donne lieu au droit commun, mortuo patre renuntiare potest juri primogeniturae, an autem tunc transiret jus primogeniturae ad secundogenitum s Dico quod non, sed deficit omnino, et est locus juri communi. La raison est que la prerogative d’ainesse est artachée à la personne de l’ainé, qui se trouve le plus âgé et le plus habile à succeder lors de la succession échûé et celuy qui le suit ne se peut dire l’ainé lorsqu’un autre le precede, la qualité d’ainé n’étant pas considerée par la seule comparaison aux freres puisnez, mais par rapport à celuy qui se trouve le plus âgé au temps du decez du pere ; neanmoinsBrodeau , sur sur Mr Loüet, l. E. n. 7. cite un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il a été jugé que le droit d’ainesse n’accroit point à tous les freres, non accrescit singulis, contre la disposition de la loy unique, C. quando non pet. part. si de plusieurs heritiers quelques uns abandonnent la succession, leur portion accroit aux autres qui l’ont prise, si plures ex heredibus quidam omiserunt hereditatem, reliquis qui adjerint accrescit rllorum portio. Pour concilier les opinions contraires on fait cette distinction, que quand l’ainé renonce pour se renir aux dons qui luy ont été faits par ses pere ou mere, pour n’être pas obligé ddles rapporter le premier puisné ne succede point au droit de primogeniture, parce que l’ainé est présumé l’avoir eu par le moyen des avantages qui luy ont été fatis, et Brodeau au lieu préallégué estime que du Moulin vouloit restreindre son opinion en ce cas : mais si la renonciation est simple et gratuite, et que l’ainé s’abstienne sans aucun profit, le premier puisné succede au droit de primogeniture.

Pour décider cette question selon nos Maximes, lorsque lainé ne veut pas être heritier, et qu’il s’abstient de la succession, le second frère entre en sa place, car n’y ayant plus personne qui le précede, il devient sans doute le premier et le plus ancien, et celuy qui renonce n’a plus le titre et le rang d’ainé, si enim re et effectu caret, carere debet et nomine : cela ne reçoit point de difficulté en consequence de l’Artiçle 339. qui permet successivement aux freres de prendre des fiefs s’il y en a dans la succession ; car puisque lainé n’a pas seul ce droit de prendre préiput, et que le second et le troisième frere peuvent comme luy choisir un fief lorsqu’il y en dans la succession, ils ne peuvent être privez de ce droit par la renonciation de lainé, ce qui montre que ce droit de choisir un fief par préciput n’est pas un privilege personnel qui soit uniquement attaché à la personne de fainé, la Coûtume le communique à tous les freres lorsque la succession est composée de biens propres à faire ce choix.

Si au contraire fainé se déclare heritier, mais ne veut point choisir de préciput, le second frere n’est pas exclus de prendre un fief quand il y en a deux, mais en ce cas on peut distraire l un fief tel que lainé voudra choisir pour le remettre en partage ; que s’il n’y avoit qu’un fief, quand l’ainé s’abstiendroit de le choisir par préciput, le second frère ne le pourroit prendre, mais il seroit mis en partage avec les autres biens ; car la Coûtume n’oblige pas nécessairement l’ainé à prendre un préciput, elle laisse ce choix en sa liberté, comme il paroit par ce mot peut, ) ce qui est d’une pure liberté n’apporte pas de necessité, quod est merae facultatis non importat necessitatem : Si donc il renonce au privilege qui luy est donné par la loy, et qu’il consente que le fief entie en partage, le second frere ne peut se prévaloir de l’Article 339. mais s’il y en a deux il peut obliger ses freres d’en retenir un pour luy laisser le choix de l’autre pour l’éclaircissement de ces difficultez il faut faire cette reflexion, que l’intention principale. de la Coûtume n’a pas été de donner indispensablement un préciput à l’ainé, mais d’empescher la division des fiefs ; ce qui paroit par l’Article 330. où elle communique ce droit de préciput à tous les freres, lorsqu’il se trouve assez de fiefs en la succession, ce qui n’a d’autre motif que la subsistance et la conservation des fiefs en leur integrité : Il n’est donc pas véritable que le seul choix de l’ainé donne ouverture au choix des autres frères, ce droit leur appartient par la disposition de la loy toutes les fois qu’il y a plusieurs fiefs en la succession, cela est nettement décidé par ces paroles de l’Article 340. aprés le choix fait du fief ou fiefs. nobles par l’ainé ou par les ainez à droit de préciput : car cette disjonctive Cou ) marque clairement que les ainez peuvent de leur chef choisir successivement des fiefs, et que pour avoir droit de le faire il n’est pas necessaire que l’ainé ait choisi auparavant, autrement on se seroit servi de la conjonctive ( et et l’on auroit dit aprés le choix fait par l’ainé et par les puisnez, ce qui n’êtant pas, il faut tenir que les autres freres peuvent choisir des fiefs s’il y en a, quoy que leur alné ne l’ait point voulu faire.

Non seulement l’ainé peut renoncer à son droit de primogeniture, il peut aussi le vendre et le donner, mais pour donner effet à la vente et à la donation, son choix et son option doivent préceder, et il est necessaire qu’il ait declaré son intention ; il ne suffit pas en cette Province que le droit soit acquis et la succession échûë, car ce privilege est personnel et attaché à la personne, le préciput ne luy étant acquis qu’en vertu de son choix et de sa déclaration : Il est vray que du Moulin estime que si le contrat de cession portoit cette clause, que l’ainé vend son droit de préciput avec pouvoir de choisir, et que dés à present il accepte tout et tel choix qui sera fait par l’acheteur, en ce cas cette cestion est bonne, non pas en vertu du choix fait par acheteur, parce qu’il semble qu’il n’en a fait aucun, mais en vertu du choix fait auparavant par l’ainé, non virtute electionis factae per emptorem, quia nulla videtur per eum facta, sed virtute electionis dudum factae per primogenitum,Molin . de feud. 5. 16. gl. 1. n. 5. Mais quoy qu’il tienne qu’une procuration pour proceder aux partages suffise pour pouvoir opter le fief, il seroit necessaire, â mon avis, qu’elle fût expresse pour cet effet.

Il est donc certain parmy nous que la declaration d’option est requise pour donner effet à la cession qui en seroit faite, autrement elle deviendroit inutile si le cedant êtoit prévenu de la mort : la raison est qu’il n’est pas de ce préciput comme de celuy de la Coûtume de Caux, la Coûtume ne le luy donne pas absolument elle luy donne pouvoir de le prendre, de sorte qu’il ne luy est acquis qu’aprés avoir déclaré son intention et consommé son droit d’option ; il fut ainsi jugé en la Grand.-Chambre, au Rapport de Mr de Bethencourt, le 21 de Juillet 16x Toutes sortes d’ainez ne joüissent pas des prerogatives de la primogeniture, on en peut voir les exemples dans les Commentaires de Me Charlesdu Moulin , sur le Tit. des Fiefs, S. 13. gl. 1. E on met en ce rang celuy qui est legitimé par un mariage subsequent : Cet Auteur n’estime pas qu’il puisse préceder celuy qui est né en legitime mariage, parce que la legitimation n’a point un effet retroactif, mais cela n’empesche pas qu’entre ceux qui font legitimez de cette maniere l’ainé ne doive avoir tous les droits de la primogeniture.

On a même revoqué en doute si cette prerogative n’étoit pas attachée à la personne de l’ainé et si le fils de l’ainé ne pouvoit succeder au fiof au préjudice de son oncle ; La Coûtume ne sen est point expliquée en cet endroit, parce qu’elle l’avoit fait sur l’Article 2, 8. où elle a décidé que le fils de l’ainé a les mêmes avantages que son pere auroit eus.

Nos Docteurs ont traité cette question, à qui de deux enfans nez gemeaux, eodem partus Sans pouvoir discerner lequel est sorti le premier, on doit donner le droit d’ainesse Mr Cirier en a parlé dans son Livre de la Primogeniture, et du Moulin dans son Commentaire sur le Titre des Fiefs, 5. 13. gl. 1. Mais ces questions se décident plûtost par les circonssances particulieres du fait que par le point de droit : on doit avoir beaucoup d’égard à la déclaration des peres et des meres, lorsqu’il ne paroit rien de contraire, et sans en remettre la décision au sort comme veut du Moulin ; il me sembleroit plus à propos de laisser les choses dans le droit commun, et de les faire partager également.

Les imperfections et les defauts du corps ou de l’esprit, ne privent point du droit d’ainesse Zazius ceux à qui il appartient par l’ordre de la naissanoe ; Lazius et Mr Cirier ont été de ce sentiment, que cela ne doit point avoir lieu pour les Royaumes et les Principautez où l’interest de l’Etat, et du Gouvernement désirent que le plus capable soit preferé : Du Moulin au contraire estim que dans les Royaumes où l’on succede par le droit du sang, la foiblesse d’esprit n’est point un empeschement à la succession ; mais tous les Docteurs conviennent que l’imbecillité ou la fureur survenuë, depuis que la succession auroit été ouverte, ne pourroit servir de pretexte pour dépoüiller l’ainé de la prerogatiye dont il seroit en possession.

On prétend même que toutes sortes de fiefs ne sont pas susceptibles de ce droit d’ainesse et de préciput. On propose pour exemple les terres nobles du Domaine du Roy qui sont engaées. C’est une jurisprudence certaine au Parlement de Paris, que si le fief tenu par le pere êtoit du Domaine du Roy, engagé avec faculté de rachapt perpetuel fainé peut y prendre son préciput ; mais que quand le rachaps s’en fait, les deniérs doivent être rapportez pour être galement partagez entre les coheritiers, et on repute le prix du rachapt comme un pur et vray meuble, et que ce ne sont que simples deniers ausquels il ne consiste et ne se rencontre aucune qualité ni de fief ni d’immeuble, et que le pere n’a jamais été seigneur incommutable du fief. Le rachapt du Domaine étant perpetuel il empeschoit l’effet de l’alienation, laquelle êtant revoquée par une cause necessaire et dépendante de la nature de la chose même, et non de la volonté des parties, il étoit vray de dire qu’il n’y avoit eu aucune vente puisqu’elle étoit, esoluë par, une condition nécessaire, nulla fuerat venditio que sub necessariâ conditione resoluta cuerat ; Loüet etBrodeau , 1. D. n. 30. Tronçon etRicard , Article 13. de la Coûtume de Paris.

Nous n’en usons point de même en cette Province, et cette jurisprudence me semble pleine d’embarras et d’inconveniens.

C’est une maxime generale et certaine que pour regler les droits successifs, on corsidere seulement le bien que le pere a laissé au temps de sa mort, ea sola substantia spectatur, quai pater habuit cum moreretur, l. in duplicibus 79. ad legem falcid. & jus heredis, & vel maximè tempore respiciendum est quo adquirit hereditatem, l. si alienum in fin. de hered. institut. l. 6. dé suis et legitim. hered. Les choses qui arrivent depuis la succession échûë ne doivent point changer ce qui a été fait : Il est vray que le pere étoit seigneur du fief au temps de sa mort, et l’on convient que l’ainé peut le prendre par préciput ; il est vray que l’alienation êtoit revocable pour une cause nécessaire, le Domaine du Roy étant toûjours rachétable ; mais il peut arriver que le Roy ne retirera point, et en effet combien de Domaines demeurent engagez depuis plusieurs siecles ; et cependant seroit-il juste que la proprieté et la condition des biens demeurât incertaine : si la condition perpetuelle du rachapt suspend tellement l’effet de l’alienation qu’elle est considérée comme li jamais elle n’avoit été faite, elle doit pareillement empescher. qu’aprés la mort du pere lainé ne prenne le fief par préciput, car si le rachapt est mfaillible et indispensable, il seroit bien plus à propos de considerer ce Domaine comme un meuble, et regler le partage comme on le feroit au temps du rachapt effectif, autrement il faudroit souvent rompre tous les partages qui auroient été faits depuis l’engagement, si les freres pouvoient forcer leur ainé ou ses representans de rapporter les deniers du rachapt pour être par-tagez également.

On pourroit dire la même chose pour les rentes ; la faculté du rachapt perpetuel n’y est pas moins necessaire que pour les terres du Domaine, et même il pourroit bien être que les causes de l’alienation du Domaine seroient si importantes que la condition du rachapt perpetuel n’y seroit point employée, mais une rente constituée ne peut jamais valoir sans cette faculté de rachapt perpétuel ; ainsi lorsque le rachapt s’en feroit tous les heritiers aux meubles d’un défunt pourroient y prendre part, et neanmoins c’est un usage notoire et general que les deniers provenans du rachapt d’une rente constituée appartiennent à celuy qui l’a euë en son partage. Cette nécessité donc du rachapt n’est point considérable à l’égard des partages, lorsqu’elle n’est point executée elle laisse les choses dans l’ordre commun, et ne change point la nature du bien et les loix du partage, il ne rgourne pas en son ancienne cause, mais on le considere en l’état present ; non regrediti, n antiquam causam, sed in statu presenti consideratur, M d’Argent . Art. 219. gl. 6. n. 3. Et aussi durant ce temps les engagistes joüissent de tous les droits honotifiques et profitables, et il ne se peut alléguer rien de plus décisif que la distinction que cet Auteur fait, Art. 219. des Don. gl. 6. n. 4. car traitant cette question si les deniers procedans d’un retrait lignager fait depuis la mort du mary, sont meubles ou immeubles ; il refout qu’ils sont immeubles, par cette raison qu’il y a bien de la différente entre le nécessaire et le contingent : le necessaire est co qui contraint, le contingent est ce qui peut arriver, et ne pas arriver, necessarium est quod cogir, contingibile est quod potest evenire et non evenire : il en propose un exemple sen la vente faioe sous faculté de rachapt ; le vendeur peut user de cette condition s’il luy plaist, mus durant le temps qu’il ne s’en sert point l’héritage demeure à l’acquereur et passe à ses heritiers, et alors on ne peut pas dire que le prix de la vente soit dans les biens du défunt, fit-m. bonn defuncti : De sorte qu’il ne faut pas considerer ce droit anterieur, et cette faculté que l’on a de pouvoir retirer quand on ne s’en est point encore aidé : on doit seulement considerer l’état resent des choses lorsque l’on use de la faculté du rachapr, et que l’on fait le rembourfsement, car le cas arrivant de present montre en quel état est la chose ; mais la necessité ayant : son induction d’une cause antecedente, remet la chose au premier état qu’elle étoit au templs Me la cause ; car dans les choses contingentes et qui dépendent de la liberté, il ne se faitijamdis de etroaction, mais on les juge en l’état de present, nam cosus de presenti contingens ren igdieot : iu ro statu in quo est, sed necessitas ex causa antecedente inducta rem reponit in pristinum statum que fuit tempore cause ; namin his que veniunt à libertate contingentia nunquam fit rerractio, sed àpra senti statu dijudicantur. Il y a donc cette difference que ce qui se fait par necessité remet les choses en leur premier état pour ce qui arrive contingemment, de eo vero quid contingenter sccidit ; il faut prendre la chose en l’état qu’elle se trouve lorsque l’action est exercée, parce que la fin n’induit aucune nécessité dés le commencement, mais elle dépend du choix, cûm actus exercetur, quia finis nullam inducit necessitatem in principio, sed ab electione est On répondra que le Domaine du Roy ne pouvant être engagé qu’avec cette faculté d’un tachapt perpetuel, il y a une nécessité indispensable et perpétuelle d’en recevoir le rachapts mais cette nécessité ne régarde que le Roy, car à l’égard de l’engagiste il est toûjours contingent, si le Roy retirera ou ne retirera pas, et comme il peut arriver que le Roy n’usera pas de cette faculté, lorsqu’il s’agit de partage il ne faut pas remonter à la premiere cause, mais considerer les choses en leur êtat present.

Toutes ces raisons sont encore plus fortes et plus décisives pour les ventes à facnlté de rachapt ; car il est encore beancoup plus contingent, si le vendeur usera de cette faculté ou s’il n’en usera pas, et la necessité du rachapt n’est pas si absolué : Du Moulin est dans ce sentiment qu’en cas de rachapt il doit être divisé, non pas pour la quotité hereditaire, mais selon la portion que chacun a au fief, parce que véritablement ils revendent leurs portions, et le premiet sontrat est resolu par un nouveau, non pro quota hereditaria, sed pro portione quam quisque habet in feudo, quia vere portiones sum regendunt, et dissolvitur prior contractus per novum contractumiMolin . 5. 18. gl. 31. Suivant cela si tout le fief appartenoit à l’ainé il toucheroit tous les deniers Loüet du remboursement. On juge néanmoins le contraire au Parlement de Paris ; voyez Loüer etBrodeau , 1. D. n. 30. et I. V. n. 12. etGodefroy , Art. 294. Il est vray que le pere mourant lorsque la condition duroit encore, il n’en êtoit pas le seigneur incommutable ; mais comme il pouvoit arriver que le vendeur n’useroit pas de la faculté, il demeuroit cependant le veritable proprietaire et possesseur de la chose. Brodeau pour soûtenir la jurisprudence du Parle-ment de Paris, dit que ces ventes sous faculté de remere, bien que du commencement elles soient parfaites et non conditionnelles, néanmoins cette faculté étant executée dans le temps. limité le contrat vient à se refoudre, fingitur retro nullus ; cette vente étant proposée pour être esoluë on la considere comme un contrat pignoratif qui se refout en deniers, et c’est pourquoy il n’est point dû de lods et ventes de ce dernier contrat, comme ayant un effet resolutit p et retroactif dés Rn principe, et que les lods et ventes n’en sont point dûs. Il est vray que quand on retire en vertu de la faculté de femere, que le contrat ne subsiste plus et qu’il est refolu il n’est pas reputé nul, et les lods en sont dûs comme d’un contrat valable et parfait ; ainfi quoy que le vendeur rentre dans la possession de la chose venduë par voye de resolution, toutefois ce qui s’est fait et executé entre les heritiers du vendeur pendant qu’il a subsisté, ne doit pas être ancanti par la resblution du contrat qui arrive puis aprés.

Si le vendeur usoit du benefice de la l. 2. de rescind. vendit. et que les heritiers au lieu de suppléer consentoient d’être remboursez, je suivrois le fentiment dedu Moulin , qu’en ce cas l’aind ne rendroit pas la même part dans les deniers qu’il avoit dans le fief, et que ces deniers seroient partagez également, parce que ce n’est pas une nouvelle vente, mais une pure et volontaire resolution du premier contrat qui se fait de leur part, car ils pouvoient retenir le fief ; mais je ne croirois pas qu’il fût juste, comme lestimedu Moulin , que si les fteres vouloient sup pléer ils dûssent le faire également, mais à proportion du profit, pro moda emolumenti ; Molin J. 18. gl. 1. n. 32

Le même Auteur est d’avis que si le pere avoit acheté le fief de celuy qui n’en seroit pas le proprietaire, l’ainé en étant évincé, les interests de l’éviction et les denlers qui seroient restituez par le vendeur devroient être aussi partagez également, non pas à propottion du ief, mais à l’égalité de chaque action hereditaire, non pro portione feudi, sed aequalitate cujustiver actionis hereditariae,Molin . eodem ; et on ne peut pas dire la même chose comme pour les ontrats sous condition de remere, parce qu’en contractant l’acheteur en est le véritable propriétaire, tant qu’ils ne sont pas retirez ; mais quand le pere a acquis à non Domino, il n’a jamais eu de proprieté.

Le préciput que la Coûtume donne par cet Article à l’alné n’est pas un préclput et un avant : part, comme en la Coûtume de Paris, c’est sa pottion hereditalre, et en prenant ce préciput il est tenu d’abandonner à ses frères le reste de la succession, et c’est pourquoy il contribué aux dettes, pro modo emolumenti, et on ne peut former à cet égard cette question dont j’ay parlé sur le premier Article de la Coûtume de Caux, si le préciput est exempt de la contribution aux dettes : car puisqu’il prend le fief pour son partage, il doit contribuer à proportion de ce qu’il profite de la succession ; mais quoy qu’il soit contribuable generalement à toutes les dettes à proportion de ce qu’il prend, on n’a pas laissé de faire cette difficulté, si lorsque le fief étoit acquis par le pere, et que le prix en étoit encore dû, l’acquit de cette detté ne tombe pas à la charge de l’ainé seul, lorsque le fief entier luy demeuroit par préciput, sur out lorsque le fief étoit specialement obligé à la dette ; Suivant le sentiment dedu Moulin , Tître des Fiefs, s. i8. gl. 1. n. 11. l’ainé n’est tenu que pour sa part et portion hereditaire, de sorte que s’il y avoit quatre freres il n’en payeroit qu’une quatrième portion, quoy que le fief entier demeurât à son profit ; il en donne cette raison que c’est une charge de la succession à laquelle tous les biens sont affectez, elle ne regarde pas une certaine chose, ou les fa-cultez d’un certain lieu, mais le patrimoine universel, non respicit certam rem, vel facultates certi oci, sed universum patrimonium, l. si fideicommissum, 5. tractatum de judic. D. ce qui même auroit lieu, bien que par le contrat de vente on eût stipulé une obligation speciale sur le fief, parce que l’obligation personnelle s’y rencontre qui ne fuit pas la chose, mais la personne et la portion hereditaire, que non sequitur rem, sed personam, & portionem hereditariam. Bacquet a traité cette même question, Titre des Droits de Just. et la resout contre l’avis de du Moulin ; maisTronçon , sur l’Article 334. de la Coûtume de Patis, assure que l’opinion de du Moulin a prévalu au Parlement de Paris, et que l’on le pratique de la sorte ; voyez Brodeau sur Ms sur Mr Loüet, I. D. n. 16.Robert , Rer. jud. l. 4. c. 13.Chopin , sur la Coûtume d’Anjou, l. 2. p. 3. c. 5. n. 3.

Quoy que Mornac eût écrit sur la l. 1. C. si cert. pet. que l’ainé étoit seulement tenu pour se quore-part hereditaire, primogenitus tenebatur tantum pro quota hereditaria, néanmoins sur la l. in fundo de re. vend. D. il est d’un sentiment contraire, si le pere, dit-il, s’étant endetté pour acheter un fonds, il doit être payé par les fils heritiers, non pas selon les portions égales, comme la coûtume en étoit autrefois, mais à proportion du profit ; fi pater, inquit, coneracto axe aliei fandum emerit, dissoloendum est non ex aquis portionibus ut olim mos erat, sed pro modo emolument à liberis heredibus.

Nôtre usage est conforme en ce point, que la dette. creée pour l’acquisition du fief ne tombe point à la charge de l’ainé seul ; mais nous differons en cecy que l’ainé n’y contribué pas seulement pour sa portion hereditaire, mais à propottion du profit, pro modo emolumenti, de sorte que s’il n’y avoit que ce fief en toute la succession l’amé payeroit toutes les dettes, et les puisnez qui n’auroient que le tiers par usufruit ne contribuéroient qu’à l’interest d’un tiors : Il faut dire la même chose d’une rente que le pere auroit créée sur tous ses biens, mais à laquelle il auroit specialement obligé et hypothequé le fief pris par l’ainé, parce que l’on doit considerer le droit principal de lebligation, vu que c’est un principal et non pas une hypotheque qui n’est seulement qu’un accessoire, et il en est de même comme s’il avoit constitué le tout an profit du vendeur, quia jus principale obligationis debet artendi, cum sit principadle, non autem hpotheca que est tantum accessorium :Molin . 8. 18. gl. 1. n. 12. et is. Pour les charges réelles et les rentes foncieres elles le payent par la chose sur laquelle elles sont dûës, ibid. n. M. et m. 77. Le même Auteur dit que si quelqu’un avoit acheté un fief. à la charge d’acquiter. des rentes dont le vendeur êtoit redevable, cette rente seroit payée sur le fief, parce, dit-il, qu’il n’étoit point obligé personnellement, ce qui n’est pas véritable, car s’étant obligé d’en décharger le vendeur, il a contracté une obligation personnelle.

On conteste souvent à l’ainé qui prend on fief par préciput la consistence et l’étenduë. de son fief, et principalement pour les reünions. Nous avons vù ailleurs de quelle maniere les rotures se reünissent aux fiefs. Il fut jugé au Rapport de Mr Deshommets, en la GrandChambre, le 18 de Février 1669. qu’un seigneur feodal ayant acquis un héritage mouvant de son fief, à condition de remere, et cette condition ayant été venduë et depuis retirée par de Seigneur à droit feodal pour se maintenir en son acquisition, cet héritage devoit être paragé comme une roture et comme n’étant point reüni au fief, la condition de retirer à droit eodal n’ayant eu d’autre effet que de maintenir le Seigneur en sa premiere acquisition, qui étoit une roture, et n’ayant fait qu’empescher la resolution du contrat de vente, mais n’ayant point rendu l’héritage noble.

J’ay remarqué que ce préciput n’appartient à lainé qu’en vertu de loption qu’il en a faite ; il reste à sçavoir s’il peut varier et changer de sentiment, soit qu’il ait été trompé, ou que par erreur il ait fait son option, ou qu’une autre chose luy plaise davantage, sive quod deceptus fuerit, sive quod per errorem elegerit, sive quia res alia magis arrideat : Par la disposinon du droit cette option n’est pas irrevocable, lorsqu’elle a été faite par erreur ou par la fraude du coheritier ou des interessez, comme on lapprend par la loy Schphum et les suiv. de opr. leg. D. Par exemples si lainé avoit pris pour fief ce qui n’étoit que roture, ou qu’on luy en rétranchât quelque notable portion qu’il croyoit reünie, en ce cas il y auroit lieu à la restitution, et il a été jugé de la sorte, au Rapport de Mr Auber, le 4 de Novembre 1632. aprés le jugement d’un procez entre l’ainé et les puisnez, s’étant trouvé qu’une grande partie de ce que l’ainé prétendoit noble étoit roture, et que cela diminuoit notablement son préciput, il fut jugé recevable à enoncer au préciput qu’il avoit choisi : c’est aussi l’opinion dedu Moulin , que s’il a choisi par gnorance une maison de cense, il pourra choisir le Manoir feodal, si elegerit mansionem censuariam gnoranter, aliam poterit feudalem eligere, S. 16. gl. 1. n. 11. si aussi il avoit optâ un fief que le gere avoit acheté avec faculté de remere, si puis aprés il étoit retiré, pourvû que l’ainé eût gnoré cette condition, il pourroit faire une autre option, en restituant le prix qu’il a reçû du rachapr, restituendo pretium quod ex redemptione recepit, ibid. parce que la Coûtume qui donne cette prerogative à l’ainé veut qu’elle se fasse pleinement, et cum effectu, mais cela cessant, outefois et quantes que l’option attire avec soy l’execution on n’admet plus la variation, parce qu’il a consommé tout son droit, et la chose à même temps est devenuë sienne si tost qu’il a dit qu’il la choisit, hoc vero cessante quoties electio trahit secum executionem non admittitur variatio, quia jus omne primâ testatione quâ sumere se dixisset, consumpsit, res ejus continub fit simul ac dixerit eam sumere, l. apud Aufidium, de opt. leg. D. Lorsque l’ainé n’a point fait d’alienations on le reçoit assez aisément à renoncer au préciput qu’il a pris pour entrer en par-age, sur tout lorsque ce préciput se trouve moindre que le partage ; c’est une grace que à Coûtume a voulu luy faire, et il doit être en sa liberté de ne s’en prévaloir point ; estime néanmoins que quand les choses sont pleinement consommées, il n’y a point lieu au repentir et à la variation s’il n’y en a quelque cause favorable ; on le jugea rigoureusemen sur une choisie de lots faite par un ainé, entre Simon, sieur de Turqueville, heritier d’une sienne tante, et le sieur Chevalier de Turqueville son frère ; ce puisné avoit presenté des lots à l’ainé qu’il luy fit signifier dans la Sale du Palais, lequel choisit le premier lot par Exploit signé de luy et delivré à l’instant au puisné ; mais il se resilia et en demanda Acte devant un Commissaire qui renvoya les parties à l’Audience. Le puisné conclud que la choisie étant faite, l’ainé ne pouvoit varier sans se pourvoir par Lettres de restitution : L’aint oûtint que cet Acte n’étoit point parfait, n’ayant pas été fait en la presence de son puisné, et luy ayant aussi-tost declaré que par erreur on avoit mis le premier lot au lieu du second, il étoit encore en sa liberté de la reparer : Par Arrest du 2r de Juillet 1665. on déclara la choisie valable. Voyez l’Arrest de Mailloc sur l’Article 343

Par Arrest du 9 de Mars 1665. au Rapport de M’Salet, entre les nommez du Hamel, on ESPERLUETTEclara l’ainé non recevable à se relever du choix de précsput fait par son tuteur, dont il avoit joisi dix ans aprés sa majorité, depuis laquelle plusieurs puisnez étoient decedez, et bien que l’ainé fit plusieurs offres, on estima qu’il n’y faloit avoir aucun égard, qu’aprés dix ans les d relevemens ne pouvoient être reçûs, et que l’augmentation par la mort des freres puisnez ne devoit accroître qu’au cadet, les rotures n’ayant pas augmenté par la diminution de celuy qui pronoit le relevement.

Sur la question sçavoir si ce droit de choix et d’option passe aux heritiers ; le Jurisconsulte répond en la loy illud aut illud, de opt. leg. que cette faculté passe autant de fois qu’elle arrive à quel qu’un par son droit et à son nom propre, illam facultatem toties transire, quoties competit alicui jure suo et nomine proprio ; voyezdu Moulin , S. 16. gl. 1. n. 2. et 8. 43. gl. 1. n. 3.

Le fisc ou les creanciers n’auroient pas ce droit de préciput, si l’ainé êtoit mort sans passer son option, Article 345

Ce droit de préciput est trop avantageux lorsqu’il y a grand nombre d’enfans, et que tout e bien de la succession consiste en un fief : La Coûtume de Paris, Article 13. paroist plus équitable, elle ne donne pour préciput à l’ainé dans les fiefs que le Château ou Manoir principial : avec la bassecourt attenante au Château avec im peu de terre de l’enclos ou jardin oignant au Manoir, et elle le limite ou étond selon le nombre d’enfans ; mais quand il n’y a que deux enfans, la condition de l’ainé en devient meilleure, luy donnant les deux tiers du fief, Article 15. et s’il y a plus de deux enfans, l’ainé a la moitié, Article r6 ainsi le droit Romain. ugmente la legitime selon le nombre des enfans

Ce n’est pas le seul avantage que la Coûtume donne à l’ainé par cet Article, il peut prendre un fief par préciput en chacune des successions, tant paternelles que maternelles, ce qui s’etend foit loin, comme on l’apprend par cet exemple où l’ainé a eu préciput en la succession du pere et en celle de l’ayeule. Mre Gabriel, Comte de Mongommeri, avoit plusieurs fils ssus de son mariage avec Dame Susanne de Bouquetot, l’ainé prédeceda son pere, laissant des enfans ; aprés la mort du Comte de Mongommeri, la mere tutrice des enfans de l’ainé choisit par préciput la Comté de Mongommeri : Aprés la mort de la Dame Comtesse de Mongommeri, sa succession fut aussi partagée entre les enfans de l’ainé et leurs oncles ; la Baronnie d’Escouché demeura aux enfans de l’ainé : aprés leur majorité le frère ainé demanda par préciput en la sucression de la Dame Susanne de Bouquerot son ayeule cette terre d’Escouché, s’aidant de cet Artiele. Sur le contredit des puisnez, de laLande , pour le Comte de Mongommeri, disoit que par la Coûtume l’ainé a droit de prendre préciput en chacune des successions, tant gaternelles que maternelles, que sous ce terme de paternelles, au nombre plutier, la Coûtume avoit entendu celle du pere et celle de l’ayeul, qu’il pouvoit donc prendre un préciput dans charune, parce qu’elles n’étoient point confuses, la succession de leur ayeule ne leur étant chûé que long-temps aprés la mort de leur pere, en la succession duquel ils avoient fait option d’un préciput. Lyout prétendoit pour, les puisnez, que l’ainé n’y pouvoit venir que par la representation de son pere, et que par cette raison il faloit considerer ces deux successions comme une feule et même succession, et qu’aprés tout sa prétention étoit odieuse, et qu’il n’étoit pas juste d’admettre cette multitude de préciputs : Par Arrest en la Grand : Chambre du 2é d’Avril 1652. le préciput fut ajugé à l’ainé ; ainsi l’on jugea qu’il n’y avoit point de confusion, et que la reprefentation ne servoit à l’ainé que pour le degré. Cet Arrest est conforme à celuy de la Menardiere remarqué par Berault sur l’Article 347. Parmy les Hebreux lainé avoit une double portion, c’est à dire s’il y avoit trois freres on faisoit quatre lots, dont Painé en avoit deux ; ; mais cette double portion ne luy êtoit dûë que sur les biens du pere, et dans ceux de la mere il partageoit également avec ses freres.Selden . de Success. ad leg Hebraor. c. 6.

Quand une succession échet à partager par souches, on demande aprés les partages faits, s’il y a plusieurs enfans de l’ainé, si l’ainé d’iceux peut choisir le lot où il y aura un fief qu’il prendra puis aprés par préciput, ou s’il peut en être empesché par fes puisnez : On dit en leur faveur qu’étant également heritiers, ce choix se doit faire à la pluralité des voix, n’étant pas uste que l’ainé choisisse un lot qui ne sera composé que d’un fief, lequel il prendra par préciput, par ce moyen les puisnez seront privez de tout le benefice de la succession ; c’est neanmoins un usage certain que l’ainé a ce droit à l’exclusion de ses cadets, de choisir un lot en une succession collaterale et commune pour y prendre un fief par préciput, suivant un ancien Arrest du Is de Juin 1595. entre Antoine de Mathan, sieur de Vaine, fils ainé de Joachim de Mathan, heritier en partie de feu Pierre de Mathan, appelant et demandeur, à ce que suivant la Coûtume et déclaration par luy faite, il luy fût permis de prendre par préciput, à la representation de son pere, sur l’ancienne succession de défunt Pierre de Mathan le fief de Pierre-Fite, ou tel autre fief qu’il voudra, sans préjudice de sa part aux acquests, et Nicolas de Mathan son frere puisné, appelant de ce que le droit de préciput auroit été ajugé à son préjudice audit sieur de Vaine, et au principal demandeur pour être reçû en partage tant au propre que conquest, en la place d’Adrien et Robert de Mathan ; et Me Joachim de Mathan Conseiller en la Cour, et Jacques de Mathan frères, enfans de feu Me Georges de Mathan, fils puisné en ladite succession, et au principal demandeur pour être envoyé en la possession de l’un des deux lots faits de ladite succession par leur pere, à faute par les parties de vouloir proceder à la choisie d’iceux La Cour ordonna que les lots presentez par feu Gcorges de Mathan demeureroient en l’étai qu’ils étoient, sur l’un desquels ledit Antoine de Mathan prendroit son droit de préciput te qu’il aviseroit bon être, et pour demeurer le surplus dudit lot audit Nicolas de Mathan son frert puisné, et l’autre lot demeurer pour non choix aux enfans dudit feu Georges de Mathan.


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L E Lecteur aura vû sur l’Article 338. un Arrest, par lequel l’ainé qui a pris preciput est exclus de prendre part aux Offices ; cette jurisprudence n’étant pas au goust de plusieurs les Juges, ils prirent occasion d’y donner atteinte en jugeant un procez d’entre Charles Tharel, sieur Dalo, Conseiller Secrétaire du Roy, appelant de Sentence renduë aux Reque-

tes du Palais à Roüen le 30 de Juillet 1676. par laquelle entr’autres choses, sur la recompense demandée par Jacques Tharel, sieur de Navarre, audit Dalo, son frère ainé, de la valeur du prix de ladite Charge de Conseiller Secretaire du Roy du College des cent : vingt Gagez, donnée audit sieur Dalo lors de son mariage par Loüis Tharel, sieur Domonville, oncle paternel des parties, il avoit été dit qu’avant de faire droit ledit sieur Dalo bailleroit audit de Navarre état des biens immeubles que ledit Domonville leur oncle commun possedoit lors de dadite donation, pour ce fait être ordonné ce qu’il appartiendroit, d’une part ; et le sieur de Navarre intimé en appel, d’autre part. Les raisons alléguées par ledit de Navarre, demandeur ors de ladite Sentence, étoient qu’étant ledit Dalo et luy presomptifs heritiers du donateur, equel étoit frère ainé de leur pere, ladite donation devoit être reputée un avancement indirect fait audit Dalo au prejudice dudit de Navarre, et partant sujette à rapport ainsi que les autres vancemens à luy faits par son traité de mariage, et quand même elle ne passeroit pas pour in avancement indirect, il est certain qu’il n’y auroit pas lieu de la confirmer, vû qu’elle seroit excessive et faite au-de-là des termes de la Coûtume, attendu que ladite Charge valoit plus de quatante-cinq mille livres au temps de la donation, laquelle somme excedoit de beaucoup le tiers des biens dudit Domonville donateur, quand même elle n’auroit pas été défectueuse, d’ailleurs outre qqu’elle n’avoit point été insinuée, ce qui la rendoit nulle, et concluoit par. toutes ces raisons que, sans avoir égard à ladite donation, ledit Dalo devoit être condamné de luy restituer la moitié du prix de ladite Charge, sur le pié dont il en a disposé, avec interest du jour de ladite pretenduë donation, ou du moins du jour du decez d’Antoine Tharel, pere commun des parties.

Ledit Dalo défendeur soûtenoit au contraire qu’il n’étoit pas vray que ledit de Navarre ni luy fussent presomptifs heritiers du donateur, qui a vécu encor huit ans depuis ladite donation, et duquel Antoine Tharel leur pere commun devint heritier en fannée 1648. et posseda la succession un an entier, n’étant décedé qu’en l’année 1649. sans avoir jamais pensé à se plaindre de cette donation, quoy qu’il fût le seul qu’y eût eu la qualité de reclamer contre icelle, si elle eût été excessive ou faite contre les formalitez prescrites par la Coûtume, et partant que ce n’est point le cas où lon puisse trouver un avancement indirect, puisqu’il n’ont point été heritiers du donateur, mais bien ledit Tharel leur pere commun, qui n’a jamais contredit la dona tion, comme en effet il n’y en avoit pas de pretexte, et il est inoûi qu’on vienne trente-six Sans aprés demander raison audit Dalo d’une Charge qui a changé deux fois de main depuis ce temps-là, et a été autant de fois purgée par le Sceau de toutes hypotheques, sçavoir lors des Provisions qu’en obtint ledit Dalo en tannée 1é40. en consequence de ladite donation, et en ayant disposé vingt-deux ans aprés il. y eut encor nouvelles, Provisions expediées il y a prés de quinze ans sous le nom : du Tresignataire dudit Dalo, sans aucune opposition au Sceau de la part dudit de Navarre ; et par cette nuison seule fondée sur la maxime et la regle du Sceau, qui est certaine et universelle par tout le Royaume, on peut dire qu’il y auroit double fin de non recevoir à la demande dudit de Nayatre faute par luy d’avoir opposé aux Provisions, outre qu’étant une action mobiliaire et pprsonnelle, cile a dû être intentée dans les trente ans, ce qui n’ayant été fait qu’aprés plus-de trente-six ans, ledit Dalo pretend être bien fondé à alleguer la prescription, et sans prejudice de faquelle il n’entend pas demeurer d’accord que la valeur de ladite Charge au temps de ladire donation fût de quarante-cinq mille livres, justifianturer, contraire qu’elle ne valoit pas alors plus de vingt mille livres, ce qui doit demeurer constant par deux concordats de Charges de-pareille-nature venduës à peu prés dans le même temps, l’une au sieur Vaignon en lannée 1636. c’est à dire quatre ans avant ladite donation, par vingt : mille livres seulement, l’autre au sieur Becquet, sieur du Mélé, en l’année 1650. par vingt. quatre mille livres, et dans l’intervalle de ces deux ventes l’on avoit payé deux taxes, montant à prés de six mille livres, pour joüir des augmentations des droits du Sceau, ce qui fut cause apparemment que le prix de ladite Charge haussa de quatre mille livres, et ces concordats étant passez devant les Tabellions, ne peuvent pas être revoquez en doute, et ledit de Navarre n’en peut pas disconvenir, puilqu’il n’allégue et ne produit rien qui soit contraire, et c’est pourquoy bien loin que le prix de ladite Charge excedat le tiers des biens du donateur, elle n’en faisoit pas la cinquième partie, ce qu’il osfroit prouver par Experts, outre que ladite Charge étant un acquest en la personne du donateur, il en pouvoit disposer ; au reste il n’étoit pas vray que ladite donation n’eûr point été insinüée, paroissant au contraire d’une insinûation dans toutes les formes requises du traité de mariage dudit Dalo, dans lequel ladite donation étoit comprise, comme faisant partie d’iceluy, et partant ledit Dalo concluoit à être déchargé de ladite demande, avec dépens.

Il est certain que toute la question du procez rouloit sur ces deux points, si le sieur de Navarre avoit action pour demander le rapport du prix de l’Office, et si quand il auroit pû faire cette demande, l’action en étoit prescrite : Il ne s’agissoit aucunement de sçavoir si l’ainé qui a pris preciput pouvoit prendre part à l’Office, et le sieur Dalo même ne contestoit pas que l’Office ne fût un immeuble, il pretendoit seulement que n’étant tenu d’en rapporter le prix, c’étoit une action mobiliaire ; cependant ceux qui vouloient renverser l’Arrest qui prive l’aîné ayant pris preciput d’avoir part aux meubles, furent d’avis de reputer les Offices. meubles entre coheritiers, en quoy faisant l’ainé ne seroit point exclus d’y prendre part, et en consequence, comme il est permis à celuy qui n’a point d’enfans de donner tous ses meubles, on cassa la Sentence, et le sieur Dalo fut déchargé de rapporter le prix de l’Office, comme étant un meuble, par Arrest en la Grand. Chambre du 14 de Mars 1678. au Rapport de M Boulaye ; il ne passa que de deux voix, et ceux qui liront l’Arrest ne remarqueront pas que la question generale ait été décidée, parce qu’il ne s’en agissoit pas, mais on pretend qu’elle l’a êté en declarant les Offices meubles entre coheritiers.

FIN.