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CCCXXXVIII.

Préciput exclud du reste de la succession.

Et au cas que l’aîné choisisse ledit fief-noble par préciput, il laisse le reste de toute la succession à ses puisnez.

Bien que cet Article déclare en termes generaux que l’ainé en prenant un préciput laisse le reste de toute la succession aux puisnez, il faut neanmoins en excepter les meubles, ausquels il prend une part égale avec ses puisnez.

Depuis la reformation de la Coûtume les Offices sont devenus une espèce d’immeuble. leur importance et leur valeur a fait douter, si on devoit les comprendre dans cet abandonnement ue l’ainé prenant un préciput noble est tenu de faire du reste de toute la succession, ou s’il pouvoit y prendre part : La question s’offrit entre les heritiers de Me Jean le Bas, Referen daire en la Chancellerie de Roüen ; elle fut partagée en la Grand-Chambre, au Rapport de Mr de Fermanel, départie sur le champ en la Chambre des Enquêtes : L’ainé avoit pris la terre noble de Breville par préciput, et laissé le reste de toute la succession à ses puisnez, et il prétendoit que la Charge de Referendaire devoit être déclarée immeuble, qu’il étoit des Charges. comme des rentes constituées, que par fiction de droit on avoit declarées immeubles, quoy qu’elles fûssent meubles de leur nature, parce que les deniers qui les composent sont puts meubles, à qui il a falu attribuer les droits et les qualitez ordinaires des immeubles pour leur faire tenir rang d’immeubles dans les actes et les contrats de la societé civil ; il est vray neanmoins qu’elles ne sont pas devenuës si absolument immeubles qu’elles n’ayent encore retenu quelque chose de la condition des meubles, c’est à dire de leur première nature, n’étant point qujettes au retrait lignager, et n’ayant point de suite par hypotheque quand elles ont été rachetées.

Qu’il faloit dire la même chose des Charges, qui étant de pures fonctions personnelles étoient par leur nature de véritables meubles, lesquelles pour rinterest et pour le bien des familles on voit declarées immeubles, qui n’étoient point susceptibles de l’action en rétrait non plus que les rentes constituées, et que lorsqu’elles étoient passées aux mains d’un autre, si l’on nes’ôtoit opposé au Sceau elles n’auroient aucune suite par hypotheque, ainsi qu’elles n’étoient pas tellement mmeubles qu’elles ne retinssent toûjours quelque qualité de leur première nature de meubles.

Qu’elles n’étoient immeubles que par fiction, et que comme pour le bien des familles et pour des causes particulieres on les avoit declarées immeubles, en certains cas aussi pour le bien les mêmes familles, il les faloir declarer meubles en quelques rencontres.

Que pour faire un discernement juste sur cette matière, il faloit penetrer dans l’esprit de la Coûtume qui doit être la regle de toutes nos décisions.

Que par l’Article 337. l’ainé a droit de prendre préciput dans les successions patemelles et maternelles, et que lorsque la Coûtume fut reformée, les Charges n’étoient pas d’une telle consideration qu’elles pussent donner atteinte aux préciputs, et par cette raison qu’il n’est pas étrange que l’on n’ait point fait de décision expresse et précise sur cette matière ; mais aujourd’huy que l’ambition en a fait le bien le plus precieux et le plus considérable des familles, et qu’il y a peu de préciputs qui puissent marcher de pair et égaler leur valeur, il étoit necessaire de trouver quelque temperament pour empescher que les enfans ainez des Officiers ayant employé la meilleure partie de leur bien en achapt d’Offices, soient reduits à cette facheuse necessité, ou de demeurer à leurs préciputs, ou d’abandonner ces Offices qu’ils auroient remplis dignement en suivant lexemple de leurs Prédecesseurs : Cette prudence qui a porté les Juges à declarer les Offices immeubles à l’égard des veuves, les engage pareillement à se conformer à l’esprit de la Coûtume, à les tenir pour meubles entre coheritiers, afin de ne détruite point le droit de préciputs dont la Coûtume a voulu favoriser les ainez, comme étant les chefs des familles, ceux qui en doivent avoir les principales prerogatives et les marques d’honneur les plus éclatantes.

Qu’en faisant les Charges immeubles, ou il faut qu’ils renoncent à prendre part dans les Charges qui est la portion la plus ardamment désirée, ou qu’ils renoncent à prendre préciput, qui est les priver d’un avantage que la Coûtume leur donne, qu’en ln et en l’autre cas c’est leur faire une injure ; il est donc juste entre coheritiers, pour ne choquer point la Coûtume, de les mettre plûtost dans le rang des meubles que des immeubles.

Les puisnez au contraire representoient qu’encore qu’autrefois cette question eût été problenatique, aujourd’huy elle ne pouvoit plus recevoir de difficulté aprés tant d’Arrests qui avoient déclaré les Offices immeubles, sans aucune distinction des personnes ; il est vray lorsque ce n’étoient que de simples commissions on les reputoit meubles, mais depuis qu’ils étoient devenus hereditaires, et que la vanité les avoit fait monter au prix excessit où ils sont maintenant, qu’on les avoit toûjours déclarez immeubles, que c’étoit la jurisprudence du Parle-ment de Paris et de tous les autres Parlemens de France.

Que par nôtre Coûtume, à l’égard du tiers des enfans, et à l’égard des veuves, on les jugeoit pareillement immeubles.

Que la difficulté que l’on vouloit former entre cohetitiers n’étoit qu’en consideration qui les ainez pourroient être privez de leur préciput si cette doctrine avoit lieu, et que c’est ur avantage que la Coûtume leur a voulu faire, dont il n’est pas juste de les priver.

Mais il est fort aisé de répondre à cette objection : Premierement, qu’il y auroit quelque chose d’étrange de faire qu’une chose fût meuble et immeuble : En second lieu, que la jurisrudence de tous les Parlemens de France étant uniforme en ce point, il n’y a pas d’apparence d’établir une doctrine particulière dans ce Parlement, que le pretexte de la ruine du préciput, l’est point considérable, et ce n’est qu’improprement qu’on l’appelle ainsi ; car qui dit preciput, dit une avant-part exempte de toute sorte de charges, tant que le reste de la succession les peut porter ; c’est un droit qui appartient à l’ainé privativement à tous les autres, et qui ne se leve amais qu’une fois dans une succession-

Or nous n’avons rien de semblable dans nôtre Coûtume, de sorte qu’il est vray de dire que nous n’avons point de préciputs dans nôtre Coûtume ; par la Coûtume generale et par celle de Caux l’ainé peut choisir un fief, non pas comme un préciput qu’il ait droit de prendre mais à cause des fiefs qui de leur nature sont indivisibles, de sorte qu’ayant le droit de choisir de premier, il les prend sans en faire part à ses coheritiers et à ses freres, parce qu’il ne les seur diviser et partager avec eux, et pour montrer qu’ils n’ont pas les fiefs à droit de préciput, à faudroit admettre plusieurs préciputs dans une même succession, ce qui est contre la nature les préciputs ; davantage ceux qui prennent les fiefs contribuent aux mariages des filles, et à ontes les autres charges de la succession à propottion de leur valeur, à quoy ils ne seroient pas sujets si lesdits fiefs leur tenoient lieu de préciput.

Le Manoir roturier que nôtre Coûtume donne aux ainez par préciput ne peut non plus asser pour préciput, car outre qu’il est sujet à toutes les charges de la succession, l’ainé ne l’a qu’à condition d’en faire recompense à ses puisnez

Le préciput en Caux est pareillement sujet aux mariages des filles, et aux autres charges de a succession, et par consequent à proprement parler il ne peut passer pour ptéciput.

Mais quand la Coûtume en consideration des charges qui tombent aux ainez, et à cause de leur prerogative d’ainesse, auroit voulu leur faire quelque avantage, il est certain neanmoins qu’elle n’en a pas fait une necessité, puisque dans une infinité de successions il n’y a aucun préciput ; au contraire elle en a laissé la liberté entiere aux peres en leur permettant la libre disposition de leurs biens, et de les mettre en telle nature que bon leur semble, en sorte qu’un pere qui a une terre considérable n’est pas privé de la vendre, si bon luy semble de l’ameublir, ou de l’échanger contre une roture, et de rendre son bien également divisible entre ses enfans ; ce sont des graces que les ainez doivent attendre de leurs peres, et non pas des drous qui leur soient dûs et incommutablement acquis dans leurs successions, et l’on peut dire que quand les peres laissent de ces sortes de biens où leurs ainez ont quelque avantage, ils ont bien voulu se servir des moyens que la Coûtume leur fournit pour les favoriser, mais quand ils ne le font pas, on peut dire aussi qu’ils ont usé de la liberté que la même Coûtume leur donne de ne le pas faire.

Et comme un ainé qui ne trouve pas dans la succession de fiefs assez confidérables pour les prendre à droit d’ainesse, ni de manoir rotutier, ni de préciput en Caux, ne peut pas dire que son pere fût obligé de luy laisser dans sa succession ou un fief ou un manoir roturier, ou un préciput en Caux ; sa plainte seroit aussi mal fondée s’il prétendoit que son pere ne pouvoit pas en user de la sorte, en achetant un Office d’un prix considérable pour le priver de prendre un fief par préciput : Il reste assez de moyens à un père de faire des avantages à sonainé, quand il a cette intention, il peut de son vivant luy vendre la Charge ou acquerir en des lieux où l’ainé aC peaucoup de prerogatives : Par Arrest du S d’Aoust 1660. les Offices furent jugez immeubles, et en consequence les ainez qui prennent préciput privez d’y avoir part. Il passa à l’avis de Mr de Fermanel Rapporteur, Mr de Boivin-Montmorel Compartiteur, êtoit d’opinion qu’on jugeât les Offices meubles, pour donner moyen aux ainez de prendre un préciput. La plus forte raison de l’Arrest fut que l’ainé n’avoit rien aux rentes constituées comme étantimmeubles, et puisque les Offices tenoient aujourd’huy la même nature, il faloit les mettre au nombres des biens que l’ainé est obsgé d’abandonmer en consequence de son choix C’est une grande question, sçavoir comment se partagent les Offices Domaniaux et hereditaires, lorsque le Titulaire est demeurant en une Coûtume, et les fonctions de l’Office se sont en-ue autre ; Je l’ay traitée sur l’Alticle 329. pour l’interest des femmes ; la difficulté reste entri l’ainé ayant pris préciput, et ses puisnez, car on doute si les Offices ont un être permanent et une realité pour les soûmottre à la loy du lieu où ils se trouvent, et où les droits en sont petçûs, ou bien s’il faut les considerer comme une espèce d’étrange nature, incertaine et muable, pour être attachez à la personne qui en jouit, et suivre par tout son domicile et être reglée par la loy d’iceluy, comme ces sortes d’Offices ayant plus de personalité que de realité : S’on fuit la premiere opinion, lorsque l’Office est en Normandie et que les droits de ces Offices sont perçûs hors de Normandie, l’ainé sera reçû à y prendre part. Si au contraire on les artache à la personne, quand l’Officier a son domicile en Normandie, l’ainé qui a pris préeiput er a succession n’entrera point en partage, bien que les fonctions de ces Offices le fassent. hors de Normandie, et que les droits et les profits soient perçûs ailleurs. On a jugé au Parlement de Paris pour des Offices de Contrôleurs des Titres à Alençon et pour des Offices de Com troleurs des Cuirs à Louviers, qu’ils avoient plus. de personalité que de realité, et par cette traison on en regla les droits selon la Coûtume du domicile du Titulaire ; et au contraire nous estimons en cette Province que ces sortes d’Offices ont plus de realité que de porsonalirs, et ainsi les droits s’en percevant en cette Province on les regleroit selon nôtre Coûtume VoyezTronçon , Article 305.