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CCCXLVI.

Pension des puisnez quand il n’y a qu’un seul fief.

Quand il n’y a qu’un fief pour tout en une succession sans autres biens, tous les puisnez ensemble ne peuvent prendre que provision du tiers à vie sur ledit fief, les rentes et charges de la succession déduites.

Les filles ne sont point comprises sous ce mot de puisnez, et il est certain qu’en cette rent contre le masculin ne comprend point le feminin, masculinum non concipit femininum, cela paroist par la suite et la liaison de cet Article avec les precedens, dans tous lesquels il n’est fait mention que des frères : et d’ailleurs les soeurs n’étant point heritières, mais simples creancieres, leur mariage fait partie des dettes et des charges qui doivent être acquitées, sant par les deux tiers de l’ainé que par le tiers des puisnez : or touchant la manière que cettes contribution se doit faire lorsqu’il n’y a qu’un fief, j en ay parlé sur l’Article 262.

La nouvelle Coûtume de Bretagne, Article 541. est plus équitable pour les puisnez, donsant à lainé le Manoir et les deux tiers, mais laissant l’autre tiers en héritage aux puisnez.

Mr d’Argentré appelle ces pauvres cadets qui n’ont qu’une provision à vie, alimentarios potius uâm heredes. Par la Loy des Hebreux si le pere laissoit des enfans de l’un et de l’autre sexe, et une succession opulente, les freres y succedoient, et les filles n’avoient qu’une provifion alimentaire : s’il y avoit peu de biens on le donnoit entierement aux filles, et les fils mandioient leur vie ; l. Hebraor. si defunctus liberos utriusque sexus arque patrimonium satis opulentum reliquerit, jure hereditario succedunt filii, et alimenta capiunt filiae : si vero rem angustam reliquerit, dlimenta capiunt filiae, & ostiatim filii mendicant.Selden . de Success. ad leg. Hebraor. c. 9. ce qui quelque rapport à nôtre usage, lorsqu’en une succession il n’y a qu’un fief que l’ainé prend par preciput, les puisnez n’ont qu’une provision à vie, les filles l’ont en proprieté.

Un frère ainé prit une terre noble par preciput, et n’y ayant d’autre biens en la succession les puisnez se contenterent de la provision à vie ; l’ainé donna à sa seur en la mariant quatre mille livres ; elle moutut sans enfans, les puisnez demanderent part à cette somme ; l’ainé dit que l’ayant payée seul, elle luy devoit revenir toute entière, que par le droit quoy que la succession ne remontât pomt, le pere qui avoit marié sa fille luy succedoit, l. 2. C. de bonis que liberis, que si cette fille étoit motte sans avoir été mariée les puisnez ne pretendroient tien à ce qui luy eût appartenu pour son mariage avenant, de sorte que pour l’avoir mariée sa condition n’en devoit pas être pire, que les fiefs sont indivifibles, et que si l’on a donné part sur les fiefs en proprieté aux filles, on l’a fait par cette consideration qu’elles n’auroient point trouvé de partis. Les puisnez répondoient que leur seur n’avoit point êté mariée aux dépens de leur frere, mais des biens de la succession, et l’ainé n’avoit eu le fief qu’à la charge du mariage desdites seurs, que c’est leur legitime qui leur est faite propre par le mariage, et à laquelle par consequent ses plus proches peuvent succeder ; que les fiefs sont indivisibles, mais que cela n’empesche pas que les creanciers, les soeurs et les puisnez ne puissent agir pour ce qui leur appartient ; que ce qui est baillé aux soeurs ne retient pas cette qualité feodale ; que les avantages octroyez à l’ainé luy doivent être conservez, mais qu’il doit se contenter de ceux qui luy sont expressément accordez par la Coûtume ; ainsi jugé pour les puisnez en la Chambre des Enquêtes, par Arrest du mois de Mars 1622. au Rapport de Mr le Doux. Toute la difficulté étoit que si la soeur n’eût point été mariée, les puisnez n’y pouvoient rien avoir pour avoir été mariée, pourquoy tenir que le bien avoit changé de condition : Mais on répond qui jusqu’au mariage rien n’est acquis à la seur, elle n’a qu’une provision equipolente au mariage. venant, Art. 268. Il y a encore cette raison, si un frere avoit marié sa seur non de la sucression du pere, mais de son propre bien, s’il n’avoit particulièrement stipulé que la dot luy retourneroit arrivant le decez de sa soeur, elle seroit partagée entre ses plus proches heritiers.

C’est une question fort incertaine dans le Palais, si lorsque l’ainé et en suite le second fils ont pris chacun un fief par preciput, la provision à vie des puisnez et le mariage des filles doit être pris sur les deux preciputs, ou s’ils doivent être portez seulement sur le fief opté par le second frere ; car l’ainé pretend que la Coûtume luy donne le fief par preciput exempt de toute contribution, pourvû qu’il abandonne tout le reste de la succession à ses puisnez ; que sa condition ne doit pas devenir pire lorsque le second frere prend un preciput, il n’a qu’un fief aprés le choix de l’ainé, et aprés l’abandonnement qu’il a fait de tout le reste de la succession ; que si le second frere peut prendre aussi un fief par preciput, ce ne peut être qu’à condition de payer luy seul toutes les charges de la succession : Le puisné se défend, alleE guant que sa condition devient égale à son ainé lorsqu’il y a deux fiefs en la succession, que la Coûtume en permettant aux fretes ainez de prendre autant de preciputs qu’il y a de fiefs en la succession, elle fait assez paroître que son intention n’a pas été de faire un avantage particulier à l’ainé, mais d’empescher la division des fiefs, et c’est l’opinion la plus commmune du Palais, que l’ainé doit contribuer avec le second frère tant aux dettes qu’au mariage des soeurs.

I reste encore cette difficulté, sur quel prix on arbitrera la provision des puisnez, si on la donnera seulement sur le tiers eu égard au fief choisi par le second frere, ou si elle sera prise également sur les deux fiefs, sçavoir un tiers sur celuy de l’ainé, et un tiers sur l’autre fief ; Car en ce faisant il peut arriver quand il n’y a qu’un puisné, que sa part sera meilleure que celle du second frère ; c’est encore le sentiment le plus ordinaire que la provision à vie des puisnez sera prise sur l’un et sur l’autre fief

Cette question si les successions de l’ayeul et ayeule paternel et maternel le confondent comme celles du pere et de la mere, s’offrit à l’Audience de la Cour le 9 de Juillet 1613. entre François de la Bessiere, Ecuyer, sieur de S. Pierre, et Pancrace, et Pierre Louvel freres : Du mariage d’Antoine Louvel et de Catherine Penel naquirent Pancrace et Pierre Louvel, la mere étant morte la premiere et en suite le pere, Jean Louvel, tuteur de Pancrace et de Pierre Louvel, ne fit aucune déclaration de preciput à la succession du père ; Jean Louvel, tuteur, étant mort, Avenete fût institué tuteur, qui ne gera que six mois ; François de la Bessiere, qui avoit obtenu la garde-noble, ayant continué la tutelle, René Penel, ayeul maternel de Pierre et de Pancrace Louvel, étant mort, il leur laissa la terre d’Ecajeul, ainsi la succession du pere et de l’ayeul maternel se trouverent confuses avant aucune déclaration d’option de preciput.

Pierre Louvel ayant presenté des partages à Pancrace Louvel son ainé, il les blâma en ce qu’il y avoit employé la terre d’Ecajeul, qui étoit de la succession de l’ayeul maternel, et qu’il pretendoit prendre par preciput : Par Sentence il fut dit que les freres feroient des partages. égaux des deux successions, dans lesquels on employeroit la terre d’Ecajeul, sauf la recompense de l’ainé pour la moitié de la valeur de la terre d’Ecajeul sur les sieurs de la Bessiere et Avenete, lesquels y furent condamnez : Le sieur de la Bessiere appela de cette Sentence, soûtenant qu’il ne se faisoit point de confusion que dans les successions de pere et de mere. On traita donc cette question, sçavoir si la succestion du pere et de l’ayeul maternel étant échûë avant que lainé ou ses tuteurs eussent fait aucune déclaration d’option de preciput, étoient pas confuses et reputées pour une feule et même succession, en laquelle il n’y avoit qu’un preciput ce sieur de la Bessière s’aidoit de l’Arrest de la Menardière rapporté par Berault sur cet Article Ce puisné soûtenoit que leur question n’étoit pas pareille, parce qu’en l’Arrest de la Menardiere les deux successions venoient d’un même côté, du pere et de l’ayeul paternel, mais ils n’étoient pas en ces termes, parce qu’il y avoit nne succession venante du pere, et une autre qui proceloit de l’ayeul maternel : Par la disposition du Droit les creanciers pouvoient demander la separation de l’heredité de leur obligé, avant qu’elle fût confuse avec les biens de l’heritier, mais s’ils n’avoient fait la declaration avant la confusion ils n’y étoient plus recevables, confusis enim bonis et mitis separatio impetrari non potest.

Suivant cet Article si les successions paternelles et maternelles sont échûës avant que l’ainè ait fait declaration de preciput, elles sont confuses : Or la succession du pere est paternelle et la succession de la mère maternelle, et par consequent il s’en fait necessairement une confusion, car on ne peut contester que la succession de l’ayeul maternel ne soit une succession maternelle, la Coûtume s’en étant expliquée nettement dans les Articles 245. et 246. comme elle dit que les héritages du côté paternel retournent aux parens paternels, et ceux du maternel aux maternels, ce qui se doit entendre, dit l’Article suivant, non seulement des biens qui décendent des veres et meres, mais aussi des autres parens paternels et maternels ; il est vray que cet Article ne parle que des successions paternelles et maternelles, mais on répond que appellatione patris et matris genus quoque intelligitur. La Coûtume par l’Article 337. dit que l’ainé peut choisir par preciput tel fief que bon luy semble en chacune des successions tant paternelles que maternelles, et néanmoins on ne laisse pas d’étendre ces paroles aux successions de l’ayeul paternel et de l’ayeul maternel. Or on doit faire bien plûtost cette extension en cet Article, parce que la disposition en est plus favorable en ce que par la confusion on rétranche la multitude de preciouts, c’est expliquer trop subtilement cet Article, que de soûtenir que la confusion ne se peut faire si les successions ne viennent de lignes égales, et qu’elles concurrent en parité de degrez, comme de pere et mere. Cette cause fut appointée au Conseil, mais depuis elle a été nettement décidée par l’Arrest de Mongommeri que j’ay rapporté sur l’Article 337. Il fut jugé qu’il ne se fait point de confusion des pere et de l’ayeul paternel, et de la mère et de l’ayeule maternelle, et que la confusion dont il est fait mention par cet Article, ne se fait que dans la oncurrence des deux successions de pere et de mere, et par l’Arrest de Mongommeri le fils de l’ainé, quoy que son pere fût mort avant sa mere, fut reçû à prendre preciput en la succession de son pere, et un autre preciput en la succession de lon ayeule paternelle : Godefroy n’approuvant pas l’Arrest de la Menardière, se persuadoit qu’il avoit été donné sur des circonstances particulières, mais la question generale a été nettement décidée par l’Arrest de Mongommeri-La Coûtume donne deux moyens à l’ainé pour empescher la confusion, le premier est en optant n preciput ; mais pour donner effet à cette option, il faut qu’elle soit faite judiciairement, la Coûtume le prescrivant de la sorte, il ne suffiroit pas que l’ainé eût déclaré cette option àf ses freres par un simple Exploit : En second lieu, l’ainé peut prevenir la confusion de successions en gageant partage à ses freres, et en ce cas partageant également la succession la premiere échuë, il peut prendre un fief par preciput en celle qui arrive en suite, mais la Coûtume ne repétant point que le partage doit être fait judiciairement, l’on pourroit douter si cette formalité seroit necessaire ; mais il est apparent que cette declaration d’option et de partage doi-vent être faits en jugement.