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CCCLXI.

Fille reservée à partage sur quels biens prend part.

La fille reservée à partage aura sa part sur la roture, et autres biens s’il y en a, sinon sur le fief, lequel pour le regard de ladite fille est évalué en deniers pour ce qui luy peut appartenir, pour en avoir rente au denier vingt.

J’ay taché d’expliquer sur l’Article 262. comment le mariage avenant des filles doit être liquidé, tant sur le fief que sur les rotures, et les autres immeubles ; mais les filles pouvant être reservées à partage, et cette reservation rendant leur condition plus avantageuse, il est necessaire d’expliquer ce qui leur appartient lorsqu’elles sont reservées.

Pour cet effet il faut examiner la qualité des biens de la succession, elle peut consister en fiefs et en rotures, ou en un fief seulement ; lorsqu’il y a des rotures et un fief qui est choisi par preciput par l’ainé, cet Article n’explique pas assez ouvertement si la fille aura part seulement ur la roture, ou si son partage sera pris tant sur le fief que sur la roture : car encore qu’il soit dlit que la fille reservée à partage aura sa part sur la roture, et autres biens s’il y en a, sinon sur le fief, on peut entendre ces paroles de cette manière, que la part de la fille sera estimée tant uur le fief que sur la roture et qu’en soite elle sera payée premierement sur la roture et sur les autres biens, et s’ils ne suffisent pas sur le fief, l’intention de la Coûtume n’ayant pas été de reduire la fille reservée à prendre part seulement sur la roture.

Mais on peut dire que cette explication n’est pas naturolle, car la reservation à partage ne peut donner à la fille d’autre avantage que de la rétablir dans le droit commun, en la rendant capable de succeder aux mêmes conditions que les freres ; or puisque les freres, quand l’ainé a pris le fief par preciput, sont contraints de se contenter des rotures ou de demander la provision à vie sur le fief, la pretention de la fille reservée ne doit pas s’étendre plus loin, et son artage ne peut être pris sur la roture et sur le fiefchoisi par l’ainé, ce qui paroit par ces paroles, la fille reservée à partave aura sa part sur la roture s’il y en a, sinon sur le fief : D’où l’on induit. avec raison que la fisse reservée ne peut rien demander sur le fich, que quand il n’y a point de rotures ou d’autres biens en la succession.

Cela néanmoins fit naître un procez dont voici le fait. René Groignant, sieur de la Rosiere, en mariant sa fille à Nicolas du Buat, sieur de Migergon, luy donna neuf mille livres par avancement de succession, et la reserva à tous et tels droits de partage aux successions qui luy pourroient cy aprés arriver, tant directes que collaterales, en quelques lieux et sous quelques Coûtumes qu’elles fussent assises, et qu’autrement le mariage n’eût été fait : ce sieur de la Rosière laissa deux fils et cette fille mariée ; son bien consistoit en un fief de valeur de cinq ou lix cens écus de rente, et en trois ou quatre cens livres de terres rotures ; le frere prit le fief par preciput, et refusa de bailler aucun pariage à la fille, le puisné eut les potures pour son partage.

Sur la contestation entre le frère ainé et la soeur la cause fut évoquée en la Cour, il fut dit par l’ainé que la Coû-ume luy donne le fief par preciput, qu’il n’est point obligé de donner partage à sa seeut sur sen preciput qui est indivisible, et puisque les puisnez n’y pourroient rien prétendre, la soeur n’est pas de meilleure condition qu’eux, par cet Article la fille reservée à partage aura sa part sur les rotures et autres biens s’il y en a, sinon sur le fief : Si donc il y a des rojures la soeur s’en doit contenter, et elle ne peut étendre sa prétention sur le fief que quand il n’y a point de rotures ; et par l’Article 269. les filles doicent se contenter des roiures s’il y en a, et des autres biens que leurs freres leur pourront bailler revenans à la valeur de ce qui leur appartient.

La foeur répondoit que ce qui se trouve ambigu dans la Coûtume doit être expliqué par la même Coûtume. Dans la Medecine les remedes ses plus propres et les plus falutaires sont ceux, qui naissent dans la region et sous le climat où les personnes ausquelles on les veut appliquer ont : aussi pris leur naissance. Aussi la lumière et l’éclaircissement que l’on donne à l’ambiguitél d’une loy est plus naturel et plus convenable quand il est pris de la même loy : la part que les seurs doivent avoir en la succession est le tiers, et toute l’obscurité se resout en un mot, que sil y a rotures et biens outre le fief suffisans pour fournir le partage et le tiers à la fille, elle ne prendra rien sfur le tiers ; mais si les rotures ne la remplifsent point de son partage, il doit être fourni sur le noble

Cette proposition est confirmée par l’Article 269. qui oblige la seur de se contenter des rotures si aucunes y a, et autres biens que les freres leur pourront bailler, revenant à la valeur de ce ui leur peut appartenir.

D’où il s’enfuit que si les rotures ne fournissent pas le tiers qui leur est dû, elles ne sont asobligées de s’y. contenter, elles peuvent demander que le surplus leur soit baillé sur le fief.

Par cet Article ( la fille reservée aura part sur la roture et autres biens s’il y en a ) c’est à dire qui soient suffisans de porter son partage, autrement s’il n’y en a point assez le reste de son partage sera fourni sur le fief ; et ces termes indefinis ( pour ce qui peut leur appartenir ; monrent évidemment que le fief doit porter’em deniers le supplément du tiers des soeurs reser-vées à la succession.

Si l’on expliquoit la Coûtume de cette maniere, que quelque peu de rotures qui se trouvassent en la succession, la sout reservéene pourroit neanmoms avoir d’autre part que sur ces rotunes, il s’ensuivroit que s’i n’y a que poun vingt livtes de roture en la succession et un sief de trois mille livres de rente que le frere ainé prendra par preciput, la fille reservée n’auta part que sur ces vingt livres de rente, ce qui rendroit vaine et illusoire la faveur que la Coûtume a voulu faine : a da fille, en permeitant au pere de la reserver à sa succession, ce seroit donner ouverture à tromper un gendre qui se seroit marié dans l’esperance d’un mariage avantageux ; car un pere dont tout le bien consistoit en rentes et rotures au temps du mariage de sa fille, pourroit les vendre et les remplacer en un fief ou en fiefs que ses fils prendroient par preciput, et s’ils étoient exempts de bailler partage en estimation sur les fiefs, la fille reservée seroit déchûë de son espérance. Par l’Article 254. si pere ou mere ont donné à leurs filles en faveur de mariage, ou autrement hénitages excedans le tiers de leur bien, les enfans mâles le peuvent revoquer dans l’an et jour. La fille reservée doit avoir pour partage autant que son pere peut luy dunner : or il peut luy donner jusqu’au tiers de son bien, et S’il a donné moins que le tiers les freres ne pouvent se plaindre, et ils n’ont point le droit de revoqueri Il est donc vray de dire que la fille réservée doit avoir le tiets tant sur le noble que sur la roture pour son partage, ce qui doit être observé quand il n’y a que deux freres et une sour.

On objecte que la soeur seroit de meilleure condition que le frère, et que par l’ancienne Coûtume la seur ne doit avoir greigneure part que son frère ; mais on répond qu’en cette rencontre la condition des soeurs est meilleure que celle des freres, comme il arrive encore quand Il n’y a qu’un fief en la succession, les soeurs ayant en proprieté ce que les freres n’ont que par usufruit : ce qui se pratiquoit aussi dans l’ancienne Coûtume de Caux, où les seurs avoient leur legitime en proprieté sur le tiers, bien que les puisnez n’eussent qu’une provision à vie.

La nature indivisible du fief ne fait point de consequence à l’avantage de l’ainé, c’est une maxime que les choses indivisibles peuvent être employées. en partage. Dans les jugemens pour le partage de la succession et pour en fixer les limites, il est permis au Juge d’ajuger avec toute équité la part de ceux qui sont en litige à l’un d’iceux, et s’il luy semble que la part d’uns d’iceux est trop chargée il doit condamner l’autre : à luy payer une somme en la place, in juliciis familiae erciscundae communi dividundo, finium regundorum permittitur judici rem alicui exliti-gatoribus ex aquo et bono adjudicare, et si unius pars pragravari videbitur, eum invicem certâ pecuniâ alteri condemnare, 8. quedam actiones instit. de action. l. ad officium. C. communi divid.

La cause fut plaidée et appointée, et depuis jugée au Rapport de Mr de civil, le à y d’Avril 1623. et par l’Arrest le sieur de Migergon fut debouté des fins de son mandement, et par ce moyen le frère ainé fut déchargé du partage de la soeur reservée : ainsi suivant cet Arrest de Migergon, il faut tenir pour maxime que bien que la fille soit reservée à partage, quand il y a dans la succession des rotures et un fief, la fille reservée ne peut avoir son partage que sur la roture, et non point sur le fief.

Si les rotures sont de petite valeur, et qu’il n’y ait qu’une fille, elle pourra abandonner les rotures pour demander sa part sur le fief, et en ce cas sa condition sera meilleure que celle les puisnez, parce qu’elle aura le tiers en proprieté que les puisnez n’auront qu’à vie.

Que si la fille reservée a des fretes puisnez qui se contentent des rotures, elle ne pourra pas y renoncer pour venir demander le tiers du fief en proprieté, il faut qu’elle prenne part avec ses freres puisnez et qu’elle suive leur fortune ; encore même qu’elle alléguât que cette acceptation des rotutes êtoit frauduleuse, et faite en faveur de l’ainé pour le décharger de la contribution à la provision des puisnez ; cela fut jugé de la sorte contre la Demoiselle de

Vieuxpont, qui prétendoit que le puisné ne s’étoit contenté de la roture que pour faire : plaifit au sieur d’Ozouville leur frere ainé. Or la fille réfervée a beaucoup moins de pretexte que celle qui n’a que mariage avenant, parce qu’elle a sa part en essence égale à celle des freres, tant pour les meubles que pour les rotures : J’ay tapporté ailleurs l’Arrest du sieur de Vieuxpont.

Voila quel peut être le partage de la fille réservée lorsqu’il n’y a qu’un fief opté par l’ainé, et des rotures et autres biens immeubles ; mais s’il y a un fief ou plusieurs fiefs, et des rotures qui foient mis en partage sans aucune option de fiefs de la part des frères, les sours reser-ées doivent-elles employer les fiefs dans les partages, ou fi les freres peuvent retenir les fiefs et mettre seulement leur estimation en partage ; Cet Article décide ouvertément la question en faveur des freres, car la part de la fille reserode doit être prise sur la roture s’il y en ai de sorte que lorsqu’il y a des fiefs et des rotures, la fille resenée à partage ne doit être payée le sa part que sur la roture, et quand il n’y a qu’un fief la fille ne peut en avoir aucune portion, mais on estime en deniers la part qui luy pent appartenr. Cette difficulté se mût entre Mr Baillard Maître des Comptes, et les Demoiselles ses soeuts ; elles avoient été reservées à partage en la succession paternelle, qui confistoit en fiefs et en rotures dans la Coûtume geneale ; dans les lors qu’elles presenterent à leurs freres elles employerent les. fiefs, mais ces lois furent blamez par leurs freres, qui prétendirent que les fiefs ne pouvoient être mis en partage, et que la part qui leur pouvoit appartenir devoit être estimée pour leur être payée en rotures ou autres biens, ou pour leur en faire la rente au denier vingt ; cela fut jugé de la forte par sentence des Requêtes du Palais, qui fut executée volontairement par les parties.

Il est beaucoup plus mal-aisé de liquider les droits de la fille reservée à partage lorfqu’il y a des freres puisnez, et que toute la succession consiste en un fief qui est opté par l’ainé ; car on ne convrent pas si la fille doit avoir le tiers du fief en proprieté en contribuant seulement pour un tiers à la provifion à vie des puisnez, ou si fon tiers doit être entièrement chargé de cette provision : Me Josias Berault a tenu ce party, et son opinion peut être foûtenuë par beaucoup de raisons.

Il est certain que l’ainé demeure quitte de toutes les pretentions de ses puifnez en leur abanonnant le tiers du fief, les filles reservées ne peuvent pas tenir un autre rang que celuy des puisnez, puisqu’elles joüissent des mêmes droits, et qu’à la reservation des fiefs elles partagent galement même avec leurs ainez les meubles, les rotutes, et tous les auires biens : Il n’est lonc pas raifonnable de faire une troisième espèce d’heritiers au prejudice de l’ainé, en donnant la fceur reservée des droits particuliers, comme elle auroit si l’ainé étoit sujet à la contribution de la provision à vie des puisnez, et la foeur n’a pas fujet de se plaindre puifqu’elle est ecompensée : Dailleurs il est vray que s’il y avoit plusieurs puisnez la refervation à partage ne rendroit pas sa condition meilleure, au contraire elle pourroit être plus desavantageuse, car en prenant le mariage avenant, l’ainé seroit tenu de contribuer pour deux ciers à la provision des puisnez, ce qui augmenteroit sa legitime. Mais on répond que la reservation à partage luy profire d’ailleurs outre la part égale aux meubles, le tiers entier luy dénreure en proprieté, et la provision à vie finissant par la mort des puisnez ce tiers en seroit déchargé ; car l’ainé n’y ayant rien contribué ne pourroit rien pretendre, et cette extinction ne se feroit qu’au profit de la soeur.

Plusieurs estiment neanmoins que l’ainé doit contribuer aux deux tiers de la provision à vie des puisnez, soit que la seur soit reservée à partage ou qu’elle n’ait que mariage avenant, parce qu’autrement la fille reservée ne profiteroit point davantage que si elle ne l’étoit point, par cette raison il ne seroit pas raisonnable de la charger entierement de la provision des puisnez, l’esperance de voir finir cette charge onereuse étant si éloignée, qu’elle ne pourroit entrer en balance avec la trop grande charge qu’elle porteroit presentement, et la part qu’elle prendroit aux meubles ne seroit peut-être pas suffisante pour la desinteresser Par l’Arrest de Hebert et de Danisi, dont j’ay parlé sur l’Article 345. il fut jugé que la fille, quoy qu’elle ne fût pas réservée, auroit le tiers du fief que le frère mom msolvable avoit vendu, et que les acquereurs ne pourroient diminuer sur ce tiers la part d’un puisné qui étoit décedé, parce que l’on soûtenoit qu’étant chargée de la provision à vi des puisnez elle êtoit liberée de cette charge aprés la mort des puisnez, et que cette extinction de la provision ne pouvoit tourner qu’à son profit ; mais cet Arrest ayant ête donné contre des acque-reurs, il ne fait point de décision entre les freres, et neanmoins il paroit que la soeur ne contestoit point qu’en prenant le tiers elle ne fût obligée seule à la provision des puisnez, et cela semble plus conforme à l’espnt de la Coûtume ; car on auta de la peine à persuader qu’elle air eu dessein de favoriser si avantageusement les filles reservées, et de les élever si fort au dessus de leurs freres puisnez

Il y a long-temps que ces difficultez ont été formées, et elles ont été agitées par Terrien Terrien sur le Titre d’Echeance d’Heritage en Caux : L’ancienne Coûtume disoit que les freres parisnez et les seurs ensemble, ne peuvent avoir és lieux où les puisnez ne partagent point avec leur ainé que le tiers de la succession, a sçavoir les puisnez à vie, et les seurs à héritage.

Terrien Terrien estimoit que suivant un Arrest de l’année 1516. qu’il rapporte, il faloit entendre la

Coûtume de cette manière, que les soeurs ne devoient avoir le tiers qu’à fin d’héritage, et les frores puisnez un autre tiers à vie, icelles seurs portant le tiers de la provision à vie : Par exemple, si la succession valoit neuf cens livres de rente, les soeurs en auroient trois cens pour leur part, et les frores puisnez pareille somme à vie, dont les seurs payeroient cent livres, et l’ainé deux cens livres.

Le Sryle de proceder expliquoit autrement la Coûtume, suivant lequel les freres puisnez et les soeurs ensemble ne pouvoient avoir que le tiers de la succession, et Terrien Terrien rapporte un Arrest de l’année 1560. qui semble l’avoir jugé de la sorte ; celuy qui a fait les Additions aux Commentaires de Terrien Terrien n’approuve pas fon opinion, mais l’espèce qu’il propose étoit pour la Coûtume de Caux : Nos Reformateurs qui ne pouvoient ignoter ces difficultez auroient fait prudemment s’ils les avoient décidées, et s’ils avoient établi une loy certaine ; il seroit fort utile de les terminer par quelque Reglement pour empescher la division du fief : lorsque la sour est reçûë à partage il est évalué en deniers pour la part qui luy appartient, mais la Coûtume n’explique point sur quel prix on doit faire cette évaluation, si ce sera au denier vingr-cinq ou au denier vingt ; elle ne déclare point aussi si cette estimation doit être faite sur la valeur annuelle ou sur la valeur intrinseque.

Ces deux difficultez ont été décidées par l’Arrest donné au Rapport de Mi Deshommets, le ar d’Aoust 1664. entre de Limoges, sieur de S. Saens, et de Valles, sieur de Boisnormand, il fut jugé que les terres nobles à l’égard des filles ne seroient estimées que sur le pié du denier vingt, conformément à un Arrest precedent donné entre les sieur Comte de Mongommeri et les Demoiselles ses seurs, la raison est que la portion du fief qui appartiendroit à la soeur ne seroit qu’une roture en sa main, et c’est pourquoy elle ne doit être estimée que sur la valeur ordinaire des rotures qui est le denier vingt.

Il fut oncore ordonné par le même Arrest que l’estimation des fiefs ne seroit faite que sur le pié du revenu, sans estimer les batimens et les bois de haute, fûraye, ce qui est contraire à l’Arrest remarqué parBerault , et par l’Article 52. du Reglement de l’an 1666. la liquidation du nariage avenant sera faite sur le pié du revenu des héritages, sans mettre en consideration les bois de bante. fûtaye et les batimens, sinon entant qu’ils augmenteront le revenu, et ne seront les terres nobles estimées qu’au denier vingr.