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CCCLXII.

Fille mariée, encore qu’elle ne revienne à partage, fait part au profit de ses freres.

Filles mariées encore qu’elles ne reviennent à partage, si elles n’y ont êté expressément reservées, si est-ce qu’elles font part, d’autant qu’il leur en appartiendroit au profit des heritiers, telle comme si elles avoient eu partage au lieu de mariage.

La Coûtume ne continuë pas long-temps à favoriser les filles, dans cet Article elle modere et limite le benefice de la reservation à partage, en ordonnant que les filles mariées non reservées à partage font part au profit des freres.

Cet Article est non seulement inutile, parce que l’on ne fait que repeter ce qui est contenu dans l’Article 257. mais il est même si mal conçû, qu’il a rendu douteuse une question qui êtoit nettement décidée par l’Article 257. car au lieu d’avoir employé que les seurs font pari au profit de leurs freres, comme il est dit par l’Article 257. on s’est servi du mot d’heritiers qui peut comprendre les seurs comme les fteres lorsqu’elles sont reservées à partage, et ce terme équivoque leur a fourni un pretexte, comme on l’apprend par l’Arrest de Brice rapporté par Berault sur cet Article, pour soûtenir qu’étant porté par cet Article que les filles mariées non reservées à partage sont part au profit des heritiers, ce benefice leur doit être commun vec leurs freres, puisqu’en vertu de la reservation à partage elles peuvent prendre la qualitéd’heritieres, et qu’en effet elles sont sujettes à toutes les charges où les véritables heritiers sont tenus.

Godefroy Dodefroy même est tombé dans cette erreur et il a crû que pour les biens de bourgage les filles mariées faisoient part au profit des seurs reservées aussi-bien que des fteres, et pa Sentence donnée aux Requêtes du Palais il fut jugé de la sorte, mais par l’Arrest qui fut rendu ur l’appel des freres on cassa la Sentence, et il fut dit que les parts des soeurs mariées non reservées demeureroient au profit des freres, en consequence des Articles 254. 255. 256. et 257. et qu’au partage égal de l’immeuble en bourgage, les seurs mariées et non refervées font aussi part au profit des freres, comme au tiers des filles aux héritages étant hors bourgage. Cet Arres de Brice a décidé plusieurs questions qui s’étoient mûës en explication de cet Article.

Premièrement il a été jugé que les filles mariées non reservées font part au profit des freres aussi-bien pour les meubles que pour les immeubles.

En second lieu, que cette part des filles mariées non reservées appartenoit aux freres seuls, et non point aux seuts

En troisième lieu, que les freres premnt la pareide : leurs seurs êtoient oblmez de rapporter.

Il faut observer que par cet Arrest de Brice les frens. furent obligez de rapporter ce que leits soeurs avoient eu en mariage ; mais on ne doit pas se persuader que les freres qui veulent profiter de la part de leurs soecors mariées soient tonus de rapporter tout ce qui a été donné à leurs oeurs par leurs pere ou mere ; car puisque suivant cet Article les filles marrtes ne font part. au profit des freres que pour autunt qu’il leur en appartiendroit, il ne seroit pas juste de leur faire rapporter ce qu’elles aufoiont eu au-de-là de leur legitime, autrement ce benefice de la loy seron fe plus souvent mutile aux freres, et l’on ne doit pas tirer consequence de l’Arrest de Btice, parce qu’il pouvoit être que les seurs n’avoient point eu plus qu’il ne leur appartenoit, et il ne paroit point qu’on eût formé de contestation sur ce point.

Ausoi c’est une jurisprudence certaine au Palais que les freres ne sont tenus de rapporter qui jusqu’à la concurrence de ce qui appartiendroit à leurs seurs, mais en ce faisant il est important d’expliquer comment on doit regler ce rapport, cela ne se peut connoître qu’aprés avoir liquidé certainement le partage ou le mariage avenant des soeurs non mariées, car quand on auta liquidé le partage ou le mariage avenant des soeurs non mariées, il est certain que le frere sen tenu de rapporter pareille somme pour chaque soeur mariée, pourvû que ce qui a été liquide soit égal à ce qu’il faut rapporter ; car si les seurs mariées avoient eu moins que ce qui est liquidé pour le partage ou pour le mariage avenant, le frère ne seroit tenu de rapporter que ce que les soeurs mariées auroient reçû

Pour concevoir plus aisément la manière de faire ces rapports, je proposeray cet exemple Du Moutier, Bourgeois du Pontdelarche, avoit cinq filles et un fils, il en maria trois ausquels les il donna quinze mille livres, c’étoit cinq mille livres pour chaque fille : aprés son deces Antheaume ayant épousé l’une desdites filles, demanda son mariage avenant à son frère pour en faire la liquidation : Les biens delaissez par le pere furent évaluez à quarante-cinq mille. livres, mais il faloit y ajoûter les sommes que le ftere êtoit tenu de rapporter pour les trois seurs mariées, qui faisoient part à son profit. Cela fit de la peine pour sçavoit ce que le frere devoit rapporter ; car puisqu’il n’est pas raisonnable que le rapport excede la part qui en revient, on ne pouvoit pas l’obliger à remettre en la masse de la succession. les quinze mille livres qui avoient été réçûës par les seurs mariées, parce que les quinze mille livres étant ajoûtées aux quarante-cinq mille livres composeroient un capital de soixante mille livres, dont neanmoins les filles ne pouvans demander que le tiers, ce ne seroit que quatre mille livres pour chacune, et toutefois le frere auroit rapporté cinq mille livres : Pour trouver donc ce que le frere doit rapporter, il faut sçcavoir ce qui appartient aux soeurs non mariées, quand elles n’ont que mariage avenant. Il paroit par lestimation du bien du pere, que chaque fille auroit trois mille ivres, et en faisant rapporter au frere une pareille somme pour chaque soeur mariée, ce seroit neus mille livres pour les trois soeurs mariées, dont il faudroit augmenter la masse de la successiont laquelle jointe aux quarante-cinq mille livres, composeroient cinquante-quatre mille livres, dont le tiers montant à dix-huit mille livres étant donné aux filles, leur produiroit à chacunt rois mille six cens livres, ainsi leur mariage avenant étant de trois mille six cens livres, il ne suffit pas que le frere rapporte trois mille livres, il faut encore ajoûter six. cens livres pour chacune dont il prend la part, ce qui feroit dix-huit cens livres, et par consequent le capital du bien seroit de cinquante-cinq mille huit cens livres ; or prenant le tiers des dix-huit cens livres qui est de six cens livres, et divisant ce tiers en cinq parts, ce seroit pour chaque fille six vingts livres d’augmentation, et par consequent il faudroit encore augmenter la succession de trois cens soixante livres, sur le pié de cent vingt livres pour chacune des trois soeurs mariées, et desquelles trois cens soixante livres on en prendroit encore le tiers pour chaque fille, qui seroit pour chacune desdites cinq filles vingt-quatre livres, laquelle jointe avec trois mille sept cens vingt livres, reviendroit à trois mille fept cens quarante-quatre livres, ce qui feroit augmenter la masse de la succession, et c’est pourquoy le frère seroit encore obligé de rapporter pour thaque soeur vingt-quatre livres, ce qui feroit soixante et douze livres, et prenant encore le tiers des soixante et douze livres qui seroit huit livres, en divisant les huit livres en cinq ce seroit ncore trois livres douze sols d’augmentation pour chaque soeur, de sorte que leur mariage du moins se monteroit à trois mille sept cens quarante-sept livres douze sols, et augmentant encore le capital de la succession de dix livres seize sols, il reviendroit à cinquante-six mille deux cens quarante-deux livres seize sols, sur quoy le frere n’auroit rapporté qu’onze mille deux cens quarante-deux livres, qui feroit pour chaque seur trois mille sept cens quarante-sept livres six sols huit deniers ; d’où il paroit que le droit qui luy est accordé par cet Article de prendre la part des filles mariées, luy est fort avantageux ; car ne restant que deux seurs à marier qui auroient eu le tiers des quarante-cinq mille livres, leur mariage avenant eût été de sepr mille cinq cens livres ; mais les soeurs mariées faisant part au profit des freres en comprenant les sommes rapportées, leur mariage est reduit à trois mille sept cens quarante-sept livres seize sols.

Il reste à diseuter dans la même espèce ce que les freres seroient tenus de rapporter si les filles non mariées étoient reservées à partage, si les biens étoient hors bourgage, les filles reservées, s’il n’y avoit point ou peu de meubles, n’auroient pas une plus grande part que celles qui seroient reduites au matiage avenant, et par cette raison la liquidation des rapports se feroit de la même manière.

Mais si le bien êtoit en bourgage, les quarante-cinq mille livres étant à partager entre le frère et les cinq seurs, comme chaque part excederoit cinq mille livres, le frère seroit tenu de rapporter cinq mille livres pour chaque soeur, en quoy il gagneroit encore beaucoups car en ajoûtant les quinze mille livres payées aux trois soeurs mariées, le capital de la successionseroit de soixante mille livres, et par consequent chaque seur auroit dix mille livres