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CCCLXV.

La part que la femme prend aux conquests ne la prive de son dot.

Femme prenant part aux conquests faits par son mary constant le mariage, demeure néanmoins entière à demander son dot sur les autres biens de son mary, au cas qu’il y ait consignation actuelle du dot fait sur les biens du mary : et où il n’y aura point de consignation le dot sera pris sur les meubles de la succession, et s’ils ne sont suffisans, sur les conquests.

On peut dire véritablement qu’en cet Article nos Législateurs se sont fort éloignez des principes et des regles qu’ils avoient établies par tout ailleurs : On reconnoit par toutes les dispo-sitions de la Coûtume que son intention a été de moderer le droit des femmes et de ne les enrichir pas de la dépoüille de leurs maris : Cependant on ne pouvoit faire une loy plus contraire à ce principe, ni plus favorable aux femmes. Nous ne souffrons point la communauté, mais cet Article leur donne des avantages qu’elles ne pourroient pas obtenir en vertu de la communauté. Il peut arriver qu’en consequence de cette consignation actuelle, la femme emortera tout le bien de son mary ; car si aprés avoir consigné sur ses biens une somme nota-ple d’argent qu’il aura reçûë, il décede étant encore saisi de ces mêmes deniers ( comme il est arrivé plusieurs fois ) la femme en vertu de cet Article reprendra sa dot sur ses biens, et comme heritière de son mary mort sans enfans, elle emportera la moitié des meubles et la moitié de ce même argent qu’elle avoit apporté à son mary : et bien que cet usage soit ancien en cette Province, comme Bérault nous l’apprend par les Arrests qu’il a remarquez, nos Reformateurs ont dù le retrancher comme ils en ont fait beaucoup d’autres.

Cet Article mérite sans doute une reformation, qui seroit que la dot non remplacée seroit reprise sur les acquests comme une dette immobiliaire, et au defaut d’acquests sur les meubles.

On objectera qu’en ce faisant les femmes seroient presque toûjours excluses de la part des meubles et des acquests ; mais on répond que cela est plus supportable que de luy voir emorter tout le bien de son mary : elle ne souffre point de perte, ses deniers dotaux luy sont onservez, et les meubles et les acquests peuvent exceder la valeur de la dot si la femme en fait bon ménage ; mais en pratiquant le contraire les heritiers aux propres sont entièrement rivez du patrimoine de leur famille. Dans cette conjoncture où l’un veut tout avoir et l’autre. de perdre pas tout, le party de ce dernier est toûjours assurément le plus équitable, et d’aileurs les femmes pourroient aisément prévenir ce préjudice en faisant remplacer leur dot-Dans les Coûtumes où la communauté a lieu, le remploy du bien de la femme se prend sur la masse de la communauté, c’est à dire sur les meubles et sur les acquests de la communauté, au cas qu’ils soient suffisans, suivant l’Article 232. de la Communauté, et où ils ne seroient pas suffisans, sur les propres du mary, ce qui est raisonnable Les femmes qui sont ingenieuses pour ménager leurs avantages stipulent quelquefois que le remploy de leurs propres se prendra non fut la masse de la communauté, mais sur la part appartenanre à son mary en la communauté :Brodeau , sur Mi sur Mr Loüet, l. R. n. 30. a écrit qu’il est au pouvoir de la femme de faire cette stipulation, et qu’elle a été confirmée par Arrest, parce qu’une clause de cette qualité tient le mary en bride, et lempesche d’induire sa femme à consentir à la vente de ses propres, et cela loblige d’en faire le remploy promptement.

Brodeau Mr’Ricurd, sur lArticle 232. ne peut approuver le sentiment de Btodau ; car supposé, dit-il, que les Arrests qu’il rapporte ayent jugé cette question de la sorte, il faut considerer qu’ils ont été donnez en un temps où cette matière n’étoit pas encore défrichée, et les Arrests jugeoient le contraire de ce qu’ils font maintenant, ces alienations n’étant pas en ce temps-là considérées comme des avantages indirects reprouvez entre les conjoints, et il croit que si cette question se presentoit, il en seroit jugé autrément. Entre nos principes nous n’en observons aucun plus religieusement que celuy qui porte qu’il n’y a point d’acquests que les deniers dotaux ne soient acquitez, sur tout les rentes constituées qui font considérées comme des alienations ; car par le moyen de l’hypotheque on parvient facilement à lalienation, nam per hypothecam facile pervenitur ad alienationem : Or les biens du mary étant chargez de la restitution de la dot, et pa ce moyen étant diminuez, le remploy doit être fait régulierement avant que la femme puisse prendre part aux acquests, cette distinction que la Coûtume introduit entre la dot qui a été consignée et la simple promesse de consigner n’a rien de solide ; car quelle véritable difference peut-on trouver entre la dot qui est reçûë par le mary, et qu’il constituë sur tous ses biens, ou qu’il consigne en cas de recepdon, ou bien quand le contrat de mariage ne porte aucune de ces clauses : Pourquoy donner tant de pierogatives à cette consignation imaginaire, et pourquoy distinguer entre la dot consignée et celle qui ne l’est pas, puisque le mary étant payé il ne profite pas davantage de l’une que de l’autre ; Il est certain qu’en toutes manières le mary recevant la dot de sa femme hypotheque ses biens qui n’augmentent point, s’il dissipe les deniers dotaux, et s’il les employe utilement, ils font partie de ses acquests. Cet Article ne peut donc servir qu’à faire fraude à la loy qui défend au mary de faire avantage à sa femmes aussi il arrive souvent que la femme remportant sa dot et la moitié des acquisitions faites de ses deniers, elle joüit de deux benefices, et deux causes lucratives concurrent en sa personne, et au contraire deux causes onéreuses concurrent en celle des heritiers du mary : La Coûtume de iretagne, Article 4. 7. en use avec plus de moderation, elle porte que s’il y a promesse d’assiette. elle sera faite et préalablement prise sur le tout des acquests, d’autant qu’ils en pourront porter, et sils ne suffisent, sur les biens du mary, et où il n’y auroit que promesse de rendre les deniers, ils seront levez sur le tout des meubles, et où ils ne seroient suffisans, sur les acquests, et s’ils ne sufsi sent, sur les propres biens du mary. Cette disposition sans doute est plus prudente que la nôtre, elle veut que quand le mary a promis d’employer les deniers en fonds, quoy qu’il n’ait pas fatisfait à cette stipulation, le remploy en soit fait sur les acquests, et au defaut d’acquests sur les biens du mary, et ainsi les propres du mary ne sont point chargez de la dot qu’au defaut d’acquests ; et pourquoy ces acquests ne porteroient-ils point la dot, puisque vray-semblablement ils en ont été faits ; et à quelle fin introduire cette consignation sur les propres comme a fait aôtre Coûtume, puisqu’au lieu de les augmenter elle les détruit et les ôte aux enfans ou aux neritiers du mary : Voyez Frain, Arrest 116

La Coûtume de Bourgogne, Titre des Droits des Gens Mariez Article 24. porte que les deniers de mariage qui ne sont ameublis, et qui sont assignez et promis d’assigner, sont héritages pour la femme et pour ses heritiers ; il seroit juste que quand les deniers sont assignez ou consignez, ils fussent reputez immeubles pour être repris sur les acquests, et même quoy que la simple promesse d’assigner ne rende pas régulierement les deniers immeubles, on pourroit les déclarer mmeubles à l’égard de la femme suivant la Coûtume de Bourgogne, selon cet axiome, qu’une chose destinée est dite une partie de celle à laquelle elle est destinée, destinatum dicitur pars ejus ad quod destinatur.

Comme cet Article n’est pas favorable, il ne faut pas l’etendre au-de-là de ses termes, au contraire il doit être gardé dans ces termes précis, que cette Coûtume soit sterile, et qu’elle n’engendre en aucuns cas, et ce qui est introduit contre la raison du droit ne doit pas être tiré à conse-quence, consuetudo ista esto Sterilis, nec generet casus, & quod contra juris rationem introductum est, non est trabendum ad consequentias ; cet Article donc ne doit avoir hieu que pour la dot et non pour les autres biens qui sont échûs à la femme depuis son mariage, suivant que Berault le propose, les quels biens étant vendus par le mary, le remploy s’en doit faire sur les acquests et sur les meubles, ce qui fut même jugé en l’espèce de la dot baillée au mary, qu’il avoit venduë constant son mariage.

En l’Audience de la Gtand : Chambre le 12 de Janvier 1635. on agita cette question, si le mary ayant vendu la dot de fa femme, et luy ayant depuis donné tous ses meubles par son testament, les frères du mary étoient tenus du remploy de la dot ; La femme remontroit que comme legataire universelle des meubles elle n’étoit obligée qu’aux dettes mobi faires, que sa dot étant constituée sur son pere et ses freres, et son mary l’ayant venduë, il en étoit de même que s’il en avoit reçû le rachapr, et partant qu’elle devoit être tenue pour consignée, suivant l’Article 366. et elle pouvoit prendre part aux meubles et acquests, et demander sa don entière, le remploy de sa dot étant une dette immobiliaire, elle n’en est pas tenuë en sa qualité de légataire aux meubles. Les heritiers du mary répondoient que les Articles 365. et 366. n’avoient lieu que dans le cas de la consignation actuelle, ou quand on baille en assierte au mary des sentes constituées pour la dot de sa femme, dont le rachapt est fait en ses mains et qu’il est forcé le recevoir ; que la constitution faite par le pere et les freres sur eux n’est point une consignation actuelle que le mary doit faire par termes de present, et par consequent que le remploy de la dot alienée doit être fait sur les meubles : Il y a de la difference entre la reception des deniers dotaux par le mary qu’il est forcé de recevoir, et l’alienation volontaire qu’il en fait ; en ce cas de rachapt il est tenu d’en faire la consignation, mais au cas de l’alienation volontaire de la dot, lle doit être reglée suivant le Titre du Mariage Encombré, et si la femme n’apoint consenti à l’alienation de son bien, elle peut s’en remettre en possession, fauf le recours de l’acquereur auquel la femme legataire universelle des meubles est tenue ; que si elle y a donné son consentement, elle en a recompense sur les biens de son mary si les denters n’ont point été employez à son profit : or le mary ayant reçû les deniers, et quelque temps aprés donné tous ses meubles, ils étoient compris dans ces meubles que la femme a pris, et quand le mary les auroit consumez, il auroit en ce faisant autant épargné ses meubles. Cette cause ayant été plaidée entre du Mouchel appelant, et Alphonse Belin, veuve de Martin, legataire universelle des meubles, à qui on avoit ajugé la recompense de fa dot alienée par son mary, on cassa la Sentence, et les heritiers furent déchargez de la recompense de la dot Nous appelons consignation actuelle lorsque le mary a consigné et constitué sur tous ses biens les deniers donnez pour dot à sa femme, une simple promesse de remplacer n’est pas reputée si une consignation actuelle, comme il fut jugé, au Rapport de Mr de Brinon, le 22 de Decembre 1657. le contrat de mariage ne portoit qu’une simple promesse de remplacer, et il ut dit que la femme reprendroit sa dot sur les meubles et sur les acquests.

La destination pour la consignation ou l’employ des deniers ne seroit point valable, et les d deniers conserveroient toûjours leur nature mobiliaire, nonobstant cette simple destination, de l’effet de laquelle voyezCharondas , sur l’Article 93. de la Coûtume de Paris ; mais la consination actuelle de la dot ne la rend pas seulement immobiliaire, l’action même qu’elle produit pour la redemander est immobiliaire, et par Lette raison elle appartient aux heritiers au propre de la femme comme une constitution de rente qui subsiste sur les biens du mary, ce qui rend cette action fort différente de celle que la femme exerceroit pour le remploy de ses propres, que son mary auroit alienez ; cette derniere action a été jugée au Parlement de Paris, tantost et mmobiliaire et tantost mobiliaire, comme on l’apprend deBrodeau , l. R. n. 3. et deRicard , li sur la Coûtume de Paris, Art. 232. et ce dernier Auteur estime que cette action pour le remploy des propres alienez, même au cas qu’il échet de la prendre sur des immeubles, est neanmoins censée mobiliaire, et qu’en cette qualité elle appartient aux heritiers aux meubles, parce que pour juger de la nature de ce qui peut revenir d’une action, on ne considère pas sur quelle sorte de bien elle est à prendre, mais seulement ce qui en peut revenir : or ce que la femme ou ses heritiers peuvent demander au mary ou à ses heritiers est une rente, la consignation constituë si parfaitement la dot en rente, que depuis qu’elle a été constituée, soit au denier dix ou quatorze, elle ne change et ne diminuë point par la reduction des rentes, comme il fut jugé, au Rapport de Mr Labbé, le 17 de Decembre 1685. le mary ayant reçû la dot de sa femme, et l’ayant, remplacée sur tous ses biens en un temps où les rentes se constituoient au denier dix, ses heritiers furent condamnez de continuer la rente sur ce même prix Au procez du sieur de la Tour, ayant épousé la Demoiselle veuve du sieur de Gemicourt, et des sieur d’Arandel et des Rotours, et de Hoden, il se mût plusieurs questions dont la décision fournit beaucoup d’éclaircissement à cet Article : On disputa si le mary ayant constigué sur luy la somme de sepr mille cinq cens livres pour tenir le nom, côté et ligne de la femme, avec ces termes ( qu’il a consignè et consigne sur tous ses biens presens et avenir, parce qu’en cas le predecez elle pourroit dans six mois repeter cette somme ou demander la continuation de la rente, cette consignation êtoit suffisante et actuelleE On disoit premièrement qu’en ces consignations le erme àdes à present, étoit requis : Secondement, que cet Article d’ailleurs rigoureux ne se pratique que quand la dot a été payée avant le mariage : En troisième lieu, que cette clause qui lonnoit la faculté à la femme de repeter cette somme six mois aprés la mort de la femme, marquoit que ce n’étoit pas une véritable constitution ou consignation actuelle. On répondoit que ces termes ( a consigné, étoient suffisans pour operer la consignation, n’étant pas moins significatifs que ces mots des à present, qui ne sont point requis par cet Article, et qu’étant dit ( a con-signé ) ce n’étoit pas une simple promesse de consigner, mais une consignation parfaite et achevée. La seconde objection n’étoit point considérable pour la validité et l’effet de la consignation : on n’a point fait de difference entre le temps du payement, soit qu’il soit avant ou depuis le mariage, c’est assez qu’il ait été promis, qu’en consequence de la promesse il ait été consigné, et qu’en suite la promesse ait été executée ; la dot ne se paye le plus souvent que constant se mariage, principalement entre Gentilshommes, et il ne seroit pas juste de ne faire commencen Phypotheque que du jour du payement, cela engageroit à faire une recherche trop exacte des biens du mary. Pour la troisième objection, que cette faculté accordée à la femme n’empeschoit point leffet des autres clauses du contrat, cela fut jugé de la sorte au Rapport de Mr de RoméFrequienne, le mois de Decembre 1623.

En ce même procez cette autre question fut agitée, si la femme remporteroit le remploy de ses rentes rachetées durant son mariage sans diminution de sa part aux meubles.

et conquests ; Et quoy que, cette question se décide principalement par fautorité de l’Article. qui suit, neanmoins comme elle fut vuidée par le même Arrest, j’en rapporteray lespece et les raisons.

Il étoit expressément stipulé par son contrat de mariage que ses immeubles luy retourneçoient, mais il n’y avoit point de consignation en cas de vente ou de rachapr ; toute la difficulté tomba sur ces deux Articles 365. et 366. il se trouva trois opinions differentes ; la premiere, que ce remploy ne pouvoit être donné sans diminution des droits de la femme, qu’il devoit être pris sur les meubles, et s’il n’y en avoit pas assez sur les acquests, de sorte qu’ayant pris une moit ié aux meubles, elle avoit confondu en sa personne une moitié de ce remploy : Cet Article requeroit une consignation actuelle pour remporter la dot sans diminution, qu’il n’y avoit point de consignation actuelle, de plus que la Coûtume ne parloit que de la dot que ce que l’on demandoit n’étoit pas la dot, mais le bien de la succession du sieur de Vitermont son pere ; qu’on ne peut faire force de l’Article 366. dautant que ce n’est pas le bien dotals. mais quand on luy donneroit cette qualité, quoy que suivant l’Article 366. lorsque le mary reçoit le rachapt des rentes baillées pour dot, ces rentes soient reputées consignées, on ne seroit point aux termes de l’Article precedent qui désire une consignation actuelle, la femme ayant d’ailleurs assez d’avantage ; car outre les conquests et les meubles, elle avoit encore ses rentes dont les deniers ont peut-être été employez en ces acquisitions. Le second avis étoit que le remplacement n’est pas une dette mobiliaire, qu’il ne faut pas étendre la disposition de l’Art. 365. et qu’il faloit plûtost l’entendre de l’argent baillé au temps du mariage. Le troisième avis étoit que ce remplacement devoit être pris sans diminution des meubles ni des conquests, puisque par l’Article 366. le rachapt des rentes appartenans à la femmé est tenu pour consigné et pour avoir l’effet de cet Article. L’on ne peut douter que ce ne soit une dot ; suivant le droit civil il y avoit de la difference entre la dot et les autrés biens de la femme, mais les Coûtumes y en font peu, et Mr d’Argentré , en la Preface du Titre de Mariage, dit qu’il n’y en a plus, et que tous les biens de-la femme sont censez de même qualité, et en Normandie on ne remarque cette difference que par les Articles 534. et 542. dans lesquels neanmoins on n’exprime pas ce qui doit être censé dot ou non, et toute la distinction que l’on en peut faire est que ce qui a été baillé à la femme lors du mariage pour tenir son nom, côté et ligne, est reputé un bien dotal, cemme au ssi ce qui luy échet en ligne directe ; les autres biens non dotaux sont ceux qui viennent à la femme pendant le mariage, soit par succession collaterale, donation ou acquest, ce que la femme apporte en mariage prend hypotheque du jour du mariage, et les autres biens du jour de l’alienation : puis donc que les immeubles apportez par la femme sont sa dot, et que par son contrat ils doivent tenir son nom, côté et ligne, qui sont les vrais termes de constitution de dot usitez entre les vieux Praticiens, et que suivant l’Article 3é6. ils sont dits être consignez : s’est avec raison que l’on a introduit cette feinte consignation, car l’expresse seroit impertinenter la consignation réelle ne se fait que quand on baille du meuble et non de l’immeuble, auque cas elle n’est point necessaire, que si la consignation est reputée faite, c’est sans doute pour avoir l’effet de l’Article 365. et l’on donne encore cette autre raison de l’Article 366. que la consignation est censée faite à cause de l’alienation forcée entre les mains du mary, auquel cas la Coûtume a voulu pourvoir à la sûreté de la femme, qui sans cela souffriroit un grand prejudice le mary n’ayant pas remplacé ces rentes, elle perdroit ses droits de meubles et de conquests, ou son remplacement. L’Arrest qui intervint ne décida point ces difficultez, mais la troisième opinion me paroit plus conforme à l’Article 366.

Par le contrat de mariage d’André Eurry, Ecuyer, et d’Anne Sécles sa femme, Michel et Stenot Sceles ses freres luy donnerent cinquante livres de rente pour sa dot, et Eurry confessa avoir reçû quatre cens livres qu’il promit de consigner en quarante livres de rente sur ses biens au nom de ladite Sceles et des heritiers issus d’elle, à condition toutefois que si elle décedoit sans hoits, ses heritiers ne pourroient demander les quarante livres de rente, mais qu’ils demeureroient au profit du mary : Jean Eurry qui naquit de ce mariage mourut aprés sa mere, et André eurry survéquit l’un et l’autre ; aprés son décez Christophe son fils, issu d’un premier mariage. luy succeda, comme aussi audit Jean Eurry son frère de pere, et il pretendit que cette somme de quatre cens livres reçûë par son pere, et qu’il avoit consignée lors de son second mariage, luy appartenoit comme heritier dudit Jean son frère ; il disoit qu’il paroissoit assez que cette somme n’avoit pas été payée, le contrat de mariage ne portant aucune numeration, et c’étoit un avancement fait par le mary à sa femme, que si les freres avoient payé cette somme, elle auroit été consignée comme les cinquante livres de rente. La fraude paroissoit par cette stipulation, que si sa femme mouroit sans enfans on ne repeteroit point cette somme ; or par l’ordonnance et par le droit relles confessions sont reprouvées, la numeration fait la dot et non l’écriture du contrat dotal, dotem facit numeratio, non dotalis instrumenti scriptura, et quand cela ne seroit point, que cette somme de quatre cens livres tenoit nature de meubles, qui luy retournoit comme frère de pere, et non à Secles qui n’étoit que cousin ; car bien que son pere eût promis de consigner cette somme, il n’en avoin rien fait, ainsi l’on ne pouvoit dire que par aucune constitution cette somme eût été renduë immobiliaire : La Coûtume fait grande difference entre la dot qui est consignée et celle qui ne l’est point, ce qui se voit par cet Article 365. où la femme qui prend part aux conquests peut encore demander sa dot sur les autres biens, quand elle a êté consignée, mais s’il n’y a point de consignation, la dot doit être prise sur les meubles de la succession, et s’ils ne sont suffisans sur les acquests.

Par cet Article on voit que la dot non consignée tient nature de meuble ou d’acquest, et partant que le plus proche parent y doit succeder, et en parité de degré le paternel prefere le maternel, ainsi Eurry frere est preférable à Sceles qui n’est que cousin : aussi par Arrest. du 18z d’Aoust 1550. entre Lamie de Laffaye et Jeanne Fonteville, et par un autre du 18 de Mars 1583. entre le Riche et Françoise du Ménil, par autre du 1o Mars 1595. entre Madron et le Gentil il a été jugé que la dot non consignée se prenoit sur les meubles, et que comme meuble elle appartenoit au plus proche parent.

Sceles répondoit que l’Article 365. ne faisoit rien à la question, bien qu’il soit dit que la dot non consignée se doit prendre sur les meubles et sur les acquests, plûtost que sur lel propre, il ne s’ensuit pas qu’elle doive être reputée plûtost meuble ou acquest que propre ; au E contraire par l’Article 511. deniers donnez pour mariage de filles par pere, &c. sont reputez imneuble et propre à la fille, propre qu’ils ne soient employez ni consignez, ce qui est donné par d’autres personnes est immeuble et tient nature d’acquests : de ces deux Articles on peut tirer ces distinctions.

Ce qui est donné par le pere, mere, ou frere, pour être la dot de la fille tient nature de propre, parce qu’il est au lieu de legitime, loco legitimae, ce qui est donné par d’autres personnes est immeuble et tient nature d’acquests, parce qu’il vient de donation qui est toûjours reputée acquests.

Mais on ne peut dire que ce qui est denné par pere, &c. pour être la dot tient nature de neuble, et neanmoins ce que les pere et mere et freres donnent se prend le plus souvent sur les meubles ; aussi par l’Article 511. deniers donnez, c’est à dire meubles donnez, ne sont pas tenus meubles s’ils sont destinez pour la dot des filles.

L’autre distinction est que la dot actuellement consignée se prend sur les propres ou sur la part des acquests des heritiers du mary, non surla part de la femme ; celle qui n est pas actuel. lement consignée se prend sor les meubles et sur les acquests La dot actuellement consignée court en rente du jour du décez du mary, celle qui n’est pas actuellement consignée ne court en rente que du jour que les heritiers du mary sont refusans de la restituer

L’Article 23. de la Coûtume de Bourgogne, Titre des Gens Mariez, traite les difficultez qui pouvoient naître sur ce sujet, Deniers de mariage assignez ou promis d’assigner et qui ne sont payez emportent arrerages, à sçavoir dix pour cent, dés le terme passe qu’ils sont promis de payer, et s’il n’y a terme declaré, dés lors que le debireur des deniers sera suffisamment interpelé De ce Texte on peut tirer ces décisions, que Deniers promis au mary et constituez en rente par le traité de mariage, doivent interest du jour des épousailles ou du jour que la rente a été promise, parce que du jour du mariage maritus sustinet onera matrimonii : ces deniers tromis à certain jour avec promesse d’interest, faute de payer courent en interest aprés le terme promis, quia dies interpellat. pro homine, deniers promis sans terme ne courent en interest que du jour de l’interpellation, l. cum notissimi. S. sed & siquis, C. de prascrip. 36. vel 40. Chassanée ann. l. 2. et 3. C. de ann. except. Chassanée, sur cet Article, his verbis ( a promis assigner ) ex promissione de assignando nascitur actio personalis, ex assignatione nascitur actio hypothecaria : de la promesse d’assigner nait l’action personnelle, et de l’assignation nait l’action hypothecaire.

Dans la question proposée en l’une et l’autre espèce, soit que la dot soit actuellement consignée, soit qu’elle ne le soit pas, elle tient toûjours nature d’immeuble, et retourne aux neritiers au propre ou aux heritiers aux acquests lorsqu’elle tient nature d’acquest. Cette fomme de quatre cens livres encore qu’elle dût être prise sur les meubles du mary, étoit le propre de ladite fille, et en la personne d’Eurry défunt c’étoit un propre maternel, il fut ainsi jugé sur un partage en la Chambre des Enquêtes ledit jour 2é de Mars 1607. et les quatre cens livres de rente furent ajugées à Secles avec les interests du jour de l’introduction du procez. On ne tint point que la consignation fût actuelle, autrement on eût ajugé les interests du jour du décez du mary.

I ne suffit pas pour joüir de l’effet de cette consignation actuelle, que le mary ait consigné et constitué sur ses biens la dot qui luy est promise, il faut que le payement se soit ensuivi et qu’il soit justifié

L’Amendé Tonnelier lors de son mariage ne possedoit qu’une piece de terre à bail d’heritage, l’on promettoit de luy payer trois jours avant les épousailles deux cens livres, dont il y en avoit cent livres en don mobil, et cent livres pour la dot ; peu de temps aprés le mary fîit des batimens et quelques augmentations sur ce fonds dont il joüissoit, aprés son décez sa femme demanda son doüaire et sa dot ; les heritiers contreditent la dot, parce qu’on ne voyoit pas que le mary l’eût reçûë, n’étant fait apparoir d’aucune quittance ni endossement, et n’en ayant été parlé lors de la reconnoissance du contrat de mariage : La veuve offroit de verifier

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le payement par les parens du mary, et par les siens qui étoient presents : Le Juge d’Emandreville les avoit appointez a écrire, la veuve en ayant appelé, Me Paul le Févre son Avocat disoit que l’on avoit agité cette question, sçavoir dans quel temps le mary est obligé de demander les deniers promis à sa femme, et dans quel temps l’action en peut être prescrite : Par le droit civil aprés dix ans lemary ne pouvoit demander la dot, Auth. quod locum, C. de dote cautâ ; la l. 1. dotibus qui precede, dit que quand il n’y a aucune donation de dot, mais une simple promesse, non seulement il est permis au mary d’opposer contre sa femme ou ses heritiers l’exception de l’argent non payé, mais aussi les heritiers du mary peuvent s’aider de cette promesse, cum adhuc nulla datio dotis, sed pollicitatio tantùm subsecuta sit, liceat exceptionem non numeratae pecuniae, opponere non solûm marito contra uxorem, vel ejus heredes, sed etiam heredibus mariti. Mais l’Authen-tique ajoute ( ce qui a lieu si dans l’efpace de deux ans le mariage est dissolu ; ) mais si cet intervalle s’étend au-de-là des deux ans jusques à dix, le mary et ses heritiers peuvent s’en plaindre dans trois mois, mais si la dixième année s’écoule il n’y a plus lieu à la plainte contre le mary, la prescription étant survenue pour la restitution en la totalité, quod locum habet si intra biennium solvatur matrimonium, si autem ultra biennium usque ad decimum annum extendatur & ipsi marito & ejus heredibus intra tres menses querela permittitur, sed si decennium transcurerit omnino querela denegatur permissâ restitutione in integrum prafinitâ, ce qui est conforme à la Novelle 100. de tempore non solutae pecuniae super dote, S. generaliter. Aprés un si long-temps la presomption est toute entière contre le mary, et il n’est pas croyable qu’ayant à supporter toutes les charges du mariage il ait negligé de se faire payer. Arrests deLoüet , 1. D. n. 14. que la même chose avoit Eté jugée pour la nommée Bocquemare, quoy qu’il s’agit de quatorze mille livres, que cette presomption devoit être reçûë en cette cause pour une somme si modique, et qu’il paroissoit d’ailleurs que son mary qui étoit pauvre, depuis son mariage avoit employé beaucoup d’argent en ses barmens, et en tout cas qu’elle devoit être reçûë à sa preuve. Le Canu pour les heritiers soûtenoit qu’elle n’y éroit point recevable ; la Coûtume reçoit les parens à recorder pour de doüaire seulement, et non pas pour les autres conventions : Par Arrest du 3r de Janvier lé5aon cassa la Sentence, et on condamna les heritiers à payer les cent livres. Sans doute la modicité de la somme fut le motif de l’Arrest.

Bien que les plus penetrans dans l’esprit de la Coûtume ayent toûjours murmuré conctre cet Article, on n’a point laissé de l’étendre encore fort avantageusement pour les femmes, comme l’on fit en la cause de la Dame d’Auxouville : Par le contrat de mariage de Mr M’Adrien Secart, Conseiller en la Cour, avec Dame Jacqueline Prevel, on luy promettoit vingt et un mille livres pour être la dot de sa femme, laquelle il consigna sur tous ses biens ; cette somme fut depuis payée et reçûë par Mr Secart pere, et Mr d’Auxouville son fils, qui en baillerent conjointement leur quitrance, et comme le pere êtoit demeuré saisi des deniers, il se fit un contrat entr’eux le I8 d’Avril 1632. qui contenoit que le sieur Secart delaisse des héritages au sieur d’Auxouville son fils, pour demeurer déchargé des trente-cinq mille livres, du nombre des deniers qui avoient êté payez par le sieur de Monterollier, frère de la Dame d’Auxouville.

Aprés la mort du sieur d’Auzouville et de son fils, la Dame d’Auxouville ayant demandé au sieur de Bailleul, à Mr de Roüen-Bermonville, Conseiller en la Cour, et au sieur de Ste Colombe, ses gendres, heritiers du sieur d’Auzouville, ses conventions matiimoniales, il ut dit par Sentence des Requêtes du Palais que les vingt et un mille livres qui composoient sa dot seroiont remplacez sur les héritages acquis constant son mariage, par le sieur Secart pete de son mary.

Sur l’appel de cette Sentence, la Dame d’Auxouville disoit qu’il avoit été mal-jugé, parce qu’en ce faisant on la faisoit contribuer au payement de sa dor, quoy qu’elle eût été consignée, ce qui étoit contraire à la disposition de cet Article, qui donne à la femme quand il y a consignation sa dot entière, sans diminution de sa part aux conquests, et sur l’objection qui luy êtoit faite, que pour se prevaloir de cet Article deux conditions sont necessaires, à sçavoir que le mary ait reçu actuellement la lot, et qu’il ne l’ait point remplacée : Elle répondoit qu’il étoit vray que dans la quittance son mary, et le sieur Secart son pere sont employez tous deux, comme ayant reçû l’argent, mais que cela ne changeoit rien, que c’étoit une chose qui se pratiquoit ordinairement quand le pere du mary est vivant, et qui ne pouvoit faire de prejudice à la femme ni à la consignation stipulée par le contrat de mariage ; il suffit que la dot ait été consignée, et que la quittance du mary soit justifiée : Pour le remplacement de ses deniers elle soûtenoit qu’il n’y en avoit point eus et que quand il y en auroit eu, cela ne dérogeoit point à cet Article. Il paroissoit par la lecture du contrat qu’il n’y avoit point de remploy, il contient bien que le sieur Secart delaisse à son fils des héritages pour se décharger des trente-cinq mille livres qu’il avoit reçûs pour le mariage. le sa belle-fille, mais il n’est point parlé de remploy, ni que le sieur d’Auzouville baille ces héritages à la Dame sa femme pour le remploy de sa dot, ainsi l’on ne peut dire que cette dot ait été remplacée par le contrat, il faut pour cela qu’il y ait une déclaration expresse de bailler les héritages à la femme, que la proprieté luy en soit tiansfeiée, autrement ce n’est point un remploy qui luy soit donné, le fonds acquis des deniers dotaux n’est pas dotal, c’est une acquisition qui appartient au mary et non à la femme, et ce contrat ayant été fait en son absence il ne luy pouvoit nuire, et quand même il y auroit une declaration expresse de bailler l’herigage à la femme pour le remploy de sa dot, elle ne ruineroit pas l’effet de la consignation, dés le moment que la dot est consignée le droit est acquis, elle est assurée de la remporter sans à aucune diminution de ses droits, dont son mary ne peut la frustrer par quelque contrat qu’il puisse faire.

Il est inutile de dire que ce sont deux causes lucratives, l’intention de la Coûtume a été de donner cet avantage à la femme, qu’elle ait sa dot qui a été consignée, et qu’elle ait encore sa part aux conquests, sans distinguer si ces conquests ont été faits des deniers dotaux ou-d’autres deniers : La Coûtume n’a pas douté qu’un mary bon ménager, qui faisoit des acquisitions, n’avoit pas dissipé les deniers dotaux, et qu’il les avoit utilement employez, et neanmoins elle a voulu que la femme eût ces deux droits en cas de consignation, et cela fondé sur ce que la dot consignée est une dette anterieure du mariage, et les acquests doivent porter seulement les dettes posterieures du mariage : la difference entre la dot consignée et celle qui ne l’est pas, consiste principalement à exempter la femme prenant part aux conquests de contribuer à sa dot consignée. Tout ce dont qu’on pouvoit pretendre, s’il n’y avoit point de consi-gnation, seroit que l’appelante y contribueroit, mais puisqu’il y a consignation elle doit avoir son effer ; que la Cour l’avoit ainsi jugé par l’Arrest de la Demoiselle Penelle, du 12 de Mars 1671. luy ayant donné sa part entière aux conquests, et sa part entière sur les autres biens de son mary, a et quoy qu’il soit dit par cet Arrest qu’elle prendra les rentes acquises de ses deniers, et à elle paillez pour son remploy, cela n’opere qu’une simple destination de la maniere qu’elle devoit être payée. ; mais on ne luy ôte pas un droit qu’on venoit de luy accorder, outre que dans lespèce de cet Arrest la consignation étoit posterieure au mariage, et il y avoit remploy actuel. par les contrats ; mais en cette espèce la consignation étoit portée par le traité de mariage, et il n’y a nulle stipulation de remploy par le contrat de l’année 1632.

On répondoit qu’elle avoit mal compris le sens et l’intention de cet Article : Il est bien vray que quand le mary consignoit actuellement la dot et qu’il la retenoit, la femme prenoit sa part entiere aux acquests sans diminution de sa dot mais cet Article contient deux conditions. necessaires ; la première, le payement effectif des deniers dotaux entre les mains du marys et la seconde, qu’il ne se trouve pas un remploy exprée et formel de ces mêmes deniers, car en ce cas la femme ne peut demander encore un autre remploy de ces mêmes deniers sur les propres de son mary, ce sont deux causes fucratives qui ne peuvent concutrer en un même sujet.

Or ces deux conditions manquent en cette rencontre : Mr de S. Arnout n’a point reçû les deniers dotaux de la Dame sa femme, on désira pour une plus grande asfurance qu’ils fussent tis par le sieur Secart son pere, par consequent il ne peut y avoir de consignation actuelle, et quand le mary y auroit été present, cette presence n’auroit effet que pour acquerir une nypotheque et non point pour produire une consignation sur les biens du mary, qui ne peut, amais avoir lieu que quand il a reçû et fait son profit des deniers dotaux Il est donc vray de dite que le pere seul étoit debiteur de la dot et non point le fils, et que le pere voulant se liberer de cette dette a baillé un fonds à son fils, ainsi ce fonds ne peut être censé pour acquest fait par le fils, c’est le bien du pere qu’il a baillé en payement de sa dette, et par consequent ou la femme doit le prendre en payement comme un fonds baillé par le pere en payement, ou elle doit l’abandonner comme n’appartenant point à son mary.

Il faut ne connoître pas l’esprit de la Coûtume et ignorer absolument l’usage de la Province pour avancer des propositions de cette nature ; chacun sçait que cet Article 365. a parû fort étrange, parce qu’en effet il est contraire à toutes les sages dispositions de la Coûtume, pour empescher les avantages que les maris voudroient faire à leurs femmes ; cependant si l’on en croit la Dame de S. Arnout, dés le moment qu’une consignation de dot est stipulée, il est impossible au mary de décharger ses propres, quelque remplacement qu’il fasse des deniers doraux, et quelque declaration qu’il puisse employer

Il est tres-certain néanmoins qu’on n’a point douté jusqu’à present qu’un mary ne puisse employer en fonds les deniers dotaux qu’il reçoit, et que quand la déclaration de l’employ est portée par le contrat d’achapt, ce fonds ne soit un actuel remplacement, et Godefroy apporte expressément cette limitation à la disposition de cet Article, parce qu’autrement elle auroit eux payemens d’une même chose ; on convient bien que la femme n’est pas tenuë de la rendre si elle ne l’a pas acceptée, mais en cas qu’elle le refuse elle ne peut y demander parti parce qu’il seroit incompatible qu’elle prit part au fonds acheté de ses deniers, et qu’elle remportât encore sa dot entière sur les autres biens du mary : la consignation actuelle n’a son effet que quand il ne se trouve aucun remploy des deniers, parce qu’alors on peut dire en aveur de la femme, que les deniers dont on a fait l’acquest proviennont de leur commune industrie et de leur bon ménage, plûtost que de ses deniers dotaux, puisque l’on n’en a fait aucune déclaration, autrement on feroit un avantage extraordinaire et inoüi aux femmes, si nonobstant le remploy formel de leurs deniers elles prenoient part à l’acquest, et pouvoient encore exiger un autre remboursement ; c’est proprement faire concurrer deux causes lucratives, ce qui est incompatible en droit, et la Dame appelante se trompe quand elle dit que vintention de la Coûtume a été de donner cet avantage à la femme, n’ayant pas douté qu’un mary qui faisoit des acquisitions n’avoit pas dissipé les deniers dotaux ; au contraire la Coûtume est en toutes occasions trop défavorable aux femmes, pour presumer qu’elle ait eu l’intention de leur faire un avantage qui choque la raison, en leur donnant deux fois le payement d’une même chose ; et bien loin qu’elle n’ait point douté que le mary n’avoit dissipé les deniers dotaux, elle a presumé plûtost qu’il les avoit consumez mal à propos puisqu’il n’en avoit pas fait de remploy, et en ce cas elle n’a pas voulu priver la femme d’avoir part à ce qui étoit cquis de leur seul bon ménage, et c’est aussi ce que la Cour a jugé par l’Arrest de la Demoiselle Penelle, qui porte expressément qu’elle prendroit en déduction de sa dot les rentes dont ses contrats de constitution portoient un remploy, il est ridicule de dire que ce n’est qu’une simple designation de la maniere dont elle devoit être payée ; car outre qu’il n’étoit pas necesfaire de faire cette designation en l’obligeant de prendre ces rentes qui portoient ce remploy, on la privoit d’y prendre part comme à un acquest.

Que si la cause de la Dame appelante n’est pas soûtenable dans la question generale, elle l’est encore moins dans le fait particulier, où il paroit que le mary n’a point reçû la dot, mais son pere ; quand on supposeroit en faveur de l’appelante que le mary auroit reçû sa dot, et qu’en consequence elle pût se prevaloir de la consignation, et en la manière qu’elle pretend, il demeureroit toûjours constant par la confession du pere qu’il avoit fait son profit des deniers, et cette reconnoissance du pere produiroit une action au fils pour luy en demander la restitutioes mais en même temps il luy opposeroit qu’il en est quitte au moyen du fonds qu’il luy a baillé en payement : d’où il resulte que ce n’est point un acquest que le fils ait fait, que c’est le bier du pere, et que le pere étant debiteur de la dot et s’en étant liberé par la vente du fonds, la femme du fils n’y peut jamais rien pretendre : il est surprenant que la Dame appelante ose dire qu’il n’y a point eu de remplacement, puisque le contrat porté expressément que le peredelaisse ses héritages à son fils pour demeurer quitte des trente cinq mille livres qui luy avoient éité payez par le sieur de Monterollier, pere de la Dame appelante : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes du 22 de Juin 1675. au Rapport de Mr Halé. d’Orgeville, la Sentence ut cassée, et en reformant ordonné que les deux mille cinq cens livres de rente pour la dot de ladite Prevel seroient pris sur la part que ledit de Bailleul et ses coheritiers prenoient en la succession, sans que la part appartenante à ladite Prevel aux conquests en reçoive de diminution. Les parties étoient Jeanne de Prevel, veuve de Mr Me Adrien Secart, sieur d’Auzou-ville, Conseiller en la Cour, appelante, et Me François de Bailleul, ayant épousé Dame Françoise Secart, et Mr Me Abraham de Roüen, sieur de Bermonville, Conseiller en la Cour, intimez. J’avois écrit au procez pour lesdits sieurs de Bailleul et de Bermonville.

On ne doit pas induire de cet Arrest que depuis qu’un mary aura une fois consigné sur ses biens les deniers dotaux de sa femme, il ne pourra plus les remployer si sa femme n’agrée ce remploy, il seroit fort étrange qu’un mary pour ne charger pas ses propres de la dot de sa femme, ne pût pas acheter des héritages des deniers qu’il auroit reçû pour valoir de remploy ; il est bien vray que la femme n’ayant pas accepté ce remploy, ne seroit pas forcée de le prendre en payement de sa dot, mais la déclaration faite par le mary doit valoir au moins à l’effet, que sur ce fonds acquis des deniers dotaux la femme n’y puisse pretendre droit de conquest.

Par Arrest du 1s de May 1671. au Rapport de Mr du Houley, il fut jugé que celuy qui étoit en curatelle en se mariant n’avoit pû obliger ses immeubles à la consignation de la dot, mais seulement ses meubles dont il avoit l’administration : mais voici les circonstances du fait.

Jean Trevet, sieur de Senouville, fut mis en curatelle en l’année 1649. mais en l’année 1665. on luy laissa l’administration de son tevenu et de ses meubles, parce qu’il ne pourroit aliener ses immeubles que par l’avis de deux parens ; depuis par son contrat de mariage fait en l’absence de tous ses parens avec la Demoiselle Saviniaire de Mazemguerbe, il confessa avoir reçû une somme qu’il avoit consignée sur ses biens pour être la dot : Le sieur Trevet, Conseillet au Presidial de Roüen, qui s’étoit opposé à ce mariage, n’ayant point de causes valables d’opposition. fut obligé de s’en desister ; aprés le decez dudit Trevet, sa veuve demanda sa dot à François Trevet, fils du premier lit, qui s’en défendit, parce que son pere étant en curatelle n’avoit où aliener ni hypothequer ses immeubles que par l’avis de deux parens qu’on luy avoit nommez ; on s’étoit bien gardé de les appeler, parce qu’en effet on n’avoit rien payé. La femme disoit au contraire qu’elle n’avoit pu y appeler les deux parens nommez par la restriction, parce que l’un êtoit décedé lors du contrat de mariage, et l’autre qui étoit le sieur Trevet Conseiller étoit opposant, qu’il seroit rigoureux de luy faire perdre sa dot, son mary ayant reconnu deva nt les Tabellions qu’il l’avoit reçûë, qu’avant été capable de contracter-mariage sans le consentement de ses parens, il avoit aussi été capable de consentir les pactions ordinaires dans les contrats de mariage, et par consequent de s’obliger à la consignation de la dot qui est la principale ; neanmoins il fut jugé que Trever n’avoit pû engager ses immeubles par une confession faite en l’absence de ses parens, fauf à la femme à prendre sa dot sur les meubles. Il a été encore jugé en l’Audience de la Grand. Chambre le 18 de Janvier 1672. qu’il y a consignation actuelle de dot quand le maty a promis de la remplacer en cas de rachapt ; ce rachapt avoit été actuellement fait, les freres en mariant leur soeur s’étoient constituez en une renté pour sa dot, et ils avoient stipulé qu’en cas de rachapt, le mary seroit tenu de remplacer les deniers pour tenir le nom, côté et ligne de sa femme : quelques années aprés les freres payerent la dot de leur seur entre les mains du mary, qui fit depuis des acquisitions, sans déclarer si les deniers qu’il payoit provenoient de la dot de sa femme, mais cela paroissoit assez par la proximité des contrats : La question êtoit de sçavoir s’il y avoit eu consignation actuelle de la dot sur les biens du mary, en forte que la femme eût droit de la prendre sur les propres sans diminution de sa part aux meubles et conquests, la Cour par son Arrest jugea qu’il y avoit eu consignation actuelle, et que la part de la femme aux meubles et conquests n’en devoit rien porter. L’Arrest peut être fondé sur ces deux raisons ; la premiere, que le mary par le contrat de mariage avoit promis de remplacer en cas de rachapt, ce qui avoit la même force que la consignation ; la seconde raison est prise de l’Article 366. de la Coûtume, par lequel la dot est tenué pour consignée, quand le mary constant le mariage a reçù le rachapt de la rente dotale constituée par les freres. Lyout le, jeune laidoit pour les heritiers du mary, qui soûtenoient qu’il n’y avoit point de consignation.