Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


ES dispositions contenuës en ce Tître sont d’un grand usage dans la societé civile, c’est pourquoy la connoissance en est fort necessaire ; les matieres qui y sont traitées ont beaucoup d’étenduë que le Tître ne promet d’abord ; il n’y est pas seulement parlé du doüaire des femmes, mais aussi de tous les effets civils que le mariage produit : cette conjonction qui unit des personnes qui n’avoient auparavant aucune liaison entr’elles, ne se peut faire que sous beaucoup de conditions reciporuqes, on y ménage les interests et les avantages de ceux qui contractent, et l’on tâche en même temps d’assurer la fortune et la con-dition de la posterité que l’on espere en devoir naître.

Mais la Loy qui n’ignore pas les déreglemens qu’un amour aveugle peut produire, et qui connoît aussi la foiblesse des femmes, ne leur permet pas de contracter à leur volonté ; elle impose aux hommes et aux femmes des conditions qu’ils sont obligez de garder, et quelque grande que soit leur affection, leurs donations ne peuvent exceder les bornes qui leur sont prescrites.

C’est un usage presque universel de donner quelque recompense à la femme, non pas seulement comme un prix de la virginité, propter delibatum pudicitiaee florem ; car les veuves qui se remarient en seroient privées, mais à cause de la dot qu’elle apporte au mary, et qu’elle luy donne en quelques lieux toute entiere ; c’est pourquoy chez les Hebreux la veuve étoit entretenuë sur les biens du mary, et même s’ils ne suffisoient pas pour elle et pour les enfans, elle étoit preferée,Seld . de Success. ad leg. Hebr.

Cette recompense a été reglée fort diversement, soit à l’égard de la qualité ou de la quantité. Les Empereurs permirent la donation à cause de nopces, dos data remunerationem propter nuptias meretur, dit la l. dos data C. de don. prop. vel ante nupt. Cette donation étoit une remuneration de la part du mary envers sa femme, ut soluto matrimonio melius prospiciatur mulieri : Auth. de don. prop. nupt. et dautant qu’elle tenoit lieu de compensation de la dot, elle étoit appellée des Grecs MOTGREC, quasi antidos ; et dans le Droit Cano-nique, elle est appellée dotalitium, C. plerumque de don. inter vir. & uxor. aux Decret.

Ces donations, à cause de nopces, étoient inconnuës aux anciens Jurisconsultes : Elles ne furent approuvées que par les Empereurs ; et quelques Interpretes l’ont estimée si favorable, qu’ils ont crû qu’elle pouvoit être demandée sans stipulation, solâ conditione legis, Accurse bien qu’Accurse soit d’un sentiment contraire, ce qui est conforme à nôtre Coûtume.

Les Empereurs permirent donc au mary la donation à cause de nopces, pourvû qu’elle fust égale à la portion que la femme luy avoit donnée, l. cum mulaeae C. Cod. Cette égalité étoit necessaire au commencement, mais cela fut depuis changé, par les Grecs en leurs MOTGREC, id est, id quo mortuo morito superstiti uxori redditur supra dotem, et cet MOTGREC étoit au commencement la moitié ; depuis il fut reduit au quart ; et enfin il fut arrêté que quand il n’y auroit point de stipulation expresse, il ne seroit que du quart :Harmen . l. 4. c. 10.

Dans les Provinces de France qui gardent le Droit Romain, il ne se pratique pas comme Justinien il a été ordonné par Justinien : Dans les COntrats de mariage on y employe ordinairement une convention reciproque pour le gain de survie, c’est à dire que le mary au cas qu’il predécede, donne à sa femme une somme qui luy doit être restituée outre et par dessus sa dot, c’est ce qu’on appelle augment de dot. Colombel en les Inst. part. 3. t. 30. MrMainard , l. 4. c. 56. a écrit qu’à Tolose l’augment de dot est de la moitié, et neanmoins que la proprieté n’en est acquise à la femme que quand elle survit à son mary ; Cambolas l. 5. c. 1. Gregor, Tolos Tolos. in suntag. l. 8. c. 7.

Mais quittons les Grecs et les Romains pour découvrir ce qui se pratiquoit autrefois dans les Gaules et parmy nos voisins ; car il seroit mal aisé de trouver une entiere conformité de nôtre doüaire avec la donation à cause de nopces des ROmains, et l’hypobolon des Grecs ; le nom et la chose ont toûjours été particuliers aux François, comme dit Pontanus en sa Preface sur le Tître du Doüaire de la Coûtume de Blois. On peut dire cependant que quoy qu’il ne se trouve pas une relation parfaite entre nôtre doüaire et la donation, propter nuptias, et l’augment de dot, ils ne laissent pas d’avoir un même principe, et de se ressembler en beaucoup de choses. Pontanus a crû que le Doüaire Coûtumier étoit une imitation de ce que Justinien avoit établi par ses Authentiques. Il donnoit à la femme qui n’avoit point de dot, ou qui n’en avoit qu’une mediocre, la troisiéme ou quatriéme partie des biens du mary, lorsqu’il n’avoit que trois enfans, que s’il y en avoit davantage, la femme avoit autant qu’un enfant ; Auth. aeraeterea Cod. unde vir. & uxor. et Auth. de exhib. reis §. 9. quoniam vero Coll. 6. Pontanus sur l’Article 177. de la Coûtume de Blois. C’est aussi l’opinion de Mr d’Argentré , dans sa Preface sur le Tître de mariage in fine.

Cette coûtume de doter les femmes étoit fort ancienne dans les Gaules et dans l’Allemagne ; Viri quantas pecunias ab uxoribus acceperunt, tantas ex suis bonis aestimatione factâ cum dotibus communicant, hujus omnis peaeuniae conjunctim ratio habetur, fructus servantur, uter eorum vita superavarit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit. Tacite rapporte à peu prés la même chose des Allemans, de moribus German. dotem non uxor marito, sed maritus uxori adfert. Nous apprenons par ce passage que le terme de Dot signifioit ce que depuis l’on a nommé Doüaire. Dans les Loix des Bourguignons t. 42. et t. 62. mulier si ad alius nuptias transierit, perdet omnia, praeter dotem tamen quam à marito suo acceperat quamdiu vixerit filio proprietate servatâ, ce qui signifie manifestement le Doüaire. Mr Bignon confirme cette verité par plusieurs exemples, in notis adMarculph . l. 1. c. 15. Et par l’Ordonnance qui fut faite par Jean Roy d’Angleterre, dont je parleray incontinent, on se sert de ce terme de Dot pour exprimer le Doüaire : assignatur viduae pro dote suâ tertia para totius terrae mariti sui, nisi de minori dotata sit, ce qui fait voir qu’en ce temps-là le doüaire coûtumier et le doüaire prefix étoient en usage.

Depuis cette espece de constitution de dot fut appellée doarium, et dotalitium. Saumaize dit que les François apprirent cette Coûtume dans leurs voyages d’Outremer, parce qu’en ce temps l’MOTGREC des Grecs étoit de la troisième partie des biens du mary, de modo usur. l. 4. Cet Auteur rapporte en ce même endroit un certain Formulaire Grec, dont les Notaires se servoient dans les Contrats de mariage, qui a quelque rapport avec les nôtres : XXXXX

XXXXXXXXXXX : Si le mary decede avant sa femme

et sans avoir fait testament, la femme remportera pour son doüaire le tiers du bien qu’elle avoit donné à son mary.

Mais l’usage du doüaire est beaucoupo plus ancien parmy nous, et même parmy nos voisins, que le voyage d’Outremer, il étoit même limité presque par tout comme parmy nous à la tierce partie. Rheinardus en son Traité de differentiâ juris civilis et Savon. l. 1. c. 33. dit que jure Saxonica uxoribus ex bonis defuncti mariti tertia pars omnium bonorum debetur. Baro dans son Epître dedicatoire, de jure beneficiorum, quod à jure Longobardico manat, quod vidua marito mortuo tertiam fructuam vel aliam partem quoad dum vivit apud Gallos lucratur.

Marculphe nous a conservé la formule de ces donations, le mary pouvoit donner l’usufruit de tous ses biens, tant propres que conquests, tam de alode quàm de comparato. Mar-culph. l. 2. c. 7. Il est vray que Philippe de Beaumanoir a écrit qu’en l’année 1214. Philippe Auguste regla le doüaire à la moitié des biens du mary, et il ajoûte qu’auparavant cet établissement du bon Roy Philippes, nul femme n’avoit doüaire, fors cil qui luy fut con-venu au mariage. C’est sur cette Ordonnance que la Coûtume de Paris est fondée, qui regle le doüaire coûtumier à la moitié des biens.

Mais en Normandie l’on peut dire que le doüaire a toûjours eu lieu, et qu’il consistoit comme il fait encore à present, au tiers des biens dont le mary étoit saisi lors de son mariage. Voicy les termes de nôtre ancienne Coûtume, comme ils sont rapportés parLith -leton l. 1. c. 5. de douverer : Tenant en douver, est lou homme est seisi de certeins terres et tenemens, et pren femme et de vie ; la femme aprés le decés de son Baron sera endouvée de la tierce partie de tiels terres et tenemens qui furent à son Baron en ascuns tems durant la couverture à tenir par la femme, par terme de sa vie.

Les Ecossois l’appellent aussi Doüaire, et est tertia pars totius tenementi viri sui, quod habuit Skenaeus tempore dispensationis. Skeneus l. 2. c. 20. de leg. Scot. Par une Ordonnance de l’an 1215. de Jean Roy d’Angleterre, le doüaire fut limité au tiers des biens du mary. Nous observons encore cette Loy : et dans les Provinces voisines, comme la Bretagne, l’Anjou et le Maine, la femme n’a que le tiers en doüaire.