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CCCLXIX.

Femme quand a doüaire sur les biens du pere et ayeul de son mary.

Si le pere ou ayeul du mary ont consenty le mariage, ou s’ils y ont été presens, la femme aura doüaire sur leur succession, bien qu’elle échée depuis le decez de son mary, pour telle part et portion qui luy en eust pû appartenir si elle fust avenuë de son vivant : et ne pourra avoir doüaire sur les biens que le pere ; la mere, ou ayeul, auroient acquis, ou qui leur seroit échû depuis le decez du mary.

Puisque suivant l’Article CCCLXVII. le doüaire consiste en l’usufruit des choses immeubles, dont le mary est saisi lors des épousailles, et de ce qui luy est échû constant le maria-ge en ligne directe ; il semble que la veuve du fils ne peut pretendre aucun doüaire sur les biens du pere de son mary, quand le mary predecede son pere, parce qu’il n’en étoit pas saisi lors de leurs épousailles, et qu’étant mort le premier, il ne luy est rien échû en ligne directe.

Mais comme le plus souvent ce sont des enfans de famille qui s’engagent dans le mariage, et que le doüaire de leurs femmes auroit été fort mediocre leurs maris décedans avant leurs peres, s’il ne leur eût été dû que sur les iens dont ils étoient saisis au temps de leurs mariages. La Coûtume en faveur du doüaire fait en cet Article une exception à cette Loy gene-rale, qu’elle avoit établie par l’Article CCCLXVII. les femmes qui épousent des enfans de famille, considerant principalement l’esperance de la succession des peres, il n’eût pas été raisonnable qu’elles eussent été privées de leur doüaire, quand il arrive que la mort trouble l’ordre de la nature.

On a prevenu cet inconvenient par cet Article qui donne doüaire sur la succession du pere et de l’ayeul du mary, quoy qu’elle arrive depuis sa mort, pour telle part et portion qui eût dû luy appartenir si elle fût échuë de son vivant ; elle ne fait toutefois cette grave que sous cette condition fort legitime, que le pere ou l’ayeul du mary ayent consenty au mariage, ce qui marque le soin particulier que la Coûtume a eu de retenir les enfans dans le respect et dans l’obeïssance envers leurs peres et meres, en privant leurs femmes et leurs enfans, et du doüaire et de leur legitime, quand ils se sont mariez sans leur consentement ; et cette peine leur est justement imposée, n’étant pas supportable qu’aprés avoir méprisé l’autorité d’un pere et étre entrée dans sa famille sans son aveu, elle profite de son bien, et soit recompensée de la subornation qu’elle a commise.

Cet Article est en usage depuis long-temps en cette Province : Lithleton le rapporte en cette maniere, Douvoment ex assensu patris est lou pere est saisi de tenement en feu, et son fils est heritier partie quand il est épousé, et douve sa femme à l’huis du moutier de parcel des terres ou tenemens, et son pere de assent et assigne la quantité et les parcels, en ce cas aprés la mort de le fils la femme entrera en même le parcel sans autre assignement. Lithl. l. 1. c. 5. et par les Loix d’Ecosse, l. 2. c. 16. art. 70. quand le mariage a été fait du consentement du pere, et le fils predecede, le pere est tenu de garnier le doüaire.

Plusieurs autres Coûtumes de France ont pareillement pourvû aux femmes qui épousent des enfans de famille, en charngeant d’un demy doüaire les peres et meres qui ont consenty aux mariages de leurs enfans, et qui leur survivent ; Anjou, Article 303. Mayne, Art. 347.

Poitou, Article 260.

Que si les femmes souffrent ce juste châtiment pour n’avoir pas gardé les regles de l’honneur et de la bien-seance, que ne meritent point les enfans qui manquent à ce devoir, où toutes les Loix divines et humaines les obligent si étroitement ? et bien que cette obeïssance soit dûë sans exception, et que les enfans ne puissent s’en dispenser que pour des causes tres-importantes, elle est requise principalement lorsqu’il s’agit de leur mariage ; car outre que l’affection et la sagesse des peres fait presumer que leur choix est plus sortable et plus judicieux que celuy d’une jeunesse aveugle et emportée, le mariage qui est la source et l’origine des familles, et le prejudice et l’infamie que produit une alliance honteuse et inégale, ne se terminant pas à la seule personne de celuy qui s’y est engagé, mais se répandant en quelque sorte sur toute sa famille, passant même jusqu’à la posterité ; il est tresjuste qu’un fils ne puisse pas se marier sans le consentement de son pere, et l’approbation de sa famille.

Toute l’antiquité, tant sacrée que profane, confirme que le consentement des peres étoit requis et necessaire pour la validité du mariage des enfans de famille. Cette obligation et ce devoir est fondé sur l’autorité des Loix divines, naturelles et humaines, et sur l’exemple de toutes les Nations qui ont suivi les regles de l’honnêteté publique. Ce n’a été que dans les derniers siecles de tenebres et d’ignorance que l’on a commencé d’établir une doctrine contraire, et que l’autorité paternelle a été méprisée jusqu’à ce point, que les enfans n’étoient plus obligez de requerir le consentement de leurs peres, que par bien-seance.

On impute aux Docteurs Canonistes l’ateration de l’ancienne discipline ; ils ont été de trois opinions differentes ; suivant la premiere opinion le droit Canonique est conforme au droit Civil, et ceux qui le soûtiennent enseignent que par toutes les autoritez du droit Canonique, qui parlent du consentement des peres, il est requis de necessité et non point par la seule raison de l’honnêteté et de la bien-seance : les autres ne considerent l’omission de ce devoir que comme un acte de simple desobeïssance, l’approbation des peres n’étant requise que par la seule raison de l’honnêteté, et non pas comme une condition necessaire pour la validité du mariage. La troisiéme opinion qui tient le milieu entre les deux precedentes, fait distinction entre le droit ancien et nouveau, c’est à dire entre le Decret et les Decretales, et suivant le premier le consentement des peres est absolument requis, et suivant le dernier il n’est point necessaire : Enfin quelques-uns tiennent que nonobstant le defaut de consentement le mariage devient indissoluble si les choses en sont plus entieres, et que la consomma-tion se soit ensuivie.

Pour montrer, suivant la premierre opinion, que les anciens Canons sont conformes au droit Evariste Civil, on cite le Decret du Pape Evariste que Gratian même a inseré dans son REcueil 30. q. 5.

Aliter legitimum non sit connubium, nisi ab his qui super ipsam foeminam dominationem habere videntur, et à quibus custoditur, uxor peratur, et à parentibus et propinquioribus uxor desponsetur.

Par un Canon d’un Concile de Carthage, il est ordonné que sponsum & sponsam cum sint benedicendi à Sacerdote, à parentibus vel paranymphis offerri jubet Sacerdoti : Et le PapeLeon , c. 32. q. 2. dit que paterno arbitrio junctae viris carent culpâ. Et Gratian exposant ce passage ajoûte, eum ergo dicitur paterno arbitrio junctae viris, datur intelligi quod paternus consensus desideratur in nuptiis nec sine eo legitimae habeantur nuptiae. Et pour confirmier ce q’il dit, il cite S. Ambroise : Honorantur parentes Rebeccae munaeribus, consulitur puellae non de sponsalibus, illa enim ju-dicium expectat parentûm : non est enim virginalis pudoris eligere maritum, sed jam desponsata viro de profectionis consulitur die, &c.

Et parce que l’on pretend que ces anciens Canons ont été corrigez par des Constitutions posterieures des Papes, plusieurs celebres Jurisconsultes ont entrepris de montrer qu’elles ne sont point contraires à l’ancienne discipline, pourvû qu’on les entende dans leur veritable sens. Le Decret du PapeNicolas , rapporté dans la Cause 27. q. 2. a servy de pretexte pour renverser l’autorité paternelle. Mr de Marca dans sa Dissertation du mariage l’a crû de la sorte.

Il y a six cens ans, dit-il, que l’autorité du Pape Nicolas mal comprise commença à donner lieu à ce relâchement de discipline, à faire recevoir l’opinion qui n’invalidoit point les mariages clandestins ; car répondant aux demandes des Bulgariens, aprés avoir exposé l’ordre de la solennité des nopces pratiquées en l’Eglise d’Occident, sçavoir le consentement des parties, celuy de leurs peres, la Benediction du Prêtre, les arrhes, l’anneau, la dot, l’écriture, les oblations et le voile : il ajoûte sur la fin, peccatum autem esse, si haec cuncta in nuptiali foedere non interveniant non dicimus. D’où l’on a conclu que le Pape ne mettoit pas le consentement des peres ny la Benediction du Prêtre pour des conditions necessaires.

Duaren en son Commentaire sur le tître Sol. Matrim. avoit aussi expliqué les paroles de ce Decret du PapeNicolas , de cette maniere, solus sufficiat secundùm leges consensus eorum, de quorum conjunctione agitur, qui aeolus si defuerit, caetera etiam cum ipso celebrata frustrantur. Sur quoy que Duaren dit que ce mot solus est ajoûté pour exclure le coucher, et non le consentement des autres personnes. Multum enim interest an dicamus sufficere solum consensum eorum, &c. An vero sufficere consensum eorum tantum de quorum conjunctione agitur. Car encore que le Pape Nicolas ne fasse pas mention du consentement des parens, il est clair toutefois qu’il faut entendre ces paroles de la sorte ; la raison est qu’il ne s’agissoit pas de la qualité des personnes, et l’on ne proposoit pas que celuy qui vouloit contracter mariage fût enfant de famille ; la question étoit seulement de sçavoir, si outre le consentement des parties le coucher et la consommation étoient necessaires ? sur quoy le Pape répond, que le consentement suffit.

C’est aussi comme il faut entendre la réponse du PapeInnocent . C. tuae de sponsal. et matr.

On le consultoit pour sçavoir quelles paroles faisoient le mariage, et il répond matrimonium contrahi per legitimum viri et mulieros consensum. Or comme il ne s’agissoit point de la qualité des personnes, et que peut-être les parties contractantes n’étoient plus sous la puissance de leurs peres, ou qu’il pouvoit être encore qu’ils ne s’opposoient point au mariage, il eût été hors de propos de faire mention dans ce Rescrit du consentement des peres.

Le Rescrit du PapeLucius , Cap. cum causam de Rapt. aux Decretales, fait beaucoup plus de difficulté ; ce Pape étoit consulté sur ce fait. Un certain Chevalier avoit épousé une femme contre le gré de ses parens, et le mariage avoit été consommé ; mais depuis cette femme étant entrée dans un Monastere vouloit se separer, pretendant avoir été ravie par ce Chevalier ; sur quoy le Pape répond eam non posse viri consortium declinare, quia raptor dici non debet cum hahuerit mulieris assensum, licet parentes reclamarent, à quibus dicitur eam rapuisse. Mais, ditDua -ren, la dissolution de ce mariage parut rigoureuse au PapeLucius , à cause de la consommation qui s’étoit ensuivie, et c’est pourquoy l’on ne doit pas en inferer qu’il ait en dessein d’a-broger tous les anciens Canons, mais seulement d’y corriger et changer quelque chose : voulant que leur autorité demeurât entiere, lorsqu’il n’y avoit point eu de consommation ; cet Auteur neanmoins ne peut approuver cette Constitution.

Maître GentianHeruet , Docteur de Sorbonne, dans cette belle Harangue qu’il composa par l’ordre de Henry Il. pour prononcer en l’Assemblée de Trente, prouve par l’ancien et par le nouveau Testament, et par le droit Civil et Canonique, que le consentement des peres est necessaire, et que le mariage des enfans de famille n’est legitime ny valable, s’il a été contracté sans l’approbation de leurs peres, et il soûtient, comme ont faitDuaren ,Connan , etOldendorpius , que quelques favorables que paroissent pour l’opinion contraire les Constitutions des PapesNicolas , Innocent etLucius , elles n’abrogent point les anciens Canons.

Mais nonobstant les raisonnemens et les autoritez rapportées par ces sçavans hommes, le Concile de Trente a décidé le contraire ; il anathemarise ceux qui disent que les mariages des enfans de famille contractez sans le consentement de leurs peres sont nuls, Sess. 24. c. 1. de matr. dubitandum non est clandestina matrimonia libero contrahentium consensu facta rata et vera esse matrimonia.

Le Roy Henry Il. ne pouvant approuver ce decret du Concile, pour empescher les abus et les desordres qui en pouvoient naître, et pour conserver l’autorité des peres et assurer le repos et l’honneur des familles, fit une Ordonnance en l’année 1556. par laquelle les enfans de famille qui contractent des mariages clandestins contre le consentement de leurs peres et meres, peuvent pour une telle irreverence et ingratitude être exheredez par leurs peres et meres, et chacun d’eux exclus de leurs successions. Il est vray que cette même Ordonnance exempte de cette peine les mariages contractez par les fils qui excedent trente ans, et les filles ayant vingt-cinq ans passez et accomplis.

L’Empereur Charles-Quint n’approuvant pas aussi ce Decret du Concile de Trente, publia une Loy pour les Païs-Bas, par laquelle il punissoit par de certaines peines les enfans de famille qui contractoient mariage sans le consentement de leurs peres et meres ; et par l’Ar-ticle 40. de l’Ordonnance de Blois, il est porté que les Ordonnances faites encontre les enfans contractans mariage sans le consentement de leur peres, meres, tuteurs et curateurs, seront gardées.

L’Ordonnance du mois de Janvier 1629. étoit encore plus rigoureuse ; l’Article 29. contient que l’Ordonnance de Blois touchant les mariages clandestins sera exactement observée, et y ajoûtant que le Roy vouloit que tous mariages contractez contre ladite Ordonnance fussent declarez non valablement contractez ; et par l’Article 169. le Roy desirant conserver l’autorité des peres sur leurs enfans, l’honneur et la liberté des mariages, et la reverence dûë à un si saint Sacrement, et empescher qu’à l’avenir plusieurs personnes de qualité ne soient alliées de personnes indignes et de moeurs dissemblables, il renouvelle les Ordonnances pour la punition du crime de Rapt, et ajoûtant à icelles il veut que ceux qui commettront Rapt et enlevement de veuves, fils et filles étant sous la puissance des peres, meres, tuteurs et parens, ou qui entreprendront de les suborner pourles marier, &c.

Enfin l’Ordonnance de l’an 1639. a presque entierement rétably le droit de la puissance paternelle ; car par l’Article 2. elle dispose que le contenu en l’Edit de l’an 1556. et les Articles 40. 41. 42. et 43. de l’Ordonnance de Blois seront observez ; et elle y ajoûte que la peine de Rapt demeure encouruë, nonobstant les consentemens qui pourroient intervenir par aprés de la part des parties ariées, tuteurs et curateurs : elle declare aussi les veuves, fils et filles moindres de vingt-cinq ans, qui auront contracté mariage contre la teneur desdites Ordonnances, privez et dechûs par leur seul fait, ensemble les enfans qui en naîtront et leurs hoirs, indignes et incapables à jamais des successions de leurs peres, meres, ayeuls et ayeules, et de toutes autres directes et collaterales : et comme les causes de mariage sont fort ordinaires, plusieurs questions ont été mûës en explication de ces Ordon-nances.

Quoy que celle de Henry Il. ne soûtint par entierement l’autorité paternelle, elle déplut neanmoins à beaucoup de gens pour des raisons differentes. D’un côté ceux qui suivoient la décision du Concile de Trente, ne pouvoient souffrir que l’on punît si rigoureusement les enfans qui s’étoient mariez contre la volonté de leurs peres, puisque ces mariages étoient reputez valables : si l’Ordonnance les faisoit subsister, et reputoit legitimes les enfans issus de ces conjonctions, il n’étoit pas raisonnable de leur imposer aucun châtiment, et l’on pouvoit appli-Tertullien quer à cette Ordonnance ce que Terrullien avoit dit de la Loy qui fut faite contre les Chrétiens, ô sententiam necessitate confusam, parcit et saevit, dissimulat et animadvertit ; et c’est pourquoy pour la décrier on publia que l’interest public n’en étoit que le pretexte, et qu’elle n’avoit été faite que par l’autorité d’un Favori, pour empescher le mariage de son fils qu’il n’approuvoit point. D’autre part l’on trouvoit étrange que l’on se fût si fort relâché de l’ancienne discipline, et que l’on reputât legitimes des mariages que l’ancienne Eglise avoit con-siderez comme des concubinages : sur tout l’on ne pouvoit approuvez que les enfans pûssent secoüer le joug de l’autorité paternelle, et sans autre peine que celle de l’exheredation, qui n’étoit pas proportionnée à l’offense, et que même aprés un certain âge ils pûssent impunément violer le respect qu’ils devoient à leurs peres.

Mais il est aisé de justifier la conduite et la prudence du Roy Henry Il. car voyant que les remontrances faites par ses Ambassadeurs pour la conservation de la puissance paternelle demeuroient sans effet, et ne voulant pas neanmoins toucher aux décisions du Concile, il usa de toute son autorité pour empescher les abus et maintenir l’honnêteté publique : ainsi ne pouvant pas declarer nuls et invalides les mariages contractez par les enfans de famille contre la volonté de leurs peres, puisque le Concile les avoit approuvez, pour retenir les enfans dans le respect, il donna le pouvoir aux peres de les exhereder, lorsqu’ils venoient à manquer à leur devoir.

Il est vray qu’à l’égard du mariage cette Ordonnance n’engage pas les enfans dans la necessité d’une obeïssance perpetuelle et inviolable ; mais alors on crût faire beaucoup en faveur des peres de les rendre maîtres de leurs enfans jusqu’à l’âge de trente ans pour les fils, et de vingt-cinq pour les filles : car à dire le vray, si la puissance des peres est fondée sur le droit naturel et divin, il semble que les années ne peuvent être un moyen legitime pour dispenser les enfans du respect et de la deference qu’ils doivent avoir pour les sentimens de leurs peres, sur tout lorsqu’il s’agit de leurs mariages, parce que faisant partie de la famille de leurs peres, ils n’y doivent introduire que des objets qui leur soient agreables ; et comme ils peuvent succeder à leur succession et à leurs biens, il leur doit être défendu perpetuellement de leur donner des heritiers contre leur volonté : Aussi les Patriarches qui ne se conduisoient que par la Loy de la nature, n’étoient pas moins obeïssans aprés cet âge qu’ils l’étoient auparavant ; et l’on apprend par leurs exemples qui sont si dignes d’imitations, que dans un âge beaucoup plus avancé que celuy de trente ans, ils laisserent le soin à leurs peres de leur choisir des femmes : le profane Esaü fut le seul qui viola cette regle, et si son pere ne separa point les mariages qu’il avoit contractez sans son aveu, ce fut par un excez de tendresse qu’il avoit pour luy, comme étant son fils aîné.

Moïse La Loy qui fut depuis publiée par Moïse étoit encore plus favorable aux peres, car sans faire aucune distinction d’âge, les peres avoient le pouvoir de dissoudre ou de confirmer le mariage de leurs fils ou filles, Exode 22. 117. ce qui étoit pareillement observé chez les Romains, où la puissance des peres sur les enfans ne finissoit que par leur mort ; et tant s’en faut que leurs enfans en quelque âge qu’ils fussent pûssent contracter mariage contre leur volonté, qu’au contraire ils pouvoient reprendre leurs fils et les ôter à leurs femmes, et leurs filles à leurs maris, ausquels ils les avoient données.

O indignum facinus adolescentes optimos, Bene convenientes, concordes cum viris Repentè vidas faciet spurcitia patris.

Et dans Ennius une fille se plaint de son pere en ces termes.

Injuriâ abs te afficior indignâ, pater ; Nam si improbum Chresphontem existimaveras, Cur me huic locabas nuptiis, sin est probus Cur talem invitum invitam cogis linquere ?

a quoy le pere répond.

Nullâ te indignâ, Nata, afficio injuriâ, Si probus est bene locavi ; sin autem est improbus Divortii te liberabo incommodis.

Et Ulpian dans la l. 32. §. 19. de Donat. inter vir. & uxor. si socer nurui ; vel duo consoceri invitis filiis nuntium remiserint, donatio erit irrita, quamvis concordantibus viro & uxore, secundùm rescriptum Imperatoris nostri cum patre comprobatum est ; sed quoad ipsos inter quos donatio facta est finitum est matrimonium. Ce qui nous apprend qu’avant que les Empereurs eussent changé cette Jurisprudence, il étoit au pouvoir des peres de dissoudre les mariages de leurs enfans, bien qu’ils eussent été contractez par leur autorité.

Il est vray que par l’émancipation le fils devenoit le maître de ses actions, parce que le pere s’étoit dépoüillé volontairement de son pouvoir ; et cependant si le fils émancipé contractoit mariage avec une personne infame, le pere rentroit dans ses premiers droits, et pou-voit le punir par la peine de l’exheredation, parce que cela tournoit à la honte et au deshonneur de la famille, pertinet enim hoc ad dedecaes et infamiam familiae, dit le Jurisconsulte en Justinien la l. 3. §. si emancipatus D. de bonor. possess. cont. tab. et Justinien en la Novelle 115.

Nonobstant ces autoritez la disposition de l’Ordonnance peut être soûtenuë par la raison et par les exemples ; car cet empire absolu des peres sur leurs enfans n’est pas perpetuel en toutes choses, la nature en a limité la durée pour leurs actions morales, jusqu’à ce que les années les ayent rendus capables de se conduire et de se gouverner, et qu’ils soient en état de former une nouvelle maison, et de devenir eux-mêmes peres de familles : Ainsi les autres animaux abandonnent le soin de leurs petits lorsqu’ils les ont mis en état de se défendre et de chercher leur vie, magnus est amor bestiarum in educandis, custodiendisque eis quae procrearunt usque ad eum finem, dum possint se ipsa defendere, Cicero de Nat. Deo. l. 2. Et c’est pourquoy, Aristote suivant le sentiment d’Aristote, Politic. l. 1. c. ult. et hic. l. 5. c. 10. Il faut considerer les enfans de famille en trois temps differens ; le premier, lorsque leur jugement est encore foible et imparfait, et qu’ils ne sont point encore capables de faire un discernement solide des choses ; le second, lorsqu’ils sont d’un esprit et d’un jugement meur ; mais ils font encore partie de la maison paternelle ; et le troisiéme, lorsqu’ils ont formé une famille à part, et qu’ils sont sortis de la maison de leurs peres. Dans le premier temps toutes leurs actions dépendent de la volonté de leurs peres : AEtas prima, seu brutum pecus, Ut educetur mentis alienae indiget.

Or on ne peut, suivant l’ordre de la nature, en commettre la conduite à l’adutres qu’à ceux qui les ont mis au monde.

Durant le second temps, lorsqu’ils sont capables d’agir avec jugement, ils ont la liberté de toutes leurs actions, à la reserve de celles qui concernent, ou qui importent à l’honneur et à l’état de la famille de leurs peres et meres ; car en faisant encore partie d’icelle, il est raisonnable qu’ils y ayent de grands égards, et que les membres s’accordent avec leur chef.

Dans le troisiéme temps les enfans sont entierement les maîtres de leur conduite et de leurs actions, en conservant neanmoins toûjours le respect, l’obeïssance et la pieté qu’ils doivent à leurs peres. VideGrot . de jure Belli et Pacis, l. 2. c. 5. n. 2.

Aristote Aristote avoit apparemment emprunté cette morale des Loix deSolon , de Pirtacus et deHalicarnasse Charondas , dont Denis d’Halicarnasse a fait mention, l. 3. Antiq. Rom. Suivant ces Loix la puissance paternelle ne duroit que trois ans aprés la puberté, ou durant le temps que les enfans n’étoient point mariez, ou jusqu’à ce qu’ils fussent employez dans le rôle de ceux qui avoient atteint leur âge viril ; d’où l’on infere que lorsque les enfans de famille sont parvenus à un âge assez avancé pour se conduire avec prudence, quoy qu’en contractant mariage sans le consentement de leurs peres, ils blessent la pieté et manquent au devoir et à la gratitude où ils sont tenus envers eux ; neanmoins leurs mariages ne doivent pas être separez ny annullez : Cette espece de desobeïssance ne suffit pas pour rendre le mariage nul ; car encore que les Loix Romaines l’ordonnent de la sorte, cela n’est pas fondé sur le droit de la nature, mais sur la volonté des Legislateurs, non ex Natura est, sed ex juris Conditorum voluntate, Grotius ibid. n. 10. car autrement comme les enfans doivent le même respect à leur mere, le mariage contracté sans leur consentement seroit aussi nul ; et cependant par le même Droit Romain l’opposition ou le defaut du consentement de la part de la mere ne rend point le mariage nul, et même le fils émancipé peut se marier contre la volonté de son pere : ce que Grotius confirme aussi par l’exemple d’Esaü, dont les mariages ne furent pas annullez par son Browerus pere, ny ses enfans ne furent pas reputez illegitimes, quoy qu’il les desaprouvât extrémement, Vide Bromerum de jure Connub. apud Batav. l. 1. c. 5. n. 10. et seq.

Bien que les esprits et les corps ne naissent point égaux, et que les uns soient plus avancez que les autres, il étoit neanmoins à propos de regler un temps aprés lequel un homme étoit presumé avoir atteint sa parfaite maturité, et être devenu capable d’exercer toutes les facultez morales de la vie civile, et sur tout de contracter mariage sans une dépendance absoluë et necessaire. Plusieurs estiment que par le Droit Romain l’âge legitime et parfait étoit celuy de vingt-cinq ans : Les Interpertes de droit et la Glose ont expliqué de cette maniere ces paroles legitimae aetatis, de la l. ex duobus. D. de negot. gest. l. 1. et ult. c. de his qui jure Justinien et imp. et par la Novel. 115. c. 8. §. 11. Justinien ne permet point à un pere d’exhereder sa fille, lorsqu’elle s’est mariée aprés vingt-cinq ans, bien qu’il n’y ait point consenty.

Nos Ordonnances ont encore eu plus d’égard pour la puissance des peres, en bornant la liberté des mâles jusqu’à trente années, et celle des filles jusqu’à vingt-cinq années. Le Parlement de Paris en quelques rencontres a encore étendu plus loin le pouvoir des peres, ayant même aprés l’âge de trente ans declaré nuls les mariages des enfans de famille, lorsqu’ils avoient été contractez ou qu’on vouloit les contracter avec une personne infame ou d’une condition fort inégale, ou que le commerce de ces personnes avoit commencé par la débauche avant l’âge de vingt-cinq ans, sur tout lorsque l’on avoit passé outre au prejudice des défenses de le contracter ou de se frequenter. On en trouvera des exemples dans le Journal des Audiences du Parlement de Paris.

Le Parlement de Provence a donné un Arrest fort remarquable sur ce sujet ; car sur la requisition de Mr le Procureur General, défenses furent faites aux fils de famille majeurs de vingt-cinq ans, et jusqu’à trente, de contracter mariage sans le consentement de leurs peres à peine de nullité.

En ce Parlement l’on a jugé quelque chose de semblable. Beau Gendre étant mineur, contracta mariage avec une fille, et la celebration en fut faite dans la Chapelle d’une Commanderie voisine, en la presence de son frere aîné, qui avoit aussi signé au Contrat de ma-riage : Le pere ayant demandé la cassation de ce mariage, les mariez le soûtinrent valable, et qu’en tout cas il luy fût permis de le celebrer de nouveau, puisqu’il avoit atteint l’âge de vingt-cinq ans, sauf à son pere à user de ses droits. Par Arrest en la Chambre de la Tournelle du 5. Aoust 1662. le mariage fut declaré nul et clandestinement contracté : mais la Cour ne prononça rien sur la permission demandée par le fils de le contracter de nouveau.

On n’a point aussi approuvé les détours et les surprises dont l’on avoit usé pour engager un fils de famille dans un mariage. Me Jean le Paon n’étant âgé que de vingt-deux ans, fut allicié par une Demoiselle nommée Jeanne Potier, qui exigea de luy par écrit une promesse de l’épouser ; mais le beaupere et la mere de cette fille sçachant bien que ces promesses de mariage étoient nulles par le defaut d’âge dudit le Paon, et que l’execution en seroit empêchée par l’opposition du pere, ils surprirent de luy une seconde promesse, par laquelle il s’o-bligeoit de payer à cette fille une somme de trois mille livres, tant pour argent prêté que pour la desinteresser : neanmoins elle fit si peu de fonds sur cette promesse, que lors qu’elle se maria avec Jacques Parent, Ecuyer sieur de Bouteville, quoy qu’elle n’eût aucuns biens, elle n’osa en faire mention dans son Contrat de mariage, et depuis l’année 1655. qu’elle avoit êté faite, le sieur le Paon n’en avoit point entendu parler jusqu’à l’année 1673. que le sieur de Bouteville et sa femme le firent condamner au payement de cette obligation, par Sentence du Juge de Caudebec : ledit le Paon en ayant appellé, je remontray pour luy que les Ordonnances défendroient inutilement la subornation des enfans de famille, si les obligations que l’on exigeroit d’eux à faute d’accomplir les promesses de mariage qu’ils auroient faites sans le consentement de leurs peres, pouvoient avoir leur effet : Ce seroit un moyen fort aisé pour eluder l’Ordonnance, l’obligation étant causée pour le desinteressement de la personne à qui la promesse de mariage avoit été faite, elle ne pouvoit subsister, et d’ailleurs la cause de l’obligation étoit visiblement fausse ; car l’Appellant demeurant dans la même Paroisse où cette fille avoit son domicile, et ne l’ayant hantée que durant peu de temps, elle n’avoit pas lieu de pretendre aucun desinteressement, et pour l’argent prêté, le peu de bien de la mere et de sa fille faisoit assez connoître qu’il leur étoit impossible d’avoir prêté une somme si considerable : Le Févre le jeune répondoit pour le sieur de Bouteville et pour sa femme, que ladite Demoiselle Potier n’avoit point eu le dessein de se prevaloir de la promesse de mariage, mais qu’ayant prêté son argent à l’Appellant qui étoit majeur suivant la Coûtume et capable de contracter, il ne pouvoit sans une mauvaise foy luy refuser la restitution de l’argent qu’elle luy avoit prêté : Par Arrest, en l’Audience de la Grand-Chambre, du 24. de Janvier 1673. la Sentence fut cassée, et ledit le Paon déchargé du payement de l’obligation.

Puisque par le Droit Civil l’émancipation brisoit les chaînes des enfans de famille, et les mettoit en une pleine disposition de leurs actions, le mariage ayant le même effet parmy nous que l’émancipation, il semble raisonnable que les enfans qui deviennent en état de se remarier avant l’âge de vingt-cinq ans, ne retombent plus sous la puissance de leurs peres, mais qu’on leur doit laisser la liberté de choisir une personne qui leur soit agreable, sans faire aucune distinction entre les fils et les filles ; la raison est que la puissance paternelle ayant cessé par le mariage, ne peut plus revivre ; non solet enim jus semel extinctum reviviscere, l. 66. §. 1. de leg. 2. l. 10. §. penult. D. de in rem verso, l. 98. §. 9. de solut. Sur tout la fille ayant passé de la puissance du pere en celle du mary, elle peut dire aprés la mort de son mary qu’elle a acquis deux fois sa liberté, et c’est aussi la disposition du Droit Canonique, C. ult. c. ae2. q. 2. viduae si nubere voluerint illis nubant quos propuia voluntare habere maritos voluerint, ne extra voluntate parentûm, vel suam cogantur maritos accipere.

Au contraire le Droit Romain qui a eu toûjours plus d’égard à ce qui étoit honnête qu’à ce qui pouvoit être permis, et qui conserve en toutes choses l’interest des peres, ne faisoit point finir la puissance paternelle par le mariage des enfans : la seule émancipation les mettoit en une pleine ilberté, et neanmoins les filles émancipées devenant veuves avant l’âge de vingt-cinq ans, retomboient dans l’obligation et la necessité de requerir le consentement de leurs peres. Viduae intra vigessimum quintum annum degentes, etiam si emancipationis libertate gandent, tamen in secundas nuptias sine patris sententia aeon conveniant, l. Viduae : l. in convictione c. de Nupt. Il est uray que la Glose et quelques Docteurs estiment que le consentement du Covarr pere n’est requis que par la raison de l’honnêteté, de honestare et non de rigore Covarru. part. 2. c. 3. §. n. 4. et ils font difference entre le conseil et le consentement ; il n’y a pas d’obligation precise à suivre le conseil que l’on donne, mais quand le consentement est requis, il y a necessité absoluë de l’obtenir : Or en la Loy Viduae ; le mot sententia se prend pour consilium : Ergo, ditBrowerus , ratione honestatis ESaeERLUETTE necessarium est ut viduae explorent consensum parentum, sed necessarium non est ex ratione legis ut exorent consensum : de jure connub. l. 1. c. 15. n. 6. et seq. Mr Cujas n’est pas de ce sentiment, et sans subtiliser sur les paroles, il resout que le fils emancipé quoy que mineur de vingt-cinq ans, peut contracter mariage contre la volonté de son pere, mais que la veuve mineure de vingt-cinq ans n’a pas cette liberté, lib. 3. c. 5. Observat.

Maître JacquesGodefroy , dans ses Notes sur le Code Theodosien, explique bien plus favorablement pour les peres les paroles de cette Loy : Viduae C. de Nupt. 5. sine patris sententiae aeconveniat, quae quidem verba contra quam nonnulli censent, naen quod honestum sit aut aeaternae reverentiae consentaneum continent, verum praecisam necessitatem important, adeoque imperativa sunt.

Les Loix Romaines avoient tant de défiance de la conduite de ces jeunes veuves, que quand elles n’avoient plus leurs peres, elles les obligeoient de requerir le consentement de leurs proches parens : Publicè, dit cette même Loy, Viduae ; consulatur affinitas, adhibeatur frequentia procerum, & sententia propinquorum.

Pour empêcher aussi que ces jeunes esprits ne fussent prevenus et subornez par ces mauvaises inductions des personnes qui approchoient d’elles, ny par des proxenetes qui se mé-loient de faire des mariages, cette même Loy ajoûte ces défenses, in oppugnationem cessent itaque sequestres et interpretes taciti renuntiique corrupti, ce qui étoit fort commun parmy les Romains ; c’est pourquoy S. Jerôme exhortant Fusia à demeurer en viduité luy donne ce conseil, cave nutrices et gerulas ESPERLUETaeE hujusmodi venenata animalia, quae de corio tuo satiari ventrem suum cupiunt, non suadent quod tibi, sed quod sibi prosit & saepe illud obgarniunt.

Sola ne perpetuâ moerens carpêre juventâ, Nec dulces natos Veneris nec praemia noris ? L’Ordonnance de l’année 1639. a passé plus avant par l’Article 2. les veuves, fils et filles moindres de vingt-cinq ans qui auront contracté mariage contre la teneur des Ordonnances sont privées et dechûës par leur fait, ensemble les enfans qui en naîtront et leurs hoirs, indignes et incapables à jamais des successions de leurs peres et meres, et ayeuls, et de routes autres directes et collaterales. Cette questin est traitée dans la 2. part. du jour des Audiences, l. 5. c. 11. et par l’Arrest il fût jugé qu’une veuve mineure de vingt-cinq ans ne peut se remarier sans le consentement de son pere.

Nos Ordonnances parlent si expressément des meres, que l’on ne peut douter que leur consentement pour le mariage de leurs enfans, ne soit également requis et necessaire comme celuy des peres, la generation étant le principe et la source de l’amour et de l’obeïssance que les enfans doivent avoir pour ceux qui les ont engendrez, les meres ont une grande part en cette obligation : il est vray qu’à l’égard du mariage des enfans, les peres y ont un interest particulier, car les enfans succedent à leur nom et font part de leur famille ; et c’est par cette raison que le fils quoy qu’émancipé pouvoit être exheredé par son pere, lors qu’il contractoit une alliance indigne, Novel. 115. c. 3. Mais le Droit Romain n’accordoit pas ce pouvoir à la mere, parce que ce deshonneur ne la touchoit pas de si prés, les enfans suivans la famille du pere et non celle de la mere, l. 196. §. 1. de verb. sign. Mais cette consideration n’exempte pas les enfans des autres devoirs de respect et de pieté ausquels la nature les assujettit envers leurs meres.

La Jurisprudence Romaine avoit fait naître cette difficulté, car la puissance maternelle y étant inconnuë, et la necessité du consentement des peres pour la validité du mariage de leurs enfans, étant un effet de la puissance paternelle, il ne paroissoit pas d’obligation de requerir la volonté des meres.

Mais cette puissance que les Loix Romaines donnoient seulement aux peres ne détruisoit point ce droit, et cette autorité que la nature établit en faveur des meres ; et quoy que le commandement des peres soit de plus grands poids et de plus grande étenduë, les enfans ne laissent pas d’être soûmis aux volontez de leurs meres, les Loix naturelles, divines et humaines les engageant également à reverer leurs peres et leurs meres ; ils y sont expressément obligez par le Droit Romain, l. 6. D. de in juss. voc. l. 1. §. 1. D. de obseq. parent. et patr. potest. l. 3. et 4. C. de patr. potest. Aussi quoy que parmy les Romains la mere ne pût pas dissoudre le mariage que son fils avoit contracté sans son consentement, neanmoins les Loix civiles ne pouvans pas détruire le droit naturel, on trouvoit mal-honnête si le pere même accordoit sa fille sans la participation de sa mere. Scipion l’Africain ayant promis en mariage sa jeune fille sans en avoir communiqué à sa femme, elle luy en témoigna du chagrin, nihil de com-muni filia secum consultabatur, non si Tiberio Graccho darte expertem consilii debuisse matrem esse,Livius . l. 38. Hist. et dans Terence in Phormione, Act. 4. Scen. 5. un pere parle en cette sorte.

Transito ad uxorem meam, ut conveniat hanc priùs quàm hic habeat, Volo ipsius quoque voluaetate hac fieri ne se ejectam praedicet.

Et dans ce même Auteur in Heautont. Une mere dit à son fils en la presence de son mary, Nate mi ego Pol dabo tibi illam lepida, quam tu facilè ames aeFiliam Phanocratae nostri.

Et Catulle remontre à une fille en ces termes ;

Virginitas non tota tua est, ex parte parentum est, Tertia pars matri data, pars data tertia patri, Tertia sola tua est, noli pugnare duobus Qui genero sua jura simul cum dote dederunt.

Une vieille fille avoit suborné un jeune homme âgé de vingt ans, et la celebration du mariage avoit été faite un Prêtre inconnû et sans proclamation de bans ; il en fut informé comme d’un Rapt, sur la plainte de la mere, par le Juge du Havre. L’affaire étant portée en l’Audience de la Tournelle, Durand pour cette pretenduë femme soûtenoit que l’autorité de la mere n’étoit pas égale à celle du pere, que ce jeune homme étant majeur, suivant la Coûtume, et n’ayant point de pere il avoit pû se marier avec l’appellante qui étoit d’une condition égale. Le Brun faisoit voir pour la mere qu’à l’égard du mariage son autorité n’étoit point moindre que celle du pere ; que cette vieille fille étoit convaincuë de Rapt et de subornation, qu’elle n’avoit aucuns biens, et que le mariage avoit été contracté clandestinement. Le fils pour lequel je plaidois reconnoissoit sa faute, et employoit le secours et les raisons de sa mere : Par Arrest du 28. de Janvier 1659. on déclara le mariage nul et non valablement contracté, et on ordonna que le Prêtre qui l’avoit celebré seroit pris et aprehendé au corps, et qu’il seroit informé des moyens dont on s’étoit servy pour parvenir à la celebration de ce mariage.

Autre Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 5. de Février 1665. entre Langlois et le Gingois, Huissier aux Requêtes du Palais, qui avoit épousé la mere dudit Langlois ; sur l’opposition de la mare et du beau-pere, il fut dit qu’avant faire droit les parens de Langlois seroient assemblez pour déliberer sur le mariage qu’il vouloit contracter, quoy qu’il soûtint qu’étant âgé de vingt et un an, il avoit la faculté de se marier à sa volonté : Plaidant Theroulde et Cloüet : Il est considerable que la Cour n’eût pas d’égard à l’opposition seule de la mere, parce qu’elle étoit remariée, et ce fut pour cette raison qu’elle ordonna que les parens seroient aussi consultez.

Il faut faire cette difference entre le pere et la mere, que le pere qui marie ses enfans n’est point obligé de prendre conseil de ses parens, la mere ne le peut sans leur en communiquer ; les Loix à cause de la foiblesse de leur sexe et de la legereté de leur esprit n’ayant pas trouvé à propos de leur donner un pouvoir si absolu qu’aux peres, le pere est le chef de la famille, et aprés son decez la mere prend sa place ; mais avec cette condition de ne rien faire que par l’avis des parens, l. 1. et 2. c. de Nupt.

On a traité cette question au Parlement de Paris, si un fils naturel et illegitime mineur pouvoit se marier sans le consentement de sa mere naturelle ; la mere se plaignoit que son fils l’avoit méprisée, et qu’elle avoit droit de s’opposer à son mariage qui luy étoit desavantageux ; que dans le droit naturel il n’y avoit point de difference entre les enfans naturels et les legitimes, les uns et les autres sortent tout d’un même sang, la nature les oblige tous à même devoir ; ce sont droits immuables dont l’on ne se peut dispenser.

Le fils soûtenoit que sa mere ne pouvoit donner atteinte à son mariage, que n’étant qu’une mere naturelle, son consentement n’étoit point necessaire ; quand les Ordonnances ont requis le consentement des peres et meres, cela s’est toûjours entendu des peres et meres legitimes, parce qu’il n’y a qu’eux qui ont leurs enfans en leur puissance, in potestate nostra sunt liberi quos ex justis nuptiis procreavimus, Inst. de Patr. Potest. Ceux qui naissent hors le mariage n’ont ny pere ny mere qui soient reconnus par la Loy. Par l’Arrest sur l’appel comme d’abus de la mere, la Cour mit les parties hors de Cour, Journ. des Aud. 2. Part. l. 4. c. 36.

La puissance des peres et meres ne doit pas être tyrannique et insurmontable, soit en forçant leurs enfans de se marier contre leur volonté, ou en refusant sans cause raisonnable leur consentement au choix que leurs enfans ont fait ; la fille neanmoins par l’ancien Droit

Romain étoit tenuë d’avoir cette déference pour les volontez de son pere, pourvû qu’il ne luy presentait point une personne indigne ou infame, tunc autem solùm dissentiendi à patre licentia filiae conceditur, si indignum moribus vel turpem sponsum pater et eligat, l. 12. §. 1. D. de sponsal.

Par le Droit Canonique dans les Tit. de sponsal. et de impuber. despons. aux Decret. les enfans sans distinction de sexe ne peuvent être forcez par leurs parens d’accepter un party qui ne leur agrée pas, ce qui est tres-raisonnable ; car les coeurs ne peuvent être forcez, et l’empire des peres ne s’étend point sur l’esprit, et l’on ne peut esperer d’avoir de l’union et de l’amour conjugal entre des personnes qui sont liées ensemble contre leur volonté ; et c’est pour-quoy Panegyris répond fort à propos à son pere,

Stultitia est, pater, venatum ducere invitas canes, Hostis est uxor quae invita ad nuptum viro datur,

Plautus , Act. 1. Scen. 2. Stich.

Les mêmes Loix qui ont si equitablement défendu que les peres ne puissent forcer leurs enfans pour le mariage, ont aussi sagement ordonné que les peres ne puissent pas par caprice ou par haine refuser leur consentement lors qu’ils en sont requis par leurs enfans ; en ce cas ils peuvent implorer le secours et l’autorité du Magistrat, qui est le pere commun des uns et des autres ; c’est la disposition de la Loy 19. D. de Ritu Nupt. qui liberos quos habent in potestate, injuria prohibuerint ducere uxores, vel nubere, vel qui dotem dare nolunt ex constitutione Divorum Severi aeSPERLUETTE Antonini ; per Praesides, Proconsules Provinciarum coguntur in matrimonium collocare.

Mais comme le respect, l’obeïssance et l’honneur des enfans envers leurs parens sont commandez si étroitement, on ne doit écouter leurs plaintes qu’avec beaucoup de circonspe-ction, et lors que les peres paroissent inexorables sans cause et sans raison, et que leurs enfans reçoivent un prejudice notable par leur opiniâtreté : La personne des peres est sainte et sacrée, et les accusations de la part des enfans sont odieuses, la Loy ne les écoute qu’avec Justinien peine et avec regret, et comme dit Justinien en sa Nov. 22. c. 24. Lex erubescit liberos castigatores parentibus statuere ; mais lorsqu’il s’agit du mariage des enfans, comme cela regarde l’interest de la Republique, l’action ne leur peut être refusée, si les sentimens des peres et des enfans ne s’accordent pas : C’est en ce cas que l’autorité paternelle doit avoir quelque moderation, silicet aliquando eaeiam contra patris voluntatem ea, quae alioqui reprehensionem non merentur, filio facere nusquam ea libertas necessaria est, tamquam in matrimonio.Quintil . declam. 25.

Il ne sera pas inutile d’examiner les causes pour lesquelles les peres peuvent refuser leur consentement aux mariages de leurs enfans ; car on apprendra par là que quand ces raisons cessent, le Magistrat aprés avoir consulté la famille peut donner la permission aux enfans de passer outre à leur mariage.

En ces rencontres l’on doit avoir toûjours de grands égards à l’opposition des peres pour maintenir et conserver leur autorité pour peu qu’il y en ait de sujet, et faire valoir leurs raisons quand elles sont apparentes ; mais comme le plus souvent les moyens d’opposition dépendent des circonstances du fait, il est assez mal-aisé d’en donner des regles generales, et la décision en doit être laissée à la prudence des Juges ; il ne faudroit recevoir ces actions de la part des enfans qu’aprés l’âge de vingt-cinq ans, si les raisons n’en sont tres-favorables.

La Loy permet à la fille de refuser le mary que son pere luy a choisi, lorsqu’il est de mauvaises moeurs, ou noté de quelque infamie, l. 12. §. 1. D. de sponsal. Un pere a beaucoup plus de raison d’empescher que ses enfans ne contractent pas mariage avec des personnes indignes. On repute une personne indigne, lors qu’on ne peut l’épouser sans honte et sans blesser l’honnêteté, comme il arriveroit si le fils de famille vouloit épouser une fille débauchée : Turpis enim & gentium moribus indigna sponsa meretrix est, l. 20. C. de Adult. l. 41. l. 43.

D. de Ritu Nupt. Et c’est pourquoy le fils emancipé pouvoit être exheredé par son pere, si ignominiosam et dedecori futuram patri duxisset, l. 3. §. 5. de bonor. poss. cont. tab. ce qui doit avoir lieu, encore même que l’on ne puisse imputer à la fille que la seule faute de s’être abandonnée à celuy qui la veut épouser, quoy que Menochius avec des excuses et des raisons d’amour ait entrepris de prouver le contraire, l. 2. cent. 4. cas. 328. Car comme dit la l. 20. C. ad l. Jul. de Aduaet. foedissima est earum pudicitia quae suum pudorem alienis libidinibus prosternunt. Les filles n’ayant rien de plus precieux que leur virginité, la chasteté doit être perpetuelle ; et quelque couleur que celle qui s’est laissée surprendre puisse donner à sa faute, on doit craindre avec raison une seconde rechûte ; de sorte qu’un pere a un juste sujet de luy refuser l’entrée dans sa famille.

L’indignité peut proceder d’une infamie de droit ou de fait ; les infames de droit sont ceux qui sont notez par quelques jugemens ; les infames de fait sont les gens de mauvaises moeurs, dont la conduite est impure et scandaleuse ; si la fille faisoit un si mauvais choix que de prendre un homme de cette qualité, l’opposition d’un pere seroit tres-raisonnable.

L’inégalité de condition, si elle étoit considerable, fourniroit encore au pere et à la mere un moyen legitime d’opposition ; car bien que le mariage soit du droit de la nature qui n’a mis aucune difference entre les hommes, et que suivant la l. humiles C. de Incest. et Inutil. Nupt. les personnes les plus qualifiées puissent épouser des femmes d’une condition vile et abjecte, toutefois cela n’a lieu que pour les personnes qui sont absolument libres ; mais quand il s’agit de forcer une pere à donner son approbation au mariage de son fils, les raisons en doivent être importantes, et il faut que la condition du fils en devienne fort avantageuse en toutes manieres.

Le peu de fortune et de biens peut encore rendre legitime l’opposition d’un pere : Il est vray que Dos est magna parentum virtus, Et meruens alterius viri Certo foedere castitas.

Et que l’honnête amour se doit regler par le merite, et non point par les richesses, ne pretio conjugium conciliatum dicatur. Argu. l. 3. D. de Donat. inter vir. & uxor. Neanmoins ces nobles et genereux sentimens ne doivent pas toûjours être écoutez, et le peu d’experience d’un jeune homme ne doit pas prevaloir sur les sages conseils d’un pere.

Aprés cela je proposeray quelques exemples considerables d’enfans de famille, ausquels l’on a permis de contracter mariage contre la volonté de leurs peres. Un jeune homme de Bernay avoit obtenu un Mandement de la Cour, pour faire juger que nonobstant l’opposition de son pere, il luy seroit permis de se marier avec une fille d’une condition et d’une fortune avantageuse ; la Cour renvoya les parties devant les parens pour en deliberer, par Arrest du 14. de Février 1645. Les parties s’appelloient Toûtain.

Autre Arrest sur ce fait : François de la Cervelle, Ecuyer sieur d’Aussay, avoir une fille sortie de son premier mariage, nommée Françoise de la Cervelle, étant âgée de vingt-cinq ans elle fut recherchée par Richard Grandin, sieur de Glatigny, fils d’un Officier d’Avranches, ce qui ne déplut pas au commencement à son pere ; mais dans la suite s’étant opposé à ce mariage, la Cour eut égard au contredit du pere, et par un premier Arrest du 12. de Février 1670. elle ordonna que durant un mois cette fille se retireroit dans un Monastere dont l’on conviendroit, afin que si elle persistoit à vouloir ce party, les pactions de mariage fussent arrêtées par trois parens paternels, et trois parens maternels : Aprés le temps expiré la fille ayant perseveré, et le pere étant demeuré inflexible aprés plusieurs remises, on permit à la fille de passer outre à la celebration de son mariage. Le pere alleguoit pour cause principale de son refus l’inégalité de condition ; car Grandin n’étoit point Gentilhomme, mais il étoit fils d’un Officier.

La cause de la Demoiselle Magdeleine Benard n’étoit pas si favorable : Jean de Boismilon fils illegitime du sieur Baron de Montenay, qui avoit neanmoins obtenu du Roy des Lettres de legitimation et d’annoblissement, étant en Garnison dans la ville de Caën, eut entrée dans la maison de Me Thomas Benard, Ecuyer sieur de Rotot, Tresorier de France à Caën : il gagna l’esprit de cette Demoiselle, et nonobstant l’opposition de son pere, elle accepta la recherche du sieur de Boismilon : Elle disoit pour sa justification que son pere en avoit aprouvé le dessein, par l’entrée qu’il luy avoit donnée dans sa maison, et par les visites familieres qu’il luy avoit permises : a quoy il fut répondu par le pere, qu’il l’avoit reçû avec civilité, parce qu’il se disoit être de la maison de Montenay, mais aussi-tost qu’il avoit découvert le defaut de sa naissance, il luy en avoit défendu l’entrée. Par un premier Arrest donné en la Chambre de la Tournelle le 20. de Decembre 1670. la Cour ordonna à la fille de se retirer chez son pere pendant dix-huit mois, et cependant défenses furent faites au sieur de Boismilon de la voir.

Ainsi quoy qu’alors elle fût âgée de vingt-cinq ans ; on ne luy permit pas de se marier contre la volonté de son pere. Mais aprés les dix-huit mois cette fille ayant persisté dans son choix, il fut permis au sieur de Boismilon de passer outre au mariage, nonobstant la resistance de son pere et de tous les parens ; plaidans le Page, Greart, Lyout le jeune, et Moy.

Voicy encore une espece singuliere où l’on n’ût point d’égard à la volonté du pere et de la mere ; ils avoient marié leur fille à l’âge de neuf ans avec un homme qui avoit plus de trentecinq ans, et ce mariage avoit été celebré sans aucune proclamation de Bans, dans une Chap-pelle qui servoit d’aide à l’Eglise de leur Paroisse. L’Oncle paternel de cette fille poursuivit la dissolution de ce mariage, comme ayant été contracté contre la disposition du Droit Civil et Canonique ; le pere et la mere justifierent la precipitation de ce mariage, par la raison de leur vieillesse et de leur infirmité, et par la crainte qu’un Gentilhomme leur voisin n’en disposast à sa discretion : Mais sur tout ils soûtenoient qu’un Oncle n’étoit pas recevable à contredire un mariage contracté par le consentement et l’autorité du pere et de la mere, que l’on devoit presumer de leur pieté naturelle, qu’ils n’avoient rien fait que pour l’avantage de leur fille ; qu’en tout cas lorsqu’elle auroit acquis ses ans de puberté, il seroit en sa liberté de refuser ce mariage, ou de l’accepter, c. 7. Extrav. de despons. impub. Aprés que les parties se furent presentées en l’Audience, la Cour remarqua un aveuglement si extraordinaire du pere et de la mere, et une precipitation si inexcusable, qu’elle déclara le mariage nul, et ordonna que suivant l’offre de l’Oncle, cette fille seroit mise à ses dépens chez un des parens : Par Arrest du 4. May 1632. Les Parties s’appelloient Galie.

Lors que les peres et meres décedent avant que leurs enfans ayent atteint l’âge de vingtcinq ans, les Ordonnances imposent encore aux mineurs de nouvlles chaînes, et il ne leur est pas permis de se marier sans l’aveu de leurs tuteurs et curateurs, et de leurs parens : Cette Loy est fondée sur leur propre interest afin qu’ils ne s’engagent pas mal à propos en des mariages inégaux et honteux, et que leur peu d’experience et la foiblesse de leur jugement ne donne pas l’occasion de les surprendre, et de faire honte à leur famille par une alliance infame.

Le Droit Romain ne donnoit des bornes à la liberté du mariage qu’en faveur des peres, et c’est pourquoy la tutelle finissant aprés la pleine puberté, il n’étoit plus necessaire de requerir le consentement de leurs tuteurs, et beaucoup moins de leurs curateurs, lors qu’aprés la tutelle finie on avoit trouvé à propos de leur en donner : cela n’avoit lieu que pour les mâles : car pour les filles étant toûjours en une perpetuelle tutelle, il ne leur étoit pas permis de se marier sans en avoir consulté leurs tuteurs. Pour le Droit Canonique il n’oblige pas même les enfans à requerir necessairement le consentement des peres : On ne doit pas s’étonner si les mineurs peuvent négliger impunément celuy de leurs tuteurs ou curateurs.

Dans toutes les Coûtumes où la majorité n’est acquise qu’aprés vingt-cinq ans accomplis, on ne doute point que pour ceux qui sont en tutelle ou curatelle, l’autorité et le consentement des tuteurs et des parens ne soit necessaire : Mais la Coûtume de Normandie déclarant les personnes majeures aprés vingt ans accomplis, et par consequent la qualité et la fonction de tuteur cessant entierement, il semble qu’il ne reste plus aucune obligation à leurs pupilles de requerir leurs suffrages, et l’Ordonnance ne doit étre entenduë que de ceux qui sont encore soûmis à l’autorité de leurs tuteurs ou curateurs.

Il est certain neanmoins qu’en Normandie comme par toute la France, les personnes étant au dessous de vingt-cinq ans sont reputées mineures, lorsqu’il s’agit de leurs mariages ; et leurs tuteurs et parens ont pouvoir de s’y opposer lors qu’ils en ont des moyens legitimes.

Il est vray qu’il y a cette difference que l’on n’oblige que fort rarement et pour de grandes considerations les pere et mere à déclarer les causes de leur refus, et que pour peu qu’elles soient apparentes on y a beaucoup d’égard et de déference ; de sorte qu’il suffit presque aux peres et meres de dire que le mariage ne leur agrée pas : Mais on ne garde pas ces mesures avec les tuteurs et parens ; leur opposition doit avoir des motifs importans, et la seule raison du peu d’avantage que le mineur y rencontre, n’est pas considerable, lors qu’ils n’alleguent rien contre la personne et qu’ils ne blâment point l’alliance et la condition : C’est la distinction et le temperament que les Arrests y ont apporté : Par Arrest du 27. de Novembre 1659. entre le Boulenger Huissier aux Requêtes du Palais, et les autres parens de Jean Basire âgé de vingt-deux ans et demy, et Marie le Clerot : La Cour mit sur l’appel comme d’abus des parens hors de Cour, leur opposition n’étant fondée sur aucune cause qui fût importante.

Au contraire l’on eut égard à l’opposition d’un Tuteur en cette espece. Michel Roussel avoit été mis en pension à Caën par Me George de Banville Lieutenant General à Vire, son Tuteur, pour y continuer ses études : aussi-tost qu’il eut vingt ans accomplis, un solliciteur de procez nommé Auber le tira de la maison où son Tuteur l’avoit placé, et luy fit signer un Contrat de mariage avec une de ses filles ; le sieur de Banville ayant appris ce qui s’étoit fait par la publication des Bans, il s’y opposa, et l’affaire étant portée en l’Audience de la Grand-Chambre, de l’Epiney, pour ledit Roussel, soûtenoit que la qualité du sieur de Banville étnt finie par la majorité de son pupille, il n’avoit plus de droit de s’opposer à son mariage, que n’ayant plus de pere ny de mere, et étant âgé de vingt ans accomplis, la Loy le laissoit à sa propre conduite, et luy donnoit la liberté de se marier, comme il le jugeroit à propos, l’âge de vingt-cinq et de trente années n’étant requis qu’en faveur des peres et meres, que l’Ordonnance qui parloit des Tuteurs et Curateurs ne pouvoit être alleguée contre luy qui n’avoit plus de Tuteur ny de Curateur, l’administration et la qualité de son Tuteur ayant cessé au moment qu’il avoit eu vingt ans accomplis, étant devenu maître de sa personne et de l’administration de son bien : Theroulde pour Auber se défendoit de la subornation qu’on luy imputoit, et soûtenoit que leur condition étoit égale, et qu’il avoit crû pouvoir contracter avec un homme qui étoit maître de ses actions : Mais je representay pour le sieur de Banville, qu’un choix aveugle et déreglé ne pouvoit être approuvé ; l’honnêteté publique et l’interest des familles doivent toûjours être considerez dans les mariages, que toutes ces choses étoient blessées par le mariage où ce jeune homme âgé seulement de vingt ans et quel-ques mois vouloit s’engager, qu’il ne s’agissoit pas de rompre un mariage parfait et consommé, mais seulement d’empescher qu’il ne fût contracté, ce qui rendoit l’opposition du sieur de Banville beaucoup plus favorable ; car les raisons qui sont soûtenuës par l’honnêteté publique et par l’interest des familles, ont bien plus de poids et font une plus forte impression dans les esprits des Juges, que lors qu’elles sont affoiblies par les plaintes d’une fille deshonorée, et par les gemissemens d’enfans que leur innocence rend dignes de compassion. Or il ne suffisoit point à ce que jeune homme pour autoriser le mauvais choix qu’on luy avoit fait faire de se prevaloir de son âge de vingt ans ; car aprés ce temps l’Ordonnance conserve encore aux Tuteurs et Curateurs une autorité legitime, pour empescher le mariage de leurs pupilles, lorsqu’il ne leur est point honnête et avantageux, et la voix de Roussel ne doit point être entenduë tandis qu’il est encore en la puissance de celuy qui l’a suborné, bien que la Coûtume de Normandie ait anticipé le terme ordinaire de la majorité ; cette liberté neanmoins n’est pas pleine et universelle, elle reçoit une restriction pour les mariages. Par l’Article CCLXI. les freres mêmes peuvent remettre le mariage de leurs soeurs pendant une année, et par l’Art. CCLXIV. lorsqu’ils ne le peuvent plus differer, c’est seulement quand il se presente une personne convenable : mais cela ne peut plus être revoqué en doute aprés l’Ordonnance de Blois, Art. 41. et 42. et celle de l’an 1639. Elles sont generales par tout le Royaume, et elles conservent et confirment par tout l’autorité des Tuteurs à l’égard des mariages : Et comme on ne pourroit pas soûtenir qu’en Normandie un fils auroit la liberté de se marier aprés vingt ans ac-acomplis, à cause qu’il est le maître de toutes ses autres actions, on peut conclure par la même raison que jusques à l’âge de vingt-cinq ans, il reste assez d’autorité au Tuteur pour empescher un mariage honteux et inégal, ce qui paroissoit au fait dont il s’agit. Roussel a l’hon-neur d’appartenir à plusieurs personnes de condition, et possede un bien considerable ; la femme qu’il veut épouser est fille d’un solliciteur de procez, accusé de concussions et de fabrication de témoins, à cause dequoy il est decreté en prise de corps : Par Arrest du 6. de Février 1671. il fut dit à bonne cause l’opposition du Tuteur et des Parens, défenses faites aux parties de s’épouser ny de se frequenter, quoy que les parties alleguassent pour se rendre favorables, que le sieur de Banville n’avoit formé cette action que pour s’exempter de rendre compte.

Aprés le decez du pere et de la mere, lorsqu’il s’agit du mariage des soeurs, l’autorité des freres majeurs ne doit point être méprisée par elles, quoy que les Loix ne les engagent pas dans une obligation si étroite de respect et de soûmission envers leurs freres ; ils peuvent intenter l’action en Rapt lors qu’elles entreprennent de se marier sans leur consentement ; mais leur opposition seule n’est pas suffisante, si la conduite des soeurs est approuvée par le reste de la famille. Jouvin avoit recherché Marie Pesnelle, soeur des sieurs Pesnelle ; sa recherche avoit été agreée par les parens ; mais depuis les freres avoient remontré aux parens qu’ils avoient sujet de ne le vouloir pas, pour n’être pas assez accommodé en ses affaires ; sur quoy les parens avoient arrêté de s’en informer. Jouvin voyant l’aversion des freres, et ayant gagné l’inclination de la soeur, l’Official de Roüen luy permit de faire proceder à la celebration de son mariage sans aucune proclamation de Bans, parce qu’aprés la celebration les parties ne consommeroient le mariage qu’aprés un Ban publié, et que la celebra-tion seroit nulle en cas qu’aprés la proclamation il se rencontrât un empeschement dirimant.

Les freres rendirent plainte en Rapt, et appellerent comme d’abus de ce qui fait avoit été par l’Official ; et Jouvin et ladite Pesnelle sa femme appellerent aussi de ce qui fait avoit été par le Lieutenant Criminel, disant qu’il n’y avoit point de Rapt aprés la demande qu’il avoit faite aux parens, et le consentement qu’ils y avoient donné ; qu’ils en étoient les seuls juges competens, et quoy que les freres eussent été d’une opinion contraire, le sentiment des autres parens étant en beaucoup plus grand nombre devoit prevaloir ; qu’il n’y avoit point d’abus, l’Evêque pouvant dispenser des Bans, et quoy que l’Ordonnance eût restreint cette liberté, ce defaut n’étoit point considerable lorsqu’il ne se rencontroit d’ailleurs aucun empeschement dirimant le mariage, que si les Bans étoient de l’essence on n’en eût jamais accordé la Dispense. Par Arrest du 8. de Juillet 1661. sur l’appel du Bailly on cassa la Sentence, et sur l’action en Rapt hors de Cour, et sur l’appel comme d’abus, il fut dit qu’il avoit été mal, nullement et abusivement procedé, entant que la Dispense des trois Bans, défenses furent faites à l’Official de donner de pareils Jugemens, et aux Curez de proceder à la celebration des mariages qu’aprés la proclamation de Bans : il étoit constant qu’il n’y avoit point de Rapt ; plaidans Bigot, le Bouvier, Theroulde, et Maurry. Il parut étrange que l’Official eût ordonné qu’aprés la celebration il seroit publié un Ban ; cependant le mariage fut confirmé, parce qu’il n’y avoit aucun empeschement dirimant, et que d’ailleurs les parens avoient donné leur consentement, et les freres n’alleguoient rien de considerable.

On jugea autrement en la Cause de l’Heureux Procureur au Bailliage de Roüen, contre sa soeur ; elle étoit recherchée par un jeune homme du Neufchâtel, et comme elle étoit âgée de vingt-trois ans, elle pretendoit avoir la liberté de se marier. Sur l’opposition du frere il fut ordonné que les parens seroient assemblez pour deliberer de ce mariage, et la pluspart ayant été d’avis que le party n’étoit point avantageux à la fille, on luy avoit fait défenses de se marier. Sur l’appel, Mannourry son Avocat soûtenoit que l’Ordonnance n’étoit qu’en faveur des peres et des meres, qu’prés vingt ans elle étoit majeure, et par consequent maîtresse de ses actions ; qu’elle n’étoit pas obligée de suivre l’avis des parens, sur tout puisqu’il n’y avoit rien à dire n’y à la condition n’y à la personne qu’elle avoit choisie. De Cahagnes, pour le frere s’aidoit des Ordonnances, qu’une fille à l’égard du mariage ne le pouvoit contracter avant l’âge de vingt-cinq ans : Par Arrest du premier de Decembre 1673. il fut dit auparavant que de faire droit, que la fille seroit mise en une maison dont les parties conviendroient, et que le jeune homme bailleroit une declaration de son bien pour être communiquée aux parens, pour ce fait et vû par la Cour être ordonné ce que de raison. On ne trouva pas à propos de permettre à une fille de cet âge-là de contracter mariage contre le voeu de toute sa parenté ; mais aussi la Cour ne jugea pas juste de s’en rapporter absolument à l’avis des parens qui pouvoient être prevenus, et qu’il étoit raifonnable d’entrer en connoissance de cause, pour sçavoir si le party étoit sortable et avantageux à la fille, ce qui est conforme à a disposition du Droit. L’opposition formée par un beau-frere ne seroit pas si considérable, comme il fut jugé en l’Audience de la Grand. Chambre le 3. de Janvier 1668. Un beau-frere fut debouté d’un Mandement qu’il avoit obtenu pour empescher le mariage de la soeur de sa temme mineure de vingt ans : le Petit, son Avocat, soûtenoit que bien qu’elle n’eûr plus son pere ny sa mère, elle ne pouvoit contracter mariage sans le consentement de ses freres avant lage de vingt-cino ans ; qu’étant bean-frere et ayant été son tuteur, il avoit qualité pour s’y opposer : De TEpiney alléguoit au contraire pour la fille, que n’ayant plus de pere py de mere, ny de tuteur, elle étoit devenuë capable de disposer de sa personne comme de ses biens ; que par l’Article CCLXI. elle peut demander mariage à ses freres, quand elle est gée de vingt ans, et le frere ne le peut differer plus d’un an, suivant l’Article CCLXIV. qu’en cette Cause il n’y avoit pas même de freres ; que c’étoit un beau-frere qui vouloit empescher le mariage de sa belle-soeur, parce qu’il étoit son heritier presomptif, n’alléguant aucune cause legitime de son opposition. Dans la question generale il ne faut pas tenir que la fille aprés ingt ans se puisse matier sans favis de ses parens à cause de la foiblesse de son fexe, et on ne la pas permis à un garçon, quoy que majeur, lorsque les parens s’y opposent avec raisons nais un beau-frere n’a pas le même droit qu’un frere, lorsqu’il n’est point assisté de parens Ayant fait voir que les enfans sont indispensablement obligez de requerir le consentement de leurs peres et meres, il s’enfuit que leur desobeissance ne doit pas être impunie ; mais on ne convient pas touchant la peine que les Loix leur imposent, ny jusqu’à quelles personnes elle doit s’étendre

a légard de la femme que le fils de famille épouse contre la volonté de son pere, elle est privée par cet Article de prendre doüaire sur le bien du pere, lorsque son fils le predecede : pour le fils, quoy que son châtiment ordinaire soit lexheredation, il est important d’examiner ce que le Droit Canonique et Civil, et nos Ordonnances, et sur tout celle de l’an 1639. ont disposé sur cette matière.

Les Constitutions des Papes et le Concile de Trente faisant subsister les mariages des ensans de famille nonobstant le defaut de consentement des peres, cette desobeissance ne leur à pas semblé digne d’aucun châtiment, et puisque le mariage ne peut être dissous, il y auroit de la contradiction à punit une action que l’on approuve et que l’on confirme C’est une grande Controverse entre les Interpretes du Droit Civil, si les enfans, fils ou filles, peuvent être exheredez par leurs peres pour cette cause seulement d’avoirt contracté nariage sans leur autorité : Quod ego, dit MrCujas , lib. 3. Obser. c. 5. sine ulla distinctione semper negavi sioe sui, sive emancioati sint, at utroque casu si se ad infamem & turpem personam auptiis contractis se applicaverint liberi justa erit exheredationis causa. Mr Cujas s’est fondé sur cette Loy du JurisconsultePaulus , l. 2. sentenc. t. 19. eorum qui in potestate patris sunt, sine voluntate ejus matrimonia jure non-contrahuntur, sed contracta non solvuntur ; contemplatio enin ublicae utilitatis commodis privatorum prafertur. Il avoué neanmoins que suivant cette Loy la urisprudence civile est fort imparfaite, censet enim uxorem injustam esse, injustos liberos, injustas nuptias, nec eas tamen dissolvit

Au contraire Hotoman dans ses Questions Illustres, Quast. 9. examinant cette proposition, on matrimonii sine auctoritate parentum contracti pena ulla constituta sit ; Il refout que non seulement injusta nuptiae dicumntur, injustique ipsi conjuges, injusti liberi ; mais aussi que ces mariages ne peuvent subsister, l. 2. D. de Ritu Nupt. on ne leur donne pas même le nom de nariage en la 1. Dotis 88. de Jure Dor. quelque constitution de dot qui ait été faite, elle n’est point valable, et la promesse de dot ne produit aucune obligation, parce qu’où il n’y a point Justinien de mariage, il ne peut y avoir de dot, l. 3. de Jure Dot. Justinien s’en est exprimé encore plus clairement dans les Instit. 5. 12. Nec vir, nec uxor, nec matrimonium, nec dos intelligitur, urquoy Vinnius dit, pena ergo communis earum injustarum conjunctionum est, quod ipso jure tales nuptiae nullae sint

Deux passages du Droit ont donné lieu à cette diversité d’opinions ; le premier est celuy du JurisconsultePaulus , dont je viens de parler ; et le second est d’Ulpian , qui conseilloit à un pere qui vouloit reprendre sa fille qui s’étoit mariée, de n’user pas rigoureusement de son autorité, l. 1. 8. fin. D. de liberis exhib. et duc. mais on oppose à l’autorité de Paulus une autre réponse du même Jurisconsulte en la l. 2. D. de Ritus Nupt. où il enseigne Nuptias jure contractas non esse, neque consistere posse, nisi confentiant omnes, id est qui coeunt, quorumque in porestate sunt. Or ce qui ne peut subsister et qui est fait contre le Droit, est sans doute nul et de nul effet ; et dans la l. 11. D. de Statu hom. il tient encore eum qui vivente, et ignorante aeparre de conjunctione filiae conceptus est, licet post mortem avi natus justum filium ei ex quo conceptus est non videri. Et l’on apprend d’Apulée que c’étoit l’usaege parmy les Romains ; Nuptiae in villa et patre non consentiente facta legitima non possunt videri, ac per hoc spurius ille nascatur. l. 6.

Pour conciller ces Loix qui paroissent contraires, quelques-uns êstiment que les paroles de Paulus dans le Livre second de ses Sentences, r. 19. peuvent être expliquées en cette manière, qu’il étoit de l’utilité publique que le pere ne pûst dissoudre le mariage de son fils, Ulpian auquel il avoiggronsenty ; et pour le passage d’Ulbian qu’il n’y est point parlé du mariage Browerus contracté conp et la volonté d’un pere. Broberus de Jure Connub. l. l. c. 7. n. 17. Si la Jurisprudence Romaine est douteuse sur ce sujet, elle ne l’est point par le Droit François. Il est permis aux peres par l’Ordonnance de Henty Il. d’exhéréder les enfans qui se sont mariez vant l’âge de vingt-cinq et de trente ans : En explication de cette Ordonnance on a douté qusques ou et sur quelles personhes on pouvoit étendre l’effet de cêtte exheredation ; il est cettain que quand elle est prononcée valiblement, le Ils exheredé ne peut en’éviter la peine, pourvû que la recondiliation ne s’en soit pas ensuivie, car elle fait cesser toutes les exheredations ; mais on demande s’il est besoin d’avoir quelque preuve par écrit, qui marque la re-conciliations I suffit, dit la Loy, si le pere offensam clémentiâ fiexit licet scriptura non provetas, aliis tamen rationibus doceri hihil impedit, l. 1. C. famil. ercisc. Neanmoins par un Ar-rest rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences du Parlement de Paris, l. 3. c. 18. quoy qu’un pere eût donné la Benediction à son fils qu’il avoit exheredé auparavant, il a été jugé que la Benediction feule n’étoit pas suffisante pour détruire une exheredation cite par un acte Iolennel.

III y a plus de difficulté pour sçavoir si l’exheredation prononcée contre le fils a lieu contre les petits enfans : On peut dire que l’exheredation serdit inutile et illusoire si les petits fils néritoient au sieu de leur pere, et comme le petit fils est venu du mariage qui a causé l’ex heredation, il faut qu’elle produise son effet.

Les Jutisconsultes Romains ont fait cette distinction où le fils exheredé survivoit à son pere, et en ce cas les petits fils étoient exclus de la succession de l’ayeul, que s’il predecedoit sun pete ses enfans venoient à la succession de leur ayeul, l’exheredation ne subsistant plus.

C’est la décislon de la Loy si ex patronis, ff. de bonis libert. si pater me exheredavit, avus meus patrem meum, et prior avus décesserit, ab utriusque libertis me repelli ; sed si ante pater decessisset, postea abbis, dicendùm érit nihil mihi nocere pdtris exhieredationem. La Loy si quis posthumos 8. 2. de libert. et posth. dit la même chose, et c’est l’espèce de l’Arrest rapporté parRobert , l. 2. c. 9. Mais on avoit introduit depuis une Jurisprudence plus benigne, qui n’étendoit point li peine de l’exheredation plus avant que sur la personne de l’exheredé, et soit qu’il predecedat son pere, ou qu’il le survécût, les petits enfans ont été jugez capables de succeder à leur ayeul ; il fut ainsi jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le premier d’Avril 1632. Bauche avoit exheredé son fils pour sa desobeissance, s’étant marié contre sa volonté, il confirma lette exheredation par son Testament ; neanmoins aprés la mort de son. pere Il demanda partage à ses freres, pretendant que son exheredation étoit nulle, ayant été faite cum elogio, et que d’ailleurs il s’étoit reconcilié avec son pere qu’en tout cas ses enfans étoient admissibles à cette succession, suivant l’Arrest de Hué Chaufecire, ceux de Rainbourg, de Fil-être, et autres. On répondoit pour les freres que l’exheredation étoit valable, pouvant être faite cum elogio, quand la cause en est véritable, et que pour prouver une reconciliation il faloit des entrevûës publiques dans la maison et dans la famille, et non point un commerce secret et particulier, que ses enfans n’y pouvoient venir à sa representation, quia viventis jullus est heres : Par l’Arrest on déclara l’exheredation valable, et neanmoins l’on ajugeà aux petits enfans la part qui auroit appartenu à leur pere : Voyez Chopin sur la Coûtume d’Anjou, l. 3. c. 1. qui cite plusieurs Atrests conformes Depuis ces Arrests l’Ordonnance de l’an 1639. est intervenuë, qui à rendu cette Jurisprudence incertaine ; car suivant les Articles. 2. et 3. non seulement l’exheredation s’étendoit sur celuy qui avoit contracté mariage contre l’Ordonnance, mais aussi sur les enfans qui en naîtroienti et par cette même Ordonnance le Rapt de persuasion et de subornation est puny aussi bien que le Rapt de violence, et les enfans qui naissent de tels mariages sont dechrez indignes et incapables de legitime, et de toûtes successions directes et collaterales qui leur pourroient échoir.

On à eu de la pethe à pratiquer l’Ordonnance dans la rigueur, neanmoins elle a été suivie en ce Parlement. Gaspar Fromont fut allicié à l’âge de vingt ans par le Sieur et Demoiselle Brunet, qui luy firent épouser Heleine Brunet leur fille ; le sieur de la Benardière Receveur des Tailles à Alençon, fit informer du Rapt de son fils, et par Arrest rendu par contumace en l’année 1650. le mariage fut declaré nul, et le pere et la mgre de la fille furent bannis et condamnez en de grosses amendes ; depuis le pere en fut déchargé, n’ayant pas été trouvé oupable du Rapt dont ll étoit accusé : Gaspar Fromont et Heleine Brunet se retirerent à Belesme où Ils continuerent leur hantise et leur demeure ensemble, et eurent plusieurs enfans : Gaspar Fromont aprés sa majorité presenta Requête à l’Official de Seez, contenant que doutant de la validité de la celebration de son mariage, il demandoit permission de proceder à une nouvelle celebration ; l’Official leur ayant ordonné de se separer pour quelque temps, il leur permit en suite de se marier, et leur donna Dispense des trois Bans. Depuis le sieur de la Benardière et son fils étant morts, la mere declara revoquer l’exheredation qu’elle avoit signée, protestant qu’elle n’y avoit consenty que pour complaire à son mary, à condition neanmoins que sa succession seroit partagée également, et que le fils de l’aîné n’y auroit aucun avantage : Gaspar Fromont sorty de ce mariage voulant prendre possession de la terre de Forbounois, Pierre Fromont s’y opposa, et l’affaire portée en la Cour, et par Fromont, Marie, Loüise, Heleine, Marguerite, et Magdeleine Fromont ses seurs, appellantes d’une Sentence du Juge de Belesme, par laquelle sur l’action du sieur de la Benardiere contre Heleine Brunet, défenses avoient été faites à ladite Brunet de prendre la qualité de veuve de Gaspar Fromont, et incidemment intimez, contre Pierre Fromont sieur de Mieuxé, fils puisné du sieur de la Benardiere, intimé et appellant comme d’abus de la permission accordée audit Gaspar Fromont et à ladite Brunet par l’Official de Seez, au Siege de Mortagne, de celebrer le mariage et de la Dispense des trois Bans : De Freville pour ledit Gaspar Fromont, disoit que le mariage de leur pere et mere avoit été rendu legitime, quoy qu’il eût été contracté durant leur minorité et sans le consentement de leurs parens, en consequence du consentement de la mere, qu’elle avoit declaré par son Testament, ayant aussi revoqué l’exheredation à laquelle son mary l’avoit obligée de signer, et reconnu ses petits enfans pour ses heritiers ; le pere même y avoit tacitement consenty par son silence, et quand la premiere celebration faite pendant la minorité auroit été defectueuse, le defaut en étoit effacé par la seconde celebration qui avoit été faite dans toutes les formes, dans un temps où les parties étoient majeures et hors la puissance de leurs parens, et ainsi l’on ne pouvoit douter que les Appellans ne fussent des enfans legitimes, ausquels le sieur de Mieuxé ne pouvoit contester la part qui leur appartient en la succession de leur ayeul, nonobssant l’exheredation dont la peine ne pouvoit passer jusqu’à eux, l’Ordonnance de l’an 1639. ne pouvant avoir lieu en ce cas : Du Quesne, Avocat, employoit les mêmes raisons pour les soeurs : Greard, pour le sieur de Mieuxé, soûtenoit que quand le mariage seroit legitime, les enfans sortis de cette conjonction ne pourroient rien pretendre en la succession du sieur de la Benardiere, vû l’exheredation par luy fulminée contre son fils, laquelle suivant l’Ordonnance de l’an 1639. passoit aux petits enfans : quant à la succession de la mere il est vray qu’elle avoit revoqué l’exheredation, mais elle privoit son fils ainé de tout preciput, et avoit limité le mariage des filles à cinq mille livres ; mais aprés tout c’étoit la Loy qui donnoit la succession et non pas le consentement des parents, il étoit impossible que le mariage pûst être reputé civil, la pernission de l’Official avoit été surprise sur de faux énoncez, n’ayant pas declaré leur qualité d’enfans de famille, le Rapt qui avoit été commis, et les défenfes qui avoient été faites. Il n’y a point eu de separation entre les conjoints telle qu’elle étoit requise, et la Dispense des trois Bans étoit une contravention à l’Ordonnance : mais quand ces defauts ne rendroient pas ce mariage nul, il suffit de dire qu’il y avoit incapacité formelle en la personne des contractans, le Rapt commis en la personne d’un mineur enfant de famille, et la nullité de la premiere celebration, en telle sorte que par l’Ordonnance de l’an 1639. les enfans sortis d’une telle conjonction ne peuvent pretendre aucun droit de legitime et de partage en la succession des peres et meres : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 15. de Juillet 1672. la Cour faisant droit sur l’appel comme d’abus, dit qu’il avoit été mal et abusivement procedé par l’Official, entant que la Dispense de la proclamation des trois Bans, défenses aux Officiaux de donner de pareilles Dispenses, et faisant droit sur l’appel du Bailly, l’appellation et ce dont, et en reformant, et faisant droit au principal, a ajugé audit Pierre Fromont la succession paternelle, sur laquelle neanmoins il sera pris la somme de quarante mille livres qui sont ajugez audit Gaspar Fromont et à ses soeurs, si mieux ledit Pierre Fromont n’aimoit leur quitter le tiers de la succession du pere, et à l’égard de la succession de la mere ordonné qu’elle sera partagée également.

Par Arrest en la Grand-Chambre du 8. de Mars 1658. au Rapport de Mr Auber, entre les nommez Fossé pere et fils, il a été jugé que l’exheredation prononcée contre le fils pour s’être marié contre la volonté de son pere, ne dispensoit point le pere de donner les alimens tolluntur capitis diminutione. Le Commentateur de MrLoüet , l. a. n. 5. dit que par Arrest à son fils et aux enfans sortis de ce mariage, quia alimenta debentur deportato et incapaci ; nec du Parlement il a été jugé qu’un fils âgé de vingt-cinq ans exhéredé par ses pere et mere pour s’être marié à une personne inégale, n’étoit pas recevable à leur demander des alimens, et qu’il étoit même tenu de rendre ceux qu’il avoit reçûs en vertu d’une Sentence de provision, étant une maxime dont tous les Docteurs demeurent d’accord que pour les mêmes causes qu’un fils peut être exheredé, les alimens luy peuvent être déniez, Glossa ad num. 115. ut cum de appell. cog. §. sive igitur Deus, le Journal des Audiences l. 6. c. 40. Il y a un Arrest par lequel on ajugea une provision à l’enfant de l’exheredé qui êtoit mort avant son pere ; mais la validité de l’exheredation n’étoit pas encore jugée, le respect et la deference que les enfans doivent avoir pour les sentimens et les actions de leurs peres et meres étant si grande, il paroîtroit fort étrange si un fils entreprenoit de s’opposer au mariage de sa mere : Cette question néanmoins s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre, entre Demoiselle Loüise de Chantelou, veuve de Mr le Capelain, et Mr le Capelain sieur de Chuonnet, Conseiller au Presidial de Coûtance, ladite de Chantelou pour soûtenir le mariage qu’elle vouloit contracter avec Jean Felice âgé de vingt-quatre ans, disoit que les mauvais traitemens qu’elle avoir reçûs de lon fils l’avoient portée à chercher du secours et de l’assistance, et quoy qu’il n’eûr ucune autorité sur elle, et qu’au contraire il luy dûst du respect et de l’obeissance, néanmoins il avoit porté sa temérité jusqu’à ce point de vouloir empescher son mariage, et que la liberté du mariage n’étoit bornée par aucun temps, et qu’il étoit permis de le contracter en tout âge, bien qu’une femme ne fust plus en état d’avoir des enfans, parce que le mariage pouvoit se contracter par ces trois motifs, propter bonum fidei Sacramenti & prolis ; la femme et le mary se servent d’aide et de support l’un à l’autre dans leurs infirmitez, et dans les incommoditez de leur vieillesse.

Le fils reprochoit à sa mere que le choix qu’elle avoit fait de cet homme étoit indigne d’elle, ayant été serviteur en la maison de son défunt mary, le servant à pied comme son laquais et son palestenier, que l’inégalité de leur âge marquoit encore le déreglement de son esprit, étant âgée de cinquante ans, et ayant eu douze ou quinze enfans, qu’on ne pouvoit luy imputer qu’il manquast de respect en voulant empécher l’injure qu’elle faisoit à la mémoire de son défunt mary, et la honte et l’opprobre dont elle couvriroit toute sa famille. Il y avoit grande différence entre le mariage d’un homme et celuy d’une femme ; l’homme communique sa qualité à la femme qu’il épouse, coruscat radiis maritalibus femina D. de Senat. et quelque basse et servile que soit sa condition, s’il est Gentilhomme il l’éleve à la qualité de Demoiselle ; mais lors qu’une emme de condition épouse un roturier, elle perd son rang et sa qualité, et par la Loy Libertum c. 3. c. de Nupt. l’affranchy, qui épousoit sa Patrone ou la fille de son Patron, étoit puny extraordinairement, hujusmodi enim conjunctiones odiose sunt. Par Arrest du mois de Juin 1617. au Raport de Mr le Roux, la Cour fit défence à peine de la vie à ladite de Chantelou et audit Felice de contracter mariage, et les condamna en l’amende pour s’être fréquentez au préjudice des désences : Mais nonobstant ces défences ayant contracté mariage, par Arrest du mois de Juillet1618. ils furent condamnez chacun en cinquante écus d’amende, et ladite de Chantelou privée de tous les avantages qu’elle pouvoit pretendre. Mais ces paroles de l’Arrest donnerent lieu à une nouvelle contestation, le fils soûtenoit qu’elle étoit privée de son doüaire, et que c’étoit un avantage qu’elle prenoit sur les biens de son premier mary, dont elle s’étoit renduë indigne par ce mariage honteux qu’elle avoir contracté, et par l’offense qu’elle avoit faite à sa mémoire ; au contraire la mere reresentoit que les profits et les avantages dont elle étoit dechuë devoient être entendus des dons et augmentations qui provenoient de la liberalité de son premier mary, qui se revoquoient pour ingratitude, ou pour indignité ; mais à l’égard des droits qui luy étoient acquis par la Coûtume, comme le doüaire dans la disposition ou le bienfait du mary ; elle ne le perdoit oint, vû principalement qu’il étoit destiné pour les alimens qui sont dûs mêmes aux bannis et aux reléguez, l. 3. si in metallum D. de his quae pro non scriptis, la Cour par Arrest du 30. d’Aoust ensuivant, ordonna qu’elle seroit payée de son doüaire Par l’ancien Droit Romain la femme de condition libre qui épousoit un esclave perdoit sa Justinien berté, Justinien crût que le châtiment étoit trop rigoureux, ut quae libera constituta erat & decepta, vel rapta infelici libidine contrae naturalem suorum libertatem deducatur in servitutem : Mais. il ordonna que l’esclave qui avoit artenté de contracter de telles Nopces seroit puny competenti castigatione, et seroit separé d’avec cette femme, la c. l. 7. Art. 24. de S. C. Claud. toll. et l. 9. t. 11. de Mulièrib. que se propriis serv. conjung. Nous avons une Ordonnance conforme au Droit Romain.

Nos Ordonnances ont marqué le temps auquel ceux qui sont soûmis à la puissance d’autruy, peuvent ou ne peuvent pas contracter mariage : D’autre part, les Loix nous apprennent aussi à quel âge la nature rend les hommes capables des actes du mariage ; car comme il est certain que l’homme n’est pas habile pour la generation en tous les âges et en tous les états de sa vie, on les a distinguez en plusieurs parties pour marquer les temps où il en peut être capable : Les sentimens des Medecins, des Philosophes, des Legislateurs et des Jurisconsultes ont été fort differens. Les Medecins qui n’ont recherché que la disposition des corps et leur vertu prolifique, ont réglé l’âge selon la force et la diversité des temperamens, ars medica non est Aristote quaee annos numeret : Platon et Aristote ont reculé fort loin le temps propre au mariage,Plato . Arist lib. 5. de Rep. Arist. lib. 7. c. 17. politic. Le premier ne permettoit le mariage qu’à trente ans pour les hommes et à vingt ans pour les filles : Le fecond mettoit encore le terme plus loin pour les hommes, il falloit avoir trente-sept ans pour les mâles, pour les filles il le regloit à dix-huit ans ; mais ces Philosophes ne recherchoient pas tant le temps que l’on pouvoit être apable du mariage, que celuy où l’on pouvoit engendrer des enfans robustes et vigoureux pour le service de la Republique : Les Legislateurs ont avancé le temps, considérant principalement non ce qui arrive quelquefois, mais ce qui arrive ordinairement ; ils ont décidé que les hommes à quatorze ans et les filles à douze ans étoient capables du mariage : Les Jurisronsdlpes ont pareillement définy le temps propre au mariage aprés la puberté.

Nous ne trouvons point de décision oxpresse sur cette matière dans la Loy Mosaique, mais des Rabbins ont lécrit qu’il n’étoit ipas permis aux mâles de se marier qu’aprés avoir atteint gge de treige ans et un jour, et aux filles aprés douze ans et un jour.Buxtorf . tract. Smnago.

Jud. c. 3. et tract. de Divort. et spon. Hebr. par. 1. n. 11.Selden . Uxor’Hebraea l. 2. c. 3. et suivunt cette Doctrine, l’Histoire Sainte a remarqué qu’Ammon et Jofias Roys de Juda eurent les enfans à quatorze ans, à. Reg. 7. 8. 19. et c. 22. V.

Cette quostion s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre ; Me Gilles Vivien Ecuyer, sieur des Ohommes, Lientenant à’Avranches, avoit fait épouser à son fils une fille âgée seulement de idix ans deux mois et vingt-cind jours, nommée Colombe Chrêtien ; ce maringe si precipité ne fut pas de longue durée, car cette fille qui étoit infirme mourut fix semaines aprés. le sieur des Ghommes se faisit de tous les meubles, ppretendant que ce mariage avoit été va lablement contracté. Demoiselle Marie du Ménil-adelée, sour uterine de la défunte et son heritière aux meubles et acquests, foûtmt an contraire, que sa soeur n’étoit point dans un age habile au maringe, et que par consequent il étoit nul. La Cause portée en la Cour en consequence des recusations proposées contre les Juges d’Avranches, Gyot pour le sieur des Chommes se fondoit for l’autorité des dispositions Canoniques : car bien que suivant le Canon ubi non est consensus, aux Decret. de Despons. impub. l’âge déterminé pour le mariage, soit de douge ans pour les filles et de quatorze pour les mâles, neanmoms ce terme peut être uvancé lorsque malitiùisupplet êtatem c de illis C : puberes. (. fina. Cod. Et Coyatruvias expliquant ce que l’on doit entendre par ce terme malice, dit qu’elle consiste en deux choses sin discretioneo scilicet : ud consensum conjugalem intelligendum, & in potentia ad carnalem copulams Covarr et Covaur. 6. P. c. 5. de Matr. et c’est pourquoy dans le Ch. tux nobis, cette malice est appellée prudence ; de sorrt que Jorsque porentia ad topulam et discretio ad confensum conjugalem se rencontrent, on ne doit pas s’attacher exactement au nombre des années, comme il est contrenu dans le C. continebatur, si autem fuerit etati proxima, ut in undecimo vel circu duodeci-Covarruvias muem : Et Covatruvias au feu preallégué expliquant ces paroles utati proximas dit que celuy. la est reputé proche de la puberté qui est âgé de dix ans et demy si c’est on mâle, et dé neut ans et demy si c’est une fille, Glos. in 5. pupillas instit. de inutil. stipul. & in l. pupillun D. de Regul. jur. Et l’on ne peut douter que les mâles et les filles ne foient capables des actes du mariage aprés les exemples qui en font rapportez. Saint Gregoire Gregoirt fait mention d’un enfant qui avoit engrossé sa nourrice à l’âge de neuf ans, fib. 2. dial. c. 19. et S. Jerôme parle d’un autre qui avoit fait la même chose n’étant âgé que de dix ans ; et il ajoûte que Salomon engendra Roboam à dix ans, et qu’Achas n’en avoit qu’onze lorsqu’il devint pere. d’Etechias.

Je répondois pour la Demoiselle du Ménil-adelée, que la nature ne precipite jamais ses ouvrages, et que le parrage qu’elle a fait des temps et des saifons pour la production et la durée de ses creatures, est inalterable ; et comme si cette fouveraine Sagesse avoit redouté que l’homi ne par son ignorance ne penetrât pas assez avant dans ses secrets et dans ses merveilles, et ne comprit pas le bel ordre qu’elle avoit étably, elle a donné à chaque chose un caracteré mmuable et particulier qui nous instruit de sa qualité, de fon usage, et de fa durée en effer la vie de l’homme est partagée en divers âges, et chaque saison de ses Jours a ses usages differens et ses proprietez particulières ; et comme dans la composition de l’homme elle se proposoit principalement pour but la propagation de son espèce en luy donnant la vertu de la perpetuer, elle a reglé soit à propos le temps qui le rendoit propre à cet acte ; et afin que l’on ne s’y trompât point, elle luy a imprimé quelques marques visibles, et c’étoit par elles que les anciens jugeoient de la éapacité du mariage, ne le permettant point que quand ils remarquoient dans l’un et l’autre sexe ces témoignages et ces enseignes de la faculté geherarlve

Cependant comme la pudeur et l’honnêteté ne permettoient pas d’aller chercher ces marques secretes de la faculté generative, et que peut-être même il soit véritable, selon la pensée de plusieurs Interpreres, que les anclens Romains n’ayent jamais fait ce honteux examen de ces parties que la nature a commandé de cacher, pour juger de la puberté : L’Empereur Ju stinien établit uné autre regle pour juger de la force et de l’aptitude des corps pour la generation ; car comme il pourroit arriver que nonobstant tous ces signes plusieurs n’en étoient pas capables, et qu’au contraire il y en avoit d’une conformation si parfaite et si avancée Justinien qu’ils n’avoient point besoin d’attendre que les marques parussent. Justinien pour faire cesser cette incertitude regla le temps du mariage à un cettain âge où les hommes et les femmes e trouveroient ordinairement capables de le contracter ; ce qui a fait dire à un Jurisconsulte que hec etatis definitio à Justiniano facta partim naturalis, partim civilis dici debet ; naturalis quatenus naturam et frrquentiorem naturae cursum sequitur : Civilis quatenus à legum conditore Brower certo annorum numéro determinatur ; Broyar. de Jure Connub. apud Batavos l. 2. C. 3. n. 15. Justas nuptius inter se contrahunt masculi quidem puberes, feminae autem viripotentes ; femina autem post impletos 12. onnos omnimodo pubescere judicantur ; masculi vero post excessum 14. dnnorum puberes evistimantur l. fini. Ce quando Tufori et Curat. esse desinunt. Guivant cette Loy pour être parfaitement pubere, et en consequence habile au mariage, il ne suffit pas d’avoir commencé la douzième ou la quatorzième année, il faut que le cours en soit entièrement achevé, et que lon en ait, atteint jusqu’aux derniers momens. Ce terme étoit inviolable, lon ne pouvoit lanticiper sans crime et sans châtiment par la Loy falsus D. quod faiso tut. auct. gestum est 5. 1. et 2. tutor ob dolum malum tenetur, qui filiae impuberi ad contrahendum matrimonium auctoritatem suam accom. modaverit, et la rigueur y étoit si grande que lon pardonnoit avec peine cette precipitation au pere. Vix ignoscendum patri, dit la même Loy, qui filiam suam maturius in domum sponsi verducere voluit ; affectu enim propensiore magis quam dolo malo fecisse videtur. Que si lon ne pardonnoit pas au pere, quoy que la puissance soit absolué, que par la presomption de n’avoir agy que par un sentiment paternel, et par une impatience excusable de vouloir établir a condition de sa fille, le défendeur ne doit pas esperer que sa precipitation luy soit utile et avantageuse

Quant aux Constitutions Canoniques, il est vray que dans le titre de Desponsat. imp. aux Decretales, il y en a quelques-unes qui semblent remettre en usage lancienne opinion de Cassius, qui vouloit que la puberté et la capacité pour le mariage fust plûtost reglée par la constitution du corps que par le nombre des années, ex habitu corporis potius quâm ex etate et que l’on peut prevenir le terme ordinaire par le pretexte d’une forte conformation des corps, ou lors que la malice peut suppléer le defaut de l’âge : Et dans le Ch. 3. Isidore soûtient, eum efse puberem qui ex habitu corporis pubertatem ostendit & generare jam potest, et que puerperae sunt que in annis puerilibus pariunt, ce qui est aussi approuvé par la Glose sur le mon generare, solam pubertatem seu generalem vigorem considerari, ut possint vinculo conjugali sociari : Mais par le Ch. 2. du même titre, il est expressément défendu ne aliqui, quorum uterque vel alter ad atatem legibus vel canonibus determinatam non pervenerit conjungantur. Et l’autorité l’Isidore doit dautant moins prevaloir qu’il témoigne n’avoir pas entendu ces deux mots de pubes et de puerpera : nam cum pubem pudentiam corporis interpretatur, miserè fallitur ; son erreut n’est pas moins grossiere lorsqu’il ajoûte que puerpera est que annis puerilibus parit ; au contraire le Jurisconsulte Paulus nous apprend en la Loy 163. 5. 1. de verb. signif. que puerpera est que vecens est à partu : Covarruvias estime qu’il n’est pas permis d’anticiper le temps définy par les Loix, que quand ces deux conditions s’y rencontrent, potentia & habitus corporis, & malitia seu discretio et ppudentia : Mais, à dire le vray, si l’on suivoit la disposition du Droit Ca-nonique, ce seroit mettre les choses dans l’incertitude, et on n’auroit jamais de regle certaine ; car comment faire le discernement de cette malice qui doit supléer le defaut de l’age, et qui peut-elle contribuer pour la generation : si l’on fuit aussi la disposition du Ch. Continebatur, on n’aura point de temps prefix et certain pour être habile à contracter mariage, car une fille peut se marier si atati fuerit proxima, c’est à dire in undecimo vel circa duodecimum annum ; la plose sur ce Ch. dit que la fille est proche de sa puberté lorsqu’il ne s’en faut plus que six mois. Ce qui est conforme à la L non tantumde excus. tutor. que pupillorum atas propé pubertatem Covarruvias est, cum semestre tempus reliquum fuerit ; et Covartuvias aprés avoir dit que hec est communis opinio in contractu conjugali, fait une observation fort considérable, judex qui illam atatem aruitrari debet puerum esse proximum pubertati maximè adducendus est conjecturis et cautissimè id agit ut tamen id raro : Part. 2 c. 5. de Matrim.

Cette incertitude et cette varieté de l’âge propre au mariage que le Droit Canonique a établie, fait bien connoître que la disposition du Droit Civil est beaucoup plus raisonnable ; Justinien car Justinien voulant limiter un temps certain, a suivi ce qui arrive le plus souvent, à sçavoir que les hommes à quatorze ans, et les filles à douze, peuvent être capables des actes du mariage, bien que cela ne soit pas toûjours véritable, ou qu’au contraire il s’en trouve avant cet âge qui puissent engendrer

On ne doit pas neanmoins ajoûter beaucoup de creance à ces Histoires de ces deux enfans, qui doivent avoir fait des enfans à leurs nourrisses à l’âge de neuf et de dix ans ; il faloir avoir beaucoup de credulité pour s’en rapporter à la bonne foy de ces femmes, et être fort convaincu de leur chasteté. Saint serôme, et ceux qui l’ont suivi, peuvent avoir été surpris. à cet égard, comme il l’a attesté lorsqu’il a écrit que Salomon n’avoit que douze ans lorsqu’il engendra Roboam, et qu’Achas n’en avoit qu’onze quand il fut pere d’Ezechias. Gregorius Tholosanus l’holosanus en fait la preuve en cette manière, que Roboam étoit âgé de quarante ans lorsqu’il succeda à Salomon son pere, et que Salomon n’avoit que cinquante-deux ans lorsqu’il mourut, étant devenu Roy à douze ans, et ayant regné quarante ans : D’où il s’ensuit qu’il étoit devenu pere à l’âge de douze ans, Syntagm. juris Civ. l. 9. c. 7. n. 8. et 9. Deux celebres Chronologistes sont d’une opinion contraire ; Funccius a écrit que Salomon parvint à la Royauté à l’âge de seize ans, et qu’il mourut étant âgé de cinquante, six ans. Carion le fait âgé de vingt ans lors de son avenement à la Couronne, et il marque à soixante ans le temps. de son decez. Sextus Calvisius fait une autre supputation de cette manière, que David engendra Salomon en la vingtième année de son Regne, et qu’il regna quarante ans, d’où il s’enfuit que Salomon étoit âgé de vingt ans lorsqu’il succeda à son pere ; or il paroit par le Texte facré qu’il regna quarante ans, et l’on apprend du 12. Ch. du 2. Livre des Chroniques, que Roboam êtoit âgé de quarante-un an lorsqu’il commença son Regne, ainsi Salo-Vossius mon étoit âgé de dix-neuf ans lorsqu’il engendra Roboam : lfaac Vossius a crû que Salomon n’engendra Roboam que dans son extréme vieillesse, et il se fonde sur ce passage des Rois, lib. 1. c. 14. 7. 21. que Salomon dans sa vieillesse prit des femmes étrangeres, et particulierement des Ammonites, dont la mère de Roboam étoit une, et que d’ailleurs il est vray-semblable que Roboam étoit jeune, puisqu’il avoit preferé le conseil des jeunes gens à celuy les anciens serviteurs de son pere

Pour Achas la question paroit plus difficile ; S. Jerôme répondant à Vitalis qui l’avoit consulté sur ces difficultez, luy dit que selon l’ordre de la nature une telle chose étoit impossible, et que c’étoit une extravagance de croire qu’un homme fût capable d’engendrer en cet âge-là ; mais que Dieu par sa Toute-puissance l’avoit permis pour reprocher à ces Princes leur luxure et leur impieté ; Consideremus quod occulté scriptura et Salomonem et Achas volupratis et impietatis accuset. Ex quo conspicuum est homines à parva atate libidini deditos imma-tura eorum sobole demonstrari, quod etiam eo tempore peccare coeperint, quo natura non patitur, mais prevoyant bien que cette réponse ne fatisferoit pas les curieux, il ajoûte que hujusmodi harere questionibus non tam studiosi quam otiosi hominis videri Epistola adVital .

Mais ces éclaircissemens sont necessaires pour imposer silence à ceux qui revoquent en doute a vérité des Saintes Ecritures ; et c’est pourquoy plusieurs Commentateurs ont taché de refoudre cette difficulté, consule Spanhemoum in dubiis Evang. Ad cap. 1.Matthae . W. 9. dubio quinto : Un Auteur moderne a remarqué que l’equivoque d’un mot Hebreu avoit causé l’erreur, et que cette equivoque étoit encore plus grande dans toutes les versions. Dans le 16. thap. du 2. livre des Rois, il est dit qu’Achas étoit âgé de vingt ans quand iceluy commença de régner ; le véritable sens de ce passage est qu’Achas avoit vingt ans quand Jotham son pere commença de régner ; mais S. Jerôme a entendu qu’Achas n’avoit que ces vingt ans quand il commença son regne, n’ayant pas remarqué que le mot Hebreu Bemalcho qui signifit ficeluy se rapportoit à Jotham, et non point à Achas ; et c’est par ce même moyen que l’on concilie cette contrarieté qui paroit entre le 24. chap. du 2. livre des Rois, et le 36. chapître du 2. livre des Chroniques ; dans l’un Joachim étoit âgé de dix-huit ans quand il parvint à la Royauré, dans l’autre il n’avoit que huit ans ; mais il faut entendre cela non du commencenent de son regne, mais du commencement du regne de son pere, comme on le prouve par a supputation des années.

Aprés tout, ny le Droit Canonique, ny les exemples ne peuvent faire la décision du fait dont il étoit question ; puis que la défunte Colombe Chrêtien n’étoit point proche de sa puberté, et qu’elle ne pardissoit point capable des actes du mariage par la confrontation de son corps, n’étant âgée que de dix ans, deux mois et vingt-cinq jours ; et c’est pourquoy comme cela seroit toûjours plein d’incertitude, il est beaucoup plus à propos de se tenir à la regle generale, nam ad ea potius debet jus aptari quae fraequenter et facilé, quam ad ea quae perraro eveniunt I. nam ad ea D. de leg. Cela a été jugé de la sorte par un Arrest folennellement rendu au Parlement de Paris, rapporté parMonthelon , Arrest 138. Et par un autre Arrest donné en ce Parlement pour la Dame Marquise du Neubourg, et les heritiers du sieur de l’Isle Marivaux.

Par Arrest du 15. de Juin 1655. on prononça à tort l’arrest et saisie faite par le sieur des Chommes, et main-levée accordée de tous les meubles à la soeur uterine sur le déduit de 1500. livres pour les frais funeraux payez par le mary

Outre les exemples de ces deux femmes qui furent renduës grosses par des enfans âgez de dix et douze ans. Scaliger in Elog.Grat . Chronol. en rapporte un beaucoup plus singulier, et extraordinaire. Il dit que de son temps en la ville de Leietoure un enfant qui n’avoit pas encore douze ans accomplis, rendit grosse de ses oeuvres la Cousine germaine qui n’avoit pas encore dix ans ; et il assure que la chose étoit certaine, et que de son temps l’histoire en étoit notoire par toute la Guyenne. En ces rencontres il faut dire avecS. Jerôme , non valere naturam contra naturae Dominum.

Lors que les promesses de mariage ont été faites entre des personnes capables de les contracter, ou par des enfans de famille du consentement de leurs peres et mères, celle des par-ties qui refusent de les accomplir en doit porter la peine. On punit neanmoins plus rigoureusement l’homme que la fille ; à l’égard de la fille tous les dons qui luy ont été faits doivent ceder à son profit, et comme ce changement de volonté fait toûjours quelque tort, et que la recherche faite de sa personne a pû détourner d’autres gens qui s’y seroient engagez, on luy ajuge encore des interests ; mais à l’égard de l’homme, l’inexecution des promesses ne luy étant pas ordinairement si desavantageuse pour peu qu’il y ait de sa faute, on ne luy ajuge point d’interests, mais on luy restitue le prix des hardes qu’il a achetées, et l’on n’est pas reçû rendre les hardes, parce que le plus souvent elles ne sont pas à son usage, et luy seroient inutiles ; mais il est mal : aisé d’érablir une regle generale sur ces matieres, et les interesti tant de la part de la fille que du côté de l’homme, sont plus ou moins grands selon les circonstances particulieres du fait.

Puisque l’arbitration de ces interests est incertain, et que les Juges en sont le plus souvent les maîtres, pourroit-on pas stipuler une peine qui seroit payable par celle des parties qui donneroit lieu à l’inexecution des promesses : C’est une Jurisprudence universelle que ces pactions sont contre les bonnes moeurs, inhonestum est vinculo pena matrimonia obstrinei l. Titia D. de verb. oblig. Il est vray que l’Empereur Leon en sa Nov. 18. ut in fponsalib. constituta pona exigatur, voulut rétablir l’ancien Droit Romain qui permettoit de stipuler uné eine pour l’interest des promesses de mariage non accomplies, stipulari uxores futuras et agere in id quod intererat, Aulus Gell. Noct. Attic. l. 4. c. 4. parce, disoit : il, qu’en faisant souffrir cette perte à ceux qui n’executeront pas leurs promesses, ils ne s’y porteront pas si facilement, ut ex pacto definitae pena gravius damnum sibi imminere videns, inconstans ilie tardior. omninâ ad divellenda sponsalia fiat : mais les Novelles de Leon n’ont jamais eu beaticoup d’autorité, et dans tous les Parlemens l’on a suivi la disposition de la Loy Titia. MrLoüet , l.

M. n. 24.Cambolas , l. 2. c. 22. Arrest en ce Parlement du 10 de May 1662. Une fille nommée Loudier poursuivoit un fils de famille pour l’épouser, ou luy payer trois mille livres suivant sa promesse ; le fils, et le pere qui étoit intervenant, soûtenoient que cette promesse étoit nulle, et même qu’elle avoit été faite par un mineur, et que d’ailleurs cette fille s’étant pandonnée à ce jeune garçon, cette promesse n’étoit à vray dire qu’une taxe et une composition qu’elle avoit faite de son honneur, ce qui la rendoit honteuse et nulle : néanmoins on luy ajugea deux mille livres pour tous interests, dommages et dépens. Sur ce sujet les Loix font cette distinction suivant l’observation de Mr Cujas sur la 1. 71. 5. 1. Titit centum de condit. et dem. D. qu’aliud est metu pena auferri libertatem matrimonii quod est contra bonos mores l. 2. de inutil. stipul. C. nam libera matrimonia effe oportet, et ob eam rem sti-ulatio illa non valet. Aliud est ad lucrum invitari puta ad legatum sub certo modo, ut si admittatur ad legatum, si Meviam uxorem duxerit ; non admittetur, si non duceret ; denique aliud est penam de suo inferre, aliud ponam de alieno inferre, c’est à dire si la peine est apposée du fait de quelqu’un, comme si je n’épouse pas une telle femme je bailleray cent écus : cette somme ne pourra être exigée de moy, parce qu’elle empesche la liberté du mariage ; que si la stipulation est du fait d’autruy, comme s’il se matie avec une telle, je luy donneray cent écus, en ce cas ce n’est plus une peine, mais plûtost une recompense pour l’exciter à se marier : Aliud est, ditPapinien , dicta l. Titio centum 5. 1. eligendi matrimonii libertatem pena metu auferri, aliud ad matrimonium certâ lege invitari.

Lorsque le fils meurt avant son pere, il faut que ce pere ou l’ayeul ayent consenty au mariage pour acquerir doüaire sur leur succession, et il n’est pas besoin de prouver que sous ces mots de pere ou d’ayeul, la mere et layeule sont comprises, en ce cas masculinum continet femininum. Que si le pere ou l’ayeul étoient de sentiment contraire au temps du mariage, comme e fils est en la puissance du pere, suffiroit-il d’avoir eu son consentement à l’effet que si le pere mouroit avant son fils, la femme ne fust pas excluse de prendre doüaire sur la succession de l’ayeul : Il semble qu’elle auroit fait tout ce que le devoir et la bien-seance reque-roient d’elle, son mariage ayant été agréé par le pere de son mary, dont le consentement étoit seul necessaire. Car quand la Coûtume requiert le consentement de l’ayeul, c’est en cas seulement ou que le pere fust mort, ou que s’il étoit vivant on n’eust pas negligé de rechercher l’approbation de l’ayeul. Qe s’il ne vouloit pas condescendre aux volontez du pere, en ce cas il seroit rigoureux de priver la veuve de prendre doüaire sur sa succession. Il y a plus d’apparence que la veuve du petit fils ne peut avoir doüaire sur la succession de layeul quand le pere du mary est mort le premier. Le mot d’ayeul n’est point mis inutilement. Le petit fils n’est pas seulement obligé de requerit son consentement lorsqu’il n’a plus de pere, quoy qu’il soit en la puissance de son pere, et que son agrément soit le plus necessaire, il doi aussi s’il est possible se conformer au sentiment de son ayeul, que s’il méprise son autorité il n’est pas juste que sa femme en profite et qu’elle en tire avantage. On demande en suité si ce consentement doit être exprés ou tacite ; L’ancienne Coûtume disoit que si le pere et la mere ne s’accorderent pas au mariage, ains le blâmerent, la femme aprés la mort de son mary n’emporte point de doüaire, fors ce dont il étoit saisi lorsqu’il l’épousa ; d’où l’on concluoit que ce n’étoit pas assez qu’ils n’eussent consenty, il faloit qu’ils l’eussent blamé, et témoigné par quelque action qu’il ne leur étoit pas agreable : et la Glose ajoûte que ce n’étoit pas à la femme à prouver le consentement, mais à la femme le contredit du pere. La Coûtume Reformée requérant le consentement ou la presence du pere, il tombe en charge à la femme de prouver ce consentement puisqu’elle s’en veut prevaloir ; mais il reste encore cette question, si cé consen-rement doit être exprés ou tacite, et de quelle maniere on le peut prouverSi l’on disputoit de la yalidité du mariage, pour prouver ce consentement, il ne seroit pas necessaire que le pere eût signé au Contrat de mariage, si nuptiis tuis pater consentit, nihil oberit tibi quod instrumento ad matrimonium pertinenti non subscripsit, l. 2. c. de Nupt. non requiritur, dit MonsieurCujas , patris consensus expressus, satis est si non contradicat nuptiis, taciturnitas patris consensum includit ; et c’est une maxime certaine que toutes les fois qu’il l’agit de faire valoir le droit des enfans sur la succession de leur pere, valet conjectura de propensâ voluntate patris in liberos et in patris voluntate estimanda major pietatis quâm verborum ratio habetur, ad eo ut si verba fideicommissi cessarent, tamen ex conjectura patris animus & voluntas paterna astimanda esset. L. unum ex famil. S. ultimo de leg. 2. ainsi pour la validité du mariage, quoy que le pere n’eût pas signé au Contrat ou qu’il n’eût pas été present à la celebration d’iceluy, si toutefois il l’avoit approuvé par quelques actions, comme en recevant sa belle fille en sa maison, en luy faisant quelques presens, ou en donnant le nom à ses enfans, cela suffiroit pour induire son consentement et son agrément, sur tout s’il n’avoit point fait d’actes contraires, et s’il n’avoit point témoigné son ressentiment ; car s’il avoit passé jusques à l’exheredation, la revocation n’en seroit pas presumée si facilement.

Ces conjetures pieuses de l’amour paternel, et ces explications favorables n’auroient pas entierement le même effet s’il s’agissoit du doüaire. Chopin sur la Coûtume d’Anjou, de la Proprieté des biens, l. 3. t. 1. c. 2. n. 7. estime qu’il ne suffit pas d’un consentement tacite, mais que le pere doit intervenir au Contrat de mariage, et consentir expressément à iceluy, et qu’aprés le mariage une simple ratification sans une obligation expresse aux promesses de mariage n’auroit pas un effet retroactif, et qu’il a été jugé au Parlement de Paris qu’encore que le pere eût assisté au festin des nopces, baisé sa bru, et qu’il luy eût donné un anneau et témoigné de la joye, cela ne suffisoit pas pour acquerir doüaire à la veuve du fils sur les biens du pere ; l. obligari, S. Tutor. de author. tut. l. siquis mihi bona, 5. jussum, et ibiBartol . D. de adquir. hered. Bien que l’on alléguât au contraire que le consentement tacite n’a pas moins de force que l’exprés, et qu’il doit être indifferent si nous nous faisons entendre par parole ou par effet, l. 2. 5. voluntatem D. solut. matrim. C’est aussi le sentiment de Pineau ur l’Article 303. de la Coûtume d’Anjou, que le consentement doit être exprés, et que les ctes de civilité, de bien-veillance et d’approbation du mariage ne suffisent point quand il s’agit du droit de doüaire.

Le consentement exprés paroit necessaire par la Coûtume d’Anjou, par cette raison que e pere aprés la mort de son fils est obligé de payer à sa veuve un demy doüaire, qui consiste en la moitié de la part du fils : Il semble raisonnable que la preuve de ce consentement soit plus ou moins solennelle, selon la qualité des personnes qui contestent le doüaire. L’heritier du pere est sans doute moins favorable ; mais à l’égard des creanciers ou des acquereurs des biens du pere, si lon établissoit cette jurisprudence que le pere ne peut plus hypothequer ses biens au prejudice du doüaire de la femme de son fils, quand il a consenty à son nariage, pour éviter aux tromperies, la signature du pere au Contrat de mariage seroit ecessaire

Cependant puisque suivant cet Article il suffit que le pere ou layeul ayent consenty au mariage, ou qu’ils y ayent été presents, non seulement le consentement est suffisamment prouvé par la signature au Contrat, mais aussi par le Certificat du Curé qui atteste leur presence : Cela fut jugé de la sorte au Rapport de Mr Cormier, le 19. d’Aoust 1639. en la Chambre de l’Edit, entre Genevieve le Goüessier, femme civilement separée d’avec Gabriel Osmont son mary, appellante du Juge du Pontlevêque, et au principal demanderesse en doüaire sur les heritages dont René Osmont et Catherine de la Riviere, pere et mère dudit Gabriel Osmont, étoient saisis lors de fes épousailles ; contre Catherine Eude, veuve de Pierre Lambert, sieur de la Motte, et autres parties. La difficulté du procez consistoit en ce que le pere et la mere n’avoient point signé au Contrat de mariage ; mais cotte veuve representoit une Attestation du Curé qui les avoit mariez, par laquelle il certifioit les avoir mariez sur la requisition du pere et de la mère ; par l’Arrest le doüaire luy fut ajugé sur la succession du pere.

On a même reçû contre l’heritier du pere des faits de preuve que le pere avoit approuvé et ratifié le mariage. Le sieur de Bonneville fils ayant été recompensé par le Roy de la Lieutenance de Roy dans la ville de Pont. à-Mousson, il y contracta mariage sans avoir obtenu l’agrément de son pièere, mais il étoit âgé de quarante-cinq ans : sur le refus de son pere de luy donner une pension, il le poursuivit en Justice, et il en obtint une de cinq cens livres : Etant décedé, et son pere en suite, sa veuve donna action au sieur de Bonnemare, Tuteur de leurs enfans qui avoient renoncé à la succession du pere, et accepté celle de l’ayeul, pour être payée de sept mille livres qui luy étoient limitez pour son doüaire par son Contrat de mariage ; le Tuteur soûtint qu’il ne luy étoit dû aucun doüaire ny Coûtumier ny Prefix, l’ayeul n’ayant point consenty au mariage de son fils : La veuve offrit de prouver que la reconciliation avoit été faite entre le pere et le fils, que l’ayeul avoit souhaité de voir ses petits enfans, et que le pere n’ayant pû quitter son Gouvernement il luy en avoit envoyé les portraits qu’il avoit reçûs et gardez curieusement : Par Arrest en l’Audienée de la Grand : Chambre du 21. de Janvier 1661. il fut dit qu’avant de faire droit elle feroit preuve de ses faits, et cependant on luy ajugea deux cens livres de provision ; mais cette veuve n’avoit pour parties que ses propres enfans, ce qui rendoit leur opposition moins favorable Mais dans la Cause de la Dame de Bonneville on n’eut point d’égard aux civilitez qu’elle rerendoit avoir renduës à sa belle-mere aprés la celebration du mariage. De la Barre, sieur de Bonneville, épousa Demoiselle Anne de Tiesse sans le consentement de la Dame sa mere, femme en secondes nopces de Desson, sieur de Douville : quelque temps aprés ladite Dame de Bonneville écrivit une lettre pleine de civilitez et d’excuses à sa belle, mere, qui luy fît réponse que son fils s’étant marié sans son aveu, et ne luy ayant pas rendu ce qu’il luy devoit, elle se contentoit de le tenir dans l’indifference, et qu’elle ne luy envoyât point son Contrat de mariage, étant autant qu’elle le pouvoit être sa tres-humble servante. Aprés la mort de la Dame de Douville, la Dame de Bonneville ayant demandé son doüaire sur sa succession, elle en fut deboutée. Sur son appel, Maurry son Avocat representa que comme par la disposition du Droit un fils pouvoit se marier sans le consentement de son pere en ces trois cas, d’absence, de fureur, et de caprivité, il étoit pareillement juste d’excuser un fils pour n’avoir pas requis l’agrément de sa mere, lorsqu’elle avoit contracté de secondes nopces, et même exercé les dernieres rigueurs contre ses enfans : qu’aprés tout sa réponse étoit une atification de ce mariage, n’ayant puny son fils que par une indifférence : Que si l’on avoit ugé qu’une fille mariée par sa mere lorsqu’elle étoit sous les loix d’un second maiy, pouvoit demander sa legitime, nonobstant que la fille mariée par ses pere et mere ne puisse demander que ce qui luy a été promis, parce que l’on presume equitablement que ses sentimens n’avoient pas été libres, on peut confecturer que la mere ne s’étoit declarée plus ouvertement, que ar ce qu’elle en avoit été détournée par son second mary. Valée pour Mr le President de la Barre, et le Quesne pour le Chevalier son frere, répondirent qu’une veuve qui vouloit emporter un doüaire sur la succession de sa belle-mere étoit indispensablement obligée de fariffaire au devoir qui luy étoit ordonné par la Loy : C’est une maxime que res nostra sine facto nostro pignori dari non potest. La Coûtume désire pour acquerir un doüaire que le pere ou la mere y ayent consenty : or pour charger leur succession d’un doüaire il ne suffiroit pas d’un consentement tacite. Voyez Chopin au lieu preallégué. Par Arrest du 16. de Février 1674. en l’Audience de la Grand-Chambre, la Sentence fut confirmée Il est beaucoup plus aisé de comprendre comment un pere est reputé avoir consenty ou tté present au mariage de son fils, que d’expliquer les effets que ce consentement peut produire à l’égard de la femme du fils, et de sçavoir quand, comment et sous quelles conditions. lle peut demander doüaire sur les biens du pere de son mary ; l’on ne convient pas de l’effet que produit le consentement et la presence du pere, car cet Article est le plus mal conçû et le plus obseur de toute la Coûtume, l’explication en est si difficile, que toutes les Chambres du Parlement assemblées n’ont pû convenir de son véritable sens.

Plusieurs estiment que le pere par sa feule presence et par un simple consentemecturer, mariage de son fils s’impose une interdiction generale et absolué de tous ses biens, et soit que son fils le predecede ou qu’il meure aprés luy, que sa veuve prend son doüaire en exemption des dettes qu’il a contractées, et des alienations qu’il a faites depuis son consentement : D’autres ne donnent pas une si grande étenduë au consentement donné par le pere, ils n’accordent le doüaire sur les biens du pere qu’à la charge des dettes contractées par le pere depuis le mariage de son fils, en sorte que la presence ou le simple consentement du pere ne l’engage pas et ne le prive point de la liberté de disposer de son bien, et en consequence que la veuve prenant doüaire sur la part qui auroit appartenu à son mary, elle est sujette aux dettes contractées depuis son mariage, soit que son mary ait predécedé son pere ou qu’il l’ait survécu, parce qu’il ne peut avoir de portion en la succession de son pere, qu’en contribuant aux charges d’icelle.

Il est encore incertain de sçavoir quelle est cette part qui appartenoit au fils lorsqu’il a predecedé son pere, et de quel temps on la doit regler, si c’est au temps de la mort du fils ou du décez du pere

Tous les partis interessez en ces differentes opinions ont travaillé avec beaucoup de chasieur à les soûtenir : Ils ont expliqué l’ancienne et nouvelle Coûtume à leur mode, et la Cour n’ayant pû décider ces difficultez, les opinions s’étant trouvées partagées, on ne pourroit entreprendre sans temérité de les refoudre, et chacun est trop prevenu de la justice de son fentiment, pour pouvoir être convaincu par les raisons que l’on allégueroit au contraire : Il est donc plus à propos d’en attendre la décision de sa Majesté, à laquelle la con-noissance en a été renvoyée.

Lorsque le fils predecede le pere, la Coûtume refuse à la veuve le doüaire sur les biens acquis par le pere ou la mere, ou qui luy sont échûs depuis le decez de leur fils : Cette dernière disposition étoit necessaire pour prevenir cette grande difficulté que les Commentateurs de la Coûtume d’Anjou ont agitée, sçavoir si la veuve du fils pouvoit avoir doüaire sur les piens que le pere ou la mere avoient acquis depuis le decez de son mary La Coûtume d’Anjou dispose comme la nôtre, que si un homme se marie du consentement de ses pere et mere, et il meurt avant sa femme, elle prendra en doüaire la tierce partie de la portion que son mary eût prise en la succession de ses pere et mère, s’il leur eût succedé : On combat cette pretention de la veuve par ces raisons, qu’il est vray que les ensans durant la vie de leurs peres sont reputez en quelque façon proprietaires de leurs biens, à cause de l’esperance presque certaine qu’ils ont d’y pouvoir succeder, etiam vivo patre ux bré.

quodammodo Domini existimantur. l. in suis D. de liber. ac posthum. Mais cette espèrance doit être bornée aux biens que leur pere possedoit au temps de leur decez, étant impossible de feindre qu’ils ayent eu quelque droit à ce que leur pere n’avoit pas encore acquis de leur vivant ainsi le doüaire sur les biens du pere ne procedant que de cette espèrance que le mary avoit de succeder à ses biens, ne peut s’étendre que sur ceux qu’il possedoit lorsqu’il vivoit : D’oû I s’ensuit que ces mots ; s’il leur eût succede, se doivent entendre si le fils eût succedé à ses pere et mere, autrement il faudroit porter son espèrance au de-là de sa vie et au de-là de la vie de ses parens qui l’ont survécu. Pour définir donc à quels biens il a pû succeder, et fixer en suite le doüaire, il faut considerer le temps de sa vie, sans ajoûter une seconde fiction pour le rendre capable aprés son décez de succeder aux biens acquis par ses pere et mère, parce que la fiction ne peut operer au de-là de la nature. Charondas sur la Coûtume de Paris, Article 249. a remarqué que ce que la Coûtume dit des biens échéeans en ligne directe, s’entendoit non seulement de ceux que le pere avoit au temps du mariage, mais aussi de ceux qu’il avoit acquis jusqu’au jour du décez du mary.

On répond pour la veuve que le doüaire luy est dû sur la part qui écherroit à son mary s’il eût survécu ses pere et mere, non par fiction, mais en vertu de leur consentement à on mariage, la femme ayant contracté dans l’esperance que le fils devoit survivre au pere selon l’ordre de la nature : C’est le sentiment deChopin , de la Proprieté des biens d’Anjou, l. 3. c. 1. n. 14. Doario subesse non ea sola qua vivente filio, sed que absumpto pariter morte eo parentes emerunt. Et du Pineau sur l’Article 303. de la Coûtume d’Anjou. La Coûtume de Poitou en l’Article 260. n’est pas conforme à la nôtre, car elle donne indéfiniment le doüaire comme celle d’Anjou et du Mayne.

Nôtre Coûtume refuse véritablement le doüaire à la veuve sur les biens acquis par le pere depuis le decez de son mary ; mais il ne s’enfuit pas qu’elle ne le puisse avoir sur les biens que le pere possedoit au temps du mariage, entant que pour la part qui luy auroit appartenu s’il avoit survécu son père : L’ancienne Coûtume s’en étoit expliquée nettement ; la Coûtume Reformée ayant parlé plus obscurement, a fait naître ces grandes contestations dont je viens de parler ; car ayant dit que la femme aura doüaire sur les biens du pere, bien que leur succession échée depuis le decez du mary, pour telle portion qui luy eût appartenu si elle fût avenuë de son vivant, l’on peut douter si cette portion doit être reglée sur les biens que le pere possedoit au temps de la mort de son fils, ou au temps de sa mort Berault et Godefroy se sont trouvez contraires en opinions sur les questions qu’ils ont traiées sur ce sujet, le premier ayant proposé cette question, si le mary ayant des freres qui seroient morts aprés luy, mais auparavant leur pere commun, sa veuve auroit doüaire sur toute sa succession. Il répond qu’il y a apparence de le luy ajuger : Au contraire Godefroy soûtient que les freres décedez aprés le mary font part au profit de ses enfans, ou de ses heritiers. L’opinion de Bérault a été confirmée par un Arrest donné le 28. d’Avril 1623. entre Hadibert creancier de Clement des Vaux, et la femme et les enfans dudit des Vaux : son pere avoit consenty au mariage, et alors il avoit trois fils ; l’un d’iceux mourut avant Clement des Vaux, et l’autre aprés luy : Enfin le pere étant décedé, les creanciers de Clement des Vaux disoient que sa veuve ne pouvoit prendre doüaire que sur la part qui eût ppartenu à son mary si elle fût échûë de son vivant : or un frere étant décedé depuis son mary, il ne luy étoit point dû sur sa part, que l’on alléguoit inutilement le Texte de l’ancienne Coûtume, la nouvelle ayant expressément déclaré que le doüaire ne peut être pris que sur la part qui eût appartenu à son mary si la succession du pere fût échûe de son vivant.

C’étoit donc de ce temps-là qu’il le faloit regler, et non de celuy de la mort du pere ; ce qui étoit si conforme à l’intention de la Coûtume, que par ce même Article la femme est excluse de prendre doüaire sur les acquests que le pere avoit faits, ny même sur les successions qui luy seroient échûës depuis la mort de son mary.

La femme s’attachoit aux termes de l’ancienne Coûtume au Chapitre du doüaire, suivant daquelle, quand le pere avoit consenty, la femme avoit son doüaire sur la partie qui succedetroit à son mary s’il vivoit. D’où elle concluoit que le pere de son mary n’ayant laissé d’au-tres enfans, le tiers de la succession luy appartenoit pour son doüaire, que ces paroles, qui uy eust appartenis, avoient leur relation au temps de la mort du pere, auquel la part qui pouvoit appartenir au fils devoit être reglée, et auparavant il n’y avoit point de droit ny de por-tion, viventis nulla hereditas. C’est de ce jour-là que l’action en partage a commencé de naitre, et il est inouy que l’on fixe le droit du partage au temps de la mort de l’heritier. On pouvoit repliquer que la Coûtume avoit assez déclaré sa pensée en excluant la femme de prendre doüaire sur les acquests et sur les successions qui étoient échûës depuis ; elle a donc reglé la part du mary sur les biens fseulement ausquels il auroit alors succedé, puisque la femme est privée de doüaire sur l’augmentation arrivée depuis en ses biens, autrement si son intention eût été que l’on considerat le temps de la mort du pere, elle n’eût point ajoûté cette exception, et il eût été ridicule de limiter la part du fils predecedé au temps de la mort du pere, et de l’exclure en même temps sur les biens que depuis il avoit mis en sa main. Il n’y a point de difference de biens en succession directe ; il fut jugé neanmoins que la veuve auroit le tiers entier de la succession du pere, sans le pouvoir prendre sur les acquests faits depuis la mort du fils.

Voila un cas où il est avantageux à la veuve que l’on regle son doüaire au temps de la mort du pere, parce que par le predecez des frères de son mary avant leur pere, son doüaire en est augmenté. Que si l’on établit cette maxime que son doüaire sera contribuable aux lettes contractées par le pere, depuis qu’il a consenty au mariage de son fils ; il luy sera plus utile de le prendre du temps de la mort de son mary, puis qu’aussi bien elle n’auroit point de doüaire sur les acquests et sur les successions qui écherroient au pere ; cependant elle contribuêroit à toutes les destes que le pere auroit contractées jusqu’à son decez Le consentement ou la presence du pere n’affecte et n’engage ses biens au doüaire de sa bru, que pour la part qui appartient à son mary : Cependant il arrive souvent qu’un pere par un excez d’affection pour son fils, et pour luy procurer un mariage avantageux se rend caution de sa dot : Mais comme en Normandie un pere ne peut avancer un de ses enfans plus ue l’autre, cela a fait douter si l’effet de ces cautionnemens pouvoit s’étendre sur les portions les autres enfans ; Par Arrest au Rapport de Mr de Brinon du 29. de Janvier 1653. il a étéj jugé que cette caution obligeoit tout le bien du pere, et qu’elle ne pouvoit être mise entre les avantages indirects, bien que par l’insolvabilité du fils les autres enfans en reçoivent du prejudice ; la raison est que la femme est considérée comme une étrangere, et par consequent le cautionnement du pere est valable à son égard, de la même maniere qu’il le seroit avec un autre

De la naissent ces deux questions ; la première, si les autres enfans peuvent obliger leur belle-soeur à prendre premierement sa dot sur la part de son mary, et ensuite son doüaire sur de surplus, s’il peut le porter : Et la seconde, si la femme du fils lorsque le pere est intervenu caution solidaire de la dot, peut s’attaquer et saisir directement les parts des autres enfans avant que d’avoir diseuté celle de son mary : Je rapporteray des Arrests donnez sur l’une et l’autre question.

Par le Contrat de mariage de Demoiselle Hypolite de Beuvriot avec Jacques le Mazurier, sieur de Sequeville, Vicomte du Havre ; Charles le Mazurier son pere étoit intervenu caution de sa dot, aprés la mort dudit sieur de Sequevile, ses biens ayant été decretez, ladite de Beuvtiot sa veuve s’opposa pour ses droits de dot et doüaire : et l’affaire ayant été renvoyée par Arrest devant Messieurs du Houley et Buquet, Conseillers Commissaires, cette veuve soûtint qu’elle devoit emporter son doüaire avant sa dot, vû qu’il étoit en son option d’empescher que sa dot n’entrast dans les charges, et qu’elle se reservoit à la faire payer sur la succession entière de Charles Mazutier ayeul, comme caution de sa dot par son Contrat de mariage.

Charles le Mazurier soûtenoit le contraire par deux moyens ; par le premier il concluoit que la dot devoit être prise avant le doüaire, vû qu’il s’agissoit d’un decret à l’ordre duquel la dot rend hypotheque du jour du Contrat de mariage ; et le doüaire n’avoit hypotheque que du jour des épousailles, suivant l’Arrest rapporté par Berault sur l’article CCCLXV. et le sentiment de cet Auteur est, que quand l’on dit qu’il est en la liberté de la veuve de faire potter son doüaire avant sa dot, c’est afin qu’elle ne contribué pas au tiers de sa dot comme une charge de droit, et qu’elle la prenne sur les deux autres tiers du bien de son mary s’ils le peuvent porver, autrement il en faut revenir à l’ordre et à l’hypotheque de la lettre ; et pour second moyen il disoit que si l’on avoit quelquefois jugé que la dot étoit preferable au doüaire, on le devoit principalement juger en cette rencontre, où la part qui revenoit au mary de la succession de son pere ne pouvoit porter l’un et l’autre, et que les autres enfans ne peuvent être obligez aux droits de la femme sur la succession de leur ayeul et pere outre les forces d’icelle, ce qui arriveroit si la pretention de ladite de Beuvriot avoit lieu, parce que prenant son doilaire le premier, et le reste qui revenoit à son mary ne suffisant pas pour payer la dot, elle pretendoit revenir sur les frères de son mary, comme heritiers de leur pere qui étoit caution de sa dot ; parce que la caution où le pere intervient pour un de ses enfans, est un avancement de succession, et il arriveroit qu’elle auroit non seulement tout le partage de son mary pour ses droits, et qu’encore les enfans seroient obligez de luy payer le reste de ses pretentions ur les autres biens qu’ils pourroient posseder d’ailleurs, ce qui seroit contraire à la Coûtume et aux Arrests. Par Arrest du18. d’Aoust 1664. il fut dit que ladite Beuvriot seroit colloquée et payée de sa dot sur les biens de son mary, et ensuite de son doüaire, en cas que les biens ne fussent pas suffisans de porter l’un et l’autre.

Voicy un autre Arrest qui semble contraire : Par le Contrat de mariage sous signature privée du mois de Février 1638. de Jean le Messe avec Marguerite Renard, il se constitua en deux cens livres de rente pour la dot de ladite Renard, et Pierre le Messe son pere en intervint caution solidaire ; le mariage fut célèbré dans le même mois de Février, mais le Contrat ne fut reconnu qu’au mois de Novembre ensuivant aprés la mort de Jean le Messe ; ladite Renard sa veuve intenta action en l’an 1670. contre Chrystophe Agasse, ayant épousé la fille et heritière de Pierre le Messe, frère de son mary, et luy demanda six années d’arrerages.

de sa dot, comme étant heritier de Pierre le Messe qui s’en étoit rendu caution solidaire, il y fut condamné par Sentence du Vicomte et du Bailly, dont ayant appellé, je difois pour luy qu’il ne s’agissoit pas de décider la question de la prefèrence de la dot et du doüaire sur les biens du mary, on veut bien accorder cet avantage à la femme de regler elle-même cette reférence selon qu’il luy est plus utile, lorsque la discussion des biens du mary se fait entre es creanciers ; mais en cette Cause il ne s’agissoit point des biens ny des dettes du mary, la qualité des parties, des biens, et de la dette est toute differente. Ladite Renard poursuivit Agasse comme heritier de Pierre le Messe, caution solidaire de sa dot ; or le poursuivant comme creancière du pere, on luy oppose deux Articles formels de la Coûtume, par l’Article CCCLXIXY. la veuve du fils ne peut avoir doüaire que sur la part qui appartient à son mary, et par l’Article CCCCXXXIV. la Coûtume ne permettant pas d’avantager un de fes enfans au prejudice de l’autre, ledit Jean le Messe ne pouvoit avoir de partage que la dette dont son pere l’avoit cautionné ne fût acquittée, et suivant les derniers Arrests quand le fils avoit survécu le pere et qu’il étoit devenu son heritier, sa femme étoit tenuë de contribuer aux dettes du pere, même à celles contractées depuis le mariage, et par cette raison la femme ne peut avoir doüaire que sur ce qui reste à son mary, les charges et dettes déduites, d’où il resultoit que ladite Renard agislant comme créantière du pere, c’éoit une dette où le partage de son mary étoit tenu necessairement de contribüer ; il est vrav que si le pere avoit reçû les deniers, ledit Agasse comme heritier de Pierre le Messe seroi tenu d’y contribier pour une moitié ; mais Jean le Messe en ayant fait son profit, il est tenu d’en décharger ses coheritiees. Ainsi elle ne peut avoir doüaire sur les biens de son mary, que sa dot ne soit levée auparavant ; car puisque les dettes contractées par le pere, même deuis sa presence au mariage, doivent être acquittées avant que la femme du fils prenne son doüaire, il ne peut y avoir de concurrence entre la dot et le doüaire, la dot en cette cause est considérée comme la dette du pere, dont le bien ne doit aucun doüaire à la femme de son fils, que ses dettes ne soient acquittées, et par consequent il ne peut pas même y avoir de concurrence, car la concurrence où la prefèrence ne doivent jamais avoir lieu que pour les dettes d’une même personne. Or la dot est la dette du pere à l’égard de la femme, mais le doüaire est la dette du fils qui ne peut avoir le bien de son pere que sesidettes ne soient acquittées, ainsi la question de la preference ou de la concurrence ne peut être formée que sur la discussion des biens du mary

On convient que le Contrat de mariage luy produit cet avantage, que tout le bien du pere est affecté à l’assurance de ses deniers dotaux, et par cette raison l’Appellant seroit regulière ment obligé de contribüer pour une moitié, si le pere de son mary avoit touché les deniers ; car il ne peut avoir de partage qu’en déchargeant son coheritier de l’effet de son cautionnement, autrement un pere pourroit par cette voye faire avantage à l’un de ses enfans, et en ffet si la pretention de l’Intimé luy pouvoit réüssir, il ne seroit rien de plus aisé que de rendre illusoire la prohibition de la Coûtume, un pere se rendant caution d’une dot tres-consi-dérable qui absorberoit tout son bien, et priveroit ses autres enfans de leur legitime, que ces sortes de cautions ne pouvoient passer que pour un avancement indirect, et pour cet effet e me servois de l’Arrest du sieur le Mazurier.

Maurry pour l’Intimée répondoit qu’il faloit faire difference entre les actions simples et les oppositions aux ordres des deniers des decrets, où l’on juge selon le temps des hypotheques, que quand le Contrat de mariage a été reconnû, la dot a son hypotheque de ce jour là, et le soüaire du jour de la celebration, par l’Article du Reglement de l’an 1666. s’il y a consignation ctuelle de la dot, le doüaire se prend sur toute la succession, et la dot sur le reste qui revient à l’he ritier, et par l’Article soixante et dix du même Reglement, on ajoûte ces termes par forme d’exreption, néanmoins l’hypotheque de la dot doit preferer celle du doüaire, pourvû que le Contrat de mariage soit reconnu avant la celebration ; or il étoit évident par les termes de ces deux arti cles que l’on conservoit l’interest de la femme en luy donnant ses droits les plus entiers que l’on peut, c’est à dire son doüaire entier sur le tout, et sa dot sur le surplus ; mais le second article ne laissoit point d’ambiguité, reglant que l’hypotheque de la dot devoit être preferée à celle du doüaire, quand le Contrat de mariage n’a été reconu que depuis la celebration, son doüaire luy dévoit être ajugé sur le tout, et la dot sur les cautions, si le surplus du bien ne suffisoit pas.

Quant à l’objection qu’on faisoit que le cautionnement du pere devoit être considéré comne un avancement indirect, il faloit faire différence entre les dons et les avantages qu’un pere ait à l’un de ses enfans, et les obligations pour lesquelles il intervient caution envers un étranger ; les premieres ne peuvent exceder sa part, mais les dernieres peuvent aller plus loin et épuiser tout le bien du pere, en cas que le fils fasse mauvais ménage : Il étoit donc sans doute que le pere avoit pû obliger valablement son bien en qualité de caution solidaire, puisque la femme de son fils luy étoit étrangere, et que les stipulations qui la regardoient étoient aussi fortes que celle d’un autre Contrat ; et pour l’Arrest du Mazutier, l’Intimé pretendoit que la Cour s’étoit fondée sur la premiere défense portée par l’Arrest, que s’agissant d’un decret la dot devoit être colloquée la première, parce que l’on suivoit l’hypotheque, celle de la dot commençant du jour du Contrat de mariage, celuy de l’Intimée n’ayant été reconnû qu’aprés le mariage, il falloit changer cet ordre, et preferer le doüaire suivant le soixante et dixième article du Reglement que la Cout a fait.

Je repliquois que la difference que l’on vouloit mettre entre les actions et les simples opositions aux ordres des decrets ne pouvoit avoir lieu aprés tant d’Arrests, qui avoient jugé ue la femme pouvoit se faire payer, soit de son doüaire ou de sa dot, selon qu’elle l’estimoit plus avantageux, et que c’étoit une erreur de s’imaginer que l’hypotheque du doüaire ne commençast que du temps de la celebration, qu’il ne faloit point faire de distinction entre les actions simples, et l’opposition au decrer des biens du maiy, aprés l’Arrest de Sceles qui avoit jugé contre l’opinion deBerault , et les Arrests qu’il avoit citez, ce qui prouve que la Cour ne s’étoit pas fondée sur la premiere raison que le Mazurier avoit alléguée, mais sur ce qu’il remontroit que si ces cautionnemens du pere pour la dot de la femme de son fils étoient Galables, un pere pourroit avancer un de ses enfans de tout son bien, car le fils toucheroit l’argent, et neanmoins tout le bien du pere en seroit garant ; on demeuroit d’accord qu’il y a différence entre le don que le pere fait à son fils, et les obligations où il intervient envers un étranger ; mais il ne falloit pas en cette rencontre considerer la femme comme une personne étrangere, puis que son interest, celuy de son mary et de ses enfans qui pouvoient naître de ce mariage, avoient une liaison trop étroite : Cette cause ayant été plaidée et apointée par Arrest du 17. de Juin 1676. au Rapport de Mr Salet, la Cour mit l’appellation au neant, et ordonna que ladite Renard seroit payée de son doüaire sur les héritages que possedoit son maty, à luy échûs de la succession de son pere, aprés que sur iceux aura été fait diminution de ce à quoy peut monter la diminution de la dot dont le pere de son mary étoit cau-tion, et pourra ledit Agasse, le doüaire de ladite Renard levé, poursuivre recompense de la dot entiere, en principal et arrerages sur les acquereurs des héritages dudit Jean le Melle ; le motif de cet Arrest fust que le Contrat de mariage n’avoit été reconnû que depuis les épousailles, et par consequent suivant l’article 70. du Reglement de 1666. l’hypotheque de la dot ne pouvoit être preférée à celle du doüaire. Il se trouve un pareil Arrest dont voicy le fait, Guillaume Bucaille. maria Jean Bucaille son fils à la fille du sieur Platon Secretaire, qui luy donna 16000. livres dont 12000. furent constituez en dot à la caution solidaire de Bucaille pere ; les biens dudit Jueaille fils furent saisis reellement, ses enfans s’opposerent pour être payez de la dot de leur mere, et conclurent contre le decretant qui étoit leur oncle paternel, qu’il devoit comprenire dans la saisie tous les héritages ayant appartenu à leur ayeul, comme étant intervenu cau-tion de la dot de leur mère ; les autres frères l’empècherent par cette raison que leur partage. ne pouvoit être faisi pour la dette de leur frere ainé ; il fût dit par Sentence du Vicomte et du Bailly qu’ils seroient saisis, sauf leur recours : Sur l’appel Lyout pour le puisné disoit que la dot n’avoit point été payée, le sieur Platon n’ayant baillé qu’un Office de Receveur Payeur des gages de la Chambre des Comptes, qui ne valloit pas les 16000. livres, que s’il étoit permis à un pere de se constituer caution solidaire du mariage reçû par son fils, il pourroit faire passer tout son bien en ses mains au préjudice de ses autres enfans. Maurry répondoit que le sieur Platon ayant cherché cette assurance de la dot qu’il donnoit à sa fille, on ne pouroit l’en priver. Le Vicomte avoit prononcé à bonne cause la demande de Loüis Bucaille, celuy permis de bailler par augmentation une déclaration nouvelle des héritages ayant appartenu à Guillaume Bucaille leur ayeul, ce qui fut confirmé par le Bailly : Sur l’appel par Arrest du 20. d’Aoust 1644. les Sentences furent cassées, et en reformant, il fut ordonné que le denandeur en saisie continuëroit seulement le decret des héritages appartenans et tombezu lot dudit Bucaille ainé, parce que si lors de la distribution des deniers les enfans dudit Jean Bucaille n’étoient pas colloquez et payez des douze mille livres pour la dot d’Ester Platon seur mere, ils pourroient faire decreter l’Office de Receveur Payeur des Gages des Tresoriers de France à Paris, possedé par ledit Jean Bucaille leur pere, et par aprés s’il ne suffisoit pas, tous les autres héritages ayant appartenu à Guillaume Bucaille leur ayeul, caution solidaire de la dot : Cet Arrest est equitable en ce qu’il ordonne, que bien que le pere fût caution solidaire de la dot, la part du fils devoit être discutée avant que de pouvoir saisir les parts des autres enfans. Il en peut neanmoins arriver cet inconvenient, que par cette multiplicité de decrets les biens seront consumez en frais, et que par ce moyen la grace que l’on vouloit faire aux autres enfans leur deviendra prejudiciable.

En consequence de cet Article qui donne doüaire aux femmes sur les biens du pere et de l’ayeul, lors qu’ils ont consenty au mariage, une femme pretendit que son mary ayant succedé à son ayeul elle ne devoit point contribuer aux dettes dont son mary étoit redevable lors de son mariage, dautant que c’étoit sur les biens de layeul et non pas sur ceux de son mary qu’elle prenoit son doüaire. Les sieurs Voisin de Guenonville pere et fils assisterentur mariage de Voisin sieur de la Viardière, fils de lun et petit fils de l’autre, et signerentur Contrat ; ledit sieur de la Viardiere avoit déja dissipé son bien et tout ce qui pouvoit échoit de ladite succession ; le pere mourut le premier, et en suite layeul : ledit sieur de la Viardiere necepra la succession de son ayeul, sa femme se fit separer de biens d’avec luy, et demanda doüaire sur la succession de layeul entant qu’il en étoit échû à son mary, dautant que l’aveul ayant signé à son Contrat de mariage il luy étoit devenu obligé, et au contraire la succession de layeul n’avoit jamais été obligée aux dettes du petit fils, et s’il fût mort avant son ayeul ses créanciers n’y eussent pû pretendre aucun droit, mais elle auroit toûjours eu fon doüaire assuré : Les creanciers répondoient que leurs dettes étoient anterieures de son mariage, et partant qu’elle ne pouvoit avoir doüaire à leur prejudice, que le sieur de la Viardiere avoit obligé à leurs créances tous ses biens presens et avenir, que si la pretention de cette femme avoit lieu il n’y auroit jamais de seureté pour des creanciers qui ne pouvoient toutefois en rechercher une plus grande qu’en contractant avec un homme majeur et avant son mariage : Par Arrest du mois de Decembre 1637. au Rapport de Mr Restout, il fût jugé au profit des oreanciers, et la femme deboutée de son doüaire.