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CCCLXXI.

Doüaire coûtumier.

La femme ne peut avoir doüaire plus que le tiers de l’héritage, quelque convenant qui soit fait au traité de mariage ; et si le mary donne plus que le tiers, ses heritiers le peuvent revoquer aprés son decez.

Cet Article se trouve mot pour mot dans les Loix d’Ecosse, si verâ maritus dotem dat plus tertiâ parte tenementi dos in tanta quantitate stare non poterit, sed mensurabitur ad tertiam cartem, vel minus tertiâ parte, quia minus tertia parte tenementi sui potest quis dare in dotem, plus auem non. Skenaeus l. 2. c. 16. Dans ce passage Dot signifie le Doüaire.

Il est si vray que la femme ne peut avoir plus que le tiers pour son doüaire, qu’une doation de quarante livres de rente faite par un mary par un Contrat de mariage aux enfans de sa femme fut cassée par Arrest du 27. de Février 1627. entre Antoine du Quesne sieur de la Riviere, et Claude Susanne d’Aubigny, ayant épousé les filles heritieres du sieur Helenviliers, et les nommez Pepin et d’Orléans : cette prohibition de donner à la femme est si rigoureuse, qu’il ne peut pas même donner à sa femme ny à ses parens ce que la Coûtume vermet de donner à un étranger ; ces donations ne sont pas défenduës entre vifs seulement comme par le Droit Romain, mais aussi par testament, étant contre la Coûtume ; il n’est pas necessaire pour les faire déclarer nulles d’obtenir des Lettres de recision, nam quod lege probibente fit, nullum est l. non dubium de legibus, quoy qu’ordinairement les voyes de nullité n’ayent point de lieu en France, et je ne doute pas que le mary même en cas de separation civile d’avec sa femme ne pûst faire reduire le doüaire qu’il auroit promis s’il étoit excessif. C’est une grande question si un doüaire ayant été promis plus grand qu’il n’est permis par la Coûume sur des biens situez en cette Province, par un Contrat de mariage passé sous la Coûtu-me de Paris, avec renonciation à la Coûtume de Normandie,, et par un établissement de domicile à Paris, la femme pourroit se prevaloir de cette stipulation. Bérault a traité cette matière sur cet Article et sur les Articles 389. et 538. et il assure avoir été jugé que ces dérogations sont nulles, parce qu’il faut suivre la Coûtume des lieux, ce qu’il étend aux meu-ples et acquests. Je parleray sur l’Article CCCLXXXIX. des meubles et des acquests que son pretend en vertu de la communauté.

pour le doüaire il semble que le Parlement de Paris a donné des Arrests contraires. Par lArrest de Larchant rapporté par MrLoüet , l. C. n. 16. et parMonthelon , Arrest 81. il fut jugé que les Coûtumes étant réelles lon n’y peut déroger à légard du doüaire, nonobstant outes dérogations aux Coûtumes des lieux où les biens sujets au doüaire sont assis, et en ce faisant le doüaire de la Dame de Larchant fut reduit au tiers suivant la Coûtume de Normandie,

Fresne Du Fresne en son journal des Audienees, l. 2. c. 38. de Iimpression de l an 1652. rapporté un Arrest contraire, par laquel il a été jugé qu’il faut regler le doüaire par la Coûtnme du lieu où le Contrat de mariage a été passé, et non par. celle du domicile du mary : l’Atrest fondé sur ce que les Contrats de mariage et les conventions qui en dépendent sont pures. personnelles, et se reglent par la Coûtume du lieu où les personnes ont contracté et suby cette Jurisdiction volontaire, et il n’importe que pour l’exocution il échet bien souvent qu’il faut se pourvoir sur des immeubles situez en des Coûtumes qui sont différentes en leur disposition, parce que ce n’est qu’accessoirement à cause de l’hypotheque ; mais l’accessoire ne doit point donner la loy aux principales conventions d’un Contrat, que cela n’est point contraire à la Loy exigere dotem D. de judiciis, qui décide qu’exigere dotem mulier debet illic ubi maritus domivilium habuit, non ubi dotale instrumentum conscriptum est, parce que la décision du Juriscon-sulte n’est faite que super questione fori competentis in repetitione dotis, et non point sur la question, si les conventions de la femme doivent être reglées par le lieu du Contrat de mariage, ou par celuy du domicile du mary.

Mais les raisons que l’on oppose paroissent plus fortes et plus véritables : quoy que les Contrats de mariage et les conventions qui en dépendent soient confidérées comme personnelles, ce ne peut être qu’à légard des choses qui dépendent du fait et de la pure volonté des contractans : mais cela ne peut avoir lieu pour ce qui dépend entièrement de la Coûtume, car étant réelle il n’est pas au pouvoir des particuliers d’y détoger, ny d’empescher qu’elles ne soient gardées ; et c’est pourquoy l’on ne peut pas appliquer pour le doüaire les raisons dont l’on se sert pour soûtenir la stipulation de la commmnauté, car cette stipulation étant ersonnelle les contractans n’y peuvent contrevenir volontairement ; de sorte que quand le mary pour ruiner la communanté acquiert en des lieux où elle n’a point lieu, on luy peut reprocher qu’il en use de mauvaise foy : mais la femme se doit imputer à elle seule la faute d’avoir stipulé an doüaire plus grand qu’il ne luy pouvoit apparrenit sur les biens de son mary, parce que n’ayant dû ignorer la disposition de la Coûtume elle a dû sçavoir en même temps que lon n’y pouvoit déroger, autrement il seroit fort aisé d’eluder toutes les dispositions des Coûtumes : Il est vray que l’execution n’est qu’un accessoire du Contrat non plus que lhypothe-que ; mais on remonte jusqu’à la stipulation, laquelle étant nulle comme contraire à la Loy ne peut produire audun effet.

Et bien que la Loy exigere dotem semble ne décider que la question. de la competence des Juges, cette décision neanmoins fait consequence pour laction principale ; car puisque l’action pour la repetition de la dot doit être formée devant le Juge du domicile du maty quoy qu’on pûst dire que les contractans s’étoient assujettis à la Jurisdiction du lieu où le Contrat voit été passé, à plus forte raison le doüaire étant réel et étant dû sur des héritages, le droit e n’en peut être reglé que par la Coûtume du lieu où ils sont assis : Aussi l’on peut dire queE l’Arrest rapporté par du Etesne n’a pas décidé la question generale ; car il ne s’agissoit que l’un doüaire prefix de cinq cens livres, et la difficulté tomboit sur ce qu’en la Coûtume de Sens où le Contrat de mariage avoit été passé, le doüaire prefix constitué à la femme étoit sans retour, et en celle de Moûtargis où le mary demeuroit il n’étoit que viager ; mais il ne l’agissoit pas de sçavoir si le doüaire pourroit être stipulé plus grand qu’il n’étoit permis par la Coûtumedes lieux où les immeubles sujets à iceluy sont assis, et suivant ces raisons il a été jugé plusieurs fois au Parlement de Paris, ; que le doüaire doit être réglé suivant la Coûtume des lieux : Loüet etBrodeau , 1. D. n. 44. Chopin sur la Coûtume de Paris, l. 2. t. 2. n. 14. Labbe sur la Coûtume de Berry, t. 8. Art. 15. Et Thomas sur le même Article cite un Arrest, par lequel il fut jugé qu’encore que les conjoints par leur Contrat de mariage se fussent soûmis à la Coûtume d’Orléans où le Contrat avoit été passé, et eussent renoncé à la Coûtume de Berry où les biens du mary étoient situez, toutefois il la faloit suivre pour le doüaire et pour les avantages de la femme. Quoy qu’il en soit ailleurs, c’est une jurisprudence certaine en Normandie que l’on ne peut déroger à la Coûtume, et que le doüaire ne peut exeeder le tiers quelque paction que l’on fasse au contraires

Quoy que la femme ne puisse avoir plus que le tiers pour son doüaire, quelque convention que l’on puisse faire, et en quelque lieu qu’elle soit passée, on peut bien convenit qu’ella aura moins suivant l’Article CCCCLXXIV. mais où le mary auroit promis plus que le tiers en doüaire, Berault forme la question touchant le temps dans lequel il faut agir pour en demander la reduction, et il estime que les heritiers doivent poursuivre dans les din ans, encore que la veuve ne leur en ait fait aucune demande : L’on peut dire au contraire pour les heritiers qu’on ne peut faire de comparaison du doüaire avec les donations, donc on est obligé de faire reduire l’excez dans les dix ans, suivant l’Article OCCCXXXV. Le donataire étant en possession des choses données, les heritiers du donateur peuvent ignorer la donation, et ils sont sans excuse lorsqu’ils laissent écouler le temps dans lequel ils pouvoient se plaindre ; on ne peut reprocher ce silence aux heritiers du mary, car le doüaire n’est dû que lorsqu’il est demandé, et par consequent le temps ne court point à leur prejudice, nam quaae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum, et quand la femme n’autoit point été tenuë d’en faire la demande pour l’avoir stipulé de la sorte par son Contrat de mariage, à moins qu’on

ne luy eût assigné un certain fonds pour son doüaire, et qu’elle n’en eût pris la possession, on ne peut opposer de prescription aux heritiers tandis qu’elle ne s’est point fait ajuger son lot à doüaire ; mais si l’heritier pretendoit avoir été deçû dans la confection des lors à doüaire, il seroit tenu de fe pourvoir dans les dix ans, parce que les lots font un Contrat fait entre la doüairiere et les heritiers du mary, et si la deception consistoit en l’inégalité de la valeur des lots, on feroit obligé de se pourvoir contre iceux comme l’on feroit contre un Contrat de vente où l’on pretendroit qu’il y auroit de la lesion : Godefroy a tenu que non seulement le temps ne peut couvrir l’excez, mais que l’on ne seroit pas même obligé d’obtenir des Lettres de restitution.