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CCCLXXII.

Plege du doüaire à quoy n’est tenu.

Celuy qui est plege du doüaire, le doit fournir et faire valoir, encore que la promesse excede le tiers des biens du mary, sans qu’il en puisse demander recours sur les biens dudit mary ou de ses hoirs, quelque contre-lettre ou promesse de garantie qu’il ait de luy.

Cet Article étoit absolument necessaire, la prohibition de donner plus que le tiers en doüaire eût été frustratoire et infructueuse, si la caution que la femme avoit fait intervenir pour son assurance eût en une action en garantie contre le mary ; ainsi contre cette regle de droit que iberato reo, liberatur et fidejussor, la caution du doüaire doit le faire valoir, quoy qu’il soit exclus d’en demander recompense au mary.

C’est une question fort célèbre entre les Jurisconsultes, an liberato reo, liberetur et Fidejussor e Si toutes les exceptions que le principal obligé peut proposer peuvent servir au Fide-usseur, cette matiere est fort embarassée par le Droit Romain, les Interpretes et les Glossareurs l’ont encore obseurcie par leurs gloses et leurs distinctions, de sorte que celuy qui voudra sçavoir la véritable décision de cette matière, selon nos Maximes, ne doit point la chercher dans le Droit Civil à cause de cette distinction qu’il fait entre l’obligation naturelle et civile, l. ubicumque D. de Fidejus. et de cette contradiction qui ne se peut sauver entre la Loy Marcelluus es. D. de Fidejus. et la Loy Is cos bonis. D. de verb. oblig Pour expliquer cette question le plus nettement qu’il me sera possible, il faut remarquer que cette Loy par laquelle omnes exceptiones que competunt reo competunt et Fidejussori n’est pas toûjours véritable ; souvent l’obligation accessoire subsiste plus long-temps que la princiale, et dure encore aprés que l’autre est éteinte, et bien que l’action fidejussoire soit comme combre d’un corps qui se dissipe et ne paroit plus aprés que ce corps est détruit, neanmoins en plusieurs rencontres le Fidejusseur reste obligé sans profiter de la liberation obtenue par le debiteur, ce qui a fait dire à Mr Cujas que non hoc definiuht dicta leges, omnes exceptiones, & ex persona D. de Fidejus. ut omnis exceptio quae competit reo competat et Fidejussori, hoc enim ost falsum, sed axceptionem que Fidejussori competit ex persona debitoris etiam inoito uo-competere veluti exceptionem doli mali l. Fidejussori D. de Donat. mais il ne s’enfuit pas que toutes les exceptions que le principal obligé peut opposer puissent servit au Fidejusseur, et pour marquer cette différence les Jurisconsultes ont fait de deux sortes d’exceptions personnelles et réelles, les exceptions qui sont personnelles ne profitent point à la caution, et dans la Loy exreptiones. D. de excepr. qui établit cette différence entre les exceptions on trouve un exemle des exceptions personnelles qui n’appartiennent point au Fidejusseur, à sçavoir la grace que l’on fait à un pere, à un Patron, à un associé, à on mary, de n’être contraints de payer qu’in quantum facere possunt : On ajoûte l’exemple du mineur, de Fidejus. l. uluim. de celuy qui a fait cession, dont la caution n’est point déchargée, Instit. de replicas.

Il est neanmoins difficile d’appliquer par tout cette exception : Le Velleian est introduit en faveur des femmes, et le Macedonien en faveur des enfans de famille, et toutefois leurs ridejusseurs participent au benefice de h restitution qu’ils ont obtenuë contre leurs obligations. L. si mulier ad S. C. vellei. D. l. sed et fi pater ad S. C. Macedon. On répond que ces restitutions ne sont pas accordées fimplement ratione persona, sed etiam ratione rei, parce que l’obligation est nulle, totam obligationem fenatus improbat ; mais l’on ne peut se servir de cette distinction pour concilier la Loy Is cui bonis interdictum est. D. de verb. oblig. avec la l. Marcellus D. de Fidejus. qui veut ut si quis pro farioso, vel prodigio fidejusserit, Fidejussori non subveniatur.

Le Jurisconsulte estimant que cette exception que le furieux ou le prodigue pouvoit alléguer ne s’étendoit point à sa caution, comme étant attachée à leur personne, et au contraire la Loy Marcellus décharge la caution du prodigue.

Les exceptions réelles sont plus aisées à comprendre. On peut dire suivant la l. cum lex D. de Fidejuss. que quoties lex contractum fieri vetat dispositione probibitoria à rebus sumpta, soit : cause que la chose ne tombe point dans le commerce, ou que la raison de la prohibition est fondée sur l’honnêteté ou sur l’interest public, en tous ces cas l’obligation principale étant nulle, elle demeure sans effet à l’égard du Fidejusseur ; M d’Argentré , Article 464. Glose1.

Mais il est difficile de faire toûjours nn discernement véritable et certain entre les exceptions réelles et personnelles établies par le Droit, ce qui fait naître une infinité de doutes et de procez. La disposition de la Coûtume de Bretagne, Article 184. est beaucoup plus judicieuse et plus aisée, elle veut qu’une personne capable de contracter puisse s’obliger pour une personne incapable, comme pour des mineurs, des prodigues, des furieux, et autres : Cet Ar-ticle fut arrêté en cette manière lors de la reformation de cette Coûtume, par l’avis de bir d’Argentré , qui fit connoître l’obscunité et la contradiction des Loix Romaines sur ce sujet : En effet quel pretexte peut avoir un Fidejusseur de demander sa décharge, puisqu’il bien voulu s’engager à cautionner une personne qu’il connoissoit incapable de contracter, n’étant point défendu de s’obliger et d’intervenir pour une personne de cette qualité : vi toutefois cette incapacité luy étoit inconnuë par le dol du creancier, il seroit juste de le décharger comme le principal obligé ; mais s’il n’a pas ignoré la condition de celuy pour lequel ii est intervenu, nun oportet creditorem circumveniri pratextu inhabilitatis quae erat tempore oblitionis, cum fuerit in potestate Fidejussoris se non obligare En consequence de ces maximes, celuy qui est intervenu garand de la vente des immeuIles faite par une femme separée, est-il condamnable à la garantie envers l’acquereur qui en a été dépossedé par la femme : Laurence Brumare femme civilement separée d’avec Pierre Doulé son mary, vendit quelque portion de ses immeubles ; et cette vente fut garantie, tant par le mary que par Jean Doulé leureils ainé : Jacques Doulé heritier de sa mere fit casser le Contrat, et Jean son frère ainé étant mort sans enfans, il fit prendre sa succession par sa fille miseure ; l’acquereur nommé Gaspar le Grix, voyant que son garand avoit un heritier, il le pour-suivit et le fit condamner en sa garantie ; sur l’appel je soûtenois pour Jacques Doulé pere et juteur de sa fille, que le Contrat de vente étoit nul tant à l’égard du garand que de la femme qui avoit vendu ; et pour cet effet je me servois de l’autorité du Droit, et particulierement de l’exemple du Velleian, car le Reglement de la Cour ayant expressément interdit aux femmes separées, l’alienation de leurs immeubles, on pouvoit dire qu’en ce cas la restitution de la femme n’étoit point personnelle ; elle étoit fondée sur la nullité de l’obligation, quia gotam obligationem Senatus improbabat, que l’acquereur ne se pouvoit plaindre, puis qu’il avoit cquis un bien qu’il ne pouvoit acquerir valablement ; mais je m’appuyois principalement sur les menaces dont le pere avoit usé pour obliger son fils à le cautionner. L’Intimé répondoif qu’il n’avoit contracté que sur l’assurance de la caution qui étoit le fils, et le presomptif herigier de la femme, que comme il sçavoit bien que la femme ne pouvoit vendre, il avoit pris pour son assurance un Fidejusseur capable de s’obliger valablement pour une personne incaable ; les Juges furent partagez en leurs opinions, mais depuis les parties firent une transa-ction. Ce qui rendoit la cause plus favorable pour cette mineure, étoit que le fils ne s’étoit p engagé que par l’autorité de son pere, et aprés plusieurs menaces et intimidations ; cette circonance cessant, puisqu’il n’y a point d’inconvenient qu’une personne capable s’oblige pour une incapable, encore qu’il connoisse son incapacité, le Fidejusseur n’a point de cause de restitution, s’étant engagé volontairement et avec connoissance de cause.