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CCCLXXIII.

Ce qui se doit entendre de toutes personnes autres que le pere ou ayeul du mary, lesquels en ce cas ne sont tenus que des arrerages qui écherront leur vie durant et n’y sont obligez leurs hoirs aprés leur mort.

On peut demander pourquoy dans cet Article la Coûtume oblige le pere et l’ayeul du mary à payer seulement durant leur vie le doüaire qu’ils ont promis à la femme de leur fils, et qu’au contraire toute autre personne qui l’a promis est contraint de le payer durant tout le temps qu’il est dû : On répond que si les heritiers du pere ou de l’ayeul étoient obligez à continuer un doüaire excedant le tiers, la Coûtume qui le défend seroit illusoire ; car encore que les heritiers du mary ne fussent pas tenus en cette qualité, ils le seroient d’ailleurs quand le mary auroit succedé à son pere et à son ayeul si leur promesse étoit valable.

Il est vray neanmoins que quand les promesses sont si excessives qu’elles reduisent le pere et l’ayeul dans l’impuissance de les executer, on ne doit pas exercer contr’eux les dernieres extrémitez, il faut se contenter de ce qu’ils peuvent fournir raisonnablement, in quantum facere possunt, suivant l’Arrest donné entre Pièrre le Canu et la veuve de Jean le Canu son fils, e 29. de Janvier 1627. plaidant le Telier et Caruë. Pour obtenir rette grace en faveur dupere et de l’ayeul du mary, on argumente de la dot au doüaire dont la demande n’est pas si avorable, parce qu’elle est en quelque façon lucrative de la part de la femme, et on se sert le l’autorité des Loix, ex diverso 17. solut, matrim. l. sicut de re judic. Ces Loix qui parlent de la promesse de la dot ou de la restitution d’icelle, si pleines de moderation et d’honnêteté, sont aussi gardées parmy nous ; un pere lorsqu’il est poursuivi par sa fille ou par son gendre pour le payement de la dot qu’il a promise à un gendre qui a contracté dans la bonne foy, et qui s’est marié dans l’esperance de recevoir une dot capable de supporter la dépense et les frais de son mariage, n’est pas fort favorable, parce qu’il se doit imputer d’avoir promis ce qu’il ne peut accomplir ; toutefois on ne pourroit sans quelque impieté refuser à un pere dequoy fournir à ses alimens, la raison est que sa promesse est toûjours un effet de sa liberalité, et qu’on ne doit jamais agir contre un bien-faicteur dans la derniere rigueurs Mais ce raisonnement seroit foible contre une femme, qui demanderoit à son beau-pere la restitution de ses deniers dotaux qu’il auroit reçûs ; il ne pourroit demander de grace sur le pretexte de sa liberalité, au contraire on luy reprocheroit avec justice la dissipation qu’il auroit faite d’un bien qui ne luy appartenoit pas, et la femme à cet égard seroit considérée comme une personne étrangere, sur tout si le mariage étoit dissous au temps de son action. On trouve sur ce sujet deux Loix contraires ; la Loy ex diverso 17. D. solut. matrim. si socer ex promissione à Neratius marito conveniatur, solet queri an idem honor habendus sit, scilicet ut in quantum facere possit conveniatur, & hoc justum esse Neracius et Proculus scribunt, et par : la Loy sicut 21. de re judic.

On fait tenir un langage contraie àNeratius , an si cum socero ex promissione agatur in id quod facere porest damnandus sit, quod & id aequum videtur, sed alio jure utimur, ut Neratius scribit.

Pour concilier ces deux Loix qui sont contraires, Antonius Faber Conject. 24. dit que le sens de ces paroles est sed alio jure utimur, equum quidem esse socerum ex promissione dotis solute matrimonio, nunc in solidum condemnari, nunc non condemnari ; regulariter non condemnari ex causa, tamen & ex persona condemnari, hoc est si dolo dotem promiserit, vel si vilis persona sit que pix aliquo honore digna videatur. Et cette explication est conforme à la Loy si de Dote 84. de ur. dot. qui met de la difference entre l’action qui est formée avant le mariage et celle qui n’est commencée qu’aprés la dissolution d’iceluy, le Jurisconsulte estimant que durant le temps que l’alliance continuë, un gendre doit à son beau pere un plus grand respect que quand ce lien a été rompu par la mort de la femme, si manente affinitate dotem promissam tener à socero petit, utique in quantum socer facere potest condemnabitur, si diruptomatrimonio petitur ex causa et personâ, tribuendum puto ; quid enim si socer specie futurae dotis induxerit generum & cum sciret se prestare dotem non posse, id egerit ut genero insidiaretur. sans distinguer si le mariage duroit encore ou s’il étoit dissous, pourvû qu’il ne parût point de dol ni de tromperie de la part du beau-pere, comme il est assez ordinaire que les hommes presument beaucoup plus qu’ils ne doivent de leur bonne fortune et de leurs facultez, il semple juste d’avoir toûjours de la consideration pour la qualité de beau-pere, lorsque son im-puissance est effective et qu’elle n’est point de mauvaise foy ; d’autre côté l’on doit avoit égard à la condition du mary s’il est chargé d’une grande famille, si son bien ne suffit point pour l’entretenir, et selon toutes ces diverses circonstances on pourroit ne condamner pas ce beau-pere ou le condamner rigoureusement.

bien que l’on ne traite pas dans la derniere rigueur un beau-pere, celuy qui seroit interrenu caution de l’execution des promesses de mariage ne joüiroit pas de ce benefice, hoc enim reneficium persona coharet. l. exceptiones D. de except. Les Jurisconsultes ont eu de la peine à accorder cette grace au pere qui avoit promis en dot à sa fille plus qu’il ne pouvoit payer, de ne pouvoir être condamné au de-là de ses forces, quoy que sa promesse fust une pure liberalité, et cependant quand la femme poursuit la restitution de ses deniers dotaux contre le pere de son mary qui les a reçûs, ces mêmes Jurisconsultes sont tous d’accord que ce beaupere doit joüir de la même faveur qu’elle seroit obligée de faire à son pere, quia parentis locum socer obtinet, idem honos ei debetur, et toutefois la demande de la femme en cette rencontre est beaucoup plus favorable, le pere du mary ne peut se prevaloir de la gratitude et de la charité qu’on doit avoir pour son bien-faicteur, puisqu’il n’a rien donné ; d’ailleurs la don étant destinée pour ses alimens et pour la subsistance de sa famille, on ne le peut forcer d’en faire des compositions et des remises, et quoy que son mariage l’engage à respecter le pere de son mary, toutefois lorsqu’il s’agit de la restitution de sa dot elle luy est en quelque façon étrangere. Il faut resoudre pourtant en cette espèce comme en la precedente, que par une raison d’équité selon les circonstances particulieres on doit donner quelque temps pour payer ou bien luy ajuger quelque mediocre pension pour sa subsistance, ce qui n’auroit pas lieu neanmoins si ce beau-pere étoit decreté, et que la femme se presentât à l’ordre pour être colloquée des deniers, en ce cas elle ne seroit pas obligée de relacher son droit et ses interests.

Pour obrenir cette grace de n’être pas condamné dans la derniere rigueur, l’impuissance de ayer ne doit pas être feinte ou affectée, un pere n’en seroit pas quitre pour alléguer que son bien ne seroit pas suffisant ; s’il veut en être crû il doit faire un abandonnement general de son bien en luy donnant dequoy vivre, autrement on n’a point d’égard à sa nécessité ny à son impuissance, comme il fut jugé par l’Arrest de Dugardin dont je parleray ailleurs.

Pierre Clairet, sieur de la Rocque, avoit promis à Jacques Clairet son fils en le mariant deux cens livres de rente, et en même temps ce fils luy en donna une contrepromesse nonobstant icelle il le fit condamner à luy payer ces deux cens livres de rente : Sur l’apel je me servois de deux moyens ; le premier, que cette contrelettre étoit valable au pre-udice de celuy qu’il l’avoit baillée, et comme alors on tenoit que ces contrelettres étoient absolument nulles, je m’appuyois principalement sur l’impuissance du pere de payer cette rente, et pour cet effet le pere offroit de luy bailler dés à present la part qui luy pouvoit appartenit sur son bien, en retenant neanmoins une somme pour sa subsistance ; mais le fils ayant allégué que son pere étoit riche, et qu’il ne faisoit ces offres que par la sollicitation de ses autres enfans, et pour prolonger le procez, on confirma la Sentence en la GrandChambre par Arrest du mois de Juillet 1637. Coquerel plaidoit pour le fils.

Au procez d’entre Guillaume Osmont Ecuyer, sieur Daubry, et Charles du Bois, sieur de Belhostel, et Dame Marie de Monmorancy, il fut jugé en cassant la Sentence donnée en tenant l’ordre des deniers du decret de la Terte da Belhostel, dont les créanciers étoient appellans, que ladite de Monmorancy n’auroit doüaire sur les biens de François du Bois son beau-pere, que sur ce qui en étoit échû à Charles du Bois son mary, devenu heritier de son pere, et quoy que son beau-pere luy eût promis par son Contrat de mariage douze cens livres de doüaire, et que cette promesse eût été insinuée, on jugea que suivant cet Article cette promesse qui excedoit le doüaire ne pouvoit avoir effet que durant la vie du beau-pere pour luy en faire payer les arrerages, quoy que l’on soûtint que cet Article ne s’entendoit que des enfans pour empescher les avantages indirects, et non à l’égard des creanciers posterieurs, au prejudice desquels cette promesse ayant été insinuée devoit valoir ; par Arrest, au Rapport de Mr de Fermanel, du 13. de Decembre 1670