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CCCLXXIV.

Doüaire prefix.

Moins que le tiers peut avoir la femme en doüaire s’il est convenu par le traité de mariage.

Nous lisons ces paroles dans la Charte de Jean Roy d’Angleterre : Assignetur viduae pro dote sua tertia pars, qua sua fuit in vita, nisi de minori dotata sit ad ostium Ecclesiae : illud ipsum est quod dotalitium dicitur àClemente III . 3. c. plerumque de Donat. inter vir. & uxor. Puisque suivant cet Article, la femme peut avoir moins que le tiers pour son doüaire, ce ne peut etre une question problematique si elle peut renoncer valablement à prendre aucun doüaire, on ne peut dire que cette paction soit contre les bonnes moeurs ny contre l’honnesteté pulique, le doüaire étant inconnu en tant de païs ; il arrive presque toûjours que la femme ne fait cette renonciation qu’en consideration d’autres avantages qu’elle rencontre dans son mariage ; quoy qu’il en soit le mariage étant contracté volontairement sous cette condition, la semme n’a point sujet de se plaindre : Par la Coûtume de Bretagne le doüaire Coûtumier n’a sieu, mais seulement le constitué, que s’il faut suivant cette Coûtume stipuler un doüaire pour en jouir, on peut bien stipuler que la femme n’en aura point. Cedit enim dispositio legis, hominum conventioni in his quae in privatorum consensum cadunt & materiam habilem reperiunt. Go-defroy sur cet Article a tenu que la doüairiere ne pourroit être restituée contre les partages doüaire qu’elle auroit faits pour dol reel, si la deception n’étoit ultradimidiaire ; mais si la reuve a été surprise, on ne doit pas luy resuser le benefice de restitution.

On allégueroit fort mal à propos en faveur du doüaire le raisonnement des Jurisconsultes Romains, que Reipublica interest dotatas esse mulieres l. solut. matr. D. Nôtre Coûtume n’a pas estimé qu’il fût si important et si necessaire que les femmes fussent dotées en permettant au pere de marier leurs filles sans leur donner aucune chose, ayant jugé que la force et la grandeur de l’état consistoit en la conservation des familles, qui ne subsistent qu’en la personne des mâles, et aprés tout c’est une grande question s’il est utile pour le bien public que les Lycurgue femmes soient dotées. Ces deux illustres Legislateurs, Lyeurgue etSolon , n’étoient pas de ce sentiment, et le premier étant interrogé pourquoy il avoit ordonné que les filles seroient masées sans être dotées, il répondit qu’il l’avoit fait par cette raison qu’il n’y en eût point qui demeurassent à marier faute de bien, et que les autres ne fussent recherchées à cause de leurs tichesses. C’est une plainte assez ordinaire que les femmes riches sont moins respectueuses, et que souvent elles méprisent leurs maris lors qu’ils leurs sont redevables de leur fortune, Dore imperium vendidi, dit un mary dansPlaute . Et c’est pourquoy les Egypriens jaloux de l’autorité maritale, déclaroient esclaves de leurs femmes les maris qui aoient pris de la dot.

Megadore dansPlaute , in Aulularia Act. 3. Scena 5. épousant la fille d’un pauvre homme pour prouver que son choix étoit raisonnable en allégue cette raison

Nam meo quidem animo si idem faciant ceteri Opulentiores pauperum filias, Ut indotatas ducant axores domum, Et multosfiat ciontas concordior, Et nos inoidiâ minore utamur quam utimur.

Nonobstant ces autoritez, il faut avoüer que cette Coûtume de doter les femmes est honneste, legitime et ancienne ; il est souvent parlé de doter les filles dans les Loix divines, ce-luy qui avoit debauché une fille étoit tenu de l’épouser si le pere y donnoit son consentement, que s’il ne l’agréoit pas on le-contraignoit de la doter, quemadmodum est dos Vir-ginum ; ce qui ost aussi confirmé par les Loix Romaines : le Concile d’Arles qui est rapporté dans le c. 30. d. 5. ordonne ut nullum sine dofe fiat conjugium, juxta facultatem fiat dos, nec sine publicis nuptiis quisquam nubere presumat : Ce Canon mérite beaucoup de loüange en défendant les mariages clandestins, mais il paroit extraordinaire en défendant qu’il se fasse aucun mariage sans stipuler une dôt ; on doit laisser en la liberté d’un chacun d’en user selon son inclina-tion, afin que le mérite et la vertu quand elles se rencontrent en des pauvres filles, puissent être recompensées par un mariage avantageux

Quoy qu’il en soit, il étoit plus juste parmy les Romains que parmy nous de doter les femmes, afin qu’elles pûssent subsister aprés la dissolution du mariage ; car autrefois elles ne ti-çoient aucun avantage de leur mariage, et ne profitoient point des biens de leurs maris, elles n’avoient point de part aux meubles ny aux acquests ; on permit depuis aux maris de leur faire quelque donation pour les recompenser de la dot qu’elles leur apportoient : C’est ce que le Droit appelle airioipra donationes ante vel propter nuptias. Et enfin les Empereurs Gtecs introduisirent leur Lofoo7or : Et encore aujourd’huy dans les Provinces qui gardent le Droit Romain, les femmes ne gagnent par le mariage que leur augment de dot ; elles n’ont point de doüaire, elles ne prennent aucune parr aux meubles et acquests, et les maris peuvent seulement leur donner par testament ou à cause de mort.

Ces renonciations doivent preceder la celebration du mariage, autrement elles seroient nulles étant faites à la femme constant iceluy ; elle ne pourroit pas même renoncer à prendre son doüaire sur les biens vendus par sonemary, à moins qu’elle ne pûst en être recompensée sur ses autres biens : Et Mi d’Argentré a raison de blamer l’Article de sa Coûtume, par lequel si la femme consent à l’alienation des propres de son mary, elle perdra son doüaire sur les choses alienées, sans pouvoir pretendre qu’il luy soit remply sur les biens qui resteront aprés le decez du mary ; car le consentement que la femme donne à l’alienation faite par son mary ne doit valoir qu’en ce seul cas, que le reste des biens du mary soit suffisant pour fournir le tiers en doüaire, l. jubemus. C. Ad S. C. vellei. Le mary ne pouvant pas durant le mariage faire des actes qui privent sa femme du droit qui luy étoit acquis.

Puisque la femme peut renoncer à son doüaire, ou qu’on la peut obliger à se contenter du doüaire prefix, le mary peut-il augmenter le doüaire prefix quand il a été stipulé de la sorte ir le Contrat de mariage ; Lachéré par son Contrat de mariage avec la nommée Bigot, luy avoit limité son doüaire à cinquante livres, à condition néanmoins qu’il pourroit, s’il avisoit que bien fust, augmenter son doüaire jusques à une certaine somme, ce qu’il avoit fait : Aprés sa mort Lachéré son heritier contestoit cette augmentation, parce qu’il l’avoit faite constant son mariage, tempore prohibito. La femme répondoit que ce n’étoit que l’exetution de la stipulation portée par son Contrat de mariage ; par Arrest du 16. de Juillet1647. il fut dit qu’elle auroit doüaire par provision sur tous les biens de son mary. Il n’y avoit pas de difficulté dans l’espèce de cet Arrest, dautant que le mary avoit retenu la faculté de le pouvoir faire ; mais cessant cette clause, puisqu’il est défendu au mary de faire aucun : vantage à sa femme durant le mariage, cette augmentation de doüaire ne pourroit valoir.