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CCCLXXV.

Charge du doüaire.

Les doüairieres doivent tenir en état les maisons et héritages comme elles leur ont été baillées sans couper les bois autres que ceux qui sont en coupes ordinaires si ce n’est pour reparer les maisons et manoirs, appellé le propriefaire, et par ordonnance de Iustice.

On sçait assez que par ces mots, la veuve doit tenir en état les maisons, l’on entend ce que les Latins appellent sarta tecta, c’est à difodles reparations d’entretenement, et non point les fedifications et grosses reparanions. Ce que la Coûtume de Paris, Article 262. explique en ces termes ; La doüairiere est tenuè d’entretenir les maisons de reparations viageres, qui sont toutes reparations d’entretenement, hors les quatre gros muts, poutres, et entieres couvertures et voutes : Et par le Droit 1. 7. et sequent. D. de usufr. usufructuarius tenetur aedes reficere, hactenus tamen ut sarta tecta habeat. Ce que nôtre Coûtume appelle tenir en état les, maisons : modica agitur refectio ad viduam pertines. Et si l’on veut sçavoir plus exactement ce que la doüaitiere duit faire ou ne faire pas, on l’apprendra de Mr d’Argentré sur l’Article 442. de la Coûtume de Bretagne.

Comme il arrive souvent que les héritages baillez en doüaire sont affectez à des rentes et à des charges foncieres, ou qu’ils sont taxez pour des impositions et des droits extraordinaires, la doüairiere et les proprietaires disputent souvent pour sçavoit qui doit acquiter ces taxes et ces augres impositions ; La distinction de Godefroy sur la l. quaro D. de usufr. leg. me paroit raisonnable, beres, inquit, prastat onera pro jure fructuum percipiendorum : fructuarius vero otera ipfis vel fructibus vel personae impositis, c’est à dire que si la taxe étoit faite pour la conservation de la proprieté, elle doit être payée par le proprietaire ; mais lors que la taxe ou-l’imposition est demandée à cause de la joüissance, elle est due par l’usufruitier : Le Jurisconlulte Ulpian dit en la 1. 7. in fine de usufr. D. que stipendium, solarium, tributum et ali-menta ab ea re relicta usufructuarius agnostere debet ; et en la Loy si pendentes, 5. 3. Cod. si quid Cloacarii nomine debeatur, vel si quid ob formam aqueductus, que per agrum transit pendatur, ad onus fructuarii pertinebit ; et en la I. quero de usufr. leg. D. si fundo legato indictiones temporaria aaeicte sunt idem juris esse in his ppeciebus quae postea indicuntur, quod in vectiralibus dependendis, et ideo hoc onus ad fructuarium pertinet. C’est le sentiment dePontanus , Titre de Doüaire, Article 19. de la Coûtume de Blois, que omnia onera quecumque ea sint, sive parrimonialia, sive imposititia, ordinaria, extraordinaria-ve à predio, vel à persona, intellige nomine pradii debita, al usufructuarium pertinent ; et en ce même Article il combat l’opinion contraire qui a été Boerius Chassanée uivie par Boêtius, sur la Coûtume de Berry, de Feudis, Article 59. et par Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne, Titre des Fiefs

Nous suivons aussi cette jurisprudence ; la veuve est tenué d’acquiter les rentes et charges foncieres, les Tailles et les Droits qui se payent à cause de la joüissance, et les taxes qui se peuvent faire à cause d’icelle. Ricard sur l’Article 262. de la Coûtume de Paris, assure que c’est aussi l’usage à Paris, et que la veuve doit les impenses qui se font et qui sont dûës à rause de la joüissance, comme l’Arrièreban, la Taille, l’Impost pour la fortification du lieu dans lequel la maison fujette au doüaire est assise ; et par Arrest du 3. de Février 1657. au Rapport de Mr de Vigneral, entre Marguerite le Févre, femme civilement separée d’avec Pierre du Buisson appellant, et Noel du Montier et autres ; il fut jugé que ladite le Févre contribuêroit à cause de son doüaire à la taxe des Francs-Fiefs, et à ce moyen elle fut condamnée au payement de deux cens quarante-deux livres tant de sols, pour le tiers de sepr eens vingt-cinq livres, à quoy ladite taxe se montoit : et comme cette taxe n’est dûe que pour la joüissance que l’on a euë pendant vingt années, il ne faudroit y assujettir la veuve qu’à proportion du temps qu’elle auroit joui-

Pour l’Arrièreban, une femme ayant voulu se défendre d’en paver la taxe qui étoit demandée à cause du fief dont elle joüissoit pour son doilaire, elle y fut condamnée par Arres du 27. de Juin 1638. plaidans le Telier et Carué ; cette taxe de l’Arriereban étant une charge extraordinaire demandée par le Prince, et qui par consequens est dûg par l’usufruitier. a Charte Normande porte que le Roy peut la demander ex causa Himinenti, aussi l’Ordonnance de François I. y est expresse.

Il n’en est pas de même des taxes qui se font sur ceux qui possedent des biens du Domaine du Roy, ou qui ont des terres en Franc-Aleu, c’est proprement en ce cas que l’on peut dire que les raxes sur les possesseurs des biens Domaniaux se font pro jure percipiendorum fructuum, pour être maintenu en la possession des biens du Domaine dont on joüit par engagement, et par consequent elle est dde par le proprietaire et non par l’usufruitier. Cette question fut décidée par Arrest du 18. de Detembre 1647. en la Chambre de l’Edit, entre les Demoiselles Poulain appellantes, et Marthe Soyer intimée, et il fut jugé que la Demoiselle Soyer qui joüissoit pour son doüaire de quelques terres dépendantes du Domaine du Rey, n’étoit point obligée de contribuer aux taxes imposées sur lesdits héritages, encore qu’il semblat que e fût une charge des fruits, et la Sentence qui l’avoit jugé de la sorte fut confirmée, plaidans Alorge pour l’Appellante, et Carué pour l’Intimée, conformément à un Arrest donné en la Grand. Chambre le 15. de Janvier en la même année, dont je parleray sur la matière du Franc-Aleu.

La question pour le Franc Aleu doit paroître moins problematique, puisqu’on peut dire que le Roy n’impose les taxes que comme Souverain, et comme par un droit de protections étant de la nature du Franc-Aleu de ne devoir aucun droit ; de sorte que le Prince ne Fnisant cette levée qu’en cette qualité, le proprietaire la doit acquiter, parce qu’en ce faisant il est naintenu dans cette prerogative de ne reconnoître aucun Seigneur feodal ; la question an fut aussi plaidée, et jugée en l’Audience de la Grand. Chambre le 15. de Janvier 1647. Lequillon Sergent à Roüen avoit épousé la veuye du Marchand, laquelle possedoit quelques muisons dans la ville de Roüen, qui furent taxées pour le Franc-Aleu ; on somma Lequillon de payer la taxe, mais quelque temps aprés il mourut. Ses heritiers furent poursuivis par sa veuve ropriétaire de ces maisons pour la décharger de cette taxe, à quoy ayant été condamnez, sur leur appel de Cahagnes leur Avocat representoit que cette taxe étoit onus rei, qui devoit ttre acquitée par le propriétaire ; mais il s’appuyoit principalement sur ce que le mary étant mort avant le payement de la taxe, ses heritiers usoient de leur bonne fortune, le mary ne pouvant plus joüir, ses heritiers ne pouvoient plus être recherchez à l’avenir. De la Hogue pour la veuve tépondoit que cette taxe étant duë à cause de la joüissance, le mary et ses heritiers étoient obligez de la payer : Par l’Arrest on cassa la Sentence, et les heritiers furent déchargez.

Il peut être que cette circonstance de la mort du mary fut le motif de l’Arrest, et que par consequent on n’a pas décidé la question generale ; et en effet plusieurs sont de ce sentiment que le mary doit y contribuer de la même maniere que la veuve a été condamnée de contribuer à la taxe des Francs-Fiefs, suivant l’Arrest rapporté cy-dessus. Cette imposition avoit pour cause da joüissance du fonds, et la taxe étant faite pour les joüissances passées la mort du mary ne pourroit exempter ses heritiers, étant une charge qui se devoit personnellement mais fi l’on examine la véritable cause de la taxe, on réconnoitra qu’elle est demandée pour conserver le proprietaire dans le privilege du Franc-Aleu, et que par consequent il doit l’acquiter seul. Cependant comme ces taxes ne sont point dûës par la nature du Franc-Aleu, et qu’elles ne font exigées contre le Droit commun que par l’autorité du Prince et pour des auses publiques, il seroit rigoureux d’en charger le proprietaire feul : En effet pour les taxes lu Tiers et Danger qui étoient demandées à ceux qui ne le devoient point, ou pour le rachapr et l’extinction de ce droit à ceux qui y étoient sujets, les veuves ont été condamnées d’y contribuer, et on regle ordinairement leur part de cette contribution à un sixième.

La veuve étant obligée non seulement de tenir en état, mais aussi de conserver et de ne diminuer pas les maisons et les terres qui luy sont laissées pour son doifaire, on a revoqué en doute si la veuve se peut servir des Catrieres, Ardoisieres, Sablonnieres, et Marnieres pour fa commodité seulement, ou si elle peut en vendre et en tirer du profit ; Suivant la Loy âtem. de usufr. potest usufructuarius si lapidicinas, arenas et cretifodinas haheat, cedere si velit, & his omnibus uti tanquam bonus paterfamilias : On peut conclure par cette Loy que l’usufruitier Je peut fervir de toutes ces choses comme un bon pere de famille, mais il ne s’ensuit pas qu’il en puisse vendre. Le Droit Civil met au rang des biens dont l’usufruitier pouvoit joûit les Carrieres et autres choses de cette nature, suivant le sentiment des Philosophes, qui soûtenoient que les Carrieres renaissoient lapidicinae renascebantur ; mais le Soleil de nos climat n’a point assez de force et de chaleur pour faire cette production, au moins on n’en a point d’experience, c’est l’opinion de Mr d’Argentré , qui soûtient qu’elles ne renaissent point, ce qui luy fait dire sur l’Art. 60. de la Coûtume, que in his cum solum consumi, cavari, mergi, exportari cor tingat et ad culturam inutile reddi, et substantia fundi mutetur & pereat, non injusta est expostulatio Domini si suae indemnitati consuli à vassallo petat. Que si le Seigneur Feodal peut em-pescher que son vassal ne se serve de ces choses, quoy qu’il soit proprietaire du fonds et que le Seigneur n’y soit interessé que pour l’assurance de ses Droits Seigneuriaux, une doüairiere ou un autre usufruitier ne peut joüir de ces choses que pour les émployer aux repararions es maisons, ou pour la meliotation des terres, comme de la-Marne dont on se sert en plusieurs lieux de cette Profince pour échauffer la terre, qui est la proprieté de la Marne, sans poutefois en pouvoir vendre

Cet usage de marner les terres labourables est fort ancien dans les Gaules, alia est ratio quà Galli et Britanni inoenere alendi terram, quod genus vocant Margam, Spissior ubertas in ea ontelligitur.Plin . l. l6. c. 6. Dans quelques anciens Exemplaires il y a Marla au lieu de Margas et Ménage écrit dans ses Origines que les Angevins, les Manceaux, les Normands, et les Boulonnois, disent Marle au lieu de Marne : Les païsans du païs de Caux l’appellent Mâle : Dans les Capitulaires deCharles le Chauve , page 324. elle est appellée Margilla ; Marga pri mùm post margilla dicta est-

Aprés avoir exprimé les charges où la doüaitière est obligée, on demande quelle peine on luy doit imposer lorsqu’elle neglige de cultiver les terres en leur saison, ou de reparer et d’entrertenir les batimens ; Nôtre Coûtume n’a rien déterminé sur ce sujet ; la l. Irem D. de usufructus dit usufructuarium cogi posse colere, c’est une question fort disputée entre les Docteurs sur la I. divortio D. solut. matr. et ibiBartol . an ob abusum usufructuarius sit expellendus aut privandus jure suo. Chopin estime que la negligence de la veuve est punie par la perte de son doüaire, et que la negligence consiste à ne eultiver pas les vignes, à ne rétablir point les naisons, et à abbatre les bois de haute : fûtaye, l. 3. t. 1. et 3. de la Proprieté des biens Mais la Coûtume reformée de Bretagne, Article 468. y apporte ce temperament, si la doüaivère laisse deperir les terres ; maisons, bois qui portent fruits, moulins, étangs et autres choses. parquoy l’héritage soit moins valant, elle sera dessaisie du doüaire, et sera regardé le dommage qu’elle auroit fait, et d’autant que le dommage sera estimé, le revenu dudit doüaire sera diminue, et ce qui en devra demeurer à ladite doüairiere luy sera laisse par les mains de l’heritier principal.

Ce deperissement doit être considérable, et il consiste au defaut de labourage, et pour les maisons au defaut de reparation ; on ne dépossederoit pas promptement une doüairiere, on la feroit d’abord condamner à mettre les choses en bon état, et n’y fatisfaisant pas on faisitroit le revenu pour être employé à la reparation. de la chose :Tournet , sur l’Article 262. de la Coûtume de Paris, est de ce sentiment, et dit avoir été jugé par Arrest que la femme ayant laissé deteriorer les batimens par sa negligence ne doit pour cela perdre son doüaire, mais on la peut contraindre à faire les reparations de ce qui est ruiné par sa faute, et à desinteresser l’heritier, si toutefois les choses étoient tombées en une décadence si grande que le revenu ne fût pas suffisant pour les rétablir, il seroit juste de pratiquer ce qui est rescrit par la Coûtume de Bretagne pour indemniser le proprietaire.

C’est une doctrine commune que si les maisons sujettes au doüaire perissoient par le feu u par quelqu’autre force majeure, le proprietaire ne seroit pas tenu de les rétablir, car l’usupruit est éteint par la ruine de la chose sur laquelle il est dû, l. repeti. 5. 1. quib. mod. ususfruct. amittitur ; maisChopin , l. 3. l. 1. c. 3. n. 20. de la Proprieté des biens d’Anjou, estime que si l’heritier du mary avoit fait rétablir le moulin ou la maison chargée du doüaire, il seroit tenu de souffrir la continuation d’iceluy. L’usufruit de la place où la maison étoit bâtie restant encore à la femme, le proprietaire seroit obligé de luy en tenir compte, mais elle ne pourroit prendre part au loyer de la maison rebâtie qu’en desinteressant le proprietaire.

Quand la negligence ou la faute de la doüairiere peut causer la perte de la chose, il est sermis au proprietaire de pourvoir à sa seureté, on donne pour exemple les Sergenteries sur lesquelles la veuve a doüaire, quoy que regulierement la doüairière ne soit pas tenuë de bailver caution, toutefois comme la malversation et labus de celuy qui exerce une Sergenterie en pourroit faire perdre la proprieté, il semble juste qu’une doüairiere qui joüit d’une Sergenterie soit obligée d’assurer le proprietaire. Cela fut jugé de la sorte le 12. de Février 1637. entre la nommée Richer veuve de Lieuré, appellante d’une Sentence qui favoit condamnée comme joüissante à doüaire d’une portion de la Sergenterie Royale de Montiviliers, à bailler au fils du premier mariage et heritier de son maty caution de lexercice pour sa part à cause des perils qui en pourroient arriver au proprietaire, et la Sentence fut confirmée par l’Arrest.

La Coûtume de Paris, Article 264. oblige la doüairiere qui se remarie à bailler caution ; car ton prelume qu’un second mary ne se mettra gueres en paine de maintenir lhéritage dont sa femme joüit à doüaire, et par le Droit Civil l’usufruitier y étoit toûjours obligé, t. quemadmodum usufruct. caveat, et cette caution étoit requise si necefsairement, que le donateur même Papé Chassa de lusufruit ne pouvoit pas s’en dispenser, l. 1. c. de-Uisustuct. lGuid. Pap. Decis. 2a8. Chassa. 1. des Droits des gens mariez, 86. in verb. et sera tenuriuBlusieurs distinguent entre l’usutuit constitué par l’homme et l’usufruit constitué par la Loy, la caution est necessaire pour a premiere, l. cum non solum, sin autem as alienum vers. boc procul dubio. C. de bonis, qualib. mais quand l’usufruit étoit dû en vertu de la Coûtume, iomne pouvoit assujettir l’usufruitier à bailler caution, il est certain que la doüairiere n’y est paint obligée s’il n’y en a quelque raison particuliere, ou comme dit Mr d’Argentré , Art. 433. Gl. 2. n. 10. si non de modo & quantitate, sed de jure doarii controversia sit, non est imponenda cautionis necessitas.