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CCCLXXVII.

Ce qui se doit entendre quand elle a abandonné son mary sans cause raisonnable ou que le divorce est-avenu par la faute de la femme : mais s’il avient par la faute du mary, ou de tous deux, elle aura son doüaire.

On trouve dans les Loix d’Ecosse une disposition conforme à cet Article, si in vita alicujus viri uxor sua fuerit ab eo separata ob aliquam sui criminis turpitudinem, nullam vocem cla-mandi dotem habere poterit : Skenaeus Leg. 8cot. l. 2. c. 18. Art. 73. vide etiam Novellam, ut liceat matri collat. 8. et c. 33. 4. 12. cumsequentibus in decreto.

La Coûtume avoit parlé un peu-trop generalement en l’Article precedent, elle s’explique et se corrige en celui-cy, en disant, que la femme perd son doüaire pour n’être pas avec son mary au temps de son decez ; cela ne s’entend néanmoins que quand elle l’a abandonné sans cause raisonnable, ou que le divorce est avenu par sa faute ; car s’il avient par la faute du mary, pu par celle de tous deux, la femme aura son doüaire : Il faut donc examiner la cause de son absence, car la haine et l’aversion du mary ne luy servent pas toûjours d’excuse, comme aussi cela ne suffit pas pour la condamner ; elle ne doit pas être punie si son mary la rebute sans sujet lorsqu’elle vient luy rendre ses devoirs et ses services ; mais si cette aversion du mary est causée par sa mauvaise conduite, en ce cas, dit la Coûtume de Bretagne, il n’est enu, s’il ne veut, de la recevoir

La Coûtume a remis à la prudence des Juges de décider quelles sont les causes raisonnables qui peuvent excuser l’absence de la femme, ou qui meritent qu’elle en soit punie. Les vereuves peuvent être privées de leur doüaire en deux manieres, ou par la faute qu’elles ont commise durant la vie de leurs maris, ou pour leur mauvaise conduite aprés leur mort : c’est une faute assez grave pour tomber dans la peine imposée par la Coûtume, que la femme ait bandonné son mary volontairement et sans cause, et que par un mépris injuste elle ait ne pligé son devoir. Le Chap. Plerumque de Donat. inter vir. & uxor. n’en demande pas davangage, si mulier ob causam fornicationis, judicio Ecclesie, ut propriâ voluntate à viro recesserit, nes reconciliata postea sit eidem dotem vel dotalitium repetere non valebit. Il est vray que la Glose veut qu’elle se soit retirée ob causam fornicationis, de son propre mouvement ; mais il est manifeste par les termes de ce Chapitre qu’elle perd sa dot et son doüaire en deux manieres, ou lors qu’elle s’absente pour suivre son adultere, ou quand elle quitte volontairement son mary par un pur caprice : on ne doute pas neanmoins que sa retraite ne soit infiniment plus criminelle, lors qu’un infame adultere en a été le motif Il n’est pas nouveau que l’on ait puny avec severité les femmes qui abandonnent temerairement leurs maris, et qui se retirent de leurs maisons pour vivre avec plus de licence.

Autrefois on donnoit à Rome l’action de Moribus lors même que le divorce étoit en ssage, et il étoit permis au mary de se plaindre non seulement de ces fautes graves comme de l’adultère, mais aussi des mauvaises moeurs, et pour cet effet ils faisoient différence en la qualité des moeurs, graviores & leviores mores mulieris, graviores appellabant adulterium, & probrum, levioles inter reliquos pravos mores quos indicatUlp . Tit. de Dote ; par cette action la femme adultere per-doit la sixième partie de sa dot, et pour ses autres fautes on la privoit de la huitième partie : Il est vray que la femme pouvoit se plaindre de son chef, et que le mary n’étoit pas exempt de châtiment lorsqu’il avoit manqué : : Il y avoit cette difference que la femme ne pouvoit pas accuser son mary d’adultere, et c’est aussi le sentiment de la pluspart des Theologiens, sed babebat relationem, c’est à dire que la femme pouvoit objecter le même crime à son mary : et quoy que cette action de Moribus fût abolie depuis, la mauvaise conduite des femmes ne demeura pas impunie, au contraire elles furent châtiées plus rigourcusement, immo gravius coerciti sunt mores conjugis que divortii causam dedisset ; mulier enim ipfo jure amittit dotem totam : amittit etiam quod obvenire folet mulieri ob donationem propter nuptias, emolumentum.Cujac . Papé d l. vir uxori. l. N. Quest. Pap.

Si donc lorsque le mariage se pouvoit rompre par le divorce le mary pouvoit accuser sa semme même aprés leur separation, il faut conclure que le mariage étant aujourd’huy indissoluble, et la femme demeurant perpetuellement en la puissance de son mary, le mépris qu’elle en fait en abandonnant sa personne et sa maison sans cause raisonnable, méritent justement la peine qui luy est imposée par la Coûtume. Pour faire souffrir cette peine à la femme, il n’est pas necessaire que le mary ait fait éclater son ressentiment dutant sa vie ou par son Testament, car quoy que suivant l’opinion commune les heritiers ne soient pas admissibles à l’accuser l’adultere quand. le mary ne s’en est point plaint, et sur tout lorsqu’il ne l’a point ignoré, toutefois en consequence de cet Article l’on ne peut douter que si la femme n’est point auprés de son mary lors de son decez, les heritiers pour justifier qu’elle l’a abandonné sans cause çaisonnable ne puissent alléguer qu’elle l’a fait pour vivre impudiquement, et puisque pour donner lieu à cette action il faut qu’elle n’ait point été avec son mary lors de son decez, elle ne peut être intentée que par les heritiers : Mais parce que le plus souvent ils agissent plûtost pour leur interest que pour vanger l’injure faite au défunt, il faut que cet abandonnement de la femme soit non seulement inexcusable, mais que son mary ne luy en ait point donné de sujet, autrement suivant cet Article si le divorce arrive par la faute de tous deux elle aura son doüaire, viro & uxore mores invicem accusantibus causam repudii dedisse utrumque pronuntiatum est : id ita accipi debet, ut eâ lege quam ambo contempserunt ut neuter vindicetur, paria enim delicta mutuâ compensatione dissolountur : Car encore qu’il soit dit en l’Article precedent que la femme n’a point de doüaire si elle n’est avec son mary au temps. de son decez, toutefois la Coûtume ayant ajoûté que cela n’a lieu que quand elle a abandonné son mary sans cause raisonnable, ce terme abandonné signifie quelque chose de plus qu’une simple absence, et pour rendre une femme coupable il faut non seulement qu’elle l’ait tout à fait negligé sans luy rendre aucun soin, et sans luy témoigner aucu souvenir de leur mariage, en un mot ces raisons sont plus de fait que de drolt, et dépendent des circonstances particulieres, ex variis causarum figuris, et les Juges auront ordinairement plus de panchant à fa-voriser la veuve que les heritiers.

Mais quand on reproche à la femme d’avoir abandonné son mary pour vivre avec plus de ticence et se jetter entre les bras d’un adultere, c’est alors que l’abandonnement est inexcusable ; et bien que suivant la jurisprudence des Arrests et le sentiment de nos Auteurs l’he-titier du mary ne puisse opposer à la femme qui repete ses conventions matrimoniales, qu’elle a commis adultere vivente marito, s’il ne s’en est plaint, maritus enim solus thori genialis vindex, I. quamvis Cod. de Adult. et que morum coërcitionem habet non heres l. rei judicate 5. 1. ff. solut. matr. Cette maxime néanmoins ne peut avoir lieu en cette rencontre : car puisque la Coûtume permet à l’heritier du mary d’accuser la femme pour avoir abandonné son mary sans cause raisonnable, il peut sans doute pour rendre cet abandonnement plus criminel y ajoûter e reproche d’adultere. L’absence injuste de la femme est le sujet et le titre del l’accusation.

Fadultere est une circonstance qui aggrave cette accusation et qui la rend plus criminelle, ainsi ce n’est pas une accusation d’adultere formée par un heritier, il ne le propose pas même par exception, ce qui se peut,Loüet , I. D. n. 43. mais il lajoûte comme une suite et un effet de cet abandonnement déraisonnable qu’il luy est permis de reprocher à la femme, et on ne peut luy opposer le silence du mary pour une fin de non recevoir, parce qu’à proprement garler cette action ne commence à naître qu’aprés la mort du mary, et la Coûtume lartripue particulierement aux heritiers, ne punissant la femme que pour ne s’être pas trouvée avec son mary lors de son decez : Il est vray que le mary vivant pouvoit se plaindre de labsence et de la mauvaise vie de sa femme, s’il ne lignoroit pas ; mais comme elle pouvoit toûjours effacer sa faute en retournant avec luy, et que la Coûtume ne considere pas tant cette absence qui precede la mort, et qu’au contraire elle punit particulièrement cet abandonnement au temps du decez où la presence de la femme est plus necessaire à son mary, il est manifeste que la vengeance de ce mépris est reservée à lheritier. Je conviens que si la femme poursuivoit lheritier pour repeter sa dot, il ne pourroit luy reprocher son abandonnement et son adultere, parce que la Coûtume ne prive pas la femme de sa dot pour avoir abandonné son mary, et que l’heritier n’est pas recevable à former faccusation d’un adultere commis le mary vivant, lorsque le mary ne s’est point plaint ; mais la Coûtume privant la femme de son doüaire pour n’avoir pas été avec son mary lors de son decez, puisque le mary peut former l’accusation de l’abandonnement sans cause, il peut y ajoûter le reproche de l’adultere pour le rendre encore plus criminel et plus inexcusable : Aussi par l’Article 431. de las Coûtume de Bretagne, si la femme s’en est allée par fornication, le mary n’est tenu de la teprendre s’il ne veut. Mi d’Argentré dit que, petenti restitutionem obstat exceptio adulterii mais quand la femme a recherché son mary, et qu’il a refusé de la recevoir à cause de sa nauvaise vie, hec repulse causa probanda est ad amissionem doarii, pendet enim repulsae effectus à véritate causarum, que interim satis est ad transmittendam querelam ad heredem : or si lorsque la emme a voulu retourner avec son mary, et qu’il l’a refusée à cause de sa mauvaise vie, hoc satis est ad transmittendam querelam ad haredem : Lorsque la femme ne s’est point mise en devoir de rechercher son mary, cet heritier est beaucoup plus admissible à prouver l’abandonnement et l’adultere.

L’on a eu sans doute quelquefois un peu trop de relachement pour le châtiment de ces femmes impudiques, qui violent si impudemment tous les devoirs du mariage : en voicy un exemple. Demoiselle N. fut mariée en premieres nopces avec le sieur de S. Cyr, il la chassa de sa maison à cause de sa mauvaise vie, et il ne la reprit que moyennant trois mille ivres qui luy furent données : le sieur de S. Cyr étant mort elle épousa trois mois aprés François Hervieu, Ecuyer sieur de Monbose, lequel l’ayant surprise avec Dom Jean de Monfiquet, Prieur de S. Martin, il le tua d’un coup de Pistolet, et elle se sauva par une fenêtre : il fist informer contr’elle, la Cause fut évoquée au Parlement de Bretagne, où par Arrest il fut dit qu’il seroit pris trois mille livres sur le bien de cette femme pour être procedé à l’instruction et perfection de son procez. Depuis par l’autorité d’une personne de credit, son parent, elle fit cesser l’Information, et ils passerent une Transaction, par laquelle ls étoient separez de corps et de biens, et elle donnoit à son mary le tiers de son bien qu’elle ne luy avoit point donné par son Contrat de mariage qu’en cas qu’ils eussent des enfans, et ils n’en avoient point ; elle renonça même à pretendre aucun doüaire sur le bien de son mary de son vivant : Le sieur de Monbose moutut aprés avoir été cinq ou six mois malade, sans avoir été visité ny assisté par sa femme, et aussi-tost aprés elle intenta action contre son heritier pour son doüaire, son deüil et ses paraphernaux, elle fut deboutée de toutes ses demandes par le Juge de Vallongne : Sur l’appel le Févre, son Avocat, disoit que pour l’a-dultere son mary s’étoit desisté de la poursuite, qu’il luy avoit remis toute l’offense par cette Fransaction, et que par consequent son heritier n’étoit point recevable à luy objecter l’adultere ; que pour l’absence elle en avoit une cause raisonnable étant separée de corps et de biens, ce qui la dispensoit de se trouver auprés de son mary au temps de son decoz ; et elle pretendoit aussi que le divorce n’étoit point arrivé par sa faute, n’ayant point été convaincuë d’adultere par aucun jugement ; que son mary seul l’avoit causé par une jalousie qu’il avoit conçûë mal à propos. Le Quesne pour le sieur Hervieu, heritier du sieur de Monbose, répondoit que ces deux mariages n’avoient été qu’un adultere continuel : que pour empescher l’in struction du procez et sa condamnation elle avoit employé le credit de ses parens, mais que la Transaction en faisoit la conviction, qu’elle objectoit inutilement qu’on n’étoit pas recevable à l’accuser d’adultere, son mary en ayant abandonné la poursuite, puisque cette accusation n’étoit proposée que par exception, que par la Transaction elle étoit privée de son doüaire, il est vray qu’il étoit dit que c’étoit du vivant de son mary, mais l’heritier n’étoit pas exclus d’exercer contr’elle la sevérité de la Loy ; qu’en tout cas elle en étoit indigne pour avoir negligé de rendre aucune visite à son mary durant six mois de maladie, et de ne s’être pas trouvée auprés de luy lors de son decez, que la separation de corps. et de biens ne la dispensoit point de luy témoigner quelque déplaisir de son mal, sa qualité de femme l’engageoit à ce devoir, et cette separation de corps devoit cesser dans ces derniers momens pour venir effacer par ses larmes les outrages qu’elle luy avoit faits pendant sa vie, que jamais femme ne mérita mieux de servir d’exemple de la sevérité des Loix, ses adulteres étant notoites à tout le monde, qu’il faloit satisfaire la discipline et l’honnêteté publique, et qu’en un mot une femme si criminelle étoit inexcusable de n’avoir pas témoigné e moindre souvenir à son mary pendant six mois d’une facheuse maladie ; neanmoins suivant les Conclusions de Mr l’Avocat General de Préfontaines, la Sentence fut cassée, en ce que la veuve étoit privée de son doüaire, et on la confirma pour les habits et les paraphernaux, par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 5. d’Avril 1669.

Le motif de cet Arrest fut que lors de la plaidoirie l’on ne representoit aucune information, il y en avoit eu deux qui avoient été cassées par Arrest, parce qu’elles étoient contraires à la plainte du sieur de Monbosc ; d’ailleurs ladite Dame de Monbose par la Transaction n’étoit point privée de son doüaire aprés la mort de son mary, il avoit stipulé seulement qu’elle n’en auroit point de son vivant, bien qu’ils fussent separez : Elle produisoit même une Information faite par les parens du

Religleux, que ledit sieur de Monbosc n’avoit tué ce Moyne que par emportement et aprés une débauche excessive de vin, que ce Religieux étoit âgé de soixante ans, et que pour étouffer la poursuite que l’on faisoit contre luy il avoit donné de l’argent aux parens : Ces circonstances donnerent lieu à l’Arrest.

que si par la Transaction la femme eût été privée de son doüaire, la Cour n’y auroit pas donné d’atteinte, comme il fut jugé solennellement entre Anne des Essars, veuve de Pierre Roger le jeune, appellante du Bailly de Roüen, et Pierre Roger Tuteur des enfans dudit Pierre Roger, dont voicy le fait. Pierre Roger le jeune ayant soupçonné sa femme d’adultere fist informer contr’elle, il trouva des témoins qui en rapporterent assez pour la faire châtier. La femme ayant sçû cette procedure, pria le sieur des Essats son pere de la secourir dans son malheur, et de détourner le coup dont elle étoit menacée ; il y reüssit, et fist consentir le mary à se desister de l’Information et à faire une Transaction, par laquelle il étoit porté qu’à la priere et requête du sieur des Essars et de sa fille, et pour le bien des familles, ils consentoient à demeurer separez de corps et de biens, pourquoy elle renonçoit à jamais à demander aucuns droits moyennant la somme de trois cens livres de rente, laquelle étoit sa dot ; ils vécurent separez, et le decez du mary étant arrivé quatre ans aprés, sa veuve prit des Lettres de restitution : Pierre Roger l’ainé, Tuteur des enfans, soûtint que la Transaction devoit être executée, et par Sentences du Vicomte et du Bailly de Roüen elle fut évincée de ses Lettres de restitution. Il y avoit encore une circonstance dans le fait qu’il n’est pas inutile de remarquer, sçavoir que deux ans avant la Transaction le mary sur ses doutes qu’il avoit de l’infidelité de sa femme l’avoit mal-traitée, elle en avoit fait inforner, et pour finit la poursuite ils avoient transigé, et le mary luy avoit demandé pardon de son procedé, et avoüé qu’il avoit eu tort d’en user ainsi Renaud, sur l’appel de la femme, disoit que la Transaction ne pouvoit pas subsister, parce qu’elle étoit contre la Coûtume qui défend aux personnes mariées de se donner l’un à l’autre, ue quand il seroit vray qu’elle seroit coupable, il n’étoit point permis de transiger de l’adultere, que cela est absolument défendu par le Droit en la 1. Transigere, au Cod. de Tran-sact. que ce n’est point aux particuliers à se faire justice, qu’ayant stipulé qu’ils demeureroient separez de corps et de biens, cela étoit contre les bonnes moeurs et contre l’honnêteté publique, que cela ne se devoit faire que par autorité de Justice, qu’un mary débauché au point que l’étoit Roger n’étoit point recevable à accuser sa femme, qu’il l’avoit même maltraitée d’une si cruelle maniere, qu’elle avoit été obligée d’en porter sa plainte devant le Juge, dont il n’avoit pas voulu atrendre la preuve, qu’il avoit reconnu par la Transaction qu’il fist our arrêter la poursuite de sa femme, ses mauvais traitemens et ses violences, qu’il luy avoit demandé pardon, et qu’ainsi on ne pouvoit pas dire qu’elle fût coupable puisqu’il la reconnoissoit innocente, et qu’autrement il eût repoussé la plainte par la plainte ; qu’au reste un-Tuteur qui se sert du nom des mineurs contre leur interest et leur honneur, n’étoit pas recevable à cette poursuite, qu’il n’appartient qu’au mary de vanger l’honneur de son lit, et à poursuivre sa propre douleur.

Basnage le jeune répondoit que la Transaction n’étoit point contraire à la Coûtume, que Je mary n’avoit point profité du desordre de sa femme, mais que sa mauvaise conduite l’avoit renduë indigne du doüaire qu’elle demandoit, et qu’elle devoit s’estimer heureuse qu’on eût été si modéré dans la peine qu’on luy avoit imposée, et qu’on n’eûr pas retenu sa dot comme l étoit au pouvoir du mary de le faire, que cela ne reçoit pas même de difficulté par le Droit, comme on le voit par un exemple qui se trouve dans les Réponses d’Ulpien , d’un certain Ticinius qui ne prist une femme impudique qu’à dessein de la repudier, et de retenir une dot considérable qu’elle luy apporta, et la l. His solis au Cod. de revoc. donationibus en est une preuve évidente, que l’adultere n’étant point entre les jugemens publics on avoit pû en transiger, qu’on ne pouvoit pas obliger un mary à publier une infamie qui rejallissoit sur une fa-mille innocente, et sur sa personne, qu’en ces sortes d’affaires on sert de passe-temps au peuple qui rit égallement de celuy qui accuse et de celle qui est accusée, que c’étoit un jugement domestique et une sage précaution des parens assemblez, qui n’a rien que de loüable, et qui tache une honte qui ternit toute une famille, que la Transaction n’avoit point été faite par la fragilité d’une femme, ny par autorité maritale, mais à sa requête et à la priere de son pere ; que les Romains n’avoient défendu de transiger de l’adultere qu’en cettaines occasions, c’est à dire lors qu’il se trouvoit des maris assez insensibles sur le point d’honneur, que lors qu’ils avoient surpris leurs femmes en adultere ils laissoient le crime sans poursuite pour quelque somme qu’on leur donnoit ; c’est dans ce sens qu’il faut prendre la l. Transigere, au Cod. de Fransact. qui porte que Transigere nec pacisci de omni crimine capitali excepto adulterio, prohibitum non est. Qu’on avoit ignoré fort long-temps la véritable raison de cette Loy, qu’il y en avoit qui l’ont attribuée à l’atrocité du crime ; d’autres, comme Balde et Jason, ont crû que c’étoit une peine particulière à ce crime, in gratiam matrimonii, et parce qu’il étoit trop commun mais ceux qui ont le mieux penetré cette difficulté, ont dit que la Loy estimoit que c’étoit une espèce de prostitution que de dissimuler ce crime, quod in lenocinium transactio inclinare videretur ; ainsi quand l’Empereur a défendu de transiger, il n’a défendu que ce trafit sale et nonteux, et il est certain que la Loy ne s’observera que lors que la raison de la Loy aura lieu, c’est à dire lors que la Transaction ne fe pourra faire sans l’infamie du mary, et sans qu’il paroisse mettre son honneur à prix ; que ceux qui difent qu’on ne peut transiger de l’adultere se trompent bien fort, il y en a une preuve contraire dans la Nov. 117. L’Empereur avoit examiné tout ESPERLUETTEe qui appartient à la resolution du mariage, aprés avoir traité de l’adultere il finit sa Loy en disant, que igitur per prasentem et in aternum valitura nostra definivit tranquillitas, in omnibus praedictis casibus valere volumus, nisi tamen, aut judicio, aut amicabili conventione decisa sunt, ce qui est une preuve indubitable qu’on pouvoit en certains cas transiger de l’adultere ; ainsi il n’y a point de cas plus favorable qu’en la Transaction dont il s’agit, le mary n’avoit pû faire autre chose dans une si malheureuse rencontre que de separer de son lit et de sa famille celle qui le couvroit de deshonneur, loin de faire le trafic fale et honteux que la Loy défend, il ne l’avoit pas même privée de sa dot, quoy qu’il y fust autorisé par la Loy ; que cela se voit amplement traité dans Mi leBret , l. 1. Decis. 13. sur une pareille question qui se presenta au Parlement de Paris, par Arrest en l an 1619. la Transaction avoit été confirmée, et l’Auteur ajoûte qu’il n’avoit jamais vû qu’on eût fait difficulté de confirmer de semblables accords. Pour ce qui regardoit la clause de separation, qu’elle n’étoit point contre les bonnes moeurs, que son devoir l’y avoit engagé, la raison l’ordonne, la Coûtume des peuples y conspire, et tous les Peres y ont donné leur voix, parce que cels fait un scandale manifeste, et que cela donne à penser que le mary approuve ou fait semblant de ne pas voir les débauches de sa femme, qu’il ne faloit que lire le Chapitre non solum, au Decret deGratian , ca. 28. 4. 1. et le Chapitre si vir sciens aux Decretales, l. 5. Tit. de Adult. et stupr. pour dameurer d’accord de cette vérité, que devenant infidelle elle devenoit sa honte, et qu’il ne la devoit plus regarder comme sa femme puis qu’elle s’abandonnoit à d’autres : que quand il seroit vray que le mary auroit été un débauché, il avoit toûjours action pour accuser sa femme, la Loy dit bien que mutua delicta mutuâ compensatione dissolvuntur ; mais cela s’entend quand le mary a luy-même prostitué sa femme, c’est la Glose Accurse d’Accurse et le sentiment deBartole , et ce qui se voit par la Loy suivante, cûm mulier viri lenocinio adulterata fuerit, nihil ex dote retinetur, cur enim maritus improbet mores quos ipfe aut ante corrupit aut postea probavit : si tamen ex mente legis sumet quis ut ne accusare possit qui lenovinium uxori prabuerit, audiendus est ; mais en d’autres cas la femme n’est point reçûë à de-mander cette honteuse compensation, et le Jurisconsulte dit que hoc onerat quidem maritum, sed non excusat mulierem. La chasteté est le partage de la femme, sans elle toutes leurs autres vertus n’ont qu’un faux éclat, c’est pourquoy elles en doivent avoir un soin plus scrupuleux et plus exact, le pouvoir suprême qu’un mary a sur sa femme le met en droit de reprendre ses moeurs sans qu’elle puisse user de la même autorité, et la méchante vie d’un mary n’autorise jamais celle de la femme : Quà la vérité il avoit eu quelques emportemens, qu’il n’avoit pas été le maître de sa jalousie, qu’on sçait de quels effets cette frenetique passion est apable quand elle est aussi-bien fondée que l’étoit celle de ce mary, que si la conduite de sa semme étoit innocente dans le fonds elle auroit dû la faire paroître telle aux yeux du monde, que la femme devoit s’en prendre à elle-même d’avoir excité par son imprudence les inquieudes de son mary, que l’Empereur appelle ce ressentiment, justum dolorem en la l. si quis ff. ad leg. Jul. de Adulter. que s’il en avoit demandé pardon, c’étoit par les incertitudes de cette passion qui revient souvent à s’accuser elle-même ; qu’il avoit taché d’étouffer des soupçons dont il eût souhaité voir l’injustice ; qu’il avoit pris le party qui flatoit son repos ; qu’il avoit voulu s’en imposer et s’accuser de foiblesse, pour obliger sa femme à luy rendre la justice qu’il luy rendoit, mais que sa femme n’en usa que plus insolemment, et croyant avoir usurpé l’autorité maritale, elle s’étoit jettée dans des déreglemens qui l’avoient enfin obligé à faire voir que ses soupçons étoient bien fondez, et à justifier ses violences : Aprés tont que ce n’étoient point les enfans qui agissoient contre leur mere, que c’étoit elle qui agissoit contr’eux, que c’étoit une exception qu’ils luy opposoient, qu’elle ne devoit plus rien pretendre aux droits de la nature puisqu’elle les avoir violez ; qu’à la vérité les Romains preferoient l’action du mary, parce, dit la Loy, que propensiori jure, et majori dolore executurus est accusationem, mais s’il ne faisoit pas son devoir le pere étoit reçû ; ainsi on n’avoit rien à opposer à ce pere qui prenoit les interests de ses petits enfans, et d’autant moins que l’action ayant été commencée par le mary, elle ne pourroit pas être contestée à des heritiers qu’il n’y avoit rien de si certain dans le droit ; enfin qu’on devoit vanger un mary malheureux contre une femme qui avoit soüillé son lit, et qui ne se souvenoit d’être sa femme qu’aprés sa mort pour emorter une partie de son bien, et qu’on ne devoit pas souffrir qu’une femme foulant aux pieds les loix de l’honneur et la mémoire de son mary, triomphât insolemment de la pudeur de son fexe : Par Arrest du 8. de Mars 1678. la femme fut privée de son doüaire Il faut venir à l’autre question, en quel cas la femme peut être privée de son doüaire et des bienfaits de son mary pour la faute qu’elle a commise depuis sa mort : cette faute consiste ou pour s’être remariée avec trop de precipitation et dans l’an de deüil, ou pour avoir vécu impudiquement dans ce même temps.

On demeure d’accord que Romulus fut l’Auteur de cette Loy qui défendoit aux veuves de se matier dans l’an de leur viduité ; il est vray que du temps de ce Prince l’année n’étoit Gratian Theodose que de dix mois lunaires. Les Empereurs Gtatian, Valentinien, et Theodose I. ordonnerent que la défense de se marier dureroit pendant douze mois, l. 2. C. de Nuptiis ; mais comme cette Loy de Romulus n’imposoit aucune peine aux veuves qui la violoient, on les nota d’infamie par l’Edit du Preteur, et depuis les Empereurs y ajoûterent encore d’autres peines, et notamment elles furent privées de tous les bien-faits qu’elles avoient reçûs de leurs premiers tie Justinien maris. Justinien leur ôta expressément Sbonsalitiam largitatem, ce que quelques-uns voulant ppliquer à nôtre doüaire, Mr Cujas a fait voir leur erreur, ayant marqué la difference par a définition de l’un et de l’autre, Observ. l. 5. c. 4. Les Papes Urbain. etInnocent III . changerent cette jurisprudence sur la fin du douzième siecle, c. penult. et ult. de 2. Nupt. aux Decret. de sorte que ce n’est plus une question parmy nous, qu’une veuve n’est point coupable de se remarier dans l’an du deüil pourvû qu’elle ne soit point enceinte : Les Loix Ro-maines qui punissent ces mariages precipitez n’ont plus d’autorité, elles ne sont observées que dans les Parlemens de Languedoc et de Provence, et le Droit Canonique a prevalu dans les autres, parce qu’il paroissoit fondé sur l’autorité deS. Paul , Chap. 3. Epist. Ad Corinth. uxor alligata est lege, quamdiu vivit vir ipsius ; quod si obdormierit libera est ut cui velit nubat tantùm in Domino. Duaren estimoit, comme le témoigne Mornac l. 11. de his qui notantur infamiâ, que les Canonistes avoient mal comprisS. Paul , et donné une mauvaise explication à ses paroles.

Les Loix Romaines qui se pratiquoient alors ayant si hautement étably l’honnéteté publique, et ayant interdit aux veuves le retour au mariage pendant un certain temps pour satisfaire à l’honneur et à l’amitié conjugale, on ne doit point se persuader que ce grand Apôtre eût voulu renverser un usage si conforme à l’honnêteté publique, et qui étoit observé dans tout ce vaste Empire, et il n’ignoroit pas que Caligula qui avoit entrepris de cortompre toutes les bonnes moeurs venoit de publier un Edit, par lequel il permettoit à toutes les veuves de se remarier, en affirmant qu’elles n’étoient point enceintes ; de sorte, ditDuaren , que l’intention de S. Paul n’étoit pas de s’opposer à l’execution des Loix Romaines, ny d’autoriser la eu icence en permettant des nopces si precipitées, et qui auroient infailliblement causé du scandale parmy les Payens : Il vouloit seulement enseigner que les secondes nopces étoient per-mises, ce qui paroit par ces paroles ias di xoitanbù à asûp aornc iMGi et Scu d Wiaus vaunxucas aovor ir xupio, c’est à dire qu’il avoit bien permis à la veuve de contracter un second mariage, mais il ne l’avoit pas dispensée des regles de la bien-seance et de l’honnêteté, comme il l’auroit fait s’il leur avoit donné cette licence de passer sans aucun intervalle de la pompe funebre à la pompe nuptiale ; et pour prouver cette vérité, l’Apôtre n’avoit pas dit qu’elle pouvoit se marier Sûas diMd quand elle voudra, mais o dind à qui elle voudra Mais quand on s’attacheroit tout à fait à la disposition du Droit Canonique, et que ce ne seroit plus une faute à une femme de se rematier dans l’an du deüil, il y a neanmoins toûours quelque bien-seance à garder. Bien que la mort rompe en un moment le lien du mar riage, il n’est pas pourtant de l’honnéêtété qu’elle efface si promptement tout le souvenir d’une si fainte union, et un même tombeau ne doit pas enfermer et la personne et l’amitié que les conjoints s’étoient voüée : La veuve donc doit laisser écouler quelque intervalle de temps. raisonnable pour essuyer ses larmes, sur tout si son mary l’a engagée par ses bien-faits à res specter sa mémoire, comme il fut jugé en une Cause où je plaidois pour Jacques Julien, mary de Marie Behot : Cette femme avoit épousé en premteres nopces Pierre Vastel, qui luy donna ous ses meubles par son Testament, et s’étant remariée à Jacques Julien vingt-cinq jours aprés la mort de son mary, Guillaume Vastel frete et heritier du premier mary, soûtint qu’elle s’étoit renduë indigne de son doüaire et de son legs par un mariage si precipité : L’affaire pottée en la Cour sur des appellations incidentes, Maurry pour Vastel s’appuyoit sur l’au-torité des Loix Romaines, et qu’encore qu’on ne les pratiquât pas dans la derniere severité, neanmoins une precipitation si extraordinaire ne pouvoit demeurer impunie. Jrexcusois la precipitation de ce mariage par cette raison, qu’elle y avoit été engagée par la necessité d’éviter un party desavantageux auquel des personnes puissantes la vouloient engager ; Theodose qu’aprés tout les Loix Romaines, particulièrement les Constitutions des EmpereursGratian , Valentinien, et Theodose, avoient été faites sur des motifs qui ne subsistoient plus, car bien que dans le siecle de ces Empereurs les secondes nopces ne fussent pas condamnées, elles n’étoient pas neanmoins beaucoup approuvées, comme ce passage de Saint dièrôme le prouve, fecundas nuptias concedimus, sed non appetimus, et c’est pourquoy on leur imposoit de si dures conditions ; mais dans les siecles suivans ces scrupules s’étant effacez, on n’a plus traité si rigoureusement les femmes qui se remarioient dans l’an de leur deuil, pourvû qu’il ne se rencontrât point de confusion de sang, que c’étoit la doctrine de tous les Parlemens du Royaume, à la réserve de ceux de Tolose et d’Aix, ce qui étoit confirmé par du Moulin sur le Titre des Fiefs, que hodie mulier nubens infra annum luctis non perdit sibi à marito relicta, nec ex capite ingratitudinis quia pena festinationaes matrimonii sunt sublatae : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 5. de Mars 1649. on priva la femme de la donation testamentaire à cause du peu de temps qui se rencontroit entre la à mort du mary et le deuxième mariage, qui n’étoit que de vingt-six jours ; mais on ne luy ôta pas son doüaire.

En cette même Cause je citois un Arrest donné sur ce fait. Le Brun voulant faire avantage à sa femme, trois jours avant sa mort vendit sa Charge de premier Huissier en la Cham-pre des Comptes, et par son Testament où le sieur le Gendre avoit signé comme témoin, il luy donna tous ses meubles ; trois mois aprés sa mort cette femme épousa le sieur le Gendre, les heritiers formerent action pour la faire déclater indigne de son legs et de son doüaire, vù son ingratitude envers son mary qui luy avoit donné plus de trente mille livres, et d’aileurs il y avoit un soupçon vehement que leur commerce avoit commencé du vivant du mary, et neanmoins les heritiers furent deboutez de leur action.

Et pour montrer avec quelle indulgence l’on a traité autrefois ces mariages si precipitez, la veuve d’un nommé le Royer s’étant remariée six semaines aprés la mort de son mary ne fut point privée de son legs, par Arrest du 22. de Févriet 1650. Cette precipitation n’étoit gueres moins criminelle que celle de vingt-six jours, et cependant la décision en fut contraire. Il est juste pourtant de ne souffrir point ce déreglement, la bien-seance, le devoir et l’honnêteté obligeant les femmes à ne pas effacer si-tost de leur coeur le souvenir de leur alliance : C’est par un motif si juste et si honnête que le Parlement de Tolose déclare les veuves indignes de legs et de l’augment de dot, lors que non seulement elles se remarient dans l’an de deüil, fais aussi celles qui se fiancent dans l’an par paroles de present, les mêmes peines sont décernées contre les unes et les autres, mais cela n’a pas lieu quand les promesses sont faites par paroles de futur, parce qu’elles ne font pas le mariage, Sponsalia enim spem futurarum nuptiarum appellamus ; mais celles qui se font par paroles de present sont de vrayes nopces, suivant le Chapître ex sponsalibus, ext. de Sponsalibus. Aussi la Cour a été depuis plus rigoureuse contre une femme qui s’étoit fiancée trois ou quatre jours aprés la mort de son mary, et qui s’étoit mariée un mois aprés. L’Arrest fut donné entre Blaise le Hongre, Tuteur des enfans de Fran-çois Doublet, appellant de Sentence renduë par le Bailly de Roüen on son Lieutenantur Ponr levéque, et Jean le Grand Commis aux Aydes, et Marie Brunet veuv en premieres nopces de François Doublet, intimez, dont voicy le fait.

François Doublet étant mort le S. de May 1674. Marie Brunet sa veuve se remaria le 4. de Juin ensuivant avec Jean le Grand ; il étoit certain par une Requête presentée à l’Official de Lysieux qu’elle luy avoit engagé sa foy quatre ou cinq jours aprés la mort de son marys e Tuteur luy contesta son doüaire, mais il luy fut ajugé par Sentence du Bailly : Sur l’appel du Tuteur, Auber de Tremanville son Avocat, disoit qu’une conduite si outrageuse à a mémoire de son mary méritoit un châtiment exemplaire, que mettant à part une precipication si infame, par le Droit Civil la veuve qui dans l’an de viduité se rematie devient infame, decreto au Cod. quibus ex causis inf. irrog. et par les Loix 1. et 2. au C. de secundis Nuptiis omnia que de prioris mariti bonis, vel jure Sponsalium vel judicio defuncti conjugis consecuta fuerit amittit. Et la Novelle 22. de Nuptiis, au Chapitre 22. dit la même chose, érit omnino mulier propter nuptiarum festinationem infamis, neque percipiet aliquid horum que à priore relicta sunt.

On a crû qu’un an étoit le moins qu’une femme pouvoit donner à la mémoire de son mary, que c’étoit blesser la pudeur et la reverence qu’on doit au public, et faire un aveu d’une incontinence honteuse : qu’on ne devoit point opposer le Chapitre penultième et dernier, de fecundis Nuptiis, aux Decretales, parce que le Pape n’avoit pû abroger les peines établies par les Loix, que ce seroit passer les limites dans une chose où il n’est pas absolu ; en effet il ne la pas entrepris, et il est aisé de voir par ces deux Chapitres qu’il n’a ôté que l’infamie, infamia, disent-ils, aboletur, c’est le sentiment de M’Cujas sur la l. 1. au C. de secundis Nuptiisi et du Moulin sur le même Titre, appelle l’opinion contraire errorem Canonistarum. S. Paul a bien dit nubat, mais il ajoûte in Domino, il faut que le mariage se fasse dans les voyes legitimes. Jesus Christ n’a point de part à ces mariages qui se font contre l’honnêteté publi-que, et n’autorise point ce libertinage effrené. Bérault, sur l’Article 377. en rapporte un Arest ; l’Auteur de la Bibliotheque du Droit François en rapporte jusqu’à douze Arrests du Parlement de Tolofe qui autorisent cette jurisprudence ; et il y en a un de ce Parlement du 22. de Février 1666. au Rapport de Mr de Vigneral, posterieur à tous ceux-cy, par lequel on imposa cette peine aux femmes ingrates et sans pudeur, que même pendant la maladie de Justinien on mary elle ne l’avoit pas assisté, et qu’elle n’avoit fait venir des medecins que pour s’assuter par leur témoignage qu’il n’en échaperoit point ; que Justinien en la Novelle 39. u Chapître 2. de restitutionibus, en apporte cette raison, ne qua prastiterit suspicionis maligna causa parce qu’un si grand empressement donne de justes soupçons d’une conduite criminelle du vivant du mary

Mauduit pour l’intimé representoit que toute l’indignité de cette precipitation retomboit sur l’appellant, lequel avoit été le seul auteur d’un engagement si prompt, ayant obligé cette reuve de consentir à ce mariage, au Contrat duquel il avoit luy-même signé, et assisté à la celebration qui en avoit été faite en sa presence, et de la pluspart des autres parens du premier

mary, par le propre Curé des parties, en consequence d’une Requête presentée à l’Official, dans laquelle à la vérité on avoit énoncé qu’ils s’étoient promis leur foy un mois auparavant, afin d’obtenir plus facilement la Dispense des trois Bans qui leur fut accordée ; qu’il étoit étrange d’entendre l’appellant se plaindre d’un mal qu’il avoit luy-même causé, et venir reprocher une conduite dont il étoit le seul coupable, que toutes ces considerations le ren-doient non recevable à disputer le doüaire à cette veuve, qui avoit toûjours vécu dans une parfaite intelligence avec son mary, qu’on ne pouvoit pas dire qu’il eût jamais formé la moindre plainte contrelle ; que ses actions passées justifioient l’innocence de sa vie, qu’elle ne l’avoit pas quitté un seul moment pendant sa maladie, l’ayant assisté jusqu’à la mort, qu’elle luy avoit rendu les derniers devoirs avec tout le déplaisir qu’on pouvoit attendre d’une femme véritablement affligée ; que si sa douleur n’avoit pas eu des suites plus longues, l’appellant le devoit imputer à ses empressemens ; qu’une jeune femme comme elle âgée seulement de vingt-cinq ans chargée d’affaires, sans enfans, sans experience, et qui ne prevoyoit point la consequence d’un mariage si precipité, se laissa aisément persuader per se imbecilla res est semina, et offert mfirmitati naturali, non leve pondus quod vidua si ; qu’enfin elle n’avoit rien oublié de ce qu’elle devoit à son premier mary pendant sa vie, qu’elle attendoit toute preuve au contraire. Mais aprés tout, que quand cette déférence qu’elle avoit euë pour les conseils de l’appellant ne la rendroit pas entièrement favorable et exempte de faute, il étoit cettain qu’une veuve se remariant dans l’an du deüil n’encouroit point les peines portées par le Droit Civil, lesquelles avoient été corrigées par les Decrets des Papes suivant le conseil deS. Paul , et par les Arrests qui permettoient aux femmes de se remarier incontinent aprés la mort de leurs premiers maris, pourvû neanmoms que la confusion du sang, ou l’incertitude de l’état de l’enfant ne se rencontrassent point dans ces secondes nopces, ce qu’on ne pouvoit pas reprother à cette veuve, puisqu’elle n’étoit accouchée que douze mois aprés le décez de son pre-mier mary, que les défenses du Droit ne pouvoient s’étendre jusques à empescher la liberté des mariages, peccata interdicit Deus, non matrimonia, qu’encores bien que des secondes nopces si precipitées soient en quelque façon honteuses et contre la bien-seance, qu’elles n’étoient pas pour cela criminelles, qu’aussi cette liberté accordée aux veuves de se remarier dans l’an du deüil étoit si bien établie, que par Arrest de l’année 1648. rapporté dans le premier Tome du Journal des Audiences, on avoit ajugé le doüaire à une veuve qui s’étoit comportée impudiquement dans le dixième mois de l’an de son deüil avec celuy qui l’avoit des puis épousée ; et par un autre Arrest de ce Parlement de l’année 1652. une femme qui s’éoit remariée quatre mois aprés la mort. de son premier mary, ayant accouché cinq moit treize jours aprés son second mariage, n’avoit pas été privée de son doüaire, ce qui faisoit bien voir que les secondes nopces étoient permises en tout temps, et que lors qu’on la limité l’étoit pour conserver plus d’honnêteté dans les mariages ; mais que quand au prejudice de cette regle que la bien-seance feule avoit introduite une femme se remarioit dans l’an du seüil, il étoit d’une jurisprudence certaine qu’elle ne perdoit point son doüaire, que les peines établies par le Droit contre les nopces prematurées avoient été entièrement revoquées par les deux Chapitres cu-dessus citez aux Decret. de Sec. Nupt. sur lesquels les Docteurs avoient agité deux questions, dont la premiere êtoit de sçavoir si la peine étoit remise avec l’infamie ; et la seconde, si la veuve n’étoit point du moins forcée d’attendre quelque temps avant que de passer à un second mariage, et ils ont répondu que non solum Cano. les liberant talem mulierem ab infamia, sed ab omni penâ quam exprimit lex, et statim licet ex quo tempus non adjicitur ; qu’en effet on ne devoit pas dire que la veuve n’encouroit plus d’infamie, mais que la peine subsistoit toûjours, puisque la peine et l’infamie sont presque inseparables, et que l’une est la marque de l’autre, que n’y ayant aucun temps prescrit par l’Apôtre pour les seconds mariages, il faloit interpreter la permission qu’il en donne dans toute son étenduë, jussit juniores viduas nubere, que tous les Auteurs qui avoient traité cette question s’étoient soûmis à cette jurisprudence, et étoient d’avis qu’une femme se remariant dans l’an du deüil ne pouvoit être privée de son doüaire : Rebuffe en sa Preface sur l’Orlonnance frustra, inquit, de penis fecundo nubentium disputaretur, cum nullae in patriam con-netudinariae observantur. Du Moulin sur le premier Titre de la Coûtume de Paris, au Thesaurus 5. 30. num. 243. pona festinationis matrimonii sunt sublata : Et Antonius Thesautus en sa Question 18. n. 13. pour appuyer cette même opinion cite un Arrest pour une femme remasiée trente jours aprés la mort de son mary, à laquelle on ajugea son doüaire, et cette dif-position, ajoûte-t’il, est d’autant plus juste lorsqu’il n’y a point d’enfans du premier mariage, parce qu’il faut toûjours presumer que c’est plûtost la passion d’être mère qui porte une veuve à se remarier que l’envie d’avoir un mary, non libidinis explendae, sed in spem suscipiendae prolis, Mais qu’enfin on pouvoit dire que la femme de l’intimé avoit attendu tout le temps ordonné même par les Loix Civiles, la maladie dont son premier mary étoit mort ayant duré plus de treize mois, comme il demeuroit constant par l’attestation des Medecins, étant cettain que la viduité qu’une femme endure pendant une si longue maladie, est pour le moins aussi penible et difficile à supporter que celle qui suit aprés sa mort

L’impudicité

de la veuve la

prive de ses

droits.

vir tuus agrotat tua sors magis ergo dolenda est, Quam si parca ferox jam rapuisset eum. Nimirum tibi sic alius contingere posset Qui reparet vidui tristia damna thori. Et dum sic frueris quasi nullâ fronte marito Is velut in mediis Tantalus alter aquis.

Qu’au resLe on n’étoit point dans le cas des peines établies par le Droit, qui privoit seunlement les femmes remariées dans l’an du decez de leurs maris des avantages qu’elles avoient reçû d’eux, c’est à dire des donations à cause de mort, ou des faveues portées par leurs petamens, qu’il étoit certain que le doüaire n’étoit point une pure liberalité du mary, datu-propter delibatam pudicitiam, que c’étoit plûtost une donation remuneratoire qui ne se revoque point ; que c’étoit la recompense des avantages qu’une femme luy avoit faits et qu’on luy ccordoit en consideration du don mobil qu’elle luy avoit donné, ainsi qu’on devoit regar der de doüaire comme une dette legitime et la plus favorable du monde, qu’on faisoit marcher d’un pas égal avec la dot et trévétuë des mêmes privileges ; que cette petite portion qu’avoit la femme sur les biens de son mary luy étoit donnée pour servir d’alimens ; que c’étoit un droit réel qui ne s’éteint que par la mort ; et ce qui rendoit enfin cette dette tout à fait recommandable, ce n’étoit qu’un simple usufruit qui finit par la mort, dotalitium est usufructus terta partis bonorum mariti qui superstiti uxori conceditur, ideb vitalitium appellatur et à lege non tantùm, sed ex nâturali aequitate, aut potius pietatis officio alimenta debentur. Par Arrest de l’11. de Février 1678. la Cour en reformant la Sentence priva la femme de son doüaire. quand l’on traiteroit favorablement ces mariages precoces, on ne doit pas faire la même grace à la veuve qui se conduit impudiquement dans l’an du deüil, car tous nos Auteurs conviennent qu’elle est privable de son doüaire et de toutes les liberalitez qui luy ont été faites par son mary, conformément à la Novelle 39. c. 2. Comme le doüaire est le prix de la vintinité et la recompense de la pudicité de la veuve, la perte de son doüaire est la peine de son incontinence et de sa prostitution : Les Arrests du Parlement de Paris qui l’ont jugé de a sorte sont rapportez par AnneRobert , l. n. 1. Rer. Jud. c. 3. Chenu 1. Cent. d. 16.Loüet .

I. n. 4.Molin . de Feud. 8. 42. gl. 1. n. 143. jusques-là même que la veuve d’un déchargeur de poudres de l’Artillerie qui joüissoit par les Ordonnances de l’exemption et du privilege de Fresne son mary en fut privée, par Arrest de la Cour des Aydes de Paris. Du Fresne en son Journal les Audiences, l. 2. c. 82. Et en ce Parlement il fut jugé lors que Mr de la Mailleraye Lieutenant General pour le Roy en Normandie y vint prendre seance, qu’une femme qui avoit vécu impudiquement et qui étoit accouchée dix mois quatre jours aprés l’enterrement de son mary qui avoit été malade trois semaines, étoit privable de son doüaire : Dans l’espèce de cet Arrest la femme étoit non seulement coupable d’impudicité, mais aussi d’avoir supposé un enfant qui ne pouvoit être des oeeuvres de son défunt mary : aussi il fut declaré bâtard, quoy que cette veuve soûtint contre sa partie qu’il avoit été tuteur de cet enfant pendant treize années, et qu’il eût été reconnu legitime et posthume, et qu’on devoit remettre à disputer de son état aprés sa majorité, suivant l’Edit Carbonien.

I arrive Souvent que la veuve qui se prostituë si promptement dans l’an du deüil, pour reparer en quelque sorte sa faute épouse celuy cum quo commercium libidinis habuerat, et on demande si par ce mariage elle peut éviter la peine qu’elle avoit méritée 1 Il se trouve un Arrest dans le Journal des Audiences, l. 5. c. 25. par lequel les heritiers furent deboutez de leur action pour faire priver une veuve et du doüaire et des liberalitez de son mary pour avoir vécu impudiquement dans l’an du deüil avec celuy qu’elle avoit épousé, mais cet Arrest Fresne fut donné sur les circonstances particulieres du fait qui sont remarquées par l’Auteur, et l’Arrest contient que c’étoit sans tirer à consequence, ce qui fait dire à du Fresne que l’exception apposée en l’Arrest firmat regulam in reliquis, et c’est aussi le sentiment deBrodeau , l. I. n. 4.

On a jugé néanmoins le contraire en ce Parlement pour une veuve fort criminelle et fort digne d’un severe châtiment. Jacques Bichue épousa Marguerite Moreau contre la volonté le ses parens : aprés avoir langui quelque temps d’une maladie, que même les Medecins n’estimoient pas naturelle, il mourut le 23. de Février 1646. Le 16. de Juin ensuivant cette reuve signa un Contrat de mariage avec un Sergent nommé Jean Luce ; le dernier du même mois ils furent mariez, et le 13. de Decembre ensuivant elle accoucha d’une fille qui véeut jusqu’au 7. de Février 1647. Je plaidois pour Denis Bichuë, Tuteur des enfans du premier mariage, qui pretendoit la faire priver de son doüaire : pour cet effes je representay que le mariage étant institué pour ces deux fins, la generation des enfans et le remede à l’incontinence, comme ces deux passions pouvoient rester aussi puissantes dans le coeur d’une femme qu’elles étoient lors qu’elle fut mariée la premiere fois, on ne pouvoit luy défendre l’usage. du mariage, et sans doute le sentiment. de ceux qui condamnoient les secondes nopces et les appelloient un honnête adultere étoit trop rigoureux ; mais en permettant les secondes nopces la veuve n’étoit pas dispensée de garder quelque bien-seance, naturellement les amitiez legiimes ne s’abolissent que par le temps, la veuve doit donner cours à ses larmes et plaindre, sa perte durant quelque mois ; c’est pour luy en conserver quelque souvenir que l’on rend dugubres tous les objets qui senvironnent ; que si par un relachement des bonnes moeurs on permis aux veuves de se remarier dans l’an de leur deüil, on n’a pas eu la même indulgence pour celles qui se prostituent dans le même temps ; car, comme dit duMoulin , dt feud. 3. 42. Gl. 1. n. 144. quoy qu’on ait relaché les peines imposées par les Loix Civiles contre la precipitation des secondes nopces, elles demeurent en leur vigueur contre la veuvé qui se gouverne impudiquement dans l’an du deuil, et elles ne sont corrigées par aucune Constitutron, non fit correctio in viduâ se mox, hoc est intra annum, prostituente quod semper manet veritum et penis juris subjectum.

Or elle étoit convaincuë d’impudicité par des preuves lrreprochables ; son premier mary étoit mort le 23. de Février, le dernier de Juin elle s’étoit mariée, elle étoit accouchée d’une fille qui avoit vécu jusqu’au 7. de Février ensuivant ; si cette fille étoit un fruit de leur conjonction precedente, elle tomboit dans la peine de toutes les Loix qui condamnent la femme qui se remarie lors qu’elle est grosse, et l’on peut dire qu’elle commet un véritable adultere car étant vray que le pere revit en son ensant, comme cet enfant tandis qu’il est encore dans e ventre de sa mere n’est reputé qu’une même chose avec sa mere, elle demeure aussi en quelque façon une même chose avec son mary, jusqu’à ce que cet enfant étant separé d’elle par la naissance, cette union conjugale soit entièrement dissolue ; mais auparavant n’étant point déliée de la puissance de son mary tandis qu’elle le porte encore dans ses flancs, et qu’elle enferme dans ses entrailles sa substance et un autre luy-même, c’est un adultere et non pas un mariage qu’elle contracte en cet état là.

Que si l’on ne peut reputer cet enfant une production du premier mariage, quoy qu’il soit né neuf mois treize jours aprés la mort de son mary, parce qu’il avoit langui quelque temps. d’une maladie mortelle, il ne peut aussi aavoir été conçû depuls la celebration du second mariage, puisqu’il est né einq mois treize jours aprés, et qu’il a vécu prés de deux mois, ce qui ne se peut, ainsi il est vray-semblable qu’elle a voulu reparer une faute par une autre.

Ce Févre pour la femme l’excusoit sur ce que celuy qui favoit débauchée avoit remis les choses dans l’etat d’un mariage contracté dans l an de deüil, ce qui reparoit l’injure qu’elle avoit faite à son mary, et rendoit l’enfant legitime : Par Arrest du 6. de Février 1652. le doüaire fut ajugé à la femme.

Cependant par un autre Arrest du 22. de Février 1666. au Rapport de Mr de Vigneral, entre Nicolas Bourse ayant épousé la veuve d’un nommé Besongnet, et Hebert, Tuteur des enfans dudit Besongner, on priva la veuve de son doüaire pour avoir vécu impudiquement avec ledit Bourse, son cousin germain, dans l’an de deüil, ce qui étoit constant par la Dispense obtenuë pour se marier, outre que c’étoit un inceste : Et par Arrest du Parlement de Fresne Paris, remarqué par du Fresne, l. 2. c. 82. une veuve qui s’étoit comportée impudiquement dans l an de deüil fut deelarée déchué des privileges de son mary, quoy qu’on alléguât qu’il n’y avoit point de Loy ny de Constitution qui portât cette peine, et que le cus des Loix première et seconde, de Secundis Nuptiis, ne devoient pas souffrir d’extension.

Pierre Richard épousa en premieres nopces Jeanne Labbé, lors veuve de Jean le Messe, et de ce mariage étoit sorty Jacques le Mefse qui épousa Marie Sanson, ladite Sanson aprés de décez de Jacques le Messe convola en secondes nopces avec Marin le Gras, pere de Pierre le Gras ; ladite Labbé et ledit le Gras étant decedez, Pierre Richard épousa ladite Sanson, ce nariage fut contesté par Pierre le Gras, ce qui fit naître ces deux questions ; la première, ss le mariage dudit Richard avec ladite Sanson, bru de ladite Labbé, premiere femme dudit Richard, étoit valable ; et la deuxiéme, si ladite Sanson pouvoit être privée de son doüaire à cause de son incontinence ; Le Vicomte de Caen l’avoit privée de son doüaire, dont elle et ledit Richard son mary étoient appellans. Quant au mariage ledit Richard soûtenoit qu’il ne pouvoit recevoir aucune atteinte étant hors le cas du Chapitre non debet de consang. et affin. aux Decret. et à l’égard du doüaire le motif qui avoit porté le Juge à l’en priver ne pouvoit être fondé que sur l’incontinence de ladite Sanson ; or il ne paroissoit point par aucune piece du procez qu’elle se fût abandonnée à personne, ny même qu’elle eût souffert aucunes visites que celles dudit Richard, ayant passé non seulement la première année de son deüils mais encore prés de quatre ans dans une continence tres-réguliere et une conduite irreprochable, de sorte que le Juge n’avoit eu aucun prerexte valable pour la priver de son doüaire.

Pierre le Gras intimé répondoit que le Chapitre non debet ne pouvoit être entendu de l’affinité du second degré contractée en la ligne des ascendans et des descendans, et pour l’in-continence que la preuve en étoit faite par son propre Contrat de mariage ; car par iceluy ledit Richard reconnoissoit que l’enfant dont elle étoit enceinte étoit de ses oeuvres, ce qui marquoit qu’elle n’avoit pas vécu dans une continence si regulière. Ledit Pierre le Gras étoit appellant comme d’abus d’une Bulle du Pape, et de l’enterinement d’icelle par l’Official de.

Sayeux : Par Arrest du 26. de Mars 1672. au Rapport de Mr de la Vache, la Cour sur l’appel de la Sentence qui privoit ladite Sanson de son doüaire, et qui ordonnoit qu’il seroit de-iberé sur la validité du mariage, mit l’appellation et ce dont, et faisant droit sur l’appel comme l’abus l’appellation au neant, et neanmoins ladito Sanson fut condamnée en-cmquante livres d’amende

a l’égard de la question du doüaire, rincontinence dont ladite Sanson étoit accusée n’étoit pas assez grande pour donner lieu à la privation du doüaite, elle n’étoit pas accusée d’avoir mal vécu dans l an de son deüil, mais seulement de s’être abandonnée audit Richard qui reparoit tout par le mariage.

Pour l’autre question touchant la validité du mariage elle recevoit beaucoup plus de difficulté, j’en ay rapporté une espèce pareille sur l’Article CCXXXV. elle fut appointée, et on se fonda sur ce qu’avant le Concile de Latran les mariages entre alliez étoient défendus jusqu’au quatrième degré, mais que par le Concile la prohibition avoit été reduite au premier degré, ce qui s’étoit toûjours pratiqué depuis, et que pour cette raison on ne donnoit plus à Rome de Dispenses pour ces sortes de mariages comme étant inutiles ; qu’il n’y avoit point de Loix ny d’Ordonnances contraires à cette doctrine, que les Arrests qui les avoient reprouvez avoient été donnez pour des mariages non célebrez, et non contre ceux qui étoient ce-lebrez et consommez, que n’y ayant point d’empeschement dirimant il seroit rigoureux de les annuller, et neanmoins pour marquer que la Cour les toleroit et ne les autorisoit pas bsolument, ladite Sanson fut condamnée en cinquante livres d’amende. Il est certain que dans la Loy Divine il ne se trouve aucune prohibition de mariage dans ce degré, et que même selon le sentiment d’Axo in summâ aureâ in Tit. Cod. de Nuyt. n. 13. multa affinitatis. tenera ad illaqueandos homines à Pontificibus inventa fuêre, et que ce fut avec raison que le PapeInnocent III . en abolit la meilleure partie, et qu’il rétreignit ces prohibitions au premier degré d’affinité, et c’est pourquoy il n’est pas défendu à deux freres d’épouser les deux soeurs, la mère et la fille peuvent épouser deux freres, un homme peut se marier à la veuve du frere de sa premiere femme, parce qu’il n’y a jamais eu d’affinité entr’eux, est enim ea necessitudo inter conjugem et alterius conjugis cognatos, non inter conjugem, et eos qui conjugis cognatis junguntur : Cependant le sentiment de Papinien me paroit toûjours le plus honnête et le plus loüable, uxorem quondam privigni conjuofl-vitrici emmatrimonio non oportere, nec in matrimonium convenire novercam ejus qui privigna maritus fuit, c. 15. de Ritu Nupt. parce qu’il y a toûjours quelque pudeur et quelque honnêteté qui fait obstacle à ces mariages, en tout cas on ne les doit tolerer que quand l’opposition est formée aprés la celebration.

On a traité cette question au Parlement de Tolose, si la femme qui s’étoit fiancée par paroles de present dans l’an de deüil avec l’ennemy capital de son mary, perdoit le legs qui luy avoit été fait ; On pretendait que le legs étoit censé revoqué par la seule presomption dont le Jurisconsulte se sert en la l. 2. ff. de di. leg. en laquelle on demande si le legs eft dû au legataire qui est devenu ennemy du Testateur, et si quidem, dit-il, eapitales vel gravissimae injuria intercesserunt, ademptum videtur quod relictum est : Par cette même raison il n’y a pas d’apparence que si le Testateur eût piévû que sa femme eût épousé son ennemy capital il eût usé de liberalité envers elle : que si dans la Loy 28. Cod. de inoff. testament. une mére se rend indigne de la succession de son fils en se joignant d’amitié avec fes ennemis, devesant par cette liaison en quelque façon son ennemie, à plus forte raison une femme est pri-vable du legs qui luy a été fait : par le défunt, puisqu’il n’y a point de societé plus étroite que celle du mary et de la femme : en se remariant avec l’ennemy capital de son mary, elle donnoit sujet de croire qu’elle ne l’avoit pas regardé en cette qualité durant la vie de son mary, et qu’au contraire elle avoit eu de l’affection pour luy puisqu’elle l’avoit épousé dans l’an du deuil, et elle ne pouvoit témoigner plus ouvertement qu’elle n’avoit point aimé son mary qu’en faisant paroître à son ennemy qu’elle étoit insensible à sa perte. La femme répondoit que bien qu’elle se fût fiancée dans l’an de son deüil, elle ne devoit pas être privée de son legs, que virum eliget intra id tempus sponsam fuisse non nocet l. solet ff. de his qui nec infam. Sur quoy M’Cujas dit, mulierem sponsalitia sibi interim querere posse illesâ existimatione. et qu’on luy reprochoit injustement d’avoir épousé l’ennemy capital de son mary, puisque la Loy du Christianisme ne souffroit pas les inimitiez, et qu’elle condamnoit les ressentimens, Cassiod turpe est homini orthodoxo refricare injurias et odiorum sopitos cineres suscitare, Cassiod. de amicitiâ, c. 16. qu’il seroit inhumain de faire passer leurs haines jusques dans le tombeau : Clau dantur odia cum sepultis. Les enfans qui succedent à leurs peres ne doivent pas succeder à leurs inimitiez, nihil est iniquius quam aliquem fieri haredem odii patermi,Senec . l. 2. Par Arrest du Parlement de Tolose la femme fut privée de son legs ;Cambolas , l. 1. c. 2