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CCCLXXXII.

Droit de viduitè appartenant au mary.

Homme ayant eu enfant né vif de sa femme, joüit par usufruit tant qu’il se tient en viduité de tout le revenu appartenant à sadite femme lors de son decez, encore que l’enfant soit mort avant la dissolution du mariage : et s’il se remarie, il n’en joüira que du tiers.

On trouve l’origine du Droit de Viduité dans nôtre ancienne Coûtume établie en Angleterre, il est appellé Courtoisie d’Angleterre ; Tenant par la Curtesie Dengleterre est lo homme prend femme saisi en fée simple ou en fée taille generale ou saisie comme heire et taille speciale et ad issus per même la femme mâle on femelle ores vifiée soit issuè aprés mort ou en vie si la femme de vie le paron ( c’esssa dire le mary ) tiendra la terre durant sa vie par la loy Dengletarre et est appells tenant per le Curtesie Dengleterre pur ce que l’en n’en use en alcun autre Realme fors que tant seulement en Angleterre et ascuns ont dit que si ne sera tenant per le Curtesie sinon que l’enfant qu’il ad par sa femme soit oye erir carparle crie est prouvé que le onfant ne vifus ;Lithleton , Art. 4.

Illa est nationis nostrae humanitas, ditCouvellus , Institut. Iur. Angl. l. 2. t. 2. 8. 8. ut siquis feminam heredem ducat, et ex ea prolem gignat que viva prodit in lucem terras de quibus uxoris nomine saisitus in vita est ea mortua integras ad vita sua terminum retineat, quam legem aliqui Henrico tribuunt. Mais il y a plus d’apparence que c’étoit un des Articles de l’ancienne Coûtume de Normandie, epuisque cela s’observe encore aujourd’huy parmy nous ; Thomas Smith dit la même chose en sa Republique d’Angleterre, l. 3. c. 8. Si proles nulla ex conjugio nascitur, pradium ad proximos heredes jure nuptiali devenit, si primum mortem obit : sin aliquem nasci l contigerit qui se esse vitalem clamando demonstret fundi ususfructus ad virum recidet, tametsi infans continuo morte absumatur. Il y a cette difference que nôtre Coûtume ne donne au mary l’usufruit entier que tant qu’il se tient en viduité, et c’est pourquoy nous l’appellons Droit de viduité ; mais ces paroles, s’il se remarie, sont de Coûtume nouvelles Par l’ancien Droit des Romains, ut catera boua adventitia, ita etiam bona materna per filium. Constantin aut siliam familias patri acquirebantur pleno jure : mais par la Constitution de Constantin, l. 1.

C. de Bon. Mater. ce droit des peres fut reduit au simple usufruit. Res que ex matris successione sive ex testamento, sive ab intestato fuerint ad filium devoluta, ita fint in parentum potestate, ut urendi, fruendi dumtaxat in diem vita facultatem, dominio videlicet earum ad liberos pertinente, Justinianus quod & generaliter Justinianus admisit in bonis omnibus adventitiis filio Nôtre Coûtume est différente en ces deux points : Le premier, que par la Loy quatrième du même Tître, le pere en se remariant ne perdoit point cet usufruit entier, et cet Article lesreduit au tiers. Le second, que cet usufruit appartenoit au pere en tous les biens adventifs du fils de famille en quelque temps qu’il leur éohussent, et cet Article n’accorde cet usufruit au mary que sur les biens que sa femme possedoit au temps de sa mort : ce droit est particulier aux Normans, l’on en trouve plusieurs Arrests dans lEchiquier, et cette longue antiquité est une marque de sa justice, car la meilleure preuve de l’équité d’une loy est qu’elle ait été observée inviolablement durant plusieurs siecles.

Il est certain que ce droit de viduité n’appartient au mary que sur les biens de sa femme qui sont en Normandie ; car s’il l’avoit vendu ou remplacé sous une Coûtume où le droit de viduité n’est point reçû il perdroit son droit de viduité : si au contraire le mary vendoit a bien de sa femme qui seroit à Paris pour le remplacer en Normandie, pourroit-il joüir du troit de viduité ; il luy appartiendroit sans doute, pourvû que la femme eût consenti à cette alienation, ou qu’il eût été en la liberté du mary de remplacer les deniers dotaux de sa femme par tout où bon luy sembleroit, et cela receveroit encore moins de difficulté, si le mary par le Contrat de mariage avoit declaré qu’il en feroit le remploy sur une terre de Normandie.

Pour demander les avantages et les droits que la Coûtume accorde aux maris sur les im meubles de leurs femmes, il est requis que le mariage ait été valablement contracté, voicy comment l’ancienne Coûtume s’en étoit exprimée, si l’on dit que celle qui est morte n’étoit pas sa femme, enquête en soit faite s’il l’eut en sa femme par le consentement de sainte Eglise en temps. qu’elle mourut s’il est mis en non sçavoir, il remaindra sans l’heritage qui devoit tenir à veuveté, s’il ne prouve que la morte soit sa femme.

Il ne fuffit pas que le mariage ait été valablement contracté, il faut que la naissance d’un enfant né vif se soit ensuivie ; on a revoqué en doute si l’enfant né avant la celebtation du mariage, mais qui depuis a été legitimé en consequence du mariage survenant, acquiert au pere le droit de viduité ; On allégue en faveur du pere qu’il ne faut point considerer le temps de la naissance de l’enfant, parce qu’étant devenu legitime par le mariage qui s’en est ensuivi, suivant l’autorité du Chap. tanta vis, qui filii sine legit. aux Decret. et cette legitimation ayant un effet retroactif, il donne les mêmes droits qu’il auroit si l’enfant étoit venu au monde depuis la celebration du mariage : L’heritier de la femme tépond que la Coûtume désire que l’enfant soit né de la femme dont il s’ensuit qu’il doit être sorti du mariage qui avoit été valablement contracté auparavant, autrement il ne seroit pas né de la femme, cet Article ne pouvant être entendu que d’une naissance legitime. Cette question fut agitée en ce Parlement, mais. le procez ayant été évoqué, il fut depuis terminé par une Transaction. faite entre les parties. Il seroit étrange que la legitimation eût assez de force pour acquerir à l’enfant les droits et les prerogatives qui appartiennent aux enfans legitimes, et neanmoins. qu’il fût reputé illegitime à l’effet de priver son pere du droit de viduité ; et n’est-il pas vesitable que le mary a eu un enfant né vif de sa femme lors qu’elle est devenuë sa femme segitime par la Benediction nuptiale qui s’est ensuivie C’est encore une condition nécessaire pour conserver cette joüissance qué le mary se tienne en viduité ; cette disposition de la Coûtume est tres-sage pour engager le pere par son propre interest à ne partager point ses affections entre les enfans de divers lits, elle luy donne cette recompense de joüir entierement du bien de sa femme quand il en a eu un enfant, et qu’il demeure en viduité.

Le second mariage du pere, quoy que legitime et permis, étant puny par la perte des deux tiers de son usufruit, ne seroit-il pas raisonnable que celuy qui pour éviter cette peine ne contracte pas véritablement un mariage public et solennel, mais qui entretient une femme publiquement et notoirement, fût privé de son droit ; C’est en cette rencontre que l’on peut dire qu’il n’est pas juste que aliquid amplius habeat castitate luxuria, qu’une vie vicieuse ne doit pas avoir plus de prerogative qu’une condition legitime : Si l’on recherche la cause de la severité de la Coûtume contre les secondes nopees, on trouvera qu’elle est fondée sur cette pre-somption que les secondes affections se forment ordinairement du débris et de la ruine des premieres, si donc la Coûtume a voulu pourvoir aux enfans contre l’inimitié d’une bellemere, on ne doit pas moins assurer leur condition contre les artifices d’une concubine ; nos desirs ne sont jamais plus ardents que pour les choses qui nous sont défenduës, et au contraire l’amour des choses permises est languissante et de courte durée, veneficium tota vita meretricis est : parum se lenociniis, parum se putat agere et cum omnis ad expugnandas mentes cura collata sit, non sufficit tamen ut de sui charitate corporis cedant, elles renversent par leurs calompies les amitiez les plus assurées, et pour prevenir le dégoût ou les disgraces d’un change. ment, elles jettent les peres dans la défiance de leurs propres enfans ; on peut dire au conraire qu’il ne faut point étendre les peines, que ce seroit exposer les maris à la persecution et à la calomnie, que la conduite des plus sages seroit sujette à la censure ou de leurs enfans ou des heritiers qui voudroient expliquer malicieusement les actions les plus innocentes ; que si la veuve n’est pas privée. de son doüaire pour mener une vie impudique aprés l’an du deüil, quoy que le doüaire luy soit donné comme une recompense de sa viduité, et que la pudeur naturelle du sexe l’eblige à une conduite plus reglée : et qu’enfin la Coûtume he punissant le mary qu’en cas qu’il ne demeure point en viduité, on ne doit point étendre sa prohibition plus loin : Il y a cette différence entre l’homme et la veuve, que celle-cy ne perd point son doüaire par un second mariage, et qu’au contraire l’usufruit appartient au mary qui demeure en viduité. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 18. de Decembre 1636. entre les sieur de Collevé intimé, et de Courseulle, sieur de Cremanville, appellant ; on disputa si le sieur de Courseulle qui depuis vingt ans entretenoit une femme sà laquelle il faisoit tenir le rang et la condition de sa femme, et dont il avoit eu une fille qu’il avoit mariée comme sa fille, sans ajoûter la qualité de fille naturelle y étoit privable de son droitde viduité, en consequence ou de la turpitude ou de la presomption du mariage secret : La Cause fut apointée au Conseil, et depuis par un accommodement on fit perdre au mary la moitié de son usufruit.

On a pareillement contredit au mary le droit de vlduité lors que sa femme s’étoit fait separer de biens d’avec luy, et qu’en vertu de cette separation elle étoit rentrée en la posses-sion de son bien ; on fe fondoit sur cette raison, que suivant cet Article le maty doit survivre sa femme : or parmy nous la mort civile du mary a le même effet que la naturelle, in omnibus et per omnia morti aquiparatur ; d’où il s’enfuit que le mary separé de biens d’avec sa femme est reputé mort, quoy qu’il la survive, à l’esfet de ne pouvoir joüir de son bien : la mort de sa femme ne le doit point rétablir dans un droit dont il étoit déchû par son mauvais nénage. La Coûtume en donnant le droit de viduité a presumé que le mary en étoit en possession, mais en étant dessaisi, comme les successions fe partagent en l’état qu’elles se trouvent, le mary n’a plus de qualité pour pretendre une joüissance qu’il avoit perduë dés le vivant de sa femme, la consolidation de l’usufruit à la proprieté se fait naturellement, et puisque la separation leur ôte cet avantage durant leur vie, elle doit avoir encore les mêmes effets aprés sa mort : Par l’Article CCCLXXXXI. les meubles de la femme separée appartiennent à ses enfans ; la Coûtume luy ôte jusques aux meubles, quorum vilis et abjecta pos-sessis, il y a beaucoup plus d’apparence de luy refuser l’usufruit des immeubles ; au contraire on répond que par cet Article le droit de viduité est acquis au mary sans distinction, ubi lex non distingust, &c. La separation n’aneantit point le droit du mary, elle le suspend seulement, et elle n’est introduite que pour donner à la femme les moyens de subsister, que l’Art. CCCLXXXXI. est avantageux au mary, car cet Article n’ayant excepté que les meubles, il en resulte qu’elle n’a point voulu retrancher le droit de viduité, exceptio firmat regulam in casibus non exceptis.

Si la question s’offroit entre le pere et les enfans, le droit du pere seroit, à mon avis, le meilleur, et les enfans seroient d’autant moins favorables à le contredire, que le pere n’a cet usufruit qu’à la charge de les nourrir : et à plus forte raison il en joüiroit au prejudice des heritiers de sa femme, suivant l’Arrest donné, au Rapport de M’Auber, le 22. de Decempre 1636. entre Nicolas et Richard Maze, enfans de Jeanne Hervieu, appellants, et Jacques d’Eu-demare, intimez ; Aprés la mort de ladite Hervieu leur mere, qui étoit separée de biens d’avesedit d’Eudemare, ils pretendirent entrer en possession des biens de son mary, au prejudice dudit d’Eudemare, ce qu’ils firent juger par le Bailly de Roüen : Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et ordonné que nonobstant la separation de biens le mary joüiroit du bien à droit de viduité.

Les creanciers du mary n’ont pas ce même avantage contre les enfans ; la femme durant sa vie s’étant ressaisie de son bien au prejudice des creanciers de son mary, il ne seroit pas uste que ses enfans qui l’en trouvent en possession au temps de sa mort en fussent dépoilildez par ces mêmes créanciers

Le droit des enfans devient encore plus puissant lors que le pere, prend le party de ses enfans, et qu’il déclare leur remettre son droit de viduité ; on a souvent agité s’il pouvoit faire cette remise en fraude de ses créanciers, et notamment quand il ne passoit cette déclaration ue depuis la saisie de son usufruit ; la Cause en fut plaidée solennellement le 14. de May 1634.

Gilles de Cairon ayant fait vendre et ajuger les biens de Paul de Cairon son ftere, et ne pouvant être recompensé du cautionnement qu’il avoit fait pour luy, qu’en arrétant trois cens ivres de rente du bien de sa femme, dont il joüissoit à droit de viduité, il fit arrest sur les arrerages ; depuis cette saisie et l’introduction du procez, Gilles de Cairon se fit instituer Tuteur le ses enfans, et déclara qu’il leur remettoit son droit d’usufruit : Paul de Cairon se plaignoit que cette remife ne pouvoit valoir à son prejudice, et il l’avoit fait juger de la sorte ; mais par Arrest dudit jour la Sentence fut cassée, et l’usufruit ajugé aux enfans, ausquels on donna aussi les meubles de leur mére ; plaidans Giot et Coquerel. Cela fut. encore jugé à la Champre de l’Edit le 17. de May 1634. pour Charles de Lauberie, fils de Demoiselle Esther Da-mours, vivante femme separée de biens d’avec Jean de Lauberie, sieur du Ménil-Raut son mary, contre Pierre de Guillebert Ecuyer, sieur de la Riviere, Jean d’Alain Ecuyer, sieur Damonlaville, et autres, aprés avoir vâ tous les Arrests, et notamment celuy de Cairon.

Cependant comme si l’on avoit oublié tous ces Arrests, on renouvella cette difficulté en 1660. jur ce fait, Nicolas du Four avoit épousé Geneviéve Barré, ses biens avoient été decretez, et en mariant sa fille à Me Jacques de Sets il renonça à son usufruit sur le bien de sa femme François Barré créancier et caution de du Four, avoit fait arrest sur tous les fermages provenant du propre de ladite Barré avant que du Four en eût fait la remise, et il avoit fait juger par le Vicomte de Roüen à bonne cause sa saisie : Sur lappel de Me Jacques de Sets, je disois pour luy que suivant la l. 13. de adquir. possessi pour acquerir la possession et la proprieté d’une chose, duo copulativa requiruntur, corpus & animus ; mais il n’en est pas de même lors qu’il s’agit de perdre la proprieté et la seigneurie d’une chose : la proprieté solo animo non amittitur ; mais la perte de la possession est bien plus facile, in amittenda possessione affectio ejus qui possider intuenda est. ltaque si in fundo sis, et tamen nolis eum possidere, protinus amittes possessionem : solo animo igitur amitti potest, quamvis acquiri non potest. D. l. 3. 5. 6. Ot suivant ces maximes la remise faite par le pere doit subsister, puisque non seulement il n’a plus la vosonté de continuer sa joüissance, mais même qu’il en a fait un abandonnement actuel à son gendre, et on ne peut objecter que cette remise ait été faite au prejudice de ses créanciers, car une chose nous appartient de plein droit et sans qu’il soit besoin d’aucune déclatation de nôtre volonté pour l’acquerir parfaitement, ou bien nous avons seulement un droit et une action pour la demander, ou sans rien demander à la proprieté nous y pretendons simplement un usufruit ; : quand les choses nous appartiennent de plein droit, il ne nous est pas per-mis d’y renoncer en fraude de nos créanciers ; mais les choses qui ne peuvent devenir nôtres ns les demander, labandonnement ou la renonciation que nous en faisons ne passe point pour un acte frauduleux, et les créanciers n’ont point d’action pour les revoquer, qui potest acquirere, sed non id agit ut aquirat, ad hoc edictum non pertinet ; proinde qui repudiavit hereditatem, non est in ea causa, ut huic edicto locum faciat. l. 6. D. que in fraudem Il est vray que pour les successions la Coûtume est contraire, mais la raison de la difference est que parmy nous le mort faisit le vif, et parmy les Romains, à l’exception des he-ritiers necessaires, il faloit une adition formelle de lheredité ; on pouvoit encore par le même droit renoncer au legs testamentaire à la Falcidie, à la Trebellianique, et IEdit du Preteur l’avoit point lieu en tous ces cas ; et par nôtre Usage le Prelat au prejudice de l’Eglise, et le mary au prejudice de sa femme peuvent remettre Ioffense faite à leurs personnes, bien qu’elle ût assez grave pour donner lieu à la Commise ; les ainez ont une prerogative dont ils peuvent ne se pas prevaloir, mais sur tout lusufruit se consolide fort naiurellement à la proprieté, il n’y a rien de si fragile et de si perissable, Tit. quib. mod. usufr. amitt. 3. et cette reünion devient encore incomparablement plus favorable quand elle se fait au profit des enfans. Il n’en faut pas d’autre preuve que cette belle Loy dePapinien , D. que in fraudem creditorum ; patrem qui non xpectata morte sua fideicommissum hereditatis paterna filio restituit, omissa ratione Falcidiae plenam fidem & debitam pietatem secutus, exhibitionis creditores non fraudasse ; et par la Loy suivante, celuy qui ne déduit point la Trebellianique non videri in fraudem creditorum alienasse portionem quam retinere potuisset, sed magis fideliter facere. C’est le sentiment deDecius , que la remise faite par le mary de la dot de sa femme qui luy appartenoit n’est point revocable par ses créansiers, quoy que le mary soit insolvable, parce que l’on n’est pas reputé diminuer son patri-moine pour ne vouloir pas acquerir, non censetur diminuisse patrimonium suum, sed noluisse acquirere. De Cahagnes pour Barré soûtenoit que cet Article donnant au mary le droit de vi-duité au prejudice de ses enfans, il n’avoit pû le leur remettre pour en frustrer ses créanciers, que la saisie de cet usufruit lioit les mains au pere, et l’empeschoit de disposer d’un usufruit dont il n’étoit plus le maître ; de sorte que quand il autoit pû le faire auparavant, il n’étoit plus en son pouvoir de rendre la saisie illusoire ; et d’ailleurs étant caution de la dot reçûë par le mary, sa pretention en étoit beaucoup plus favorable : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 15. de Juillet 1é60. main-levée fut ajugée à de Sets de la saisie des fermages.

On a jugé par cet Arrest que nonobstant une simple saisie, le père demeure encore le naître de son usufruit ; mais si le creancier avoit saisi réellement cet usufruit, il semble que le mary étant dépossedé actuellement, et cet usufruit étant en la main du Roy, il ne seroit dus en état d’y renoncer, car il y a difference entre un simple arrest sur les fermages rovenant de l’usufruit et la saisie réelle, un arrest simple ne dépossede pas le mary, mais par la saisie réelle son droit d’usufruit est en sequestre, et il ne luy en reste plus aucune disposition ; de sorte que les choses n’étant plus entières, c’est en vain qu’il abandonne son usu-fruit, et qu’il y renonce : cependant le droit de viduité étant extraordinaire, et la Coûtume n’ayant eu pour motif que la qualité de pere et de mary, on ne luy doit jamais ôter la liberté de remettre les choses dans Pordre naturel, et de renoncer en faveur de ses enfans à une grace qui ne paroit être faite qu’à sa personne, c’est proprement premium liberorum, car elle ne donne cette joüissance qu’au mary qui a eu enfans nez vifs ; il ne fait donc point de tort à ses créanciers lors qu’il remet à ses enfans un droit qui ne luy est accordé qu’à cause qu’il st devenu leur pere : aussi la Cour par l’Article 77. du Reglement de l’an 1666. n’y a fait aucune distinction, et suivant iceluy le pere peut ceder son droit de viduité à ses enfans au rejudice de ses créanciers. Cet abandonnement du droit de viduité aprés la saisie faite pa les créanciers n’auroit pas le même effet, si le maty n’y renonçoit pas en faveur de ses enfans, mais en faveur des héritiers de sa femme ; car la pieté paternelle ne le soûtenant plus et ne luy servant point de fondement, il seroit raisonnable en ce cas de faire subsister la saisie et de n’avolt polnt d’égard à une remife qu’il ne feroit que par force et pûr un simple motif, de faire tort à ses créanciers ; aussi dans l’Article du Reglement il n’est fait. mention que des enfans. Le pere peut remettre à ses enfans, ces paroles sont limitatives, auttement on autoit ordonné en termes generaux que le pere peut indistinctement temettre son u’sufruit au prejudice de ses creanciers ; ce n’est pas d’aujourd’huy que les peres pour se vaaager de leurs creanciers qui vouloient profiter de leur droit de viduité, les ont frustrez par un abandonnement qu’ils en faisoient à leurs enfans, cela fut reglé par un ancien Arrest du 9. de Decem-bre 1569. entre Nicolas de Beaumont, Tuteur des enfans de Philippes Catrouge, separé de biens d’avec. Perrette de Beaumont, et Guillaume de Surgere.

Il faut neanmoins remarquer que ces Arrests n’ont été donnez que quand les femnnes étoient separées de biens d’avec leurs maris, et qu’ils sont fondez sur cette, paison que par la separation civile de la femme ses biens cessent d’être obligez aux dettes de son mary, de forte qu’en étant dessaisi, ses biens ne sont plus susceptibles de l’action et de la saisie de : ses creanciers : En ce cas la cession du mary semble n’être pas necessaire, il ne. fait que ceder une joüissance qu’il a déja perduë ; de sorte que hors le cas de separation le droit de viduité appartenant pleinement au mary, il semble que cette remife ne peut vâloir au prejudice de les créanciers, suivant un Arrest domé en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr du Fay, le 7. de Février 1637. sur une Requête Civile obtenuë contre un Arrest donné, au Rapport de Mr de Galentine, le 7. d’Avril 1634. entre M. Jean le Mareschal, Lieutenant General au Bailliage de Gisors, d’une part, et Me Loüis Quentin et Onfroy, d’autre part : La femme dudit sieur Quentin avoit été en la tutelle du Cauchois, ce tuteur-pour s’exempter de, payer le reliqua de compte remit son droit de viduité au sieur : le Mareschal son gen dre : on contesta cette remise par lautorité de la Loy S. D. quae in, fraud. credit. à quoy lion opposoit la Loy 25. C. de Pign. debitorem neque vendentem, neque donantem, nequé legamiem, vel fidei commissum relinquentem deteriorem creditoris conditionem fatere certissimum est : par-un premier Arrest il fut dit que sans avoir égard au Contrat de remise le reliqua du compte soroit payé sur la joüissance du bien que le Cauchois devoit avoir ; le sieur. Mareschal s’étant gourvù contre cet Arrest, il fut debouté de sa Requête Civile.

Autre Arrest pareil sur ce fait : Sebastien Barbé aprés la mort de Suzanne Bouchard sa femme, ceda à Adrian Batbé son fils la joüissance du bien de leur mere, et depuis il oontracta un second mariage, et par ce moyen il perdit la joüissance des deux tiers : Adrian Primout et Estienne Planchere, et Everard Concierge du Palais, firent arrest entre les mains des fermiers des héritagen ayant appartenu à feuë quxanne Bouchard ; le fils en demanda la main-levée, et par Arrest du 9. de Février 1650, au Rapport de Mr du Houlé, il en fupdebouté ; les creanciers demeuroient d’accord que par plusieurs Arrests l’on avoit jugé que le pere avoit pû remettre son-usufruit ; mais ils retendoient que cela n’avoit été jugé que quand les creanciers n’avoient point fait saisir avant labandonnement fait par le pere, mais que le pere aprés la saisie avoit les mams hées, suivant l’Ar-rest donné pour M. Loüis Quentin : On n’eut point d’égard à cette distinction, par l’Arrest de Sets, et aujourd’huy l’on autorise indistinctement ces remises valables, soit qu’il y ait saisre ou qu’il n’y en ait point, ou que la femme ait été separée, ou qu’elle ne l’ait point été, et la saisic n’opere que pour les fruits échûs auparavant la cession.

La peine que la Coûtume impose au mary lors qu’il se remarie, est la perte de deux tiers de son usufruit qui retournent aux heritiers ; et comme en ce cas il faut faire partage, le sieut d’Emandreville qui joüissoit par usufruit des biens de sa premiere femme, pretendit aprés son second mariage que les enfans étoient tenus de faire les lots, disant que ce droit de viduité étoit particulier aux Normans, et que d’ailleurs ce n’étoit qu’une continuation de joüissance ; néannoins comme les doüairieres sont obligées à faire les lots, on jugea qu’on le devoit pratiquer de la sorte pour les maris : Par Arrest du 19. de Juillet 1639. conforme à cet Article, le droit de viduité fût restreint aux biens que la femme possedoit au temps de son decez, et il n’en est pas de même comme du doüaire qui est dù à la veuve sur les biens du pere de son mary quand il a consenty au mariage, bien que la succession écheoit aprés la mort du mary le droit de viduité ne s’étend point sur les successions en ligne directe lors qu’elles arrivent aprés la mort de la femme. Un pere avoit promis quarante mille livres à sa fille, dont vingt mille dlivres n’étoient payables qu’aprés sa mort : la femme mourut avant son pere, le mary vouloit joüit par usufruit des vingt mille livres, pretendant que : la proprieté en étoit acquise à sa femme ;. il fut répondo par les Avocats qui furent consultez qu’il n’y avoit rien, dies venerarâ non cesserat, cet Article ne donne au mary que le revenu appartenant à sa femme lors de : sa mort. ; or ces vingt mille livres n’étoient pas en sa possession.

Aprés avoir expliqué comment ce droit de viduité appartient au mary, et de quelle : manière la joüissance luy en peut être ôtée, il reste encore deux points à examiner : Le premier, dors qu’il n’a point eu d’enfans, et que sa femme meurt avant que les fruits soient ameublis ; quelle part il peut avoit en la joüissance de l’année ; Et le second, lors que le mary qui a joûy à droit de viduité vient à mourit avant la S. Jean, quelle portion on en doit laisser à ses heritiers : Lepremier cas est la véritable espèce de la l. dixortio soluto. matr, et suivant cettu-

Loy le mary a part aux fruits pro ratâ remporis. Bacquet tient que cette Loy n’a point lieu ren la Coûtume de Pans, et qu’elle ne se garde qu’entre les Beneficiers, des Droits de Justice, c. 15. n. 59. et 60. Et Brodeau estime au contraire, qu’ils apparriennent au mary et à sson heritier pro ratâ temporis, et il en donne cette raison que le mary perçoit les fruits propter ontris matrimomi l. F. n. 1o. Et sans doute l’opinion de Brodeau est plus raisonnable ; et quoy que Mr d’Argentré , Art. 76. n. 5. ne donne les fruits qu’aprés la perceptiun, il convient que cette Loy divortio, specialem provisionem continet proportionatam adi oera matrimomi, de quà Tiran. de Rorractu Conoent.

Mais on ne peut appliquer ces raisons en faveur de Lhéritier du mary qui a pouy longtemps du bien. de fa femme à droit de viduité, on ne peut dire que ces frums luy doivent appartenir ratioue oneris, parce qu’il a nourry la femme ; cette raison ne peut avoir lieu que pour fannée de la dissolution du mariage ; mais quand aprés la moet. de la femme le mary a rontinué la joüissance de son bien, son ne pent demander les fruits par la consideration de la nourriture de sa femme, ou à cause des charges du mariage, nemmoins pance que le droit de viduité appartient au mary par la disposition de la Coûtume, on a jugé que le mary ou ses fieritiers joüissent des biens pro rarâ temporis. Le fieur de Bigars étant mort avant la S. Jean en l an 1664. Mre Michel de Roncherolles, Marquis de Maineville, creancier du fieur de Bigars, fist saifir aprés la S. Jean les levées étant sur le fonds de laveuve, nommée de Launoy : Elle maintint que cette saisie étoit tortionnaire, et que c’étoit un immeuble au temps de la morr de son mary ; les heritiers du mary soûtenoient au contraire qu’ils devoient avoir du terrage pro raâ temporis, et par Arrest du 17. de Juillet 1664. La Cour ajugea audit de Bigars le pro garâ des fruits depuis le premier jour de Janvier jusqu’au jour du décez du mary, fi mieux il n’aimoit prendre les labours et semences ; et pour la difficulté qui pouvoit naître touchant e temps d’où lon feroit commencer ce pro ratâ, on jugea par ce même Arrest que l’on commenceroit à compter du premier jour de Janvier ; paidant de l’Epiney, Theroulde, et Greard.

Enfin il faut remarquer que le mary n’a point d’usufron sur les biens qui peuvent écheoir aprés la mort de sa femme, ainsi jugé par Arrest du S. d’Aoust 1670. par lequel un mary fut évincé du étoit de vidoité sur une succession directe échûë à fes enfans ; la raison de douter toit que la fille avoit été marlée comme heritière. Autre Arrest sur ce fait : Jacques le Maître. avoit épousé R fille de Baville, et lors de ce mariage il pretendoit qu’il ne restoit plus à ce pere que ce qu’il faloit pour le tiers Coûtumier de fa fille : Il eut un enfant qui moutut, et prés le decez de sa femme et de Baville son banu-pere, il se mit en possession du bien pour en joüir à droit de viduité, pretendant que le tiers étant acquis aux enfans du jour du mariage de leur pere, et renonçant à la ffecession de Baville, quoy que sa femme fût morte avant son pere, toutefois elle étoit reputée saisie de ce tiers Coûtumier dés le vivant d’iceluy, et qu’ainsi le droit de viduité luy appartenoit : On répondoit que la proprieté du tiers est veritablement assurée aux enfans du jour du mariage de leur pere, mais c’est toûjours avec cette condition, si parri superoixerint ; de sorte que quand ils predecedent leur pere, ils sont reputez n’y avoir rien eu, et quoy que la pretention de ce mary fût destituée de toute raison, néanmoins le Bailly luy avoit ajugé droit de viduité ; mais par Arrest donné en l’Au-dience de la Grand : Chambre le 17. de May 1672. la Sentence fut cassée, et le mary condamné à quitter la possession du bien.