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CCCLXXXIV.

Charges du droit de viduité.

Le mary doit nourrir, entretenir, et faire instruire les enfans de sa femme, si d’ailleurs ils n’ont biens suffisans, mêmes aider à marier les filles, laquelle nourriture, entretenement, instruction, et contribution de mariage sera arbitré en Iustice par l’avis des parens, eu égard à la valeur de la succession et nombre des enfans, de toutes lesquelles charges il sera quitte en laissant ausdits enfans le tiers du revenu de la succession de leur mere.

Il est tres-juste que le mary accomplisse toutes les conditions qui luy sont imposées par cet Article, cet usufruit luy étant donné comme une recompense d’avoir donné des sujets à la Republique en procréant des enfans, il est tenu d’employer ce même usufruit pour leur education et leur subsistance ; mais il semble qu’il n’est pas juste qu’il en soit toûjours quitre en abandonnant le tiers, leur nombre peut être si grand que ce tiers sera beaucoup au de ssous de ce qui leur faut pour leurs alimens ; il sera même nécessaire de marier des filles, et pourquoy donner à ce pere la joüissance dés deux tiers du bien de la mère, tandis qu’ils seront reduits dans une honteuse necessité : la Coûtume le chargeant de la nourriture et de l’instruction de ses enfans aux dépens des biens de leur mere, l’équité désiroit qu’il s’en acqui-at jusqu’à la concurrence des biens, si d’ailleurs ils n’avoient pas dequoy fournir à leur nourriture : et sur ce principe on a jugé qu’un ayeul ne pouvoit mettre en compte la nourri ture qu’il avoit fournie à ses petits enfans, quand ils n’avoient pas un revenu suffisant pour payer cette pourriture, par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre entre le nommé Crucifix, de Dieppe, du 9. de Mars 1638. mais la Coûtume a presumé si avantageusement de l’affection et de la charité des peres, qu’elle n’a point douté qu’ils ne s’acquitassent de leur devoir, et qu’il n’étoit pas necessaire de luy en imposer une loy : quoy qu’il en soit, la Coûtume declarant le pere quitte de toutes les charges qu’elle luy impose en abandonnant le tiers, les enfans n’ont aucune action pour obliger le pere à leur donner davantage ; mais il semble que le mary n’est obligé de nourrir les enfans de sa femme que lors qu’il joüit de son bien à droit de viduité, d’où l’on peut induire qu’un second mary ne peut être troublé par les enfans de sa femme, lors qu’elle est vivante. Godefroy estime onue cet Article doit être observé indefiniment, soit que la mere soit vivante ou qu’elle soit décedte ; et dans l’espèce de l’Arrest du Venois apporté par Bérault, la mere étoit vivante, sur quoy est intervenu Arrest sur ce fait. La nommée Secles de son premier mariage avec Jean, sieur de Noiremare, avoit des enfans qui mirent en action le nommé Poisson, son second marv, pour leur fournir une pension annuelle sur les biens de leur mere, de valeur de cinq ou six cens livres de rente, attendu qu’ils n’avoient aucuns biens du côté de leur pere pour pouvoir subsister, ou qu’il leur quittât le tiers du bier suivant cet Article, qu’il ne pouvoit s’en dispenser quoy que leur mere fût vivante, puis qu’elle même y seroit obligée naturellement, et s’aidoient de l’Arrest du Venois rapporté sur cet Article parBerault . Le beau-pere disoit que cet Article n’avoit lieu qu’aprés la mort de la mere, quand les enfans n’autoient point de biens suffisans, mais qu’il pretendoit que ceux du pere pouvoient les nourtir ; que d’ailleurs étant en âge de gagner leur vie, ils pouvoient s’entretenir de leur travail ; qu’en l’Arrest du Venois il étoit constant qu’il y avoit d’autres oiens, que c’étoient des Gentilshommes qui ne pouvoient faire profession des Arts mécantques.

Les enfans répondoient qu’ils étoient cind, et qu’ils abandonnoient le bien de leur pere pour deux cens livres par an qu’encore qu’ils ne fussent pas nobles, ils étoient d’une famille honnête étant enfans d’un Officier ; le Juge avoit ordonné cent cinquante livres de rension ; sur Bappel on mit hors de Cour, le premier de Mars 1657. plaidans du Hecquet, et Colas.

Si les enfans n’ont aucun bien du côté de leur mere, on demande si le pere peut être contraint de payer une pension à son fils majeur qu’il ne veut pas recevoir en sa maison : Le lèere dit qu’ayant élevé ses enfans dans leur minorité, et les ayant rendus capables de chercher une condition, il a pleinement satisfait à son devoir : aussi le droit Civil leur dénie toute action, non licet filio nec liberto patrem et patronumo jus vocare, l. generaliter dé in lus vocando, et le Jurisconsulte en rend cette raison, méritis magis filios ad paterna obsequid provocandos quam pactionibus abstringendos, l. si quando Cod. de inoffic. testament. Les enfans remontroient qu’il falloit considerer leur qualité, les personnes d’une condition vile peuvent ga-gner leur vie par leur travail, ou en apprenant quelque mêtier, et quand leurs peres les en ont rendus capables ils ne sont plus obligez à leur nourriture ; mais quand la naissance et la qualité des enfans ne leur permet pas d’exercer la Marchandise ny les Arts mécaniques, le pere n’est pas déchargé de leur nourriture aprés leur majorité, si patrem tuum officio debito provocaberis, paternam pietatem tibi non denegabit, quod si sponte non fecerit, aditus competens Judex alimenta pro modo facultatum prastari jubebit, l. ult. de alendis liberis. Cette pressante necessité qui force les enfans à demander ce secours à leurs peres, n’est point contraire au respect qu’ils luy doivent, si le pere peut être contraint de fournir les alimens à son fils naturel, il les doit avec beaucoup plus de raison à ses enfans legitimes ; c’est une obligation naturelle et recipro. e que que le pere noutrisse ses enfans, et que les enfans nourrissent leurs peres, non propter si pareditatem, sed propter ipsam naturam et leges que et à parentibus alendos esse liberos imperaverunt, & ab ipfis liberis parentes si inopiâ ex alterutrâ parte vertitur, l. cûm non solûm, 5. ip-sum, de bonis que liber. Le pere ayant produit des enfans d’une condition noble, et leur ayant communiqué la qualité qu’il avoit reçûë de ses predecesseurs, il leur doit aussi communiquer les moyens de la conserver, et ne souffrir pas qu’ils l’abbaissent et profanent en quelque sorte par la profession de mêtiers ou de services indignes de leur origine ; ils peuvent dire ce qui est dans l’Evangile, fodere non valeo ; mendicare erubesco, et se servir de la resolution du Jurisconsulte en la l. cum plures ff. de administ. tutor. que le pere comme le tuteur doit fournir des pensions à ses enfans, non quas minimas potest, sed pro facultatibus et conditione natalium. Le p pere qui avoit consenty que son fils fût nommé Decurion, sumptus subministrare filio in muveribus, et honoribus compellebatur, l. 17. de muner. et honor. Par Arrest du 10. de Février 1623. on ajugea aux enfans du sieur d’Angranville le Chevalier douze cens livres par an.

Ces alimens que l’on est obligé de fournir ex officio pietatis, ne sont dûs que du jour qu’ils ont demandez pour l’avenir, et non pour le passé ; car il y a différence entre les alimens qui sont acquis en vertu d’un Contrat, et ceux que l’on n’a droit de demander que ex officio comme par un pete à ses enfans, ou par un mary à sa femme ; pour les premiers l’on a ction pour demander tous les arrerages du passé, pour les derniers ils ne sont dûs qu’aprés avoir été demandez.