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CCCLXXXVII.

En ce record, ce que la plus grande partie recordera est tenu pour prouvé, pourvû qu’ils parlent de certain.

Ces deux Articles sont aujourd’huy presque hors d’usage, ils sont de l’ancienne Coûtume, et pouvoient être nécessaires dans ces temps où nos Normans traitoient plûtost verbalement que par écrit. Dans l’ignorance des siecles passez les pactions de mariage ne se rédigeoien que fort rarement par écrit, et cela se faisoit le plus souvent à la porte du Moutier, c’est à dire des Eglises, avec fort peu de solemnitez, comme nous l’apprenons de la Charte de Jean aeRoy d’Angleterre, assignetur viduae pro dote suâ tertia pars, nisi de minori dotata sit ad ostium Ecclesiae, et c’est pourquoy on avoit besoin de records de mariage non seulement à l’égard du doüaire, mais aussi à l’égard du droit de viduité : Il arrivoit souvent que la femme n’avoit d’autres marques de femme legitime que celles qui luy pouvoient être communes avec une concubine, et le mary d’autre côté avoit de la peine à montrer que la défunte eût été sa femme ; cela procedoit de cette erreur que matrimonium solo partium consensu sine publicâ tetatione persicitur. Il est vray que par l’ancien Droit Romain le consentement étoit la cause efficiente du mariage et la forme essentielle, deductio in domum mariti, aquae & ignis interventus : Mais ces Maximes du Droit ancien sont fort opposées à celles du Christianisme.

Tantost dans le Droit ancien in libera mulieris consuetudine non concubinatus, sed nuptiae intellige. bantur ; Tantost pour juger du mariage on consideroit an maritalis honor, et maritalis affectio prae, Theodose cesserit personis comparatis vite conjunctione consideratâ, l. ff. Donationes. Et Theodose en la Loy si donationum C. de Nuptiis, ordonna que le mariage seroit valable encore qu’il l’eûr été fait sans aucune pompe, et que les pactions n’eussent point été rédigées par écrit : D’où l’on apprend que les ma-tiages se faisoient non solûm sine publicâ, sed etiam sine privatâ testatione, & sola partium consen sione.

Mais c’est avec raison que le Christianisme a reprouvé cette coûtume ; aussi le mariage magis est divini quam humani juris, et un de nos meilleurs Jurisconsultes le prouve par cette raison, qu’encore que Jesus Christ et ses Apôtres n’ayent fait aucunes loix touchant les choses temporelles, ils en ont fait plusieurs pour les mariages,Matth . c. 5. et 19. 1. Corinth.. Petri 3. 6. et 7. et pour montrer que les cérémonies de l’Eglise y sont necessaires, on dit premierement que le mariage étant de droit Divin, il est juste que les Ministres de l’Eglise soient appellez : En second lieu, que cela sert pour empescher des mariages inégaux et honteux : On ne peut douter que cette coûtume ne soit fort ancienne, comme il paroit par ce célèbre passage deTertullien , unde sufficiant ad enarrandam felicitatem ejus matrimonii quod Ecclesia Conciliat, confirmat oblatio, & obsignatum renuntiant Angeli, et pater rato habet, nam nec in terris filii sine consensu patrum ritè et jure nubant : Et en la l. sancimus Cod. de Nupt.

Rata sunt tantùm. matrimonia in quibus accessit nuptiarum festivitas, et par la Nov. 69. de l’EmpereurLeon , ut Christianorum conjugia sacrae et Ecclesiastice precationis confirmentur testimonio.

Harmenopule témoigne que par les constitutions Ecclesiastiques les mariages clandestins étoient défendus, et qu’ils devoient être célèbrez en face d’Eglise. Et Duaren sur la Rubrique matrim. ff. c. 2. a écrit certum esse solemnes quosdam ceremonias moribus olim receptas fuisse, quibus non serpatis matrimonium ferè contrahi non soleret, et exCatullo ,Plinio ,Plutarcho , et aliis discimus.

VideSeld . de uxore Hebr. Ottoman en ses Quest. illust. d. 16.

Nos deux Commentateurs sont partagez sur cette question, si ces Articles ont lieu seulement pour le doüaire, ou si l’on peut les étendre aux autres conventions matrimoniales : Un creancier ayant executé les meubles de son debiteur, ils furent, reclamez par sa femme qui étoit separée : Le créancier soûtint qu’elle étoit debitrice de son mary à cause de la donation du tiers de ses biens qu’elle luy avoit faite par son Contrat de mariage, elle dénia l’avoir rien donné, ny même qu’il se fût fait de Traité de mariage : Le Vicomte appointa de créancier à faire preuve de la donation, par tous les parent des deux conjoints qui avoient signé au Contrat. Le Bailly cassa la Sentence : Sur l’appel, Morlet pour le creancier disoit que ce qui est décidé pour le doüaire par cet Article doit avoir lieu pour toutes les autres conventions suivant l’opinion de Bérault, puis qu’il y a même raison, que l’on pouvoit même faire cette preuve par d’autres témoins, offrant prouver suivant l’Art. 528. que le Contrar avoit été vâ, tenu et lû. Lucas pour la femme répondoit que cet Artitle étoit entièrement contraire à la pretention de l’appellant ; car ne parlant que du doüaire il a exclus la preuve pour le reste, affirmatio unius est exclusio alterius : Et d’ailleurs par ledit Article l’on ne reçoit les preuves que pour les Contrats reconnus : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 7. de May 1653. la Cour en reformant la Sentence du Bailly ordonna que celle du Vicomte seroit executée : Et par autre Arrest du 2. d’Aoust 1650. au Rapport de Mr de la Bazoge, entre Robert Marest et Loüis du Prey, il fut jugé que le record de mariage se pouvoit faire pour toutes les conventions, et pour la dot aussi-bien que pour le doüaire : Il est vray qu’il n’y avoit eu aucun Traité de mariage par écrit, mais de simples promesses verbales ; et depuis en la Grand : Chambre cette question s’étant presentée, si le Contrat de mariage ayant été rédigé par écrit, et ayant été perdu l’on admettroit le records pour la dot ; La question fut partagée, au Rapport de Mr Chaalon, le premier de Juillet 1659. la plus com-mune opinion des Juges étoit que le records ne se devoit faire que pour le doüaire, et non pour la dot : ce qui paroit plus conforme aux paroles de l’Article CCCLXXXVIII. et il seroit d’une consequence tres perilleuse d’admettre ces records pour la dot et pour les autres ronventions matrimoniales, lors que le Contrat de mariage a été rédigé par écrit.