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CCCLXXXIX.

Femme n’a communauté avec le mary.

Les personnes conjointes par mariage ne sont communs en biens, soient meubles ou conquests immeubles, ains les femmes n’y ont rien qu’aprés la mort du mary.

Cet Article est contraire à la plus grande partie des Coûtumes de France. Il est mal-aisé de découvrir d’où procede cette diversité, et d’où vient qu’en Normandie on n’admet point la communauté entre gens mariez, quoy qu’elle soit reçûë dans toutes les Provinces voisines.

Si la communauté entre gens mariez n’avoit point lieu dans la pluspart des Provinces de France, on en trouveroit aisément la cause ; car les Gaules ayant été si long-temps soûmises à lEmpire Romain, et suivant les Loix de ce peuple-là ne se contractant point de communauté entre le mary et la femme sans une convention empresse, l. alimenta, 16. 8. fin. D. de dim. et cibar. leg. l. cum hic status S. si inter 24. D. de Donat. inter virs et uxor. Duaren en sa Préface sur le Titre D. solut. matr. D. Cap. de Nupt. De la Lande sur la Coûtume d’Orleans, Titre premier de Communauté ; et au contraire sans cette convention chacun d’eux ayant ses facultez distinctes et separées, il ne paroitroit pas étrange que les Gaulois ou par force ou par complaisance eussent imité les Loix de leurs maîtres, et c’est pourquoy encore aujourd’huy dans les Provinces de ce Royaume qui gardent le Droit Romain, la communauté entre le mary et la femme n’est point en usage. Il est vray-semblable que ces Provinces ayant soufvert plus long-temps que les autres le joug de la domination Romaine, les Loix de cet Em-pire y firent un établissement plus durable

Plusieurs ont crû que les François apporterent cet usage dans les Gaules. Les Allemans, ditTacite , de Morib. Germ. traitoient leurs femmes avec beaucoup de resgect : Memoria proditum quasdam acies inclinatas jam et labantes à feminis restitutas constantiâ precum, et obectu corporum, monstratâ cominus captivitate, quam longé impatientius feminarum suarum nomine riment. La manière dont ils contractoient leurs mariages fait en quelque sorte la preuve qu’il y avoit une societé de toutes choses entre le mary et la femme : Dotem non uxor marito, sed maritus uxori offert et venire se laborum periculorumque sociam, idem in pace, idem in prolio ausuram : hoc juncti boves, hoc paratus equus, hoc data arma denuntiant accipere fe que liberis inano-Andegisus lata ac digna reddat que natus accipiat, rursusque ad nepotes deferant : Andegisus de legibus Francorum et Ripuariorum, l. 4. c. 6. On apprend néanmoins par plusieurs Auteurs que la femme n’avoit pas la moitié ; Uxor defuncti mariti accipit tertiam partem collaborationis. En effet par’ancien usage de France la communauté n’acqueroit à la femme que la troisième partie du Loyse oien. Loysel en ses Instit. Coût. t. de la Communauté Art. 8. mary et femme sont communs en tous biens-meubles et conquests immeubles, au lieu que jadis elle n’y prenoit qu’un tiers. Et par les Loix des Bourguignons, t. 74. c. 3. s’il ne restoit qu’un fils du mariage elle prenoit le tiers des biens de son mary ; s’il y avoit deux, trois, ou plusieurs enfans, elle ne prenoit que le tiers, à condition toutefois qu’aprés sa mort tout le bien retournoit à ses enfans : Et dans les Loix Ripuaires, t. 29. mulier tertiam partem de omni re quam conjuges simul collaboraverint studeat evendicare. Nous avons dansMarculphe , l. 2. c. 17. et dans les Capitulaires de Charlemagne plusieurs preuves, que sous la premiere et seconde Race la femme ne prenoit que le tiers aux acquifitions faites constant le mariage : Les droits des femmes furent beaucoup augmentez sous la troisième Race ; elles ont en vertu de la communauté non feulement la moitié aux conquests, mais aussi la moitié aux meubles ; et c’est pour cette raison que les Docteurs étrangers appellent le droit de communauté, la Coûtume de France En Normandie il ne s’est fait aucun changement en faveur des femmes. Nous avons retenu en quelques lieux l’ancien usage de la France, de ne donner que le tiers des conquests à la femme sans admettre aucune autre communauté. En quelques endroits plus voisins de la France, quoy que la communauté n’y ait pas été introduite, on a souffert que la femme eût la moitié aux conquests ; mais nonobstant ces usages particuliers pour les conquests, c’est une loy generale par toute la Province sans aucune exception, que les personnes conjointes par mariage ne sont point communes en biens, et toutes nos Maximes sont directement oppoées au droit de communauté, ce qui paroitra par cet exemple : Un pere donna cinq mills livres pour le mariage de sa fille, et la mere à l’insçû de son mary promit encore mille livres à son gendre ; le pere en ayant eu connoissance lors qu’il fut sommé de payer les cinq mille ivres, il interpella son gendre de reconnoître qu’il avoit reçû cette somme de mille livres mais pour son refus de vouloir répondre précisément, par Arrest au Rapport de M Buquet du 3. d’Avril 1677. il fut permis au pere d’en faire la preuve, tant par témoins que par Censures Ecclesiastiques ; l’Arrest fondé sur cette raison, que le mary étant le maître absolu de ses meubles, sa femme n’en peut disposer en aucune façon et ce qu’elle en prend sans le consentement de son mary est une espèce de larcin, est enim contrectatio rei alienae invito comino ; et pour la reparation de cette soustraction, il peut exercer l’action rerum amotarum.

Ce qui s’observe en Angleterre fait une preuve de l’antiquité de nos Coûtumes et de nos Usages. Tous les meubles de quelque nature qu’ils soient appartiennent au mary, et sa veuve n’y prend point de part, s’il ne luy en a fait quelque donation par son Testament ; mais dans Londres et dans les autres grandes villes les meubles se divisent en trois portions, un tiers pour la veuve, un autre tiers pour les enfans, et le surplus pour les funerailles. Il est apparent qu’ils ont gardé nôtre ancienne Coûtume.

La différence de nôtre Coûtume d’avec celle de Paris et des Provinces voisines, fait naître fouvent de grandes et difficiles contestations touchant l’effet et l’execution de la communauté, lors qu’elle est stipulée par un Contrat de mariage passé à Paris avec une personne originaire e Normandie, et lequel y a son domicile ordinaire et ses biens.

Nos Maximes sur ce sujet ne sont pas moins opposées que nos Coûtumes : On apprenc par les Arrests de MrLoüet , l. C. n. 15. qu’autrefois on revoquoit en doute si la communauté d’entre le mary et la femme devoit se regler par la Coûtume du domicile que le mary avoit lors du mariage contracté, ou du domicile que le mary avoa lors de la dissolution du mariage : mais que l’on avoit jugé que la communauté se regloit par la Coûtume du lieu oû es conjoints étoient demeurans et avoient leur domicile ordinaire, quoy qu’ils viennent par aprés à changer de demeure, et cela a été confirmé par plusieurs Arrests.

Mais à l’égard des immeubles, l’on demande si les Coûtumes ne sont pas réelles, et si la question de sçavoir s’ils entrent dans la communauté, ne se regle pas suivant la disposition de la Coûtume de leur situation eRicard , sur l’Article 220. de la Coûtume de Paris, dit que Charondas et les autres Commentateurs de la Coûtume de Paris sur cet Article, tiennent l’affirmative, mais qu’ils se sont abusez, les Arrests ayant jugé le contraire, et notam-Fresne ment celuy du 29. de Mars 1640. qui est celuy rapporté par du Fresne en son Journal d’Audiences, l. 3. c. 26. de l’Edithion de l’an 1652. et que cela est tres-raisonnable, vû qu’autre-ment il seroit en la faculté du mary de priver sa femme des effets de la communauté, en fais sant des acquisitions en des lieux où la communauté ne seroit pas admise C’est une jurisprudence certaine au Parlement de Paris, que les filles ou veuves domiciliées à Paris en contractant mariage avec des personnes de Normandie, peuvent stipuler une communauté de biens et les faire renoncer à leurs Coûtumes, avec sumission à celle de Paris. et élection de domicile perpetuel et irrevocable, et qu’en vertu de ces pactions la Coûtume de Normandie bien que réelle et contraire, sera forcée de suivre la Loy de cette convention personnelles

Les Auteurs qui ont traité cette matiere confirment leur maxime par ces raisons, que la Coûtume de Normandie n’a de puissance que sur ceux qui contractent et qui se marient dans son tértitoire ; que les Coûtumes sont reputées réelles en ce qui dépend de la simple disposition de la Coûtume, et non lors qu’il se rencontre de la disposition de l’homme, auquel cas elle empesche la realité, faisant valoir sa disposition par dessus celle de la Coûtume, qu’il ne faut pas considerer les Coûtumes où sont les choses acquises, mais le lieu où le Contrat c de mariage a été passé, qui a reglé la communauté et le domicile actuel des contractans, et n qu’il n’a pas été en la liberté du mary de détruire l’effet de la communauté par un changement de domicile.

Pour la donation mutuelle de tous les biens, du Moulin en son Conseil 53. à soûtenu que cette donation de tous biens, tam quesitorum, quam querendorum ; en quelques lieux qu’ils fussent situez étoit valable, nonobstant les Coûtumes contraires, parce que ces conventions étoient petsonnelles, et non réelles,

En Normandie l’on soûtient au contraire, que chaque Coûtume doit être maîtresse dans son tertitoire, et que les conventions des particuliers n’en peuvent changer la dispositions autrement elles deviendroient illusoires et dépendroient du caprice des particuliers, s’il étoit en leur pouvoir de les annuller en contractant seulement hors son étenduë, que ce qu’il y a de personnel peut être executé sur les biens situez au lieu où la convention a été faite, mais on ne peut la faire valoir sur les immeubles, lors que la Coûtume du lieu s’y oppose expressément ; car il n’est pas raisonnable que la disposition de l’homme l’emporte sur celle de la loy : Il est vray que le mary peut ruiner l’effe. de la communauté en faisant des acquisitions en des lieux où la communauté n’est point admise : mais peut-il pas pareillement ruiner la communauté en dissipant son bien ; de sorte que comme par la simple stipulation de la

communauté le mary ne laisse pas de demeurer le maître de la communauté, et d’en disposer à sa volonté ; il peut aussi acquerir en tels lieux qu’il luy plaist, et ces acquisitions con-sistans en choses réelles, on ne considere plus les conventions du Contrat de mariage ny l’obligation personnelle, mais la demande et l’execution qui s’en fait sur une chose réelle ou la femme ne peut rien avoir que suivant la Coûtume de la situation des héritages. Il ne s’agit pas d’une simple hypotheque, mais de la proprieté de la chose, qui ne peut être acquise qu’en vertu d’un Contrat qui soit approuvé par la Loy, ce qui rend la convention quant à leffet et à l’execution purement réelle, et non simplement personnelle. Il est certain que tes questions se décident differemment selon les lieux où elles sont jugées ; chaque party fait valoir la Coûtume de son païs, ce qui a fait dire à Tronçon qu’il faut se donner garde d’en plaider à Roüen, parce que lon y jugeroit selon la rigueur de la Coûtume de Normandie.

Pour concilier et pour approcher autant qu’il fe peut des maximes si opposées, on pourroit faire ces distinctions : La premiere, entre les personnes : La seconde, entre les biens Et la derniere, entre la communauté et les donations mutuelles. Pour les personnes, lors que ceux qui ont toûjours leur domicile à Paris et lesquels y ont contracté mariage avec stipulation de communauté, viennent à changer leur demeure, soit à raison de leurs emplois, ou par quelque autre consideration, il paroit juste que tout l’effet de la communauté ne soit pas ruiné par ce changement, car lon ne peut dire à leur égard qu’ils ayent eu le dessein de faire fraude aux Coûtumes qui ne détruisent point la communauté, parce qu’ayant toûjouts actuellement demeuré à Paris, ils ont contracté selon la Loy de leur domicile, et c’est en cette espèce que les Arrests rapportez parBacquet , des Droits de Justice Chap. 21.Loüet , l. C. n. 15. et 16. ont été rendus. Il n’en est pas de même de ceux qui n’ont point de demeure à Mris, et qui n’y ont contracté qu’un domicile momentanée et assager, ils ne peuvent se soustraire à la Loy de leur domicile, ny à la Coûtume des lieux où leurs biens sont situez pour ruiner sa disposition par des pactions qui luy sont contraires. et la femme qui contracte avec un mary de cette qualité ne peut être dans la bonne foys lors qu’elle stipule des avantages prohibez par la Loy du lieu où les biens sont assis, et qu’elle épouse un mary qui a l’esprit du retour, quelque déclaration contraire que l’on exige de luy.

Quant aux biens il faut mettre de la différence entre les biens que le mary possedoit lors que la femme y peut pretendre, il faut en même temps distinguer entre les donations mudu Contrat de mariage, et ceux qu’il acquiert pendant la communauté ; et pour sçavoir ce guelles et la communauté : Pour les biens dont le mary étoit saisi lors du mariage, il n’est point en sa puissance d’en disposer contre la Coûtume des lieux : Par exemple, bien que par a Coûtume de Paris le doüaire Coûtumier soit de la moitié, il ne peut promgttre que le tiers sur les biens de Normandie ; de même les donations mutuelles qui sont permises par la Coûume de Paris, ne peuvent subsister pour les biens de Normandie où ces donations sont dé-fenduës : Il est vray que du Moulin en son Conseil 53. a soûtenu la validité de ces donations. en quelque lieu que les biens soient assis, mais il se fonde sur des raisons foibles et qui ont été fort bien refutées par Mi d’Argentré en combatant son opinion, Art. 218. gl. 16. n. 33.

Et en effet, si le consentement et la convention des contractans pouvoient avoir la force et la vertu de détruire les Coûtumes elles seroient entièrement illusoires, et leur autorité seroit méprisable si elles étoient forcées de céder à la disposition de l’homme : Cependant puis que chaque Coûtume a la puissance de regler les choses qui sont dans son étenduë, on ne peut falterer ou la renverser en passant des Contrats ailleurs que dans son térritoire. C’est une convention purement réelle, puis que lexecution ne s’en fait que sur la chose et non point contre la personne. Aussi lon a si bien prévû cette vérité, que pour faire valoir ces sortes de convendions on fait renoncer aux Coûtumes, on stipule une élection de domicile perpetuel et irrevocable, et une foumission expresse à la Coûtume et à la Jurisdiction de la Prevôté de Paris. Toutes ces precautions ne seroient point necessaires si la seule convention étoit suffisante. Aussi la l. exigere dotem de judic. est contraire, mais il y a quelque difference pour les acquisitions faites pendant la communauté ; comme lon ne doute point qu’un Normand en se mariant à Paris ne puisse valablement contracter une communauté, il semble qu’on ne peut et ne doit rien faire qui prejudicie à l’effet ordinaire de la communauté, soit en changeant de domicile ou acquerant en des lieux où elle n’est point approuvée ; car alors l’action de la femme peut être considérée comme personnelle pour avoir violé la foy de leur convention matrimoniale ; de sorte que la part qu’elle prend aux conquests de Normandie n’est pas tant à droit de communauté que comme un dédommagement, et conformément à cette raison il a été jugé en cette Province par Arrest du 19. de Mars 1620. que suivant la clause d’un Contrat de mariage, par laquelle le mary s’obligeoit d’employer mille écus en héritages qui se roient communs, et le mary ne l’ayant pas fait ses heritiers étoient tenus de payer à la femme la moitié de cette somme : mais pour se servir de cette raison, il faudroit que ce mary eût un domicile actuel et ordinaire à Paris, et non un domicile passager et momentanée ; car quand il n’a point d’autte domicile que celuy qu’on luy fait élire par le Contrat, quelque foumission qu’il fasse à la Coûtume de Paris, quoy qu’il renonce et déroge à la Coûtume de

Normandie, il est toûjours vray de dire que lon fait contracter une communanté à un homme actuellement demeurant en Normandie.

et sçay bien que les Commentateurs de la Coûtume de Paris objectent, qu’encore que les Coûtumes soient réelles, elles sont contraintes et necessitées de suivre la Loy de la convention personnelle, qui emporte la réelle comme la plus noble, et que les Coûtumes ne sont reputées réelles qu’en ce qui dépend de la simple disposition de la Coûtume ; mais que quand il s’y rencontre de la disposition de l’homme cela empesche la realité, faisant valoir la disposition par dessus celle de la Coûtume.

Mais ce raisonnement n’est pas solide ; car si la Coûtume n’est reputée réelle qu’en ce qui dépend de sa simple disposition, et que quand il s’y rencontre de la disposition de l’homme, cela empesche la realité ; ce sera renverser toutes les Coûtumes, et rendre toutes leurs dispositions vaines et illusoires, étant mal-aisé de faire un Contrat où les contractans ne s’en-gagent dans quelque obligation personnelle, et par cette voye faisant prevaloir la disposition de l’homme à da realité, toutes les Coûtumes bien que réelles seront contraintes de suivre a loy de la convention personnelle, ainsi toutes leurs dispositions demeureront sans effet : Cette consequence peut être confirmée par les exemples, la Coûtume est reputée réelle à’égard du doüaire, et lors qu’il s’agit de donations il n’est pas permis de donner plus que ce qui est permis par les Coûtumes des lieux où les choses données sont assises ; cependant si un homme de Normandie par son Contrat de mariage passé à Paris accorde en doüaire la moitié de ses immeubles, si par un Contrat passé à Parls quelqu’un donne la moitié de ses immeubles avec garantie, n’est-il pas vray qu’en l’un et l’autre cas il contracte une obligation per-sonnelle, l’une de faire valoir le doüaire jusqu’à la moitié de son bien, et l’autre de faire subsister la donation, et par consequent cette convention personnelle empesche la realité, et doit prevaloir comme plus noble sur la disposition de la Coûtume ; ainsi nonobstant la disposition de la Coûtume de Normandie de bailler plus que le tiers en doüaire, ou de donner plus que le tiers de ses immeubles, ces deux Contrats ne laisseront pas d’avoir leur execution, à cause qu’il s’y rencontre de la disposition de l’homme. La stipulation pour la communauté n’est pas plus personnelle que la stipulation pour le doüaire en l’une et en l’autre il se contracte une véritable obligation personnelle, et neanmoins suivant la doctrine même des Ar-rests du Parlement de Paris, la stipulation d’un doüaire sur des biens en Normandie plus rand que celuy qui est permis par la Coûtume est reductible. Or la Coûtume de Normandie ne défend pas plus étroitement de donner plus que le tiers en doüaire, que de bailler lus que le tiers des conquests à la femme, au contraite la prohibition y est encore plus expresse ; car l’Article CCCXXx. dit que quelque accord ou convenant qui ait été fait par le Contras de mariage les femmes ne peuvent avoir plus grande part aux conquests que celle qui leur appartient par la Coutume. La Loy reprouvant si absolument tout ce qui est fait contre sa disposition, il faut ou que l’homme n’y puisse déroger par aucune stipulation, ou que sa disposition puisse être aneantie par une simple convention personnelle ; mais en tous cas cela ne doit pas être ermis à ceux qui sont nez dans son térritoire, et qui ne choisissent un domicile ailleurs qu’à r’effet seulement de pouvoir éluder sa prohibition

&es distinctions et ces maximes peuvent être autorisées par les Arrests mêmes du Parlement de Paris ; car pour montrer que nonobstant que le Contrat soit passé à Paris, on ne peut promettre plus que le tiers en doüaire sur les biens en Normandie. L’on cite l’Arrest de Fervaques et de Larchant remarqué par MrLoüet , l. C. n. 15. et 16. et pour les donations mutuelles on apprend de du Moulin même que les hentiers du Chancelier de Ganvay s’étant pourvûs contre l’Arrest qui avoit confirmé la donation mutuelle de tous les biens, et la Cause ayant été renvoyée en ce Parlement, la donation fut déclarée nulle pour les biens qui étoient situez en des Coûtumes où ces donations n’étoient point reçûés : mais quoy que du Moulin accuse les Juges d’ignorance, on a jugé la même chose par deux Arsests du Parlement de Patis : Le premier rapporté par M. Loüer, l. C. n. 16. par lequel la donation faite par le sieur de Larchant à la Dame sa femme par fon Contrat de mariage, fut jugée valable seulement jusqu’à la concurrence de ce que la Coûtume de Normandie permet de donner par le mary à sa femme : Le second est de l’année 1663. et est rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences, par lequel la donation mutuelle faite par le Contrat de mariage de Mr desMiroménil à la Dame sa femme a été déclarée nulle : pour les con quests d’héritages et de rentes foncieres en Normandie, et pour les rentes constituées sur des particuliers en Normandie elle fut confirmée, parce que Mr de Miroménil avoit son domicile à Paris.

Pour les conquests faits pendant la communauté, par l’Arrest donné au profit des Dame de Prie et de Medavi, heritiers de Mr le Marquis de Fervaques, bien que le Contrat de mariage eût été passé à Paris, et que la communauté eût été stipulée et raglée suivant la Coûtume de Paris, avec dérogation aux autres Coûtûmes, toutefois parce que Mr le Maréchal de Fervaques avoit toûjours demeuré en Normandie, qu’il y avoit sa principale Terre, et qu’il étoit Lieutenant de Roy en Normandie, sa veuve nonobftant la communauté fut privée de la moitié qu’elle pretendoit aux acquisitions faites en Normandie ; et l’Affest de Carchant cy-dessus allégué semble n’être pas contraire, parce que l’on jugea que le sieur de Larchant étant à la suite de la Cour il avoit son véritable domicile à Paris, que est caput Regni, quoy que sa principale maison fût assise en Normandie : Ce fut donc son domicile qui servit de fondement à l’Arrest ; endfffet les donations portées par le même Contrat de mariage urent reduites à la portion que la Coûtume de Normandie permettoit de donner : il semble donc raisonnable en ce seul cas que quand les deux conjoints sont actuellement demeurans dans une Coûtume où il y a communauté de biens entre personnes mariées, et qu’ils font des acquisitions en des lieux où les acquests ne sont pas communs entre les conjoints, la communauté ne laisse point d’avoir son effet ; mais que quand le mary n’y a point d’autre domicile que celuy qu’on luy fait établir par le Contrat de mariage, quelque dérogation que l’on fasse aux Coûtumes, et quoy qu’on se sumette à la Coûtume et à la Jurisdiction de la Prevôté de Paris, la communauté ne peut s’étendre que dans les lieux où elle est autorisée, et non ad bona plibi sita ; mais on auroit de la peine à persuader cette maxime, et à faire renoncer les Parisiens aux avantages que produit la communauté, étant prevenus que le statut qui introduit la communauté régarde seulement les personnes et non les choses acquises ; et au contraire en cette Province on soûtiondroit avec plus de justice que la commuhauté ne peut avoir la force de changer l’ordre étably par la Coûtume touchant les héritages, parce qu’elle a le pouvoir de disposer de tout, ce qui est réel dans son térritoire, et la femme ne pouvant avoir plus grande part aux conquests que celle qui luy est accordée par l’Article CCCLXXX. la communauté contractée ailleurs ne peut ruiner cette disposition.

Cette communauté néanmoins n’empesche pas le mary de disposer des meubles et des aequests, parce qu’il est le maître de la communauté, ce qui ne luy est pas même défendu par une donation entre vifs, quia, dit duMoulin , de Feud. n. 88. 8. 43. jus uxoris in conquestibus est infirmum et debile, non exit in actum, nechabet vires, nisi in puncto dissolutionis matrimonii, mais il n’a pas la liberté d’en disposer par Testament ; la raison est que le Testament n’a son execution que par la mort du Testateur, et en ce temps le droit est acquis à la femme, et par la Coûtume la moitié des meubles appartient à la femme s’il n’y a point d’enfans, en exemption des legs testamontaires ; d’où il resulte que le mary ne peut disposer par son Testament de la moitié les moubles qui appartient à sa femme, par l’Article 296. de la Coûtume de Paris le mary ne peut disposer de ses meubles et conquests, immeubles communs entre luy et sa femme du prejudice de sa femme. Ricard sur cet Article, dit avoir été jugé que le mary ayant disposé par Tostament de tous les meubles et acquests de la communauté, la femme aprés son decez y ayant renoncé, tous les meubles et acquests appartiennent au legataire et non à l’hecitier du mary, qui luy contestoit la moitié qui fût restée à la femme. La Coûmme de Troyes,, Article 84. permet au mary nonobstant la communauté de disposer de tous les meubles et acquests par donation entre vifs, mais non par Testament.

Bien que la Coûtume n’admette point la communauté entre gens mariez, il ne faût pas en induire que toutes associations ou communautez de biens soient défenduës en cette Province, et c’est pourquoy il ne sera pas inutile d’examiner de quelle manière la communauté se contracte en Normandie, entre quelles personnes, et sous quelles conditions elle peut avoir effet.

La communauté se contracte en deux manieres, ou par une convention expresse des parties, ou par un consentement tacite qui s’induit et qui se presume lors que des personnes apportent leurs biens en commun, et c’est de cette sorte qu’il faut entendre ce que le Jurisconsulte a dit en la Loy quatriéme, pro socio D. que Re et verbis societas coiri potest : Re, id est tacitâ, rebus in commune collatis. Verbis autem, id est conventione expresâ :Hotoman . in pitom. Tit. pro socio B

Il y a deux espèces de communauté conventionnelle, l’une particulière, l’autre universelle, l. Societates. D. pro socio. La premiere est renfermée dans quelque negociation particulière de quelques fermes, de quelques espèces de marchandises : l. 2. C. pro socio, la societé universelle est celle qui se fait de l’université des biens, et elle peut être de deux sortes ; car ou la convention est generale et expresse de tous biens sans en rien excepter, et en ce cas tous les biens des associez entrent en sa communauté, et tout ce qui leur échet à l’avenir, soit à titre onereux ou à titre hucratif, leur devient commun. In societate omnium bonorum omnes res que coeuntium sunt continub communicantur. l. 1. 5. 1. D. pro socio. Que si la société est simplement contractée sans expression des choses qui doivent y entrer, et qui doivent devenir communes, en ce cas la communauté ne s’entend que de ce qui provient du commerce, du travail, ou de l’industrie des associez ; mais ce qui procede de donations ou successions, ne devient point commun. Cette distmction est nettement établie par la Loy septième et les suivantes, eod. coivi socigtas et simpliciter licet, et si non fuerit distinctum, videtur coita esse universorum que ex questu veniunt. Nec adjecit Sabinus hereditatem vel legatum vel donationes : fortassis hac ideo, quia non sine causa obveniunt, sed ob meritum aliquod accedunt. La Coûtume d’Orléans.

Article 214. dit à peu prés la même chose, que la societé, si elle n’est limitét, est seulement

entenduë de : tous les biens, meubles et conquests immeubles, faits par les parties durant leur societé.

Que si la convention n’exprime point la portion que chaque associé doit avoir en la communauté, ils seront tous égaux, l. si non fuerint, eod. que s’il est dit combien chacun pren-lra, cette paction doit être gardée, pourvû qu’elle soit équitable ; car s’il étoit convenu que l’un auroit tout le profit, et que l’autre demeureroit seul chargé de toute la perte, cette consention ne pourroit valoir : Iniquissimum eest onim genus societatis, ex quâ quis damnum non Aristo eriam lucrum specter. l. 29. 8. Aristo. eod.

Toutes personnes libres et capables d’agir peuvent contracter une communauté ; mais ce Contrat peut-il valoir dans les Coûtumes qui ne permettent pas aux peres de faire avantage. Sainson à l’un de leurs enfans plus qu’à l’autre ; Sainson sur l’Art. 2. t. 22. de la Coûtume de Tours propose cette question, et témoigne que dans la Touraine les gens de la Campagne et les Bourgeois font ordinairement de ces Contrats, quoy que par la Coûtume un pere ne puisse donner à l’un de ses enfans plus qu’à l’autre, en quoy ils contreviennent manifestement à la Loy : Cet Auteur sans refoudre cette difficulté a écrit ces paroles ; Et sanè est apud me stupenda res, et tamen ista tolerantur ; mais il conseille de faire agréer la communauté par les autres frères : Ce conseil neanmoins est fort inutile, puis que tous les consentemens que les peres de leur vivant exigent de leurs enfans ne les obligent point aprés leur mort, lors qu’ils sont contraires à la disposition de la Loy

Il est assez ordinaire en cette Province, et particulierement dans le Bailliage de Caux, que les Laboureurs en mariant leurs fils les admettent en communauté de biens, ce qui fait naître des debats entre les freres, lors que celuy d’entr’eux que le pere a associé demande la moitié des meubles et des conquests, et sa portion hereditaire sur le surplus, les autres pretendans que lour pere n’a pû le recevoir en communauté à leur prejudice, étant un avancement indirect qui luy est défendu par la Coûtume

Pour refoudre ces difficultez, il faut considerer si le fils a apporté des biens en la communauté, et s’il a contribué à l’augmentation d’icelle par son trafic, son travail, et son industrie, car s’il met entre les mains de son père le mariage de sa femme, s’il fait negoce et que son pere étant âgé il travaille, et soit chargé seul du soin du ménage et de la conduite de la maison, il ne seroit pas juste de le priver du fruit de ses peines, et l’on ne peut dite en ce cas que ce soit un avantage indirect : mais si le fils a fait valoir separément son bien, s’it a negocié en son particulier, et qu’enfin il n’ait rien apporté, ou peu contnbué à l’accroissement de la communauté, tout le commerce et le ménage ayant été fait aux dépens et par la conduite du pere, cette communauté où le fils est admis par le pere est un pur avantage, dont il ne peut profiter au prejudice de ses freres, ce qui par consequent ne doit pas empescher que tous les biens ne soient reputez avoir appartenu au pere, et qu’ils ne doivent être partagez entre les eufans comme biens paternels.

Quant à la societé ou communauté tacite, il est certain qu’autrefois en France elle s’indluisoit entre ceux qui avoient demeuré ensemble par an et jour, cela se prouve par le grand Coûtumier qui fut composé du temps de Charles VI. Nota, dit-il, que par Usage et Coûtume deux conjoints et associez demeurans ensemble par an et jour sans faire division et prote-station, ils acquierent l’un avec l’autre communauté quant aux meubles et conquests, ce qui est confirmé par cet ancien Praticien JoannesFaber , sur le Titre, De Societate, aux Institutes.

On en use encore aujourd’huy de cette maniere en quelques Coûtumes, où la demeure par n et jour suffit pour établir la communauté : quelques autres outra la demeure et la table commune désirent un mélange de biens, et une communication du gain ; mais dans la pluspart des autres Coûtumes ces socierez tacites sont abolies. Orleans, Article 213. Tours, 23t.

Nivern. t. 22. des Commun. et Associat. Art. 1.

En Normandie nous n’avons pas absolument rejetté les communautez tacites, mais aussi nous ne les recevons pas indistinctement : la simple demeure par an et jour, ou par un plus long-temps, n’établit point une communauté, on fait aussi distinction antre les personnes : quelque longue demeure que les enfans fassent avec leurs pere et mere, ils ne sont point reputez communs, il faut une convention expresse pour établir la communauté, ce qui est fondé sur ces deux raisons : La premiere, pour éviter favancement indirect que le pere seroit à ceux de ses enfans qu’il recevroit en communauté : La soconde, que les enfans sont reputez n’avoir d’autres biens que ceux de leurs peres. ePar le Droit Romain ce que le fils de famille étant en la puissance de son pere acqueroit d’autre part que de la substance et des facultez de son pere, étoit reputé adventif au fils, et luy appartenoit quant à la proprieté, le seul usufruit demeurant au pere, l. cum oportet. C. de pon. que liber. Si parmy nous un fils de famille avoit quelques biens de son côté, soit le mariage de fa femme, ou qu’il fist quelque negoce et exerçât quelque vacation qui luy seroit utile, les acquests qu’il feroit en son nom luy appartiendroient, quoy qu’il demeurât avec son père, et ses freres n’y pourroient rien pretendre à droit de communauté ; mais si le fils reçû en communauté ne pouvoit avoit acquis que par le moyen des biens de son pere, cet.

acquest entier seroit mis au nombre des biens paternels, et le fils n’y poutroit demander part en consequence d’une communauté, bien qu’il alléguût avoir contribué de ses soins et de son travail pour laugmentation des biens de son pere.

Non seulement la communauté n’est point presumée par la demeure des enfans avec leur pere, elle ne l’est point aussi par la demeure du pere avec ses enfans : Un fils s’étant marit et tenant maison separée, reçût quelque temps aprés son pere avec luy : les créanciers du pere ayant saisi les meubles qu’ils avoient trouvez dans sla maison du fils, pretendirent qu’encore qu’il n’y eût point de société conventionnelle, il y en avoit une tacite, qui s’étoit contractée par une demeure ensemble par an et jour, et par la confusion de leurs biens le pere ayant apporté ses meubles chez son fils : a quoy il fut répondu par le fils que la communauté tacite ne s’établissoit point par une simple demeure, qu’il ne s’étoit fait aucune communication ny mélange de leurs biens, méconnoissant que son pere eût apporté aucuns meubles chez luy Par Arrest du 19. de Juillet 1652. il fut dit que le creancier feroit preuve que le pere eût apporté des meubles en la maison de son fils. Ainsi lon jugea que la communauté ne se conractoit point par la seule demeurs

Par lancienne Coûtume, Titre de Communité de biens, 1. 7. c. 11. pour acquerir communauté il faut être capable de contracter, c’est à dire être en âge parfait, et que les contractans ne foient point au pouvoir l’un de l’autre, comme est le fils au pouvoir parernel. Il est vray que l’Auteur de l’Adition sur ce Texte a écrit que la communauté se contracte entre le pere et ses enfans, pourvû qu’ils soient mariez ou âgez, et qu’ils ayent communiqué à leur pere les denters et autres choses promises par le Contrat de matiage, et que par an et jour ils ayent demeuré ensemble, faisans les affaires les uns des autres, et tous actes de personnes communs en biens, et que cette societé est appellée tacite.

Mais cette glose n’a point prévalu sur le Texte ; la communauté du pere avec ses enfans non seulement doit être stipulée et portée par écrit, il est encore necessaire pour la faire subsister et pour en profiter, que le fils ait dequoy appotter en la communauté, autrement cette association est reputée un avancement indirect ; mais quoy qu’il n’y eût pas de communauté conventionnelle, si toutefois il paroissoit que le fils eût apporté à son pere son ma-riage ou d’autres biens, il pourroit les reprendre lors qu’il n’y a point de communauté par crit, et même il seroit juste de luy tenir compte des interests si la nourriture fournie par fe pere pouvoit être compensée contre les services et le travail du fils.

Par l’Article 102. de la Coûtume de Troyes, les enfans étans sous la puissance paternelle ne euvent acquerir droit de communanté uvec pere et mere, les parens mêmes, et autres personnes nourries par gratuite affection, pitié ou service, ne peuvent acquerir droit de communauté avec ceux qui les nourrissent, par quelque temps qu’ils y demeurent, sil n’y a expresse convenance sur ce fait : En effet il ne seroit pas juste que ceux qui n’apportent rien du leur, et lesquels au contraire sont nourtis aux dépens d’autruy, pûssent en vertu de la seule demeure acquerir droit de communauté.

Ce que j’ay dit que la societé tacite du pere avec les enfans n’est point admise, doit être ttendu à la veuve du fils et au gendre par l’Article XXI. Titre des Droits des Gens Mariez de la Coûtume de Nivernois ; le gendre ou la femme du fils venans demeurer avec leurs beauxpere et mere ou l’un d’eux, aprés l’an et jour de leur demeurance avec eux acquierent com-munauté. Coquille sur cet Article dit que par la Coûtume de Bourgogne la femme du fils n’acquiert communauté avec le pere de son mary, et qu’elle remporte ce qu’elle a apporté : ce qu’il estime raisonnable, parce qu’ordinairement les femmes ne conferent pas en la communauté tant d’industrie et de travail qu’un homme : Nous en userions de cette manière en cette province, parce que ces societez tacites pourroient produire un avancement indirect.

I fut jugé neanmoins en la Chambre des Enquêtes le 24. de Mars 1639. au Rapport de Mr Brice, entre le sieur du Buse et d’Amours, qu’une belle-mere ayant demeuré plu sieurs années avec son gendre, vécu de même pain et por, et oonféré leurs biens ensemble, étoient reputez communs en biens à l’effet d’obliger la belle-mere et ses heritiers aux dettes de sou gendre, et d’y affecter ses meubles, quoy qu’il ne parût pas qu’elle eût passé aucuns Contrats, ny fait aucuns baux avec son gendre, et que l’on alléguât qu’elle n’étoit venuë demeu-ver avec luy que pour ménager son bien, et non pour s’engager pour luy ; mais cette longue lemeure et cette communication de leurs biens étoit suffisante à l’égard des creanciers, pour induite une communauté.

La question est plus douteuse à l’égatd des freres : Balde sur la l. 1. C. qui testament. facke possunt, est de cette opinion, qu’encore que les freres aprés la mort de leur pere demeurans ensemble et joüissans en commun de la succession, ne soient pas reputez contracter une communauté, si toutefois durant une longue demeure ensemble ils ont possedé tous leurs biens et negocié toutes leurs affaires en commun sans se rendre aucun compte, ils sont presumez Papinien avoir contracté une societé. Bartole au contraire traitant cette matière sur la Loy cum duobus, 5. idem, Papinianus D. pro socio, et sur la I. Titium aut Mevium, 5. altero de administ tut. D. et sur la l. Patruus. C. communia utrius. judic. estime que la societé n’est jamais presumée, si elle n’est expressément. stipulée, et en suite il distingue ces quatre cas : De premier, lors que les freres ne sont pas tous majeurs : Le seconde, lors que les fretes sont personnes de qualité qui ne sont aucun commerce, en-ce cas quoy qu’ils joüissent indivisément de la sucgession de leur peté, on ne presume poit de societé, si d’ailleurs il ne paroit par quelques actes que leur intention a été de demeurer en communauté de biens : En troisieme lieu, il n’y a point de societé entre freres, lors que l’un d’eux fait quelque commerce, et que les autres n’en font point : Et enfin quand les freres sont tous majeurs ; et qu’ils négocient ensemble, on presume la societé, parce que ces actes-là ne se peuvent faire sans quelque asso-ciation, isti sunt actus qui non possunt geri citra jus & nomen societatis.

Bartole Pour concilier les opinions de Balde et de Barpole, l’on peut dire suivant la doctrine de Jason, que bien que les freres joüissent en commun de la succession paternelle, si neanmeins ds n’ont entr’eux aucun autre commerce ; cela ne suffit pas pour étoblir la communauté ; mais l’il se passe entr’eux quelques autres actes qui marquent une intention de communauté, s’ils ont long-temps vécu et demeuré ensemble ; il faut presumer une affociation, litet non sint actus questuarii aut mercantiales, sufficit quod sunt actus communicativi et sociales, et ex diuturnitate remporis et communi usu vivendi, et concurrente conjunctione sanguinis pro communitan Sainson presumendum est. Sainson sur l’Article 2. t. 22. de la Coûtume de Tours.

Aussi quoy que par l’Article premier, titre des Communautez et Associations de la même Coûtume, communauté de biens ne se contracte paisiblement entre gens demeurans ensemble par quelque temps que ce soit, s’il ny a convention expresse : néanmoins, par l’Art. 2. du même titre, entre deux frères majeurs de vingt ans étans hors de puissance de pere qui ont demeuré ensemble par an et jour, tenans leur bien par ensemble, et faisant communication de gains, il y a communauté paisible contractée entr’eux : De sorte que lors que ces quatre choses se rencontrent, que. les freres soient majeurs, qu’ils soient hors la puissance paternelle, qu’ils demeurent ensemble, et qu’ils fassent communication de gain et de profits, il se contracte une société tacite entre les frères ; mais suivant le sentiment deCoquille , cela n’auroit pas lieu entre le frère et la soeur ; car le travail et l’industrie de la soeur n’étant pas ordinairement égale à celle du fiere, il ne seroit pas faisonnable de presumer entr’eux une communauté sans convention Par nôtre ancienne Coûtume, au titrre de Communauté de biens, deux freres qui aprés le décez de leur pere demeurent enfemble sans faire partage de la succession paternelle, ou la mere avec ses enfans, étoient censez et reputez contracter et acquerir communauté de biens ; mais, à mon avis, une simple joüissance en commun ne suffiroit pas, si l’employ du revenu n’en avoit été fait en commun, ou en tout cas il faudroit que cette joüissance eût été conainuée durant plusieurs années

On doit pareillement admettre cette société tacite, lors que suivant le texte de l’ancienne Coûtume, deux personnes capables de contracter et d’acquerir communauté ensemble, c’est à dire étant en âge parfait, et n’étant au pouvoir l’un de l’autre, demeurent ensemble en une même maison par an et jour, ne font qu’une table et un feu, et vivent à dépens communs sans rendre compte l’un à l’autre, apportans et communiquans l’un à l’autre leurs biensmeubles et revenus, et ée qu’ils peuvent gagner par leur commerce ou par leur industrie, ils sont reputez contracter communauté. Il ne suffit donc pas, comme plusieurs l’estiment, d’une demeure par an et jour pour prouver une communauté, il est encore nécessaire que les utres conditions s’y rencontrent. Berry, t. 8. Art. 10 L’effet de cette société tacite ne s’étend que sur les meubles et sur les conquests faits du tant qu’elle a duré, et même la societé expresse par la pluspart des Goûtumes n’a pas plus d’étenduë : par l’Article 214. de la Coûtume d’Orléans ; la société contractuelle si elle n’est simitée, sera faulement entenduë de tous les biens-meubles et conquests immeubles faits par les parties durant la societé. Et par l’Article 3. des Communautez et Associatlons de la Coûtume de Nivernois, en communauté de biens expresse ou taisible, les meubles faits aupara-vant et durant icelle et les conquests, sont compris et communs entre les personnes ; et par nôtre ancienne Coûtume ceux qui sont reputez communs contractent une communauté de leurs biensemeubles et de leurs héritages, qui seront par eux et chacun d’eux acquis durant la communauté.

Sous ce mot de meubles l’on comprend tous les droits mobiliers, charges mobiliaires, profit et perte d’actions et dettes actives et passives, contractées pour le fait et pour les affaires de la communauté ; car l’argent que l’un des associez auroit emprunté pour ses affaires particulieres ne pourroit être pris sur les effets de la communauté, non plus que la dépense qu’il auroit faite pour son interest seul.

gprés avoir expliqué comment la communauté se contracte, il faut aussi sçavoir comment elle finit et peut etre dissoute ; cela peut arriver en quatre manieres : La premiere, quand les associez renoncent à la communauté ; car la société ayant pour principe et pour fondement le consentement des parties elle cesse d’être lors qu’elles changent de volonté, l. 4. 6. 1. et l. convenerit pro socio D. Il faut neanmoins que cette renonciation ne se fasse pas hors de saison ou en fraude, car elle donneroit lieu à une condamnation d’interests faute la continuera

l. actione 85. 8. 3. eod. et en ce cas, socium à se non se à socio liberat. Cons. l. 8. 6. mais si le temps de la société est finy on ne peut être contraint ; la communauté est pareillement resolue par a mort de l’un des associez : Morte unius socii societas dissolvitur et si omnium consensu coita it, plures vero supersint. l. 6. actione 5. 8. morte, eod. ce qui n’a pas lieu seulement par la mort naturelle, mais aussi par la mort civile : Comme par le decret des biens de l’un des associez, dicta l. actione, 3. publicatione. Il est vray que cette Loy parle de publicatione universorum bonorum : C’est un troisième moyen de resolution, lors que la chose qui fait le sujet et la ma-tière de la communauté vient à perit l. verum, 5. ult. eod Et enfin, la société cesse lors que les associez ont commencé d’agir separément ; cum separatim socii agere coeperint & unus quisque eorum sibi negotiatur. l. itaque, eodem : On ne peut faire de societé qui soit eternelle, nulla in aternum societatis coitio est. l. nulla, eod. et c’est pourquoy les Jurisconsultes ont marqué les moyens par lesquels elle pouvoit finir, societas finitur ex personis, ex rebus, ex voluntate, ex actione.

Geux qui ne sont point dans cette volonté que leur demeure et la joüissance en commun des biens qu’ils possedent en commun, puissent former entr’eux une société tacite, doivent t en passer un acte public, et même pour prevenir toutes contestations le faire publier au Prone de la Paroisse où ils ont leur domicile.