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CCCXC.

Droit du mary des meubles échû à sa femme, et charge d’iceux.

Les meubles échûs à la femme constant le mariage, appartiennent au mary, à la charge d’en employer la moitié en héritage ou rente, pour tenir le nom, costé et ligne de la femme, si tant est qu’ils excedent la moitié du don mobil qui a été fait au mary en faveur de mariage.

La disposition portée par cet Article est imparfaite, et l’on ne peut exeuser nos Reformateurs de s’être expliquez fort ambiguément ; car ayant cette intention d’obliger le mary à remployer les meubles échûs à sa femme constant le mariage, pourquoy ne l’assujettir à ce remploy que quand ces meubles excedent en valeur la moitié de son don mobil ; ce don mobil n’étant pas une condition nécessaire du mariage, et souvent n’étant rien donné par la femme à fon mary, il demeure incertain si le mary est tenu à quelque remploy lors qu’il n’a point eu de don mobil, ou en cas qu’il y soit obligé, quelle portion il en doit remplacer.

Il efit été plus regulier de fixer une portion que le mary seroit toûjours obligé de remplacer, sans considerer la valeur et la quantité du don mobil, ou au moins il faloit ajoûter ce qu’il faudroit remplacer quand il n’y auroit point de don mobil. L’intention de la Coûtume a été vray-semblablement d’ôter au mary une partie des meubles qui échéent à la femme consant le mariage, lors qu’elle luy a déja fait quelque don, parce qu’il auroit trop d’avantage. meubles qui peuvent échoir à sa femme, qui ne sont pas ordinairement le bien le plus cons’il avoit lun et l’autre ; mais quand il n’a rien eu, il étoit juste de luy laisser entièrement les sidérable des familles, vû même qu’il demeure chargé des dettes de sa femme. C’étoit aussi lancien Usage, et la Coûtume nouvelle n’avant parlé du remploy que lors qu’il y a eu don mobil, la consequence semble naturelle, qu’il n’est point dû de remploy quand il n’y a point le don mobil-

C’étoit le sentiment de Me JosiasBerault , contraire à celuy de Godefroy ; mais cette difficulté a été terminée par un Atrest donné en la Chambre de FEdit du 26. de Février 1639. entre Jeanne du Bose, Sarra Martel, et autres parties ; par lequel le mary fut condamné de remployer la moitié des meubles échûs à sa femme constant leur mariage, quoy qu’il ne luy eût été fait aucun don mobil. Ainsi par un temperament equitable, sa femme qui n’a rien donné à son mary partage également avec luy les meubles qui luy peuvent échoir constant reur mariage.

On ne jugea pas la même chose pour des deniers qui appartenoient à la femme, avant sonmariage, parce qu’elle avoit fait un don mobil à son mary. Tronel avoit donné cinq cens livres à une femme qui se matia depuis au nommé Baudoüin, et qui luy donna une certaine omme pour son don mobil, à prendre sur ses autres biens : Baudoüin ayant demandé les cinq cens livres à Tronel, heritier du donateur, il refusa de les luy payer, qu’en luy baillant bonne et suffisante caution, pretendant que cette somme tenoit nature de dot, puis qu’elle appartenoit à sa femme avant lon mariage, et qu’elle n’en avoit point disposé en sa faveurs au contraire Baudoüin soûtenoit n’être pas obligé à ce remploy, ne s’agissant que d’une chose mobiliaire qui ne doit être remplacée que lors qu’elle excede la moitié du don mobil, suivant cet Article ; or ne l’excedant point elle luy appartenoit, et sans être obligé de bailler caution, On repliquoit que cet Article ne s’entendoit que des meubles échûs à la femme constans de mariage, mais à l’égard de ceux qui luy appartenoient avant le mariage, ils tenoient nature de dot lors qu’elle n’en avoit point disposé au profit de son mary : Il fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre le 9. d’Avril 1655. et Baudoüin n’eut la delivrance des cinq cens livres qu’en baillant caution ; la femme ayant limité par le Contrat de mariage le don qu’elle vouloit faire à son mary, le surplus luy tenoit nature de dot, n’étant pas necesfaire pour cet effet d’une stipulation expresse ; et c’est pourquoy Baudoüin n’étoit pas dans les termes de cet Article, qui ne parle que de meubles échûs à la femme depuis le mariage, qui appartiendroient de plein droit au mary cessant la disposition de cet Article.

On comprend sous le nom de meubles qui échéent à la femme, et dont le mary est tenu de remployer une partie, non seulement tous les biens et effets mobiliers, mais aussi tous les droits et actions de cette nature ; cela donna lieu à cette question, sçavoir si certains interests resultans de crime étoient sujets à remploy. Boulen poursuivit la vengeance de la mort du fils de la nommée Puller sa femme, il obtint condamnation de deux mille livres d’interests ; les heritiers de cet homicidé demanderent une part à ces interests, et pour le surplus ils concluoient contre le mary qu’il étoit obligé d’en remplacer la moitié, comme d’un meuble échû à sa femme ; mais cette pretention fut jugée détaisonnable, par Arrest donné en la Chambre de la Tournelle le 19. d’Aoust 1656. et les heritiers furent privez d’y avoir part.

Ils avoient signé la plainte, mais il ne paroissoit point qu’ils eussent fait aucuns frais. si le mary ne fait point le remploy et n’execute point ce que la Coûtume luy ordonne, il semble juste que la femme ait sa part entiere aux meubles, et que le remploy que son marv n négligé de faire soit pris sur le surplus ; car la Coûtume ayant condamné le mary à faire le remplacement en héritage, il est reputé fait de plein droit au prejudice du mary, n’étant pas juste que ses heritiers profitent de sa negligence, ou que sa femme en reçoive du prejudice.

D’ailleurs l’action qui appartient à la femme pour le remploy est immobiliaire, et par consequent sa part aux meubles n’est point sojette à cette contribution : Il faut donc tenir, et il n été jugé de la sorte en la Chambre de l’Edit, que contre le mary ou ses heritiers le remploy est toûjours reputé fait, parce que la Loy luy ordonnoit de le faire.

Cette action de remploy est si favorable, qu’on est reçû à justifier par témoins la valeur des meubles, quoy qu’elle excede la fomme portée par l’Ordonnance de Moulins : On a même donné cette action de remploy à l’heritier de l’enfant sorty de la femme, à laquelle les meubles étoient échûs, comme étant une action immobiliaire. Par Arrest donné en la Chambre des Enquôros, le mois de Janvier 1653. au Rapport de M de la Basoge, il fut dit que sans avoir égard à la fin de non recevoir fondée sur l’Ordonnance, Savale feroit preuve des meubles que Joüanne avoit eus de sa femme, et que le remploy en seroit fait sur ses biens : L’on soûtenoit que la fille issué de ce mariage étant devenuë héritière au paternel et au maternel, elle avoit confonda cette action en sa personne, que la Coûtume n’en faisoit pas elle-même le remploy, qu’elle y obligeoit seulement le mary ce qui ne produisoit qu’une action en remploy, que cet Article est ajoûté à l’ancienne Coûtume, qui donnoit tous les meubles au mary, et par consequent il ne faloit pas l’expliquer en faveur des femmes : Mais on tépondoit que le mary n’ayant point fait d’inventaire il avoit commis une fraude qui ne se pouvoir découvrir que par témoins, qu’il n’y avoit point de confusion du bien paternel avec le maternel, et la separation s’en faisant ex antiqua causa, les droits assoupis renaissoient : ainsi cette action qui étoit immobiliaire commençoit à revivre, puisque la Coûtume vouloit en cet Article que de ces meubles l’on fist un héritage ou une rente, qui tinst le nom, côté et ligne de la femme ; la Coûtume ayant donc ordonné que cela fût converty en immeuble, et que ce fût un bien maternel, quand le mary n’avoit point fait le remploy la Coûtume le faisoit pour luy ; et pour montrer que cette action étoit immobiliaire, le mary hérite des meuples de sa femme, et neanmoins il ne succede pas à ceux-cy. C’est donc un immeuble à l’é-gard de la femme et de son heritier, n’y ayant aucune raison qu’il fût meuble entre les mains de lheritier, et qu’il fût immeuble en celles de la femme.