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CCCXCI.

Meubles de la femme separée de biens à qui appartienent.

Avenant la mort de la femme separée quant aux biens d’avec son mary, ses meubles appartiennent à ses enfans : et si elle n’en a, ils doivent être employez à la nourriture du mary et acquit de ses dettes.

La Loy de Grace ayant rendu le mariage indissoluble parmy les Chrêtiens, et la licence du divorce étant abolie, il étoit juste de donner quelque secours aux femmes malheureuses, et de les delivrer en quelque sorte de la caprivité de leurs maris, lors que leur mauvaise conduite, é leur violence, ou leur humeur facheuse et bizarre rendoient leur condition miserable ; et c’est le par ce motif que l’on a introduit les separations de corps et de biens, mais comme on ne doit en venir à cette extremité, et sur tout à la separation de corps, que pour des raisons importantes, il ne sera pas inutile de traitter de la cause et du sujet de ces separations, de la qualité des personnes qui peuvent la demander, de leur forme et de leur effet.

C’est une maxime certaine que les separations volontaires de corps et de biens entre gens mariez, sans connoissance de cause et sans autorité de Justice, sont nulles et reprouvées par les constitutions Civiles et Canoniques ; l’honnêteté publique étant blessée particulièrement par la separation de corps, elle ne doit point dépendre de la volonté des particuliers, puis qu’elle produit une espèce de divorce, et que le mariage si saint et si mdissoluble ne dépendroit plus que du caprice des mariés ; la moindre colere leur feroit prendre ce party, et avec la même legereté ils pourroient se reconcilier, et leur condition demeurant incertaine, on ne Argentré verroit que des tromperies. MrLoüet , L. 5. n. 16.Mornac . Ad l. 7. de Divortiis : Argentr. 429. glos. 5. n. 5. Mr lePrêtre , Centi r. c. 67. Or comme les separations de corps sont d’une ronsequence beaucoup plus importante que la simple separation de biens, aussi les Causes en doivent être plus graves. Les divorces ne sont plus permis, quoy qu’ils fussent encore en usage en France du temps du Roy Dagobert, comme on l’apprend de Marculphe qui nous en a conservé la Formule, l. 2. c. 30. L’on ne souffre plus aussi ces separations qui se faisoient ex bona gratiâ l. si constante C. de Repud. et les separations volontaires de corps : Le Parlement de Provence les a si fort desaprouvées, que par plusieurs Arrests il a fait défenses aux Notaires de recevoir des Contrats de separation volontaire de corps : Boniface l. 5. t. 6. c. 1. et sans doute on ne doit les souffrir qu’avec grande connoissance de cause, le relachement seroit perilleux, et il étoit important de reprinier cette licence, dare franos indomito animali & impotenti naturae : L’obeissance est le partage de la femme, et lors que sa condition n’est pas tout à fait malheureuse, elle doit porter avec patience des maux mediocres.

La Loy consensu C. de Repudi et la Nov. 117. expliquent plusieurs Causes qui peuvent autoriser le divorce, mais les sevices du mary sont le sujet le plus ordinaire des separations de corps ; en effet le mary ne peut commettre une action plus lache et plus honteuse que de porter la main sur sa femme ; on ne doit plus la forcer de converser avec un homme si seroce, qui fait soussrir à sa compagne des traitemens qui ne seroient pas même excusables en la versonne d’une vile esclave, et à laquelle la Loy permet de se plaindre contre son maître, l. 1. 8. 3. de Offic. Praf. urbi, si duritiem, si famem, si obscenitatem exponant, Les Loix ne contraignent pas une femme de demeurer avec un mary dont la compagnie est si dangereuse et insupportable, mais toutes sortes de mauvais traitemens ne doivent pas porter la femme à rompre le silence ; les menaces, ny même les paroles outrageuses, ne sont pas des causes suffisantes de separation ; le mariage donnant au mary une si grande autorité sur la personne de sa femme, elle ne doit se servir d’un remede si facheux que quand il exerce les actions d’un tyran plûtost que d’un mary : il n’est pas necessaire pourtant que sa patience soit muette jusqu’à ce qu’elle ait un bras rompu ou un et il crevé, comme vouloit l’ancienne Coûtume, elles peuvent se plaindre pour des sevices moins grandes, les mauvais. traitemens d’un mary sont plus ou moins supportables selon la qualité des personnes, ou selon qu’ils retombent souvent dans des emportemens facheux et atroces.

Mais il faut avoüer que le caprice, la jalousie, et l’yvrongnerie causent souvent des desordres plus insupportables que les coups, et qu’ils rendent la condition des femmes tres-mal-heureuses ; la jalousie est une maladie qui met à bout la patience des plus vertueuses, parce qu’elle explique mal les actions les plus innocentes ; leur modestie, leur tristesse, leur joye, donnent également du soupeon aux esprits blessez de cette fantaisie ; ils convertissent en poison tout ce qui pourroit contribuer à leur guerison : Il n’est pas moins sensible à une femme de vivre avec un mary toûjours plein de vin, et qui semble être né plûtost pout boire que pour vivre ; ces défauts neanmoins ne suffiroient pas pour une separation de corps, si le jaoux n’accompagnoit point sa défiance d’outrages et de sevices, et si l’excez du mary n’offen-soit que les loix de la temperance, sans produire des actions dangereuses et terribles ; mais un esprit possedé par ces deux passions en vient bien-tost aux extrémitez, il ne peut retenir sa langue ny ses mains, et il est presque impossible qu’une femme puisse trouver seureté pour sa vie et pour sa liherté que dans une separation. Mr le Maître rapporte un Arrest donné contre un mary si furieux dans son intemperence, qu’il commettoit à sa femme les dernieres inhumanitez, ce qui donna lieu à la separation de corps : Il a été jugé au Parlement de Provence, que les extravagances et les outrages d’un mary jaloux donnent lieu à la femme de demander la separation de corps et de biens.

l’ay parlé des vices et des défauts du mary qui donnent un juste sujet à la femme de demander la separation de corps et d’habitation ; mais je ne mets pas en ce rang les maladies dont il peut être affligé : les disgraces et les malheurs qui surviennent durant le mariage ne doivent point alterer les affections des mariez, la bonne et mauvaise fortune doit se partager entr’eux également ; ils doivent ressembler aux deux mains, qui dans lordre de la nature se rêtent un secours mutuel. Silius Italicus fait dire ces belles paroles à Martia, femme de Regulus, qui le vouloit suivre à Carthage.

Hoc unum, conjux, uteri per pignorâ uostri Unum oro, liceat tecum quocumque ferentem Terrarum pelagique pati coelique labores.

EtS. Augustin . Augustin dans le Canon 18. c. 32. d. 16. Si quis uxorem habeat steribrm, vel deformem orpore, sive debilem membris, vel cocam, vel surdam, vel claudam, vel fi quid aliud sive morbis & doloribus langoribusque confectam, & quidquid exceptâ fornicatione cogitari potost, vehementer horribile pro fide et focietate sustineat. Ce qui est dit du mary doit s’appliquer à la femme. On ne prescrit rien pour lun touchant les devoirs du mariage, que lautre ne soit pareillement obligé de garder, quidquid juris jubetur hoc consequenter redundat ad feminas.Hieron . Epist. Ad Oceanum. Benard étant tombé en foiblesse d’esprit, sa femme obtint aussi-tost des Lettres de separation, et ayant refusé d’accepter la curatelle de son mary, les parens furent obligez de nommer un Curateur, et cette femme en consequence de sa separation sétant fait ajuger tous ses droits : Sur lappel du Curateur, de Meherent son Avocat disoit que le mauvais ménage du mary pouvoit bien donner lieu à la separation de biens, mais qu’il étoit d’on perni-cieux exemple qu’une femme se fist separer de biens pour une foiblesse d’esprit arrivée à son mary : La l. si cum dotem 22. 8. 7. D. Solut. Matr. décide en termes formels, que la fureut n’est point une cause valable de separation ; si morbus perpetuus est, qui tamen ferendus, runc nullo modo oportet dirimi matrimonium, quid enim tam humanum est quam in fortuitis casibus mulitris maritum vel uxorem viri participem esse. Puis qu’elle doit luy être en aide, et que les conjointe doivent participer à la bonne ou mauvaise fortune l’un de l’autre, et par ce principe au lieu de se separer elle doit employer ses soins et son bien pour assister son mary : Greard répondoit que son mary étant en curatelle, il n’étoit pas juste qu’elle tombât en la ouratelle d’au-truy, et que son bien passât en d’autres mains que les siennes, que les Loix que l’on avoit rapportées pour prouver que la fureur n’étoit pas une cause legitime de separation, avoient été abrogées par les Constitutions CXI. et CXII. de l’EmpereurLeon , qui avoit estimé que la fureur étoit une cause suffisante pour dissoudre le mariage : Par Arrest du 14. de Mars 1673. a Sentence fut cassée, et on ajugea à la femme le tiers du bien seulement, et pour lesurplus parce que tous les biens consistoient en meubles ) on renvoya les parties devant des Juges des lieux, entre Thomas le Monnier Curateur de Pierre Varin, appellant, et Magdeleme Dehors, intimées

Dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 5. c. 17. on traite la question, si l’Epl sepsie, autrement le Mal-Caduc, étoit une cause legitime de separation de corps et d’habitation s Il y eut un Arrest interlocutoire qui appointa les parties en droit, et cependant que les transactions seroient executées sans prejudice du droit des parties ; mais l’Auteur remarque, que bien que cet Arrest fût un prejugé contre un mary attaqué d’epilepsie, néanmoins que ce qui donna lieu à l’Arrest étoit qu’il paroissoit par une Enquête qu’il y avoit eu des violences de la part du mary s d’ailleurs y ayant une Transaction il étoit dans l’ordre d’en ordonner l’execution par provision ; ainsi l’on pouvoit dire, que quand il n’y avoit que le seul fait d’epilepsie, la question étoit encore indécise Dans le même endroit, et dans Mr le Prêtre Centurie 1. C. 101. on traite la agestion, si la Lepre est une cause legitime de separation de corps et d’habitation, par le Titre, De conjugis leprosi. Dans le Droit Canonique il est décidé que, lepra superveniens cum sit morbus con-tagiosus non dissolvit matrimonium, nec impodit ejus effectum, et redditionem debiti, etiam si valdé immineat pfriculum contagionis, et ces dornieres paroles détruisent la distinction desquels ques Docteurs entre les diverses espèces de lepre, dont ils font une espèce beaucoup plus dangereuse que l’autre ; car le Droit Canonique a décidé qu’encore même que periculum contagionis immineat, non impeditur effectus matrimonii, sed quid de separatione ex causa luis venes reae. vid. Alciatum ad Rubricam Solut. Matr. Mr lePrêtre , Cent. 1. c. 1o1.

Bien que les separations volontaires de corps et d’habitation soient reprouvées, il n’en est pas de même de la separation de biens, elle se fait par le Contrat de mariage, ou en vertu des Lettres du Prince entérinées suivant les formes, ou par la seule saisie réelle de tous les biens du mary ou de la meilleure partie d’iceux, pour empescher qu’il ne se commette des abus et des tromperies par ces separations, on y doit garder tant de solennitez qu’elles ne peuvent être clandestines ny inconnuës, et quoy que la dissipation de biens et le mauvair ménage du mary soit le sujet le plus ordinaire de la separation de biens, elle se peut faire aussi volontairement par un Contrat de mariage, ce qui n’offence point l’honnêteté publique, et ne détruit point le mariage ; car la communauté de biens entre les matiez n’est pas de s’essence du mariage, cette separation n’est qu’une sage précaution pour ne s’engager pas aveuglément aux dettes lun de fautre ; et pour faire subsister cette separation il n’est pas neressaire d’obtenir des Lettres à la Chancellerie ny de les faire enteriner, comme a crûGode -froy, il suffit que la femme fasse inventaire des meubles qu’elle apporte à son mary, et qu’elle fasse inscrire son nom au Tabellionnage.

Lors que la separation de biens est stipulée par le Contrat de mariage, le mary n’en peut empescher l’execution, bien que la femme ait vécu quelque temps avec luy sans s’en prévaloir, et même qu’elle luy ait laissé la joüissance de son bien : Il fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre l’11. de May 1657. nonobstant l’opposition du mary, qui soûtenoit que le silence de la femme équipolloit à une renonciation ; plaidans Maurry et Heroüet. si au contraire une femme avoit vécu comme separée, qu’elle en eût fait tous les actes, et qu’elle eût soûtenu cette qualité contre les créanciers de son mary, elle ne seroit pas recevable à alléguer par aprés qu’elle ne l’étoit point. Catherine Maunourry opposa contre une execution faite à la requête d’un creancier, pretendant que les biens executez luy appartenoient en qualité de femme separée ; le procez meu sur cette opposition dura long-temps. devant les Juges de Casn et de Bayeux, au Parlement et au Privé Conseil en reglement de uges ; mais le mary de ladite Maunourry étant mort pendant le procez, elle renonça à sa succession, et declara qu’elle n’entendoit pas reprendre le procez, son mary fayant entrepris sous son nom, bien qu’elle fût en sa puissance, et qu’elle ne fût point valablement separée d’avec luy : Il est vray que la separation avoit été stipulée par son Contrat de mariage, mais son nom n’avoit point été inscrit au Tabellionnage. Saint Gilles qui representoit la nommée Racine, tépondoit que les creanciers peuvent bien objecter le défaut de solennitez, mais non la femme qui a paru long-temps en cette qualité, qui a fait tous les actes de femme separée avec d’autres personnes, prété et emprunté de l’argent : Par Arrest, au Rapport de Mr de Toufreville le Roux, du premier de Juin 1655. ladite Maunourry fut deboutée de ses Letres de restitution contre tous les actes qu’elle avoit passez, comme femme separée de biens.

Mais puisque la mauvaise conduite du mary est la cause legitime de la separation de biens, si au contraire un mary bon ménager portoit sa femme à demander cette separation pour la frustrer de la part qu’elle pourroit avoir en ses meubles et en ses acquests cette separation comme faite en fraude des droits de la femme ne luy pourroit nuire, bien que toutes les formes prescrites eussent été gardées : Il fut ainfi jugé le 21. de Mars 1658. en la Chambre de lEdit pour la Dame de Bourdeaux, de l’Epiné contre les heritiers du sieur de Bourdeaux son mary.

En ce cas lors que la femme pretend que la separation a été pratiquée pour la frustrer de ses droits, elle doit faire sa protestation durant le mariage, ou incontinent aprés la dissolution d’iceluy, autrement sa plainte ne seroit plus écoutée, suivant l’Arrest donné le 19. de Juin 1622. entre Magdelaine de la Place, veuve de Me Jean Maillard Conseiller au Presidial de Roüen, et les heritiers dudit Maillard ; ladite Maillard avoit été separée de biens constant son matiage, et en cette qualité elle avoit fait plusieurs Contrats et obligations, le mary de sa part avoit fait plusieurs acquests, et par son Testament il luy avoit donné tous ses meubles : aprés la mort d’iceluy elle appella de la Sentence qui enterinoit ses Lettres de separation, à l’effet de prendre part aux acquests faits par son mary, alléguant qu’elle n’avoit eu aucune participation en cette procedure, que son mary seul avoit obtenu les Lettres et fait juger l’enteri-nement d’icelles. On luy objectoit qu’elle ne pouvoit blamer une separation qu’elle avoit agreé, ayant fait tous les actes d’une femme separée, et pris cette qualité jusqu’à la mort de son mary, l. post mortem de adopt. et emancip. Par l’Atrest la Cour mit l’appellation an neant, et la femme fut déclarée non recevable à demander part aux acquests.

On doutoit autrefois si toutes sortes de femmes pouvoient demander la separation de biens ar exemple, la femme d’un Receveur des Tailles ou d’une autre personne qui a manié les peniers publies : La raison de douter étoit, que par l’Ordonnance de Roussillon on ne peut rendre par benefice d’inventaire la succession des personnes de cette qualite. Cette question l’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le premier d’Avril 1639. pour Jeanne de la doussaye, femme d’un Receveur des Tailles, qui fut reçûë à se faire separer de biens ; plaidans Coquerel, et le Boulanger. Le quatrième du même mois et an, la même chose fut jugée pour la femme du Couteux, Receveur-Payeur des Gages des Officiers du Presidial de Roüen-

L’action en separation de biens est intentée ordinairement par la femme ; mais pourroit-on la refuser au mary s’il la demandoit ; De laLande , sur l’Art. 198. de la Coûtume d’Orléans, est de ce sentiment, que si un mary avoit une femme prodigue et d’une excessive dépense, il pourroit presenter Requête en Justice, à l’effet que la communauté fût refoluë : Nous er trouvons un Arrest célèbre dans la Bibliotheque du Droit François, in verbo Separatio. Il étoit échû une succession à la femme de Me Barnabé-le-Vest Avocat au Parlement de Paris, mais ne voulant pas être diverti du Barreau où il s’occupoit dignement, comme il paroit par ses Duvrages, pour vacquer à une multitude de procez et d’actions qui luy étoient faits par ses beaux-freres, il se fit separer de biens d’avec sa femme ; aprés les inventaires valablement faits, les sieurs de Poille, ses beaux-freres, appellerent des Sentences de separation de biens, soûtenant qu’elles étoient collusoires et sans cause, pour les vexer impunément sous le nom de sa femme, par le moyen de cette separation, et qu’ils avoient un interest notable de s’i opposer, afin que le mary étant responsable de l’evenement des mauvais procez, la femme ne les entreprit pas temerairement. Me le Vest alléguoit une juste occasion de craindre les procez, les appellans luy en ayant déja fait grand nombre, que cette apprehension étoit raisonnable, ayant été approuvée en un cas pareil par les Jurisconsultes, à l’égard de cel y qui renonçoit à une succession par ce motif ; car Ulpian en la I. qui poterat ad S. c. Trebell. E parlant de celuy qui heres institutus nolmt adire herrditatem veritus ne damno afficeretur, opinio, inquit, vel metus, vel color ejus qui noluit adire hereditatem inspicitur, non substantia here litatis.

La Cour, pour bonnes causes et raisonnables considerations à cela mouvans, ordonna que ce dont étoit appellé sortiroit son effet

Il est certain qu’en Normandie le mary peut stipuler valablement une separation de sbiens pour ne s’engager pas aux dettes de sa femme : Il pourroit encore la demander si sa femme se faisoit autoriser pour prendre une succession qu’il estimeroit onéreuse, parce que suivant nos Maximes, la seule autorisation ne le mettroit pas à couvert des condamnations qui stroit ne jugées contre. elle ; mais la plainte qu’un maiy feroit de la dépense et de la profusion de sa femme paroitroit ridicule, elle marqueroit sa foibl. sse et lon peu d’autoilté, car la Nature et les Loix luy donnant un si grand pouvoir sur les actions et sur la conduite de sa I. mme, I. se doit imputer à luy seul son malheur s’il ne l’empesthe pas de d’ssiper ses biens, puis qu’il peut si aisément luy en interdire le maniement et la dispensation.

Pour la separation de corps, comme il est difficile de chang r les mauvaises inclinations l’une femme, et de se rendre maître de ses yolontez, la plainte du mary pardit plus recevable. Par le Droit Romain, actio dabatur marito de moribus, cette action pouvoit être foimée pour plusieurs sujets dont il est fait mention en la Loy fubemus. 3. 2. C. de Repudiis ; elle éicit même coupable pour avoir bû du vin, si vinum bibit, si cum alio viro probri quid fecerit ;Aulugelle , l. 10. c. 23. Et comme par la mauvaise conduite du maïy la femme pouvoit repeter sa dori Papinien e mary pouvoit pareillement retenr la dot selon la qualité de la faute dont il accusoit sa f mme, ce que Mr Cujas a expliqué sur la Loy vir. uxor. l. 11. quest. Papiniani, où il d’stirgue, inter mores graviores & leviores uxoris. Parmy nous le crime d’adultere donneroit ouverture à la separation de corps, mais l’on peut revoquer en doute si le maiy la pourroit demander pour quelques autres déreglemens commis par sa femme ; ccla se décideroit selon la gravité des faits dont elle seroit accusée

Les separations de biens s’obtenant facilement, et la misere du siecle les ayant renduës tresfrequentes, il étoit necessaire pour prevenir les fraudes et les trompeties d’y apporter peaucoup de précautions ; quoy que parmy les Romains les divorces se fissent aisément neanmoins ils ne se pouvoient faire qu’en gardant plusieurs formes, le maty envoyoit ordinairement la lettre de divorce par quelque Affianthy, on y appelloit sept témoins, il prononçoit certaines paroles, par lesquelles il remettoit sa femme en sa liberté, et luy permettoit de reprendre ce qu’elle avoit apporté, l. 2. 3. 1. l. 9. D. de Divortio ; mais quand il ne s’agissoit que de la repetition de la dot, ce que la femme pouvoit faire lors que le mary tomboit en pauvreté, on n’y gardoit pas tant de formes.

On a requis un si grand nombre de solennitez par le Reglement de la Cour de l’année 1600. pour rendre notoires les separations de biens, qu’il est presque impessible qu’elles demeurent secrettes et inconnuës ; la plus essentielle et la plus necessaire, est celle qui oblige les femmes separées de faire inscrire leurs noms au Tabellionnage en des Tableaux qui y sont affichez publiquement dans les villes, afin que toutes sortes de personnes puissent en avoir connoissance : Cette formalité est indispensable, et on observeroit inutilemeng toutes les autres si elle manquoit,

Cette solennité, comme publique et perpetuelle, est aussi observée en d’autres lieux. Dans le Duché d’Orléans les jugemens de separation. sont proclamez à cri public, et signifiez u Synde des Notaires, avec injonction d’en avertir ses Confreres, lesquels doivent inscrire dans une Charte posée dans leur Etude en lieu publie, les noms des maris et des femmes separées, afin qu’aucun ne contracte avec eux sans le sçavoir, et par la même raison les noms des personnes seffrées de biens sont mis en un Tableau qui est exposé dans le Château d’Orléans De la Lande sur l’Article 198. de la Coûtume d’Orléans. Et par Arrest du Parlement de Paris rapporté par le Commentareur de Mr Loü-t, l. 5. n. 16. toutes Sentences d’interdiction doivent être publiées, et le nom de l’interdit écrit dans le Tableau qui est dans les Etudes des Nbtaires. Ce qui n’est pas seulement requis pour les separations qui se font en vertu de Lettres de Prince, mais aussi pour celles qui sont stipulées par le Contrat de mariage, autre. ment les meubles de la femme peuvent être vendus pour les dettes du mary comme il fut ugé par Arrest de la Grand. Chambre le 7. d’Aoust 1637. contre la Demoiselle le Monnier, femme du sieur de Vaudemont ; qui pretendoit que cette formalité n’étoit point necessaire pour les separations stipulées par le Contrat de mariage.

Il faut neanmoins remarquer que si en consequence de la separation stipulée par le Contrat de mariage la femme a fait un inventaire des meubles qu’elle apportoit à son mary, bien qu’elle n’ait point fait inscrire son nom au Tabellionnage, ni insinuer la separation aux Assises, toutefois les creanciers du mary ne peuvent executer ces meubles comme apparte-nant a leur debiteur. La Demoiselle de Mont-Rosti étoit separée de biens par son Contrat de mariage, et elle avoit fait un inventaire de ses meubles lans faire insinuer sa separation aux Assises : La bolle-mere creancière de son mary ayant fait saisir plusieurs meubles, dont une partie étoit comprise dans l’inventaire de la Demoiselle de Mont-Rosti, elle luy en contredit la main-levée, alléguant que la separation n’avoit point été publiée aux Assises : Elle ré-pondoit que c’étoit assez qu’il demeurât constant qu’elle eût apporté ces meubles-là à son mary, que le défaut d’insinuation ne luy pouvoit nuire qu’en cas qu’elle prétendit quelques droits sur les meubles de son mary, que cette belle-mere ne pouvoit pas alléguer qu’elie eûtr gnoré les clauses de son Contrat de mariage : Par Arrest du 17. de Novembre 1665. on ley ajugea main-levée de ses meubles, plaidans de l’Epiney et Aubout.

Autre Arrest sur ée fait : Le Contrat de mariage d’une femme contenoit une separation de biens et une déclaration particulière des meubles qu’elle apportoit à son mary, ces meubles furent saisis par les créanciers du mary avant qu’elle eût fait inscrire son nom dans le Tableau des femmes separées, et ayant été deboutée de son opposition contre cette saisie, elle disoit pour moyens d’appel, que si en qualité de femme separée elle demandoit ses droits sur les biens de son mary, elle ne pourroit les avoir, si elle n’avoit observé toutes les formes requises pour la validité des separations, et notamment si elle n’avoit pas mis son nom au Tabel-lionnage ; mais que l’observation de ces solennitez n’étoit pas necessaire à l’effet de luy conserver ce qui luy appartenoit, et qu’elle avoit reservé par son Contrat de mariage ; car ces biens n’appartenant point à son mary, puis qu’elle ne les luy avoit point donnez, ses créanciers n’avoient pû les saisir : Ainsi le défaut d’avoir inscrit son nom au Tabellionnage. la privoit bien de prendre part aux biens de son mary, mais il ne luy ôtoit pas ce qui luy appartenoit en proprieté. De Cahagnes pour le creancier luy objectoit qu’elle ne pouvoit demander ce qui avoit été trouvé dans la maison de son mary qu’en vertu d’une separation valable. C’est le seul moyen qui peut servir à la femme, cessant quoy tout est presumé appartenir au mary : Par Arrest du 26. d’Octobre 1666. en la Chambre des Vacations, la Sen-tence fut cassée, et main-levée des meubles accordée à la femme.

Les diligences requises pour la separation doivent être faites devant les Juges Royaux et non devant l’Official, auquel les Lettres du Prince, ne sont jamais adressées : a légard des Hauts-Justieiers, par Arrest du 23. de Février 1657. il a été jugé entre les officiers Royaux de Montivilliers et le Bailly de Longueville, que le Haut-Justicier pouvoir sonnoître des Lettres de separation civile, mais l’on pretend que cela ne doit pas être tiré en consequence pour les autres, et quand il s’agiroit d’une separation de corps et d’habitation, le Juge d’Eglise n’en seroit pas competent, parce qu’il ne connoit que de federe matrimonii, suivant un Arrest rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences du Parlement de Paris, l. 2. c. 17. Dans la Bretagne la Jurisdiction Ecclesiastique s’est maintenue dans li possession de connoître de plusieurs matieres qui sont ailleurs de la competence du Juge Royal ; neanmoins Mi d’Argentré convient que cognitio separationis bonorum est fori laici, etiam si Canonistarum constitutiones de eo liberius difponant quam nunc, Art. 429. gl. 5.

Il est juste que les creanciers soient appellez à l’enterinement des Lettres de separation pour y conserver leur interest, les femmes demandant souvent ces separations de. biens sans aucun pretexte. Pour prevenir ces fraudes, la Cour a prudemment ordonné que les créanciers seroient appellez pour consentir ou pour contredire l’enterinement des Lettres de sepa-ration, pafce qu’ils sont les seuls contradicteors legitimes ; ce ne seroit pas neanmoins une nullité de n’avoir pas appellé generalement tous les creanciers, il peut être que la femme né les connoissoit pas ; mais ce seroit une nullité de n’en avoir appellé aucun, suivant les Arrests remarquez par Mr JosiasBerault , que si la femme étoit convaincuë d’avoir soustrait les meules de son mary, elle ne seroit pas recevable à demander la separation ; neanmoins une fêmme nommée de la Fosse, femme d’un surnommé Quinet, ayant été deboutée de ses Lettres de separation à cause des soustractions qu’elle avoit commises, et depuis ayant obtenu de nou velles Lettres on n’eut point d’égard à l’opposition de la belle-mere, parce qu’ellehe luy imputoit aucune soustraction : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 18. de Fé-vrier 1631. Pour donner effet à la separation en Normandie s’suffira-t’il d’avoir gardé les solennitez prescrites en cette Province, ou s’il suffit d’avoir observé ce qui est prescritapar les Coûtumes des lieux où les conjoints étoient domiciliez au temps de la separation ; Le Gendre et Marie Boulais sa femme demeuroient à Paris, cette femme se fit separer de biens ; depuis étant retournez à Caën, ils y demeurent sans faire paroître par aucune action qu’ils fussent sepaJez. De Noyon et Penon creanciers du mary ayant fait saisir leurs meubles, la femme en qua-lité de femme separée en demanda la main-levée, soûtenant que nonobstant sa demeure en Normandie, sa separation étoit valable puis qu’elle avoir gardé toutes les formes requises suivant l’usage de Paris où elle avoit lors son domicile, et que lors qu’il s’agit de solennitez on n’est obligé de garder que celles du lieu où l’acte a été passé : au contraire les créanciers pretendoient que l’on ne devoit y avoir aucun égard, cette separation n’ayant point été publiée à Caën ; qu’ils avoient contracté de bonne foy avec le mary le croyant maitre des meubles suivant la Coûtume de cette Province, qu’en tout cas elle devoit rendre sa separation notoire en mettant son nom au Tabellionnage ; le Juge de Caen avoit prononcé bonne cause l’execution faite, faute d’avoir fait enrégistrer le Jugement de separation auBailliage de Caën.

Sur l’appel on mit les parties hors de Cour, par Arrest donné en la Chambre de l’Edit les 16. de Decembre 1658. On objectoit à la femme qu’elle n’avoit point fait d’inventaire suivant l’usage de Paris. Bien qu’il ne soit pas necessaire, lors que la separation a été jugée dans une autre Coûtume où les conjoints avoient leur domicile, de reiterer les formalitez requises par nos Reglemens, lors qu’ils viennent demeurer en Normandie, néanmoins il faut ren-dre la separation notoire en la faisant lire aux Assises, ou en méttant les noms au Tabellionnage.

La femme separée ayant observé tout ce qui luy est ordonné par les Reglemens, il faut examiner quels sont les effets de la separation et le benefice qu’elle en reçoit. La separation luy donne ouverture pour demander la joüissance de sa dot et de son doüaire, on luy ajuge même ses parafernaux ; car nous donnons en ce cas le même effet à la mort civile qu’à la mort naturelle : et en ce point nôtre Usage est contraire à celuy où l’on fait différence entre la separation de biens et la separation de corps et d’habitation : au premier cas la femme peut redemander ce qu’elle a apporté, mais non son doüaire ny son preciput, ny la communauté, ny le don de survie ; mais quand il y a separation de corps et d’habitation, elle peut deman der la restitution de ses droits matrimoniaux, élire la communauté, et en prendre sa part et Prestre y renoncer, et demander la restitution de ses conventions de mariage : Mr le Prestre Cent. 1. c. 67. MrLoüet , 1. D. n. 36. On jugea la même chose entre Pierre de Rouves, appellant de Sentence renduë par le Bailly de Roüen, ou son Lieutenant au lieu, et Marguerite de Caux sa femme, intimée. Il étoit ordonné par la Sentence que vû ce qui resul-toit de l’information, pour les blasphemes proferez par ledit de Rouves, il étoit condamné en 200. livres d’amende, et que ladite de Caux demeureroit separée de corps et d’habitation d’avec luy l’espace de cinq ans, pendant lesquels il la pourroit visiter, et qu’il luy payeroit annuellement 900. livres, et la somme de 1000. livres au lieu de ce qu’elle devoit remporter par son Contrat de mariage : Par Arrest donné en la Chambre des Vacations le 8. de Novembre 1660. la Sentence fut confirmée, ladite de Caux separée de corps, et le mary cons damné de luy payer la somme de 1500. livres de pension, si mieux n’aimoit luy accorder dés present ses droits et conventions de mariage ; Les sevices du mary donnerent lieu à l’Arrest.

On donne tant d’avantage à la femme separée de biens, que par Arrest au Rapport de Mr d’Anviray du 14. d’Aoust 1656. entre Marguerite du Hamel, femme d’un surnommé Belet, et les creanciefs dudit Belet, sur la question sçavoir si 3000. livres de meubles donnez par augmentation de dot à une Demoiselle, en cas que son mary la predecedant, pou-voient être demandez en consequence de la separation civile ; il fut jugé que la femme separée joüiroit dés à present des interests de cette somme Pour joüir de l’effet de la separation, tant pour les meubles que les immeubles, la femme doit faire faire un inventaire des meubles du mary, et se faire ajuger sur iceux ses parafernaux, autrement tous les meubles sont reputez appartenir au mary : Elle doit pareillement presenter aux créanciers des lots à doüaire, et faire proceder à la choisie d’iceux ; que si ells neglige de le faire, les fruits peuvent être saisis par les créanciers du mary : Ce qui ne rend pas la separation nulle, mais elle perd la joüissance de son doüaire durant le temps qu’elle neglige de faire des lots.

Si nonobstant la separation le nary reçoit les revenus de sa femme, on a revoqué en doute si ses quittances étoient valables, et si la femme étoit obligée de les approuvers Lors que la femme demeure avec son mary, et qu’il luy a fourny sa nourriture et son entretenement elle n’est pas recevable à faire payer une seconde fois ses fermiers, ou ses debiteurs ; mais le mary avoit dissipé mal à propos les revenus de sa femme sans les avoir employez à sa nour riture et à celle de sa famille, elle ne seroit pas tenuë d’en alloüer les quittances La separation donne véritablement à la femme la joüissance de ses biens, mais on luy en interdit entièrement l’alienation, et elle ne peut les hypothequer, non pas même du consentement ou de l’autorité de son mary ; car tant s’en faut que par la separation elle acquiere une pleine liberté de disposer de son bien, qu’au contraire elle est liée plus étroitement qu’auparavant : lors qu’elle n’étoit point separée, elle pouvoit vendre du consentement et par l’autorité de son mary ; mais aprés sa separation ses biens deviennent inalienables, et le consentement du nary ne peut rendre valable l’engagement ou la vente qu’elle en a faite : Nôtre Usage est fondé sur cette raison, que le mauvais ménage et la pauvreté du mary donnant lieu à la separation, et n’étant introduite que pour donner le moyen à la femme de se nourrir et d’en-tretenir sa famille, ce secours de la Loy luy deviendroit inutile, si le mary pouvoit l’engager à vendre son bien : Il est vray que la Coûtume permet à la femme de vendre son bien du consentement de son mary ; mais c’est à condition que les biens du mary soient suffisant pour le remplacer. Or quand la femme est forcée de se separer, l’on presume que sa fortunt rest déplorée, et qu’il n’a point dequoy remplacer ; de sorte que si la separation ne lioit pas les mains à la femme ; elle luy deviendroit inutile. Suivant l’Usage de Paris la femme separée peut aliener et s’obliger sans le consentement de son mary ; la raison est que la vente des biens de la femme étant valable lors qu’elle est faite du consentement du mary, quoy qu’elle n’en puisse avoir recompense sur ses biens, on conserve encore cette liberté à la femme aprés sa separation pourvû qu’elle soit autorisée ; mais nos principes étans contraires, et la vente des piens de la femme ne pouvant valoir qu’à condition du remploy, nous n’estimons pas raisonnable de permettre ces alienations lors que le mary n’est plus en état de bailler un remploy Quoy qu’il en soit, puis que l’on ôte au mary la joüissance du bien de sa femme, on doit beaucoup plûtost luy en interdire l’alienation : Et c’est ce que la Cour a ordonné par le Retlement de 1600. Du Moulin sur la Coûtume de Bourbonnois, Article 170. et 232. a soû-renu que facta separatione mulier non est amplius sub potestate viri, d’où il s’ensuivroit qu’elle pourroit s’obliger et disposer de ses biens, et quelques Coûtumes le disent expressément : Lorris c. 8. Art. 6. Sedan, Art. 95. et 97. mais suivant plusieurs autres Coûtumes et par lesArrests du Parlement de Paris, la femme nonobstant la separation demeure en la puissance du mary.

Que si la femme tire quelque avantage de sa separation, elle en reçoit aussi ce prejudice, qu’elle n’a point de part aux meubles et acquests faits par son mary depuis sa separation, encore bien qu’elle soit stipulée par le Contrat de mariage, suivant l’Article 80. du Reglement de 1666. Autrefois plusieurs estimoient que ces sortes de separations ne détruisoient pas les effets ordinaires du mariage, et que nonobstant icelle lors que la femme ne renonçoit point à la succession de son mary, elle prenoit part à ses meubles et acquests : Cependant puis que par cette precaution elle veut mettre son bien à couvert et en demeurer la maîtresse, il est juste qu’elle ne profite point du bon ménage et de l’industrie de son mary, et qu’elle ne participe point à des biens à l’acquisition desquels elle n’a point contribué. Cela fut jugé par Arrest, au Rapport de Mr d’Amiens, en la Chambre des Enquêtes le 23. d’Aoust 1656. entre Pinchon et de la Mort ; et par un autre au Rapport de M des Hommets, du 19. de Mars 1664. le mary par la separation est privé de la joüissance du bien de la femme qui auroit augmenté ses meubles et ses acquests ; Il n’est donc pas raisonnable d’y faire participer la femme qui fait de son côté profiter son bien.

Plusieurs femmes separées s’imaginent que la separation les exempte de l’assistance où elles sont tenuës envers leurs maris ; mais si les matis sont pauvres, elles doivent leur fournit leurs alimens. Il est vray que dans la Bibliotheque du Droit François, in verbo searatio, on rapporte un Arrest, par lequel sur la demande d’alimens faite par un mary à sa-femme separée de biens, la Cour mit les parties hors de Cour ; mais E motif fut que la separation avoit été faite pour les débauches et les sevices du mary. Suivant l’Usage de Bor-deaux, les jugemens qui autorisent la separation contiennent expressément que la femme sera tenuë de porter respect à son mary, et de le nourrir. Il seroit à propos d’y ajoûter ces mêmes conditions.

Nos Auteurs ont traité cette question, si lors que les jugemens de separation ont été rendus dans toutes les formes, et qu’ils ont eu leur execution, ils peuvent être dissous par un consentement tacite, ou par quelque Contrat ou Transaction, sans autorité de Justice Par l’Article 199. de la Coûtume d’Orléans, si aprés la separation de biens d’entre homme et femme ils se rassemblent et mettent leurs biens ensemble, l’effet de la separation cessera et rentresont en communauté.Labbé , sur la Coûtume de Berry t. 1. Art. 48. est de cette opinion, que le consentement tacite qui s’induit de la demeure et habitation et des Contrats passez par la femme sans prendre la qualité de femme separée, les baux des revenus de son bien et autres actes de pareille nature, sont suffisans pour rompre la separation et rétablir la société qui voit été rompuë. D’autres estiment que cela se peut, pourvû qu’il y en ait Acte par écrit exprés et formel.

Cependant de la Lande sur cet Art. 199. de la Coûtume d’Orléans, convient bien que si l’on s’arrétoit aux termes seuls de cet Article l’on pourroit avoir cette pensée, que la seule habitation et le mélange des biens du mary et de la femme suffiroient pour rétablir la communauté ; mais que le Parlement de Paris a interpreté la Coûtume de cette manière, que se rassembler aprés la separation, est se remettre solennellement ensemble : Ce n’est donc pas assez que les conjoints reviennent en même logis, qu’ils mélent leurs biens ensemble et passent d’autres actes où la femme ne prenne point la qualité de femme separée, il est necessaire pour rétablir la societé dissoute et aneantir la separation, que les conjoints declarent par Acte formel devant un Notaire ou au Greffe, qu’ils renouvellent leur communauté. C’est aussi le sentiment de Brodeau sur M.Loüet , l. 5. n. 16. que la communauté ayant été rompué par un cte parfait et legitime, elle ne peut être reintegrée que par un mutuel et nouveau consentement prété par un Acte formel et précis.

Mais en cette Province ny le consentement tacite ny l’acte par écrit n’aneantiroient pas la separation, l’on presumeroit que le mary auroit exigé ces consentemens par crainte ou par force : l’autorité du Juge seroit necessaire pour faire valoir ces actes : Et puis que le consentement, soit tacite ou per écrit, ne suffit pas pour établir une separation, et qu’elle doit être publiée et autorisée en Justice, il est necessaire pour détruire ce qui a été fait que l’autorité du Juge intervienne. Pour rompre la separation faite avec connoissance de cause, les choses doirent être défaites avec la même solennité qu’elles ont été établies : Nam fere eadem est ratio obligandi et liberandi l. nihil tam naturale. D. de Reg. Jur. Et puis qu’un jugement a été necessaire pour établir la separation, elle ne peut être rompue ou retractée que par la même voye.

Voyons maintenant ce que deviennent les biens de la femme separée aprés son decez.

Suivant cet Article, ses meubles appartiennent à ses enfans : sous ce nom d’enfans il faut comprendre non seulement les enfans de la femme sortis de son dernier mariage, mais aussi ceux des mariages precedens ; la raison est qu’étant tous enfans d’une même mère, la condition des uns ne doit pas être plus avantageuse que celle des autres, et l’on doit presumer que la mere a acquis tous ses meubles par son industrie, parce qu’elle n’a pû avoir que ses parafernaux sur los meubles de son défunt mary. Au défaut d’enfans la Coûtume dispose que les meubles seront employez à la nourriture du mary et à l’acquit de ses dettes : Mr Jacques Godefroy a beaucoup raisonné pour sçavoir si le mary n’étant point necessiteux, et u contraire ayant dequoy vivre, et n’ayant point de creanciers, les meubles de sa femme devoient être employez à sa nourriture, ou si les heritiers de la femme luy étoient preférables Mais cette question n’est point problematique, la separation n’a pas éteint absolument tous sles droits du matiage, et si les enfans ont été prefèrez au mary, il ne s’enfuit pas que des neri tiers collateraux doivent avoir le même avantage : et la Coûtume ayant destiné les meubles de la femme separée pour la nourriture du mary quand elle n’a point d’enfans, il ne faut point distinguer si le mary est riche ou pauvre.

En donnant les meubles au mary, sera-t’il obligé d’acquiter toutes ses dettes s La raison de douter est que la femme est véritablement obligée aux dettes de son maty lors qu’elle prend part en sa succession ; mais le mary n’a pas ces meubles comme heritier, sed jure maviti ; néanmoins à quelque titre qu’il les prenne il doit payer les dettes, ou pour mieux dire I n’y a rien que les dettes de sa femme ne soient acquitées : ainsi jugé en la Chambre des Enquêtes le 21. de Juin 1625. au Rapport de M’Buquet. Si toutefoisal avoit fait inventaire Il n’en seroit tenu que jusques à la concurrence de la valeur des meubles, car il n’est pas heritier, mais ces meubles luy sont donnez par la Coûtume, à condition de les employer à sa nourriture et à l’acquit de ses dettes.

Cet Article ne parle point des immeubles de la femme separée : a l’égard des immeubles qu’elle possedoit au temps de la separation, j’ay remarqué sur l’Article CCCLXXXII. que le droit de viduité n’est point éteint par la separation. Pour les acquests faits par la femme durant sa separation, puis que l’Article 382. donne au mary la joüissance de tous les biens qui appartenoient à la femme lors de son decez, il n’y a pas d’apparence d’en excepter ces acquests ; et comme l’on ne distingue point pour les meubles, s’ils appartenoient à la femme lors de sa separation, ou si elle les a acquis depuis, il ne faut point aussi mettre de difference entre les immeubles. Berault sur cet Article a remarqué qu’un mary, quoy qu’il n’eûr point eu d’enfant né vif, pretendoit neanmoins joüit à droit de viduité des acquests faits par sa femme depuis sa separation. La Cour le déclara mal fondé dans sa pretention, et néanmoins ayant égard à sa pauvreté, elle ordonna qu’il prendroit une provision sur ses acquests. D’oû s’on peut inferer, que le droit de viduité ne luy auroit point été contesté s’il avoit eu des enfans.