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CCCXCII.

Part de la femme aux meubles du mary.

Aprés la mort du mary la femme a le tiers aux meubles, s’il y a enfans vivans de son mary, en contribuant aux dettes pour sa part, hormis les frais des funerailles et laiz testamentaires : et s’il n’y en a point, elle y a la moitié aux charges que dessus.

Suivant cet Article la femme a le tiers aux meubles lors qu’il y a des enfans, et la moitié lors qu’il n’y en a point. Pour empescher qu’elle n’ait la moitié, les enfans de son mary issus d’un mariage precedent luy font obstacle aussi-bien que ses propres enfans ; la Coûtume s’en est nettement expliquée par ces paroles, s’il y a enfans vivans de son mary ; de sorte que pour reduire au tiers sa portion aux meubles, il suffit que son mary laisse des enfans : ce qui comprend aussi les enfans des enfans.

Il est bien certain que quand le Contrat de mariage a été passé en Normandie, et que le mary y étoit domicilié lors de son decez, sa femme ne peut avoir plus grande portion de ses meubles que celle qui luy est limitée par cet Article ; mais nous tombons dans la même dificulté que l’on fait pour les acquests, lors qu’il y a une communauté stipulée par le Contrat, pu que le mary a donné à sa femme une pius grande part de ses meubles qu’il ne luy est ermis par cet Article ; car d’un côté l’on pretend que les pactions de mariage ne peuvent être détruites par le fait volontaire de l’un des conjoints, et d’autre part nous soûtenons qu’un homme peut changer de domicile, et que les meubles suivent sa personne, et se reglent selon la Coûtume du lieu où il est décedé. On le jugea de cette sorte par l’Arrest de Jeanne de Lastre, contre Marie le Grand sa mere, que j’ay rapporté sur l’Art. CCexXx Lors que l’on vient à proceder au partage des meubles, il arrive souvent de la contestation touchant la qualité de cettains biens, pour sçavoir s’ils sont meubles ou immeubles. Il y a certains meubles precieux qui ne devroient point être emportez par les femmes. Pithou sur la Coûtume de Troyes, t. 2. Art. 11. remarque un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il fut dit que la veuve qui prenoit les meubles n’auroit point les Ornemens de la Chapelle du Châreau, et que par un autre Arrest il fut dit que quant à la grosse Artillerie appellée canons et pierriers, elle seroit remise au Château d’où ils avoient été tirez par la veuve, et que pour la menuë artillerie et engins à la main, ils seroient partagez comme meubles : Tronçon sur l’Article S8. de la Coûtume de Paris. Depuis on a jugé le contraire au Parlement de Paris pour Madame de Montpensier, à qui Mr de Montpensier avoit donné tous ses meubles, les Ornemens des Chapelles luy furent ajugez ; par Arrest de ce Parlement donné en l’Audience de 5. de Juin 1516. entre Dame Anne de Moüy, et le Sieur d’Enneval ; il fut dit que les meubles precieux d’une maison ne pouvoient être donnez par testament par un mary à sa femme, quia sint immobilia et subjacent retractui ; mais aujourd’huy l’on ne luit plus cette Jurisprudence, et les meubles pour precieux qu’ils puissent être sont toûjours considérez comme meubles : Il en est de même des canons s’ils peuvent être enlevez sans les demonter. Nous vons un titre exprés touchant les choses qui sont censées meubles ou immeubles, il est plus propos de remettre les matieres sur ce titre-là.

La femme n’a de part aux meubles qu’à condition de contribuer aux charges et aux dettes de la succession de son mary. Il faut mettre au nombre des charges le remploy des propres alienez Chassanée qui doit être fait sur les meubles au défaut d’acquests. Chassanée sur la Coûtume de Bourgogne, Tit. des Droits appartenans à gens mariez, S. 2. in verbo acquest, estime que si le mary a été condamné en quelque amende, et qu’il décede sans l’avoir payée, sa veuve n’est point enuë d’en payer sa part, parce qu’il ne faut point confiderer le Fisc comme un véritable creancier, impropriè et abusivè ex generali vocabuli significatione ita appellatur.Bartol . in l. si vibi propriam. D. si cert. pet. et par cette raison le mary pour l’amende à laquelle il a été condamné ne peut être appellé proprement debiteur, l. cum duobus S. damna. D. pro socio ; mais cette distinction n’est pas véritable ny solide, celuy qui commet une faute pour laquelle il est condamné en l’amende contracte une dette delinquendo contrahimus : Et c’est pourquoy, suivant l’usage et la maniere ordinaire de parler, les amendes sont comprises fous le mot de ettes : Or la femme ne pouvant prendre part aux meubles qui restent qu’aprés les dettes acuitées, elle ne peut s’exempter de contribuer au payement des amendes comme des autres dettes, et c’est aussi le sentiment de Pontanus sur l’Article 178. de la Coûtume de Blois, sub debitorum generali appellatione & etiam ea quae ex delicto funt, venire certum est prout cui ex lelicto debetur creditoris vice habeatur, et qui debet, is pro debitore sit.

Mais les frais des funerailles et les legs testamentaires ne sont point compris au nombre les dettes, chacun sçait en quoy consistent les frais funeraires, quidquid corporis causa, anteuam, sepeliatur consumptum est funeris impensam esse existimo. l. Funeris sumptus. D. de Relig. et sumpt. mais dans ces frais funeraires l’on n’y comprend point les medicamens, ainsi jugé en la Chambre des Enquêtes le mois de Mars 1657. au Rapport de Mr Fermanel. C’est ane dette privilegiée, mais qui ne fait point partie des frais des funerailles. Il est sans doute que la veuve ne fait point le deüil à ses dépens, isgere non debet maritum suis sumptibus, bien qu’elle soit son heritiere. Mr d’Argentré est d’un sentiment contraire sur l’Article 416. gl. 3. et que l’heritier n’est tenu de donner les habits de deüil à la veuve que quand elle renonce à la succession, nam heres lugere debet suis sumptibus. Cependant puis que le devoir et la bien-seance obligent une veuve à donner des marques publiques de sa douleur, et à témoigner le ressentiment qu’elle a de la mort de son mary par les habits lugubres, il ast juste que la dépense en soit fournie par les heritiers du mary, les loix n’obligent point les maris à ces tristes cérémonies, parce qu’ils doivent faire paroître plus de force et de fermeté d’esprit, feminis lugere honestum est, viris meminisse ; et par cette raison les heritiers de la femme ne doivent pas fournir au mary les habits de deüil. Sur cette matiere voyezLoüet , I. V. n. 11.

Comme l’on ne fait cette gratification à la veuve que dans la creance qu’elle est sensiblement touchée de sa perte, et qu’elle désire honorer la mémoire du défunt par une marqui visible de son déplaisir ; si cette veuve dés les premiers jours de sa perte laisse tarir ses larnes, et ensevelit dans un même tombeau le corps de son mary et tout le souvenir de l’ami tié conjugale, elle devient indigne d’avoir et de porter les marques d’un deüil qu’elle ne res sent point dans son coeur. Charlotte de Ciresme, veuve du sieur de S. Cir, Receveur des Tailles à Vallogne, se remaria trois mois agrés la mort de son mary ; et quoy qu’elle ne fût grosse, et qu’elle eût épousé un Gentilhomme nommé Hervieu, sieur de Monibosc toutefois ayant demandé ses habits de deüil, on l’en jugea indigne par cette precipitation n’étant pas raisonnable de luy donner des habits qu’elle ane porteroit point ; et par Arrest en l’Audience de la Chambre des Vacations du 3. de Novembre 1637. elle en fut privée Les heritiers, à l’exemple de la veuve, ont pretendu que quand il y avoit un legataire universel des meubles, il étoit tenu de leur faire une pareille gratification, et de leur donner des habits de deüil ; mais on a fait différence entre les heritiers collateraux et les enfans Pour les collateraux, la question en fut décidée par Arrest en la Chambre de l’Edit le 95. de Juin 1631. pour le sieur Bequet, ayant épousé la veuve d’un Tailleur nommé Piquet, quoy que sa femme fût legataire universelle des meubles de san premier mary, il fut déchargé de donner les habits de deüil aux heritiers collateraux, mais seulement aux domestiques et serviteurs du défunt. Autre Arrest pour la Dame veuve de Bretel, sieur de Nelete, elle avoit été condamnée de payer le deüil aux heritiers de son maty : Sur son appel la Sentence fut cassée, et sur l’action des heritiers les parties hors, de Cour, par Arrest du 22. de Février 1652. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit, plaidans Lyout pour Me Christophe Tassil Prêtre, et moy pour Me Jean Beliard Procureur à Arques, il fut dit qu’il en soroit deliberé, et le 9. de Decembre 166t. on donna l’Arrest qui déchargea ledit Beliard légataire.

Autre Arrest, au Rapport de Mr Clement, du 2. de Decembre 1651. entre une veuve nommée Maille, tutrice des enfans de Guillain, sieur de Convenant, héritière aux propres et acquests de Me Nicolas Guillain, d’une part ; et Bertelot et le Maréchal heritiers de Catherine Patin, veuve et légataire universelle des meubles dudit feu Nicolas Guillain, par le-quel en reformant la Sentence du Juge d’Evreux, qui avoit condamné ladite Patin à fournir les habits de deüil audit sieur de Convenant heritier dudit sieur Guillain son oncle, à sa femme et à son fils ainé ; on déchargea les heritiers de ladite veuve de cette demande Autre pour le Curé de S. Sauveur de Caën, du 6. de Juillet 1646.

Pour les enfans, la question s’offrit entre la Dame veuve de feu Mi Dandasne Conseillet un la Cour, et Commissaire aux Requêtes du Palais, et legataire du tiers des meubles dudit défunt, et les enfans dudit sieur Dandasne ; les avis ayant été partagez en la Grand. Champre, et départis en celle des Enquêtes, il passa presque tout d’une voix à donner le deüil aux efans et aux domestiques, par Arrest du 3. d’Octobre 1647.

Autre Arrest sur ce fait : Guerin, sieur de Tourville, étant mort, Claude Guetin, sieur d’Arcambourg son fils renonça à sa succession ; elle fut prise par Tannegui Guerin, fils de l’ainé, qui avoit par preciput une terre de ro0oo livres de rente ; les meubles furent estimez entre l’ayeule, l’oncle, et le neveu, à 17oo livres, et laissez au sieur de Tourville à la charge de payer les frais funeraux : Claude Guerin ayant été condamné à payer le desiil au Marchand qui l’avoit foutny, fauf son recours sur le sieur de Tourville, je soûtenois pour luy qu’il avoit été mal jugé, et pour cet effet je traitay ces trois questions. 1. Si les habits de deilil étoient compris dans les frais funeraux : 2. a qui c’étoit de les payer : 3. Contre quelles personnes il falloir agir : Pour le premier point, suivant le Droit Romain, les frais des funerailles étoient reglez pro facultatibus et dignitate defuncti : si la personne est riche on doit au moins le deüil aux enfans, suivant l’Arrest de la Dame de Tourville. Pour le second point, l est certain que impensa funeris ex hereditate deducitur, que etiam solet omne creditum antecedere. l. impensa de Relig. et sumpt. fieri. Or le sieur Guerin ayant renoncé à la succession, il n’y étoit point obligé, les frais des funerailles doivent être payez sur les meubles que le sieur de Tourville avoit eus à vil prix, à cette condition de payer les frais des funerailles : pour l’action il la falloit intenter contre l’heritier, qui in fumus aliquid impendit cum defuncto contrahere vie detur. l. 1. eod. Et par une autre loy, datur hec actio adversus eos ad quos funus pertinet, veluti heredes. Heroüet pour le sieur de Tourville pretendoit que les habits de deüil que le sieur d’Arcambourg avoit eus ne devoient point être compris dans les frais funeraires, et qu’il étoit obligé de faire le deüil à ses dépens, que sa partie avoit payé beaucoup plus que la valeur des meubles : La Cour, à l’égard du Marchand, confirma la Sentence, et condamna le sieur de Tourville à payer les 25o livres qui étoient dûs par Claude Gucrin pour les étofes qu’il avoit prises, par Arrest de l’11. de Mars 1650

La femme n’ayant part aux meubles que lors que son mary la predecede, s’il est incertain. lequel des deux est mort le premier, comment le fera le partage des meubles ; Jean Adeline et sa femme retournant d’un Pelerinage tomberent avec leur cheval dans la Seine, où ils a furent noyez tous deux ; Jean le Coq heritier de la femme pretendit que le mary et la femme étant morts eodem momento eodemque fato, l’on devoit presumer que le mary étoit mort de premier, et que par consequent sa femme avoit succedé pour une moitié aux meubles, mais ayant été debouté de son action il soûtenoit qu’il auroit été mal jugé, que le mary étant plus âgé la presomption de droit étoit qu’il avoit le premier succombé. Adeline, frère du défunt, disoit au contraire, qu’il avoit été bien jugé, que la femme étant plus foible à cause de son fexe, et moins capable de se fauver, elle avoit fait moins de resistance ; et en effet il étoit rapporté par une Information que le mary avoit été vû le dernier sur l’eau, criant mon Dieu sauvez-moy ; que d’ailleurs les heritiers du mary étant saisis ; et l’heritier de sa femme étant demandeur incumbebat et onus probandi : Par Arrest du Il. de Mats 1655. laCour mit sur l’appel les parties hors de Cour-