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CCCXCIV.

Renonciation de la femme à la succession du mary.

La femme peut renoncer à la succession de son mary dans les quarante jours aprés le decez d’iceluy, pourvû qu’elle renonce en Iustice et qu’elle n’ait pris ne concelé aucune chose des meubles, dont elle est tenuë se purger par serment faisant ladite renonciation, auquel cas elle aura seulement ses biens paraphernaux exempts de toutes dettes et son doüaire. Et où puis aprés il seroit trouvé qu’elle en auroit eu aucune chose directement ou indirectement, elle est tenuë contribuer aux dettes tout ainsi que si elle n’avoit point renoncé, lequel delay ne pourra être prorogé sans connoissance de cause, les heritiers et ceux qui y ont interest appellez : et où il seroit prorogé aprés le delay de trois mois passez du jour du decez, les meubles pourront être vendus par Iustice : sauf à faire droit à ladite veuve pour telle part et portion qui luy pourra appartenir sur les deniers de la vendüe desdits biens.

Loyse Dans l’ancien Droit François les femmes n’avoient pas la faculté de renoncer à la succession de leurs maris : L’Auteur du grand Coûtumier, l. 2. c. 41. Loysel en ses Institutes Coûtumieres, l. 1. l. 2. Art. 10. Ce privilege ne fut accordé d’abord qu’aux femmes des Gentilshommes qui mouroient dans les voyages d’Outremer au temps des Croisades, sur ce pretexte que les femmes ne sçavoient pas l’état de leurs affaires. Il semble que du temps de cet ancien PraticienBouteiller , les femmes des Rotutiers ne joüissoient pas encore de cette liberté ; car en sa Somme Rurale, l. 2. c. 21. il parle seulement de la Dame et de la Demoiselle ; néanmoins cet Article est de l’ancienne Coûtume, et cet usage apparemment est éta-bly depuis long-temps en cette Province ; car l’ancienne Coûtume parle en termes generaux sans distinction de condition, la femme peut renoncer. L’ancienne Coûtume de Paris, Article 115. ne donnoit la faculté de renoncer qu’à la femme noble, atraite de noble lignée et vivant noblement. La nouvelle a aboli cette distinction : Il est loisible à toute temme noble ou non noble de renonter, Article CCXXXVII. La Coûtume d’Orléans dit la même chose, Article 204. Celle de Bourgogne est plus rigoureuse, la femme renonçant à la communauté ne prend aucun doüaire Prefix ou Coûtumier, titre des Gens ma-riez, Article 15. En quelques lieux d’Allemagne la femme ne peut renoncer, et le mary peut rendre sa condition heureuse ou malheureuse aprés sa mott.

Nos Loix sont plus humaines et plus raisonnables, c’est assez que le mary durant sa vie la prive par son mauvais ménage d’avoir part en ses biens, sans l’engager encore indispensablement aprés sa mort. à souffrir la peine de sa dissipation et de sa mauvaise conduite, et que ses biens demeurent affectez aux dettes qu’il a contractées sans son aveu, et sans avoir eu le Argentré pouvoir de l’en empescher ; Argentr. Art. 415. gl. 1.

Puis donc que la Coûtume donne cette faculté aux femmes de pouvoir renoncer à la succession de leurs maris, il faut examiner en quel temps elle est tenue de renoncer ; la formé de cette renonciation, sous quelles conditions elle peut être faite, le profit et le benefice qui luy en revient, et l’engagement qu’elle contracte à faute d’avoir renoncé, ou pour avoir pris ; ou concelé quelque chose de la succession de son mary.

Le temps prefix et fatal pour renonces est de quarante jours ; la femme peut renoncer dans les quarante jours. Plusieurs ont estimé que la Coûtume avoit parlé fort improprement en usant de ce ter-me Peut, puis que suivant l’usage. certain de cette Province la femme est obligée nécessairement de renoncer, et qu’il ne luy suffit pas de s’abstenir ; car ce terme Peut, suivant la theorie de nos Jurisconsultes, lors qu’il est mis affirmativement, nullam importat necessitatem, sive proferatur à lege, sive ab homine, sed solum jus seu meram facultatem in persona, ad quam hoc verbum dirigitur ; sed cum ponitur negative importat necessitatem seuvim pracisam, quae excludit omnem potentiam & juris & facti ;Molin . de Feud. Art. 1. gl. 3. De sorte que ce mot de Peut étant mis affirmativement dans cet Article, il n’imposeroit aucune necessité à la femme de renoncer dans le temps prefix.

Outre que nos anciens Legislateurs n’étoient pas de fort sçavans Grammairiens, ils ont eu apparemment égard à cet ancien usage de la France, suivant lequel les femmes ne pouvoient tenoncer ; de sorte que ce mot Peut, veut dire en cet endroit que la femme a la faculté de renoncer, et le fens de cet Article est que la femme peut renoncer, pourvû toutefois qu’elle e fasse dans les quarante jours : C’est de cette maniere que la Coûtume Reformée de Paris s’est expliquée en l’Article 237. Il est loisible à la femme de renoncer à la communauté en aisant faire bon et loyal inventaire, c’est à dire pourvû qu’elle fasse faire inveptaire.

La renonciation doit être faite dans les quarante jours ; plusieurs Coûtumes sont conformes à la nôtre ; Troyes, t. 2. Art. 12. Tours, Art. 209. Perche, Art. 104. Loudun, t. 27.

Art. 32. 35. In omnibus fere negotiis apud Francos solent quadraginta dies et 40 noctes prascribi. otho Frising. l. l. c. 34. de Rebus Gest. Frider. et leg. Sal. 3. c. 4. l. 49. c. l. 52. c. 1.

Le delay de quarante jours ne commence à courir que depuis que la mort du mary a été sçûë communément ; car s’il étoit decedé en voyage ou à la guerre, le temps ne doit courir que du jour que la mort a été certaine : Subtrahi debet impedimentum necessarium, ut car-ceris, pestis, hostilitatis, ut si maritus decessit tempore pestis, quo suspecti contagii prohibui érant conversari, & sic vidua non potuit accedere tempore pestis. Du Moulin sur l’Art. 245. de la Coûtume de Bourbonnois. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand : Chambre le 30. Juil-let 1631. la Demoiselle veuve de Grimouville, sieur de Durans, qui étoit mort en Piedmont, fut déchargée de la qualité d’heritière de son mary, bien qu’elle n’eût point renoncé dans les quarante jours, et que même elle se fût obligée envers son beau-pere comme heritière de son mary : l’Arrest fondé sur cette consideration, que son mary étant mort en Piedmont, elle n’avoit pû avoir connoissance de l’état de ses affaires et de ses dettes : Et le grand Coûtumier de France a remarqué que ce fut par cette raison que l’on permist aux veuves des Gen-ilshommes de renoncer, parce que leurs maris allant à la guerre, elles pouvoient ignorer les dettes que leurs maris avoient contractées pendant leur absence.

Le défaut de renonciation dans les quarante jours par une femme mineure ne la rend point heritière ; et par Arrest donné en l’année 1671. en la Grand. Chambre, Marie Polet veuve du fieur Auvray, pour laquelle je plaidois, et qui étoit appellante d’une Sentence donnée uux Requêtes du Palais qui la déclaroit heritière de son mary, fut restitnée contre ce défaut de renonciation ; ce qui reçût si peu de difficulté, que les creanciers n’oserent soûtenir la Sentence. Les mineurs sont aisément restituez contre l’omission des formes ;Loüet , 1. D. n. 68. Boniface l. t0. 1. l. 4. t. 6. c. 3.Ricard , des Donat. Part. 1. c. 3. gl. 3.Tronçon , sur l’Article 237. est d’avis que la femme ne peut être restituée fous pretexte de minorité, non plus que le mineur, des quarante jours introduits par la Coûtume pour la foy et hommage, comme aussi du retrait lignager, mais ces exemples ne sont pas décisifs ; car en ces cas le mineur a sa garantie contre son tuteur, au lieu que la veuve mineure seroit privée de tout secours.

Nôtre Coûtume ayant prevû qu’il pouvoit arriver de legitimes empeschemens, elle permet à la femme qui a des excuses valables de demander un delay, et le Juge peut le luy ccorder en connoissance de cause, en y appellant les heritiers et ceux qui, ont interest d’y être presens ; si toutefois ce delay est prorogé au de-là des trois mois, les meubles peuvent être vendus pour en éviter la perte et la diminution qu’un plus long delay pourroit causerL’Ordonnance de 1667. semble avoir dérogé à nôtre Coûtume ; car en l’Article 5. du titre des Delais pour deliberer, elle donne à la veuve qui sera assignée en qualité de commune les mêmes delais, pour faire inventaire et deliberer que ceux accordez à l’heritier, et sous les mêmes conditions, sçavoir que l’heritier a trois mois depuis l’ouverture de la succession pour faire l’inventaire, et quarante jours pour deliberer ; de sorte que cette Ordonnance étant generale, on doit croire que l’intention du Roy a été de déroger à toutes les Coûtumes qui sont contraires. On peut neanmoins là-dessus faire cette refsexion, que cette Ordonnance est conforme à l’Article 241. de la Coûtume de Paris, suivant loquel la femme pour la dissolution de la communauté a trois mois pour faire et clorre l’inventaire, et la même Coûtume ne limite à la femme aucun temps pour renoncer, elle peut faire sa renonciation lors qu’elle est poursuivie par les creanciers de son défunt mary ; mais la Coûtume de Normandie n’orlonne point à la femme de faire aucun inventaire, il suffit qu’elle renonce dans les quarante jours judiciairement, et c’est pourquoy on luy donneroit inutilement trois mois de temps pour faire et pour clorre un inventaire, puis que nôtre Coûtume ne l’oblige point à cette formalité.

Cela peut être soûtenu par les termes mêmes de IOrdonnance ; car par le même Article qui donne trois mois pour faire l’inventaire, et quarante jours pour deliberer, il est ajoûté que fi l’inventaire a été fait avant les trois mois, le delay de quarante jours commencera du pour qu’il aura été parachevé : D’où il paroit évidemment que le delay de trois mois n’est donné que pour faire inventaire, puis que lors qu’il a été fait avant les trois mois le delay de quarante jours commence à courir du jour qu’il a été parachevé : Or puis qu’en Normandie la femme n’est point tenuë de faire inventaire, il s’enfuit que les quarante jours limi-tez pour renoncer doivent courir du jour du décez ; mais cette même Ordonnance défendant si étroitement d’interpreter les volontez du Prince, c’est à luy seul d’expliquer ses in-tentions.

Pour rendre cette renonciation solennelle, la Coûtume ne prescrit point d’autres formes que de la faire judiciairement ; autrefois en France la veuve étoit tenuë de venir en habit de reuve à l’enterrement de son mary, et étant à l’Eglise il falloit qu’en la presence du Juge des lieux, d’un Notaire Apostolique, et du Doyen Rural, elle déclarât qu’elle renonçoit à la communauté, et et qu’elle jettât sa ceinture, sa bourse et ses clefs sur la fosse de son mary.

Bouteiller en sa Somme Rurale, l. 2. c. 21. Et c’est de là que vient le Proverbe, qu’il faut jetter les clefs sur la sosse, pour signifier que l’on abandonne toutes ses affaires.

Il suffit parmy nous que la femme vienne en jugement, et declare qu’elle renonce et qu’ele fe purge par serment de n’avoir pris ny concelé aucune chose. Il n’est pas neanmoins nécessaire qu’elle soit toûjours presente en personne, on la dispense ordinairement de cette rigueur, en donnant une Procuration speciale pour renoncer et prêter le serment, autre-ment il seroit au pouvoir de la femme d’éluder la disposition de la Coûtume, et même de desavoüer son Procureur ; mais j’ay vù revoquer en doute si cette renonciation seroit nulle faute de faire apparoir de cette Procuration : Cela paroit necessaire ; si neanmoins cette renonciation se trouvoit consommée par la demande que la femme auroit faité de ses parafernaux et de ses conventions de mariage, et que la representation de la Procuration ne fût demandée qu’aprés un long temps, il y auroit lieu de presumer la vérité d’un acte qui auroit été executé si publiquement. Sous ce mot de Justice doit-on comprendre toutes sortes de Jurisdi-ctions comme celles de privilege, et une renonciation faite aux Requêtes du Palais seroitelle valable ; Ce mot de Justice ne doit à mon avis être étendu qu’à la Jurisdiction ordinaire, quoy que dans la troisième partie du Journal du Palais on ait rapporté un Arrest qui confir me une renonciation faite aux Requêtes de lHôtel, cette renonciation neanmoins pourroit valoir si la femme y étoit poursuivie par les créanciers pour y passer sa declaration.

Puis que la Coûtume oblige la femme à renoncer judiciairement dans un temps prefix, et à se purger par serment de n’avoir rien concelé on ne peut douter qu’elle a exclus toutes renonciations tacires : Eiles peuvent valoir dans les Coûtumes qui ne limitent aucun temps Argentré pour passer la renonciation. Mr d’Aigentré sur l’Article 4is. de lancienne Coûtume de Breragne, approuve ces renonciations tacites, quia non est fundata intentio heredum, aut alterius cujusquam m immixtione aut acceptatione nisi probetur ; mais cet Auteur auroit assurément changé de sentiment aprés la reformation de sa Coûtume, qui oblige les femmes à tenoncer dans les quarante jours, en ce cas non sufficit abstinuisse, et lheritier n’est point tenu de prouver que la femme a fait acte d’heritier, ou de communes

Si la femme decedoit avant les quarante jours, lheritier joüiroit-il de cette faculté : Plusieurs ont estimé que ce droit étoit personnel, et que par consequent il n’étoit point trans-missible aux heritiers. Dautres ont fait différence entre la renonciation stipulée par le Contrat, et celle qui est permise par la Coûtume ; mais l’opinion la plus commune est, que dans les Coûtumes mêmes où il n’est pas parlé des heritiers, comme en celle de Paris, Art. 257. la faculté de renoncer s’étend aux heritiers. Il est vray que Ricard sur cet Article assures qu’ayant été stipulé par le Contrat de mariage que la femme renonçant à la communauté reprendra non seulement ce qui luy est permis par la Coûtume, mais aussi tout ce qu’elle aura apporté, et ce qui étoit confondu en la communauté ; cette clause ne s’étend point aux heritiers, dautant qu’elle est considérée comme extraordinaire et personnelle, qui par consequent ne comprend que ceux qui y sont dénommez, et que cela a été jugé contre les en-sans même.

La Coûtume d’Orléans, Art. 204. et celle de Bretagne, Art. 415. de l’ancienne, et Article 435. de la nouvelle, ont prevenu cette difficulté, ayant expressément accordé la faculte de renoncer, non seulement à la femme, mais aussi à ses heritiers. Mr d’Argentré avouc que si la Coûtume n’avoit pas fait mention des heritiers, la question auroit été difficile, si ce benefice étoit personnel ou réel : Car en faveur du mariage les Loix ont accordé aux maris et aux femmes beaucoup de prerogatives, qui ne passent point toutefois à leurs heritiers.

S. Praterea Instit. de Actionib. l. 1. c. de Privil. Dot. l. rei judicata Solut. Matrim. Or ce privilege semble être personnel : Et Tronçon cite plusieurs Arrests conformes à ce que j’ay rapporté deRicard .

Nous ne doutons point en cette Province que lheritier de la femme ne puisse joüir de ce benefice : et non seulement il a été jugé de la sorte, il a même été dit que lheritier pouvoit demander les biens parafernaux que cet Article accorde à la femme qui a renonéé., Les Arests en seront remarquez sur lArticle suivant, bien que ces parafernaux ne soient donnez à la femme qui a renoncé, que par commiseration de sa mauvaise fortune.

Cette faculté de renoncer étant un privilege accordé par la Coûtume, pour la mettre à pouvert des creanciers de son mary, elle ne peut en être privée par une stipulation contraire, bien qu’elle fût employée dans son Contrat de marlage : Chacun peut véritablement ré-noncer au droit introduit en sa faveur ; mais comme il est de linterest public que les femmes ne soient pas eternellement desolées par la mauvaise conduite de leurs maris, elles ne peuvent renoncer au droit public que la Coûtume a étably en leur faveur : on ne leur peut re-trancher cet asyle qui les garantit et leur postérité d’un malheur, contre lequel ils ne pourroient plus trouver de remede ; et lon peut dire en ce cas que pactis privatorum juri publico derogari non potest. C’est le sentiment de Tronçon sur l’Art. 138. de la Coûtume de Paris. La Coûtume d’Orléans, Art. 204. approuve cette paction : mais de la Lande dit soit à propos qu’il étoit besoin que la Coûtume donnât pouvoit de déroger à la faculté qu’ellg-même avoit accordée à la femme et aux heritiers, de peur que lon objectât contre cette convention la regle pactis privatorum juri publico derogari non potest. Il est vray que les pactions derogatoires à la Coûtume ne sont pas défenduës, quand elles ne concernent point l’interest public, si la même Coûtume ne défend expressément ces pactions, comme fait la nôtre aux Articles CCCXXX. et CCCXXXI. mais l’on peut dire que la stipulation de ne pouvoir renoncer, regarde en quelque sorte l’interest public.

Et bien loin qu’une stipulation de cette qualité soit civile, que si la femme s’étoit declarée neritière inconsidérément, ou par le dol et par la surprise des creanciers, pourvû que les choses fussent entieres elle pourroit être restituée conctre cet acte par un motif. : d’équité ;Tron -çon, Article 237. de la Coûtume de Paris.

Il est vray neanmoins que la femme est moins favorable et moins admissible à demander cette restitution qu’un autre heritier, par ces deux raisons : La premiere, qu’elle est mieux informée des affaires de son mary, et par consequent elle est moins excusable : Et la seconde, arce qu’elle a plus d’occasion et de facilité de soustraire les biens de son défunt mary, et qu’il eroit à craindre qu’elle ne voulût renoncer aprés avoir pris tout ce qu’elle auroit pû ; et suivant cela par Arrest du 14. de Mars 1662. la veuve d’Erbland Ferrand fut deboutée de ses Lettres de restitution contre l’adition qu’elle avoit faite de l’heredité de son mary. Elle avoit obtenu plusieurs delais aprés les quarante jours pour renoncer, et aprés avoir eu communication des écritures elle s’étoit declarée heritiere et ayant contesté long-temps les dettes des créanciers ; enfin aprés une condamnation jugée contr’elle, elle s’étoit pourvûë par Lettres de restitution, dont elle en fut deboutée en l’Audience de la Grand-Chambre, plaidans de Sets et de l’Epinay.

i au contraire elle avoit renoncé par le dol des heritiers qui luy auroient caché l’état et les forces de la succession, elle seroit restituable contre cette renonciation, suivant le sentiment de Mr d’Argentré , Art. 415. gl. 33. qui est contraire à celuy de du Moulin en son Apostille sur l’Art. 261. de la Coûtume du Mayne ; mais pour concilier ces deux Auteurs il faut dire que du Moulin décide la these generale, et d’Argentré parle dans le fait particudier, lors qu’il y a de la fraude du côté des heritiers ; Tronçon sur ledit Art. 237 Durant cet intervalle que la Coûtume donne à la femme pour renoncer ou accepter la succession de son mary, il seroit injuste de la mettre hors de la maison et d’ajoûter un traite-ment si inhumain à la perte qu’elle viendroit de faire, la mort ne détruit pas si promptement tous les effets de la société conjugale ; et comme dutant la vie du mary elle pouvoit disposer des provisions de la maison pour sa subsistance et celle de sa famille, il est raisonnable de luy en permettre l’usage pendant quelque temps, ce qui est d’autant plus juste et plus necessaire qu’alors elle ne joüit d’aucune chose ses droits n’étant point encore reglez, et cette demeure doit continuer au moins jusques à la confection des inventaires ; mais l’opinion de Mr d’Argentré me semble rigoureuse, il approuve bien que la femme fe puisse nourrir et ses domestiques ordinaires et accoûtumez de la dépense du lieu, c’est à dire des provisions qu’elle rouve dans la maison ; mais il ajoûte cette condition, de déduire cette dépense sur les fruits de son doüaire, parce qu’il ne seroit pas juste qu’elle véeut du bien d’autruy lors qu’elle peut subsuster du sien, Art. 415. gl. 5. Cette deduction n’est pas raisonnable, car les provisions qui se trouvent dans la maison étant un meuble, la femme y a part si elle se declare heritière ; que si elle renonce, puis qu’elle ne remporte rien de la succession de son mary, c’est pour le moins qu’elle reprenne ces alimens sur les portions qui restent dutant le temps que la Coûtume luy donne pour deliberer.

Lors que la femme a satisfait aux conditions qui luy sont ordonnées par cet Article, qu’elle enoncé judiciairement dans le temps prefix, et qu’elle n’a pris ny concelé aucune chose, elle en tire ces deux avantages, qu’elle n’est point tenuë aux dettes de son mary, et qu’on uy accorde ses parafernaux.

Quelques-uns exceptent du nombre des dettes, celles qui procedent des alimens fournis constant le mariage ; et Brodeau sur M.Loüet , l. C. n. 29. rapporte un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il pretend avoir été jugé que la veuve nonobstant la renonciation par elle faite à la communauté, est tenuë des dettes d’alimens contractées par son mary pendant la communauté. Il se fonde sur ce que de disposition de droit, la femme même se-parée de biens est tenue de nourrir son mary lors qu’il est tombé en pauvreté : l. ubi adhuc de Jure Dot. C. Bartolus in Tract. de Alimentis in fine, l’absent qui tombe malade peut passes en compte les frais de sa maladie : focius qui occasione societatis incidit in infirmitatem computare potest impensas in infirmitate factas, l. Socius qui in eo. 61. 6. l. D. pro socio : Aussi la femme yant été nourrie de ce que les créanciers ont fourny durant la vie de son mary, elle est tenuë consequemment de ses alimens nonobstant sa renonciation : Ce qui induit necessairement que les Apothicaires, Chiturgiens, et autres creanciers pour dettes d’alimens, sont preferables à la veuve pour ses conventions de mariage, puis que les fruits de ses immeubles sont affectez au payement de telles dettes, avenant que les biens du mary ne soient suffisans. DuPineau , sur l’Article 238. de la Coûtume d’Anjou, combat fortement le sentiment de M JulienBrodeau , et il pretend qu’il n’a pas entendu l’Arrest qu’il a rapporté, quand il ajoûte qu’il fut jugé que la femme, nonobstant la renonciation à la communauté, étoit tenuë des dettes d’alimens contractées pendant la communauté, et qu’elle y fut condamnée personnellementDu Pineau dit que cela ne peut être puis qu’elle n’étoit pas partie au procez, et que quand Brodeau interprete ces mots de l’Arrest, sur les fruits des immeubles de quelque qualité qu’ili oient. Pour comprendre les fruits de l’héritage de la veuve, cela se doit entendre des fruiti separez du fonds, lors du décez du mary, et non pour les fruits pendans lors par les racines.

Quant aux raisons alléguées parBrodeau , que la femme même separée de biens doit nourritr son mary lors qu’il est tombé en pauvreté, il répond que le mary doit les alimens à sa femme, soit qu’elle soit riche ou pauvre, par la consideration de l’affection maritale ; que si, le marv est pauvre ; la femme le doit nourrir de ses revenus, mais cela se doit entendre tant que le mariage dure, et sur les fruits recueillis pendant iceluy : Et c’est la cause pour laquelle la Cour ordonna que les creanciers alimentaires du mary decedé, seroient payez sur les fruits des héritages de la femme qui étoient separez du fonds et ameublis lors du decez du mary mais il ne s’ensuit pas qu’encore que le mary de son vivant doive être noutry sur les biens de sa femme, il le doive être aprés sa mort, et que la femme qui a renoncé soit tenuë personnellement des dettes contractées par son mary pour les provisions alimentaires de luy et de sa famille sous pretexte qu’elle en a vécu, parce que le mary se trouvant pauvre et les revenus de la femme y ayant été les premiers employez, elle a satisfait à son devoit. De laLande , sur l’Article 204. de la Coûtume d’Orléans, n’est pas aussi de cette opinion, que la femme qui renonce soit tenuë au payement des dettes procedantes d’alimens. Ce qui me paroit raisonnable, car l’on ne peut dire qu’elle a vécu aux dépens des creanciers lors que ses revenus ont été consumez durant le mariage.

Aussi la Coûtume en cet Artiele accorde à la femme les parafernaux en exemption de toutes dettes. On apprendra par l’Article suivant en quoy consistent les parafernaux ; on dou-toit autrefois si la femme qui renonçoit à prendre part aux meubles de son mary pouvoit avoir quelque droit aux acquests : On alléguoit pour l’affirmative, que quand il y a des acquisitions en bourgeoisie, la femme predécedant son mary sans enfans, les heritiers de la femme y succedent l’usufruit demeurant seulement au mary, et toutefois ces heritiers-là n’ont point de part aux meubles, et ne sont point tenus aux dettes mobiliaires ; d’où l’on conclud que la femme survivant son mary n’y peut être fujette, puis qu’elle est reçûë à renoncer, et que la succession aux meubles peut être separée suivant. l’Article CCCLXVII. qui porte qu’en cas que la femme repere sa dot non consignée et reçûé par son mary, elle soit prise sur les meubles auparavant que de se pourvoir sur les conquests, par cela l’on voit la separation des meubles avec les conquests, qui fait que la renonciation à l’un n’emporte pas la renonciation à l’autre. Outre l’Arrest rapporté parTerrien , Titre de Clameur, entre David fils de Gauvain, d’une part, et Bouchard frère de la veuve en secondes nopces dudit Gauvain ; on opposoit au contraire, que la succession aux meubles et aux acquests est tellement conjointe, qu’elle ne peut être separée ny acceptée l’une sans l’autre ; que l’exemple des heritiers de la femme qui à predécedé son mary ne vient pas à propos, dautant que les meubles demeurent au mary, ce qui l’oblige d’acquiter les dettes et d’en décharger les heritiers, dont neanmoins la part des conquests peut être saisie par les créanciers ; mais étant dit par cet Article, que la femme qui renonce aura seulement ses parafernaux, cela decide nettement la question et prive la femme de tout autre droit

Il ne reste plus qu’à examiner quel est l’engagement que la femme contracte lors qu’elle ne renonce point dans le temps prefix Rou qu’elle a pris ou concelé quelque chose de la succession.

C’est un usage certain en Normandie, que les femmes qui n’ont point renoncé sont tenuës des dettes de leur défunt mary, et qu’elles s’y engagent indefiniment, quoy qu’elles excedent la valeur des biens qu’elles ont recueillis de la succession, ce qui cause souvent leur ruine. La Coû-tume de Paris pour les mettre à couvert de cet accablement y apporte ce temperament : Suivant l’Art. CCXXVIII. le mary ne peut par contrat ny par obligation faite devant ou durant le mariage, obliger sa femme sans son consentement et plus avant que jusques à la concurrence de ce qu’elle ou ss heritiers amendent de la communauté, pourvû toutefois qu’aprés le decez de l’un des conjoints soit fait loyal inventaire, et qu’il n’y ait faute ou fraude de la part de la femme ou de ses heritiers. Il seroit equitable d’en user ainsi parmy nous, pourvû que la femme eût fait un fidele inventaire en la presence des heritiers. Il est certain que si la femme ne prenoit les meubles que jure legati, comme legataire universelle en faisant inventaire, elle ne seroit obligée aux dettes de son mary que jusques à la concurrence de la valeur des meubles, n’étant pas d’une plus mauvaise condition qu’un autre legataife universel, qui n’est pas obligé à davantage.

La femme n’est pas seulement tenue des dettes de son défunt mary, pour sa part et portion hereditaire ; elle peut être poursuivie solidairement par les créanciers, comme le penvent être en cette Province tous autres heritiers : On pouvoit dire en sa faveur que n’ayant que le tiers des meubles, et n’étant consequemment chargée que du tiers des dettes, cela ne la rend pas proprement heritière, car elle prend cette part jure suo, jure societatis et à lege, et qu’ainsi elle ne doit être obligée que pour sa portion : On répond que cette division du tiers des meubles, à la charge du tiers des dettes, est bonne entre ladfemme et les heritiers du mary, mais non à l’égard des créanciers, ausquels tous les biens du mary, meubles et immeuples, sont obligez ; et par l’adition d’heredité, tous ceux qui partagent s’obligent solidairement, ditione hereditatis contraxisse videntur cum creditoribus hereditariis, l. apud Julianum 3. ex quib. caus. in poss. extr. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chanibre le 17. de Decembre 1602. le nommé Anfrie, comme ayant épousé la veuve, fut condamné solidairement, sauf son recours contre les heritiers du mary.

Mais en tout cas, cette faute de n’avoir point renoncé dans le temps prefix est elle si rande, que lors que la femme ne demande ny parafernaux, ny doüaire, elle puisse être neanmoins poursuivie pour les dettes de son mary : Cette question s’offrit en l’Audience de a Grand. Chambre le 15. de Novembre 1630. pour la veuve d’un nommé Bardolle : Caruë difoit pour une femme qui s’étoit simplement abstenuë, mais qui n’avoit rien pris ny concelé, que suivant cet Article la femme est véritablement obligée de renoncer dans les qua-rante jours, mais qu’elle n’est tenue de passer cette déclaration que quand elle pretend ses biens parafernaux ; en ce cas, non sufficit abstinuisse ; que si elle abandonne generalement et on doüaire et ses parafernaux, elle n’est plus obligée à passer une renonciation judiciaire : Coquerel répondoit pour le créancier, que la Coûtume engage indispensablement la femme à renoncer dans les quarante jours, à fante dequoy elle devient obligée à toutes les dettes de son mary, que la Coûtume ne faisoit aucune distinction, et que par consequent il faloit l’attacher étroitement à sa disposition : La Cour, aprés une iterative déclaration de la veuve, qu’elle, ne demandoit aucuns droits sur la succession de son mary, et qu’elle renonçoit à sa succession, la déclara exempte des dettes. Cet Arrest mérite de la reflexionLa femme qui a pris ou concelé quelque chose de la succession est defavorable, et la Coûtume ion cet Article la condamne avec raison à contribuer aux dettes, comme si elle n’avoit point renoncé.

La peine du receté et de la soustraction est differente, selon les temps où elle a été faire : La soustraction faite aprés la renonciation ne rend point la veuve heritière, elle est seule ment tenuë à la restitution des choses tecelées, et jusques à la concurrence d’icelles ; en ce cas elle est reputée comme étrangere, et on en use comme à l’égard de l’heritier, qui postquam abstinuit amavit : en ce cas, dit la Loy, si seraum. 8. ult. de adquir. hered. furti potius actione te-netur creditoribus, & enim qui semel se abstinuit quemadmodum ex post delicto obligatur. Et pour cette raison, l’un et l’autre peuvent être poursuivis extraordinairement. au contraire, la renonciation faite par la femme aprés la soustraction et le recelé luy est inutile, et ne luy profite de rien, et nonobstant-icelle elle est tenuë des dettes de son défunt Cujas mary ; ce qui a lieu, bien que la veuve lors de la soustiaction fût encore mineure, la minorité n’excuse point en matière de delit, amotio delictum est furto proximum ; Cujaé. consul-tat. 11. in fine : Brodeau sur Mr Loüer, l. R. n. 1. C’est de cette maniere que la Cour et décidé, par l’Article 83. du Reglement de l’an 1666.

La veuve coupable de soustraction est aussi privée de la part qu’elle pouvoit avoir aux menbles recelez : C’est la jurisprudence cettaine du Parlement de Paris, et qui a été suivie en ce Parlement par plusieurs Arrest, et la Cour en a fait un Reglement par l’Article 84. du Reglement de l’an 1666.

Ces Articles du Reglement ne parlent que de la veuve ; il étoit incertain si cette peine du recelé pouvoit être étenduë contre les heritiers, et s’s devoient être privez de leur part aux hoses recelées : Cette question s’offrit en la Chambre de la Tournelle, entre François le Porcher, Ecuyer sieur de S. Christophle, demandeur en preuve de soustraction, d’une parti François le Porcher, Ecuyer sieur de Lange, son frère ; Antoine du Hamel, Ecuyer ; et Demoiselle Françoise le Porcher, sa femme, accusez d’avoir soustrait quantité d’or et d’arrent provenant de la succession de la Demoiselle Evri leur mere : Lé procez ayant été mis sur le Bureau en la Chambre de la Tournelle, le 2. de Juin 1678. les Juges se trouverent artis en opinions ; Mr Louver, Rapporteur, étoit d’avis que les coheritiers fussent privez de leur part aux choses recelées ; Mr le Roux d’Enneval Compartiteur, et contraire étoit d’avis que les heritiers eussent part aux meubles qu’ils avoient enlevez, en les rapportant avec interests.

Mais avant que de proceder au jugement du partage, l’on fit un Consulatur en la GrandChambre, pour sçavoir si sur ce fait il pouvoit y avoir partage en la Tournelle, et si la que-stion ne tomboit pas sur l’Article du livre Rouge, que mitior sententia sequenda erat, étant un usage dans tous les Parlemens de France, qu’il n’y a point de partage en la Tournelle, et par la disposition du Droit, in penalibus causis benignior sententia sequenda est. On répondoit que la Cause étoit plus civile que criminelle, qu’il ne s’agissoit point de sçavoit an major sive minor sit pena, mais seulement de priver ou de ne priver pas un coheritier de sa part aux cho-ses recelées, que mitior sententia ne se pouvoit entendre, que quand in penalibus humanitatis gatione, l’on inclinoit à de moindros peines, qu’en ce fait l’on pouvoit dire la même choses puis que l’avis le moins rigoureux n’étoit pas fondé sur la commiseration, mais sur des ralsons purement civiles. Il passa à dire qu’il y avoit partage, quoy que quelques-uns soûtin-sent quepar l’ancien usage de la Tournelle l’on n’admettoit point de partage aux procez qui avoient été instruits criminellement

pour la question principale, le fait étoit que Marie-Françoise le Porcher, femme d’Antoine du Hamel, sieur de Fonteine, avoit été réservée à partage par la Demoiselle Evri sa mere, durant la maladie de sa mere conjointement avec François le Porcher son frère, elle avoir pris dix livres d’une part, et dix-neuf écus d’argent dans les poches de sa mere, et lors que sa mere agonisoit, elle avoit fait découdre par une servante qui étoit auprés de la malade le dossier du lit, dans lequel sa mere avoit serté son argent ; cette soustraction ayant été prouvée, Mr le Rapporteur étoit d’avis de faire perdre aux accusez leur part aux choses sou-straites et disoit que la soustraction étoit un larcin qui devenoit d’autant plus criminel en la personne d’un coheritier, qu’il avoit plus de facilité de le commettre et de mettre la main à la chose, et c’est par cette raison que le vol domestique est puny plus rigoureusement, parce que toutes les portes étant ouvertes à un domestique, et ayant en ses mains la disposition du bien de son maître, il est plus punissable lors qu’il viole la fidelité que l’on atten-doit de luy. Si les soustractions demeuroient impunies, ce seroit rendre les hommes plus hardis à les commettre impunitatis spe fierent audaciores, et Spe lucri invitarentur ad peccandum.

Le legataire n’a pas moins de droit en la chose qui luy a été léguée que le coheritier, et neanmoins s’il ne prend pas son legs de la main de l’heritier, il perd sa part en la chose soustrai-te, non est dubium denegari actionem et proportione competenti in his rebus quas substraxisse eum de hereditate apparuerit. L’heritier ne peut deduire la Falcidie aux choses qu’il a soustraites, l. rescriprum de his quibus ut indign. mais pour la question dont il s’agit, on en trouve une décision formelle en la Loy : Paulus respondit a8. ad S. c. Trebellian. si quasdam res hereditarias heres furatus est, in rebus quas substraxit petitio ei-denegatur ; que c’étoit aussi la Jurisprudence du Parlement de Paris, comme on l’apprend de MiLoüet , l. R. n. 48. Mi le Compartiteur ré-pondoit, que cette question avoit été traitée et décidée diversement par plusieurs Docteurss que du temps de Mr Loüet elle étoit encore douteuse et indecise au Palais ; qu’en France l’on n’avoit point suivi la disposition du Droit écrit, mais celle du Droit Canonique, au Chapuam ad nos versiculo qui igitur de penis, apud Gregorium : Et nos Docteurs François ont pa-Rebufe reillement suivi l’opinion des Canonistes ; Benedictus sur le C. de Rainutius in verbo, si absque n. 147. de testam. Boerius Decis. 191. Rebuse sur les Ordonnances, in procmio gl. 6. n. 76.

Il passa à l’avis de Mr le Rapporteur, que l’heritier condamné par Justice de rapporter les choses par luy soustraites y perd sa part, laquelle accroit aux autres heritiers ; par Arrest du 6. de Juillet 1678

Pour prouver la soustraction, l’on procede differemment contre la veuve et contre l’heritier ; on ne poursuit point criminellement la veuve accusée de soustractions, sed actione rerum amotarum, par la voye civile ; et quand elle en est convaincuë, on la condamne de rapporter ce qu’elle a pris dans un certain temps, à faute dequoy l’on ordonne qu’elle y sera contrainte. par corps ; ainsi jugé en la Chambre de la Tournelle, le 7. de Février 1650. entre Marguerite Gosset, veuve d’Adrien de la Mote, appellante de tout ce qui fait avoit été par le Bâilly. de Roüen, ou son Lieutenant Criminel au lieu ; et Jean, et Jacques Benard frères, heritiers de Marie Benard, intimez : La Cour mit l’appellation au neant, ladite Gosset condamnée n trente livres d’amende, et à restituer sept mille livres dans quatre mois, autrement condamnée, et par corps.

On punit fort severement une femme dans cette espèce : Une femme meditant la separation, avoit secretement enlevé les meubles de son mary, et s’étoit retirée de sa maison pour poursuivre une separation de biens ; et quoy qu’elle eût été deboutée de ses Lettres de lepaation, néanmoins à cause des soustractions par elle commises lors qu’elle avoit abondonné son mary, il fut déchargé de la restitution de la dot, qui étoit demandée par les heritiers de cette femme : Par Arrest du 25. de Février 1636. au Rapport de Mi d’Anviray, entre Jean Lorée d’une part, et Pierre Petit, d’autre.

Mais bien que la femme ne puisse être poursulvie que civilement, l’on peut agir extraordinairement contre les complices, comme il fut jugé en l’Audience de la Grand-Chambres le 30. d’Octobre 1636. pour le Saunier Huiffier en la Cour, qui accusoit sa femme de soustraction ; car à l’égard de la femme la procedure fut civilisée, mais on ordonna qu’elle seroit continuée extraordinairement contre les complices. On peut aussi proceder extraordinaire. ment contre les heritiers, suivant l’Arrest que j’en ay rapporté sur l’Article CXIIII. quoy que par la disposition du Droit l’on ne pût agir par la voye extraordinaire contre un coheritier, expilatu hereditatis, crimen frustra heredi intenditur cum judicio familiae erciscundae indemni-tati ejus prospiciatur l. 3. C. Familiae ercisc. Pour la preuve de la soustraction, l’on a demandé si l’on devroit recevoir le témoignage des parens : Ce fut le sujet d’un Consulatur qui fut fait en la Grand-Chambre, par la Chambre des Enquêtes, le 26. de Février 1675. il s’agissoit ad procez de pretenduës foustractions faites par une veuve, et l’on vouloit faire entendre quelques parens. L’Ordonnance nouvelle dit expressément, que les parens ne seront point admis en matiere civile, qu’en matière de soustractions l’on traite la veuve civilement, et non pas criminellement. Il passa à dire que l’on entendroit les témoins, parens et autres, parce qu’ordinairement en ces occasions les femmes se servent de parens, et en rejéttant les parens des informations, il seroit tres-difficile d’avoir la connoissance des soustractions : Il peut même arriver que par les depositions des parens, il se trouvera des charges contre des complices.

Il est sans doute que l’action en soustraction peut être intentée civilement ou criminellerment contre les coheritiers, les associez, et les legataires ; de sorte que pour regler la com-petence des Juges, il faut considerer la maniere dont elle a été instruite. Ce fut le sujet d’un procez entre le Lientenant Givil et le Lieutenant Criminel de Roüen. La Dame de Montigni avoit donné par son testament ses meubles à la Demoiselle de Lisle, sa domestique ; cette fille ayant demandé la delivrance de son legs, l’executrire testamentaire fit assigner les sieurs de Croismare, héritiers de la Dame de Montigni, devant le Lientenant Civil, pour y donner leur consentement. Sur leur opposition il se fit plusieurs rocedures, et en suite ils donnerent Requête pour être permis de prouver, tant par témoins de certain, que par Censures d’Eglise, que l’on avoit enlevé et soustrait plusieurs meubles et papiers ; ce qui leur ayant été permis, et ayant fait entendre des témoins, le Lieurenant Civil ordonna que la Demoiselle de Lisle et un autre particulier seroient entendos : Le Lieutenant Criminel crût que par ce jugement l’action avoit changé de nature, et qu’elle étoit devenuë de sa Competence, et dans cette pensée il presenta Requête en la Chambre de la Tournelle, tendante à ce que défenses fussent faites aux parties de proceder ailleurs que devant luy : Le Lieutenant Civil fe pourvût en la Grand-Chambre, et la premiere contesta-tion fut pour la Competence des Chambres. Messieurs les Gens du Roy arréterent, que ne s’agissant que d’un reglement de charges, l’affaire devoit être portée en la Grand. Chambre.

Durand pour Me Pierre du Moutier Lieutenant Griminel, disoit qu’il n’est point au pouvoit des parties de regler la Competence dés Juges, que l’action étoit devenuë criminelle par la plainte des heritiers, par les Censures Ecclesiastiques, par l’information, et par le decret de comparence personnel ; que le Juge Civil avoit changé la nature de l’action, en permettant d’informer sar une Requête ; que pour continuer la procedure civile, il auroit dû ordonner la preuve par un appointement contradictoire entre les parties ; mais au lieu de le faire, il avoit pris la voye extraordinaire, comme s’agissant d’une expilation d’heredité, ce qui faisoit. qu’il n’étoit plus competent du negoce, que cela avoit été jugé par deux Arrests : Par le premier, quoy qu’il se fût dessaisi d’une action en soustraction, aprés l’avoir civilisée, et l’eût renvoyée devant le Juge Civil, neanmoins sur l’opposition des Conseillers du Bailliage, la Cour l’avoit renvoyée devant luy : Par lé second Arrest, le Lieutenant Civil avoit été debouté d’avoir connoissance de l’action en soustraction, que Philippes Chapelier avoit formée contre ses coheritiers ; et qu’enfin l’action rerum amotarum n’étoit introduite qu’en faveur de la femme, et qu’à l’égard de toutes autres personnes c’étoit un larcin, pour la punition duquel Messieurs les Gens du Roy étoient obligez d’en poursuivre la preuve, ce qui ne se pouvoit faire que devant le Lieutenant Criminel.

Je répondois pour le sieur de Brevedent, Lieutenant General Civil au Bailliage de Roüen, qu’il étoit vray que les particuliers ne pouvoient pas changer l’ordre de Jurisdiction, ny poursuivre. la preuve d’un crime devant un autre Juge que le Lieutenant Criminel ; mais que cela n’avoit lieu que pour les actions purement criminelles, où le public et Messieurs les Gens du Roy avoient interest d’en poursuivre la vengeance : Or par la disposition du Droit, crimen expilatae hereditatis erat privatum non publicum.Cujac . in Paratl. ad hunc titulum C. que non seuement à l’égard de la veuve, mais encore à l’égard de plusieurs autres personnes, il pouvoit être poursuivi ordinairement ou extraordinairement, crimen expilataee hereditatis extra ordinem agere, aut hereditatem à possossoribus jure ordinario vindicare : l. Dious de crimine expil. her. D. et cette action étoit si peu criminelle, que par la loy derniere du même titre, au Code expilats bereditatis crimen loco deficientis actionis intendi consuevisse non est juris ambigui : On ne prenoi la voye extraordinaire que lors que l’on ne pouvoit agit autrement, et c’est pourquoy on ne la pouvoit traiter criminellement, non seulement contre la veuve, mais aussi contre plusieurs autres personnes : non darur priigno in novercam, que expilavit hereditatem mariti, puto nes in vitricum qui expilavit hereditatem nxoris.Cujac . ibidem. Le coheritier ne pouvoit poursuivre criminellement son coheritier, l. adversus C. famil. her. expilata hereditatis crimen frustra coheredi intenditur cum judicio familiae erciscundae, ejus indemnitati prospiciatur : On en usoit de même à l’égard de l’associé, dont le Jurisconsulte rend cette raison, que cum qui partis Dominus est jure suo potius uti quam consilium furti inire. l. mérito D. pro socio, et pour le légataire qui se faisit de son legs sans le consentement de l’heritier, on le punit seulement par la perté d’iceluy : l. non dubium C. de et. Puis donc que cette action étoit : utriusque fori, les partiei avoient pû proceder devant le Lieutenant Civils que la Requête pour être permis de prouver les soustractions, l’Infonmation et l’Ordonnance pour être ouy, n’alteroient point la na-ture de l’action, et il falloit arrendre ce qui seroit ordonné aprés l’interrogatoire ; qu’aprés iceluy le Juge Civil pouvoit dire que les parties auroient communication des noms et surnoms des témoins, pour dire aux reproches et regler les parties en procez ordinaire, et que pour cotte raison l Requête du demandeur étoit prematurées que les Arrests ne faisoient sen à la question ; que dans le premier le Juge Criminel avoit été sansi par une plainte, et pu encore qu’il eûr civilisé l’instance, l’affaire ne laissoit pas d’être de sa Competence ; pour et second Arrest il étoit dans l’ordre. Philippes Chapelier avoit faisi la Jurisdiction du Lieuenant Criminel par la plainte qu’il avoit renduë, non seulement contg ses coheritiers, mais aussi contre plusieurs autres qui s’étans trouvez chargez par les informations, avoient été decretez en comparonce personnel ; mais en cette Cause on avoit saisi le Lieutenant Civil par une action purement civile, pour consentir ou contrédipe la delivrance du legs ; que les parties en consequence de leur information, concluoient seulement à faire déclarer la légataire ndigne de son legs, et qu’il étoit étrange que le Lieutenant Crimainel voulût persuader que l’affaire étoit criminelle, vû qu’aucune des parties ne roeclamoit sa Jurisdiction ; que cela seroit un prejudice notable aux panties, parce qu’il fandroit proceder sur les soustractions devant le Lieutenant Criminel, et sur le testament devant le Juge Civil : Les sieurs de Croismare demanderent d’être renvoyez devant le Juge Civil. La Cour, fuivant les Conclusions de Mr l’Avocat General le Guerchois, renvoya les parties devant le Lieurenant Civil ; par Arrest du 15. de Juillet 1éy8