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CCCXCV.

Biens paraphernaux.

Les biens paraphernaux se doivent entendre des meubles servans à l’usage de la femme, comme seroient lits, robbes, linge, et autres de pareille nature, desquels le Iuge fera honnête distribution à la veuve en essence, eu égard à la qualité d’elle et de son mary, appellé neanmoins l’heritier et créancier, pourvû que lesdits biens n’excedent la moitié du tiers des meubles, et neanmoins où le meuble seroit si petit, elle aura son lit, sa robbe, et son coffre.

L’Article precedent donne à la femme qui renonce ses biefs parapfernaux. On explique en celui-cy la qualité et la qantité de cette espèce de biens : Cette explioation étoit necesfaire, parce que nous donnons à ce terme de Parapbernal un sens particulier, signifiant parmy nous tout autre chose qu’il ne fait ailleurs

Mr Josias Bérault s’est trompé, lors qu’il a dit que dans le Droit Romain les paraphernaux étoient les meubles, que la femme retenoit par devers elle, sans les bailler en dot, et que l’on appelloit bona receptitia, dont on faisoit un mémoite qui étoit signé du mary, et qui ne consistoient qu’en bagues, robbes et joyaux, dont elle vouloit se servire Les femmes parmy les Romains avoient trois sortes de biens, Rei uvoriè momine tria rerum genera coaeprehendebant, alia dutales, aliae praterdotales, alia recepeitiae. Docales sunt quorum possessio, & dominium in maritum tranefertur : preterdotales que Graci obacapre vocant quae in possessione mariti tantum erant. Receptitia verè que extra mariti dominium & possessionem Loyseau ttiam najuralem mulier sibi reservabat.Hotoman . de Dotib. in princi Loyseau du Deguerp. l. 2. c. 4. n. 4.

Il paroit que la femme ne donnoit pas toûjours tous ses biens en dot, ce qu’elle vouloit gretenir luy appartenoit, et non à son mary ; et cela s’appelloit comme il fait encore aujourd’huy dans les païs de droit écrit, ses biens paraphernaux, si le mary en avoit la joüissance il étoit tenu d’en rendre compte ; s’il n’y avoit une convention contfaire par le Contrat de mariâge, l. hac lege de Pact. Convent. et Paraphernis. Hac lege decernimus, ut vir in hs rebus qual extrà dotam mulier habet, quas Graci parapberna vocant, nullam uxore prohibente habeat communiopem. Et c’est peut-être cette loy mal entenduë qui a fait confondre à Bérault les paraphernaux vec ces autres biens dont la femme retenoit la joüissance et la proprieté Mais la nature de ces biens, que res receptitiae vocabantur, étoit fort differente des parafernaux ; et pour comprendre parfaitement ces diverses espèces de biens, l’on ne peut citer rien de plus singulier que ce qui est rapporté parAulugelle , l. 17. c. 6. de ses Nuits Artiques. Bu expliquant le raisonnement deCaton , pour faire recevoir la loy Voconia, qui contenoit cet paroles : Principio nobis mulier magnam dotem attulit, tum magnam pecuniam recipit quam in oviri potestatem non commitrit, eam pecuniam viro in mutuum dat, postea ubi irdta facta est, serpum veceptitium sectati atque flagitare viruai jubnti

Nous découvrons par ce discours que les Dames Romaines n’étoient pas moins fieres que leurs matis, que le joug de leurs maris leur étoit insupportable, et que pour s’en exempter, ou au moins pour le rendre plus aisé, et se conserver un pouvoir et une défense contre leurs maris, elles ne leur donnoient en dot qu’une partie de leur bien, et qu’elles retenoient le proprieté et la pleine disposition du reste, qu’elles prétoient à leurs maris lors qu’elles étoient de belle humeur ; mais qu’elles le leur redemandoient lors qu’elles en étoient mal fatisfaites, ou qu’elles étoient en colere, et pour cet effet elles se servoient d’un esclave qu’elles retenoient pour cet usage-là, quem cum pecunia receperat nec dederat doti, qui ne manquoit pas d’executer avec rigueur les ordres et les emportemens de sa maîtresse, et de vendre les biens du mary.

Cette malice des femmes donna lieu à Caton de remontrer que la loy Voconia, qui rendoit les femmes incapables de succeder, étoit juste, et qu’il étoit utile pour le bien public que les temmes ne fussent pas si opulentes, puis qu’elles abusoient de leurs richesses pour mal-traiter leurs maris. Nous ne manquons pas d’exemples de femmes de pareille humeur, qui se reservent par leurs Contrats de mariage la disposition de leurs biens, sans en permettre l’usage à seurs maris, pour les tenir dans leur dépendance et conserver un empire sur eux par la necessité où elles les reduisent, de n’en tirer du secours que par leur congé.

Nous apprenons par ce même passage d’Aulugelle , que ces biens dont les femmes se reservoient la disposition et la joüissance ne consistoient pas, comme Berault a crû, en leurs rob-bes, linges, ou autres meubles à leur usage ; mais qu’elles retenoient leur argent, leurs esclaves, et tout ce que bon leur sembloit : ces biens s’appelloient paraphernaux.

Cet usage n’étoit pas particulier aux Romains, on en usoit aussi en quelque façon dans les Gaules, ou les femmes possedoient en leur particulier certains biens qu’on appelloit leur Pecule. l. si ego S. Dotis ae Jur. Dot. D. Et Mr Cujas a remarqué sur la l. 31. 5. fpecies l. 121 Papinien Respons. Papiniani, que hoc vocabulo etiam Aquitani hodie utuntur.

C’étoit une Coûtume à Rome, que des choses que la femme destinoit pour son usage particulier, quoy qu’elle les apportât à son mary, elle en dressoit un mémoire qu’elle luy faisoit signer, pour los reprendre en cas de divorce et de separation ; cela se pratique encore aujourd’huy parmy nous. Dans les Contrats de marlage l’on stipule presque toûjours, que la future épouse remportera ses bagues et joyaux, hardes et linges, ou une certaine somme ; et en vertù de cette sipulation, la femme en cas de mort ou de separation reprend les meubles qu’elle a stipulez de pouvoir remporter, s’ils se trouvent encore en essence, et même au prejudice des creanciers anterieurs de son mariage : que s’ils ont été dissipez, elle en a recompense sur les biens de son mary, mais non pas au prejudice des créanciers anterieuts de son Contrat de mariage ainsi à parler proprement, les paraphernaux sont ces biens que la femme se reserve de remporter ; mais lors qu’elle n’a pas eu cette prevoyance, la Loy supplée à ce défaut, et luy fait en cas de renonclation une distribution honnête des choses qui sont à son usage, proportionnée à la valeur des meubles que son mary a laissez : Par le grand Coûtumier de France elle ne doit remporter que ses habits communs, et non autre chose Dans plusieurs. Coûtumes la femme qui ne se porte pas commune, ne laisse pas de prendre les habits à son usage a mulier renuncians non debet exire nuda, sed debet habere sua vestimenta, ut vestes ordinarias fecundùm statum, non autem que cadunt in modum peculii, vel de Cabinet. Molin in Consuet. Paris. Art. 115. De laLande , sur l’Article 206. de la Coûtume d’Orléans, dit qu’ordinairement on luy laisse une robbe, et autres vêtemens, de chacune espèce un, avec e menu linge, et même en beaucoup de lieux on observe de luy donner un lit garny. La Coûtume de Bretagne est la plus liberale, elle veut que la femme prenne de toutes choses qui luy suffisent environ elle, tant de joyaux que d’autres choses, Art. 416. Nôtre Coûtume n’étend pas si loin les paraphernaux, elle les fait consister aux meubles servans à l’usage de et la femme ; comme sont lits, robbes, linges, et autres de pareille nature ; et comme cela ne Loyseau luy est accordé que par grace et commiseration, c’est avec raison que Loyseau dit que le paraphernal des femmes en Normandie est leur infernal, parce que ce n’est qu’un effet de leur misere, et de leur mauvaise fortune

La Coûtume a prudemment ordonné, que cette distribution doit être proportionnée à la qualité du mary et de la femme, neque enim omnibus una taxatio sufficere poterat, ut nec eaden smnibus dignitaae, nec eadem facultates, & omnino aliae fortunae mediae, alia Principi femine, aliâ Argentré opifici statuenda erat proportio ; Argentr. ad Articul. 416. gl. 1. Il faut aussi que le Juge y procede avec moderation, parce tamen, neque enim liberalitas necessitati congruit. Pour empescher l’apus et la fraude, suivant cet Article, cette distribution se doit faire en la presence des heri tiers et des créanciers, pour la conservation de leurs interests ; et quoy que cette liberalité se fasse à leurs dépens, ils ne s’y peuvent opposer par une raison de commiseration à l’exemple de celuy qui a fait cession de biens, à qui l’on ne pourroit ôter ses habits sans inhuma nité ;Bald . Ad l. ult. qui bon. Ad. poss. On n’en refuse pas même quelque petite portion à ceux qui sont condamnez pour crime, l. Divus D. de Bon. Damnat Ces paraphernaux ne sont dûs à la veuve qu’en cas qu’elle renonce à la succession de sond nary, et qu’elle n’ait stipulé aucun remport par son Contrat de mariage, ou qu’elle ne le puisse avoir tel qu’elle l’a stipulé ; mais elle ne peut avoir ces deux causes lucratives, suivant qu’il a été jugé par les Arrests remarquez par Bérault, et depuis encore par Arrest du 18. Aoust 1618. pour Jean le Courtois, contre la veuve de son frère. Autre Arrest en la Chambre des Vacations, du 17. Octobre 1654. entre la nommée le Prêtre, et Cecile, plaidans Maurry, et Lyout ; on cassa la Sentence qui avoit ajugé à ladite le Prêtre ses paraphernaux, outre son remport.

Il y eut plus de difficulté sur cette question, si le legs fait par le mary à sa femme la privoit de ses paraphernaux : Elle s’offrit en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Fer-manel, le 18. de Mars 1655. en procedant au jugement du procez d’entre les Sieurs et Dame de Poitrincourt et Daniel sieur de Boisdanemets ; les Juges furent partis en opinions. Le fait étoit que Dame N. de l’Epinay avoit épousé en premieres nopées le sieur de Boisdanemets, et par son Contrat de mariage elle n’avoit point stipulé qu’elle remporteroit ses habits, bagues et joyaux, ny aucuns autres meubles ; ayant renoncé à la succession de son mary, elle demanda ses paraphernaux, pour lesquels on luy ajugea le fixième denier de la valeur des meubles ; mais dans le compte qu’elle rendit à son flls de la gestion qu’elle avoit euë de son bien comme sa tutrice, il luy contredit cette demande, se fondant sur ce que le sieur de Boisdanemets son mary luy avoit légué par son testament ses bagues et joyaux, les linges et hardes à son usage, avec son carosse et ses chevaux, et par cette raison il soûtenoit qu’elle devoit se contenter à son legs, ou prendre seulement ses paraphernaux, ne pouvant avoir l’un et l’autre : Le sieur de Poitrincourt, son second mary, pretendoit qu’elle pouvoit avoir le legs à elle fait par son mary, puis qu’il l’avoit pû faire, comme il autoit fait à un étranger ; mais que cette liberalité ne pouvoit pas luy faire perdre ce qui luy étoit acquis par la Coûtume, et bien que les choses qu’elle pouvoit demander pour son paraphernal fussent comprises dans son legs, néanmoins elle pouvoit les prendre en essence en vertu de son legs, et avoir encore le sixième denier de la valeur des meubles par le benefice de la Loy : les Arbitres qui avoient procedé à l’examen du compte lavoient jugé de la sorte, dont la mere et le fils avoient appellé respectivement : La mere, en ce qu’on luy avoit ajugé mille livres seulement pour son paraphernal, outre son legs, encore que le prix des meubles montât à dix ou douze mille livres, et les cédules, bestiaux, et grains à vingt mille livres ; de tous lesquels biens elle pretendoit avoir le sixième denier : Le fils se plaignoit de ce qu’on ne l’avoit. pas debourée de la demande des paraphernaux, à cause du legs qui luy avoit été fait : L’avis de Mr le Rapporteur étoit qu’il avoit été bien jugé, tant à l’égard du fils qu’à l’égard de la mere, quoy que l’on n’eût estimé son paraphernal qu’à la somme de mille livres, en confideration du legs qui luy avoit été fait ; et d’ailleurs que le paraphernal que la Coûtume évaluë au fixième denier, ne s’entend pas de tous les effets mobiliers d’une succession, mais seulement des meubles servans dans une maison : Pour l’appel du fils, Mr Clement Compartiteur dit qu’il étoit du même avis que Mr le Rapporteur, à l’égard de l’appel de la veuve, et qu’en effet tous les biens mobiliers d’une succession ne devoient pas entrer dans l’évaluation du paraphernal d’une veuve ; mais entant que l’appel du sieur de Boisdanemets, il esti-moit que la veuve ne pouvoit avoir que le legs ou le paraphernal, la Coûtume ne donnant les paraphernaux que par commiseration, et en l’honneur du mariage, l’honnéreté publique ne permettant pas qu’une femme sorte de la maison de son mary comme une gueuse, sans avoir dequoy se vétir et se coucher ; mais lors que la femme par son Contrat de mariage a stipulé un preciput et un remport de ses joyaux, habits, linges, et lit, en ce cas si elle re nonce à la succession de son mary et qu’elle remporte les meubles qu’elle a stipulez, elle ne peut plus pretendre aucune chose pour son paraphernal, parce qu’il ne luy est donné par la Coûtume que lors qu’elle ne remporte rien : Il faut dire la même chose lors que son mary y a pourvû par son testament, et que prevoyant le besoin de sa femme il a voulu luy donner le à peu prés les mêmes choses que la Coûtume luy auroit accordées, et c’est en cette rencontre que l’on peut faire valoir la maxime, que provisio hominis facit cessare provisionem legis ; Il passa presque tout d’une voix en la Grand-Chambre, à dite que la veuve ne pouvoit avoit que le legs ou le paraphernal.

Il semble que les paraphernaux n’étant accordez à la femme que par grace et par commiseration, et même cette liberalité se faisant aux dépens des créanciers, elle n’est dûé qu’à sa personne, et ses heritiers n’ont aucun pretexte de les pretendre lors que la femme de son vivant n’en a pas formé la demande, autrement il auroit été mal jugé par l’Arrest du sieur deBoisdanemets, car si les heritiers ont action pour les demander, il faut que le droit en soit pleinement acquis à la femme par sa seule qualité de femme, et par consequent le legs que le feu sieur de Boisdanemets avoit fait à sa femme ne devoit pas luy faire perdre ses paraphernaux : Aussi Berault est de ce sentiment, que la demande des paraphernaux est personnelle, et qu’elle ne passe point aux héritigrs, ce qu’il confirme par l’autorité d’un Arrest qui l’avoit jugé de la sorte et Godefroy esb aussi de ce même avis.

Cependint cette question a été décidée en faveur des heritiers de la femme par plusieurs Arrests : De premier fut donné en la Chambre de IEdit le 26. d’Aoust 1626. entre Simon de

Saint Germain, Eeuyer sieur d’Ivoy, et de Piane, sieur de Briqueville ; il fut jugé par cot Arrest qu’un socond mary étoit admissible à demander les paraphernaux qui eussent appartenu à sa défunte femme, quoy que de son vivant elle n’en eût formé aucune demande.

Cette même question fut plaidée solennellement par M de Toufreville le Roux, depuls Conseiller en la Cour, et par Mr Jacques Coquerel. Claude Noel, sieur des Prez, et Demoiselle Elizabeth Ménage sa femme, furent attaquez en même temps de la maladie conta-pieuse ; le mary mourut, et sa femme ne le survéeut que de trois jours. Philippes Ménage, Ecuyer sieur de Cagny, frère de cette femme, mit en action les heritiers du mary pour luy donner les paraphernaux qui étoient dûs à sa seur, en renonçant à la succession de son mary, ce qu’il déclaroit faire pour elle ; l’heritier y ayant été condamné, le Roux son Avocat dir soit pour ses causes d’appel, que la demande des paraphernaux étoit personnelle, et qu’elle ne passoit point à ses heritiers, si elle n’en avoit formé la demande, ce qui se prouve par la definition des paraphernaux que la Coûtume en donne en cet Article ; les paraphernaux sont les meubles serbans à l’usage de la femme, c’est donc à elle seule qu’ils sont dus, puis qu’on ne luy accorde que ce qui est propre à son usage ; c’est un droit fingulier, et un tort que l’on fait aux creanciers et aux heritiers, jus autem singulare quod contra tenorem ratior nis propter aliquam utilitatem introductum est, non est trahendum ad consequentiam : Il n’est par raisonnable que la femme qui renonce à la succession de son mary ; emporte une partie de ses meublos à un titre purement lucratif au prejudice des legitimes creanciers ; et cependant la Coûtume par un mouvement d’humanité et de commiseration, ayant estimé qu’il seroit honteux de chasser une veuve sans son lit et ses habits ; elle luy a donné ses petits meubles mais quand elle n’a pas voulu en faire la demande, l’intention de la Coûtume n’a pas été de les donner à son heritier : ce qui se prouve encore par les termes de cet Article, que le Juge en fera une honnête distribution à la veuve ; car tous les termes de cet Article marquent que cette grace n’est accordée qu’à la seule personne de la veuves Coquerel répondoit pour les intimez, que les paraphernaux n’étoient pas un simple usufruit, qui s’éteignit par la mort de la veuve, que c’étoit un bien propre qui passoit à son heritier, et que luy étant donnez par la Coûtume, son heritier avoit droit de les demander : La Gause ayant été appointéeur Conseil, par Arrest du 30. de Juillet 1627. au Rapport de Mr Pigny, la Sentence fut confirmée ; ce qu’il y avoit de particulier étoit, que la femme étoit morte trois heures seulement aprés son mary, de la maladie contagiense, ainsi elle n’avoit point été en état de renonges ny de demander ses paraphernaux, ce qui rendoit son heritier favorable.

Pour obtenir la delivrance des paraphernaux, il n’est pas necessaire que le Contrat de mas riage ait été reconnu ; car bien qu’il n’eût point d’hypotheque, une femme n’est point privée de remporter ses bagues et joyaux, ou la somme limitée par son Contrat de mariage, au prejudice des créanciers, dautant que c’est plûtost une retention de ce que la Coûtume et la disposition ordinaire des Contrats de mariage luy donne, qu’une creance, et l’Arrest de 1600. est plûtost pour la dot que pour le doüaire et les paraphernaux, et pour les bagues de la femme ; il fut jugé de la sorte le 7. d’Avril 1633. Nonobstant cet Arrest, pour éviter les fraude et les suppositions, il me semble qu’il faut distinguer entre les meubles dont la femme auroit stipulé le remport, et les paraphernaux : Pour les premiers, quoy que son Contrat de mariage fût sous signature privée, si toutefois ils se trouvoient encore en essence, il seroit juste de les luy laisser ; que s’ils n’étoient pas en essence, et qu’au lieu d’iceux la veuve demandât une somme, elle n’y seroit pas récevable, parce qu’il seroit fort aisé de supposer un autre Contrat mais pour les parapbernaux ils sont dûs à la femme, soit que le Contrat ait été rcconnu, ou non.

Le prédécez du mary n’est pas le seul cas où la femme a delivrance de ses paraphernaux, ou des meubles dont elle a stipulé le remport, la separation civile a le même effet ; mais on a demandé si lors qu’elle n’est point encore separée, et que les meubles du mary sont entierement saisis, elle a qualité pour demander ce remport : Elle peut alléguor qu’elle a unt action pour les conserver, que si elle laissoit vendre tous les meubles de son mary sans s’y opposer, sa stipulation luy deviendroit inutile. On oppose au contraire, que la femme n’étant point separée, elle n’a pas d’action, que ce remport n’est que conditionnel, en cas qu’elle survive à son mary ; que si elle redoute son mauvais ménage, et qu’il ne luy reste aucuns meubles pour fournir à ses conventions matrimoniales, elle peut avoir recours au remede ordinaire de la separation ; mais ne le faisant pas, les créanciers ont dron de contrédire sa demande, le mary pouvant aliener ses meubles, et en racheter d’autres dés le lendemain ; mais puisque les biens que la femme se réferve de pouvoir remporter n’appariennent au mary que conditionnellement, en cas que la femme predecede, et qu’elle peut les reclamer au prejudice des créanciers anterieurs de son Contrat de mariage, pourvû qu’ils soient encore en essence ; la femme bien que non separée a une qualité pour les reienr et pour les conserver, ce qui n’auroit pas lieu pour les paraphernaux, qu’elle et peut demander qu’en cas de mort ou de separation.

L est une stipulation ordinaire dans les Contrats de mariage, que la femme remportera ses bagues et joyaux, sa chambre, son carosse, et autres meubles servans à son usage, ou une certaine somme ; lors que cette alternative n’y est point employée, on a douté si ne se trouvant au temps du decez du mary, de chambre meublée, de carosse, et de chevaux, la veuve pouvoit demander une somme d’argent : Dame Jaqueline de Bechevel, veuve de Bechevel, Ecuyer sieur de la Motte, forma cette demande devant le Juge de Bayeux, sontre le sieur de Bechevel, tuteur du fils dudit sieur de la Motte, en consequence de la stipulation employée dans son Contrat de mariage, qu’elle remporteroit son carosse : son ma-riage n’avoit duré que six mois ; et comme les mariez demeuroient chez le pere de ladite Dame, elle Navoit point eu de carosse, elle voulom neanmoins en avoir ; et quoy qu’on luy eût offert la meilleure chambre du logis de son mary, elle pretendoit encore qu’on luy en devoit fournir une selon sa condition, son mary ne luy en ayant point acheté ; elle fut deboutée de ses pretentions : Greard sur son appes ne disconvenoit point de la Maxime, que quand une temme n’avoit point stipulé qu’elle auroit sa chambre, et son carosse, ou une certaine somme, elle n’en pouvoit demander, s’il ne s’en trouvoit point au temps de la mort de son mary ; mais il disoit que ce mariage n’avoit duré que six mois, et que son mary n’avoit pû luy en acheteri et pour sa chambre, qu’ayant donné trois mille livres pour don mobil, elle devoit au moins avoir une chambre honnête. Je répondois pour le tuteur, qu’il falloit s’attacher aux termes du Contrat, que son mary ne luy avoit pas promis un carosse, mais il avoit consenti qu’elle eût celuy qui se trouveroit ; elle devoit prevoir ce cas, s’il n’y efi avoit point, et stipuler une somme : Pour la chambre, qu’elle devoit se contenter de celle de son mary, et qu’il étoit re incivil de pretendre qu’on étoit obligé de luy en acheter une autre pour la luy donner ; la Cause ayant été appointée, elle fut jugée au Rapport de Mr Berrare ; et par Arrest, la Cour mit sur l’appel hors de Cour, en la Chambre de l’Edit, le 9. de Mars 1663.

Lors qu’il est stipulé que la femme remportera ses bagues et autres meubles, ou uné cernaine somme, sans ajoûter qu’il sera au choix de la femme de prendre l’un ou l’autre, l’on peut douter si l’heritier a la faculté de choisir en consequence de cette maxime, que electiono est debitoris. Il faut tenir que ce choix demeure à la femme par ces deux raisons ; que ce sont ses meubles qu’elle apporte, et que cette alternative n’est employée par elle que pour son avantage.