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CCCXCIX.

Doüaire propre aux enfans.

La proprieté du tiers de l’immeuble destiné par la Coûtume pour le doüaire de la femme, est acquis aux enfans du jour des épousailles, et ce pour les con-

rats de mariage qui se passeront par cy-aprés : et neanmoins la joüissance en demeure au mary sa vie durant sans toutefois qu’il le puisse vendre, engager, ne hypothequer : comme en pareil les enfans ne pourront vendre, hypothequier ou disposer dudie tiers avant la mort du pere, et qu’ils ayent tous renoncé a sa succession.

Voicy sans doute un des Articles de la Coûtume qui est le plus on nsage ; le nombre de eres mauvais ménagers étant fort grand, la demande du tiers Coûtumier est aussi le suje de plus ordinaire des pronez ; et quoy que la Coûtume ait défini fort exactement que la Lgitime des enfans consiste au tiers des biens que le pere possedoit au temps des épousailles. t qu’elle ne peut être alienée, engagée, ny nypothequée du vivant d’iceluy, il s’est toouvé veanmoins des gens affez ingenieux pour former un nombre presque infini de difficntez sur les paroles de cet Article, et air l’explication d’iceluy.

Les petes ne suivans pas toûjours les sentimens de la natute, et tcompans fouvent cette usperance que les Loix avoient de leur pieté et de leur affection envers leurs enfans, en pegligeant le soin de leur education et de leur subsistance, il a fallu établir des loix pour leur conservation, en contraignant les peres de s’acquiter de ces devoirs où leur qualité Les obliteoit indispenfablement : Ainsi depuis qu’un homme a eu la volonté de devenir mary et perei il cesse d’êtte le maître absolu de tous les biens, et la Loy luy commande d’en conserver quelque portion pour sa femme, et pour les enfans qu’il a mis au monde : C’est pour cetts raison que l’on appelle cette portion une legitime, parce qu’elle est donnée aux enfans par la Loy, sic dicitur quod à sola Lege sine ullo hominis facto et difpositione deferatur.

Ce fut par ce même motit que les Romains jugerent à propos de donner quelques bornes à cette liberté demesurée, que par la Loy des douze Tables chacun avoit de disposer de tous les biens à sa volonté. La Loy Juria défendit de léguer plus de mille asses, plus mille assibul legatarium capere vetabat ; mais cette Loy étoit fort impartaite, et elle ne remedioit pas à tous les abus, on la rendoit inutile en faisant divers legs, et en si grand nombre, qu’il ne restoit rien aux legirimes heritiers. La Loy Voconia qui défendoit de léguer au de-là de ce qui restoit à l’heritier, ne fut pas encore un temede assez fort ; par la pluralité des legataites il demeuroit si peu de chose aux heritiers, qu’ils refusoient d’accepter la succession. Enfin la Loy Falcidie. interdit de léguer ultra dodrantem, c’est à dire la quatrième partie, qui demeurs reservée aux heritiers.

La pluspart des Coûtumes de France ont imité cet exemple pour les successions directes et ont constitué une legitime aux enfans, soit du tiers ou de la moitié : Nôtre Coûtume la limitant toûjours au tiers, n’a pas été assez liberale, sur tout lors qu’il reste un grand nombre d’enfans ; mais c’étoit beaucoup faire que d’obtenir ce tiers pour les enfans, et d’adoucir la durété de l’ancienne Coûtume, qui ne leur conservoit aucune part dans les biens de leur pere.

Justinien Justinien ayant remarqué que cette quatrième portion qui étoit destinée pour les enfants n’étoit pas suffisante lors qu’ils étoient en grand nombre, estima qu’il étoit raisonnable de l’augmenter ; de sorte que quand le pere laissoit quatre enfans, ou au defsous, la legirime étoit le tiers ; et quand le nombre excedoit celuy de quatre, il lour appartenoit la moitlé de tout le bien de leur pere : Authent. de Triente et Semisso, S. 1.

Les enfans sont recompensez par nôtre Coûtume en ce point, que s la leguime R’est par augmentée selon le nombre d’enfans, ce tiers neanmoins leur est souvent plus avantageux que la legitime du Droit Romain, parce qu’elle ne se prenoit que sur les biens que le pert laissoit au temps de sa mort, ce qui n’empeschoit pas le pere d’aliener son bien, ou d’en disposer entre vifs : au contraire, le tiers est inviolablement asseuré aux enfans dés le jour du mariage de leur pere ; dés ce moment le pere cesse d’être le maître de cotte partie de son sen : mais nonobstant cette sage précaution, il eût été beaucoup plus juste d’augmenter le iers selon le nombre des enfans ; Nam, dit duMoulin , multitudo nopotum aggraoat avi conscientiam ut minus debeat extraneis relinquere et bouum judicam posse et debera ad hoc attandaresMolin . in not. Ad lib. 7. Consil. Alex. c. 36.

La Coûtume de Paris semble avoir pourvû à tous ces inconvenions ; la legitime des onfans ponsiste en la moitié de telle part et portion que chacun enfant eût en la succession de se pere et mère, s’ils n’en eussent disposé par donation entne vifs ou de demiere volonté.

Art. 298. et le doüaire Coûtumier qui consiste en la moüié dea imneubles, et est le propre néritage des enfans, an telle sorte que les peres et mêtes ne le peuvent vendre, engaget, ny hypothequer au prejudice de leurs enfans, Art. 249. et lors que le pere a été manié plusieurs fois, le doüaire Coûtumier des enfans du premier lit est la moitié des immeubles, que e pere possedoit lors dudit premier mariage, ou qui luy sont avenus durant iceluy en ligne directe ; et le doüaire Coûtumier des enfans du second lit, est le quart desdits immenbles, et le quart des conquests appartenans au mary, faits constant le premier mariage, jusqu’au our de la consommation du second, et la moitiè des immeubles qui luy échéent en ligne directe pendant ce second mariage, et ainsi conséquemment des autres, Art. 153. de la Coûtume de Paris.

Comme il étoit raisonnable d’asseurer la condition des enfans, et de les mettre en quelque façon à couvert du prejudice qu’ils pouvoient recevoir par le mauvais ménage de leurs peres il étoit pareillement juste de donner aux peres quelque portion des biens de leurs enfans, lors que par un ordre renversé et contre le vou de la nature ils mouroient avant leurs peres. La Loy Romaine a fort bien observé cette regle, elle a même voulu que les freres eussent quelque égard pour leurs freres, leur ayant conservé une legitime. Nôtre Coûtume est fort dif-crente, bien loin que les peres et meres ayent une espèce de legitime sur les biens de leurs enfans, au contraire elle leur ôte entierement leur succession pour la donner à leurs autres enfans. Il faut remarquer qu’en Normandie, ce que nous appellons legitime est le tiers Coûtumier, parce que nous n’avons pas d’autre legitime ; mais dans la Coûtume de Paris, la legitime est difserente du doüaire Coûtumier.

Cet Article peut être divisé en six parties ; dans la premiere l’on apprend quelles sont les personnes qui peuvent demander ce tiers Coûtumier ; dans la seconde, sur quels biens i consiste ; dans la troisiéme, sur quelle nature de biens il peut être demandé, et sous quelles conditions ; dans la quatriéme, de quel temps le tiers leur est acquis ; dans la cinquième, en quel temps ils en ont la proprieté et la joüissance ; et dans la sixiéme, s’ils peuvent le vendre ou engager durant la vie de leurs peres et meres Les enfans legitimes ou les petits enfans, en cas que leur pere soit predecedé, sont les seules personnes qui peuvent demander ce tiers Coûtumier.

L’ingratitude peut les rendre indignes de cette grace : On a douté si l’exheredation prononcée par le pere les en pouvoit exclure ; car puis que ce tiers est un bien-fait que les enfans tiennent purement de la Loy, et qu’ils n’en sont point redevables à leur pere, comment leur pourroit-il ôter ce qu’il ne leur a point donné : Beneficium est legis non parentis ; quomodo pater eripere potest, quod non potest dare è non potest eripi à filio quod à lege accepit : Le tiers ap-partient tellement aux enfans de leur chef, qu’il est extra causam bonorum, il le peut prendre sans être héritier de son pere, filius etiam non heres patri, Dominus est doarii : Il leur tient sieu d’alimens, qui ne sont point déniez aux exheredez. Au contraire lon allégue que lexaeredation a cet effet d’exelure et de rétrancher entièrement de la famille lenfant exheredé, L’ingratitude est si detestable, qu’elle efface les droits de legitime ; et bien que les enfans ne prennent pas la legirime immediatement des mains de leur pere, il est toûjouts vray qu’elle rocede de luy, et qu’elle est prise sur ses biens ; mais il ne peut tomber dans la pensée que la Coûtume ait eu cette intention de la conserver pour des enfans ingrats, qui violent les droits los plus sacrez de la nature : quand la Coûtume a eu soin des enfans, elle n’a trvaillé que pour les enfans qui s’acquitent du devoit et de l’obeissance où ce titre les engage.

Tronçon sur l’Article 255. de la Coûtume de Paris, dit que cette question n’a point été jugée, on la peut refoudre par un argument tiré de la Loy cum apertissime C. de Secund. Nupt.

Justinien Justinien par la Loy Hoc edicto l. C. eod. ayant interdit aux peres et aux meres qui contractoient de secondes nopces, de donner à leurs maris ou à leurs femmes une plus grande por-tion de leurs biens que celle de lun de leurs enfans, qui en auroit le moins, il reconnut à la fin que cette nécessité qu’il imposoit aux peres et aux meres les rendoit moins respectueux et obeissans, maxima ex hac constitutione iniquitas contra genitores efficiebatur, liberi etenim scientes quod aliquid omnino à genitoribus etiam nolentibus relinquendum est, omni licentia et lascivia suos genitores injuriis afficiebant. Cela le porta à y cherchen du remede, et pour cet effet il publia une autre Loy, par laquelle les enfans ingrats ne participoient point à ce benefice, sea quasi ingratos ab omni hujusmodi beneficio repelli. D. l. cum apertissimè. On peut dire de même, que quand un pere a sujet de prononcer une exhetedation, le fils ingtat est indigne du tiers Coûtumier, parce qu’il faut presumer que la Loy n’a point travaillé pour ceux qui ont violé la première et la plus sacrée des loix de la nature : en tous cas, en faisant passer ce benefice aux enfans de l’exheredé, il seroit juste de le reduire aux simples alimens Le tiers Coûtumier étant une grace que la Coûtume accorde aux enfans, elle est purement personnelle, et n’est point transmissible à des heritiers collateraux ; et pour empescher cette transmission l’on se sert de cette raison, qu’il n’est pas acquis de plein droit aux enfans, an contraire pour l’obtenir la Coûtume leur impose la nécessité de renoncer ; et nuoy que l’on ne puisse plus douter de cette maxime aprés lArrest rapporté par Berault sur l’Art. CCCCIII eanmoins la question en fut encore agitée en l’Audience de la GrandeChambre, le 17. du UJuillet 1653. François Pienouvel avoit laissé une fille mineure, à laquelle Pierre Lestiboudois fut institué tuteur par l’avis des parens ; ce tuteur accepta la succession du pere, faus à cette mineure à renoncer aprés sa majorité : Elle déceda peu de temps aprés avoir atteint l’âge de vingt ans : Robert Lestiboudois s’en porta heritier, et en cette qualité declara renoncer à la succession de François Pienouvel ; et en consequente ayant demandé le tiers Coûtumier qui auroit appartenu à cette fille, André le Peley, creancier de Pienouvel, soûtint que ce droit d’option n’étoit point rransmissible aux heritiers collateraux, et que d’ailleurs la mineure ayant accepté la succession, et ne l’ayant point repudiée aprés sa majorité, il ne pouvoit pretendn de tiers Coûtumier à son droit, que par la Novelle 91. deDuar . dot. debit. l’enfant a bien le même privilege que sa mere pour repeter sa dot quand il en est heritier, mais un autre heritier n’a pas ce privilege : Le Vicomte avoit jugé la question en faveur du creancier, et de-Claré l’heritier sujet aux dettes ; le Bailly l’avoit cassée : Par l’Arrest les Sentences du Vicomte et du Bailly furent cassées, et en reformant, Lestiboudois fut déclaré non recevable à sa demande, sauf à luy à se porter heritier par benefice d’inventaire, plaidans Nallot et Vallognes.

Il a même été jugé au Parlement de Paris, que les enfans heritiers d’une femme qui avoit stipulé par son Contrat de mariage, qu’elle pourroit reprendre tout ce qu’elle avoit apporté dans la communauté, en cas qu’elle y renonçât, ne pouvoient user de cette faculté, leur mére ayant predécedé son mary, quia hoc erat personale, nec fiebat extensio ad ligsi :Montelon , Arrest 66.

Nous faisons neanmoins différence entre les freres et les autres parens collateraux, suivant l’Arrest donné, au Rapport de Mr Fermanel en la Grand. Chambre, le 15. de Decembre 167o. entre N. Osmont Ecuyer, sieur d’Aubry, le sieur de Belhôte, la Dame de Montmorency, le sieur de Sacy Tiremois, et le sieur de Beauguerard ; il fut jugé que la succession d’un pert étant échuë, et l’un de ses enfans étant depuis decedé sans avoir renoncé à la succession, nu avoir fait aucun acte d’heritier, ses freres ayant depiuis renoncé à la succession du pere et pris elle du frere, ils étoient admissibles à demander sa part au tiers Coûtumier, et que l’Arrest de 1618. rapporté par Bérault, n’avoit point lieu entre frères, mais entre collateraux plus tloignez ; et que quand même le frere seroit reputé avoir renoncé. au tiers Coûtumier, sa part accroltroit aux autres freres, ce tiers Coûtumier étant un droit acquis aux enfans à l’exclusion des créanciers. Je parleray sur l’Atticle CCCCI. de ce droit d’accroissement. La même chose avoit été jugée au profit d’une seur, bien que son frère n’eût point renoncé à la succession du pere, elle fut declarée admissible à renoncer de son chef, et à demander la part que son frere auroit euë au tiers Coûtumier, jure accrescendi ; par Arrest du 9. d’Aoust 1658.

Il ne pouvoit pas y avoir de difficulté en l’espèce de l’Arrest de Lestiboudois, dont j’ay parlé cu-devant, parce que le tuteur de sa mineure avoit accepté la succession, sous condition toutefois de pouvoir renoncer aprés sa majorité, ce qu’elle n’avoit point fait ; et dans l’espèce de l’Arrest rapporté par Bérault, les mineures étoient entrées en joüissance, de sorte que cette question reste entière, sçavoir si le mineur ou son tuteur n’ayant point renoncé ny fait aucun acte d’heritier, les choses étant entieres, son heritier seroit admissible en renonçant à la succession, à demander son tiers Coûtumier ;. Pour la refoudre, il faut suivre une distinction que les Arrests ont faite entre les freres et seurs, et les autres parens collaterauxi à l’égard des premiers, puisque le tiers Coûtumier est donn é en faveur des enfans, il leur appartient de plein droit, et pour le faire passer à leurs freres et : seurs, il n’est point necesfaire qu’ils en ayent fait l’option ; mais pour les collateraux, le tiers Coûtumier est reputé un rivilege petsonnel, qui n’appartient aux enfans qu’aprés avoir renoncé.

Pour prouver que ce droit n’est point transmissible aux heritiers collateraux, autres que les freres et seurs, je rappotteray l’exemple de l’action pour faire déclater int fficieux le testament du pere, querela inofficiosi testamenti non dabatur cognatis, l. 1. de Inoffic. Testament. Ainsi comme la demande du tiers fait une espèce d’injure au pere, parce qu’on luy reproche, son mauvais ménage par une renonciation nécessaire à sa succession, l’action n’en doit être permife qu’aux enfans : Suivant la même jurisprudence, un pere pouvoit exercer toutes les actions qui appartenoient à son fils, lors qu’il l’avoit en sa puissance, et toutefois il ne pouvoit inrenter l’action d’inofficiosité contre la volonté de son fils, quia pecunia est propria patris, se aequerela inofficiosi testamenti magis injuriae quam pecuniae persecutionem habet, quod nomen querela etiam demonstrat, l. filius D. de Inoffic. Testament. Que si le pere ne pouvoit former cette actiom la demande du tiers appartient beaucoup moins aux collateraux, si elle n’avoit été : faite par les enfans, ut si parata sit querela à filio, quia indignatio est propria filii, et luy seul a droit de Cujac reprocher à son pere qu’il a fait mauvais ménage ; Gujac. Ad l. 77. nd leg. Jul. de Adult. & in Comment. Ad lib. 5. Quest.Papin .

Puis que nous sçavons quelles sont les personnes qui peuvent demander le tiers Coûtumier, il faut examiner en quoy il consiste. En Normandie la legitime des enfans, est le tiers de Pimmeuble que le pere possedoit lors des épousailles. Comme l’on a revoqué en doute fi l’hy-potheque du doüaire doit commencer du jour de la reconnoissance du Contrat, ou du jour ses épousailles, on a fait aussi cette question pour le tiers des enfans. Je toucheray ces questions sur l’Article CCCCCXCIII. Pour regler la legitrme suivant le Droit Civil ; arrenditu tempus mortis patris, nec curatur an aliis temporibus habuert : ampliores facultates, cum queritur D. de Inoffic. Testament.

Les premieres paroles de : cet Article, que la propriotéi du tiers destiné pour le doüaire de la femme est acquise aux enfans, ont fait naître une grneur ; en se persuadant que : le doüaire doit toûjours être égal au tiers des enfans ; ce qui n’est-pas véritatle ; car lors qu’il y a des enfans de divers lits, ils ont le choix de prendre ée dersselon les biens que le pere possedoit au remps des prêmieres, eseçondes, ou troifièmes nopets ; mais il ne s’ensuit pas que si les enfans prennent ce tiers sur les biens que le pere possedoit au temps de son premier mariage, une femme puisse avoir ce tiers entier pour son doüaire, si lors qu’il épousa cette seconde ou troisième femme il avoit déja dissipé son bien, et il ne luy restoit plus que fort peu de chose Il est certain que la femme ne peut prendre doüaire que sur les biens dont elle a trouvé son mary saisi, sans considerer ce qu’il avoit au temps d’un premier mariage ; la Cour l’a décide de la sorte par l’Article LXXXVII. du Reglement de 1666. suivant lequel la seconde femme ne peut avoit doüaire que sur les biens dont elle a trouvé son mary saisi lors de leur mariage, ou qui luy sont depuis échûs en ligne directe, d’où il s’enfuit que la prerogative accordée aux enfans de divers lits ne s’étend point à la premiere ou seconde femme, et que si au temps. du second mariage le mary ne possedoit plus les biens qui luy appartenoient lors de son premier mariage, bien que le tiers des enfans se trouve plus grand, la seconde femme ne le prendra pas entièrement, mais son doüaire sera reglé seulement sur les biens dont il étoit saisiCependant les paroles et le sens de cet Article furent fort mal expliquez au Parlement de Paris, au procez jugé au Rapport de Mr de Refuge, le 7. de Septembre 1672. entre Dame Anne de Chourses, veuve de Mre Jean Thomas, sieur de Verdun, Lieutenant Criminel à Roüen ; et Jean Thomas, sieur de Nestanville, fils issu d’un premier mariage.

Il étoit question de sçavoir en quoy consistoit le doüaire d’une seconde femme, quand les enfa ns du premier lit renoncent à la succession de leur pere, et prennent le tiers des biens u’il possedoit au temps de son premier mariage ; la seconde femme pretendoit que tout ce qui seroit ajugé aux enfans luy apparrenoit pour son doüaire ; on argumentoit en sa faveur de cette manière. Par l’Article CCCXCIX. la proprieté du tiers destiné pour le doüaire de la femme est acquis aux enfans, d’où il s’enfuit que le doüaire consiste en l’usufrult de ce tiers, dont la proprieté est acquise aux enfans : La Coûtume ne distingue point si c’est la femme et les enfans d’un même lit, ou de mariages differens ; ainsi ces termes de Femmes et d’Enfans s’entendent generalement de la femme et des enfans survivans, puisque la Coûtume n’use point du terme de Mere, ny du terme, ses Enfans, mais elle se sert indefiniment des mots de femme et d’enfans, ce qui se peut confirmer par les paroles de l’Article suivant ; s’it y a enfans de divers lits, tous ensemble n’auront qu’un tiers. On ajoûtoit qu’en Normandie il n’y à jamais qu’un doüaire, et que les biens d’un mary ne peuvent être diminuez que d’un tiers, bien qu’il ait été marié plusieurs fois, et qu’il y ait des enfans de differens mariages ; car puis que la femme et les enfans de differens mariages s’entendent des survivans, il s’enfuit que la Coûtume ne reserve qu’un seul tiers, et que ces differens mariagés n’ont produit qu’un seul doüaire ; tellement que le même fonds, la même partie, le même tiers produit l’usuruit appartenant à la femme, et la proprieté reservée aux enfans, sans que la proprieté puisse être separée ny prise sur differentes portions.

Ce raisonnement paroitroit foible en Normandie, ce n’est point par l’Article CCCexCIX. que l’on décide en quoy consiste le doüaire, de n’est pas le sujet et la matière de cet Article, il s’y agit seulement de sçavoir en quoy consiste la legitime des enfans ; pour le doüaire il est reglé par l’Article CCCLXVII. suivant lequel la femme ne peut jamais avoir en doüaire plus que le tiers des biens dont son mary est saisi lors des épousailles, c’est le point prefix et inalterable où se doit faire la liquidation du doüaire, il n’importe à la femme que le mary ait des enfans d’un ou de differens mariages, ou qu’il n’y en ait que d’un, ou enfin qu’il n’y en ait point du tout, son doüaire luy est toûjours infailliblement acquis sur les biens que son mary possedoit lors qu’il l’épousa

C’est une erreur de croire que le doüaire et le tiers des enfans soient toûjours necessairement une même chose ; la Coûtume dit véritablement que la proprieté du tiers de l’immeu-ble destiné pour le doüaire de la femme est acquis aux enfans ; en effet le tiers des biens que e pere possede au temps de son mariage, est destiné pour la legitime des enfans ; mais il ne s’ensuit pas que la femme doive toûjours avoir pour son doüaire ce qui est baillé aux enfans pour leur tiers, ou que la femme ne puisse avoir un doüaire plus grand que le tiers des enfans, ce que la Coûtume déclare nettement dans l’Article suivant, en ces termes ; S’il y a enfans de divers lits, tous ensemble n’auront qu’un tiers ; demeurant à leur option de le prendre eu égard aux biens que leur pere possedoit au temps des premieres, secondes, ou autres nopces, et sans que ledit tiers diminuë le doüaire de la seconde ou troisième femme, lesquelles auront plein doüaire sur le total du bien que le mary avoit lors des épousailles, d’où il resulte que puis que le tiers des enfans ne diminuë point le doüaire de la seconde, troisiéme, ou autre femme, ce doüaire-là peut être plus grand que le tiers des enfans : Pour le faire mieux comprendre j’en proposeray des exemples.

Un pere possedoit peu de biens lors de son premier mariage, dont il a eu des enfans ; W en possedoit davantage au temps de son second mariage, dont il n’a point eu d’enfans ; lors que les enfans demanderont leur tiers, et la seconde fomme son doüaire, les enfans ne l’auront que sur les biens dont leur pere étoit saisi au temps de son premier mariage, et non pas sur ceux qu’il possedoit lors qu’il se matia la seconde fois, parce que la Coûtume nuleur donne cette option de le prendre, eu égard aux premieres et secondes nopces, que lors qu’il y a enfans de divers hits, et les creanciers du pere sont bien fondez à soûtenir qu’on le doit regler sesoû cette proportion là ; mais pour la veuve elle aura fon doüaire sur le bien dont son mary étoit saisi, et c’est en ce cas que suivant l’Article CCCC. le tiers des enfans ne diminue point le oüaire de la seçonde ou troisième femme, lequel est pris sur le total du bien dont le mary étoit saisi lors des épousailles ; ainsi voila un cas où le tiers des enfans peut être moindre que le doiaire

Au contraire en cette espèce le doüaire peut être moindre que le tiers des enfans. Si un homme depuis son premier mariage, dont il avoit des enfans, aliene son bien et contracté des dettes, et qu’en suite il se remarie sans laisser neanmoins aucuns enfans de ce second matiage, il est sans doute que les enfans aupont leur tiers sur les biens que leur pere possedost pors qu’il épousa leur mere, et toutefois cette seconde femme n’aura doüaire qu’à proportion des biens qui restoient à son mary lors qu’il l’épousa : Il est donc manifeste, que bien que la emme ait ordinairement l’usufruit du tiers destiné pour la legitime des enfans, toutefois le oülaire est reduit au tiers des bient que le mary possedoit au temps de son dernier mariagel et les enfans joüissent du surplus, dont leur tiers se trouve plus grand. Il faut entendre cet Article en cette manière, que quand la Coûtume dispofe que la pros rieté du tiers destiné pour le doüaire est acquise aux enfans, elle parle suivant ce qui arrive de plus souvent ; sçavoir que quand le pere n’a été marié qu’une fois, le doüaire et le tiers à des enfans sont une même chose ; mais quand il a contracté divets mariages, le doüaire de Ila femme et le tiers des enfans peuvent être differens ; cependant par Arrest du Parlement le Paris, quoy que la femme ne pûst avdir doüaire que sur les biens que son mary possedoit lons de fon mariage, on luy ajugea doüaire entier sur le tiers qui appartenoit au fils du premier lit.

Ce tiers que la Coûtume destine pour la legitime des enfans, ne se prend pas generalement sur toutes sortes de biens, il ne leur appartient que sur les immeubles, et non point sur les meubles : Par ce terme d’immeubles, l’on n’entend pas seulement le fonds et héritages, mais aussi tous les autres immeubles fictits et impropres ; oomme les rentes constituées, et les Ofs fices, bien que ces sortes de biens n’ayent point de situation certaine et perpetuolle, et qu’au contraire ils soient d’une condition incertaine et changeante, ce qui a fait naître plusieurs difficultez ; car pour les rentes constituées, l’on doutoit si le rachapt que le debiteur en faisoit entre les mains du creancier luy acqueroir une liberation parfaite au prejudice des eufans pour leur tiers Coûtumier : Les rentes sont un immeuble, et par consequent affectées au tiers des enfans : or ce tiers étant inalienable, il s’ensuivoit que le debiteur ne pouvoit racheter seurement ce tlers eu prejudice de la femme ou des enfans ; de sorte que quand un creancier devenoit pere ou mary, quelque faculté que le debiteur eût auparavant pour se liberer, il ne l’avoit plus qu’en prenant ses procautions, et cherchant sa seureté ; et quoy que cela parût contre la nature des rentes constituées, il étoit juste d’introduire cette maxime contre le droit commun en faveur des enfans.

On a fait neanmoins prevaloir la faveur de la liberation, par cette raison que les rentes constituées n’étant legitimes qu’à cette condition, que le rachapt en soit perpetuellement libre au debiteur, il ne pouvoit perdre cette faculté par le mariage du creancier, et aprés plufieurs Arrests qui l’avoient jugé de la sorte, la Cour en a fait un Reglement, Article 76. du Reglement de 1666. non foulement pour les rentes constituées à prix d’argent, mais aussi pour les rentes foncieres et Seigneuriales ; voicy les termes : Celuy qui a fait le rachapt d’une rentt constituée par argent, fonciere ou Seigneuriale ; ne peut être poursuivi par le creancior de celuy auquel elle étoit dûe, ny inquieté pour le doüaire de sa femme ou le tiers de ses enfans, s’il n’y a es saisie, ou défenses de payer avant ledit rachapt, et neanmoins la feume et les enfans en auront recompense sur les autres biens affectez audit doüaire et tiers desdits enfans ; et par ce moyen les enfans n’en reçoivent du prejudice, que quand tout le bien de leur pete consistoit en des rentes qui ont été rachetées.

La difficulté étoit encore plus grande pour les Offices, leur qualité a été long-temps incertaine, pour sçavoir s’il faloit les placer dans le rang entre les immeubles ; mais enfin leur prix excessif leur ayant fait tenir rang entre les biens les plus importans des familles, on les a reglez à l’égard de la femme et des enfans par les mêmes loix que les autres immeubles, et hors le cas de perte par une force majeure ; lors qu’ils sont alienez la recompense en est donnée aux enfans de la même maniere que d’un fonds qui auroit été aliené ; j’en ay rapporté les Arrests pour le doüaire, sur l’Article CCCLXVII.

Pour les immeubles réels et véritables, comme ils ne sont pas tous de même natore et de même qualité, quoy que cet Artidle donne en proprieté le tiers de tous les immeubles, et que par consequent il semble que les enfans le doivent toûjours avoir en essence, il y a eu beaucoup de contestation touchant les Fiefs, lors qu’ils avoient été alienez par le pere, ou qu’ils étoient saisis réellement ; car les Fiefs étant indivifibles, et ne pouvant être separez sans en dioimier notablement la valeur et la dignité, les créanciers ne manquent pas de s’y opposer, et de foûtenir que les enfans sont tenus de prendre leur tiers en deniers ; cela a été jugé par plusieurs Arrests en faveur des créanciers. Par Arrest du 30. de Mars 1643. entre çillette du Burel, fille de Charles du Burel, et femme de Pierre David, demanderesse ; et Mr Gilles Guerin, sieur de la Conterie, et autres parties, défendeurs ; l’on confirma la Sentence renduë au Siege de Periers, le 3. de Mars 1625. par laquelle il avoit été jugé qu’il se-oit passé outre à l’adjudication du Fief et Terres d’Agon, et dépendances d’icelles en integrité, à la charge du tiers de ladite Demoiselle du Burel, dont l’adjudicataire seroit tenu luy payer la juste evaluation suivant l’estimation des Expers, si mieux elle n’aimoit se contenter de la troisième partie de l’adjudication. Autre Arrest du 19. de May 1648. en la Chambre de PEdit, entre Charles Daché, Baron de Larrey, appellant et demandeur en Requête pour être fait droit au principal ; Raoul du Bois intimé, en la presence de Dame Jeanne Daché son pouse, aussi intimée : La Cour ayant égard aux offres, ordonna que du Bois de son consenement bailleroit caution dans le mois, de faire valoir la Terte de Larrey jusqu’à la somme de cent mille livres, pour être le tiers de ladite somme delivré audit Daché pour son tiers Coûtumier, en exemption de Treiziéme, droits, et de tous frais de decret, et en ce faisant qu’il seroit passé outre à l’adjudication de la Terre de Larrey au plus offrant et dernier encherifseur, et sans, que par les encheres, si aucunes étoient mises, ledit du Bois pûst être déchargé de son offre de cent mille livres, et à faute par du Bois d’y satisfaire, la Cour dés à present acorde la delivrance du tiers en essence audit Daché, en tenant par luy Etat dudit tiers, du prix auquel la Terre sera estimée en son integrité, si mieux il n’aime être subrogé à tenir Etat des cent mille livres, suivant les offres de du Bois Cet Arrest ne pourroit pas servir de Reglement, ayant été donné sur des offres dont les parties étoient d’accord ; mais la même chose fut jugée au Rapport de Mr du Houley, le 4. de Juin 1671. entre Jean le Cour, et autres parties ; tout le bien du pere consistoit en un fief qui étoit saisi et decreté ; les enfans s’étoient opposez pour avoir leur tiers en essence, ls en furent deboutez, et renvoyez à l’Etat pour avoir le tiers du prix de l’adjudication, si mieux ils n’amoient prendre le tiers de la valeur du fief suivant l’estimation qui en seroit faite. Autre Arrest, au Rapport de Mr Salet, du premier de Février 1672. entre le sieur de la Rocques, Marquis de Gravelines, le sieur de Clogon, et la Dame de Ctoismare, par les quel le tiers Coûtumier sur la Terre des Rotours, proche Gaillon, fut ajugé en deniers, et i non point en essence. Et en l’année 1664. les créanciers du sieur de Bellefosse soûtenant au Parlement de Bretagne, où la Cause avoit été évoquée, que les enfans du decreté devoient se contenter de prendre leur tiers en deniers, c’est à dire le tiers du prix que la Terre seroit ajugée, en exemption du Treiziéme, et frais de Consignation ; il leur fut donné un Certificat et un Acte de Notorieté par Messieurs les Avocats Genéraux de ce Parlement, et par plusieurs Avocats, qui contenoit que la Coûtume repute les fiefs tellement indivisibles, qu’il n’y a qu’un seul cas où la division en soit petmise à sçavoir lors qu’il n’y a que des filles heritietes, Article CCCxxXV. et CCCXXXVI. Mais entre frères, lors qu’il n’y a qu’un seulE fief en la succession du-pere, il appartient, entièrement à l’ainé, qui ne doit à ses puisnez qu’une simple provision, Article CCCXLVI. Et dans les cas où la Coûtume ne donne aucun preciput à l’ainé, mais appelle tous les freres également. à la succession, comme en la suc-ression collaterale des meubles et acquests ; l’Articie CCCXXI. dispose, que si les partages. de peuvent être faits également à raison des fiefs, qui de leur nature sont indivisibles, estimation l’iceux doit être faite au denier vingt, demeurant au choix des representans l’ainé, de prendre le fief en payant aux autres leur part de l’estimation : Or s’agissant de diviser deux fiefs entre les créanciers et les enfans d’un decreté, les enfans qui n’ont que le tiers ne doisent être considerez que comme puisnez à l’égard des creanciers, qui ont deux tiers, et par consequent le droit de choisir les lots, tenant lieu de l’ainé, de sorte que ne pouvant partager les fiefs qui sont individus ; les enfans sont hors d’interest, puis qu’on leur paye leur part le l’estimation, non seulement au denier vingt suivant l’Article CCCXXI. mais au denier trente, parce que la terre étant venduë en son integrité, elle monte à un prix bien plus aaut, ce qui donne moyen aux creanciers d’être payez de leurs dettes Enfin cette jurisprudence a encore été confirmée par un dernier Arrest donné sur ce fait.

Le Fief de Sacy étant saisi réellement sor le sieur de Carvoisin, ses enfans demanderent leur tiers en essence ; les créanciers consentirent qu’ils l’eussent en deniers sur le prix de l’adjudication, ou sur le prix de l’estimation qui en seroit faite par les Expers dont on conviendroit, ce qu’ils mettoient au choix des enfans ; il fut ordonné de la sorte par le Juge d’Evreux Sur l’appel de Georges de Carvoisin, et des autres enfans du decreté, de Cahaignes son Avocat remontra, que le tiers des enfans étant si favorable, il étoit plus juste de l’etendre et de l’augmenter que de le diminuer, que l’objection que les fiefs sont indivisibles n’étoit point considérable en cette rencontre, parce que sans diviser le Fief on pouvoit faire tron lots, le domaine non fieffé étant de grande étenduë ; et quand cela ne seroit pas, la Coûume donnant le tiers en proprieté et non en deniers, on ne pouvoit le refuser en essences qu’il n’y a que le tiers detenteur à qui cette faculté soit accordée par la Coûtume ; qu’aprés tout, le sieur de l’Anglade adjudicataire n’étoit point favorable, ayant acheté des dettes pour faire decreter cette Terre. Greard pour François de Loubert, Ecuyer, sieur de Dardeci répondoit que la Coûtume n’ayant permis la division des fiefs qu’entre filles, on ne la peut faire en aucun autre cas ; que si les enfans pour leur tiers pouvoient démembrer les fiefs, les creanciers en souffriroient un prejudice notable, on ne trouveroit aucun adjudicataire pour encherir une portion de fief, et pour avoir des querelles avec ceux qui possederoient le reste lu fief, que cela avoit été jugé par plusieurs Arrests : Par Arrest du 24. de Mars 1672. la Sentence fut confirmée.

Cet avantage neanmoins devient souvent onereux aux creanciers, lors que l’adjudication est faite à un prix beaucoup moindre que sa juste valeur ; car le tiers étant payé suivant la vraye valeur du fief, en exemption des droits de Treiziéme, de Consignation, et des frais du decret ; les créanciers qui ont demandé que le fief fût decreté en son integrité, sont tenus de porter les frais, comme il fut jugé par un autre Arrest donné en execution du precedent, dont voicy la teneur.

Loüis par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, à tous ceux qui ces presentes Lettres verront, falut : Sçavoir faisons qu’en la Cause dévolute en nôtre Cour de Parlement, entre Georges de Carvoisin, sieur de Sacy, fils et non heritier de Loüis de Carvoisin sieur dudit lieu, appellant de Sentence renduë par le Bailly d’Evreux ou son Lieutenant particulier au Siege dudit lieu, le 9. Aoust 1674. et incidamment aussi appellant d’autre Sentence donnée par ledit Juge, le 16. de Juillet audit an, d’une part : Me Pierre de l’Anglade, sieur de Sireil, Lieutenant General audit Bailliage d’Evreux, decretant et adjudicataire par decret du Fier et Terre de Sacy, ayant appartenu audit Loüis de Carvoisin intimé, d’autre : Et a presence de Jean-Charles le Maréchal, sieur du Manoir, et des Aulnez ; Nicolas le Maréchal, Maître des Requêtes ordinaire de la Reyne ; et Mr Gabriel le Page, sieur de Pinter-ville, nôtre ancien Procureur Genéral en nôtre Cour des Aydes en Normandie, creanciers opposants audit decret, partie en Cause, et d’autres parties : Veu par nôtre Cour l’Arrest d’icelle du 19. de Mars dernier, portant appointement au Conseil de produire et écrire, et produire par les parties pour leur être fait droit ; Actes exercez devant ledit Lieutenant Particulier au Bailliage d’Evreux, le 26. de May, 7. de Juin 1674. entre ledit Georges de Carvoisin et ledit de l’Anglade, et les créanciers opposants audit decret ; en suite desquelles est ladite Sentence du 16. de Juillet ensuivant, portans les Jugemens rendus sur les défalcations demandées par ledit de l’Anglade, sur le prix de son adjudication, et la liquidation du tiers Coûtumier dudit de Carvoisin fils, ensemble de la somme de vingt mille deux cens onze livres quatorze sols, ladite Sentence du 9. Aoust audit an, portant que les frais dudit decret, défalcations de Treiziéme, de rentes foncieres, seroient prises par privilege et avant toutes choses ; que les dettes anterieures du mariage dudit de Carvoisin pere seroient portées en suite, et les demandeurs en tiers de leurdit tiers, dont ledit Georges de Carvoisin auroit declaré appeller. Copie d’Aveu et dénombrement à Nous rendu le 12. Juillet 1620. par Charles de Carvoisin, dudit Fief, Terre, et Seigneurie de Sacy, relevante de la Comté d’Evreux. Procez verbal de farpentage fait le S. Juillet 1673. de ladite Terre, trouvé contenir le nombre de deux cens soixante et dix-huit acres de terre, et dix perches. Arrests de nôtre Cour, des 21. Aoust 1é7o et 23. Juillet 1671. Sentence renduë audit Bailliage d’Evreux, le 15. Septembre audit an 167iportant que ledit Fief et Terre de Sacy saisis en decret, seroient vendus et ajugez en cit-constances et dépendances, sauf la question du tiers Coûtumier des enfans dudit Loüis de Carvoisin, qui seroit pris en deniers sur le prix de ladjudication ou estimation de personnes âà ce connoissant, à leur choix. Arrest de la Cour du 24. de Mars 1672. par lequel ladite Sentence precedente auroit été confirmée, sur lappel dudit Carvoisin fils. Concordat fait le 4. de May audit an, entre ledit de l’Anglade et François de Loubert, sieur de Dardez, cédé aux droits de Messire Adrian de Chaminel, sieur de Mannevillette, qui avoit requis la saisie par decret dudit Fief et Terre de Sacy. Acte d’adjudication faite audit de l’Anglade ledit jour, dudit Fief et Terre, par le prix de quarante-cinq mille livres au commun, et dix mille livres au particulier. Copie de Recepissez baillez audit de l’Anglade par Mr le Févre, Receveur des Consignations audit Evreux, du prix de l’adjudication, des 9. dudit mois de May, et S. de Novembre 1672. Sentence du 10. de May, portant l’envoy en possession dudit de l’Anglade, dudit Fief et Terre de Sacy. Procez verbaux d’estimation faite le 9. de Decembre 1673. et 7. Avril 1674. dudit Fief et Terre, par les Expers, dont les parties seroient convenus, à la somme de soixante et quinze mille trois cens livres. Arrest de nôtre Cour, des 20. Juillet et 5. Aoust 1672. et 18. May 1673. Acte exercé audit Bailliage d’Evreux, le 24. Juiller 167a.

Acte de sommation faite audit de l’Anglade, instance dudit de Carvoisin, le 19. Mars, en presence de communiquer les pièces, sur lesquelles lesdites défalcations auroient été jugées et autres pareilles sommations faites depuis. Exploit fait audit le Févre, Receveur des Consignations, requête de Claude de Carel, sieur de Mericey, le 29. Avril ensuivant, avec l réponse de son Commis. Acte de declaration faite par ledit de Carvoisin, le 27. de May dernier, qu’il n’entendoit soûtenir ladite Sentence du 16. de Juiller 167 4. entant que par icelle on luy auroit ajugé la défalcation des rentes Seigneuriales et foncieres, dont ladite Terre de

Sacy se sepolr trouvée chargée au denier vingt-cinq, consentant ladite défalcation être jugée pu de nier vingt, et Exploit de signification dudit jour. Autre Exploit fait audit le Févre, aintance dudit de l’Anglade, le 16. Juillet ensuivant. Autre executoire exercée audit Bailllage d’Evreux, le lendemain. Autres pieces produites par ledit de l’Anglade, pour justifier les sommes payées des deniers par luy garnis és mains dudit le Févre. Ecrit de griefs dudit de Car-voifin. Autres Ecrits de réponses d’iceux. Requête, presentée à nôtredite Cour par ledit de Carvoisin, le deuxiême de ce mois, pour faire rejetter du Procez ledit Acte du 17. de Juilder dernier, comme une pièce supposée ; ordonné être montrée à partie pour y donner té-ponse, signifiée ledit jour. Réponse à ladite Requête, et Exploit de signification du 3. de ce mois d’Avril. Requête presentée par ledit de Carvoisin le 7. dudit mois, pour faire recevoir au Procez la Piece y mentionnée, ordonné à être montrée à Partie. Signification ledit jour, avec la Piece induite à ladite Requête. Autre Requête baillée par ledit de l’Anglade, pour servir de réponses Autre Piece produite par ledit Maréchal et le Page, creanciers dudit Loüis de Carvoisin, pour ustifier leurs credites, et tout ce que les Parties ont mis par devant nôtredite Cour. Ouy le Conseiller Commissaire en son Rapport, tout considéré : Nôtre Cour, par son Jugement et Arrest, a mis l’appellation de ladite Sentence du 9. Aoust 1674. et ce dont être appellé, au neant, et en reformant, ordonné que sur la somme de quarante-sept mille cinq cens livres, prix de l’adjudication, au commun de ladite Terre de Sacy, compris le quart du particulier, ledit Georges de Carvoisin sera payé de la somme de vingt-cinq mille cent livres pour son tiers des défalcations, jugée pour les rentes Seigneuriales et foncieres, et tiers des dettes, pour les dettes ainées du mariage dudit de Carvoisin pere, et des deux autres tiers sur le restant du prix de l’adjudication ; ensemble les autres défalcations ajugées audit de l’Angfde, et les frais du decret et Treiziémes, parce qu’en cas que le surplus du prix de ladite adjudication ne seroit suffisant pour payer les deux autres tiers des dettes alnées, elles seront payées sur ladite somme de vingt-cinq mille cent livres ajugez audit de Carvoisin ; en sorte que ladite somme de vingt-cinq mille cent livres ne puisse être diminuée, ny qu’elle contribué en aucune façon aux frais de Consignations et Treizièmes, qui seront payez par les éreanciers qui ont oûtenu le tiers devoir être decreté au sols la livre de leurs credites. Donné en Parlement e 9. Aoust 167s

Il peut naître une pareille difficulté pour le partage des maisons, lors qu’elles ne se peuvent diviser ; s’il n’y avoit qu’une feule maison en la succession du pere qui fût indivisible, et que l’on ne pût Bailler aux enfans leur tiers en essence sans une grande incommodité, il faudroit en user en ce cas comme entre coheritiers, que l’on force d’en venir à la licitation.

Il n’e st pas aussi necessaire que les enfans ayent toûjours leur tiers sur le même bien que leur pere possedoit au temps de son mariage, il suffit de le leur donner en fonds de pareille valeur : Par exemple, s’il avoit vendu son bien pour en acheter un autre, les enfans seroient tenus de le prendre ; car si la veuve a été condamnée de prendre son doüaire sur les héritages que son mary avoit eus en contr’échange, l’acquereur est beaucoup plus favorable à demander la même chose contre les enfans, puisque par l’Article CCCCIII. les acquereurs peuvent bailler l’estimation du fonds ajugé aux enfans pour leur tiers. Il a même été jugé par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 15. de Juin 1666. qu’un pere ayant fait un bail à rente de tous ses héritages depuis son mariage, ses enfans ne pouvoient déposseder le preneur, et qu’ils étoient tenus de se contenter de la rente fonciere, comme tenant nature de fonds ; mais il fut dir aussi que ce preneur n’étoit pas rècevable à bailler de l’argent pour le tiers, l’Art. CCCCIII. n’ayant point lieu en ce cas, et que la rente étant irraquitable il devoit la continuer aux enfans, en cas qu’il y en eût assez, et que le surplus seroit fourny en fonds, avec option de rembourser en deniers, parce qu’ayant racheté une partie de la rente fonciere entre les mains du pere, il tenoit lieu d’acquereur à cet égard.

Comme il peut arriver que le pere depuis son mariage auta fait des bâtimens et des plants fut ses terres qui en augmentent la valeur, ou qu’au contraire il aura ruiné ses maisons et dégradé ses héritages, ESPERLUETTEe qui en aura diminué la valeur, il est necessaire d’examiner ces deux points ;’à sçavoir si ces augmentations tournent au profit des enfans, et s’ils peuvent demander recompense des ruinez et des deteriorations faites par le pere.

La question pour les augmentations fut décidée en la Chambre de l’Edit, le 10. de Janvier 1652. Fourneaux ayant été decreté, ses enfans opposerent pour leur tiers ; le pere avoit fait plusieurs batimens qui en augmentoient la valeur, cela donna occasion aux créanciers de soûtenir, que les enfans en prenant leur tiers devoient déduire le prix des bâtimens faits par leur pere depuis son mariage, qu’autrement ils profiteroient du bien des créanciers, leur pere ayant employé leur argent pour augmenter leur tiers. Les enfans répondoient, que leur tiers leur étant ajugé selon la valeur des héritages de leur pere, au temps de sa mort, il ne falloit point considerer l’état où ils étoient lors de son mariage ; que s’il est permis au mary de faire avantage à sa femme en batissant sur son fonds, quoy qu’il soit défendu si étroitement au mary de donner à sa femme, on ne doit pas priver les enfans de ce petit benefice, puis qu’ils sont reduits à se contenter au tiers des biens de leur pere : Par l’Arrest les enfans furent déchargez de la demande des creanciers ; Cardel plaidant pour lesdits de Fourneaux, et le Févre pour le sieur Osmont Secrétaire. On trouve un Arrest pareil dansTronçon , sur l’Article 255. de la Coûtume de Paris, pour les impenses et meliorations, où les raisons soht déduites de part et d’autres ; mais il ajoûte que si l’on avoit baty une maison sur le fonds sujet au doüaire, on eût jugé le contraire. Voyez la Bibliotheque du Droit François, in verbo Fresne Doüaire, page 1052.Bacquet , c. 15. n. 44. des Droits de Just.Bouguier , 1. D. 18. Du Fresne, sur l’Article 112. de la Coûtume d’Amiens, Titre du Doüaire, est aussi de ce sentiment, que les meliorations faites sur l’héritage sujet au doüaire suivent la nature de l’héritage, et tournent au profit de la femme et des enfans, sans que les creanciers du mary en puissent demander la distraction ou l’estimation, et ce par droit d’accession, quidquid enim solo adificatur, solo cedit. l. Adeo. 5. cum ex suo de acquir. rer. dom. D.

Pour les dégrademens, la question en fut traitée en la Chambre de l’Edit sur ce fait. Charles de Carménil, lors qu’il épousa Demoiselle Ester du Moucel possedoit une Terre, sur laquelle il y avoit un bois de haute-fûtaye d’une valeur considérable ; son mauvais ménage, et la vente d’une partie de ses biens, et particulierement la vente de ce bois de haute-fûtayes donnerent lieu à sa femme de se separer de biens : Par les lots qu’elle presenta aux créanciers, elle pretendit avoir recompense de tous les plants que son maty avoit dégradez et vendus : Le sieur Baillet, Maître des Compres, et Dame Anne Pitrefon, veuve du sieur de Beusevillette, contredirent cette pretention : Par Sentence du Vicomte de Caudebec, le doüaire fut ajugé sur les biens non decretez pour le tiers de la valeur des bois vendus, compensation faite des bâtimens et autres augmentations faites par le mary. Sur l’appel des creanciers, Pisastre, leur Avocat, disoit que par la Loy Divortio D. solut. matrim. l’usufruitier n’avoit rien aux grands bois, qu’ils n’étoient point en fruit, et qu’en tout cas elle ne pouvoit demander qu’une joüissance : mais tant s’en faut que par la vente des bois de haute : fûtaye son doüaire fût diminué, que le fonds lequel étoit auparavant inutile et infructueux étoit maintenant cultivé. Il s’aidoit aussi par un argument à contrario, de l’Arrest cy-dessus ; car, disoit-il, si les créanciers ne peuvent demander recompense des bâtimens faits sur le tiers des enfans, les enfans ne doivent pas avoir recompense des bois que le pere a coupez ; que si cela avoir lieu, les créanciers pour s’asseurer seroient tenus de sçavoir le nombre et la quansité des arbres qui seroient sur les biens de leurs debiteurs, et de veiller continuellement pour les empescher de les abbatre. Carué pour la Demoiselle du Moucel, s’aidoit des raisons mêmes des Appellans, qu’il demeuroit d’accord que par la Loy Divortio, l’usufruitier n’avoit ue les bois-taillis, et non les bois de haute-fûtaye, l1. grandes D. de usufr. que cela décidoit B ue stion, le pere n’étant qu’usufruitier du tiers, que l’Arrest de Fourneaux étoit à son avaniage, les creanciers ne pouvans demander recompense des bâtimens faits sur le tiers, quoy que peut-être leur argent y eût été employé ; il y avoit beaucoup plus de sujet de conserver aux enfans ce qui leur appartient, que cette question avoit été décidée par plusieurs Arrests : La Cause fut appointée au Conseil, et depuis évoquée au Parlement de paris : Par Arrest, au Rapport de MTronçon , la Demoiselle de Carménil obtint gain de Cause La Cause de la doüairiere est beaucoup moins favorable que celle des enfans, elle n’a interest que pour son usufruit, de sorte que l’on doit considerer seulement s’il est diminué par la vente des bois ; mais la Coûtume ne donnant pas seulement aux enfans le revenu du tiers, mais aussi la proprieté, la superficie excedant souvent en valeur le fonds même, la recompense en est dûë aux enfans en cas d’alienation : Cependant les Arrests n’y ont point fait de distinction ; outre les Arrests cuy-dessus, et celuy de la Cervelle, que Berault n’a pas rapporté conformément au Registre, comme je le remarqueray sur l’Article CCCCIII. il y en a plusieurs autres : Le premier fut donné par Rapport au profit d’Heleine Bouté, veuve de Philippes Joüen, et de ses enfans ; ladite Bouté avoit mis son opposition au decret des heritages de son mary pour avoir delivrance de son doüaire, et en faire ajuger la proprieté à ses enfans, ce qui luy fut accordé par Sentence du Vicomte d’Orbec, du 13. de Decembre 1631 et qu’estimation seroit faite de tous les immeubles que son mary possedoit au temps de son mariage, en l’état qu’ils étoient : Dans l’estimation qui fut faite l’on comprit 1500. chesnes, et plusieurs autres arbres que le mary avoit fait couper ; on y comprit aussi les dégrademens qu’il avoit faits : Les créanciers ayant appellé, tant des Sentences que de l’estimation, elles furent confirmées par le Bailly, et depuis par Arrest du premier d’Aoust 1644. Autre Arrest pour la Dame Marquise de Toussi, du 2. d’Aoust 1646. par lequel le doüaire fut ajugé à ladite Dame en létat que les biens de son mary étoient lors du mariage ; et pour la liquidation d’iceluy les parties ayant été renvoyées devant le Juge de Caudebec, lon comprit dans l’esti-mation les bois que le mary avoit abbatus.

Il faut neanmoins remarquer que pour les bois de haute-fûtave, l’on a fait cette distinction par un Arrest donné au Rapport de Mr du Houley, le 9. d’Aoust 1659. au procez de la Dame Abbesse de Vignats, que les bois de haute-fûtaye vendus par le mary entroient dans l’estination du doüaire, et du tiers des enfans ; mais que ceux qu’il avoit abbatus et consumes pour son usage, n’y devoient point être compris. : 7. 7. 147.

On a jogé par plusieurs Arrests que quand les biens étoient alienez, sans venir à des partages, l’on procederoit directement à l’estimation de tous les biens, pour bailler aux enfans. eur tiers en argent

Aprés avoir expliqué en quoy consiste le tiers ; et sanquels biens on peut l’obtenir, il faut ajoûter les conditions sous lesquelles il est accordé ; sçavoir qu’il faut renoncer, qu’il faût apporter et contribuer aux detten : les deux premieres conditions étant contenuës dans l’Article CCCCI. elles seront examinées en ce lieu-là

Pour la derniere, qui est : la contribution aux charges de droit, on entend par ces termes les dettes contractées avant le matiage ; mais comme nous distinguons les dettes en mobiliaires et immobiliaires, nous mêttons aussi de la difference entre ces dettes, entant que pour la contribution où la femme et les enfans sont tenus ; car pour les dettes mobiliaires, les enfans n’y contribuent point à cause de leur tiers, elles se prennent sur les deux autres-tiers, s’ils sont suffisants pour les acquiter : et dans le rang des dettes mobiliaires, nous comprenons les atrerages mêmes des rentes anterieures du mariage, par cette raison que si l’on en usoit autrement, il seroit en la puissance du pere de faire perdre à ses enfans leur legitimes en ne payant point les arrerages des rentes anterieures du mariage, ce qui n’affoiblit point le droit des créanciers ; car à leur égard non seulement les arrerages des dettes anciennes, mais aussi toutes les dettes mobiliaires créées avant le mariage sont payées sur le tiers, en cas que les deux autres ne suffisent pas pour les acquiter ; ainfi jugé pour la Demoiselle de Rassan, femme du sieur de la Ferté Oinville : Et par autre Arrest donné en la GrandChambre l’11. de Mars 1664. pour le sieur Chevalot President au Presidial d’Evreux, plai-dans de Cahaignes, et le Févre.

Si le pere avoit acquitté les dettes ausquelles il étoit obligé lors de son mariage, et qu’il en eût constitué de nouvelles qui n’excedassent pas neanmoins celles qu’il devoit, on demande si la femme ou les enfans seroient tenus de contribuer aux nouvelles dettes : Il n’y auroit pas de difficulté, si les creanciers avoient stipulé que leurs deniers seroient employez à l’acquit des dettes anciennes, avec subrogation aux hypotheques ; mais quand cela ne seroit pas, il semble juste d’assujettir la femme et les enfans à cette contribution, parce que ce n’est pas un mauvais ménage, ce n’est qu’un changement de nom, la condition des enfans n’en est point renduë plus mauvaise ; et vray-semblablement le rachapt des anciennes dettes a été fait des deniers empruntez, sur tout lors qued’ailleurs il n’en paroit point de remploy ny de dissipation, autrement ce seroit un moyen fort aisé de tromper le monde ; néanmoins comme le pere peut avoir acquité les anclennes dettes de son épargne, cette décharge et cette extinction doit tourner au profit des enfans, et les creanciors se doivent imputer, ou d’avoir eu rop de confiance en la solvabilité de leur debiteur, ou de n’avoir pas stipulé une subrogation aux hypotheques des autres creanciers. Par l’Arrest de Boisdanemets du 18. de Mars 1655. que j’ay rapporté sur l’Article CCCXCVI. il fut jugé que la veuve ne contribuéroit point aux rentes constituées depuis son mariage, bien que son mary en eût acquité d’anterieures.

Je parleray plus amplement de cette matiere sur l’Article CCCCVIII.

Que si les enfans n’ont leur legitime qu’en executant les conditions qui leur sont imposées par la Coûtume, le pere ne peut aussi leur en imposer de nouvelles, cette legitime est si parfaitement acquise aux enfans, qu’il ne peut la diminuer en quelque maniere que ce soit, ny ajoûter des clauses qui puissent y donner d’atteinte, suivant la l. quoniam Cod. de inoffic. testament, censemus ut si conditionibus quibusdam vel dilationibus vel aliquâ dispositione moram vel modum, vel aliquod onus induxerit, tollatur, & ita procedat, quasi nihil. orum testamento additum effet, sic nuon rumpitur testamentum, sed gravamen conditionis subducitur è medio, et en ce cas utile per inutile non vitiatur : On le jugea de cette manière en une Cause evoquée du Parlement de Bretagne, entre les sieurs du Breüil Pontbriant, et le sieur de Ponibriant leur frere amés Par la Coûtume de Bretagne les peres peuvent parrager leurs enfans, qui n’ont pas d’action. pour s’en plaindre s’ils ne sont lezez d’une sixième partie. Le sieur de Pontbriant pere en partageant ses puisnez y avoit ajouté cette condition, que dans cind ans aprés leur majorité, l’ainé pourroit retirer les terres qu’il leur bailloit, en payant vingt mille livres. Je soûtenois pour les puisnez, que le pere pouvoit bien partager ses enfans, mais qu’il n’étoit pas en son pouvoir de les forcer à recevoir leur legitime en argent, que la Coûtume de Bretagne ne luy lonnoit point ce pouvoir, et que cette condition dont il avoit. chargé ses enfans étoit inutile, et que le surplus de la volonté du pere ne laissoit pas de subsister : Il y avoit cela de particulier, que le frere n’avoit pas offert le remboursement dans le temps limité par le peres mais il s’en défendoit par deux raisons ; l’une, qu’il n’en avoit pas eu connoissance ; l’autre, qu’il ne pouvoit faire ce remboursement son pere étant vivant : c’étoient les raisons dont il appuyoit sa pretention ; il en fut debouté par Arrest en la Grand-Chambre, le 27. d’Aoust 1666. Greard plaidoit pour luy.

Pour le temps auquel cette legirime est acquise aux enfans sur les biens du pere, il est sans doute que c’est du temps des épousailles, et cela ne fait pas de difficulté lors que les enfans demandent leur tiers en la succession de leur pete ; mais il s’est formé plusieurs questions, lors qu’aprés le decez du pere les petits enfans demandent ce tiers en la succession de leur ayeul, qui avoit consenty au mariage de leur pere. De là nait cette fameufe question dont l’ay parlé sur l’Article CCCLXIX. qui est encore indecise au Conseil Privé du Roy, tant pour le doüaire que pour le tiers dey petits enfans. à La clause de cet Article, par laquelle la proprieté du tiers est acquise aux enfans du jour des épousailles, et neanmoins que la joüissance en appartient au mary durant sa vie, a eu besoin d’explication : Bien que ces paroles donnent apparemment au pere la joüissance de ce tiers durant sa vie, cependant il n’eût pas été juste qu’un pere mauvais ménager, aprés avoit dissipé tous ses biens, eût encore jouy de cette portion que la Loy avoit réservée pour ses enfans, et qu’elle destinoit pour leurs alimens ; il a fallu prevenir ce desordre, et par une fiction favorable, sans attendre la mort naturelle, introduire une mort civile qui eût le même effet, et par ce moyen ôter au pere la joüissance du tiers pour la faire passer à ses enfans, même durant sa vie.

putre la faveur et l’utilité de cette fiction, on peut l’autoriser par un exemple du Droit, il est tiré de la Loy e0. ff. Ad Senat. Consult. Trebell. dont l’espece, dit MrCujas , est sort elégante et singulière : Un pere fût institué heritier, à charge de restituer la succession à son fils lors qu’il cesseroit d’être en sa puissance, cûm sui juris efset ; cependant pour frustrer son fils du fideicommis, il dissipa la meilleure partie des biens sujets au fideicommis ; on étoit en peine comment l’on pourroit pourvoir à la seureté du fils, deerat, dit M’Cujas , in Commem ad Leg. 11. Quest.Papin , juris auxilium filio, sed in hac specie patre non restituente hereditatem fideicommissariam in diem conditionis, sed interim dissipante omnia, Imperator decrevit ut pater resti-tueret filio statim, etiamsi effet in potestate suâ ante conditionem, ita ut in hereditate pater nihil juris haberet vivo filio, et cette Loy dit elegamment que l’Empereur damnum conditionis inflivit parri propter fraudem.

l est vray que la Coûtume institué heritiers tous ceux qui doivent succeder par le droit de sang, et par une succession legitime ; mais elle impose particulièrement cette condition à tous les peres, de conserver une portion de leur bien à leurs enfans, c’est un fideicommis, et un depost sacré dont ils ne peuvent disposer, ny en priver leurs enfans : et bien que la oüissance leur en appartienne durant leur vie, si toutefois ils en usent mal, les enfans ne demeurent pas sans secours, mais le Magistrat qui est la Loy vivante, punit le mauvais ménage du pere, damnum conditionis infligit, et luy ôte l’usage de ce fideicommis pour en avoir abusé.

On ne manque pas d’autres exemples dans le Droit, où la mort civile a le même effet que la naturelle, quoy qu’en d’autres cas la mort civile n’a pas toûjours le même effet que la naturelle : Dans les Loix 121. 5. insulam ff. de verb. oblig. l. 1. 5. ult. ff. de bonor. possess. contra tabulas. l. intercidit. ff. de Cond. l. cum pater S. hereditatem ff. de leg. nous fournissent des preuves de l’un et de l’autre cas ; mais il faut remarquer, que les Loix qui ne s’entendent que de la mort naturelle, n’ont lieu que quand celuy qui doit faire ou restituer quelque chose ne le vreur point avant que la condition soit avenuë, tunc enim invito non aufertur, dit la Glose sut cette Loy, cûm pater, ce qui n’est point contraire à la décision que je viens de rapporter ; car quand les termes de cet Article ne pourroient même s’entendre que de la mort naturelle, toutefois on pourroit arracher au pere cet usufruit par une espèce de peine, pour ne l’avoir pas conservé pour la subsistance de sa famille.

Et pour connoître comment, et en quelles rencontres on doit donner à la mort civile le même effet qu’à la naturelle, on peut suivre asseurément cette regle parmy nous, que cette fiction s’étend ou se restreint selon la faveur ou la haine du sujet : Or comme nous favorisons extrémement la condition de la femme et des enfans, toutes les fois qu’il s’agit de leur avantage nous inclinons aisément à faire valoir cette fiction de la mort civile : Et bien qu’il soit véritable que dans les Contrats de mariage, toutes les clauses qui ne doivent avoir leur execution qu’en cas de mort, ne s’entendent que de la mort naturelle, quia in eâ conzentioues si quis prius decesserit mors naturalis non civilis venit, n’étant pas à presumer que dans cett sorte de Contrats, que l’on ait entendu parler d’évenemens funestes ou extraordinaires, casun enim & adversam fortunam expectare neque civile est, neque naturale : Neanmoins lors que le mary par sa faute donne sujet à la femme et aux enfans d’implorer le secours des Loix, l’on ne fait point de difficulté de leur permettre d’exercer toutes les actions que la mort naturelle du mary ou du pere leur pourroit donner, et nous ne suivons point la Loy Statius Florus.

S. Cornelio. De jure Fisci, suivant laquelle par la condamnation de l’heritier, il n’y avoit poim d’ouverture à la demande du fideicommis, nondum diem fideicommissi venisse, quia fideicommisfarius posset ipfe prius mori : Mais nôtre Usage peut être soûtenu par cette raison, que le tiers Coûtumier appartient aux enfans provisione legis, et le fideicommis n’est dû que par la disposition du testateur : Or la Loy ne conservant la joüissance de ce tiers que pour la subsistance du pere et de la famille, cette precaution seroit inutile, si ce revenu tournoit au profit du Fisc et des creanciers du pere.

Nôtre Usage est encore contraire à celuy de Paris : Par l’Article 255. de la Coûtume de

Parls, le doüaire constitué par le mary est le propre héritage aux enfans issus dudit mariage. pour d’iceluy joüir aprés le trépas. de pere et mere. Le terme de trépas n’est entendu que de a mort naturelle, et c’est pourquoy la mort civile du mary ne donne point ouverture à l demande du doüaire Coûtumier, pour la femme et pour les enfans. Dans la Cause du sieus Abbé de Thou, contre : les créanciers de Mr le President de Thou, M. Loüis Greard son Avocat pretendoit que ledit sieur Abbé de Thou devoit joüir du doüaire Coûtumier, vû l’abandounement que son pere avoit fait de tous ses biens à ses créanciers, et il argumentoir de cet Article, et de nôtre Usage. Je representay au contraire pour les directeurs des créanciers de Mr le President de Thou, que la Coûtume de Paris ne donnoit le doüaire Coûtu-mier aux enfans que par le trépas du pere, et que par la jurisprudence du Parlement de Paris. l’on avoit toûjours entendu le terme de trépas de la mort naturelle ; que la Coûtume de Normandie avoit usé de paroles que l’on pouvoit expliquer favorablement, en donnant au mary la joüissance sa vie durant : Et comme parmy nous par la separation de biens, ou par le decret des biens du mary, il y avoit ouverture au doüaire, on n’avoit pas eu de peine à faire passer aux enfans la joüissance du tiers Coûtumier, puis que le pere en étoit dépossedé par sa femme, lors qu’elle étoit vivante : La Cause ayant été appointée au Conseil sur plusieurs autres questions, par Arrest de l’an 1676. au Rapport de Mr Fauvel, le sieur Abbé de Thou fut debouté de sa demande. En Normandie pour donner la joüissance du tiers aux enfans du 1. vivant même de leur pere, on s’est fondé sur cette raison, que quand la Coûtume la conservoit au pere, ce n’étoit qu’à condition qu’il en pût jouir, et non point ses créanciers, car on p ce cas ses enfans luy étoient préférables.

Par la mort civile nous n’entendons pas seulement la peine qui emporte le bannissement ou la confiscation de biens, soit par contumace ou autrement, mais même l’entrée en Religion, la separation de biens, ou le decret des biens du mary en integrité, ou de la moilleurs partie

Nous favorisons si fort la demande du tiers Coûtumier, que par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 10. d’Avril 1631. un pere ayant fait cession, les enfans furent reçûs à demander leur tiers, bien que leur mere fût morte ; leur action avoit commencé par une saisie réelle des biens de leur pere ; et bien que l’acquereur voulût faire cesser le decret, i en payant la dette du creancier qui avoit saisi, on donna néanmoins le tiers aux enfans. Pareil AArrest, au Rapport de Mr Romé en la Grand-Chambre, du 11. de Février 1667 Lors que la mere a eu la delivrance de son doüaire, soit en vertu d’une separation de biens ou du decret des biens du mary, il y a beaucoup moins de difficulté à ne rétablir pas le mary dans la joüissance qu’il a perduë, ny les créanciers ou les acquereurs à son droit, aprés le decez de la femme, et c’est l’espèce de l’Arrest Desobeaux rapporté par Berault sur cet Article On fait encore prevaloir la cause des enfans, lors que le pere renonce volontairement à la joüissance du tiers, comme il a été jugé par plusieurs Arrests, et notamment par celuy donné en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr Romé, le 18. de May 1639. entre de Lauberie, Guillebert, et Coüillard ; sur cette question, si ledit de Lauberie auroit l’effet de l’avancement de succession, entant que le tiers ajugé à Ester Damours sa mère, separée de biens d’avec Jacques de Lauberie son pere, fait en la presence du pere, qui de sa part avoit quitté l’usufruit de ce tiers à ses enfans, et ce au prejudice des creanciers qui avoient saisi le tiers ; par l’Arrest il fut dit à tort l’execution faite par les créanciers ; et les meubles, les fruits, et même de droit de viduité, fut ajugé au fils au prejudice des creanciers.

Il a été jugé toutefois, que le pere ne pouvoit remettre à ses enfans son droit de viduité, sur la dot de leur mere, dont il leur étoit debiteur, au prejudice de la caution de ladite dot. Le fait étoit, que Charles le Chevalier, Ecuyer, étoit intervenu caution de la dot de la femme de Loüis le Chevalier Ecuyer sieur de Turetot, son fils ; les piens de Loüis le Chevalier ayant été decretez, pour faire avantage à ses enfans il leur remit la joüissance du tiers de la dot de leur mere, et en vertu de cette cession ils se firent colloquer et mettre en ordre pour les arrerages de ce tiers de la dot, sur les biens tant de leur pere, que de leur ayeul, parce qu’il étoit intervenu caution de la dot : Sur l’appel le cet ordre, par Messire François le Cornier, Seigneur de Sainte Heleine, et des autres creanciers, ils disoient que leur défense peremptoire contre cette collocation, étoit que ledit sieur de Turetot pere étoit luy-même le debiteur de cette dot, que le principal et les interests en devoient être repris sur luy, et par consequent ses enfans n’avoient pas lieu d’en faire la demande sur les biens de Charles le Chevalier leur ayeul, quoy qu’il fût caution dudit Loüis le Chevalier son fils qui étoit le principal obligé ; mais le sieur de Turetot au lieu d’en user vec la bonne foy qu’il devoit à ses créanciers, il pretendoit être recevable à donner à ses enfans l’usufruit de la dot de leur mere au prejudice de ses créanciers, sans considerer qu’en même temps il donnoit ouverture de le reprendre sur luy-même et sur sa caution, quoy que le recours en retournât sur luy.

Il est bien vray que par la jurisprudence des Arrests, le pere peut remettre son usufruit à ses enfans, parce qu’il se consolide aisément avec la prorrieté ; mais lors que le mary est debiteur de la dot à la caution d’un autre, il n’y a pas d’apparence de luy permenire de faire maître une action sur luy-même par une cession frauduleuse pour la rejetter sur la cantion, et sur les creanciers de la caution : Les enfans répondoient que le decret des biens de leur pers leur donnoit ouverture pour demander la dot de leur mere, et que par ce moyen en ayant la proprieté, quoy que leur pere leur en fût debiteur, cela n’empeschoit pas qu’il ne pût leur en remettre l’usufruit ; mais que puis que l’on tenoit l’ordre des deniers de la vente des héritages de leur pere et de leur ayeul, sa caution, et que par ce moyen le principal de la dot rentroit en leurs mains, ce n’étoit plus leur pere qui en étoit le debiteur, au contraire ils luy en devoient eux même l’usufruit, ainsi dans cette espèce, comme dans les autres pareilles, il auroit été bien jugé par le Bailly, en colloquant les intimez pour les arrerages de la dot de leur mete, du pour que leur pere leur en avoit fait la remise : mais à cela l’on repliquoit, que ces arrérages. étoient échus lors que le pere étoit encore debiteur de la dot, et qu’il n’étoit pas juste de faire payer les arrerages à la caution : Par Arrest du 17. Aoust 1679. au Rapport de Mi Côté, la Sentence fut cassée, et ordonné qu’il seroit tenu Etat, tant du principal que des arrerages échus.

Autre Arrest sur ce fait. Cavelier aprés la mort de sa femme contracta plusieurs dettes, et son bien consistoit en une maison située à Roüen, où pendoit pour Enseigne la Fontaine boüillante : Elle fut saisie réellement, et Cavelier s’étant absenté, l’on institua un Tuteur à ses enfans : Il s’opposa au decret pour faire distraire le tiers, et pour en avoir la joüissance ; le sieur du Ménil. Pernelle, adjudicataire de cette maison, et creancier, pretendit que le pere étant vivant, la joüissance du tiers devoit tourner au profit de ses créanciers : Nonobstant son contredit, la proprieté et l’usufruit en fut ajugée aux enfans, par Sentence du Vicomte de Roüen, ce qui fut confirmé par le Bailly : Sur l’appel du sieur du Ménil-Pernelle, Lesdos e son Avocat faisoit valoir les termes de cet Article ; il ajoûtoit que les enfans ne pouvoient avoir ce tiers qu’en renonçant, ce qu’ils ne peuvent faire qu’aprés le décez de leur pere, dont les affaires peuvent devenir meilleures, et qui peut parvenir à une meilleure fortune, ains urant sa vie ils n’ont que la simple et nuë proprieté du tiers : La Loy Statius Florus S. Cornelio de jure Fisci D. y est expresse, suivant laquelle le fideicommissaire ne peut demander le fideicommis qu’aprés la mort du pere. Le tiers Coûtumier est une espèce de fideicommis, que de pere peut retenit jusqu’à son decez ; avant lequel il est vray de dire, que fideicommissi dies nondum venit, que cette espèce étoit fort différente de celle de l’Arrest donné pour le Breton contre Desobeaux ; la femme avoit été separée de biens, et par sa mort l’usufrult avoit été consolidé à la proprieté : Asselin pour le Tuteur s’aidoit de l’Arrest du Breton, et en citoit un autre donné au Rapport de Mr de Toufreville. La Cause fut appointée au Conseil, et les Juges ayant été partis en opinions, le procez fut jugé, les Chambres assemblées, le 23. de Mars 1626. et par lArrest intervenu sur le partage la Sentence fut confirmée. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit, du 12. de Février 1659. entre Aubourg et Baudry : Aubourg avoit faisi l’usufruit du tiers, pretendant que Baudry son debiteur en avoit la joüissance ; les enfan en avoient obtenu la main-levée par Sentence des Requêtes du Palais, ce qui fut confirmé par l’Arrest.

Dans les Arrests precedens le pere avoit pris le party des enfans, et leur abandonnoit l’usufruit du tiers ; de sorte que cette difficulté restoit encore, sçavoit si les enfans pouvoient avoir cette joüissance contre le consentement de leur pere ; car en lArrest du Breton, le pert poursuivoit conjointement avec ses enfans, et sic invito non auferebatur ; et dans celuy du MénilPernelle Cavelier étoit fugitif. Or quand le pere est en possession du tiers, il semble ti-goureux de len dépoüiller contre les termes exprés de cet Article, et neanmoins les enfans ont été jugez preférables ; on a considéré son opposition plûtost comme un effet de sa malignité contre ses enfans, que d’un loüable motif de sa conscience pour s’acquiter envers ses creanciers. Cette Cause fut plaidée pour les nommez de la Ruë, et depuis jugée au Rapport de Mr du Houlé, le 23. d’Aoust 1666. La joüissance du tiers, dont ils avoient eu distraction au decret des biens de leur pere, leur fut ajugée, et nonobstant que le pere fût joint avec ses créanciers.

C’est donc une maxime certaine par la jurisprudence des Arrests, que les enfans du vivant, de leur pere ont l’usufruit du tiers Coûtumier, soit qu’ils le prennent de la main de leur mere soit qu’ils en ayent eux-mêmes demandé la distraction au decret des biens de leur pere ; man en même temps il a fallu pourvoir à la condition du pere, et luy donner pour sa subsistance quelque portion honnête de ce tiers, son mauvais ménage ne dispensant point les enfans de devoir et de lassistance où ils sont tenus envers luy. Les biens de Jacques de Hotot Ecuyer, sieur de Beaumont, ayant été vendus par decret, la Dame sa femme eut distraction. de mille écus de rente pour son doüaire : Aprés sa mort, Gedeon de Hotot son fils s’en mit en possession, et refusa d’en faire part à son père ; mais par Sentence du Juge de Bayeux fut condamné à luy payer une pension de huit cens livres : Le fils en ayant appellé, le Févre on Avocat disoit, que par la mort de sa mere qui joüissoit par usufruit de ce tiers Coûtumier, dont la proprieté luy appartenoit, cet usufruit avoit été consolidé à la proprieté, et que n’appartenant plus à son pere, mais à sa mere, dont il étoit seul hetitier, et non son perei il n’avoit plus aucun droit sur iceluy. Je défendis pour le pere, et remontray que l’ingratitude de son fils n’étoit pas excusable, déniant les alimens à son pere, qu’il auroit pû luy dis-puter la joüissance entière du tiers, néanmoins il se contentoit d’une pension si médiocre qu’elle étoit au dessous du tiers du tiers Coûtumier : Par Arrest du mois de Mars 1641. la Bentence fut confirmée

On regle cette penfion selon la valeur du bien et la qualité des parties. Par un Arrest lonné, au Rapport de Mr de Sainte Heleine, du 18. de Février 1660. entre Vallée et ses enfans, on laissa les deux tiers aux enfans : Il est vray que le pere poüissoit de quelque bien à cause de sa seconde femme.

Que si cette joüissance du tiers Coûtumier étoit si mediocre, qu’elle ne pût fournir à la subsistance du pere et des enfans, il seroit juste d’avoir égard principalement à la condition. du pere, sor tout s’il étoit vieil et impuissant de gagner la vie, et il fut jugé de la sorte le 19. d’Octobre 1660. l’usufruit du tiers Coûtumier n’étois que de soixante livres, on l’ajugea entierement au pere, au prejudice des enfans.

Au contraire quand la pension du pere seroit grande, et au delâ de ce qui seroit raisonnaplement necessaire pour sa subsistance, les créanciers ne seroient pas recevables à vouloir re-trancher une partie de la pension. Les créanciers du sieur de Beaumont eurent cette pretention, ils entreprirent de faire réduire la pension de huit cens livres qui luy avoit été ajugée, nonobstant le contredit de son fils, comme je viens de le remarquer, soûtenant qu’elle étoit plus forte que ce qu’il luy falloit pour sa subsistance, n’étant pas raisonnable que sieur debiteur véeût grassement, et qu’ils souffrissent la perte de leurs créances. Je défendois pour le pere, et representay que si sa pension étoit excessive, la reduction tourneroit au profit de son fils, et non point des créanciers ; il pourroit même remettre sa pension entière à son fils, puis qu’il pouvoit remettre son droit de viduité, h pater cum l. se5. D. quae in fraud. credit. post mortem. C. de Fideicomm.Alciat . Ad l. post contractum. Si sponsus, S. si maritus, D. de Donat. nter. vir. & uxor. Le fils se presenta en Cause, et soûtint que si la pension étoit trop grande I la falloit moderer : Par Arrest en la Chambre de l’Edit, du 8. de Juillet 1645. les créanciers furent deboutez de leur demande ; Lesdos plaidoit pour eux Monthelon en son Arrest 55. est d’avis que la renonciation à la legitime ne peut valoir au prejudice des creanciers de celuy qui renonce, les loix cy-dessus alléguées ne s’entendant que de ce qui a été donné au pere ou au mary, à charge de restitution, ce qui se peut faire sans distraction de la Falcidie ou de la Trebellianique ; mais la legitime n’est point donnée au fils par le pere, il la luy doit, et il est obligé de la luy conserver.

C’est ce que la Coûtume ordonne prudemment en cet Article, défendant au pere de vendre, engager, ny hypothequer, et cette prohibition est pareillement faite aux enfans ; et c’est la derniere partie de cet Article qui reste à expliquer Les Docteurs ont traité cette question, si les enfans du vivant de leur pere pouvoient demander leur legitime, et si le pere étoit tenu de la leur donner : On cite pour l’affirmative l’Evangile de S. Luc. Luc, c. 15. où un fils fait cette demande à son père ; Pater da mihi partem substantiae que me contingit. On oppose au contraire la l. 1. 8. si impuberi de collat. bon. D. et que le fils durant la vie de son pere, solam habet spem succedendi.Bart . in l. 15. potest. D. de Chassanée acquir. heredit. Chassanée sur le Titre des Successions, 3. 2. Verbo, du Trépasse, convient que quand le pere est mauvais ménager, les enfans peuvent demander id quod eis pro legitima assignatur pro alimenti

L’exemple de l’Enfant prodigue fait connoître qu’il seroit fort defavantageux aux enfans de leur donner cette liberté, il suffit que leur pere leur fournisse leurs alimens selon ses facultez, et s’il ne le faisoit pas il poutroit y être contraint par le Magistrat : Ils ne peuvent lonc demander leur tiers Coûtumier, qu’en cas de decret des biens de leur pere ; mais au surplus, ils ne peuvent disposer en aucune manière de la proprieté Les enfans, dit cet Article, ne pourront disposer du tiers avant la mort du pere. En cet endroit le terme de mort ne s’entend que de la mort naturelle, parce qu’à parler proprement, ils n’en sont et n’en deviennent les véritables proprietaires qu’aprés avoit renoncé, ce qu’ils ne peuvent faire qu’aprés la mort naturelle du pere ; et cet Article dispose expressément, qu’ils ne pourront avoir leur tiers qu’ils n’ayent renoncé à la succession : Ainsi, quoy que par une ti explication favorable, pour ôter la joüissance du tiers Coûtumier au pere decreté, ou mauvais ménager, on ait donné à la mort civile le même effet qu’à la naturelle, il n’en est pas de même lors qu’il est question d’ôter aux enfans le pouvoir d’en mal user durant la pie de leur pere ; on n’entend en ce cas par ce terme de mort, que la mort naturelle : Nonobstant la prohibition si expresse d’aliener ou d’hypothequer le tiers du vivant du pere, on a tenté d’y contrevenir par une infinité de moyens ; mais tous les artifices que l’on a praiquez ont eu si peu de succez, que pour empescher que cette interdiction fût violée, on l’a peut-être maintenuë avec trop de rigueur, comme on le remarquera dans la suite.

Premièrement, c’est une maxime certaine qu’ils ne le peuvent perdre par la confiscation, ny même pour des amendes criminelles. Il a été jugé neanmoins par Arrest du 8. de May 1662. au Rapport de Mr Salet, que le tiers des enfans pouvoit être décreté pour des interests et dépens resultans d’un crime commis par le pere et par les enfans, qui furent deboutez de l’appel qu’ils avoient interjetté du decret ; entre Artus Castel appellant, et Jacques des Moutiers, sieur de Neuménil.

En second lieu, bien que les obligations qu’ils contractent soient valables, comme faites par personnes libres et capables de contracter, elles ne peuvent être executées sur le tiers, mais seulement sur les autres biens. Le fils, quoy que majeur, marié et pourvû d’une Charge, ne peut engager ce tiets du vivant de son pere ; ainsi jugé en l’Audience de la Grand. Chambre 14. de May 1655. Sur ce fait, Bardou Conseiller au Presidial de Caën, s’obligea solidaire. nent avec son pere en une partie de rente, et le lendemain il en bailla une indemnité à son ere, reconnoissant qu’il avoit touché seul les deniers provenans de cette constitution : Aprés a mort de son pere il renonça à sa succession, et demanda le tiers Coûtumier ; ce qui luy fut contesté par le creancier, qui luy objectoit son fait personnel, qu’il étoit majeur, marié, et Officier, et qu’il demeuroit constant par l’indemnité qu’il avoit baillée, que les deniers avoient tourné à son feul profit : La Cour déclara le fils personnellement obligé à la rente pour ses autres biens, autres que le tiers Coûtumier, qu’il n’avoit pû hypothequer du vivant du pere.

On a pareillement entrepris d’engager le tiers des enfans, en les faisant intervenir cautions. de leur pere, ou en les faisant obliger conjointement et solidairement avec luy : Le cautionsement d’un fils majeur pour son pere est valable, mais on ne peut en étendre l’execution ur le tiers Coûtumier ; cela a été jugé par une infinité d’Arrests, et ces Arrests ont été confirmez par l’Article 85. du Reglement de 1666.

Ce cautionnement des enfans pour leur pere, à l’égard du tiers, fut déclaré de nul effet en une espece fort singulière. Deux freres, dont l’un étoit Cuté, et fautre chef de famille, avoient reçû leur pere avec eux ; le Curé avoit marié une de ses seurs, et dans le Contrat le mariage le pere étoit dénommé, et les promesses étoient conçûës sous son nom ; mais les freres seuls avoient reconnu ce Contrat, et étoient intervenus cautions de la dot sur da suc cession de leur pere, à condition toutefois que les biens qu’ils avoient d’ailleurs y seroient pareillement obligez : Aprés la mort du pere les enfans renoncerent à sa succession, mais nonobstant cette renonciation l’on pretendoit les faire payer ; leur défense fut qu’ils n’étoient tenus de payer la dot que jusqu’à la concurrence de la legstime de leur seur ; et quoy que la cause de leur obligation fût favorable, étant faite par un Contrat de mariage, la Cour debouta la seur de son action, et ne fist valoir la promesse des freres que jusqu’à la concurrence de la legitime qui luy pouvoit appartenir ; par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 22. d’Avril 1660. plaidans Maurry, et Heroüet.

Il a été jugé par Arrest du 0. d’Avril 1655. que le fils étant intervenu caution pour son pere du remploy de la dot de sa mere, que son pere avoit alienée, n’étoit point recevable à s Lettres de récision contre ce cautionnement, pour s’attaquer au Sergent qui avoit reçû caution, et pour pretendre contre luy qu’il devoit indiquer des biens suffisans pour fournit se remploy de la dot, ayant renoncé à la succession de son pere ; que nonobstant sa défense qu’il n’avoit pû aliener le bien de sa mere qui étoit vivante ny disposer de sa succession qu’aprés sa mort : Par l’Arrest la Sentence qui enterinoit les Lettres de récision fut cassée laidans Mautry, Theroude, et Lyout

Sien que par la doctrine des Arrests les enfans majeurs puissent cautionner leurs peres neanmoins pour faire subsister ce cautionnement il doit être volontaire et libre, sans avoit été exigé par force et par mauvais traitement ; mais pour prouver la violence, ce n’est par ssez d’alléguer des menaces ou de la contrainte de la part du pere ; à leffet de s’en prevaloir contre le creancier, il est necessaire qu’il en ait eu connoissance, ou que cela se soit passé en sa presence, autrement un fils pour se dégager d’un cautionnement pourroit par ntelligence se faire mal-traiter par son pere en la presence de témoins, pour se preparer un moyen de restitution, quoy que ces menaces et ces violences n’eussent été qu’un jeu entre le pere et le fils. Il est vray que par la Loy Item 14. D. quod metûs causa in hac actione non queritur utrum is qui convincitur, aut alius metum intulerit, et qu’il suffit de prouver que l’acte dont on demande la récision a été exigé par force ; car encore que celuy contre lequel on agit ne soit pas coupable ou complice de la violence, il est neanmoins obligé de rendre co qui a tourné à son profit.

On répond que cela est véritable lors qu’il s’agit de lucro captando : mais quand le creancier a contracté de bonne foy, on ne peut luy imputer ce qui s’est passé en son absence, et c’est pourquoy le Jurisconsulte resout en la même loy, que si Titius avoit enlevé quelque those, et qu’il en eût saisi un tiers, quoy que la chose vint à perir entre les mains de ce tiers, il n’en seroit pas responsable, pourvû qu’il ne fût point complice de la violence : Si metum intulit Titius me non conscio, et res in rebus humanis esse desiit sine dolo malo absoli lebebo, 5. 5. eod. c’est aussi la disposition de la Loy 5. C. de his que vi, &c. Ce te question l’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 10. de Decembre 1677. René du Hamel Ecuyer, fieur de Villechien, étoit vertu trouver Charles Meurdrac Ecuyer, sieur de Boiffey, pour l’obliger pour son pere, avec lequel il avoit fait des accommodemens ; il obtint depuis des Lettres de récision, fondées sur les menaces et intimidations de son pere, les Juges des lieux lay avoient permis d’en faire la preuve : Sur l’appel du sieur de Boissey, de l’Epiney soûtenoit que les faits n’étoient point pertinens, mais qu’en tout cas il faudroit prouver que ce violences eussent été commises en sa presence, et qu’il en eût eu connoissance, autrement que cela ne luy pouvoit être imputé ; mais il paroissoit par toutes les circonstances qu’il avoit ontracté volontairement, étant venu luy-même prier le sieur de Boissey de passer le Contrat, Le Févre pour le sieur de Villechien, disoit que pour obtenir l’effer de les Lettres de récision, il suffisoit de faire voir que son consentement n’étoit pas volontaire, et que son pere ne l’avoit exige que par ses menaces, et bien qu’elles n’eussent pas été faites en la prefence du creancier, il étoit toûjours vray qu’il n’avoit signé au Contrat que par contrainte : Par l’Arrest, n cassant la Sentence, le demandeur fut debquté de ses Lettres de récision Pour faire fraude à cet Article, on faisoit obliger les enfans par corps, afin que par la necessité de conserver ou de recouvrer leur liberté, ils fussent forcez de vendre leur tiers, lors qu’ils en seroient devenus les maîtres ; mais ces obligations ont été déclarées nulles, et de nul effet. Arrest pour le Blanc, contre Donnest ; la Cour confirma une Sentence du Bailly de Roüen, par laquelle le Blanc qui avoit renoncé à la succession de son pere, avoit été déchargé de l’obligation par corps, qu’il avoit contractée pour une somme de sept mille livres lu vivant de son pere. On jugea la même chose en une espece fort favorable pour le créancier lors de la Visitedes Prisonniers qui se fait au Palais. De la Mate étant prisonnier, fut mis hors des prisons à la caution de ses enfans qui s’obligerent, et par corps, de le representer : aprés les termes du payement expirez, ils obtinrent des Lettres de récision, et par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 30. de Juillet 1637. elles furent enterinées, et le tiers fut declaré exempt de ce cautionnement, et les enfans déchargez de l’obligatlon par corps ; plaidans le Boulanger, et de Cahaignes. Quoy qu’un fils aprés la mort de sa mere eût vendu le tiers qui luy avoit été delivré pour son doüaire, étant mort avant son pere ce Contrat fut déclaré nuls l’on jugea qu’il ne privoit pas la sour de le demander entier ; par Arrest du 26. de Novembre 1647. plaidans Maurry, et le Févre. Et par un autre Arrest donné en la Chambre de l’Edit, aprés en voir consultésla Grand-Chambre, l’11. d’Aoust 1655. il fut jugé que le frere ayant contracté des dettes du vivant de son pere n’avoit pû y engager son tiers, et que venant à mourir la sout avoit le tiers entier sans être obligée aux dettes du frère.

Il y a eu plus de difficulté, pour sçavoir si la vente des héritages affectez au tiers Coûtunier, faite par le pere et le fils, étoit valable : Elle fut décidée en la Grand-Chambre le 19. d’Aoust 1634. sur le procez partagé en la Chambre des Enquêtes, Mr Dambray Rapporteur.

Mr du Fay Compartiteur. Pierre Belargent pere, Jean et Richard Belargent ses enfans, âgez de vingt-huit et trente ans, vendirent un héritage au sieur de Bonfossey, moyennant quatre mille six cens livres ; aprés la mort du pere les enfans renoncerent à sa succession, et obtinrent des Lettres de restitution, pretendans revoquer le tiers de l’héritage vendu, s’aidans de deux moyens ; l’un, de fait ; l’autre, de droit : Le moyen de droit, étoit que le Contrat étoit nul, leur tiers Coûtumier étant inalienable du vivant de leur pere : Le moyen de fait, cont sistoit en ce qu’ils offroient prouver qu’ils avoient été forcez d’intervenit au Contrat, par Sentence du Juge de Bayeux ils avoient été deboutez de leurs Lettres : Sur leur appel, l’avis de Mr le Rapporteur qui reputoit le Contrat nul alloit à casser la Sentente, et ayant égard aux Lettres de récision, d’envoyer les demandeurs en possession du tiers de l’héritage : L’avis de Mr le Compartiteur qui tenoit le Contrat valable de droit, alloit à recevoir les demandeurs à faire preuve de leurs faits.

on disoit pour les enfans, que les Reformateurs de la Coûtume avoient introduit en leur faveur un droit qui est fondé sur les Constitutions des Empereurs, qui établissent une egitime contre les testamens inofficieux. Daviron a tenu que le pere ne pouvoit vendre le tiers, parce qu’il n’en avoit que lusufruit, et que les enfans ne le peuvent aliener avant la mort de leur pere, et qu’ils ayent tous renoncé à sa succession. Il est sans apparence, que l’alienation en fût interdite au pere, et qu’elle fut permise aux enfans, en faveur desquels le pere avoit les mains liées ; ils n’y ont qu’un simple droit, en cas qu’ils renoncent ; ce qui marque que l’intention de la Coûtume est de le leur conserver, puis qu’elle le leur asseure auparavant même qu’ils soient nez. En leur donnant cette liberté, ils tomberoient dans le même malheur que la Coûtume a voulu prevenir ; car il n’est point d’enfant bien né qui se laissant vaincre aux prieres et aux douces sollicitations d’un pere n’engageât aisément un bien, duquel pour ne luy être encore present il ne sentiroit point la perte : la volonté est le fondement des Contrats, et cette volonté doit avoir necessairement ces deux conditions essen-tielles, la puissance, et la liberté : Or ne pouvant se rencontrer en la personne du fils, tout ce qu’il fait par-la suggestion du pere ne peut valoir ; velle non creditur qui obsequitur imperio parris.

L’acquereur disoit pour sa défense, que le proprietaire peut disposor de la chose par le consentement de l’usufruitier ; qu’un fils majeur du vivant de son pere peut se constituer en renter et contracter des obligations ; quand la Coûtume ne luy donneroit pas la proprieté, la vente ne laisseroit pas d’être bonne, quia rei aliena venditio valet ; et lors que la Coûtume défend ux enfans d’aliener leur tiers Coûtumier, ce n’est qu’en faveur du pere, afin qu’il ne soit pas privé de son bien si son fils le predecedoit ; mais lors que tous deux ont vendu, rien l’empesche que la vente ne soit valable ; il passa de beaucoup de voix à l’avis de Mr le Rapporteur.

Mais il me semble que l’on étendit bien loin dans cette espèce la prohibition d’engager le tiers Coûtumier. Les nommez de la Mare vendirent quelques héritages à Messire Jacques de Chaumont, Marquis de Leques ; le fils ayant renoncé à la succession de son pere, il eut dedlivrance de son tiers Coûtumier, fauf la recompense du sieur de Leques sur ses autres biens.

Dans la suite de l’instance pour la liquidation du tiers Coûtumier, de la Mare avoit obtenu condamnation de quelques dépens contre le soeur de Leques ; depuis étant décedé, son fils ainé renonça à sa succession, mais la mere continua le procez, comme tutrice de ses enfans, qui n’avoient pas renoncé : Sur la demande faite par ce fils des dépens ajugez à son pere, le sieur de Leques opposa en compensation les sommes, dont rocompense luy avoit été ajugé pour l’eviction qu’il avoit soufferre, tant contre les deux tie-s du tiers Coûtumier, que contre les dépens ajugez au pere ; la question fut de sçavoir si cette compensation pouvoit être faite Il n’y eut pas beaucoup de difficulté à l’égard des deux tiers, parce que les mineurs n’avoient pas renoncé ; toute la contestation tomba sur ce point, si le fils caution de son pere ayant obtenu des dépens sur la poursuite de son tiers Coûtumier, l’acquereur pouvoit en demander a compensation contre la recompense que ce demandeur en tiers Coûtumier luy devoit sur ses autres biens : Le sieur de Leques soûtenoit, que ces dépens ne faisoient point partie du tiers Coûtumier, que c’étoit un pur meuble qui étoit affecté à sa garantie, comme tous les autres biens de son obligé, et que les dépens n’avoient rien de privilegié. De la Mare répondoit, que si cette compensation étoit admise, ce seroit un moyen pour le frustrer de son tiers Coûumier ; car ayant à le demander à une personne puissante, et par consequent se trouvant engagé à faire de grands frais, en compensant les dépens qu’il auroit obtenus contre la dette où il seroit intervenu pour son pere, il seroit forcé de vendre son tiers pour restituer l’argent qu’il auroit emprunté, et qu’il auroit employé à la poursuite de son tiers : Mr Arrest, au Rapport de Mr Salet, du 4. d’Avril 1675. il fut dit à tort la compensation : Ces dépens n’étoient pas plus privilegiez que tous les autres biens de l’obligé, et puis que l’obligation du fils avec son pere est valable, il y avoit bien plus de raison d’en permettre l’execution sur des meubles que sur des héritages ; cette raison tque s’il est contraint d’emprunter de l’argent pour obtenir la delivrance de son tiers Coûtumier, et qu’il ne puisse le rembourser que par les dépens ui luy seront ajugez, il seroit forcé d’aliener son tiers ) est trop éloignée, et n’est pas considérable, autrement il y auroit plus de sujet de déclarer le cautionnement ou l’obligation du fils avec son pere entièrement nulle, sans en permettre l’execution sur tous les immeubles.

Cependant il est si mal-aisé d’hypothequer ce tiers Coûtumier aux dettes contractées par le fils du vivant de son pere, que le fils succedant à ce tiers, et ne pouvant dans les regles le posseder citra nomen heredis, et sans s’engager aux dettes de son père ; néantoins ce tiers ayant été une fois déchargé de l’hypotheque de ces sortes de dettes, cette hypotheque ne eut renaître, ou pour mieux dire commencer en quelques mains que le tiers passe, non pas même de l’heritier du fils, suivant l’Article 85. du Reglement de 1666.

Par Arrest du S. de Juin 1671. au Rapport de Mr Buquet, en la Grand. Chambre, il fut ugé que les cautions du doüaire de la femme, jusqu’à un certain revenu qui excedoit le tien les biens du mary, n’étoient pas tenus d’en fournir la proprieté aux enfans. Par le Contrat de mariage de Routier, Salebry et ses autres beaux-freres intervinrent cautions, que Routier avoit mille livres de rente, et s’obligerent d’en faire valoir le tiers pour le doüaire : Aprés la mort de Routier ses enfans renoncerent à sa succession, et poursuivirent les cautions pour leur fournit en proprieté le tiers de mille livres de rente, se fondant sur leur promesse de fournir pareille comme pour le doüaire, qui est le tiers des enfans : La défense des cautions fut qu’ils ne s’étoient obligez que pour le doüaire, qui n’est qu’un usufruit qui s’éteignoit par la mort, que leur obligation ne pouvoit être étenduë plus loin ; et lors que la Coûtume a dit en cet Article, que la proprieté du tiers destiné pour le doüaire est propre aux enfans, cela s’entend de l’immeuble que le pere possedoit lors de son mariage ; mais il ne s’ensuit pas que si les cautions ont promis de fournir un doüaire, ils soient tenus d’en bailler la proprieté aux enfans : Par l’Arrest les cautions furent déchargées

Quoy que les enfans fussent majeurs lors du decez de leur mere, ils n’ont, point d’action pour leur tiers Coûtumier, elle ne commence à naître que par la mort naturelle ou civile de pere, étant incertain s’ils survivront à leur pere, ou s’ils renonceront à sa succession. VoyezLoüet , I. D. n. 20.

Enfin c’est une maxime véritable, que l’action pour demander le tiers ne se prescrit point durant la vie du pere, et comme c’est un droit. réel, le decres des biens dupere ne le purge point : Il ne peut y avoir de prescription par cette autre raison, qu’il est incertam si le doüaire Coûtumier aura lieu, les enfans pouvant mourir avant leur pere, ou s’ils renonceront à sa succession.