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CCCCIV.

Tiers des biens appartenant à la femme acquis aux enfans.

Pareillement la proprieté du tiers des biens que la femme a lors du mariage, ou qui luy écherront constant le mariage ou luy appartiendra à droit de conquest, appartiendra à ses enfans, aux mêmes charges et conditions que le tiers du mary.

En cet Article la Coûtume donne une legitime, ou comme on parle ailleurs, un doüaire propre aux enfans sur les biens de leur mere : Cette seule disposition la pourra rendre digne de ce glorieux éloge de sage Coûtume, qui luy est attribué par plusieurs Auteurs ; car l’on peut dire véritablement que par cette disposition elle a surpassé la sagesse des Loix Romaines, et des Coûtumes de France, en ce qu’elle n’asseure pas seulement la subsistance des enfans sur les biens du pere, mais aussi sur ceux de la mere. Par l’ancien Droit Romain les enfans avoient une legitime sur les biens du pere ; mais la mere ny l’ayeul matemel n’étoient point obligez d’instituer heritiers leurs enfans, ou petits enfans : Mater vel abus necesse non habent li-beros suos aut beredes instituere, aut exheredare, sed possunt eos silentio omittere. On permettoit toutefois aux enfans d’accuser leur testament comme inofficieux, et le S. Mater fut depuis Justinien corrigé par une Novelle de Justinien

Mais tout cela n’empeschoit point les peres et meres de consumer tous leurs biens, et leurs enfans n’avoient aucun droit de troubler ceux qui les avoient acquis.

En la Coûtume de Paris les enfans n’ont point de doüaire Coûtumier sur la succession de leur mere ; et non seulement ils n’ont aucun doüaire Coûtumier sur le bien maternel, mais même il peut arriver qu’ils perdent leur doüaire Coûtumier sur la succession de leur pere, suivant la jurisprudence que l’on a établie par l’Arrest de la Demoiselle Gallard, donné au Rapport de Mr Bigot de Monville, le 5. Avril 1677. car la femme doit être colloquée avant son doüaire, de sa dot, et de ses reprises, et du nombre de ces reprises sont les deniers dotaux stipulez propres, mais non employez par le mary en acquisitions d’immeubles ; ensemble les deniers mis par la femme en la communauté, soit qu’elle signe ou non les quitances des remboursemens, les deniers provenant soit du rachapt des rentes, soit d’héritages vendus par les coheritiers d’une succession commune, avant que de proceder au partage, supposé qu’il soit dit par le Contrat de mariage, que tout ce qui écherra par succession directe ou collaterale soit propre à la femme : Sur quoy Mr Charles Blondeau dans la cinquième partie du Journal du Palais, a remarqué qu’il en peut arriver un tres-grand inconvenient pour le doüaire propre aux enfans ; car il le peut faire que la reprise des deniers dotaux stipulez propres ou ameublis qui vont avant le doüaire, absorbent tous les biens du mary, en sorte que cette portion facrée que nos Coûtumes semblent vouloir asseurer aux enfans independamment de la mauvaise conduite des peres, sera sujette à tous les changemens de la fortune, et que c’est en cela que l’on ne sçauroit assez estimer la sage prevoyance de la Coûtume de Normandie, qui donne le tiers tant sur les biens du pere que de la mère.

Il y a lieu de s’étonner, que dans les Coûtumes où la communauté de biens est admise, l’on n’ait point asseuré aux enfans quelque portion des biens de leur mere, vû que les dereglemens où elles tombent par leurs folles amours, et par leur mauvaise conduite, ne sont pas moins excessifs ny moins ordinaires que ceux des peres : C’est par cette connoissance que nôtre Coûtume a encore étendu plus loin sa sage prevoyance ; elle n’asseure pas feulement aux enfans un tiers sur les biens que leur mere possedoit au temps de son mariage, ou qui luy sont échûs en ligne directe, comme elle a fait pour les biens du pere ; elle y comprend encore le tiers de tout ce qui luy est échû à droit de conquest, et par ce moyen le tiers Coûtumier des enfans sur les biens de la mere, peut être plus grand que celuy qui leur appartient sur les biens de leur pere.