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CCCCVI.

Remplacement de rentes pour le doüaire.

Si le mary a reçû constant le mariage le raquit de rentes hypotheques qui luy appartenoient lors des épousailles, la semme aura recompense de son doüaire entier sur les autres biens de son mary, jusques à la concurrence de la valeur desdites rentes, si elles n’ont été remplacées.

Puis que le doüaire et le tiers Coûtumier peuvent être demandez sur les rentes constituées comme sur les héritages, quoy que leur subsistence ne soit pas certaine, et que la faculté de les racheter soit perpetuelle, la Coûtume a sagement ordonné que si le mary en reçoit le raquit, la femme a recompense de son doüaire entier sur les autres biens de son mary, si elles n’ont été remplacées.

Cette disposition néanmoins est imparfaite en deux manieres : Premierement, en ce qu’il n’y est fait mention que du doüaire, et qu’il n’est rien dit du tiers des enfans ; et quoy que regulierement ce qui est ordonné pour le doüaire s’observe aussi pour le tiers des enfans, on pourroit en douter en cette rencontre avec beaucoup d’apparence, parce qu’encore que les Articles precedens traitent plûtost du tiers Coûtumier que du doüaire, néanmoins en celuy-cy l’on passe sous silence le tiers des enfans, d’où l’on pouvoit conclure que la Coûtume n’ayant donné la recompense des rentes rachetées que pour le doüaire, elle en a exclus tacitement les enfans qu’elle n’auroit pas oubliez si son intention avoit été de leur donner le même avantage : Il est certain toutefois que quand les rentes ont été rachetées, les enfans aussi-bien que la femme en ont recompense sur les autres biens de leur pere.

Mais comme il arrive souvent que les biens du mary ne sont pas suffisans de porter cette recompense, il eût été soit à propos de decider en même temps si les enfans par le rachapt qui s’étoit fait de ces rentes étoient exclus d’y demander leur tiers Coûtumier, ou si les debiteurs de ces rentes en pouvoient être chargea nonobstant le rachapt qu’ils en avoient fait ?

Me Josias Bérault, et Me Jacques Godefroy ont traité cette question, et ce dernier auroit été de ce sentiment, que les debiteurs des rentes constituées n’auroient pû se liberer au prejudice de la femme, si la Cour n’avoit pas prejugé la question par l’Arrest rapporté par Be-rault : Sa raison étoit que n’ignorant pas le mariage de leur creancier, et que par consequent son bien étoit devenu hypothequé au doüaire de la femme il avoit dû prendre ses precautions, en obligeant le mary de donner caution, ou en consignant les deniers. On répondoit que la condition d’un debiteur ne doit point devenir plus mauvaise par le fait de son créancier, et par le changement de sa condition, et qu’ayant une pleine et entière liberté de se pouvoir liberer sans aucune condition, il n’a point été obligé de chercher d’autres feuretez que la quitance et la liberation de la dette : En effet la Coûtume dit bien que la femme a sa recompense sur les autres biens du mary, mais elle ne la donne pas sur les debiteurs qui ont racheté ; la faveur de la liberation a paru si grande, que la femme et les enfans n’ont point été reçûs à troubler ceux qui avoient racheté les rentes dont ils, étoient redevables, et aprés plusieurs Arrests la Cour en a fait une Loy generale par l’Article 76. du Reglement de 1666.

Et parce que la liberation sembloit n’être pas si favorable pour les rentes foncieres et Seigneuriales, comme pour les rentes constituées à prix d’argent, celles-cy étant perpetuelle-ment rachetables de. leur nature, et celles-là ne l’étant que par le consentement du créancier, la question en étoit plus douteuse ; elle s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre pour une rente fonciere qui avoit été rachetée, les enfans neanmoins y demandoient leur tiers, par Arrest du 14. Mars 1647. ils en furent deboutez ; plaidans le Petit, Lyout, et Heroüet.

Pour faire cesser la difficulté qui pouvoit naître à cause du rachapt de ces rentes, la Cour a decidé generalement par le même Article, que celuy qui a fait le rachapt d’une rente constituée à prix d’argent, fonciere ou Seigneuriale, ne peut être inquiété par le creancier de celuy à qui elle étoit dûë, ny pour le doüaire de sa femme, ny pour le tiers de ses enfans.

Aprés cela l’on ne peut plus douter que ceux qui ont fait le rachapt entre les mains du pere ou du mary, des rentes constituées, foncieres, et Seigneuriales, dont ils leur étoient redevables, ne peuvent être inquietez par la femme ou par les enfans, quoy qu’il ne reste aucun bien pour leur en donner recompense ; Le rachapt même de la rente dotale entre les mains de la mere étant veuve est valable, suivant l’Arrest donné au Rapport de Mr Labbé le 24. de Novembre 1624. entre Fermel’huis, Senecal, et autres, sur ce fait. Un frere en vendant son bien chargea l’acquereur d’acquiter une rente dotale qu’il devoit à sa soeur, qui pour lors étoit veuve ; aprés sa mort sans aucuns biens ses enfans troublerent l’acquereur, luy reprochant qu’il n’avoit pas ignoré la qualité de la rente, et que par consequent il n’avoit pû ny dû la racheter sans prendre sa seureté, et quoy que l’on eût jugé que le debiteur d’une rente constituée pouvoit se liberer sans être recherché par la femme ou par les enfans, qu’il n’en étoit pas de même d’une rente dotale qu’un frere devoit à sa seur, parce qu’il demeuroit garand lors qu’il avoit payé mal à propos : L’acquereur avoit appellé le srere en garantie, et tous deux soûtenoient qu’un frere comme un étranger pouvoit se liberer, que le frere étoit véritablement garand lors qu’il payoit entre les mains du mary, mais non pas lors que sa soeur étoit de condition libre, sa soeur étant alors maîtresse de son bien et de les actions, il étoit au pouvoir du frère de s’acquiter avec seureté, n’étant pas juste qu’il demeurant toûjours chargé d’une rente qui pouvoit même devenir foncière par le laps du temps ; le tiers Coûtumier est favorable, et on le doit conserver aux enfans autant qu’on le peut, mais la liberation n’a pas moins de faveur ; que cet Article y étoit formel donnant la recompense des rentes rachetées sur les autres biens, et non point sur ceux qui ont racheté ; ce qui fut jugé par l’Arrest.

Ces Arrests et le Reglement de la Cour ne peuvent avoit lieu que pour les rentes qui appartiennent au mary, car en étant le propriétaire l’on peut bien luy en faire le rachapt ; mais le debiteur qui raquiteroit entre les mains du mary les rentes dûës à sa femme ne seroit pas valablement liberé, parce que la proprieté ne luy appartient pas. Ce fut une question fort contestée, si une femme ayant donné à son mary pour don mobil une rente qui excedoit la part qu’elle pouvoit donner, et le debiteur en avant fait le rachapt il pouvoit être inquieté pour la portion que le maty avoit trop reçûë : La Demoiselle de Manneville étant veuve, et ayant une fille, se remaria avec le sieur de Chaumont, à qui elle donna pour don mobil une rente de sept cens livres en quoy consistoit tout son bien, ne luy restant que huit cens livres de doüiaire, et une Terre de deux cens livres chargée de dettes au de-là de sa valeur, le debiteur des sept cens livres de rente en fit le rachapt au sieur de Chaumont contant le mariage ; aprés sa mort sa veuve revoqua cette donation comme excessive, et en suite elle atraqua le debiteur qui soûtint le rachapt valable ; l’affaire ayant été portée en la GrandChambre sur un partage de la Chambre des Enquêtes, par Arrest du 2. May 1614. il fut dit que les debiteurs avoient bien raquité, parce que la donation ayant été faite par une personne capable de donner, la revocation avoit dû être faite les choses étant entieres.