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CCCCVII.

Et si les deniers desdites rentes ont été remployez en autres rentes ou heritages, elle y aura doüaire jusques à la concurrence de ce qui avoit été raquité, bien que l’acquisition soit faite depuis les épousailles.

On peut connoître par cet Article que la Coûtume a perpetuellement cette intention de moderer les droits des femmes, et particulierement de réduire exactement le doüaire au tiers des biens dont son mary étoit saisi lors des épousailles, sans pouvoir être augmenté par quelque voye que ce puisse être.

Il n’auroit pas été juste que la femme eût été privée du doüaire qui luy eût appartenu sur les rentes constituées, si le rachapt n’en eût point été fait, et c’est pourquoy dans l’Article precedent elle luy en donne recompense sur les autres biens de son mary. En cet Artiele la Coûtume ordonne encore, que si les deniers provenans du rachapt des rentes ont été remployez en autres rentes ou héritages, elle y aura pareillement doüaire, mais seulement jusqu’à la concurrence de ce qui a été raquité. Le sens de cet Article paroit difficile ; car il semble d’abord que la Coûtume ne donne le doüaire sur le remploy fait des rentes rachetées qu’à cette condition, que si les rentes ou les héritages acquis du remploy de ces deniers excedent en revenu lesdites rentes, elle n’y auta doüaire que jusqu’à la concurrence du doüaire qu’elle auroit eu sur les rentes rachetées.

En expliquant cet Article de cette manière, la condition de la femme seroit bien desavantageuse ; car si au contraire le mary lors de ses épousailles ne possedoit que des rentes con-stituées, et que depuis le rachapt luy en étant fait, il les remplaçât en autres rentes à un plus haut prix, ou qu’il les employât en héritages qui produiroient on revenu beaucoup moindre que celuy des rentes rachetées, nos deux Commentateurs sont de ce sentiment, qu’elle ne pourroit avoir pour son doüaire que le tiers de ces rentes ou de ces héritages : Par exemple, si le mary possedoit trois cens livres de rente au denier quatorze lors de sou mariage, et qu’aprés le rachapt qui luy en seroit fait il en constituât les deniers au denier vingt, ou en acquist des héritages qui ne valussent annuellement que cent-cinquante livres, il est sans difficulté que la femme ne pourroit avoir que cinquante livres de doüaire, et non cent livres, bien que son mary lors qu’il l’épousa possedât trois cens livres de rente ; la raison est que le mary ne pouvant refuser en aucun temps le rachapt de ses rentes constituées à prix d’argent, la femme a dû prevoir que si le mary ne les pouvoit remployer au même prix, elle ne pourroit avoir en doüaire que le tiers du revenu qui en proviendroit, autrement elle auroit plus que le tiers en doüaire : Et c’est une jurisprudence certaine, que si le mary reçoit le raquit de ses rentes constituées au denier dix ou au denier quatorze, et qu’il constituë de nouveau ces deniers au prix du Roy, et même à un plus grand prix, la femme n’a que le tiers de ces nouvelles constitutions.

Cependant suivant ces mêmes Commentateurs, et suivant un Arrest remarqué par Bérault, si le mary vent une Terre dont le revenu n’étoit que de trois cens livres, et qu’il en achete une rente ou une Terre qui luy produise six cens livres de rente, la femme aura part à cette augmentation, et ne joüira pas seulement de cent livres pour son doüaire, mais de deux cens livres, ce qui paroit entièrement contraire aux paroles de cet Article, qui ne donne le doüaire que jusqu’à la concurrence de ce qui a été raquité.

Il n’est pas mal-aisé néanmoins de découvrir le sens, et de penetrer dans la véritable intention de la Coûtume ; car elle ne dit pas que la femme n’aura doüaire sur le remploy fait des rentes rachetées que jusqu’à la concurrence du revenu de ces rentes, mais elle presuppofe que si le maty n’a pas seulement fait remploy des deniers des rentes rachetées, mais qu’il y ait encore employé d’autres deniers, en ce cas le doüaire ne s’étendra pas sur toutes les choses acquises, il sera seulement pris sur icelles jusqu’à la concurrence de ce qui a été raquité ; la raison est qu’encore que les rentes ou héritages acquis des deniers provenans du rachapt des rentes ne doivent pas être censez une acquisition, néanmoins s’il y a entré d’autres deniers ce surplus doit être reputé acquest.