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CCCCVIII.

Remplacement du propre quand est reputé conquests.

Les remplois de deniers provenus de la vente des propres, ne sont censez conquests, sinon dautant qu’il en est accrû au mary, outre ce qu’il en avoit lors des épousailles : comme aussi les acquisitions faites par le mary ne sont reputées conquests, si pendant le mariage il a aliené de son propre, jusques à ce que ledit propre soit remplacé.

C’est honorer en quelque façon la mémoire de nos ancêtres, que de conserver avec soin les biens qu’ils nous ont laissez : Toutes les personnes sages s’en font volontairement un devoir et une obligation, et les dissipateurs de leurs parrimoines ont toûjouts été des objets de mépris ; c’est par ce principe que la Loy Mosaique, la plus sage et la plus ancienne de toutes les loix, avoit permis le Retrait lignager pour retenir les biens dans les familles, et pour rétablir celles qui étoient tombées en décadence ; elle avoit introduit un Jubilé qui faisoit rentrer aprés cinquante années les Terres dans les familles d’où elles étoient sorties par le mauvais ménage, ou par la necessité des proprietaires.

Ce n’étoit pas seulement dans Lacedemone qu’il étoit défendu de vendre ses propres : Aristote Aristote, l. 2. c. 5. et 7. et l. 6. c. 4. Politic. remarque que plusieurs autres villes avoient fait une Ordonnance pareille. Les peuples même les plus éloignez de la politesse ne souffroient point l’alienation des propres sans l’autorité du Juge et sans le consentement des proches parens, Rheinardus lib. 1. c. 5. diferent. juris Saxonici et Romani. Et n’est-ce pas par ce même principe que nôtre ancien Droit François a introduit cette fameuse regle Paterna paternis, Materna maternis : Car nous ne sommes pas, ditPlaton , les Seigneurs absolus de nôtre patrimoine, il appartient à nôtre famille, à nôtre postérité, et encore plus à la Republique, heredia antiqua sunt affecta linez feu gentilitati,Molin . Cons. 7. n. 48.

Voicy sans doute une des plus sages dispositions de la Coûtume : En effet l’on ne pouvoit faire une Loy plus prudente ny plus necessaire pour conserver les biens dans les familles, que celle du remploy que cet Article ordonne avec tant de precaution et d’exactitude : si les propres une fois alienez étoient perdus à jamais pour la famille, ce seroit aneantir le Retrait lignager, la regle Paterna paternis, &c. deviendroit inutile, et l’on défendroit en vain aux maris de donner à leurs femmes directement ou indirectement, puis qu’ils pourroient convertir tous leurs propres en meubles pour leur en faire une donation.

Les Romains qui ne connoissoient point de biens qui fussent propres et affectez à une certaine ligne, qui nullam agnoscebant gentem praediorum, n’avoient d’autres égards que de se conserver la liberté de disposer absolument de leurs biens. Autrefois dans toute la France le remploy des propres n’étoit point necessaire, et encore aujourd’huy plusieurs Coûtumes ne l’ordonnent point, s’il n’a été expressément stipulé. Tel étoit l’usage ancien de la Coûtume de Paris, qui donna lieu à ce Proverbe, que le mary ne se levoit jamais assez-tost pour vendre le propre de sa femme ; de sorte qu’au défaut de stipulation, non seulement les propres volontairement alienez, mais aussi les rentes bien que le rachapt en fût necessaire, n’étoient point sujets à remploy ; cela caufa tant d’abus et d’inconveniens, qu’enfin par la Coûtume Reformée de

Paris, Article 232. le remploy des propres fût introduit, bien qu’il n’eût pas été stipulé par de Contrat de mariage.

La nécessité du remploy a été jugée si raisonnable, que par les derniers Arrests du Parlement de Paris, cet Article de la Coûtume de Paris touchant le remploy a été étendu aux Coûtumes qui ne disposoient point au contraire, parce qu’il paroissoit que l’usage du remploy comme tres-juste s’y étoit étably par un consentement tacite, non seulement à l’égard de la femme ou de ses heritiers, mais aussi du mary, l’avantage indirect étant également prohibé entre l’un et l’autre, et cette nouvelle jurisprudence est fondée sur une tres-grande raison ; car il ne doit entrer en la communauté que ce qui procede ex communi collaboratione, des deux conjoints, comme les meubles et les conquests, et non point ce qui provient de la vente, soit necessaire ou volontaire, des biens de l’un ou de l’autre des conjoints ; si cels n’étoit pas, ce seroit ruiner toutes les dispositions qui défendent si expressément aux gens nariez de s’avantager l’un l’autre : la femme consentiroit à l’alienation de ses propres, dont la moitié demeureroit confuse en la communauté, et le mary vendant son propre par les inductions de sa femme luy en feroit avoir la moitié du prix.

Cependant ce remploy introduit par la Coûtume et par les Arrests du Parlement de Paris n’a pas rétranché tous les abus, ny donné remede à tous les inconveniens qui naissent de Ialienation des propres, on n’a point atteint le but et la fin principale que l’on devoit se proposer, à sçavoir la conservation des biens dans les familles. Tout leffet de ce remploy se ten mine à empescher que les conjoints par mariage ne profitent point des biens l’un de l’autre, il n’a lieu que quand il s’agit du droit de communauté, et non du droit de succeder, cum agitur de jure communionis, non de jure succedendi,Bouguier , l. R. n. 1. Et quand un homme auroit aliené tous ses propres, l’heritier aux propres n’en auroit aucune recompense, l’action de remploy étant inconnuë entre divers heritiers, comme l’heritier au propre et l’heritier aux acquests et aux meubles, et l’on a si peu d’égard à la conservation ou au remploy des propres alienez, qu’il est permis de vendre tous ses propres ; et quoy que les deniers en ayent été employez en acquisition d’héritages, ces héritages sont reputez acquefts, et non sujets à remploy. On a passé encore plus loin, il a été jugé par un Arrest rapporté dans la seconde partie du Journal du Palais, qu’un particulier ayant vendu ses propres maternels, et des deniers qui en provenoient acquis d’autres immeubles, avec déclaration expresse qu’il vouloit qu’ils tinssent lieu de propres maternels à luy et aux siens de son estoc et ligne, neanmoins cette déclaration ne pouvoit produire son effet au profit de ses heritiers maternels dans le artage de sa succession, et lesdits héritages furent jugez acquests. Quand la stipulation du remploy seroit portée par le Contrat, si les deniers le trouvoient encore en la succession, cette stipulation ne pourroit operer contre la vérité, et ces deniers appartiendroient comme meubles à l’heritier aux meubles, non inspecta origine, et bien qu’ils fussent provenus d’un ncien propre vendu, ou d’une rente rachetée, le prix ne s’en reprendroit point au profit les heritiers immobiliers, ce qui s’observeroit à plus forte raison s’il n’y avoit point eu de stipulation de remploy ; et c’est pourquoy les actions pour le remploy des héritages vendus où des rentes remboursées, ont été jugées appartenir à l’heritier aux meubles et acquests comme mobiliaires, et elles ne peuvent retourner comme immobiliaires aux parens du côté et ligne dont les héritages et rentes sont procedez ; Brodeau sur MiLoüet , l. R. n. 30. Du Fresne Fresne, Journal des Audiences l. 6. c. 19. et 20.

Nos Maximes en Normandie sont tout à fait opposées à celles du Parlement de Paris ; et bien loin de convertir nos propres en acquests, nous rendons propre tout ce qui a quelque aptitude à le devenir ; et quelque alienation qu’un homme ait faite de ses propres, il faut qu’ils se retrouvent dans sa succession, pourvû qu’il laisse des acquests et des meubles ; et ffin de rendre nos Maximes certaines et notoires, il est necessaire pour defricher cety te matière d’expliquer ces quatre points : Le premier, en faveur de quelles personnes la Coûtume a introduit le remploy des propres, et quelles personnes sont tenuës de faire et de fournir ce remploy : 2o. Ce que l’on doit comprendre fous ces paroles alie nation de propre ; 30. Comment et sur quelle nature de biens on fait ce remploy : Et enfin si cette action est mobiliaire pour appartenir à l’heritier aux meubles et acquests, ou si étant immobiliaire elle doit retourner à ceux d’où procedoient les heritages vendus, ou les rentes rachetées dont l’on demande le remploy :

Quoy que cet Article semble contenir deux parties, néanmoins toutes deux ne disent qu’une même chose, et le sens est, que non seulement à l’égard de la veuve, mais aussi des heritiers, il n’y a point de conquest ny d’acquest que le propre aliené ne soit remy placé. La nouvelle Coûtume de Bretagne, Article 440. dit la même chose ; Si le mary, con-tant le mariage, vend son heritage, et durant le mariage fait acquests, il sera recompensé de son héritage aliené sur lesdits acquests auparavant que la femme y prenne aucune chose : Sur quoy Mr d’Argentré fait cette oblervation, que cet Article fut arrété sur la requisition de tous les Etats, comme étant fort raisonnable, pour éviter que les maris ne vendissent leurs propres, pour en convertir les deniers en acquests où les femmes prendroient une moitié.

L’on Be doute pas que ce remploy des propres ne soit étably en faveur de ceux de la lignée, et du côté desquels procedoient les choses venduës, et que l’action de remploy n’ap-partienne aux heritiers au propre, non seulement contre la femme, mais aussi contre les heritiers aux acquests et aux meubles. Il est vray que cet Article ne le décide pas expressément, et cela a donné lieu quelquefois d’en douter, lors que ces questions ont été évoquées en d’autres Parlemens ; mais cette jurisprudence est établie par tant d’Arrests et par un si long usage, qu’il n’y a pas lieu de la revoquer en doute Cette action de remploy n’est pas introduite en faveur leulement des heritiers du marys si le propre de la femme a été aliené, il doit être remplacé aussi-bien que celuy du mary, et c’est le sujet du Titre du mariage encombré, où la Coûtume donne aux femmes toutes les seuretez necessaires pour la recompense de leurs propres alienez par leurs maris : Aussi l’Article 107. du Reglement de 1666. contient en termes generaux, que les propres alienez doixent être remplacez au profit des heritiers au propre : Ainsi tout heritier au propre, soit du mary ou de la femme, a droit de demander tout le propre qui ne se trouve plus en la sucression de celuy dont il est heritier.

Les personnes qui sont tenuës de souffrir ou de faire le remploy sont la femme, les heritiers aux meubles et acquests, et les legataires : Cette obligatiun de remplacer étoit fort ne-cessaire à l’égard des femmes ; l’empire qu’elles s’acquierent sur les volontez de leurs maris les rendant maîtresses de leurs biens, il a fallu trouver des moyens pour empescher qu’elles n’en abusent ; de sorte qu’elles sollicitent inutilement leurs maris à vendre leurs propres pour augmenter leurs acquests et leurs meubles. Cet Article forme un obstacle insurmontable à leurs desseins ; car ce n’est point acquerir parmy nous, si l’on ne retrouve premierement dans les acquests ou dans les meubles la valeur des propres que le mary possedoit lors de son mariage.

Cet Article ordonnant principalement le remploy à l’égard de la femme, afin que l’on ne V’imaginât pas qu’il ne fût necessaire qu’à son égard, et pour diminuer seulement ses avantages, l’Article 107. du Reglement de 1666. decide en termes generaux, que les propres alie-nez doivent être remplacez au profit des heritiers au propre. Or comme nous n’avons que deux sortes d’heritiers, les uns au propre, et les autres aux meubles et acquests, il est évident que le remploy des propres doit être fait par les heritiers aux acquests et aux meubles ; car quoy que l’on alléguât en faveur des heritiers aux meubles et acquests, que les heritiers en ligne collaterale n’étoient point plus favorables qu’eux, qu’il ne leur est point dû de legitime, et par consequent point de necessité de leur conserver du bien, et que par le Droit Romain non it collatio bonorum, et que souvent les heritiers aux acquests sont les plus proches pare ns du défunt, on ne pouvoit desaprouver la predilection que le défunt avoit eué pour eux en diminuant ses propres pour augmenter ses acquests : on répondoit au contraire, que si cela étoit permis on renverseroit toute la loy des propres, qui n’est même établie que pour les collateraux, car il n’y a nulle distinction en ligne directe entre les propres et les acquests ; aussi par Pancien usage de la France, on ne faisoit aucune distinction des enfans et des collateraux.

On n’aura pas de peine à charger du remploy des propres les legataires universels et particuliers : les premiers sont considèrez comme heritiers, sunt heredis loco, ainsi sujets et obli-ez aux mêmes conditions que les heritiers ; et on peut dire en general contre ces deux esèces de legataires, que la disposition des propres étant interdite par testament, on ne peut eur donner que ce qui excede la valeur du remploy des propres, cé qui les empesche de rien pretendre que ce remploy ne soit fait. Cette question du remploy des propres au prejudice des legataires universels, fut autrefois décidée par un Arrest du 12. de Decembre 1594. entre Marie le Galois, veuve de Pierre le Gros Appellant, et Thomas le Sauvage, Tuteur de la fille dudit le Gros et de ladite le Galois ; cette veuve demandoit son doüaire, tant sur les maisont et héritages que sur plusieurs rentes foncieres et constituées, contenuës en son Contrat de mariage, et qui appartenoient à son mary : ce qui étoit contredit par le Tuteur pour les rentes dont le mary avoit reçû le rachapt ; car n’ayant été remplacées, et les meubles desquels la veuve avoit eu la meilleure partie en étant augmentez, elle n’y pouvoit demander un doüaire, par la Sentence on avoit accordé doüaire seulement sur les maisons, héritages et rentes qui subsistoient encore, et la veuve avoit baillé mémoire des meubles qu’elle pretendoit luy apartenir à cause du legs qui luy avoit été fait par son mary ; par l’Arrest on cassa la Sentences et on ajugea doüaire sur les maisons, héritages et rentes dont le mary étoit saisi lors du mariage ; et neanmoins avant que de prendre part aux meubles, on ordonna que sur les méu-bles autres que ceux qu’elle avoit apportez et qui étoient déclarez par le Contrat de mariage, on prendroit le remploy des rentes rachetées, sauf à la veuve à renoncer en rapportant ce qu’elle avoit pris. Cet Arrest decide deux questions, le remploy de l’immeuble sur les meubles avant que la femme y prenne part ; et la seconde, qu’elle ne peut pretendre les meubles en qualité de legataire universelle, qu’à la charge du remploy des rentes rachetées. Autre Arrest du 7. de Mars 1634. par lequel il fut dit que des legataires seroient payez sur les fruits de la première année, et que les meubles seroient delivrez à la veuve legataire universelle de meubles jusqu’à la somme de 10000 livres, à cause du remploy du propre allené pretendu par les heritiers au propre sur les meubles. Autre Arrest du 7. de May 1644. au Rapport de Mr le Brun, entre Loüis Fremont heritier au propre paternel, de Lanfranc Fremont son neveu, demandeur pour faire liquider les droits de Marie Valet, veuve et legataire de son mary, et ladite Valet intimée ; et les heritiers au propre maternel dudit Lanfranc Fremont. demandeurs en saisie par eux faite sur les effets mobiliairs du défunt, et pour faire condamner ladite Valet à leur mettre entre les mains toutes les lettres de la succession : on jugea par cet arrest que le remploy des propres tant paternels que maternels alienez, ensemble la dot de ladite Valet, seroit fait sur le prix porté par les Contrats de vente sur ce qui se trouveroit de conquest, et le surplus sur les meubles, si mieux ladite Valet ne vouloit renoncer à son legs.

Il en est de même des legataires particuliers, qui ne peuvent demander les legs à eux faits de partie des acquests et des meubles, qu’aprés le remploy des propres, suivant l’Arrest de année. 1614. rapporté parBerault . Autre Arrest du 16. de Mars 1665. au Rapport de M’Salet, entre François de Saint Aignen, Tuteur de Tanneguy de Saint Aignen son fils, heritier de Leon Coûtelier son oncle, Appellant ; et Demoiselle Gabrielle le Roy, veuve dudit le Coûrelier, et Jean Saumur son serviteur, intimez ; par la Sentence le sieur de Saint Aignen avoit été debouté de son action conctre cette veuve pour l’obliger à representer les meubles, et en ce faisant qu’elle joüiroit du legs que son mary luy avoit laissé par son testament : on cassa pa Sentence, et on condamna la veuve à rapporter les meubles leguez ou la vraye valeur, quoy qu’il n’y eût pas divers heritiers.

Il ne faut donc pas douter que les legataires particuliers aussi-bien que les universels ne soient tenus au remploy des propres, puis que les meubles y sont affectez, et qu’ils ne peuvent en être exemptez en les donnant de l’une ou de l’autre manière : Il est vray que quand Il y a un heritier aux acquests, il est tenu à ce remploy aussi-bien que le legataire universels mais si les meubles laissez à l’heritier aux meubles ou au legataire universel ne suffisent pas, le remploy se prend sur les legs particuliers. Cette distinction mal entenduë a fait croire à quelques-uns que les legataires particuliers n’étoient point sujets au remploy des propres, mais si cette opinion étoit suivie on commettroit aisément une fraude pour empescher ce remploy, en faisant si grand nombre de legs que tous les meubles seroient absorbez Il faut neanmoins observer qu’un heritier paternel ou maternel peut bien demander à l’heritier aux acquests et aux meubles le remploy du propre aliené, mais au défaut de meubles et d’acquests les heritiers paternels et maternels ne se peuvent pas entr’eux demander un remploy de ce qui a été vendu par le défunt provenant de leur ligne ; car ces deux heritiers ne se doivent rien l’un à l’autre, ils prennent la succession en l’état qu’ils la trouvent, parce que le défunt étoit le maître de son bien, et que le remploy ne se donne que sur les meubles et acquests.

Le bien maternel d’un particulier consistoit en la rente dotale de sa mere, étant mort sans enfans les heritiers maternels demanderent cette rente que le défunt avoit venduë aux paternels, parce qu’il n’y avoit point d’acquests, et les meubles avoient été employez à l’acquit des dettes mobiliaires ; ils alléguoient pour fondement de leur action, qu’en alienant le bien maternel il avoit conservé le paternel, qu’il étoit donc raisonnable qu’il contribuât au remploy d’iceluy : Les paternels au contraire representoient que par cette vente du bien mater-nel le paternel n’en étoit point accrû, au contraire il favoit beaucoup diminué par les alienations qu’il en avoit faites, le remploy d’un propre sur un propre est sans exemple dans la Coûtume, et c’est une regle generale que les successions doivent être prises en l’état qu’on les trouve au temps de l’échéance, in successionibus semper inspici debet tempus delata hareditatis. le remploy des propres est introduit par la Coûtume sur les acquests, parce que l’on presume qu’ils ont été faits des deniers provenus de la vente des propres, et que d’ailleurs un homme pouvant avoir divers heritiers aux propres et aux acquests, elle ne permet point qu’il puisse rendre ses propres pour enrichir son heritier aux acquests ; or celuy qui n’a point d’acquests mais des propres de differente nature, peut en disposer à sa volonté, et ses heritiers sont non recevables à contredire ses actions, les paternels et les maternels ne sont pas coheritiers, tales baredes sibi invicem sunt extranei nec familiae erciscundae judicium inter eos exercetur, l. haredes ejus. 8. 1. ff. famil. ercisc. Ils n’ont rien de commun, et le Seigneur du fief succederoit plûtost qu’un paternel à un maternel, et uno repudiante haereditatem ex latere suo nihil accrescit alteri, on ne peut faire passer les biens d’une ligne à l’autre : or pour faire ce remploy d’un bien naternel sur le paternel, il faudroit les faire changer de ligne, si les paternels étoient obli gez à ce remploy, il s’ensuivroit que le défunt en disposant de son bien comme il le pouvoir faire, auroit neanmoins contracté sur luy-même une obligation de remploy, comme s’il avoit vendu le bien d’autruy : les maternels sont heritiers du défunt comme les paternels, et par cette raison également obligez d’entretenir ses faits : Aussi la Coûtume s’en est expliquée nettement en cet Article, elle ne repute point conquest que ce qui est accrû au mary : or par la vente du bien maternel il n’en est rien accrû au bien paternel, et puis qu’ils n’en ont point profité et que leur condition n’en est point devenuë meilleure, ils ne sont obligez à aucun remploy : et la défense des paternels étoit d’autant plus favorable qu’ils étoient en hazard de perdre ce qui restoit de bien paternel par les dettes du défunt, lont ils n’avoient pris la succession que par benefice d’inventaire : Par Arrest du 31. de Juillet 1627. au Rapport de Mr de Brevedent, entre Jean le Févre, heritier au propre paternel de Loüis le Févre, et Jean de Savigny, heritier au propre maternel ; la Cour reforma la Sentence qui jugeoit le remploy au profit des heritiers maternels, et les paternels en furent déchargez. J’ay remarqué deux pareils Arrests sur l’Article CCCCXXLI.

Nous donnons une grande étenduë à ce terme d’alienation de propre, et l’explication de ce terme est d’autant plus necessaire, que dans la premiere partie de cet Article il n’est fait mention que de vente, les remplois des deniers provenans de la vente des propres ne sont censez conquests : D’où l’on pourroit induite que cet Article ne parlant que de la vente des propres, le remploy n’est necessaire qu’en ce seul cas de vente, et que l’on ne doit pasW comprendre toutes les autres espèces d’alienations ; mais dans la derniere partie de cet Artile la Coûtume fait cesser cette ambiguité, lors qu’elle ajoûte que les acquisitions faites par le mary ne sont reputées conquests, si pendant le mariage il a aliené son propre, jusques à ce que ledit propre soit remplacé.

L’alienation des propres ne se fait pas seulement par la vente des immeubles ou par le rachapt des rentes, on y comprend aussi les Offices et les dettes. Lors qu’il étoit encore in certain sous quelle espèce de biens on devoit placer les Offices, on doutoit si la vente que le mary en faisoit, ou la perte qu’il en souffroit étoit sujette au remploy : La question en fut muë en 1593. pour un Office de Grenetier : Estienne Petit l’avoit acheté pendant son mariage, mais pour en faire le payement il avoit vendu pour mille livres de son propre, et en suite il avoit fait quelques acquisitions ; étant mort en perte de sa Charge la veuve demanda sa part aux acquests, les heritiers luy opposerent qu’auparavant il falloit remplacer le propre, ils en furent deboutez devant le premier Juge ; sur l’appel la Cause ayant été partagée, elle fut departie en la Grand-Chambre le 9. d’Aoust 1593. la Sentence fut cassée, et on ordonna que les propres seroient remplacez. Cette même question fut encore plus nettement decidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 17. de Juin 1633. Hammon Procureur en la Cour avoit vendu sa Charge, et du prix d’icelle en avoit constitué quelques rentes ; aprés la mort de sa femme les nommez Turgis, freres et héritlers d’icelle, demandoient part ausdites renses comme d’un acquest, elle leur fut ajugée par Sentence des Requêtes du Palais : par l’Ar-rest la Sentence fut cassée, et jugé qu’ils ne pouvoient avoir part à la renfe qu’il avoit conctituée du prix de son Office, parce qu’il en étoit pourvù lors de fon mariage, et que les deniers qui en provenoient étoient reputez de même nature.

Suivant la doctrine des Arrests, lors que l’Office est perdu par la faute du mary, pour n’avoir payé le Droit Annuel, la femme ne laisse pas d’avoir recompense sur les autres bien pour son doüaire ; en consequence dequoy lon peut former cette question, si lheritier au propre peut demander à l’heritier aux acquests le remploy de l’Office qui a été perdu par la ne-gligence du défunt : On peut dire qu’il y a grande différence entre la femme et les heritiers, celle-là a un droit acquis que le mary ne luy peut ôter par sa negligence ; mais à l’égard de ses heritiers il n’est point obligé de leur conserver de bien, il peut le perdre et l’abandonner, et de ce qu’il perd par malheur ou par negligence il n’en est point dû de remploy ; lors que l’on donne à l’heritier au propre la recompense du bien aliené on se fonde sur cette presomption, que des deniers provenans des propres les acquisitions en ont été faites, et c’est pour-quoy l’heritier aux acquests n’a pas sujet d’empescher le rétablissement de l’ancien propre, puis que par un droit general en cette Province il n’y a point d’acquest que le propre ne soit semplacé. Cette question fut mué au procez d’entre Dame Jaqueline Peurel, veuve de Mr Me Adrian Secart, Sieur d’Auxouville, Conseiller en la Cour, et Me François le Bailleur ; Mr Me Abraham de Roüen, sieur de Bermonville, Conseiller en la Cour, ses gendres : L’Office de Conseiller en la Cour que possedoit M’Secart avoit été perdu à faute d’avoir payé le Droit Annuel, les Sieurs de Bailleul et de Bermonville demanderent que le prix en fût emplacé sur les acquests, avant que ladite Dame d’Auxouville y pût prendre aucune part : Messieurs des Requêtes du Palais leur ayant ajugé leurs demandes, sur l’appel de la Dame d’Auxouville, elle disoit qu’ayant trouvé son mary saisi de cet Office elle y avoit doüaires et ayant été perdu elle en avoit recompense sur les autres biens, mais qu’il n’étoit pas juste de prendre cette recompense sur les acquests, le doüaire et les conquests sont deux droits differens qui ont chacun leur cause et leur principe separé, le droit de l’un n’est point dimiqué par le droit de l’autre, quoy que le mary dissipe, et même confisque son bien, il ne peut priver sa femme de son doüaire ; le droit de conquest appartient à la femme à un autre titre, qui est celuy de la collaboration, et qui n’a rien de commun avec le doüaire, qui se gagne au couclier, tous deux doivent subsister au profit de la femme, et l’un ne peut être porté ny fourny sur l’autre : Quand le mary a vendu de ses propres et qu’il a fait des acquisitions, en ce cas la femme ne participe aux conquests que sur ce qui reste aprés le remploy des propres, parce que l’on presume que le prix de ces rentes a été employé au payement des acquisitions ; que si la femme avoit un doüaire entier et encore une part entière aux acquisitions, elle auroit deux profits d’une même chose ; les Intimez ne pouvoient pas dire que le prix de la Charge. ait été employé aux acquisitions, puis qu’elle a été perduë ; c’est donc une distinction qu’il faut apporter quand le mary a vendu de les propres et qu’il en a reçû les deniers, le remploy doit en être fait sur les acquests, comme reputez faits de ces mêmes deniers ; mais quand il les a perdus par sa faute sans en tirer aucun profit, les conquests qui n’en ont été faits et qui n’ont pû en être augmentez n’en doivent point porter le rempioy au prejudice des droits de la femme, à qui la faute du mary ne doit point nuire, ny la priver des droits ue la Coûtume luy donne. Par l’Article CCCLxxXI. si le mary renonce à une succession directe, sa femme nonobstant sa renonciation peut y demander doüaire, et sans diminution de sa part aux conquests ; le mary a bien voulu par sa faute perdre la Charge dont il étoit saisi lors des épousailles, et toutefois le doüaire ne laisse pas d’être dû, par la même raison la faute du mary ne peut luy faire perdre sa part aux conquests. Les Intimez répondoient que véritablement le doüaire est si bien acquis à la femme, que le mary ne l’en peut priver par sa faute ou par son mauvais ménage, et c’est pourquoy l’on a jugé qu’il étoit raisonnable de lonner à la femme la recompense sur les autres biens de l’Office que le mary avoit laissé perdre par sa negligence ; mais le droit de conquest est incertain, et la femme n’a point l’action pour forcer son mary à acquerir, il est en sa liberté d’augmenter son bien ou de ne l’augmenter pas, et ce droit est si peu avantageux à la femme, qu’il ne peut jamais y avoir d’acquest que le propre ne soit remplacé ; et puis que la Coûtume ordonne si expressément d’en faire le remploy, il n’importe d’où procede la diminution des propres, puis qu’en tout cas le remploy en doit être fait ; c’est une regle generale et qui ne souffre point d’exception ny de distinction, qu’il n’y a point d’acquest que le propre ne soit remplacé, les presomptions de peuvent détruire une Loy si favorable et si ancienne ; et comme on ne pourroit empescher le remploy quand il seroit vray que le mary en auroit joüé les deniers, il faut dire la même chose du propre qu’il a laissé perdre par sa negligence ; en tous ces cas on considere la fin et le but de la Coûtume, qui se propose uniquement la conservation des propres dans les familles ; par Arrest du 22. de Juin 1673. au Rapport de Mr Haley d’Orgeville, il fut dit que le prix de l’Office que les parties avoient estimé à quatre-vingt cinq mille livres seroit remplacé sur les conquests faits par le Sieur d’Auxouville, avant que ladite Dame veuve y pûst prendre part. Cela avoit été jugé par un Arrest du 7. de Juillet 1664. au Rapport de Mr Côté, entre Servain et Jacques ; la femme ayant pris le tiers aux meubles, non seulement fut condamnée de contribuer au remploy des propres alienez, mais aussi au remploy d’une Charge. dont elle avoit trouvé son mary saisi, laquelle avoit été perduë faute d’avoir payé le Droit Annuel, et lon ne voulut point en faire de distinction, quoy qu’il parût rigoureux que la negligence du mary fist perdre à une veuve cette petite portion que la Coûtume luy donne dans les conquests. tous ce mot d’alienation nous comprenons encore tous les engagemens et toutes les dettes rontractées par le défunt, alienationis verbo continetur pignoris obligatio, gl. 2. in c. 1. de alienatione feudi in usibus feud. Ce seroit inutilement que Ialienation seroit prohibée qu’à charge de remploy, si d’ailleurs on pouvoit hypothequer ses propres sans en avoir recompense sur les meu-bles, quia per hpothecam facile pervenitur ad alienationem.

Il est vray que dans une Cause plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 3. d’Aoust 1é45. de contraire fut jugé sur ce fait. Un frere avoit légué tous ses meubles à fa seur uterine, qui étoit aussi heritiere aux acquests, elle renonça aux acquests et se contenta de prendre seulement le legs universel des meubles qui luy avoit été fait ; ce frere avoit constitué sur luy plusieurs rentes, ce qui obligea les heritiers aux propres de demander que puisque les acquests n’étoient pas suffisans, les meubles fussent employez au rachapt des rentes, que ces constitutions de rente étoient de véritables alienations du propre ; car n’y ayant point assez d’acquests et les meubles n’y étant point employez, il faudroit vendre nécessairement le propre : La légataire répondoit, que le remploy n’étoit dû qu’au cas d’une réelle et véritable alienation du propre, qu’on ne pouvoit mettre en ce nombre de simples constitutions de rente ; par lArrest la legataire fut déchargée ; mais cet Arrest n’a point été suivi, étant contraire aux anciennes Maximes et à plusieurs autres Arrests. Par un Arrest du 8. de Juillet 1659. entre les nommez Marmion, il fut jugé en faveur de l’heritier au propre, que le legataire universel aux meubles devoit se charger des rentes constituées, vû qu’il n’y avoit point d’acquests, et qu’apparemment les meubles avoient été augmentez des deniers provenans de la constitution de ces rentes, nonobstant que lon se prevalût de l’Arrest cy-dessus. Autre Arrest du 20. d’Aoust 1646. entre Marguerite le Normand et S. Maurice. Autre du 27. de Mars 1655. entre les nommez de Vaux

On a si peu douté que les dettes contractées par le défunt ne fussent une véritable alienation du propre, que l’on a même pretendu qu’une dette payée par la caution du mary devoit être remboursée par la veuve et héritière de son mary : Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 7. d’Avril 1672. entre Demoiselle Françoise du Ménil, veuve de François Boutelet, appellante, et Gaspar Boutelet, intimé ; François Boutelet avoit

cautionné son beau-frère de deux parties de rente, le principal obligé étant insolvable, Gaspar Boutelet, héritier de la cantion fut obligé de payer, et pour sa recompense il fit assigner la veuve de François Boutelet pour y contribuer d’une moitié, ayant eu la moitié des meubles de son mary ; elle y fut condamnée par le Juge d’Exmes, dont ayant appellé, de l’Epiney son Avocat disoit que l’Intimé fondoit mal à propos sa demande sur cet Article puis qu’il ne parloit que de vente de propres, que la Coûtume n’avoit eu pour but que d’empescher les avantages entre gens mariez, qu’ils eussent pû se faire aisément si les acquests ou les meubles eussent été déchargez du remploy des propres ; mais comme l’on presumoit que les deniers provenans de la vente des propres avoient augmenté la masse des acquests et des meubles où la femme prenoit part, il étoit juste d’empescher cette fraude et de remplacer les propres sur les acquests et sur les meubles que l’on ne presumoit point en ce cas proceder de la mutuelle collaboration des conjoints, mais pour les dettes contractées par le mary il n’y avoit pas d’apparence de les comprendre fous le terme de vente ; en tout cas quand on les reputeroit une alienation de propre sujette à remploy, que l’on ne pouvoit étendre cela jusqu’à un cautionnement fait par le mary, toutes les raisons sur lesquelles l’on établissoit cette obligation du remploy des propres manquans en cette renoontre ; car l’on ne pouvoit presumer que les deniers eussent entré en la masse des meubles, puis que le mary n’en avoit rien reçû, et qu’il n’étoit que simple caution, et par consequent la femme n’en pouvoit avoir profité en aucune maniere, ce qui rendoit tres-injuste la condamnation prononcée contr’elles et pour montrer que toutes sortes d’alienations de propres n’étoient pas sujettes à remploy, l’on ne pouvoit contester qu’il n’y avoit point d’obligation de remplacer ce qui avoit été donné Je répondois pour Boutelet, que la Coûtume dans toutes ses dispositions faisant paroître tant de soin et d’inclination à conserver les propres, on devoit en toutes rencontres favoriser son intention et luy donner toute l’étenduë possible, et c’est pourquoy l’on repute et l’on fait passer pour alienation tout ce qui en peut causer la perte ou la diminution ; et puis qu’en ver tu des dettes contractées par le défunt l’on parvient aisément à la vente volontaire ou forcée de ses propres, il est juste de mettre les dettes au nombre des alienations : or le cautionnement que le défunt avoit fait mal à propos d’une personne insolvable, étoit une véritable dette à laquelle son bien étoit hypothequé, qu’il ne suffit pas que les acquests ou les meubles n’ayent point été augmentez par ce cautionnement, que c’est assez qu’il en produise et qu’il en resulte une obligation sur les propres, en vertu de laquelle on les puisse faire vendre, et c’est pourquoy bien que la femme n’en tire aucun profit, elle ne doit pas être exempte d’y contribuer à proportion de ce qu’elle profite des meubles, puis que par l’usage certain de cette Province, il n’y a point de meubles ny d’acquests non seulement que les propres alie nez ne soient remplacez, mais aussi qu’ils ne soient rendus libres et exempts de toutes dettes et hypotheques : que si les veuves heritières de leurs maris n’étoient pas tenuës à décharger s propres d’un cautionnement qu’il auroit fait, ce seroit donner ouverture aux fraudes, unmary emprunteroit le nom d’un homme insolvable, et toucheroit les deniers pour les donner à sa femme : Pour la donation l’on convient que le remploy ne peut en être demandé, mais c’est par cette raison que la Coûtume permet de donner ; que si les choses données étoient sujettes à remploy, la faculté de donner de ses propres seroit renduë inutile, puis que la chose donnée seroit reprise sur les acquests et sur les meubles ; la Cause fut appointée au Conseil sur quelques faits particuliers, mais sur la question generale le sentiment du Barreau étoit qu’il avoit été bien jugé. l’on apprendra par l’espece d’un Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 17. l’Aoust 1634. combien l’on est prevenu dans cette Province de la necessité du remploy des propres, puis qu’on le pretendit si mal à propos sur ce fait. Le procez étoit entre François Asselin. heritier de Claude Emo, fils de Roger Emo, et Tabouret, et ses consorts, heritiers de la femme de Claude Emo ; et il s’agissoit de sçavoir si un fils succedant à son pere, auquel il odevoit trois cens livres de rente, dont par ce moyen il demeuroit quitte, et depuis ce fils étantmort sans enfans, ses heritiers au propre pouvoient demander le remploy de cette rente ; Leur raisonnement étoit que le fils avoit reçû de son père le capital de cette rente, à laquelle il s’étoit constitué envers luy, et qu’il y avoit lieu de presumer qu’il l’avoit employé en acquisitions, que si le pere avoit survécu le fils les heritiers aux acquests eussent été tenus d’ac quiter cette rente, mais le fils ayant succedé à son pere cette rente étoit devenuë propre et quoy qu’il la dût luy-même, qu’elle n’étoit point éteinte par confusion, les droits réels et aypothecaires ne se confondans point par extinction, l. ex sextante, 5. largus de except. re jud. l. debitor sub pignore 59. Ad Senat. Consult. Trebell. qui res suas, S. aream de Solut. D. de sorte que l’obligation et l’hypotheque de cette rente renaissoit en faveur de l’heritier au propre. L’heritier aux acquests répondoit que le remploy n’est dû que du propre aliené, dont les deniers ont été reçûs, qu’en tout cas confusione tollitur obligatio cum jus creditoris & debitoris cadit in eandem personam, l. Stichum, 5. aditio de solut. l. verborum D. eodem, qu’il est in-compatible qu’un homme soit debiteur à soy-même in actu et potentia, que res sua nemini ervit, et obligatio semel extincta non renascitur, que le fils n’avoit rien acquis, et il s’étoit seulement diberé de son obligation ; par l’Arrest les heritiers aux acquests furent déchargez de la rente.

Le remploy ne se fait pas seulement des véritables propres, c’est à dire des biens que celuy de la succession duquel il s’agit a eus à droit successif ; mais on va jusqu’à ce point que la femme n peut être obligée au remploy des acquests faits par son mary avant son mariage, et qu’il a alienez constant iceluy ; car ces acquests sont reputez propres à l’égard de la femme, bien qu’ils tiennent nature d’acquests entre les heritiers du mary ; la raison est que la femme doit le rem-ploy de tous les biens de son mary qu’il possedoit lors de son mariage, et qu’il a alienea contant iceluy quand elle prend part aux meubles et aux acquests ; par Arrest donné en l’Au-dience de la Grand. Chambre le 24. de Juillet 1665. il fut jugé que les acquests dont le maty étoit saisi lors de son mariage, et qu’il avoit depuis alienez, devoient être remplacez sur les acquests, et à ce défaut sur les meubles, et ce à l’égard de la femme et du fils de la femme donataire des meubles ; voicy le fait. Barbot durant son premier mariage avoit fait quelques acquisitions, il épousa en secondes nopces la nommée Moustier, à laquelle il donna tons fes meubles qu’il laisseroit aprés sa mort, et en mariant Mahaut, fils de sa femme, il ratifia cette donation, et en cas que sa femme le predecedât il donnoit tous ses meubles audi Mahaut ; le cas étant arrivé, et Mahaut ayant demandé tous les meubles de Barbot, la seur dudit Barbot et fon hecitiere soûtint qu’il ne les pouvoit avoir qu’en remplaçant les acquests que Barbot avoit faits durant son premier mariage, et qu’il avoit alienez durant le second, ces acquests à l’égard de la femme devant être considèrez comme des propres, la question principale fut de sçavoir si ce remploy-se fe-roit sur les acquests seulement faits constant le mariage, ou generalement sur tous les acquests, tant ceux qui avoient été faits avant le mariage, que durant iceluy ; Mahaut disoit qu’il n’aroit pas les meubles au droit de sa mere, mais en vertu de la donation qui luy en avoit été faite par Barbot, et qu’ainsi à son égard les acquests faits constant le premier mariage ne devoient pas être considérez comme propres pour l’obliger au remploy d’iceux, que cela eûr oû être soûtenu contre la femme, mais non contre luy, qu’il devoit être considéré comme une personne étrangere à qui on n’auroit pû demander le remploy de ces acquests en quelque temps qu’ils eussent été faits, qu’en tout cas il falloit que tous les acquests portassent ce remploy ; car bien qu’à l’égard de la femme les acquests faits avant le mariage fussent censez propres, ils étoient neanmoins acquests à l’égard de toute autre personne, et la donation faite au fils n’étoit pas la donation de la mere, laquelle étoit devenuë caduque par son decez, et ainsi étant une donation différente, elle devoit être considérée differemment, et il ne devoit e remploy sur les meubles qu’en cas qu’il n’y eût aucuns acquests : On répondoit pour ladite parbot, que la même raison de prohibition qui étoit en la personne de la mère, se rencon troit en celle du fils, le mary ne pouvant donner à sa femme ny à ses parens, et ainsi les cquests faits avant le mariage étant un véritable propre à l’égard de la femme, ils l’étoient à l’égard du fils, autrement un mary qui n’auroit que des acquests en se mariant pourroit les faire passer aux enfans de sa femme ; par l’Arrest on ordonna que les acquests faits avant le nariage seroient remplacez sur ceux faits durant iceluy, et au défaut sur les meubles. si au contraire un homme avant son mariage avoit aliené de ses propres, et que durant iceluy il fit des acquisitions en bourgage, ou qu’au défaut d’acquests la femme prit part aux meubles, seroit-elle obligée de contribuer sur sa part des meubles ou des acquests au remploy de ces propres alienez avant son mariage : On peut dire que la disposition de cet Article est generale, et que la Coûtume ne distingue point si les propres ont été vendus devant ou depuis les épousailles, qu’il en pourroit arriver de grands desordres, un homme à la veille de son mariage vendroit et ameubliroit tous ses propres pour enrichir sa femme qui auroit la moitié de ses meubles, sans être chargée du remploy des propres vendus.

D’autre côté il ne semble pas juste d’assujettir la femme à un remploy de propre qui a été ven du avant son mariage, il suffit qu’elle ne s’enrichisse pas des biens de son mary, mais elle ne doit pas porter la peine de son mauvais ménage, ny reparer les dissipations qu’il a faites de son bien avant que de l’avoir épousée ; et puis que la Coûtume a trouvé juste de recompenser ses soins et de luy faire part de l’accroissement de la fortune de son mary, lors qu’elle y a contribué par sa collaboration, il n’y a pas d’apparence de luy demander le remploy d’un bien que son mary ne possedoit plus ors qu’il l’épousa. Il est certain que dans cet Article la Coûtume a eu principalement en vûë d’empescher que le mary ne fist avantage à sa femme, il ne faut donc pas luy donner un autre sens et une autre étenduë ; et comme les remplois des deniers provenus de la vente des propres ne sont censez conquests sinon d’autant qu’il en est accrû au mary, outre ce qu’il en avoit lors des époufailles, il faut conclure par un argument contraire, que la femme n’est tenuë au remploy des propres, sinon d’autant que le propre de son mary est diminué depuis leurs épousailles.

Et bien que la Coûtume rende ce remploy necessaire en toutes occasions, et qu’il puisse arriver que le mary ait conservé les deniers provenans de la vente de ses propres, et que par ce moyen la femme en ait profité, soit qu’ils se trouvent aprés son decez, ou qu’il en ait fait des acquisitions en bourgage, et que les heritiers au propre ayent raison de demander ce remploy ; on épond que s’il y a des meubles ou des conquests en bourgage où la femme prenne moitié, l’autre moitié reste toûjours pour la recompense des heritiers au propre, et quand elle ne suffiroit pas il seroit rigoureux de priver la femme d’un droit que la Coûtume luy donne pour une cause où la même Coûtume ne l’assujettit point : C’est aussi le sentiment de Bérault, Si dit-il, le mary avoit aliené avant le mariage, l’acquest qu’il fera constant iceluy jusqu’à la concur. rence de l’alienation ne sera point estimè remplacement pour le regard de la femme, ains conquest, parce qu’il est acquis depuis les épousailles ; mais on ne fait point cette distinction à l’égard de divers heritiers, les uns au propre, et les autres aux acquests, et il semble que cette question ne doive plus être problematique aprés l’Article 65. du Reglement de 1666. dont voicy les termes : Le remploy des immeubles que le mary ou la femme possedoient lors de leur mariage, doit être fait sur les immeubles qu’ils ont acquis depuis ledit mariage, et n’aura la femme part ausdits meubles et acquests, qu’aprés que ledit remploy aura été fait. Il refulte évidemment de ces paroles, les immeubles que la femne ou le mary possedoient lors de leurs épousailles, que la femme n’est pas tenuë au remploy des hérita-ges que son mary ne possedoit point lors de ses épousailles, puis que la Coûtume ne l’assujettit expressément au remploy que de ce qu’il possedoit en ce temps-là. Nonobstant ces raisons, le pan-chant que nous avons à conserver les propres et à diminuer les avantages des femmes est si grand, que l’on a de la peine à souffrir que la part que la femme prend aux acquests et aux meubles soit exempte du remploy des propres en quelque temps qu’ils ayent été alienez Et pour la question que Berault propose comme douteuse touchant un homme, lequel avant fon mariage auroit acquis un héritage en Caux, et qu’il auroit revendu depuis son mariage. et remplacé en Bourgage, sçavoir si la femme y auroit part comme à un acquest fait en Bourgage, ou si elle y auroit doüaire seulement ; elle n’est plus problematique aujourd’huy, et c’est une maxime certaine qu’elle n’y auroit que doüaire La consignation que le mary fait sur ses biens des deniers dotaux de sa femme est aussi reputée une alienation du propre, dont les heritiers aux meubles et acquests sont obligez de décharger les propres, comme on le verra dans la suite.

Bien que la donation soit une espèce d’alienation, il est certain neanmoins que les choses données ne sont point sujettes à remploy ; Arrest en 1654. sur ce fait. Une femme nommée Racine fit une donation entre vifs de cinquante livres de rente à prendre sur ses propres pour une Fondation, avec cette clause que ses heritiers aux acquests n’en seroient aucunement chargez ; aprés son decez son heritier au propre pretendoit que c’étoit une donation à cause de mort, ou en tout cas qu’elle devoit être prise sur les acquests, n’y ayant point d’acquests que le propre ne soit remplacé : On répondoit pour Massieu heritiere aux acquests, que la donation n’étoit point sujette au remploy ; par l’Arrest l’on confirma la sentence qui deboutoit l’heritier au propre de sa demande. Autre Arrest du 5. de Decembre 1661. au Rapport de Mr Auber, entre le sieur Fosse, et Marie Ferrand, par lequel il fut jugé que l’heritier au propre ne pouvoit demander de remploy à l’heritier aux acquests du tiers d’une rente dotale donnée par une femme à son second mary, mais seulement des deux autres tiers. Autre Arrest du 5. d’Avril 1639. par lequel il fut dit que des rentes foncieres assignées sur un ancien propre en faisant une Fondation ne doivent point être remployées sur les acquests, quoy qu’il y eût clause d’hypotheque generale sur tous les biens Il fut jugé en cette espèce qu’il n’étoit dû aucun remploy. Une femme avoit porté à son mary treize cens livres, tant en argent qu’en meubles, de cette somme le mary en avoit constitué quatre cens livres en trente livres de rente pour tenir nature de dot, le mary n’ayant laissé que des meubles, sa femme reprit cette rente et ses autres droits sur ses meubles ; elle fit en suite un Testament, par lequel elle donna tous ses meubles à divers legataires ; son heritier pretendit que les quatre cens livres qui avoient été constituées en trente livres de rente dotale devoient être repris sur les meubles, à quoy il fit condamner les legataires ; mais en ayant appellé, ils representerent que cette somme que la femme s’étoit constituée en dot sur son mary étoit un véritable acquest, ne paroissant point que les deniers ou les meubles qu’elle avoit portez à son mary procedassent de ses pere, niere ou freres, car en ce cas cette dot eût été un propre ; mais cela n’étant pas, c’étoit un acquest dont elle avoit pû recevoir le rachapt, et étant devenu un meuble elle avoit eu droit d’en disposer : L’heritier de la femme appuyoit sa pretention sur cette raison, que le remploy de la dot avoit été véritablement pris sur les meubles, parce que le mary n’avoit point laissé d’immeubles, mais que cela n’en empeschoit pas le remploy, puis que c’étoit un immeuble ; par Arrest du 13. de Mars 1664. la Sentence fut cassée, et ordonné que le Testament seroit executé Aprés avoir parlé des personnes qui peuvent demander le remploy des propres, de celles qui sont tenuës de le fournir, et pour quelles sortes d’alienations il est dû, il est de l’ordre de discuter comment et sur quels biens il doit être fait.

Les acquests sont le premier sujet du remploy des propres, et lon ne le fait porter sur les meuble qu’au défaut d’iceux ; cet Article le decide expressément, et c’est sur iceluy que l’on a fondé cette Maxime, qu’il n’y a point d’acquests que le propre ne soit remplacé : Et quoy qu’il semble que cet Article ne parle que de la femme, et qu’il ne donne point d’action aux heritiers au propre contre les heritiers aux meubles et acquests, il est sans difficulté néanmoins, comme je l’ay déja remarqué cu-dessus, que l’action en remploy peut être exercée contre les heritiers aux meubles et ac-quests par les heritiers au propre ; cela fut jugé par l’Arrest de Cherville, rapporté par Berault sur ces Article.

Il y eut plus de difficulté pour étendre ce même remploy sur les meubles, mais elle fut terminée par le même Arrest de Cherville, et par un autre donné en la Chambre des Enquêtes le 2. d’Aoust 1634. au Rapport de Mr de Vigneral, entre le Messe et Despernon.

La Coûtume d’Auvergne, Ch. 12. Art. 17. et suivans, et celle de la Marche, depuis l’Article 234. jusqu’au 238. lemblent avoir quelque rapport à la nôtre, en ce qu’elles ordonnent ue l’heritier aux meubles et acquests payera les dettes de la succession à la décharge du propre.

Les meubles sont tellement affectez à la décharge ou au remploy du propre, que quoy u’il y ait consignation actuelle de la dot, si toutefois la veuve est legataire universelle des seubles de son mary, elle doit au défaut d’acquests décharger les propres de la rente dotale sur la moitié des meubles qui luy ont été léguez. Guillaume de Sainte Mereglise avoit consigné quinze cens livres pour la dot de Demoiselle Renée du Châtel sa femme, et n’ayant point d’enfans il luy legua tous ses meubles : Depuis Philippes de Pierrepont qui l’avoir épousée en secondes nopces, ceda à Charles Branche ces quinze cens livres qui étoient constituées en cent sept livres de rente ; Branche ayant demandé cette rente à Henry le Coû, mary de Loüise de Sainte Mereglise, et à ses autres soeurs, le Coq appella de Pierrepont en garantie pour l’en décharger, ce qui fut contredit par Pierrepont, qui disoit que la dot ayant été consignée, elle ne pouvoit être prise sur les meubles : Le Coq répondit que les propres ne pouvant être chargez de cette rente, parce que ce seroit une alienation, et abandonnant les acquests elle devoit. être payée nécessairement sur la part des meubles leguez ; ce qui fut jugé de la sorte, par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 23. de May 1662. plaidans Theoude, et de l’Epiney

Autre Arrest pareil, du 11. de Mars 1677. entre M. François Sallinguant Procureur au Bail. liage Siege Presidial de Roüen, heritier au propre de Me David Sallinguant son frère, appellant de Sentence renduë par le Bailly dudit Roüen ou son Lieutenant, le 13. d’Octobre 1676. par laquelle sur l’appel de la Sentence du Vicomte dudit Roüen, du 22. d’Aoust 1676. qui portoit aprés la déclaration dudit Sallinguant qu’il abandonnoit les acquests faits par ledit défunt Sallinguant son frère à Magdelaine Hardoüin sa veuve, heritière et légataire universelle des meubles d’iceluy, qu’il étoit déchargé de la faisance et continuation de la partie de deux cens livres de rente dotale, à laquelle fin icelle Hardoüin seroit tenuë de representer son Traité de mariage pour être dossé, autrement et à faute par elle de ce faire ladite Sentence luy vaudroit de décharge, et ledit Sallinguant permis de bailler mémoire des propres alienez dudit défunt son frere, pour par ladite Hardoüin se charger du remplacement d’iceux, en quoy faisant le transport fait a Me Philippes Néel Avocat en la Cour, de ladite partie de deux cens tivres de rente dotale par ladite veuve déclaré resolu : Il avoit été dit par ledit Bailly, qu’il avoit été mal jugé en corrigeant et reformant, iceluy Sallinguant condamné de payer et continuer la dot en question audit Néel, avec dépens. De l’Epiney sur l’appel de Sallinguant, disoit que la veuve étoit legataire universelle des biens-meubles de son mary, et que n’ayant point fait faire d’inventaire la Sentence devoit être cassée ; et du Hequet ayant défendu pour ladite veuve Sallinguant, par l’Arrest la Sentence du Bailly fut cassée, et celle du Vicomte confirmée.

Pour exempter les heritiers aux meubles et aux acquests du remploy des propres, l’on a sousent agité cette question, si les charges et les dettes que le défunt avoit acquitées, et dont il avoit liberé ses propres, devoient tenir lieu de remploy pour ceux qu’il avoit alienez, lors que par le Contrat de rachapt il n’en étoit point fait mention ; Outre l’Arrest de Boisdane. mets, dont j’ay parlé sur l’Article CCexCV. la question a été jugée sur ce fait. Miches Gohon, sieur de Corval, avoit reçû dix-huit cens soixante et six livres pour sa part de deux cens livres de rente rachetées par le sieur de Panneville, le 26. de Novembre 1653. Le 4. de Decembre ensuivant il fit le rachapt de cent cinquante livres de rente, qui étoient dûs tant par ledit sieur de Corval que par ses coheritiers, mais dont il devoit pour sa part quatorze cens divres ; aprés sa mort Charlote du Hamel sa veuve employa dans les lots qu’elle fit, tant pour son doüaire que pour sa part aux conquests une rente de cent cinquante livres acquise par son mary constant leur mariage ; les lots ayant été blâmez par Marguerite Corval, et les enfans de Michel Gohon, fils ainé dudit sieur de Corval, qui demandoit que les dix-huit cens soitante et six livres reçûs par ledit feu fieur de Corval pour le rachapt d’une rente qui faisoit partie de ses propres, fussent remplacez sur cette rente de cent cinquante livres qu’il avoit acquise, la veuve dudit sieur de Corval y avoit consenty ; depuis elle crut qu’elle s’étoit trompée, et s’étant pourve par Lettres de récision, elle soûtenoit que fon mary ayant payé qua-torze cens livres pour le rachapt d’une rente dont son propre étoit chargé, cela tenoit lieu de remploy de pareille somme du nombre des dix-huit cens soixante et six livres qu’il avoit reçûs, et que par consequent il ne restoit plus à remplacer que quatre cens soixante et six livres eanmoins par Arrest du 5. de Mars 1666. elle fut deboutée de ses Lettres, et il fut ordonné que sur la partie de cent cinquante livres de rente qui tenoit nature d’acquest, il en seroit pris dix-huit cens soixante et six livres pour servir de remploy de la rente raquitée par le sieur de Panneville, et que les deux cens trente-quatre livres restans du principal desdits cent cinquante livres de rente seroient employez dans les lots des acquests. Cet Arrest marque que l’on tâche en toutes manieres d’augmenter-les propres, et d’en favoriser le remploy ; car quoy qu’il semble que c’est assez les remplacer lors qu’on les libere des dettes dont ils sont chargez, toutefois cette liberation n’étant qu’une extinction, elle n’équipolle point à an remploy s’il n’y a déclaration d’employ expresse pour cet effet.

Ce qui marque une difference extrême de nôtre Coûtume d’avec celle de Paris, qui tent perpetuellement à diminuer les propres pour accroître les acquests ; et bien loin de pratiquer e remploy des propres, elle permet de reduire en acquests ious les propres par la seule vente qui en est faite ; et par l’Article 334. de la même Coutume, les heritiers aux propres sont si mal-traitez, qu’on les fait contribuer aux dettes du défunt avec les heritiers aux meubles et acquests, pour telle part et portion qu’ils amendent de ses propres.

Cette difference de la Coûtume de Paris, qui fait contribuer l’heritier au propre avec l’heritier aux meubles et acquests aux dettes du défunt, d’avec celle de Normandie qui les en décharge entièrement, fit naître une grande question pour sçavoir si les propres d’un homme étans en Normandie, et ses acquests et ses meubles à Paris, les heritiers au propre pouvoient obliger l’heritier aux meubles et acquests à payer toutes les dettes ; Le fait étoit que feu Messire Nicolas Jean, Seigneur de Breteville, étoit originaire de Normandie, et tous ses biens y étoient situez : en l’année 1633. il traita d’un Office de Conseiller au Grand Conseil qu’il exerça jusqu’à sa mort, et durant ce temps il fit acquisition de plusieurs maisons à Paris, et y faisoit sa demeure la pluspart du temps ; étant moit sans enfans, Me Nicolas Vallognes devint heritier pour une moitié aux propres, et Mr d’Anviray Conseiller en la Cour pour une autre moitié ; et Jean de Lintot Ecuyer, sieur de Boshulin, ayant épousé Demoiselle Françoise Cavelier, et Demoiselle Marguerite Cavelier, veuve de Charles Bosquet, heritiers aux meubles et acquests.

Il se mût d’abord trois questions entre ces trois heritiers ; la première, si les heritiers des meubles et acquests dudit sieur de Breteville ne seroient pas obligez de remplacer les propres qu’il avoit alienez en la Coûtume de Normandie sur les acquests par luy faits tant en Normandie qu’en la Coûtume de Paris :

La seconde, si les deniers qui provenoient d’un remboursement de rentes que le sieur de Breteville possedoit de son propre sur la Recepte generale des Gabelles de Roüen, et que le Roy avoit supprimées, seroient reputez mobiliers ou immobiliers, et s’ils appartiendroient aux heritiers au propre ou aux heritiers aux acquests Et la troisiéme, si les heritiers des meubles et acquests pouvoient obliger les heritiers aux propres qui étoient tous situez en Normandie, de contribuer au payement des dettes de la succession du sieur de Breteville à proportion de ce qu’ils en amendoient Pour la premiere question, les heritiers au propre furent obligez de l’abandonner ; car quoy que l’on soûtint en leur faveur que par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Roüen donnez en interpretation de l’Article CCVIII. de la Coûtume de Normandie, les heritiers aux meubles et acquests sont condamnez au remplacement des propres alienez, même au de-là des forces Aade la valeur des meubles et acquests, ce qui affecte plûtost la personne que les héritages, et est plus personnel que réel, et que par consequent les heritiers aux meubles et acquests du sieur de Breteville étoient obligez au remplacement sur les acquests de Normandie et de Paris, parce que dés le moment que les heritiers des meubles et acquests apprehendent la succession d’un défunt, ils contractent une obligation personnelle de remplacer, laquelle obligation produit en consequence une liypotheque generale sur tous leurs biens en quelques lieux qu’ils soient situez ; néanmoins comme suivant nos propres Maximes, il n’y a point de remplacement de Coûtume à Coûtume, il n’y avoit pas lieu de demander n remploy des biens de Normandie sur des biens situez à Paris, les heritiers aux acquests consentans le remploy des propres sur les acquests de Normandie.

Pour la seconde question j’en parleray sur l’Article suivant ; mais toute la contestation tomba sur ce point, à sçavoir si les heritiers aux meubles et acquests pouvoient Bbliger les hecitiers aux propres qui étoient tous situez en Normandie, à la contribution aux dettes ; Comme il étoit important pour la décision de ce different de regler le domicile du feu sieur de Breteville, les parties n’en convinrent pas ; mais il étoit constant que son véritable domicile étoit à Paris.

Les heritiers au propre disoient que par la Coûtume de Normandie les propres étant exempts. de contribuer aux dettes, la Coûtume de Paris ne peut les y obliger ; que l’action pour dé charger les propres du défunt du payement de ses dettes est purement réelle, et ne se doit regler que par l’usage et la Coûtume de leur situation ; que rien ne peut être mis en parallele contre la Coûtume des propres, quand il s’agit de leur impuser une charge, et que le payement les dettes n’est pas une action personnelle, mais une action de partage, dautant qu’en demandant la contribution il n’y a rien que de réel, la personnalité ne s’y trouvant nullement, que l’action d’un heritier aux acquests contre un heritier au propre est partant une action réelle, qu’il y a bien de la difference de laction du creancier contre lheritier, et de celle de lheritier aux acquests contre lheritier des propres, qui n’est qu’une action réelle pour fait de succession qui n’a point d’obligation ny de contrainte acquisé in personam de l’heritier au propre, mais seulement in rem, que c’est une erreur de dire que les actions personnelles d’un défunt se reglent par la Coûtume de son domicile, et qu’il y a grande différence entre l’actif et le passif d’une, ccession ; que véritablement les actions personnelles d’un défunt pour le recouvre-ment de ce qui luy est dû suivent la Coûtume de son domicile, mais autre chose est pour les dettes passives, qui est de rejetter les dettes sur les propres, il n’y a rien que de réel et non sujet aux regles du domicile, que vouloir transmettre l’obligation personnelle d’un défunt à ses heritiers est chose captieuse, il y a toute différence, le creancier a son hypotheque par tout, et les heritiers entr’eux doivent suivre l’usage et la Coûtume de la situation, il s’agit donc entr’eux de modo succedendi ; et de plus, que quand le domicile de Mr de Breteville seroit à Paris, ce seroit une consequence fausse que de dire que celuy de l’heritier y est aussi, et sur ce les heritiers aux acquests alléguent que les Coûtumes sont réelles en ce qui dépend de la simple disposition de la Coûtume, et non lors qu’il y a de la disposition de l’homme qui attire l’hypothecaire et la réelle. Il répond qu’il n’y avoit point de disposition de l’homme, n’y ayant eu aucune convention par Contrat que les heritiers des acquests feroient contribuer aux dettes ceux des propres, et ainsi la disposition de l’homme manquant il faut de necessité suivre la realité de la Coûtume, et s’agissant de rejetter les dettes sur les propres, c’est le vray cas de la realité de la Coûtume, qu’ils tachent de bailler le change quand ils disent que s’agissant du payement des dettes, il s’agit de sçavoir si l’heritier des propres a une action en vertu de l’usage de Normandie contre les heritiers des acquests, et si cette action s’exercera dans la Coûtume de Paris en la soûmettant à cet usage de Normandie, mais que ce n’est pas là le fait de la Cause, que lesdits heritiers aux acquests sont Demandeurs, et ledit Vallognes Défendeur, et ainsi que ce n’est pas luy qui fera sortir la Coûtume de Normandie hors de son érritoire, mais les Demandeurs qui veulent faire sortir la Coûtume de Paris hors ses limitess et sur ce que les Demandeurs objectent que les rentes constituées sont dettes personnelles, et gue le creancier se peut vanger sur tous les biens de la succession, le Défendeur dit qu’il a été répondu que l’action du creancier n’a point de rapport avec les divers heritiers, l’heritier aux ropres de Normandie a son indemnité des dettes sur les heritiers aux meubles et acquests, non seulement pour ce qu’il profite de la succession, mais encore au de-là des forces d’icelle s’il s’est porté heritier pur et simple, et quand il n’est qu’heritier beneficiaire, il faut que tous les meubles et acquests soient épuisez pour la garantie des propres ; que quand le Défendeur viendra prendre des propres à Paris, il faudra qu’il contribué aux dettes à proportion desdits ppopres de Paris seulement, mais que pour ceux de Normandie il est ridicule aux heritiers des acquests de pretendre exercer un recours sur eux pour les rendre contribuables aux dettes, qu’il n’est pas permis d’abandonner les acquests de Normandie et se tenir à ceux de Paris. sous pretexte de la succession ouverte à Paris ; et comme en Normandie les meubles et acquests sont sujets à l’indemnité des propres, il faut que l’heritier des meubles et acquests acquite toutes les dettes en liberant les propres ; répondant à l’objection qui luy est faite, que Godefroy, l’un des Commentateurs de la Coûtume de Normandie dit qu’entre divers heritiers ils contribuent au payement des dettes ; le Défendeur répond que cela se pratique entre les aeritiers paternels et maternels du défunt, et non entre des heritiers les uns aux acquests et les autres au propre, que par l’Article 106. du Reglement de 1666. les propres doivent être remplacez sur tous les acquests pour montrer qu’ils y sont tous sujets, que la décharge des propres de contribuer aux dettes se trouvera d’autant plus juste, que la pluspart d’icelles sont dûës à cause desdits acquests ; or cela est certain dans les Coûtumes même qui veulent la contribution entre divers heritiers, et où il n’y a point de remplacement comme en Normandie, que les heritiers des meubles et acquests sont seuls tenus des dettes pour raison des mêmes acquests, suivant l’opinion de Me Guy Coquille sur l’Article 4. de la Coûtume de Nivernois quile confirme par plusieurs Textes de Droit, parce que les dettes de la chose faites et privilegiées sur icelles doivent être préférablement acquitées par la chose même, que si cela a lieu dans la Coûtume où il y a contribution, à plus forte raison doit-il avoir lieu dans les Coûtumes dont la realité doit être suivie, comme celle de Normandie pour l’indemnité des propres. a quoy il fut répondu par les Demandeurs, que dans toute la Coûtume de Normandie il n’y a pas un mot qui dife que les propres ne contribuent point aux dettes, les Com-mentateurs ont bien dit qu’il se fait un remplacement des propres alienez sur les acquests, au moyen duquel les propres sont exempts des dettes ; mais supposé que cela fût constant, ce remplacement ne pourroit être fait que sur les biens acquis en Normandie, car autrement ce seroit une action de recours que les heritiers au propre exerceroient en vertu de la Coûtume de Normandie sur des acquests situez en celle de Paris, ce qui ne se peut atrendu la realité des Coûtumes, et que le pouvoir de chacune est borné par ses limites ; et ce que le Défendeur dit, que quand l’heritier des acquests fait une action contre celuy des propres pour le faire contribuer aux dettes est leur vouloir imposer une charge, n’est pas vray, parce qu’elle étoit imposée par l’obligation de Mr de Breteville, qui en contractant affecta tous ses biens au payement de ses dettes ; et quand l’heritier des propres allégue qu’il en doit être exempt au moyen dn remplacemont qui se fais des propres alienez sur les acquests, ce n’est qu’une action en recours qu’on ne peut exercer en vertu de la Coûtume de Normandie hors ses limites.

Les heritiers des meubles et acquests pretendent aussi que l’Article CCCCVIII. de la Coûeume de Normandle étant sous le Titre du Doüaire, n’a relation qu’entre le mary et la femme, mais l’explication des Arrests est contraire ; de sorte qu’il est vray de dire qu’il n’y a point d’acquests qu’aprés le rempbacement dos propres, mais il ne faut pas pretendre que cela s’étende sur les acquefts faits hors la Normandie, ny même sur les meubles quand la succession n’y est point ouverte, et que celuy de la succession duquel il s’agit n’y étoit point domicilié. Lal Maxime qui veut que les meubles et les acquests se reglent suivant la Coûtume du domicile fait encore oontre les heritiers du propre, parce que deux choses sont certaines ; la première, que Mr de Breteville avoit son domicile à Paris ; la seconde, que la Coûtume de Paris n’ordonne point ce remplacement, et partant les heritiers des meubles et acquests abandonnant les immeubles seis en Normandie doivent être déchargez de cette action : Les mêmes raisons ont encore une consequence plus forte pour décider la question du payement des dettes, dautant qu’il n’y a point d’Article dans la Coûtume de Normandie qui fonde la pretention de l’heritier au propre, mais seulement un usage qu’il est bien plus aisé de renfermer dans les limites de la Province que l’on ne feroit un Article pracis ; en tout cas l’on ne peut donner plus à la Coûtume de Normandie, que de luy prêter les Articles des autres qui ont un usage pareil, comme sont Mantes, Senlis, Bourbonnois, Amiens ; mais la disposition de ces Coûtumes est conçûë en termes affirmatifs, en sorte qu’il n’y en a aucune qui dife que les propres ne peuvent être tenus des dettes, point d’Article negatif, comme celuy qui dit que les héritages ne peuvent être chargez du doüaire au de-là du tiers, ainsi rien qui se puisse appeller réel, rien qui fasse partie de l’immeuble, rien qui fasse dire que le propre est exempt du payement des dettes, ces Coûtumes disent que l’heritier des meubles doit les dettes, et de-là l’on induit, que l’heritier des proprés ne les doit point, et cela per accidens, que le propre en est exempt, et non pas primariâ et per st, donc le propre scis en Normandie n’a point en soy de privilege, point de réel qui soit attaché à sa situation, mais seulement il s’en trouve exempt quand l’heritier des meubles et des acquests y est obligé, ce qui est toûjours vray quand le domicile de celuy de la succession duquel il s’agit est en Normandie ; car alors la succession fe reglant suivant cette Coûtume, l’heritier aux acquests doit les dettes, et au contraire cela ne doit point être vray quand le domicile est dans une Coûtume qui en dispose autrement, comme celle de Paris ; car alors comme dans cette Coûtume l’heritier aux meubles n’est assujetty aux dettes qu’à proportion de son émolument, cette presupposition qui fait lexemption des propres de Normandie ne se trouve plus, il n’y a plus de lieu de les dire exempts des dettes, uis qu’il n’y a point de personne que la Coûtume ait eu droit d’assujettir à les payer, il y a bien un heritier des meubles, mais la Coûtume de Normandie n’a pas lieu de luy rien ordonner, parce que le domicile du défunt n’est pas dans son détroit, l’heritier des propres de Normandie n’a pas droit de se servir contre luy de l’usage du païs, parce que ce n’est pas une loy écrite pour les propres scis en Normandie, c’est une loy écrite pour des meubles qui n’ont point de situation et point d’autre regle que celle du domicile.

Le Défendeur convient que s’il y avoit des propres à Paris et en Normandie, il ne seroit tenu de contribuer aux dettes que pour les propres de Paris, la même consequence se tire pour les heritiers aux acquests, que s’il y en avoit à Paris et en Normandie, il n’y auroit ue les acquests qui y sont situez sujets au remplacement ; puis donc qu’il seroit bien permis aux heritiers des propres de n’abandonner que ceux situez à Paris à la contribution, sans que ceux de Normandie y pussent être sujets à cause de la realité des Coûtumes, par la même raison les heritiers des acquests ne pourroient pas être obligez de soûmettre audit remplacement d’autres acquests que ceux de Normandie.

Que si ces mots de l’Article 107. du Reglement de 1666. seront remplacez sur tous les acquests immeubles, s’entendoient sur ceux situez en la Coûtume de Paris elle auroit un pou voir bien ample, et les autres ne seroient plus réelles ; mais les Demandeurs se servent de ce même Article 107. quand il admet le remploy des propres sur les acquests, ce n’est que quand les uns et les autres sont situez en la Coûtume de Normandie, laquelle ne peut porter sa disposition ailleurs. L’Article 67. du même Reglement est conçù en ces termes ; Les beritages se partagent selon la Coûtume des lieux où ils sont situex lors de la succession échuë, et non selon la Coûtume des lieux où étoient situez ceux ausquels ils sont subrogez ; D’où il resulte que la Coûtume prohibe ledit remplacement, quand les propres et les acquests sont situez hors le détroit de la Coûtume de Normandie. Aussi suivant l’avis des plus celebres Avocats de Normandie, attesté par Mr le Procureur General dudit Parlement, c’est une Maxime et un Usage certain en ladite Province que quand il y a differens heritiers, les uns aux propres, fé et les autres aux meubles et acquests, le remplacement des propres se fait sur les acquests, uand les uns et les autres sont situez en la même Province et sous la même Coûtume ; mais ti quand les uns et les autres sont sous d’autres Coûtumes cet ordre cesse, et l’on y tient pourm pareille Maxime et Usage non contesté, qu’il n’y a point de remplacement de propre sur acquests de Coûtume à Coûtume, et qu’en ce cas les biens sont partagez entre les heritiers au propre et ceux des acquests selon la Coûtume des lieux où ils sont situez, et de même que les prores alienez en la Coûtume de Normandie ne peuvent être remplacez sur les acquests situez hors de fon détroit, l’on n’y reçoit point aussi l’action de remplacement desdits propres alienez hors ladite Province sur les acquests faits en icelle ; par Arrest du 7. de Decembre 1673. n la Grand. Chambre du Parlement de Paris, au Rapport de Mr du Laurens, ledit Vallognes fut condamné de contribuer au payement tant du principal que des arrerages des dettes sont la succession dudit feu sieur de Breteville se trouvoit chargée, et ce pour telle part et portion que ledit Vallognes profitoit desdits propres ; et pour connoître ce que chacun des heritiers au propre et des heritiers aux acquests devoit porter desdites dettes, on ordonna qu’estimation et ventilation seroit faite des propres, meubles et acquests. Il est certain que les heritiers aux meubles et acquests tiroient avantage fort mal à propos de la Consultation des Avocats de Normandie ; ils attestoient seulement que l’usage étoit qu’il n’y a point de subrogation de Coûtume à Coûtume, et que l’on ne pouvoit pas demander le remploy d’un propre scis en Normandie sur des acquests scis à Paris ; mais il ne s’ensuivoit pas de cette Maxime que les propres de Normandie dûssent contribuer aux dettes avec les acquests situez à Paris ; car rien n’est plus contraire à l’esprit de nôtre Coûtume et à nos Usages, suivant lesquels les propres sont entièrement déchargez des dettes contractées par celuy de la succesfion duquel il s’agit : Il est vray que par l’Article 234. de la Coûtume de Paris, les heritiers ux propres contribuent avec ceux des acquests au payement des dettes, mais il ne doit avoir lieu que quand tous les biens generalement, meubles, acquests et propres, se trouvent situez sous la Coûtume de Paris, tous les Commentateurs de cette Coûtume demeurans d’accord qu’il n’a point d’extension dans les autres Coûtumes qui ont des dispositions ou des Usages contraires : Donc la Coûtume de Paris ne pouvant sortit hors de ses limites, et les ropres de Normandie devant être déchargez des dettes par les meubles et acquests, elle ne reut jamais s’appliquer ny faire regle pour les biens de Normandie.

Ce fondement posé, que la Coûtume de Paris ne peut avoir d’empire ny de pouvoir sur les propres situez en Normandie, l’Arrest est tout à fait contraire à la Coûtume de Normandie ; car on objecteroit inutilement que la Coûtume de Normandie ne peut pas faire loy pour les meubles et les acquests qui sont à Paris. On convient de ce point ; mais on répond que ce n’étoient pas les heritiers aux propres qui atraquoient les heritiers aux meubles et acquests, ils étoient en une paisible possession de leurs propres, et les creanciers du sieur de Breteville ne leur demandoient rien ; c’étoient donc les heritiers aux meubles et acquests qui les attaquoient, et qui demandoient la contribution aux dettes par les propres, et qui par consequent touloient que la Coûtume de Paris fist loy sur des propres de Normandie : Ils ne pouvoient donc être traduits hors leur Jurisdiction pour leur faire changer de Loix et de Coûtumes, puis que ce n’étoit qu’à raison des propres de Normandie que l’on avoit action contr’eux, et que ces propres ne pouvoient être reglez par d’autre loy que par celle de leur situation. Ils venoient donc attaquer la Coûtume de Normandie dans son propre détroit, et ils vouloient porter celle de Paris hors de son térritoire pour la faire régner en Normandie.

Il est impossible dans les regles qu’en fait de realité de Coûtumes d’on puisse se dispenser de suivre la Coûtume de la situation des biens, quand ce n’est qu’à raison des mêmes biens que la demande est fondée ; et c’est pourquoy l’on disputoit en vain la quelle des deux Coûtumes doit être la plus forte, parce qu’il ne se doit jamais faire de combat de Coûtumes que pour les actions purement personnelles et mobiliaires, mais non pas pour les actions réelles ainsi dans les regles il ne falloit suivre la Coûtume de Paris qu’en cas qu’il y eût des propres dans son térritoire, mais n’y en ayant point, il n’étoit pas juste d’étendre sa disposition sur les propres qui avoient tous leur situation en Normandie.

Quoy qu’il soit vray que les dettes doivent être acquitées sur les meubles et sur les acquests, neanmoins lors qu’il v a de differens heritiers, chaque succession doit porter sa charge ; c’est à dire que si la succession dés propres est chargée de quelques dettes, l’heritier aux acquests n’est point tenu de l’acquiter ; ainsi jugé en la Grand. Chambre le 19. d’Aoust 1659. entre les hetitiers au propre de feu Mr Veron Conseiller en la Cour, et ses heritiers aux acquests : La uccession des propres étoit chargée de vingt livres de rente, les heritiers des propres soûtenoient que les heritiers des acquests les devoient décharger, n’y ayant point d’acquests que es propres ne soient en leur entier : que si l’on avoit vendu des propres pour acquiter cette rente, le prix en seroit repris sur les acquests ; mais l’on jugea que les successions devoient e partager en l’état qu’elles se trouvoient, que chaque succession devoit porter sa charge, et que n’y ayant point d’alienation il ne falloit point de remploy ; plaidans Dehors, et de Cahagnes.

Que s’il étoit question de reprendre le propre maternel lur la masse de la succession, en ce cas les heritiers paternels et ceux des acquests contribueroient au marc la livre, pourvû que ce ne fût pas une dot qui eût été reçûë et constituée par celuy de la succession duquel il s agit, car cette dot seroit entièrement levée sur les acquests et sur les meubles.

L’Article 65. du Reglement de 1666. qui contient que le remploy des propres doit être fait au lol la livre sur les immeubles acquis constant le mariage, a terminé la question agitée par Me JosiasBerault , et par Me JacquesGodefroy , sçavoir sur quels conquests le remploy des propres doit être fait, lors qu’il y en a en bourgage et hors bourgage ; Elle s’offrit en l’année 1651. en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de la Place Ronfeugeres, et les Juges s’étant trouvez partis en opinions, l’affaire fut encore partagée en la Grand. Chambre, et enfin aux Chambres assemblées il passa à dire que le remploy des propres seroit pris au sol g a livre sur les acquests tant en bourgage que hors bourgage, entre le Cauchois et Godebin et sur cet Arrest l’on a formé ledit Article 65. du Reglement de 1666.

Il reste à expliquer sur quelle valeur le remploy doit être fait, si c’est sur le prix des Contrats d’alienation ou sur la juste estimation du propre au temps du denez de celuy de la suc-ression duquel il s’agit. La question en fut plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 13. de May 1636. entre le sieur Morel, Tresorier de France à Caen, heritier aux meubles et acquests du sieur de Janville, Conseiller au Presidial de Caën, et les heritiers au propre : On disoit pour l’heritier aux acquests que le remploy ne doit être fait que sur le prix des Contrats qui ont été faits sans fraude, dautant que chacun étant le maître de son bien il peut en disposer à sa volonté, l’heritier doit prendre les choses en l’état qu’elles se trouvent lors que la succession est ouverte, qu’il n’a point d’action réelle pour demander les conquests, mais une action simple pour demander le remploy qui ne consiste qu’en deniers, et pour être remboursé du prix que le défunt même a mis à la chose par son Contrat, qu’au temps de la vente il étoit incertain si le défunt auroit des enfans ou non, il ne sçavoit s’il auroit divers heritiers, que les dispositions de droit au titre de legatis et fideicom. et de restit. hered. qui obligent ceux qui alienent à rétablir les choses venduës, sont fondées sur ce que ces choses-là sont sujettes à restitution, et que l’on n’est pas le véritable seigneur et proprietaire de la chose que l’on est obligé de restituer, que restitutioni subjacent non alienantur. Authent. restitutioni C. Communia de leg. et fideicom. mais celuy qui est le maître absolu de son bien en peut disposer à sa volonté

L’heritier au propre répondoit que la Coûtume a voulu que les acquisitions ne fussent reputées conquests que le propre aliené ne fût remplacé, que cet Article étant conçù en ces termes negatifs ne sont, il semble que ce remploy doit être fait en même substance, en fonds q et non en deniers, qui de pretio rerum venditarum alias comparat diminuisse non videtur, sed inde quod comparatum est vice permutati dominii restituitur, & illud non absumitur quod in corpore patrimonii retinetur, l. Imperator, S. ult. et l. sed. de leg. 2. l. sed, et si 25. de petit. hered. Si l’on remplaçoit en deniers, l’heritier aux acquests auroit un grand avantage, ce qui auroit été vendu à vil prix vingt ou trente ans auparavant, s’il étoit encore en essence vaudroit la moitié davantage, les conquests peuvent avoir aussi augmenté de valeur, ainsi l’heritier au propre perdroit, et l’heritier aux acquests y profiteroit, ce qui seroit contre l’intention de la Coûtume, qui a voulu conserver les anciens biens dans les familles, et celuy qui voudroit faire avan-gage à son heritier aux acquests vendroit ses propres à bon marché afin de rendre moindre l’obligation du remploy, et par ce moyen les heritiers au propre qui sont du nom et de le amille seroient prejudiciez ; la Cause fut appointée au Conseil, et depuis par Arrest du 28. de Février 1637. au Rapport de Mr Huc, il fut dit que le remploy seroit fait sur le prix de la vente seulement,

On avoit jugé le contraire par un Arrest du 22. de Février 1630. et depuis il a été jugé de même par un autre Arrest du 28. d’Avril 1654. au Rapport de Mr Auber, mais apparemment la Cour se fonda sur quelques raisons particulières ; car puis que les acquests ou les meubles n’ont pû être augmentez que du produit de la vente des propres, il n’est pas juste que l’heritier aux meubles et acquests restituë davantage, ce n’est pas luy qui a profité du bon marché que le défunt a fait de ses propres, c’est l’acquereur seul, et il est tres-vray que l’heritier au propre n’a d’action que pour demander à l’heritier aux acquests le prix dont la masse des meubles ou des acquests est accruë : Aussi par Arrest du mois de May de l’année 1644.

I fut jugé que le remploy des propres paternels et maternels alienez par le défunt seroit fait d suivant les prix portez par les Contrats de vente sur ce qui se trouveroit d’acquests, et le surplus sur les meubles que le mary avoit leguez à sa femme, si elle ne vouloit renoncer à son legs et à ce que la Coûtume et son Contrat de mariage luy donnoient, auquel cas elle étoit déchargée du remploy, tant du propre que de la dot, en contribuant à la moitié des dettes mobiliaires, à la réserve des frais funeraux : sa dot étoit consignée par son Contrat de mariage.

Pour le remploy des biens de la femme vendus par le mary, il se doit faire suivant l’Article 125. du Reglement de 1666. et il est au choix de la femme de se contenter du prix de la vente, ou de demander le juste prix de ses héritages. Il est tres-juste de luy donner cetten option ; car son mary n’étant pas le maître de son bien, on doit luy en rendre la juste valeur u temps du decez du mary ; l’heritier au propre n’a pas la même faveur, car celuy qui a vendu étoit le maître de la chose.

Bien que les heritiers aux acquests ne soient tenus qu’au remploy du prix des Contrats de

vente, ils sont neanmoins obligez de les remplacer, quoy que cela excede la valeur des acquests, comme aussi les legataires universels lors qu’ils n’ont point fait d’inventaire, cela a tté jugé plusieurs fois ; Arrest du 12. de Decembre 1614. en la Grand-Chambre, contre Marit de Gras. Autre Arrest au Rapport de Mr de Vigneral, du 22. d’Aoust 1634. Autre Arrestau Rapport de Mr de Galentine, entre Cabeüil et Baudoüin, du 18. de Decembre 1638. ouivant la jurisprudence commune du Parlement de Paris, l’action pour le remploy des propres alienez, même au cas qu’il échet de la prendre sur les immeubles, est neanmoins ensée mobiliaire, et en cette qualité appartient aux heritiers aux meubles, par cette raison que pour juger de la nature de ce qui peut revenir d’une action, l’on ne considère pas sur quelle sorte de bien elle est à prendre, mais seulement ce qui en peut revenir, de sorte que si elle va à évincer des mains de quelqu’un un héritage, elle est censée immobiliaire ; si au contraire l’on demande une somme d’argent, quoy qu’on la pretende sur un immeuble, elle ne laisse pas d’être reputée mobiliaire, jus ad mobile inter mobilia computatur, Loüet etBrodeau , l. R. n. 30Bouguier ,. R. n. 1. LePrêtre , Cent. 2. c. 49. Ricard sur l’Article 232. de la Coûtume de Paris, et Fresne du Fresne, en son journal d’Audiences, l. 6. c. 19. et 20. rapportent un Arrest par lequel il été jugé que les actions pour le remploy des rentes propres remboursées pendant la communauté d’une mere mineure, étant depuis sa majorité dévoluës à son fils son hetitier étoient mobiliaires, et ne retournoient point aux parens du côté et ligne dont les rentes étoient procedées

Mais comme parmy nous le remploy des propres alienez doit toûjours être fait necessairement, non solum jure societatis, sed jure hereditario, et que la fin pour laquelle ce remploy est ordonné, est la conservation du bien dans les familles, cette action est toûjours immobi faire, et appartient aux heritiers aux propres. Aussi cette action ne tend pas à demander la restitution du prix du propre aliené, mais pour avoir un fonds et une pareille substa nce.

Quoy que nous favorisions si fort le remploy des propres, il ne se fait pas neanmoins l’infiny, c’est seulement dans la succession qui est ouverte et qui se partage entre divers heritiers, et l’on ne remplace point les propres alienez par celuy auquel celuy de la succession duquel il s’agit avoit succedé, comme il fut jugé entre M Roque, sieur de Varengeville, Conseiller en la Cour, et le sieur Voisin sur ce fait. Le sieur Voisin étoit heritier de la Demoiselle Voisin sa niéce, femme du sieur de Vanicroq ; le sieur Voisin disoit qu’avant le ma-riage du pere de sa niéce avec la Demoiselle Deshayes, que son pere avoit épousée depuis, y avoit pour huit cens livres de conquests où ladite Deshayes avoit pris part, et que par con sequent elle devoit contribuer au remploy de trois cens livres de propres alienez par son prenier mary ; mais il fut jugé que ce remploy n’étoit point dû vû la confusion qui s’étoit faitt en la personne de ladite Voisin, lors qu’elle étoit devenuë héritière de ses pere et mere, ce qui avoit éteint l’action qu’elle auroit euë contre sa mère, si elle l’avoit exercée avant qu’elle fût devenuë son heritiere, ce qui rendoit l’heritier de cette fille non recevable à pretendre un droit qui ne subsistoit plus.

Enfin il faut remarquer que cette action n’a point lieu en ligne directe, de sorte que si le mary avoit vendu le bien de sa femme, le remploy s’en feroit sur tous ses biens generale. ment ; ainsi jugé au Rapport de Mr de Brinon, au mois de Juillet 1656. entre le sieur de Villarseaux et autres.