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CCCCIX.

Deniers provenans de raquits de rente, de quelle nature, meubles ou immeubles.

Et où les deniers provenans du raquit desdites rentes n’auront été remployez cors du decez, ils ne sont censez meuble, mais immeuble, jusques à la concurrence des propres, qui appartenoient au mary lors dudit mariage.

Cet Article est contraire à la jurisprudence du Parlement de Paris, où suivant le témoignage de M’Bouguier , l. R. n. 1. l’on tient pour une regle tres-véritable, que quoties agitur de jure succedendi, non de jure societatis, étant la chose trouvée en nature de meuble, où n’ayant amais été employée, les successions se devant regler selon la nature mobiliaire ou immobiliaire, qui se rencontre aux choses dont il s’agit étant les successions échués Dette jurisprudence du Parlement de Paris contraire à cet Article, fit naître une contestation entre les heritiers aux propres et ceux des meubles et acquests de fen M de Breteville, Conseiller au grand Conseil, sur laquelle Messieurs du Parlement de Paris fe trouverent partis en opinions.

Mr de Breteville avoit douze cens trente et une livres dix sols de rente, qui luy apparte noient d’ancien propre sur les Gabelles de Normandie ; elles furent supprimées par Declara tions du Roy, des mois de Janvier et Février 1669. et Mr de Breteville mourut le 30. de May de la même année, mais la liquidation du remboursement ne fut faite qu’au mois de

Février 1670. Les heritiers aux meubles et acquests pretendirent que la somme de six mille cinq cens livres à laquelle le remboursement desdits douze cens trente et une livres dix sols de rente avoit été liquidé leur appartenoit comme purement mobiliaire ; ils disoient pour le prouver que cet Article, se devoit expliquer par l’Article 513. de la même Coûtume, et qu’il ne devoit avoir lieu qu’à l’égard des deniers remboursez pour des immeubles appartenans à des mineurs, ou destinez pour le doüaire d’une veuve, à l’égard desquels et de leurs heritiers tels deniers gardans toûjours leur qualité d’immeuble, et non entre majeurs heritiers d’un défunt, qui partagent sa succession en létat qu’elle se trouve ; ainsi c’est assez de justifier que ceux dont il s’agit sont purement mobiliers. Pour cet effet il faut considerer qu’au jour du décez de feu Mr de Breteville, ces rentes ne subsistoient plus par lextinction qui en avoit été faite par la volonté du Roy, au moyen de laquelle extinction il ne restoit plus audit sieur de Breteville que l’esperance, ou si lon veut laction pour recevoir son remboursement ; cette esperance ou cette action, quoy qu’il n’y en ait pas contre le Roy, ne pouvoit être reputée qu’un effet mobilier qui suivoit le domicile, et qui par consequent appartenoit à lheritier des neubles ; et bien que le remboursement n’ait été fait qu’aprés le decez du sieur de Breteville, les rentes ne laissoient pas d’être éteintes dés le moment qu’il a plû au Roy de les supprimers parce que lon n’observe pas la même chose à l’égard du Roy qu’à légard d’un particulier : lors qu’un particulier doit une rente elle subsiste toûjours jusqu’à ce qu’elle soit remboursée, les particuliers n’ayans pas la même puissance que Sa Majesté d’éteindre un droit ou une rente par leur seule volonté, si bien que quand le Roy a prononcé la suppression d’un droit ou d’une rente, cette suppression éteint tellement la rente ou le droit qu’il n’en reste plus de vestige t’on peut dire en cette rencontre qu’il en est de même comme lors qu’un particulier vend son héritage ; car encore que le prix n’en eût point été reçû, et que l’acheteur eût promis seulement de le payer, la vente ne laisse pas d’être parfaite, et le vendeur qui auparavant étoit propriétaire de l’héritage n’a plus qu’une action mobiliaire contre l’acheteur pour le payement du prix : a cela l’on oppose l’Article CCCCIXx. de la Coûtume de Normandie, mais l’application n’en est pas juste, parce qu’il ne s’agit que de l’asseurance du doüaire des femmes, comme on le peut induire des Articles precedens ; et d’ailleurs il faudroit que le rem-poursement de la rente dûst être fait dans la Coûtume de Normandie, parce que quand elle repute les deniers du remboursement des rentes un immeuble, ce n’est que par une disposition particuliere, qui ne peut avoir lieu dans une autre Coûtume dont la disposition ne sera pas semblable : or outre que les parties ne se rencontrent pas toutes dans la Coûtume de Normandie, parce que les heritiers aux meubles suivent le domicile du défunt, les deniers du remboursement de la rente ne se trouvent pas aussi en Normandie, puis que ledit rempoursement est assigné sur le Tresor Royal qui est à Paris, dont la Coûtume ne repute point le rachapr des rentes ny ces sortes de remboursemens pour une chose immeuble, non pas même à l’égard de la femme, il s’ensuit que la Coûtume de Normandie quand même elle seroit indefinie, ne peut pas rendre immeuble ce qui est meuble dans la Coûtume de Paris.

Il ya de plus, quand les deniers du remboursement dont il s’agit se seroient trouvez en Normandie lors du décez du sieur de Breteville, toutefois étant domicilié à Paris le rembourse-ment seroit considéré comme un effet mobilier, sans avoir égard à sa source ; la raison est que la succession est quverte dans une Coûtume en laquelle ces sortes de deniers sont mobiliers, cette disposition a son étenduë dans toutes les autres Coûtumes, dautant que ce que Coûtume du domicile peut rendre mobilier, ne sçauroit être d’une autre nature par les autres Coûtumes, ne pouvant y avoir qu’une seule et unique succession de meubles, et une sorte de meubles sans division.

Les heritiers confirmoient ces raisonnemens par l’autorité des choses jugées ; ils s’aidoient de l’Atrest rapporté parBerault , sur l’Article CCCCCXIV. de la Coûtume, par lequel les deniers provenus de la vente d’un Office fuyent déclarez meubles : De deux Arrests du Parlement de Bretagne rapportez par Frain, Plaidoyer 21. par lequel les deniers en succession collaterale ont été jugez devoir être partagez comme meubles, bien qu’ils fussent procedez d’héritage et de tronc commun : L’autre Arrest, par lequel il a été jugé que les deniers procedans de la vente des biens du pere en la succession du fils étoient meubles ; et de plusieurs Arrests du Parlement de Paris rapportez par MrLoüet , l. D. n. 30 Au contraire l’heritier au propre répondoit que les rentes sur les Gabelles étans propres au feu sieur de Breteville, elles devoient être reglées dans sa succession suivant la Coûtume de Normandie, où elles ont leur situation, et qu’elles ne peuvent appartenir qu’à ses heritiers aux propres, puis que quand le rachapt en auroit été fait audit défunt de son vivant, si les deniers de ce rachapt se trouvoient en essence au jour de sa mort ils seroient reputez propres dans sa succession, comme les rentes mêmes dont ils sont provenus, le rachapt même qui en auroit été fait aux mains du sieur de Breteville n’en auroit point changé la nature de propres, les heritiers aux meubles sont obligez de conyenir de cette vérité, que si lesdites rentes étoient en nature lors du decez du sieur de Breteville ils n’y auroient pû rien pretendre, mais ils disent qu’elles n’étoient plus en nature de rente, à cause que le Roy en avoit ordonné le remboursement, et que cette Ordonnance doit opeter le même effet que si elles avoient été rachetées : Il y a grande différence entre ordonner qu’un rachapt de rente sera fait et faire actuellement le rachapt, la simple volonté de racheter n’est pas reputée pour l’effer, et jusques à ce que le rachapr ait été actuellement fait la rente subsiste et ne change point de nature ; mais supposé que par fautorité du Prince le cours des arrerages eût été arrété, et qu’il ait été converty en interest au denier vingr jusques au 8. de Fevrier 1670. que la liquidation du remboursement a été faite, cette Ordonnance du Roy ne change point la nature des rentes, et la fiction ue veulent faire les Demandeurs en disant que l’intention du Roy de faire le rachapt doit enir lieu de remboursement actuel, est une fiction contraire à la volonté du Roy, qui bien loin de faire passer son Ordonnance de rachapt pour un rachapr actuel, a tellement reconnu que cela ne pouvoit être que Sa Majesté a ordonné le payement des interests qui n’auroient pas été payez si la destination du remboursement eût tenu lieu de remboursement actuel.

Mais l’Article CCCOIx. de la Coûtume de Normandie decide cette question en termes formels, cette sage Coûtume repute les deniers provenus du rachapt d’une rente propre de la même nature que la rente, pour retourner aux mêmes heritiers à qui la rente auroit appartenu si le rachapt n’en étoit pas fait, et l’on ne peut pas dire que cette disposition de la Coûtume de Normandie n’ait lieu qu’à l’égard de la femme pour l’exclure de rien prendre u propre de son mary, ny aux deniers qui en sont provenus, puis que Berault asseure que cela se pratique aussi entr’autres heritiers, de maniere que les deniers provenus de l’acquit des rentes ou de la vente des propres trouvez en essence lors du decez du vendeur seront reputez de la même nature que les choses d’où ils sont provenus ; supposé donc que l’Ordonnance du Roy pour rembourser tienne lieu de remboursement actuel, et que les deniers en soient demeurez entre les mains du Roy depuis le decez du sieur de Breteville, il est constant que les deniers sont de la nature des propres ou des immeubles comme seroient les ren-tes, si le rachapr n’avoit point été ordonné, soit donc que lesdites rentes soient considerées comme rentes existentes et non rachetées, soit qu’elles soient considérées comme rachetées par fiction à cause de l’Ordonnance du remboursement dont les deniers se sont encore trouvez en essence entre les mains du Roy lors du decez du sieur de Breteville, il est imposs ple que les beritiers aux acquests y puissent rien demander. Sur cette question les Juges se trouverent partis en opinions, le 7. de Decembre 1673. en procedant au jugement des autres questions d’entre les Parties dont il a été parlé en l’Article precedent, au Rapport de Mr du Laurens, dont l’avis étoit que les deniers dudit remboursement étoient un propre qui devoient être ajugez aux heritiers au propre.

Si les Juges n’eussent été prevenus de leurs Maximes, cette question ne pouvoit être douteuse en faveur de l’heritier aux propres, les rentes étant assignées sur les Gabelles de Nor-mandie, et par consequent y ayant une situation réelle, le domicile du creancier ne pouvoit faire la regle du droit de succeder à l’égard de ces rentes, comme il ne la faisoit pas à l’égard des autres immeubles ; et lon disputoit en vain si l’Ordonnance de rembourser operoit un remboursement actuel, puis que quand le sieur de Breteville auroit actuellement de son vivant eçû les deniers, néanmoins pourvû qu’ils se trouvassent encore en essence ils ne devoient tre censez meubles : Il est vray que ces deniers-là ne se trouvoient pas en Normandie, et ue par consequent l’on peut dire qu’ils n’étoient pas fous l’empire et sous le pouvoir de la Coûume de cette Province ; on répond que l’assignation du payement sur le Tresor Royal ne faisoit pas sortir la rente de Normandie, et comme cessant l’autorité du Prince on auroit pû demander le remboursement en Normandie, puis que la rente étoit dûë sur les Gabelles de la Province, le fait du Prince ne changeoit point la nature des choses entre les particuliers, de sorte qu’il falloir supposer que ce remboursement se faisoit en Normandie, parce qu’il devoit y être fait ; mais aprés tout, l’on ne pouvoit supposer que le remboursement fût actuellement fait au jour du decez du sieur de Breteville, et l’on ne doit le presumer fait que lors que les deniers ont été actuellement payez et reçûs, ce qui faisoit la décision de la question. gien que cet Article ne parle que des rentes, il s’entend néanmoins aussi des héritages, Berault a dit qu’il n’a été employé qu’à l’égard de la femme, afin que son mary ne la pûst avantager au prejudice des autres heritiers, en gardant les deniers provenus du rachapt de ses entes ; mais il étoit superslu à l’égard de l’heritier aux propres, puis que les propres au défaut d’acquests sont remplacez sur les meubles, de sorte qu’il est indifferent à l’heritier aux propres de ces deniers provenus du rachapt des rentes soient reputez un effet mobilier ou immobilier, puis qu’en toutes manieres ils sont affectez et sujets au remploy des propres ; ce qui peut faire presumer que lors de la Reformation de la Coûtume, il n’étoit pas encore certair si le remploy des propres pouvoit ête pris sur les meubles ; car cela n’étant pas, cet Article étoit fort necessaire pour empescher ses avantages que le mary pouvoit faire à sa femme ; mais maintenant que cette Maxime, que les meubles au défaut d’acquests sont sujets au remploy des propres, est confirmée par tant d’Arrests, cet Article à l’égard de la femme est inutile.

Il ne peut avoir d’usage qu’entre l’heritier aux acquests, la veuve ou les legataires ; car le remploy se faisant premierement sur les acquests, ceux qui succedent à cette nature de biens ont interest de faire valoir cet Article, et que les deniers provenans du rachapt des rentes qui se trouvent encore en essence soient reputez de même nature que les rentes, c’est à dire immeubles, et que par consequent la veuve ou les legataires ne les emportent pas à leur prejudice.

Cependant il semble que l’on n’ait reputé immeubles les deniers provenans du rachapt d’une rente qu’en faveur de l’heritier au propre seulement, et non lors que la contestation arrive entre l’heritier aux acquests, et la veuve ou les legataires, cette question a été décidée en la Grand.-Chambre, où l’affaire avoit été portée sur un partage des Enquêtes l’11. d’Aoust 1665.

Mr Asselin Rapporteur, Mr Bretel Compartiteur, entre Messite Jacques de Harcour, ayant épousé la veuve du sieur de Parfourru, et les heritiers dudit sieur de Parfourru ; le sieur de Parfourru trois jours avant la mort avoit reçû le rachapt d’une rente, une partie des deniers se trouva encore en essence, et pour le reste il avoit pris une obligation ; les deniers furent déclarez meubles au profit de la femme, aprés que le remploy auroit été fait sur les acquests de la même rente, dont elle l’avoit trouvé saisi lors de son mariage : Les termes de cet Article semblent appuyer cet Arrest, ne sont censez immeubles que jusques à sa concurrence des pro-pres qui appartenoient au mary, de sorte que s’il restoit des deniers aprés le remploy fait ils seroient censez meubles ; en effet ils sont un véritable meuble. Or puis que les acquests sont ESPERLUETTEe premier et le plus propre sujet du remploy des propres, il ne faut donner lieu à la fiction et reputer ces deniers immeubles qu’entant qu’il est necessaire pour fournir le remploy des propres.